Notre chroniqueur, invité chez Pascal Praud hier, n’a pas eu le temps de relativiser le pessimisme de l’édito de ce dernier à l’antenne. Il prend la plume.
Pascal Praud, en ouverture de L’heure des pros ce 28 mars sur CNews[1], a prononcé un éditorial très pessimiste, notamment à cause des péripéties scandaleuses qui ont vu, au lycée Maurice-Ravel à Paris (20e), le proviseur partir quelques mois avant sa retraite effective, pour des raisons de sécurité. Il n’avait pourtant fait qu’appliquer la loi à l’encontre de trois lycéennes voilées dont une majeure en BTS, qui avait refusé d’obtempérer[2]. Ce proviseur a été reçu par le Premier ministre à Matignon avec Nicole Belloubet. Cela n’a pas empêché cette dernière de continuer dans son registre émollient, ne faisant allusion qu’au « retrait » du proviseur, euphémisme plus que navrant. Une plainte va être déposée par l’Etat contre la lycéenne majeure qui n’est plus à Ravel, pour dénonciation calomnieuse.
Sombre diagnostic
Pascal Praud, à juste titre, a complété son constat par des références à d’autres violences, à Nice, à Roissy… Il a dénoncé des comportements ministériels, que ce soit celui de Bruno Le Maire ou celui du garde des Sceaux fustigeant les magistrats qui n’avaient fait que dire la vérité sur le narcotrafic à Marseille devant la commission sénatoriale. Sur le plateau, nous avons tous approuvé le sombre diagnostic de Praud sur la situation de la France et l’incurie gouvernementale.
À vrai dire, je n’ai été en contradiction avec lui que sur sa conclusion : tout est fichu, c’est trop tard, il n’y a plus rien à faire. À deux nuances près. Ayant dû quitter l’émission exceptionnellement à dix heures, j’avais envie de les préciser dans un post.
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La première est que la multitude des dysfonctionnements, reculades, lâchetés et faiblesses constituent des épisodes infiniment regrettables, voire traumatisants, mais qu’ils ne peuvent pas être globalisés de telle sorte que notre pays serait lui-même considéré comme profondément gangrené dans ses tréfonds. L’islamisme gagne des batailles mais la France elle-même n’a pas perdu la guerre contre lui. Notre démocratie malmenée, attaquée, n’a pas été vaincue.
Âmes inquiètes
La seconde est que, si on suivait la pente de Pascal Praud qui juge inéluctable la partition de la France entre les privilégiés qui s’en sortiront toujours et les modestes qui souffriront, on acterait d’une certaine manière la déroute de la politique. Si ce tableau était lucide dans toutes ses composantes, au fond le pays n’aurait pas d’autre choix que d’accepter sa disparition.
Je suis persuadé qu’après 2027, rien ne sera fatal. J’ai bien conscience qu’il ne suffit plus dans notre République d’avoir quelques paroles et pratiques libres qui font espérer. Pour l’emporter, nous aurons besoin d’une vision, d’un courage, d’une alliance entre la France du haut audacieuse, vigoureuse et sincère et le peuple rassuré. Il n’y a aucune raison pour que le système actuellement déprimant ne puisse pas un jour être remis dans le bon sens.
Je ne suis pas naïf : des personnalités exceptionnelles devront surgir qui, déterminées à briser impuissances et résignations, feront sortir la République de cette impasse entre ceux qui ne se battent pas assez pour défendre la nation et ceux ne se rendent pas compte qu’ils la détruisent en prétendant la servir. Une autre politique aura toujours ses chances. Ces deux nuances qui me séparent de Pascal Praud feront le départ entre un pays qui abandonne et s’abandonne et une nation qui tient et se redresse.
[1] https://www.cnews.fr/emission/2024-03-28/lheure-des-pros-emission-du-28032024-1475064
[2] https://www.francetvinfo.fr/societe/religion/religion-laicite/demission-du-proviseur-du-lycee-maurice-ravel-a-paris-ce-que-l-on-sait-de-son-altercation-avec-une-eleve-au-sujet-du-voile-et-des-menaces-de-mort-qui-ont-suivi_6450337.html
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