Accueil Édition Abonné Avril 2018 Peggy Sastre, la femme cette inconnue

Peggy Sastre, la femme cette inconnue

Pourquoi elle fait la une de Causeur


Peggy Sastre, la femme cette inconnue
Peggy Sastre, 2018. © Jean-Philippe Baltel

Il est réputé sexiste de réduire les représentantes du beau sexe à leur apparence physique. Décrire notre cover girl comme un joli brin de femme aux yeux mordorés serait donc du dernier mauvais goût. Mais il en faut beaucoup plus pour choquer cette trentenaire à l’humour dévastateur. Si Peggy Sastre est en une de Causeur, c’est parce qu’elle est libre, drôle et talentueuse. Alors que la plainte semble être devenue l’ultime avatar du combat des femmes, elle donne donc un visage, et des plus avenants, au féminisme joyeux – et victorieux – des enfants des Lumières.

« L’homme est un animal, mais n’est pas seulement un animal. »

Philosophe des sciences rompue à Darwin, Peggy Sastre détonne dans un paysage féministe qui voudrait discréditer toute référence biologisante. Dès sa thèse sur les origines de la morale, fascinée par l’interaction permanente de la nature et de la culture, elle découvre que les sciences naturelles et biologiques restent « l’angle mort » d’un féminisme en guerre contre les « stéréotypes » de genre. Pour autant, Sastre ne confond jamais prédisposition et programmation, gardant toujours à l’esprit le mot de l’éthologue Konrad Lorenz : « L’homme est un animal, mais n’est pas seulement un animal. »

Ainsi, comme elle l’explique longuement dans notre entretien (à lire dans le mag), son approche darwinienne des comportements sexuels ne suggère pas que tous les petits garçons s’habillent en bleu pendant que les filles jouent à la Barbie. La longue histoire de l’évolution nous apprend plutôt, selon elle, que nos organismes se sont adaptés à leur environnement naturel en oscillant entre deux grands pôles : le féminin, prédisposé à la gestation puis à l’éducation des petits ; le masculin, dont la fonction reproductrice peut parfois se résumer à une simple éjaculation.

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Qu’on ne croie pas, cependant, que Sastre apporte de l’eau au moulin conservateur ou réactionnaire. Notre environnement, désormais bienveillant et technologique, ne justifiant plus, évidemment, l’antique partage des tâches, elle rêve d’un futur droit à l’utérus artificiel qui pourrait libérer les femmes de la grossesse, mais aussi d’un nouveau pacte sexuel qui les affranchirait enfin de l’emprise des sentiments. À rebours du cliché de l’amoureuse transie, elle confesse à Marie-Claire que « le mot tendresse l’angoisse », et qu’elle se sent plus à l’aise avec des machines ou des animaux qu’avec ses semblables.

Son dernier essai, Comment l’amour empoisonne les femmes (Anne Carrière, 2018), nous parle d’un temps que les fans de YouPorn peuvent encore connaître. Ainsi y découvre-t-on que la passion qui consume les Emma, Anna et Ariane des grands romans d’amour répond en grande partie à des facteurs biologiques. Sastre espère même qu’un simple shoot chimique soignera bientôt les chagrins d’amour aussi facilement qu’un rhume. On peut trouver effrayante cette perspective hygiéniste et on ne partagera pas forcément son enthousiasme pour les technologies qui, après avoir autorisé le sexe sans reproduction, permettent aujourd’hui de réaliser la reproduction sans sexe. Reste que, dans le paysage déprimant d’un féminisme à la fois policier et pleurnichard, cette pensée tranchante ne laisse pas d’être réjouissante, et pas seulement parce qu’elle fait enrager les cyberféministes en tous genres qui ne la lisent pas ou mal. Se faire mitrailler de tous les côtés, n’est-ce pas le propre de l’intellectuelle ?

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est journaliste.

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