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Vous avez dit « Romantisme fasciste »?

On réédite l’étude de Paul Sérant


Vous avez dit « Romantisme fasciste »?
Louis-Ferdinand Céline, début des années 50. SIPA. 00072493_000001

C’est une superbe réédition, préfacée par un texte fouillé d’Olivier Dard, professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-Sorbonne et fin connaisseur des courants politiques de la première moitié du XXe siècle, dont la Jeune Droite ou l’Action Française. Son Maurras paru en 2013 est d’ailleurs un ouvrage de référence, tout comme son Rendez-vous manqué des relèves des années 30, paru en 2002. Le genre d’essai qui permet de penser une période de manière non binaire, loin des mythologies idéologiques. De comprendre cette période, ce que furent les groupes politiques dits de droite radicale et d’appréhender l’évolution de leurs acteurs. À commencer par celle des écrivains entrés dans la Collaboration par engagement fasciste. Tout cela, le livre de Paul Sérant ne permet pas seulement de le comprendre. Il permet de le vivre. L’écrivain a vécu cette époque et a connu une partie des hommes dont il étudie le parcours, à partir de leurs textes politiques — et avant tout de leurs articles parus dans la presse de la Collaboration, dont il donne à lire de larges extraits. Plus qu’un document d’histoire : comme si leur témoignage était retranscrit par Paul Sérant.

Six écrivains dans la Collaboration

D’abord paru en 1959, avec un important retentissement, toujours lu et cité par les historiens des idées, Le romantisme fasciste n’a pas pris une ride. C’est le livre d’un écrivain, d’un styliste même. Le ton est entraînant, difficile d’en lâcher les pages. L’ouvrage est organisé en 10 chapitres : la décadence française, ni droite, ni gauche, nationaux et socialistes, le chef et le parti, la race et la jeunesse, paganisme ou christianisme, la France dans l’Europe, la guerre ou la paix, l’instant décisif, une révolution avortée et au-delà du fascisme. Autrement dit, chacun des grands thèmes qui irriguent les articles politiques des écrivains dont l’œuvre a été lue par Paul Sérant : Lucien Rebatet, auteur après-guerre de l’un des plus beaux romans de la littérature française, Les deux étendards, disponible en collection Blanche chez Gallimard, Céline, Alphonse de Chateaubriant, l’académicien Abel Bonnard, Drieu la Rochelle, alors directeur de la NRF, suicidé après la libération de Paris, et Robert Brasillach, fusillé à la Libération. Ces écrivains ont contribué à la presse de la Collaboration, Je Suis Partout ou Révolution Nationale entre autres. Cependant, Paul Sérant ne présente pas leur portrait, et c’est ce qui fait l’intérêt et l’originalité de cet essai. Leurs écrits, leurs pensées, leurs conceptions traversent les chapitres du Romantisme fasciste, de façon habilement transversale.

Le fascisme à vif

Autrement dit, Sérant tente de comprendre ce que fut le fascisme de ces écrivains, et donc le fascisme d’opinion, celui s’exprimant dans les journaux, en partant des mots des six écrivains choisis. Ce livre est une étude sur la pensée politique de ces hommes qui, avec leurs différences, trouvèrent des points d’accords sur divers sujets, en particulier de politique nationale et internationale. Six figures importantes de la presse de cette époque, tous ayant écrit des propos maintenant considérés comme outranciers — ce qu’ils furent parfois d’ailleurs. C’est justement ce qui fait le sel de cette réédition chez Pierre-Guillaume de Roux, éditeur des « proscrits » si l’on en croit un portrait idiot paru dans Le Monde au printemps 2017 : Sérant plonge son lecteur dans le vif du sujet, dans le vif du fascisme et dans un fascisme à vif, vécu ainsi par ces écrivains.

Esthétique de l’ennemi

Un fascisme entendu comme une esthétique, d’où l’expression de « romantisme fasciste ». Ce furent des hommes qui cherchèrent une poétisation de la vie comme de l’ordre politique et social. Et c’est cela qui est difficile à comprendre aujourd’hui, en une époque où le mot « fascisme » est utilisé à tire-larigot, pour désigner tout et n’importe quoi, ou plutôt tout mode de pensée qui ne serait pas politiquement correctement dit de gauche.

Lire cet essai permettra d’approcher les raisons qui poussèrent ces hommes-là, ces écrivains, ces hommes de pensée, à s’engager sur un chemin que nombre de nos contemporains jugent a priori négativement. Comprendre aussi qu’à force d’utiliser des mots tels que « fascisme » n’importe comment, l’on participe à la confusion contemporaine des esprits.

Paul Sérant, Le romantisme fasciste, préface d’Olivier Dard, Pierre-Guillaume de Roux éditeur, 2017.

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Matthieu Baumier est l'auteur d’essais (<em>L’anti traité d’athéologie,</em> Presses de la Renaissance, 2005 ; <em>La démocratie totalitaire. Penser la modernité post-démocratique,</em> Presses de la Renaissance, 2007 ; <em>Vincent de Paul,</em> Pygmalion-Flammarion, 2008) et de romans (<em>Les apôtres du néant,</em> Flammarion, 2002 ; <em>Le Manuscrit Louise B,</em> Les Belles Lettres, 2005). Il collabore à <em>La Revue des Deux Mondes.</em>

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