Le second tour du congrès PS verra s’affronter jeudi Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol. Le premier, accusé d’avoir renié le socialisme en se soumettant à LFI, est sérieusement inquiété par le maire de Rouen.
Il était une fois un parti qui avait structuré la vie politique française, un parti qui avait donné deux présidents à la Vème République. Le PS, du congrès d’Epinay en 71 à la renonciation de Hollande en 2016, était la force dominante à gauche. L’inspiration en était clairement sociale-démocrate, à l’époque où le mot voulait dire quelque chose, c’est-à-dire social-démocrate comme on l’entendait en Suède jusqu’à une date récente : un État-providence fort qui voulait assurer un niveau de protection sociale élevé et le partage le plus équitable possible des richesses.
Et ce, sans nécessairement remettre en question l’économie de marché mais en voulant éviter que la France, pour reprendre les mots de Jospin vainqueur des législatives en 1997, ne devienne « une société de marché ». La différence ? un certain nombre de biens communs ne pouvaient pas, ne devaient pas être soumis à une logique de profit et de rentabilité : l’éducation, la santé, les transports, l’énergie, la petite enfance, les personnes âgées… Une société où tout ne deviendrait pas marchandise.
Ça, c’était sur le papier.
La lente catastrophe, pour le PS, a commencé en 1983, quand Delors, qui n’était pas socialiste, a gagné contre Chevènement, qui bientôt ne le serait plus. Pendant les deux premières années du premier septennat Mitterrand pourtant, les nationalisations, la retraite à 60 ans, les nouveaux droits accordés au travailleur au sein de l’entreprise, la semaine de tente-neuf heures, l’abolition de la peine de mort et des juridictions d’exception, tout avait montré ce à quoi aspirait le socialisme à la française.
Le socialisme dure deux ans
On n’aime, on n’aime pas, mais au moins, c’était clair comme ce fut clair sur la période 97-99 de Jospin Premier ministre, avec les 35 heures, les emplois jeunes, la CMU. Seulement voilà, le PS au pouvoir, ça dure deux ans, moins que l’amour chez Beigbeder. Et chez Hollande en 2012, ça n’a pas duré du tout: d’emblée, l’ectoplasme s’est clairement positionné pour une politique blairiste, pro-business, privilégiant une politique de l’offre. Pas étonnant, d’ailleurs, que Macron le libéral soit né dans le giron du « président normal » qui a été jusqu’à faire voter, avant de partir, une loi Travail qui a fait pousser des soupirs orgasmiques au MEDEF.
En fait, ce qui a bien failli tuer le PS, c’est le macronisme. Le problème, c’est que le macronisme n’existe pas. Le macronisme n’est jamais que le nouveau nom de la droite centriste libérale et pro-européenne. Depuis 2017, le PS accroché à ses baronnies locales a vu ses électeurs partir chez les Insoumis ou chez Macron. Regardez cette gauche macroniste, d’Elisabeth Borne à Dussopt, pourtant élu sous l’étiquette PS en 2017. Ce sont eux qui sont à la manœuvre dans la contre-réforme actuelle des retraites. Bref, la gauche macroniste, c’est plus à droite que le Modem…
Pourtant, l’affaiblissement d’un appareil, l’hémorragie militante, ne signifient pas la disparition de ce corpus idéologique qui était celui du PS des origines. C’est en tout cas le pari d’Olivier Faure, actuel premier secrétaire, menacé de manière inattendue par le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol. Olivier Faure croit que le score d’Hidalgo aux présidentielles ne signe pas la mort du PS, qu’il existe toujours un électorat potentiel qui se définit comme de gauche mais ne se reconnaît ni dans les outrances insoumises ni dans le social-libéralisme des derniers fidèles du calamiteux Hollande.
D’ailleurs, la candidate au poste de premier secrétaire, Hélène Geoffroy, maire de Vaux-en-Velin, se réclamant explicitement de Hollande, Le Fol, Cazeneuve, a été éliminée dès le premier tour. On avait déjà vu, d’ailleurs, que la plupart des candidats socialistes hors Nupes présenté lors des législatives de 2022, (par exemple les poulains de Carole Delga en Nouvelle Aquitaine) ont été sèchement battus lors de ces primaires sauvages.
Un duel Faure / Mayer-Rossignol
Nicolas Mayer-Rossignol, lui, la joue plus subtile. Il croit aussi à l’existence de cet électorat orphelin. Des gens qui ont enfin compris que Macron n’ a pas de jambe gauche, des gens qui ont voté par défaut pour Mélenchon en 2022. Mais il pense que pour redonner sa place de première force à gauche au PS, il faut sortir de la Nupes. Faure pense le contraire. Les turbulences chez les Insoumis, qui ressemblent plus à une implosion lente qu’à une crise de croissance, lui donneraient a priori raison. Le PS peut apparaître comme un recours pour l’électeur de gauche.
Ceux qui prédisent une explosion de PS, si Faure gagne, en seront pour leur frais. Il y aura encore quelques départs chez Macron, mais guère plus. Le PS, enfin débarrassé des débris du hollandisme, apparaitra comme la seule force historique de la gauche qui, malgré ses trahisons, ses renoncements, a tout de même concrètement réussi à changer la vie des gens, là où Mélenchon semble condamné, comme Marine Le Pen, à jouer un éternel rôle tribunicien.
Bien sûr, cela va être plus compliqué si c’est le maire de Rouen qui gagne. Il a de grands risques que le PS devienne, à l’instar des radicaux de gauche, mais aussi d’une certaine manière de LR, une force d’appoint tenue par un syndicat d’élus.
Autant dire que ce qui va se jouer dans le vote serré de 40 000 adhérents socialistes, c’est aussi l’avenir de la gauche toute entière et sa chance de revenir aux affaires, dans un avenir proche…