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LFI: Voltaire a bon dos…

Le billet de Philippe Bilger


LFI: Voltaire a bon dos…
Manon Aubry, tête de liste de la France insoumise aux élections européennes, Villepinte, 16 mars 2024 © ISA HARSIN/SIPA

Si les propos actuels des Insoumis parvenaient à ses oreilles, le philosophe des Lumières pourrait se retourner dans sa tombe !


Ecouter Mathilde Panot le 28 avril au Grand Jury, avec une animation sans complaisance d’Olivier Bost, et Manon Aubry le 29 sur Sud Radio avec Jean-Jacques Bourdin, c’est d’abord constater la pensée rigoureusement unique de LFI, l’identité des réponses, la similitude des ambiguïtés et le caractère monotone de répliques gangrenées par le caporalisme partisan. Au-delà de cette impression de désolation répétitive, j’ai été frappé par l’argumentation développée sur l’enquête ordonnée par le Parquet de Paris à la suite d’un communiqué de Mathilde Panot engageant le groupe parlementaire. Il assimilait le terrorisme du Hamas à la normalité d’une armée régulière. Était visé le délit d’apologie de terrorisme. Pour Mmes Panot et Aubry, et sans doute pour la globalité des députés LFI, cette enquête serait une honte puisqu’elle concernerait la responsable d’un groupe parlementaire d’opposition et que ce serait une atteinte gravissime à la démocratie.

Une enquête dont on aurait pu se passer

Je ne vois pas au nom de quoi il ne serait pas républicain, face à un tel communiqué, même émanant d’une présidente de groupe parlementaire, d’ordonner une enquête pour établir ou non la réalité de l’infraction concernée. Qu’elle puisse être éventuellement imputable à Mathilde Panot, en sa qualité de présidente de groupe, ne rend pas la démarche honteuse. Sa légitimité judiciaire demeure entière.

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Cela dit, pour ma part, je me serais bien gardé, en responsabilité, d’avoir une telle réaction. J’aurais considéré d’emblée qu’aussi perverse et contestable que soit la formulation incriminée, elle relevait d’une approche partisane, de nature purement politique, et qu’en démocratie, on avait le droit d’en faire usage. Faute de quoi la liberté d’expression serait vite réduite, trop vite assujettie à une qualification pénale.

Il n’est donc pas contradictoire de défendre le droit d’ordonner une enquête et celui de considérer qu’au fond, on aurait peut-être dû s’en dispenser. Il est fondamental, quel que soit le parti concerné, de veiller à ne pas empiéter par la loi sur ce qui constitue la liberté d’opinion. La frontière est parfois mince, elle appelle une vigilance toute particulière.

Comme un boomerang

Il est piquant alors, de la part de LFI qui exige à son bénéfice une liberté d’expression pleine et entière, sans la moindre entrave, d’entendre les mêmes, au nom d’une conception idéologique et hémiplégique de ce beau concept démocratique, réclamer contre ses adversaires censures, éradications, ostracismes. Faut-il rappeler Aymeric Caron[1] laissant CNews être insulté et boycotté sans réagir à Sciences Po ? On a encore en mémoire la diatribe de Jean-Luc Mélenchon contre la même chaîne!

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Ainsi, conscients ou non du caractère schizophrénique de leurs positions, ils viennent, la bouche en cœur, au nom du pluralisme et de la liberté, exiger des droits pour eux mais les refuser sans vergogne à leurs contradicteurs. Si on suivait Saint-Just et son « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », LFI serait bien mal lotie!

Le comble est d’entendre Manon Aubry se réfugier derrière la phrase tellement exploitée attribuée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ». Invoquer cette splendide définition d’une confrontation civilisée et républicaine a une saveur saumâtre quand, trop souvent, chez LFI, à l’encontre de ceux qui ne pensent pas comme eux, la haine, l’outrance et le désir de disparition ont remplacé l’humanisme élémentaire. Alors, que ceux qui au quotidien méconnaissent le principe que Voltaire aurait édicté au moins se taisent!

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[1] https://www.causeur.fr/aymeric-caron-sciences-po-lfi-contre-cnews-enieme-episode-281797



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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