Dans « La Fille et le garçon », Jean-Marie Besset partage un nouvel idéal sentimentalo-sexuel. En salles cette semaine.
Dans « La Fille et le garçon », Jean-Marie Besset donne à voir la relation, tumultueuse et amoureuse, entre un couple d’âge mûr qui se rêve tout haut de siècles anciens (elle du XVIIe par la peinture, lui du XVIIIe par l’esprit libertin) et un jeune couple de migrants sans papiers recherchant en France autre chose que la méfiance, la répression et la peur. Combat inégal entre un vieux coq fatigué qui a tout lu et un jeune coq à la fesse dure qui veut bien honorer madame contre rétribution, entre une amatrice d’art aussi éthérée qu’éclairée et une jeune Iranienne qui va à confesse et craint le Bon Dieu. Mais combat vite amorti (trop vite ?) et apaisé dans les méandres du désir qui feront de ce quadrilatère improbable un espace hors du monde où circulent assez vite la tendresse, la passion, et pourquoi pas, l’amour.
Besset, qui revendique quelques influences majeures, de la simplicité délicate d’Éric Rohmer au baroque énervé de Visconti (Pauline à la plage un peu vieillie qui déboule dans Violences et passions, voici donc la gageure !), et qui a souvent travaillé pour le cinéma mais plutôt comme auteur, traducteur ou adaptateur, progresse vite et bien en qualité de metteur en scène. Même si, d’esprit français et d’essence littéraire, son cinéma reste bavard, il n’en fait pas moins confiance à l’image, se méfie de la précipitation et des montages à l’emporte-pièces, et ne réduit jamais l’espace de jeu aux dimensions d’une chambre à coucher.
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C’est d’ailleurs par un grand tableau que s’ouvre cette étrange quête de renaissance et de liberté, le tableau d’un peintre plus ou moins maudit du XVIIe, Michael Sweerts, en tout cas largement oublié jusqu’au XXème siècle, tissant le fil rouge du récit cinématographique. Un peintre de la « carnation » et d’une sexualité au masculin, qui préfère s’attaquer franchement à un groupe de lutteurs plutôt qu’à une énième Diane au bain ou qu’à Judith et son grand couteau. Largement de quoi, pour notre héroïne bourgeoise incarnée par la toujours délicate et décalée Arielle Dombasle, caresser du regard la transparence des peaux, les pleins et les déliés de musculatures au travail. Avec son mari, qu’elle voussoie avec une sorte de snobisme aristocratique, voilà donc une paire qui passe tous sentiments ou sensations nouvelles au prisme des représentations et de la littérature (Sade et Diderot tiennent la corde, semble-t-il, et la lecture à voix haute par la « relative » ingénue du groupe d’un extrait troublant de La Religieuse donnera lieu à une très belle scène), une paire qui sait à peu près tout justifier par le savoir, l’intelligence et le raisonnement.
Ils tentent d’absorber, de dévorer peut-être la jeunesse de ce couple venu d’ailleurs et dont les besoins sont eux avant tout des besoins primaires (« C’est dimanche, j’ai faim et je n’ai rien à manger, j’ai envie de chier et je n’ai rien à chier » crie le garçon à la fille qui a préféré aller à la messe plutôt que faire des courses !). Mais pour mieux les aimer finalement et il s’agit bien dans l’intention d’abandonner la piste socio-politique façon « érotisme et lutte des classes » au profit de la construction généreuse d’une belle utopie fondée sur l’échange et la confiance. Utopie qui s’exprime idéalement en bout de course par un très beau plan de cinéma.
La Fille et le garçon, film français de Jean-Marie Besset avec Arielle Dombasle, Aurélien Recoing, Mina Kavani et Louka Meliava. En salles le 21 juin.
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