Au moment de l’organisation de la manifestation « pour la VIe République » j’avais eu la curiosité de faire un petit tour sur le site du Parti de gauche pour comprendre sa démarche institutionnelle. Ces colonnes ont accueilli l’expression de ma consternation . Amateurisme et incompétence semblant être les outils utilisés pour la mise en avant du mot d’ordre. Une visite sur le site d’« Economie et politique » revue marxiste d’économie très proche du PCF, pour consulter un article intitulé «Contre l’austérité, luttons pour un autre euro», a provoqué la même surprise accablée. Sauf que cette fois-ci, compte tenu de la personnalité des signataires, et de leur compétence universitaire reconnue, il semble difficile d’invoquer l’amateurisme et l’incompétence. On se rabattra sur la mauvaise foi et l’aveuglement. Si l’on comprend les auteurs, il faudrait « exiger » la mise en place d’un « bon » euro à la place de l’actuel. Les moyens d’y arriver, relèvent, de façon assez habituelle, de l’incantation floue. Mais en fait, la cible de cet article, ce sont ceux qui préconisent de renoncer à la monnaie unique. Et, les armes du débat sont étonnamment le mensonge et la mauvaise foi. Le but étant d’effrayer le chaland, pour venir, de façon incompréhensible, au secours d’un euro chancelant.
« Face à ces blocages, certains agitent l’idée de sortir de l’euro. Cela reviendrait à fuir devant la lutte décisive pour une autre utilisation de celui-ci et de la BCE. » Bigre, ça commence bien, tous ces économistes, banquiers, savants, hommes politiques qui se prononcent ou s’interrogent sur cette voie, ce sont des agitateurs et des couards. Ils apprécieront.
Retenons pour faire court deux extraits particulièrement significatifs.
« Le commerce extérieur de la France, souffre d’un déficit annuel de 60 à 70 milliards d’euros. Le retour au Franc, qui se ferait alors au prix d’une dévaluation de l’ordre de 25 % par rapport à l’euro, entraînerait automatiquement un enchérissement du même ordre du coût de nos importations. »
C’est tout simplement faux. Les auteurs feignent de ne pas savoir que la dévaluation est une forme de protectionnisme. Un certain nombre de produits auparavant importés devenant plus chers, les consommateurs se tourneront vers des produits locaux. Seuls les produits dont nous ne disposons pas (les carburants par exemple) devront donc toujours être importés. Ils représentent 30 % de nos importations. Quel est le but de cette présentation biaisée, sinon de faire peur ?
Autre exemple :
« Notre dette publique a été très internationalisée depuis les années 1980. Aujourd’hui elle est détenue à 60 % par des opérateurs non résidents, banques, sociétés d’assurances, fonds de pension… Le retour au Franc dévalué entraînerait automatiquement un enchérissement de 25 % sur les quelques 1140 milliards d’euros de titres de dette détenus hors de France ». Mais qu’est-ce que c’est que cette énormité ? Les économistes entretiennent parfois des rapports élastiques avec la rigueur juridique, on se trouvera donc obligé de rappeler quelques éléments. Ce sont des contrats de droit français qui régissent l’essentiel de la dette de notre pays (85 %). Ces contrats prévoient qu’elle sera remboursée dans la monnaie ayant cours dans celui-ci. En cas de sortie de l’euro, la dette sera recalculée en francs, et pour les mêmes montants qu’en euros. La nationalité du créancier est absolument sans effet au contraire de ce que nous raconte les éminents camarades.
Le reste de l’article est à l’avenant, inutile de s’encombrer. La question qui se pose est de savoir quel est l’objectif de ce genre de prise de position, qui rend service à un François Hollande soi-disant engagé dans une partie de bras de fer avec l’Allemagne. C’est peut-être le but ? François Hollande pourrait très bien signer ce qui constitue la conclusion de l’article : «La raison la plus importante c’est qu’en sortant de l’euro, on déserterait le terrain de la bataille pour un autre euro et pour une construction solidaire de l’Union européenne, au mépris d’une nouvelle croissance fondée sur le développement des peuples et, notamment, sur l’aide aux pays d’Europe du sud. »
La « section économique » du parti, respectée pour son sérieux et sa rigueur, bénéficiait dans les années 70 d’un grand prestige, bien au-delà de ses frontières naturelles. Il semble qu’il n’en reste plus grand-chose aujourd’hui : on n’y réfléchit et innove guère plus que dans le reste de la maison-mère. Et en plus on se permet d’y diffamer –sans les citer- les collègues hérétiques façon Sapir ou Lordon à grand coups d’arguments barrosocompatibles. Bizarre, bizarre…
Camarades, vous qui avez voté non à Maastricht, non au TCE, qui vous êtes opposés à la création de cette monnaie unique dont l’échec économique politique social est aujourd’hui aveuglant, comment pouvez-vous croire une seconde à la possibilité de faire advenir « un autre euro » ?
Le seul bon euro est un euro mort.
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