Loué sois-tu[1. Loué sois-tu, Encyclique du pape François, Co-édition : Bayard, Cerf, Mame, 2015.], la nouvelle encyclique du pape François, confirme l’urgence du combat écologique. Elle le fait avec gravité, évoquant de possibles risques de «catastrophe», invitant à des réformes radicales de nos modes de production et de consommation, considérant enfin que « Sur ces questions, les justes milieux retardent seulement un peu l’effondrement ». Face à l’inertie des gouvernants, qui explique pour une large part les sollicitations dont il a été l’objet, le pape en appelle à la mobilisation citoyenne des fidèles catholiques comme des autres croyants ou non-croyants du monde entier. Par ce texte, il apporte un soutien déterminé à la Conférence mondiale sur le climat COP21 qui se tiendra à Paris au mois de décembre prochain.
Dans son contenu, l’encyclique reprend et valide, pour l’essentiel, l’analyse aujourd’hui partagée par la plupart des experts, notamment ceux du Giec, selon laquelle c’est bien l’activité humaine qui est en cause dans le réchauffement climatique et non le simple retour de cycles naturels. Des propos qui lui valent déjà une levée de boucliers dans les milieux conservateurs américains, comme auprès des tenants du libéralisme économique. Pourtant c’est là, même reformulée, la position constante du Vatican depuis au moins un demi-siècle.
L’apport le plus original du texte est donc à chercher ailleurs. Dans cette conviction affirmée que la crise écologique est l’expression d’une autre crise profondément éthique et spirituelle. L’homme, analyse le pape, s’est laissé séduire et asservir par la technologie, dévoyée par un consumérisme débridé, mis au service du seul profit et de la finance, quel qu’en soit le coût pour l’homme et l’environnement. Et donc que la réponse à cet immense gâchis ne peut être qu’une écologie humaine intégrale.
Certains pourront y voir la tentation renouvelée de ramener dans le débat écologique les questions éthiques qui mettent souvent l’Eglise en porte en faux avec la modernité, s’agissant notamment de l’avortement ou du statut de l’embryon. Encore que le pape le fasse ici sans insister. On imagine ce que son prédécesseur le pape Jean-Paul II aurait pu, à la faveur d’un texte sur la crise environnementale et le saccage de la planète, instruire à charge contre ce qu’il appelait la «culture de mort» du monde contemporain.
Or, la grande nouveauté offerte par le pape François est d’intégrer la culture elle-même parmi les richesses à préserver. « La disparition d’une culture peut être aussi grave que la disparition d’une espèce animale ou végétale. L’imposition d’un style de vie hégémonique lié à un mode de production peut-être autant nuisible que l’altération des écosystèmes. » écrit-il. Ce qui le conduit à poursuivre : « L’écologie suppose aussi la préservation des richesses culturelles de l’humanité. » Or, qu’est-ce que la culture sinon, précisément, ce que l’homme ajoute à la nature ?
Dans cette perspective, l’homme n’est plus réduit à un statut de simple prédateur, que la dogmatique catholique explique facilement par la notion de péché originel. Il serait tout autant celui qui est associé, par volonté divine, à la Création, comprise non comme résultante achevée d’un acte inaugural, mais comme continuité à parfaire. Défendre la création, à travers l’écologie, ne se limiterait donc pas à protéger ce que chacun pense, selon ses croyances propres, avoir reçu de Dieu ou de la nature, mais aussi ce que l’homme lui-même lui a apporté d’enrichissement au fil des siècles.
Ainsi, en appelant l’homme à défendre et préserver la création, le pape François l’invite non seulement à reconnaître avec gratitude le don de Dieu mais également à prendre soin de ce que lui-même a donné au monde. Certes, ce n’est pas là la dominante de Loué sois-tu, quant au fond. Mais sur la forme, cela explique pour l’essentiel la tonalité profondément sereine, ouverte, généreuse, du texte du pape François. Et la confiance qu’il entend témoigner au monde de la science et aux acteurs du combat écologique, en réaffirmant humblement que sur ces questions, « L’Eglise n’a pas de parole définitive ». Ce qui signifie qu’elle accepte de s’engager dans un dialogue loyal où elle revendique simplement le droit de rappeler qu’il n’y a pas de vraie culture qui ne respecte la nature profonde de l’homme.
*Photo : wikicommons.
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