Dans sa nouvelle encyclique Laudato Si, le pape appelle cela l’écologie intégrale. Une expression qui s’est imposée, au fil du temps, pour désigner cette écologie qui ne choisit pas la nature au détriment de l’homme. C’est l’écrivain voyageur Falk van Gaver qui, certainement le premier, usa de l’expression il y a une dizaine d’années. Le jeune écrivain Gaultier Bès l’a ensuite repris dans son livre Nos limites. Puis le théologien Fabien Revol aussi, en créant la chaire Jean Bastaire, à Lyon . Des noms qui ne vous disent pas forcément grand-chose. Mais le mot est arrivé, sur les ailes d’on ne sait quel ange, jusqu’aux oreilles du pape François. De ce mot là, Le Monde a fait sa Une mardi. De l’inédit. Du jamais vu, non plus, cette Une de Libé, qui s’est fendu d’un pape vert arborant les tables de la loi : on y lit « tu ne pollueras point ». Une boutade ? Pas sûr.
Ce qui pourrait passer pour une nouveauté de la part de l’Eglise s’appuie en réalité sur une longue tradition. L’Eglise catholique a déjà souligné ce trait fondateur de sa croyance : l’homme est le gardien de la création. Les encycliques précédentes l’évoquaient sans développer plus avant. Des grands écrivains chrétiens avaient déjà fourni une ample réflexion sur la nature, la technique, le règne de la marchandise, la pollution. Une ligne de pensée qui ne s’accordait pas nécessairement avec les soucis de l’époque. L’heure est venue, sûrement, où les chrétiens ont tout intérêt à redécouvrir cette tradition. Une manière de rappeler qu’Europe Ecologie Les Verts n’a rien inventé. François a décidé de s’inscrire dans cette tradition.
Dans son encyclique, le pape s’inspire du patriarche Bartholomée, primat de l’Eglise orthodoxe de Constantinople. Il le cite et cela semble un avertissement : « Que les hommes dégradent l’intégrité de la terre en provoquant le changement climatique, en dépouillant la terre de ses forêts naturelles ou en détruisant les zones humides ; que les hommes portent préjudice à leur semblable par des maladies en contaminant les eaux, le sol, l’air et l’environnement par des substances polluantes, tout cela se sont des péchés. » Une envie de raser une forêt de pins pour y construire un Leclerc ? Vous voilà pécheur. Une autre d’aligner du Round Up dans votre jardin ? Pécheur aussi. Aéroports, barrages, centrales, vous voilà prévenus. Par cette publication à très haute valeur symbolique, le catholique libéral est un peu plus désavoué.
Laudato Si s’ouvre sur des constats techniques sérieusement documentés. Pas d’approximations, guère de fioritures, de nombreux et courts paragraphes synthétisent les dernières découvertes des écologistes. On y découvre résumées les thèses les plus courantes sur la pollution de l’eau, de l’air et des sols. Certains passages tiennent de la mise en garde sévère : « L’exposition aux polluants atmosphériques produit une large gamme d’effets sur la santé en provoquant des millions de morts prématurés ». Des millions de morts prématurés. Chez certains catholiques, la phrase devrait résonner particulièrement.
L’écologie intégrale, c’est aussi donner une dimension politique à un constat environnemental. Lorsqu’il évoque l’immigration (après avoir déploré la migration anormale des animaux) François donne des causes environnementales à ce dégât politique. Au lieu de déplorer l’effacement des frontières et le choc des identités, il accuse la suractivité et la surproduction humaines comme causes de ce désordre. Ce que le catholique doit comprendre ? S’il veut garder sa culture, qu’il commence par bazarder son 4×4. « Le changement du climat provoque la migration d’animaux qui ne peuvent pas toujours s’adapter, et cela affecte à leur tour les moyens de productions des plus pauvres, qui se voient aussi obligés d’émigrer avec une grande incertitude pour leur avenir et celui de leurs enfants. L’augmentation du nombre de migrants fuyant la misère, accrue par la dégradation environnementale, est tragique. »
Aux États-Unis particulièrement, les voix de catholiques conservateurs ont reproché au pape de se mêler de science et d’écologie. La vieille rengaine reprend, qui voudrait opposer Dieu et les créatures, l’homme et la nature. Le dogme et son exigence évangélique. Laudato Si a cette vertu qu’on soupçonnait déjà : le vieil Occident chrétien est poussé à l’acte de contrition. Qui le fera, sinon ?
A lire : Patrice de Plunkett , Cathos, écolos : mêmes combats ? Les catholiques face aux enjeux de l’écologie (Ed.Peuple Libre) Lyon,2015.
*Photo : MARIA LAURA ANTONELLI/AGF/SIPA. 00716018_000004.
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