Le poème du dimanche
La vie de Paul-Jean Toulet (1867-1920) s’est déroulée dans un triangle : Pau, l’île Maurice et Paris où il s’est usé la santé dans les bars de la rive droite, abusant des alcools et de l’opium. Il est un des poètes les plus délicats et les plus scandaleusement sous-estimés de notre histoire littéraire, sans doute parce qu’il est né trop tard pour faire partie du mouvement symboliste apparu après Baudelaire et que le surréalisme qui arrive juste après sa mort, a fait disparaître, sauf Apollinaire, toute une génération de poètes.
On les regroupe, dans les rares anthologies où on les trouve encore, sous le nom de poètes fantaisistes : les trop oubliés Georges Fourest, Tristan Derème ou Francis Carco en font partie. Paul-Jean Toulet a pourtant, lui, inventé une forme poétique, la contrerime, qui fait rimer dans les quatrains le vers de six syllabes avec celui de huit, créant un rythme étrange, celui du déséquilibre discret, de l’incertitude inquiète qui est le rythme même de la mélancolie.
Contrevenant au « Dry January », nous vous invitons à boire avec lui un Jurançon pour mieux rêver…
Un Jurançon 93
Aux couleurs du maïs,
Et ma mie, et l’air du pays :
Que mon coeur était aise.
Ah, les vignes de Jurançon,
Se sont-elles fanées,
Comme ont fait mes belles années,
Et mon bel échanson ?
Dessous les tonnelles fleuries
Ne reviendrez-vous point
A l’heure où Pau blanchit au loin
Par-delà les prairies ?
Paul-Jean Toulet, Contrerimes