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Paris, c’est fini

Le billet du vaurien


Paris, c’est fini
Hervé Villard en 1979 © ROCHE/TF1/SIPA Numéro de reportage: TF135001647_000005

Le billet du vaurien


Après le suicide de Rachel à vingt ans, je ne pouvais pas entendre le tube d’Hervé Vilard : « Capri, c’est fini » sans avoir des crises de larmes. C’était l’époque de «  Salut les Copains » et d’Hubert sur Europe 1. Hubert aussi est mort dans l’indifférence générale, il y a quelques mois. J’en parlais à Hervé Vilard lors de ma dernière soirée parisienne organisée par Simon Colin. Il y avait là, entre autres, Basile de Koch, Morgan Sportès et un essaim de jeunes filles que je contemplais en songeant que je ne les reverrai plus. 

Quelques heures plus tard, je prendrais le TGV Lyria qui me conduirait dans le pays de mon enfance. Qui sait si je reviendrais jamais à Paris ? Hervé Vilard m’avait confié qu’aujourd’hui il chanterait : « Paris, c’est fini ». Était-ce uniquement la faute d’un virus et d’une gestion sanitaire abracadabrantesque ? Ou était-ce le temps qui imperceptiblement nous avait rendu étrangers à ce «  nouveau monde » que célébrait un président qui aurait pu être mon fils ? À l’exception de mon ami Comte-Sponville, les commentaires que j’entendais sur les chaînes d’info me semblaient aussi déconnectés du réel que les décisions gouvernementales. 

Les années Yushi

Ne me restait-il plus qu’à me réfugier dans mes souvenirs ? Qu’avais-je encore à faire à Paris : presque tous mes amis, quand ils n’étaient pas morts ou impotents, avaient déserté cette ville qui avait été parée de tous les prestiges durant ses années glorieuses et qui n’était plus qu’un coupe-gorge ? 

Oui, Paris, c’était bien fini, même si je ne parvenais pas à m’y résoudre. Rachel était morte. Je n’entendrai plus jamais « Salut les Copains » : les années Yushi, du nom de ma cantine japonaise, s’achevaient. J’ai en horreur ces « cellules psychologiques » qui sont mises en place à la suite d’une catastrophe pour vous aider à faire «  le travail de deuil ». Je préfère l’affronter seul. Et pourtant quand je pense au Paris que j’ai aimé, je retiens mes larmes. Et je me demande : qu’a-t-il bien pu se passer pour que la ville la plus proche du Paradis devienne un agglomérat de misères, tant intellectuelles que sociales ?

Pour ne pas me laisser envahir par la mélancolie, j’écoute parfois sur YouTube les sketches de Karim Duval – celui sur Covidisme comme nouvelle religion est à ne rater sous aucun prétexte – ou l’émission belge de Simon Monceau : « Ça va se savoir », tellement glauque qu’elle vous réconcilierait presque avec l’existence. Je regarde également les matches de foot d’équipes helvétiques que je suivais avec mon père dans mon enfance. Les Young-Boys de Berne qui ont écrasé Tirana sont particulièrement bons. Mais je ne suis plus un young boy : just an old boy qui macère dans sa solitude et dans sa nostalgie d’un Paris qui n’existe plus.

La suite demain



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