Le pointage des pédophiles ne garantit pas contre la récidive


Le pointage des pédophiles ne garantit pas contre la récidive

delinquants sexuels jean maillard

Jean de Maillard est vice-président au tribunal de grande instance de Paris, où il est aujourd’hui représentant du syndicat FO-Magistrats. Son dernier livre, La Fabrique du temps nouveau. Entretiens sur la civilisation néolibérale, a été publié en 2011 par les éditions Temps Présent.

Gil Mihaely : Un directeur d’école isérois soupçonné d’actes pédophiles, un professeur de Rennes déjà condamné pour des actes sur mineurs, mais aussi le souvenir du meurtre d’Agnès Marin au collège de Chambon-sur-Lignon, dont l’assassin avait déjà été condamné pour des actes similaires  : toutes ces affaires mettent en évidence le problème du cloisonnement des informations détenues par la justice.  Par mesure de précaution, faudrait-il fermer certains métiers aux pédophiles et fournir à l’éducation nationale la liste des individus déjà condamnés ?   

Jean de Maillard : Un certain nombre de condamnations pour infraction sexuelles et/ou violentes doivent entraîner, automatiquement ou sur décision de la juridiction, une inscription au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais). La circulaire qui précise tout cela est consultable en ligne.

Dans les cas évoqués, les personnes sont donc normalement inscrites sur ce fichier qui peut être consulté par les administrations. Encore faut-il qu’elles le fassent… Il reste à vérifier également que le dispositif (il est vrai compliqué) prévu pour le fonctionnement du Fijais soit opérationnel. La moindre des choses serait que l’éducation nationale ait une cellule dédiée pour consulter régulièrement le Fijais et prendre les dispositions nécessaires à l’égard des membres du corps enseignant qui y sont répertoriés. En tout cas, le ministère des sports, avait pris les dispositions en 2012 pour une consultation automatisée du fichier, ce qui montre que c’est possible (et que certains ministères, apparemment, l’ont fait).

Devrait-on annoncer à la mairie, voire à la population d’une commune qu’un pédophile déjà condamné s’installe sur son territoire, comme cela se fait dans le monde anglo-saxon ?

Il existe déjà, dans le cadre de la règlementation Fijais, une obligation de déclaration d’adresse et de suivi des personnes inscrites. Aller plus loin paraît délicat, car on risque de tomber dans la paranoïa.

D’aucuns estiment que les actes sexuels et d’autres crimes graves ne laissent aucun droit à l’oubli, y compris après que le criminel a purgé sa peine. Considérez-vous certains crimes comme imprescriptibles et irrémissibles ?

La peine est la rétribution payée par le condamné pour une faute. Cela n’empêche pas que la société puisse estimer nécessaire d’exercer une surveillance sur des individus qui, déjà condamnés, présentent une dangerosité sociale particulière. Cela a toujours été admis et il suffit de veiller à la proportionnalité entre la mesure de surveillance et de contrôle (avec les interdictions et obligations qui peuvent aller avec) et le risque présenté. En matière d’infractions sexuelles, il est naïf de croire que l’on puisse « soigner » des traits de personnalité déviants et le sursis avec mise à l’épreuve, tarte à la crème des tribunaux, est une mesure parfaitement illusoire (d’ailleurs, il n’existe aucune formation en la matière des soi-disant soignants). Les perversions ne se soignent pas et il n’est donc nullement illégitime de vouloir assurer un suivi de personnes présentant un risque social durant de longues années, même après l’exécution de leur peine, dans un cadre imposé. Toutefois, une déclaration d’adresse et même un pointage régulier ne garantissent pas contre la récidive.

Par conséquent, quelles solutions nouvelles préconisez-vous ?

Il faut aussi pouvoir interdire certaines activités (par exemple en rapport avec les mineurs), certains lieux (idem, mais aussi des lieux tels que piscines, salles de sport, etc.) et bien entendu s’assurer de leur respect. C’est beaucoup demander, sans doute, en France, où rien de tout cela n’est jamais pris très au sérieux, sauf quand il y a un scandale et le temps que l’émotion publique retombe… jusqu’à la fois suivante.

 *Photo : Pixabay.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Les Verts pour le nucléaire… en Iran!
Article suivant Départementales : les perdants sont aussi Juppé et Bayrou
est historien et directeur de la publication de Causeur.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération