Le musée d’Orsay dévoile une centaine de pastels issus de sa collection, des chefs-d’œuvre signés Millet, Manet, Redon, Boudin, Degas… À l’heure où la « couleur » est devenue un enjeu pour hystériques, cette exposition est une leçon de nuances et de subtilités.
La grève des éboueurs parisiens et les manifestations contre la réforme des retraites ont mis certaines couleurs en berne et en ont promu d’autres. Aux « espaces verts » urbains, aux « mobilités vertes » et au bariolage « arc-en-ciel » du genre humain est venue se superposer toute une palette de tons sinistres et sales allant du gris-sac poubelle au noir black-bloc, en passant par les repoussants gris jaunâtre, gris verdâtre et autre gris marronnasse que nos vies de consommation quotidienne ont étalés en larges touches putrescentes d’un trottoir à l’autre. La grande résilience des Parisiens en matière de laideur urbaine est à saluer autant qu’à déplorer : parvenue à un degré baudelairien (« les parfums, les couleurs et les sons se répondent »), elle trahit une certaine accoutumance au moche sous des formes inlassablement renouvelées. Après tout, les sanies de nos immondices mal empaquetées gisant sur le bitume valent bien la sculpture d’un sac de couchage jaune pisseux signé Gavin Turk, et l’accoutrement monochrome des black blocksvaut bien la tenue réglementaire de beaucoup d’enfants et d’adolescents, à savoir le sempiternel jogging noir porté à toute heure de la journée sans intention précise de pratiquer quelque sport que ce soit.

Face à ce spectacle urbain désolant, face aussi à cette indigence chromatique que le philosophe allemand Peter Sloterdijk, dans un livre récemment traduit en français (Gris : une théorie politique des couleurs) nomme l’« engrisement » général de nos sociétés occidentales, adeptes du compromis et de « l’omnicouleur incolore de la liberté aliénée », l’exposition « Pastels » au Musée d’Orsay est une
