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Panique entre les murs


Panique entre les murs

C’est l’info porteuse du jour : un groupe de dix à vingt personnes cagoulées et armées de barres de fer, de marteaux et de couteaux a fait irruption au lycée Jean-Baptiste-Clément à Gagny (Seine-Saint-Denis). Ils se sont dirigés directement vers une salle de permanence où ils ont tabassé un jeune et blessé très légèrement deux autres. Ce que Le Parisien a qualifié de « véritable assaut » forcément perpétré par un « commando » a eu lieu vers 10 heures et a duré à peu près deux minutes pendant la pause du matin.

Depuis, c’est l’indignation générale. Le ministre de l’Education nationale qui s’est rendu illico sur place a qualifié les faits de « sacrilège » tandis que d’autres parlaient de l’intrusion de cette bande à l’intérieur de l’établissement comme d’une violation de sanctuaire – il paraît que, normalement, la coutume veut qu’on attende sagement à l’extérieur et qu’on ne règle ses comptes qu’une fois la cible sortie de l’école.

Et puis bien sûr, il y a la litanie de lamentos divers sur la violence à l’école, le phénomène de bandes dans les cités. Et puis il y aussi le manque de statistiques sur la délinquance et la situation qui est très grave, mais on nous le cache, ce qui est sûrement vrai d’ailleurs…

La seule chose qui ne semble choquer personne est la réaction de l’établissement. On célèbre, à juste titre, le sang-froid du personnel, mais on ne dit rien sur le traitement de l’incident par les autorités scolaires : les élèves étaient appelés à rejoindre leurs classes respectives où « les professeurs les ont pris en charge », puis à quitter l’établissement progressivement. Comme il se doit, une cellule psychologique a été immédiatement mise en place, après quoi le lycée a été fermé jusqu’au lendemain.

Si on avait voulu traumatiser les élèves, renforcer voire créer d’éventuelles séquelles (ils n’avaient pas tous été témoins de l’incident) et paniquer les parents on n’aurait pas procédé autrement. On peut comprendre l’émoi et le choc, mais il ne faut pas exagérer non plus. Ce ne sont tout de même pas les Brigades Rouges ou l’ETA militaire qui se sont invitées au lycée Jean-Baptiste-Clément… On a pourtant réagi comme s’il s’était agi d’une attaque terroriste ayant fait des dizaines de victimes. On dirait presque qu’il y a comme un désir pervers de se retrouver dans une situation réellement catastrophique et, en tout cas, on a déployé tout l’arsenal technique et sémantique pour accréditer la thèse du drame absolu.

Or, il aurait fallu faire exactement le contraire : au lieu de surjouer le cataclysme, il fallait, à tout prix, dédramatiser. Une fois remontés dans leurs salles de classes les élèves auraient dû être informés des faits, puis s’exprimer pendant quelques minutes et basta, au boulot ! L’urgence absolue, c’était de retrouver la routine le plus tôt possible. Certes, les lycéens les plus fragiles ou les plus exposés aux événements auraient bénéficié d’une prise en charge particulière. Mais là, une chose est certaine : chacun des élèves de l’établissement peut maintenant s’imaginer qu’il a couru un grave danger, et même qu’il est un survivant. Or, quelle que soit la gravité des faits, rappelons qu’il n’y a pas eu mort d’homme – et c’est heureux ! Qu’aurait-on fait si les élèves de Gagny avaient vécu la même tragédie atroce que ceux de la banlieue de Stuttgart ? Qu’aurait-on pu faire de plus ?

En règle générale, un pilote de chasse qui a dû s’éjecter de son avion en perdition passe un test médical court et hop – il redécollera le jour même pour une petite balade justement pour éviter les séquelles psychologiques. Il paraît qu’un cavalier tombé de son cheval doit faire la même chose. C’est ainsi qu’on devrait procéder au lieu de traumatiser toute une école, voire tout un pays.

Gonfler chaque incident, c’est la pire manière de faire face à la violence qui est réelle et n’ira ainsi qu’en aggravant. On l’a déjà observé dans le passé, à chaque fois que les médias font du sensationnel sur la violence scolaire, les profanations de cimetières ou d’autres faits délictueux ou criminels cela a tendance à encourager les vocations. Il ne s’agit évidemment pas de minimiser et encore moins de nier ce type d’incident, mais de les traiter avec un minimum de recul. Dans ce genre de circonstances, la meilleure façon de tenir tête, c’est de continuer à vivre : un haussement d’épaules vaut mieux qu’un long discours. Show must go on !



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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