Déclaré substance psychotrope par la Direction générale de la consommation, le pavot est un aliment incontournable de la gastronomie est-européenne. Au nom du principe de précaution, l’homme n’osera bientôt plus se reproduire.
On a longtemps pensé que le risque faisait partie de la vie, peut-être même qu’il en était le piment. Avec l’invention du principe de précaution, inscrit dans la Constitution en 2005, il est devenu l’ennemi à débusquer partout, de l’atmosphère à notre assiette. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a ainsi émis le 1er mars une mise en garde contre l’abus de graines de pavot.
Le pavot, l’opium des petits peuples
Susceptibles de contenir des teneurs élevées en morphine et codéine, elles peuvent entraîner somnolence, confusion, fatigue, démangeaisons, nausées, vomissements. Bref, elles défoncent. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) n’est pas en reste. C’est qu’un demi-milliard de citoyens européens sont sans doute déjà accros à leur baguette au pavot. Sans parler de ces insouciants rituels, quasi religieux, qui poussent les peuplades d’Europe centrale et les juifs ashkénazes à s’empiffrer, en diverses occasions, de pâtisseries au pavot. Devront-ils bientôt demander une dérogation, comme pour l’abattage rituel ?
Habitués depuis la nuit des temps à un taux anormalement élevé d’alcaloïdes dans leur nourriture festive, les Européens de l’Est ont dû développer une résistance particulière. Peut-être qu’une part de gâteau au pavot qui narcotiserait un Auvergnat restera sans effet sur un enfant polonais qui tète des opioïdes avec le lait de sa mère. Enfin, on n’en sait trop rien. Et c’est bien le problème, car le groupe scientifique missionné par l’EFSA pour évaluer l’apport d’opioïdes à partir de graines de pavot dans les aliments reste très prudent dans ses conclusions. Étant donné le manque de données sur la consommation et sur les niveaux d’alcaloïdes présents dans les aliments, on ignore quelle quantité de pain au pavot causerait une somnolence chez un conducteur de bus scolaire ou un grutier. Seulement, la guerre contre les fromages au lait cru livrée par la Commission européenne montre que nous ne tolérons plus le moindre risque. Nous acceptons même que le droit à la santé soit devenu un devoir de santé, qui s’impose au citoyen respectable. Nous renoncerons au pain au pavot avant que la Commission européenne l’interdise.
Vivre augmente le risque de mourir
Toutefois, nous restons inconscients d’un plus grand danger encore, qui est de faire des enfants. Selon une étude menée par des chercheurs britanniques et citée par The Guardian, les nouveaux parents verraient leur sommeil perturbé jusqu’à six années après la naissance d’un enfant. Or, le manque de sommeil multiplie par quatre le risque d’attraper un rhume et augmente considérablement celui de finir diabétique, obèse ou cardiaque, voire les trois. À cela s’ajoute le coût du manque de sommeil, estimé en France à 100 milliards d’euros, soit plus de 4 % du PIB ! La conclusion s’impose : il faut en finir avec le douteux plaisir de procréer, qui nous expose à des risques multiples et dont les conséquences néfastes dépassent de loin les maigres bénéfices qu’il y a à prolonger notre espèce. Cette mesure radicale protégerait les générations futures du risque d’exister, ce qui n’est pas rien, et prouverait que le « risque zéro » n’est pas seulement un mirage de technocrates ayant abusé de gâteaux au pavot.