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Pays-Bas: gueule de bois pour les sociaux-démocrates

Wilders, le triomphe inattendu


Pays-Bas: gueule de bois pour les sociaux-démocrates
Geert Wilders, chef du Parti de la Liberté, à La Haye, après l'annonce des résultats, le 22 novembre 2023. © Peter Dejong/AP/SIPA

Marine Le Pen a félicité M. Geert Wilders et parlé d’une « performance spectaculaire ».


Amsterdam – La gueule de bois de la gauche néerlandaise, après le triomphe électoral du très droitier Geert Wilders le mercredi 22 novembre, fait penser à celle des progressistes en France quand Jean-Marie Le Pen accéda au second tour des présidentielles.

« Ce résultat signifie que plus d’un million de musulmans néerlandais se sentent désormais menacés ! » a tonné le dirigeant d’un petit parti ethnique. Un libéral de gauche déplorait de son côté « la légitimation de la haine et de l’intolérance ». Ému, le dirigeant socialiste Frans Timmermans a imploré ses électeurs « à tendre la main à ceux qui se demandent s’ils ont encore un avenir dans ce pays ». Et a promis de « défendre la démocratie ».

Bref, la soirée électorale aux Pays-Bas rappela la consternation du 21 avril 2002 en France, quand une gauche éparpillée avait permis à Jean-Marie Le Pen une modeste et éphémère victoire. 

Le Parti Pour la Liberté  (PVV) de M. Geert Wilders a plus que doublé ses sièges parlementaires, de 17 à 37, dans une Chambre basse qui en compte 150. Loin derrière vient la coalition entre socialistes et verts Groen/Links, 25 sièges, et le parti libéral conservateur de Dilan Yesilgöz, 24 sièges, selon les résultats presque complets de ce jeudi matin. Et dire que les sondages, à la veille du scrutin, avaient prévu une course serrée entre les trois…

M. Wilders, frappé d’ostracisme par la gauche et la droite molle, menacé de mort par Al-Qaïda, vivant sous stricte protection policière depuis 2004, se voit déjà Premier ministre. « Je vous tends la main, travaillez avec nous, plus de deux millions de Néerlandais ont voté pour nous, on ne peut pas nous ignorer » a-t-il adressé à des partenaires gouvernementaux pour le moment imaginaires. Et de continuer, encore incrédule quant à ce qui venait de lui arriver : « Le peuple en a marre de ce tsunami de demandeurs d’asile ! Rendez-nous notre pays, les Néerlandais seront de nouveau numéro un chez eux ! »

À entendre le dirigeant socialiste Frans Timmermans, mercredi soir, on dirait qu’il venait de subir une défaite. Pourtant, le résultat de sa coalition est bien meilleur que celui prévu par les sondages. Mais, ce résultat inespéré, résultat d’un vote utile à gauche quand la victoire de M. Wilders se dessinait, n’était pas suffisant pour consoler socialistes et Verts. Leurs mines renfrognées en disaient long hier soir. Si leurs partis avaient gagné, leur pays avait perdu. La gauche a dû boire la calice jusqu’à la lie quand de plus en plus de dirigeants de la droite européenne félicitèrent M. Wilders, comme le Premier ministre hongrois Viktor Orban, l’Italien Matteo Salvini, l’Espagnol Santiago Abascal et Marine Le Pen, qui a parlé d’un « exploit spectaculaire ».

Mme Yesilgöz, du Parti Pour la Liberté et la Démocratie (VVD), a en revanche essuyé un échec. Finis, pour le moment, ses rêves de devenir la première Première ministre du pays où elle était arrivée à l’âge de 7 ans comme enfant de réfugiés turcs. Elle avait jugé bon cependant de faire de l’immigration le thème numéro un de sa campagne électorale afin de draguer les électeurs de son grand rival à droite, M. Wilders.  Mais les électeurs semblent avoir préféré l’original à la copie.  Pendant la campagne electorale, Mme Yesilgöz avait entr’ouvert la porte à M. Wilders en vue d’une coalition. Son parti en a fait les frais.

Surprise toute relative de la soirée électorale: le parti flambant neuf, Nieuw Social Contract (NSC), de l’ex-député chrétien-démocrate Pieter Omtzigt, a obtenu 20 sièges.  La tradition veut que le gagnant des élections tente le premier de former une coalition gouvernementale dont il serait le dirigeant. Pour M. Wilders, ce sera difficile. La gauche l’exclut, le VVD et d’autres partis du centre tergiversent. Il a déjà mis pas mal d’eau dans son programme anti-islam, sera-ce suffisant pour séduire des partenaires? Et comment peut bien travailler un Premier ministre sous protection policière constante, obligé de vivre caché ? Qui ne peut pas mener une campagne électorale normale, vu qu’il est entouré d’une cohorte de gardes du corps dès qu’il met le nez dehors ? Quelle sera la réaction du monde musulman s’il arrive au pouvoir, et celles des « jeunes des quartiers » islamisés des Pays-Bas? 

Questions sans réponse, pour le moment. Les Pays-Bas se trouvent depuis le 22 novembre en eaux politiques turbulentes, et scrutés par le monde extérieur.




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Journaliste hollandais.

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