Nous avons un problème avec le Panama. Tous les cent ans à peu près, ce pays nous offre une de ses spécialités locales avec le coup d’État, le narcotrafic et la canne à sucre : le scandale. En 1891, Zola faisait du premier scandale de Panama qui faillit coûter sa peau à la Troisième République la matière de son roman L’Argent. On n’était plus, comme dans La Curée, dans la spéculation immobilière haussmannienne mais dans la pure manipulation financière, en l’occurrence une escroquerie à grande échelle de Ferdinand de Lesseps pour financer un canal encore virtuel : « Violemment, faites flamber un rêve à l’horizon, promettez qu’avec un sou on en gagnera cent, offrez à tous ces endormis de se mettre à la chasse de l’impossible, des millions conquis en deux heures, au milieu des plus effroyables casse-cou ; et la course commence, les énergies sont décuplées. »
La mécanique désirante qui préside à l’évasion fiscale aujourd’hui n’a plus le même objet mais demeure identique : « L’évasion fiscale fausse les règles du jeu face à l’impôt en installant un système à deux vitesses où les populations sont toujours les grandes perdantes. Son corollaire : la concentration des richesses dans les mains de quelques-uns », déclare ainsi une responsable d’Oxfam France.[access capability= »lire_inedits »]
Mais ces révélations nous renvoient à une autre image, presque complotiste, où des gens riches, célèbres et puissants ont une seule préoccupation dans leur vie : cacher des sommes fabuleuses grâce à un obscur cabinet juridique panaméen qui crée des centaines de milliers de sociétés offshore sur mesure.
Cette idée d’une internationale maléfique des riches avait été racontée dans un roman de Gustave Le Rouge, La Conspiration des milliardaires, paru en 1900 et considéré comme un des joyaux du roman-feuilleton de la grande époque. L’analogie est d’autant plus troublante que la conspiration en question, menée par un certain William Boltyn est essentiellement américaine et vise à annihiler l’Europe : « Démesurément ambitieux, ayant nettement conscience de la force que lui donnaient ses milliards, il n’espérait rien moins que de devenir un jour une sorte d’empereur du capital, que l’univers entier saluerait avec respect. » On ne s’est pas privé de remarquer qu’il n’y avait pas d’Américains impliqués dans les Panama Papers. Ce qui prouve donc que Gustave Le Rouge avait raison… [/access]
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