Accueil Politique Pécresse après son meeting: Je n’ai pas le “gène” de l’art oratoire!

Pécresse après son meeting: Je n’ai pas le “gène” de l’art oratoire!

Après sa prestation gênante, personne n’a vraiment compris ce qu’est la “Nouvelle France” que nous promet la candidate LR


Pécresse après son meeting: Je n’ai pas le “gène” de l’art oratoire!
Valérie Pécresse à Paris, 13 février 2022 © Jacques Witt/SIPA

Celle qui s’est présentée devant les militants LR comme une femme “indomptable” n’a pas été capable de dompter le malaise et la gêne qui se sont emparés du Zénith de Paris. Présent dans la salle, Causeur a constaté que Valérie Pécresse, oratrice poussive ne croyant pas à ce qu’elle dit, avait repris pour la première fois l’expression de “grand remplacement” pour ramener au bercail nombre d’électeurs tentés par le vote Zemmour, alors que des cadres fuient vers Macron. Nicolas Sarkozy n’était pas là.


On avait laissé Valérie Pécresse triomphante, en décembre, au lendemain du congrès LR, annoncée comme la seule candidate en mesure de battre Emmanuel Macron au deuxième tour. Deux mois se sont écoulés et le soufflé semble déjà retombé. 

Dans le match à trois que se livrent les candidats de droite, Valérie Pécresse est au coude-à-coude avec ses rivaux Eric Zemmour et Marine Le Pen.  L’hypothèse d’un scenario à la Hamon-Mélenchon 2017 n’est pas nulle : également au coude-à-coude en février 2017 (13% pour le candidat PS, 12% pour le candidat LFI), le plus talentueux des deux avait fini par prendre le large, manquant la qualification au second tour “que” de 600 000 voix, tandis qu’Hamon terminait avec le score de Gaston Defferre en 1969. Imaginer Valérie Pécresse terminer la campagne sur une dynamique à la Benoît Hamon n’est peut-être pas une totale vue de l’esprit. Aussi, pour les caciques de LR, le meeting de dimanche au Zénith de Paris allait être l’occasion de donner un nouveau tournant. Un nouveau tournant, ou peut-être déjà un baroud d’honneur ?

Les cadres tentés par Macron, la base par Zemmour

Au temps béni de la guerre froide et des guerres de décolonisation, une boutade circulait ; on disait que Cuba était le pays le plus dispersé du monde : son armée était en Angola, son gouvernement à Moscou et sa main d’œuvre à Miami. On se demande si Pécresse ne va pas finir la campagne avec la tête du parti partie chez Macron et une base partie chez Zemmour. En haut, les débauchages opérés par la macronie sont quasi-quotidiens : mercredi dernier, c’était le député Eric Woerth ; jeudi, c’était Natacha Bouchart, maire de Calais ; vendredi, c’était Nora Berra, ancienne secrétaire d’État sarkozyste. Vers la droite, l’hémorragie des cadres est pour l’instant mieux maîtrisée. C’est surtout la base qui est séduite par la danse du ventre du candidat “Reconquête”. À la grande époque des alliances RPR-UDF, Charles Pasqua disait : « le RPR amène les électeurs, l’UDF amène les élus » ; aujourd’hui, Macron pique les élus et Zemmour pique les électeurs. Avec une telle dynamique, il était donc grand temps de donner une nouvelle impulsion. Une soixantaine de bus a été affrétée et 6500 supporters ont rempli le Zénith.

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On attendait avec impatience la mue de la candidate. Sans lui demander de devenir Eva Perón à la tribune, il était temps pour la présidente du conseil régional d’Île-de-France de sortir de son image à la fois très « techno » et en même temps très « candidate à la présidence de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public ». Pas question aujourd’hui d’égrener des mesures, il était question de son lien avec les Français, de sa vision de la France. 

Quelques jours avant la grand-messe, Pécresse avait échauffé sa voix et tenté une allusion filée à la saga « Star Wars » : « Il y a La Menace Fantôme. C’est la gauche. Il y a L’Empire Contre-Attaque, c’est Macron. Enfin encore faudrait-il encore que l’empire attaque… Il y a L’Attaque des Clones : Éric Zemmour et Marine Le Pen […] Bon, vous avez compris que moi j’étais Le Retour du Jedi, car je veux faire lever Un Nouvel Espoir ». Pourquoi pas. 

Accusations en islamo-droitisme

Avec Patrick Karam et David Abad en première ligne dans le dispositif Pécresse, les mauvaises langues – parmi lesquelles peut-être les militantes de Nemesis, féministes de droite infiltrées dans la salle qui ont brandi les banderoles « Pécresse islamo-droitarde ? » et « Féministe à la télé. Pro-voile dans les cités » avant d’être expulsées, animant un peu enfin l’après-midi – qui dénoncent les prétendues collisions suspectes de la présidente de région évoqueront peut-être plutôt la revanche des Chiites ! 

Rendez-vous en terre inconnue

Jouant la carte de l’immersion totale, je m’affuble d’un tee-shirt « les jeunes avec Pécresse », ce qui me donne la double impression d’être jeune et d’être avec Pécresse (je vous laisse deviner laquelle est la plus agréable). Le thème était la Nouvelle France.

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Le meeting commence avec des petits messages vidéos des notables et des notoires du parti. À l’applaudimètre, les droitiers Bruno Retailleau,  Laurent Wauquiez et Éric Ciotti (dont l’intervention est a été brillante) raflent la mise. Pas de trace en revanche de Nicolas Sarkozy. Dernier président de droite encore en vie, on dit que celui-ci a du mal à supporter le « melon » de l’actuelle candidate, qui ne passerait « plus sous l’Arc de Triomphe ». On évoque même un possible ralliement à Emmanuel Macron, ce qui symboliquement ferait encore plus mal que les désertions d’Éric Woerth et de la maire de Calais.

C’est l’heure. Valérie Pécresse entre en scène. Puisqu’il n’y aura pas de détails techniques, on ne sait pas comment elle financera les retraites automatiquement supérieures au SMIC et le bonus annuel de 500€ à tous les salariés payés 1400 €. Aujourd’hui, on parle patrie charnelle, et même, pavé de Charolais et verre de rouge. Une jonction gaullo-communiste avec Fabien Roussel est-elle possible ? Surtout, Valérie Pécresse bouscule et ose évoquer le Grand Remplacement. Puis, la voix de la candidate s’éteint et elle bascule dans une longue heure d’introspection : son parcours, ses joies, ses peines, ses coups de chance, les frotteurs rencontrés dans le métro. Pécresse nous a enfin raconté une histoire, son histoire. La petite animation de Nemesis est déjà loin dans les esprits et certains commencent à s’ennuyer. Autour de moi, les rangs se clairsèment. Je n’ai peut-être pas tout de suite pris conscience du désastre : je dois avouer qu’après avoir vu la prestation de Michel Barnier quelques minutes auparavant, celle de Pécresse m’avait paru plutôt bonne.



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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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