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Pas de divine surprise pour le Hezbollah


Pas de divine surprise pour le Hezbollah

Est-ce parce que le scrutin avait lieu un dimanche ? En tout cas, le 7 juin, le Hezbollah n’a pas bénéficié d’une intervention divine : la majorité sortante, anti-syrienne et pro-occidentale (c’est-à-dire anti-Hezbollah et anti-iranienne), a été reconduite. Compte tenu des efforts déployés par le parti chiite ces dernières années pour s’emparer du pouvoir et notamment sa stratégie coûteuse de résistance contre Israël, il ne s’agit pas d’un « non succès » mais carrément d’un échec.

Pour essayer de comprendre le vote libanais, un petit détour par la presse économique du pays du Cèdre n’est pas inutile. On pouvait y lire ces dernières semaines que durant les quatre premiers mois de 2009, un total de 8 671 nouvelles voitures ont été vendues, soit une hausse de 6,21 % par rapport à la même période en 2008. Et le boom ne s’arrête pas aux bagnoles : les données publiées par les autorités portuaires de Beyrouth indiquent que les revenus du port pour les quatre premiers mois de 2009 ont enregistré une hausse de 34 % par rapport à la même période de 2008. Inutile de rappeler que partout ailleurs dans le monde, la tendance est à l’opposé. Grâce à cette activité accrue, le gouvernement libanais a récemment décidé de relancer de l’expansion du port de Tripoli, le deuxième du pays, gelée depuis deux ans. Bref, trois ans après la guerre avec Israël, l’économie du pays semble avoir retrouvé son dynamisme et une majorité des libanais en ont tiré les conséquences politiques : le vote de dimanche est d’abord un vote pour la stabilité et la prospérité.

La stratégie de résistance du Hezbollah a donc atteint ses limites. La lutte armée contre Israël était un formidable moyen de mobilisation et un alibi parfait pour construire et maintenir une milice dont on pouvait aussi se servir sans états d’âme contre « l’ennemi de l’intérieur », comme l’avait fait le Hezbollah l’année dernière. Cette stratégie a aussi permis au mouvement chiite de forger une alliance avec Damas et Téhéran, aussi bien qu’avec l’opposition palestinienne la plus intransigeante. Enfin, Nassrallah, chef du Hezbollah, a pu, en tirant sur cette corde facile à actionner, galvaniser une partie de l’opinion publique musulmane au Moyen-Orient – ainsi que certaines de nos banlieues.

Pour autant, la guerre de l’été 2006, qui semblait alors marquer l’apogée du mouvement chiite et de son leader, apparaît de plus en plus comme une erreur stratégique majeure. La résistance est peut-être une stratégie efficace d’opposition mais elle pose de sérieux problèmes quand on prétend former une majorité de gouvernement.

Le Hezbollah, mouvement libanais authentique, joue un rôle historique important au Liban, car il a opéré l’ajustement du système politique aux réalités démographiques. Il n’est pas inutile de rappeler que les Libanais votent par communauté et que les Chiites ont droit à 27 des 127 sièges au Parlement, bien que leur poids réel dans la société soit deux voire trois fois plus important. En recrutant parmi l’électorat non chiite, il rétablit en quelque sorte un équilibre politique. Désormais, son véritable défi est de réussir sa transformation en acteur majeur de la politique libanaise, capable de garantir l’intérêt général et de rassurer l’ensemble du corps politique.

Nassrallah a démontré sa capacité de paralyser quelques jours durant le port de Haïfa, principal port israélien, ce qui constitue un énorme succès pour une milice issue de la communauté libanaise la plus pauvre. Ce haut fait d’armes a probablement été une source de fierté pour beaucoup de Libanais appartenant à d’autres communautés. Sauf que dimanche dernier, les électeurs libanais ont dit à Nassrallah que le port de Beyrouth les intéressait plus que celui de Haïfa.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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