Patrick Besson, romancier éclectique, nous offre neuf nouvelles dans son recueil L’indulgence du soleil et de l’automne. On s’amuse et on voyage au fil des pages, de Paris à Cancùn, de Mumbai à Londres, de l’amour de Nietszche au dialogue avec les morts…
On aime beaucoup Patrick Besson. Sans doute parce que ses premiers livres qu’il a publiés à l’époque où d’autres songeaient surtout à passer leur bac ont accompagné une jeunesse et cette envie d’écrire qui ne nous a plus lâché. Le problème, ou le bonheur, c’est que Patrick Besson n’a jamais changé de braquet. Il publie depuis ses dix-sept ans à un rythme simenonien. Alors, forcément, des livres nous échappent. Comme ce recueil de nouvelles paru chez Fayard en 2015 avec un beau titre, L’indulgence du soleil et de l’automne.
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Y-a-t-il des textes mineurs chez Besson ? Je ne sais pas. Même si je suis sûr qu’il y a des textes de circonstances, comme ces pavés où il a recueilli ses articles que l’on trouve aussi chez Fayard et qui sont des leçons de style, malgré tout. Car Besson a du style. On reconnaît Besson dès les premières phrases. On ne va pas refaire le coup de la petite musique, mais il y a de ça, vraiment. Une nouvelle de Besson lue dans un magazine, sa chronique hebdomadaire du Point, quelques pages d’un roman africain comme Mais le fleuve tuera l’homme blanc ou de textes purement autobiographique comme Tour Jade ou Un Etat d’esprit sont immédiatement reconnaissables parce qu’ils rendent les mêmes sons: une ironie qui tantôt affleure et pique, tantôt emporte tout sur son passage, un cynisme qui élève la méchanceté au rang des beaux-arts, un détachement doux-amer qu’il faut prendre garde à ne pas croire sur parole car Besson, s’en voulant d’être triste, a vite fait de transformer son sourire en morsure.
L’indulgence du soleil et de l’automne, en neuf nouvelles, est une jolie démonstration de cet art de la chute propre à Besson. La nouvelle qui donne son titre au recueil a pour narratrice un amour méconnu de Nietzsche. Besson dresse le portrait d’une vierge froide, intelligente, glaciale jusque dans la passion qu’elle porte au grand homme. Elle a, à vrai dire, quelque chose d’un double féminin de Besson par cette lucidité qui lui fait reconnaître le génie où il se trouve sans pour autant tomber dans la niaiserie béate et surtout, une lucidité qui permet à cette femme d’obtenir ce qu’elle veut et que l’on ne découvrira qu’à la dernière ligne. On signalera, au passage, que Besson quand il écrit n’a plus de genre, d’âge, de couleur, d’orientation sexuelle. Il se glisse en voleur dans la peau de n’importe qui. En ces temps néo-puritains, les écrivains qui ont ce talent, se retrouvent vite accusés d’appropriation culturelle, comme on dit. Besson devrait prendre garde: ça devient compliqué de vouloir porter des dreadlocks quand on est un musicien blanc. Chacun chez soi. Bon, en même temps, ce n’est pas à 67 ans que vous vient ce genre d’envies. Encore que, avec Besson, provocateur et manipulateur, il ne faut jurer de rien.
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Tenez, il est beaucoup question de manipulations, à tous les sens du terme d’ailleurs, dans L’indulgence du soleil et de l’automne, que ce soit celle d’une traductrice sikh qui vaut bien mieux que l’écrivain qu’elle traduit, d’une tueuse en série qui s’en prend exclusivement aux garçons prénommés Patrick ou d’un professeur de français expatrié à Cancùn qu’une de ses anciennes élèves amoureuses va amener dans le monde indicible de la mythologie maya. On flirte dans ce recueil avec le fantastique, le noir, le gothique même ou la satire sociale mais il y a toujours, chez les personnages de Besson, une précision lucide. Ça rend l’ensemble encore plus inquiétant.
Inquiétant, voilà peut-être l’adjectif qui conviendrait à Besson. Patrick Besson est inquiétant, parce qu’il est inquiet.
L’indulgence du soleil et de l’automne de Patrick Besson (Fayard), 1€, marché Georges Brassens, Paris 15ème.
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