En exhumant quelques propos isolés, d’aucuns accusent la pédiatre Françoise Dolto d’avoir promu l’inceste et la pédophilie au nom de la sexualité infantile. Un contresens au service d’une énième cabale antipsy.
Dolto suppôt de la pédophilie, Dolto inconsciente et irresponsable, psychanalyste délirante… Le dénigrement battant son plein, il convenait de le situer dans le vieux fil des résistances contre la psychanalyse, et le contexte d’aujourd’hui.
L’affaire Matzneff, ouverte par la publication du récit de la directrice des éditions Julliard, Mme Springora, ne serait-elle pas une aubaine pour les plus atteints de ce « Bien incurable » dont parlait Muray, l’occasion pour ceux-là de s’en donner à cœur joie, dans une colère qui se veut tellement innocente ?
Criant haro sur le pervers, une fureur justicière se déchaîne, conjurant « la grande menace d’en trop savoir » (P. Legendre, dans L’Amour du censeur), d’en trop savoir sur soi-même. L’occasion a été saisie, là où on ne l’attendait pas forcément, pour renchérir sur le plus ancien déni de la sexualité infantile : une « sexualité » qui, dans le vocabulaire de la psychanalyse, n’est en rien réductible au visible du sexe, à la génitalité agie. C’est ici le défi : tenter de montrer que c’est bien sur cette sexualité infantile – celle de l’enfant qui demeure en chacun, que Freud décrira comme banalement « polymorphe pervers » – que porte le plus véritable refus de lire, dont aujourd’hui quelques propos de Dolto, retenus contre elle, font les frais.
Ultra permissivité et autoritarisme s’entretiennent mutuellement
Aussi catastrophique ait pu être la permissivité tous azimuts de la période antérieure – un mode de légitimation du fantasme incestueux et parricide qui, irradiant la société, demeure le fin fond de la folle déconstruction des digues du droit civil –, il reste tout aussi fâcheux à mon sens de se réjouir des façons dont, sous des expressions diverses, le culte de l’autorité à nouveau fascine… Mon expérience répétée des cas, au long cours d’un trajet d’éducateur dans les sphères de la protection administrative et judiciaire de l’enfance, m’a permis de saisir combien, en effet, comme le faisait déjà remarquer Legendre au début des années 1980, « dans les deux cas, les dégâts sont pour les enfants, et les deux situations ne sont que l’envers l’une de l’autre ».
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