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Finkielkraut: pour solde de tout compte

"Accoudé à ce qu’il a vécu, le philosophe sentimental est un conteur. Il donne vie à son discours, le nourrit de chair, de souvenirs, de railleries, de courroux, d’inquiétudes, d’émotions à vif..."


Finkielkraut: pour solde de tout compte
Alain Finkielkraut. © Hannah Assouline

Alain Finkielkraut est un collectionneur de citations, un Pêcheur de perles. Arendt, Kundera, Levinas ou Valéry alimentent sa réflexion et nourrissent son œuvre. Son nouvel ouvrage, exercice d’admiration et de gratitude, est un pied de nez à l’arasement contemporain. Une démonstration de lucidité qui se double d’une élégante preuve d’amour.


Alain Finkielkraut possède une vertu rare : c’est un penseur qui, dans ses livres comme dans les médias, parle dru, clair, carré. Cet amoureux du silence impose sa voix sans se soucier des oreilles bouchées. Une voix très particulière, au ton et au rythme tels qu’à le lire on a l’impression de l’écouter, et qu’à l’écouter on a l’impression de le lire. On entend dans cette voix quelque chose d’oraculaire qui enflamme les approbations ou échauffe les biles. Rien ne le distrait de ses convictions. S’élever au-dessus des marigots expose aux crachats, il n’en a cure. Affaire de carapace acquise par quarante ans de « Répliques » au compteur.

Le voilà maintenant à l’heure du bilan. Dans Pêcheur de perles, dernier-né de ses livres, il se montre soucieux de boucler ses valises « avant le grand saut dans l’éternel nulle part », belle formule qu’on peut rapprocher du cadavre selon Bossuet, ce « je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue ». Le crêpe noir se découpe déjà au revers des vestons. Mais l’encre du testament a bien le temps de sécher. À preuve, règnent dans l’ouvrage une avenante gaieté, un réel bonheur d’exister, l’énergie d’un combat qui se poursuit. Et puis, dans un prologue, tout franc joueur abat ses cartes. Voilà donc Finkielkraut avec son collier de perles, autrement dit de citations magistrales. L’une d’elles rend hommage à Hannah Arendt et, par ce biais, à Walter Benjamin, auteur notamment des Lettres sur la littérature. De la forme épistolaire à l’essai, la distance se franchit d’un saut. Finkielkraut est un essayiste. Vous savez, un de ces pseudo-intellectuels que dédaignent, du haut de leur chaire auguste, certains pontes de l’Alma mater. Essayiste, c’est-à-dire spécialiste de rien, esprit curieux de tout. Sans qu’il s’en réclame, l’aile de Montaigne plane au-dessus de lui. Même démarche contraire à l’édifice d’une thèse ou d’une démonstration au cordeau, même recours à l’expérience sensible, même liberté d’allure qu’exprime ici une plongée vagabonde dans les carnets de phrases


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Février 2024 – Causeur #120

Article extrait du Magazine Causeur




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Universitaire, romancier et essayiste

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