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Paris–Damas: deux visages de la défaite

Est-on certain que les Syriens attendent nos conseils en matière de « démocratie » ? raille notre chroniqueur


Paris–Damas: deux visages de la défaite
Abou Mohammed al-Joulani, Damas, Syrie, 8 décembre 2024 © Omar Albam/AP/SIPA

L’effondrement du régime de Bachar al-Assad, sous la pression d’islamistes se présentant comme nationalistes, serait une « opportunité » historique pour le peuple syrien et la région, tentent de nous convaincre nombre de politiques et d’éditocrates. Le réveil sera terrible, prévient notre chroniqueur.


Lénine ou Staline disait que la guerre est un accélérateur de l’histoire. Oui, sauf à Paris où les milieux culturels et médiatiques sont immobiles dans l’aveuglement et l’arrogance, guerre après guerre.

Damas est tombée et ils se sont réjouis. X a été leur salon ou plutôt leur Galerie des Glaces où ils ont exposé leur vertu comme certaines femmes vérifient la courbe de leurs fessiers devant une baie vitrée à la sortie de la salle de sport. Les mêmes qui vous mettent en garde contre le danger du RN sautent de joie à la nouvelle de l’entrée d’Al-Qaeda à Damas. Les mêmes qui se disent capables de prédire au dixième de degré près la température terrestre en 2050 ne sont même pas capables de reconnaître un djihadiste avec barbe et AK47. Pire, le président de la République à l’époque du Bataclan vous dit par communiqué interposé que les déclarations du principal dirigeant des rebelles sont encourageantes. C’est drôle, les socialistes croient au repentir du premier émir islamiste venu et refusent de toutes leurs forces de croire à l’adhésion de Marine Le Pen aux valeurs républicaines. Je comprends mieux pourquoi l’attentat du Bataclan a eu lieu : peut-être que les autorités de l’époque ont lu des signaux encourageants dans les rapports de la DGSE… Ou peut-être que celle-ci, elle-même contaminée par l’esprit parisien, a convaincu le président de la République que les islamistes de Syrie étaient sur le point de devenir inclusifs…

Quelle immense blague ! 

Ces milieux qui se disent « élites » croient qu’ils sont ouverts sur le monde. En réalité, ils sont isolés du monde, ils n’y comprennent rien. Autrement, ils comprendraient ce qui se passe au coin de la rue, à Marseille ou à Saint-Denis, notre Moyen-Orient de proximité.  Ils sont ouverts sur leur névrose, ça c’est sûr. Ils sont ouverts sur leur obsession qui consiste à avoir tort, tout le temps et ensemble.  

Pourtant, ce qui vient de se passer en Syrie est une calamité pour la France. 

A lire aussi, Gil Mihaely: Syrie: la chute d’Assad et l’émergence d’un nouveau désordre

Tout l’édifice politique légué par la présence franco-britannique au Moyen-Orient tombe à terre. L’Irak a été démantelé par les Américains, et maintenant la Syrie se disperse dans les sables du désert. Demain, elle se résumera à quatre ou cinq grandes régions politico-administratives retranchées derrière leurs milices et leurs identités (le réduit alaouite, le refuge kurde, le califat sunnite etc.). Il ne reste plus que le Liban pour que toute trace du passage de la France dans la région soit effacée. Ainsi, nous aurons perdu nos relais naturels au Moyen-Orient qui sont les Chrétiens, épurés ethniquement depuis vingt ans, et les bourgeoisies sunnites progressistes, obligées de s’exiler ou bien de faire une place aux sauvages en Toyota que nous appelons « rebelles modérés ». Ces derniers ont faim, ils vont s’emparer des entreprises qui les intéressent ou s’y imposer comme associés.

Pendant que la France recule en poussant des youyous de joie, la Turquie, elle, avance. C’est une puissance impérialiste. Elle peut se le permettre car elle n’a pas Clémentine Autain ni Marine Tondelier pour lui en tenir rigueur. Puissance néocoloniale, la Turquie occupe des portions du territoire syrien et parraine Joulani dans son aventure politique. Elle rêve d’envoyer aux oubliettes de l’histoire les traités imposés par la France et l’Angleterre il y a cent ans et qui ont abouti à son expulsion de l’Irak et de la Syrie actuelle (Traité de Sèvres, 1920 ; Traité de Lausanne, 1923). Elle se considère chez elle de Mossoul à Alep et a pour la première fois l’occasion de revendiquer ses « titres de propriété ».

De cela, les bien-pensants ne se doutent point. À leurs yeux, le monde a commencé en 1939 lorsqu’un certain Hitler a sifflé le début de l’histoire universelle en posant la culpabilité fondatrice de l’homme blanc hétérosexuel. Ne leur parlez pas de nationalisme turc, le patriarcat oriental ne les émeut pas, ils veulent transformer en eunuques nos hommes à nous seulement… Les femmes des autres ont le droit d’avoir des maris, nos femmes à nous en seront privées : il n’y a rien à comprendre, il s’agit d’une religion et une religion ça se respecte, à part le catholicisme bien sûr…

Autre calamité pour la France, l’immigration à venir. Des milliers de chances pour la France vont débarquer. Certains sont des chances véritables, d’autres d’authentiques mauvaises nouvelles à tout point de vue. C’est comme ça, il paraît : on ne peut rien contre l’immigration mais on peut tout contre le changement climatique… La foi ne se discute pas. Même Joulani vous le dira.

Cela dit et pour conclure sur une note « positive », il convient de tirer un autre enseignement essentiel de la chute du régime al-Assad : la force a toujours raison. L’homme qui porte un fusil a toujours le dernier mot. Et quand l’alternance est impossible — c’était le cas en Syrie — il ne reste plus aux hommes qui aspirent à gouverner leurs semblables que le chemin de la violence. Bien sûr, cette leçon ne vaut pas pour nous. Nous vivons en démocratie, cher Monsieur ! Le peuple s’exprime à chaque élection et il fait barrage comme un seul homme contre lui-même. Chez nous, le parti arrivé en premier aux élections n’a aucune chance de gouverner ni même de commander une commission à l’Assemblée. Mais nous sommes une démocratie et nous entendons bien donner rapidement des leçons de démocratie aux Syriens !

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Ecrivain et diplômé en sciences politiques, il vient de publier "De la diversité au séparatisme", un ebook consacré à la société française et disponible sur son site web: www.drissghali.com/ebook. Ses titres précédents sont: "Mon père, le Maroc et moi" et "David Galula et la théorie de la contre-insurrection".

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