En 1945, la France avait une dette de 145% du PIB. En 1960, cette dette n’était plus que de 40% du PIB. En 1967, Michel Debré, alors ministre des Finances, s’enorgueillit d’avoir remboursé le dernier franc de la dette française. Comment cet effort sans précédent fut-il possible ?
Réponse : par une politique de croissance soutenue par de grands programmes industriels et infrastructurels, par la possibilité accordée à la Banque de France de faire des avances aux trésor (au prix d’un peu d’inflation) et par plusieurs dévaluations du franc. Notons que cette réduction de la dette ne s’est pas réalisée par la réduction des prestations sociales mais au contraire par leur généralisation (la Sécurité sociale date de 1945).
Qu’en est-il aujourd’hui ? On le sait, la dette française s’élève à 85% du PIB, soit presque la moitié du taux d’endettement de 1945. Logiquement, on se dit qu’en appliquant le programme de l’après-guerre, on devrait rembourser la totalité de la dette en moins de dix ans. Pourtant, aucune politique de croissance n’est aujourd’hui à l’horizon. Et pour cause : l’Europe et la France n’ont ni politique industrielle ni politique d’aménagement du territoire.
Dans le même temps, la Banque centrale européenne n’a pas le droit d’avancer des fonds aux Etats. Au contraire, elle prête aux banques privées qui financent les Etats moyennant une marge conséquente sur les taux. La Banque de France ne possède pas non plus ce pouvoir, d’ailleurs elle n’existe plus que sur le papier.
La monnaie étant unique, la France ne peut la dévaluer pour rétablir sa compétitivité face à l’Allemagne. La politique de l’euro fort maintiendra en outre une parité insoutenable par rapport au dollar. Au rythme où vont les choses, on ne sera pas en situation d’inflation mesurée (qui permet de réduire l’effet de la dette) mais de déflation, une calamité déjà vécue Outre-Rhin.
Sous l’impulsion de l’Allemagne, le gouvernement entérine ainsi une politique diamétralement opposée à celle qui permit à la France de rembourser sa dette entre 1945 et 1967. Nicolas Sarkozy et ses ministres appliquent un programme économique qui ressemble à s’y méprendre à la politique menée par la France et l’Angleterre à partir de 1930 pour remédier aux conséquences de la crise financière de 1929. Avec la suite que l’on connaît. La rigueur réduira les prestations sociales des Français, entraînera la hausse des prélèvements sociaux et créera un climat de profonde affliction peu propice au développement économique.
Le plan européen s’accompagnera d’une restriction démocratique sans précédent puisque les arbitrages budgétaires seront délégués au « cloud » : une nébuleuse composée de technocrates européens, de chefs de gouvernements autodésignés dans leur prérogatives de direction de l’Europe, de juges suprêmes insaisissables, etc. Les parlements nationaux et le Parlement européen ne seront bien évidemment pas parties prenantes de ce « cloud government ».
Et pour la première fois, le contrôle démocratique du budget échappera même à toute souveraineté, qu’elle soit nationale ou européenne…
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