Comme si ce blizzard vachard ne suffisait pas au malheur des Parisiens (qu’on ne compte pas sur moi pour parler de Franciliens), il leur a fallu endurer dès ce matin la tempête médiatique qui s’est abattue sur le pays suite aux déclarations de Brice Hortefeux.
Pour ceux qui seraient coupés du monde suite aux intempéries, rappelons que le ministre de l’intérieur a eu hier en début d’aprèm, l’excellente mauvaise idée d’expliquer, lors d’une conférence de presse à Beauvau qu’ « il n’y a pas de pagaille ».
A la suite de quoi, tout ce que Paris compte de journalistes à conscience a ouvert la chasse au ministre pris en flagrant délit de portnawak et de bis repetita du petit bijou de son ex-collègue Borloo sur la non-pénurie d’essence. En France, faut faire gaffe quand on parle bagnole.
Car de la pagaille, il y en eut, et de fait, il y en avait déjà beaucoup à l’heure où le ministre de l’Intérieur rassurait les populations saisies d’un fautif « sentiment d’enneigement ». A l’heure où des milliers d’automobilistes étaient déjà naufragés sur la N118, l’A86 et autres artères vitales de lointaine banlieue.
Le ministre de l’Intérieur est-il l’homme le plus mal informé de France? Ou, comme je le suppute, a-t-il voulu éviter le début d’un commencement d’autocritique parce que les alertes rouges de Météo France, lancées la veille au soir, n’avaient pas été suivies des mesures d’urgences qui s’imposaient en matière de salage, de déploiement policier, d’arrêt préventif de la circulation des poids lourds, voire d’interdiction totale ou partielle du trafic routier?
On sait déjà qu’à Paris la moindre averse un peu soutenue provoque des embouteillages monstres sur le périph. Entre nous, il n’y avait même pas besoin d’experts pour savoir que cette chute de neige ininterrompue allait provoquer le bouchon de l’année. Il suffisait à Brice de mettre le nez à sa fenêtre. Comme -de mémoire- le chantait déjà il y a 45 ans Bob Dylan dans Subterranean Homesick Blues: You don’t need a weatherman to know which way the wind blows[1. Pas besoin de météorologue pour savoir dans quelle direction le vent souffle].
Mais dans ce bas monde postmoderne, autocritique vaut harakiri. A décharge du ministre, s’il avait tenu le langage du bon sens, s’il avait dit aux journalistes un truc franco du genre « On est dans la mouise, c’est la pagaille, on n’ a peut être pas été à la hauteur jusque là, mais on va faire l’impossible pour limiter les dégâts », politiques et médiatiques l’auraient fusillé pareil, voire pire. N’avouez jamais, on a réclamé des têtes pour moins que ça.
En vertu de quoi, voilà Hortefeux obligé de faire un plan com’ d’urgence ce matin, et de dérouler comme si de rien n’était les avertissements basiques qu’il avait un peu négligés la veille: c’est sans doute ce qu’il faudra appeler désormais le principe de postcaution.
N’empêche, on voit bien avec cette affaire les limites intellectuelles du volontarisme qui tient lieu d’épine dorsale au credo sarkozyste: par temps contraire, à force de vouloir aller chercher des signes d’amélioration avec les dents, il se transforme en méthode Coué, et manque de bol, ça se voit.
Tout va très bien, madame la banquise…
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