Accueil Société « Parent 1, parent 2 »: quand un « fantasme » homophobe devient une revendication LGBT

« Parent 1, parent 2 »: quand un « fantasme » homophobe devient une revendication LGBT

Le formulaire de recensement de l'INSEE est-il hétéronormé?


« Parent 1, parent 2 »: quand un « fantasme » homophobe devient une revendication LGBT
Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentales, dénonce "l'hétéronormativité" du formulaire sur le recensement 2019 de l'Insee. / Capture d'écran Youtube Têtu

La rubrique « A » du formulaire de l’INSEE, dans le cadre de la campagne de recensement, a suscité une certaine indignation pour cause d’hétéronormativité: les cases administratives mentionnant père et mère, des militants LGBT en appellent aux cases parent 1 et parent 2 pour répondre à la réalité des familles d’aujourd’hui. Gag : le phénomène était déjà annoncé en 2012, sauf qu’à l’époque il était qualifié… de fantasme homophobe.


« Inscrivez les personnes qui vivent dans ce logement la plus grande partie de l’année […] Pour les couples homoparentaux, un parent se déclare père et l’autre mère, quel que soit leur sexe. »

« Père » et « mère », des termes « insupportables »

Alexandre Urwizcz, président de l’Association des familles homoparentales (ADFH), interviewé par Têtu, juge le procédé du questionnaire de l’INSEE pour le recensement 2019 « insupportable » et « stigmatisant ». Dans une petite vidéo, il explique son désaccord fondamental d’avec la représentativité familiale hétérosexuelle que l’INSEE (entre autres) rend normative via les cases « père » et « mère » d’un formulaire. Le modèle père/mère étant caduc, et cela depuis le « Mariage pour tous » (2013), voire le Pacs (1999).

Le média militant Komitid, relayant l’information, se demande pourquoi ne pas remplacer « père » et « mère » par « parent 1 » et « parent 2 ». L’INSEE, sollicité sur Twitter par les internautes indignés, a répondu que « les termes ‘parent 1 – parent 2’ étaient encore trop peu usités et connus de l’ensemble de la population pour pouvoir être employés pour le recensement ».

L’Express, Le Parisien, CNews, Valeurs Actuelles, le Huffington Post ou encore RTL ont également relayé l’information, estimant que la querelle disait quelque chose d’intéressant sur l’esprit du temps. Avec raison, d’ailleurs. Mais l’esprit du temps est fort facétieux. Car, si en 2019 appeler à désigner les membres d’un couple comme « parent 1 » et « parent 2 » consiste à lutter contre l’homophobie en cassant la vieille norme père-mère, au contraire il s’agissait d’un fantasme homophobe caractérisé pas plus tard qu’en 2012 ou 2013 – c’est-à-dire hier.

Le « fantasme total » d’une droite « qui part en live »

Le 12 novembre 2012, en pleine agitation sociétale, Jean-François Copé se faisait l’écho d’inquiétudes et déclarait sur RTL : « Le gouvernement est en train de rayer du Code civil le terme de père et de mère pour le remplacer par parent A et parent B. » Le 27 novembre 2012, Libération y voyait l’argumentaire d’une « droite qui part en live » et qualifiait ces propos d’intox : « Des parents A et B (ou 1 et 2) en lieu et place de père et mère ? L’image a le mérite d’être frappante. Mais elle a l’inconvénient de ne reposer sur aucune réalité. Il n’y a nulle trace de ces termes dans le texte du projet de loi. On les retrouve en revanche très tôt dans les argumentaires des associations familiales et des réseaux catholiques les plus farouchement au projet. […] Reprise par une partie de la droite, la formule est désormais devenue le pivot de ces argumentaires politiques. Les opposants au texte défendent un certain modèle familial. Et pour cela, ils n’hésitent pas à imaginer et mettre en scène la disparition des termes mêmes qu’ils désignent, père et mère. »

A lire aussi: Paris tue « père » et « mère » pour « parent 1 » et « parent 2 »

Le journal poursuivait : « Les articles [du code civil] ne seront pas modifiés et les termes père et mère sont conservés. Ils ne sont donc pas ‘rayés’ contrairement à ce qu’affirme Jean-François Copé. Surtout, même dans les articles où le terme de ‘parents’ sera adopté, il n’est nullement prévu d’instaurer une numérotation pour les hiérarchiser. ‘Parler de parent 1 ou 2, c’est aussi une manière de désincarner le débat, de le déshumaniser’, estime [le rapporteur socialiste de la loi sur le Mariage pour tous] Erwann Binet. »

L’article poursuit sa négation de toute mention des parents 1 et 2 dans les formulaires administratifs à venir, et qualifie leur hypothétique apparition de « fantasme total » porté par Marine Le Pen. Mince alors. Marine Le Pen !

« Parent 1, parent 2 », l’avenir d’une illusion

Relisons le site de la radio Europe 1, le 20 novembre 2012 : « Cette formule de ‘parent 1 parent 2’ ou ‘parent A parent B’ qui viendrait remplacer les termes ‘père et mère’ dans la loi est souvent réutilisée par les opposants au mariage homosexuel pour la force de l’image qu’elle véhicule. Elle n’a pourtant aucune réalité concrète. » Et d’ajouter les réactions d’un conseiller de Najat Vallaud-Belkacem accusant Copé de « mensonge ».

Mince, mince, mince. Et que disait Christiane Taubira, alors ? Relisons le JDD du 26 janvier 2013, ou BFM le 28 janvier de la même année qui pourfendait les contre-vérités : « Pour les couples homosexuels, les travaux sont en cours. Ce qui est certain, c’est que nous ne ferons pas comme au Pays-Bas, nous ne retiendrons pas les termes de ‘parent 1’ ou ‘parent2’ ». Bigre !

Nous voilà pris dans un dilemme épouvantable ! D’un côté, on ne peut décemment pas laisser les enfants de Christiane Taubira, d’Erwann Binet, de Libération, de BFM et d’Europe 1 revendiquer la concrétisation d’un fantasme de Marine Le Pen ; et d’un autre côté, on ne peut tout de même pas se résoudre à imaginer que des chevaliers du Bien et du Progrès aient sciemment pratiqué la mauvaise foi, avec la complicité des médias, pour avancer leurs pions sur l’échiquier sociétal.



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est architecte.

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