Paul Moreira n’aime pas le débat, il aime les procédures. C’est son droit. Alors, quand quelqu’un critique sa lecture très personnelle des Evangiles, il appelle son avocat. Tant mieux pour icelui. Paul Moreira est du genre susceptible, il a été chagriné que Jacques de Guillebon qualifie de « mensonge » ce que j’aurais pour ma part nommé « élucubrations » ou « vieilles lunes » – mais je ne suis pas une spécialiste du sujet. Et il dit qu’un type qui dit un mensonge est un menteur. Ce n’est pas faux. Alors, pardon pour « mensonge ». De fait, on peut être totalement à côté de la plaque sans mentir.
Bon, si j’appelais mon avocat à chaque fois qu’on me rentre dans le chou, dans Causeur ou ailleurs, il me maudirait. Et je passerais ma vie à écrire des droits de réponse. Mais peut-être qu’on ne dit pas souvent du mal de Paul Moreira, heureux homme.
Paul Moreira aurait pu proposer gentiment de répondre à Jacques de Guillebon, argument contre argument, il aurait été le bienvenu. Nous avons créé Causeur pour pouvoir nous empailler entre gens civilisés. Seulement, pour ça il faut être deux.
Elisabeth Lévy
Droit de réponse de M. Paul Moreira
Vous avez mis en ligne, le 22 avril 2015, un article intitulé « Jésus appelant au meurtre ? Ceci est un mensonge » dont l’auteur m’accuse d’être un menteur, sans avoir pris la précaution élémentaire de me contacter au préalable pour me demander mes références et sources. Voici donc les éléments que votre journaliste aurait pu recueillir auprès de moi s’il s’en était donné le mal.
La menace d’égorgement, c’est une parabole dans Luc (chapitre 19, verset 27). Jésus évoque un « homme de haute naissance » sans le nommer qui part chercher l’autorité royale. Après une absence, l’homme revient investi de l’autorité. C’est l’heure de régler ses comptes. Dernière phrase de la parabole : «Quant à mes ennemis, qui n’ont pas voulu que je règne sur eux : amenez-les ici et égorgez-les devant moi».
Je vous recommande la saine lecture de « Questions sur l’Evangile de saint-Luc ». Saint-Augustin vous l’explique : l’homme de haute naissance, c’est Jésus, ceux « qui ne voulaient pas de lui pour roi sont les juifs » (qui ont refusé de se convertir). Et la menace d’égorgement les concerne. Saint Augustin s’est inspiré de cette parabole pour élaborer le concept de « guerre juste » dans le christianisme (car, oui, il est arrivé dans l’histoire que les chrétiens passent au fil de l’épée quelques populations civiles impies…).
L’autre référence vient de Mathieu (23-33 à 23-39). Il s’agit de l’épisode où Jésus s’en prend aux Pharisiens (les prêtres juifs gardiens du Temple) : « Serpents ! Race de vipères ! Le feu du dépotoir, voilà le verdict ! (…) Croyez-en ma parole, tout cela retombera sur cette génération. » Jésus les condamne (« verdict ») à une mort horrible. Une mort terrestre. Sans doute l’une des paroles du Christ qui a pu être le plus interprétée dans le mauvais sens. L’expression – « Race de vipères » – rebondira dans les discours antisémites les plus violents, jusqu’au XXème siècle (je vous épargne un exemple particulièrement douloureux, du côté de Munich, dans les années 20).
On pourrait remplir une bonne page avec d’autres menaces présentes dans le Nouveau Testament. Mais celles-ci relèvent plutôt de la punition divine.
Le Nouveau Testament est de toute évidence un texte qui porte majoritairement la fraternité universelle et une immense volonté de justice entre les hommes. C’est sans doute ce qui explique son appel auprès de millions de gens. Mais si l’on a un regard lucide, il faut reconnaître qu’il regorge de citations qui peuvent être interprétées, et je souligne interprétées, comme des appels à la guerre, à la violence et au martyr. Dans la Bible comme le Coran ce qui est dangereux n’est pas l’écriture mais le lecteur…
*Photo : Pixabay.
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