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Pan sur l’Ouzbek

Le Conseil d'État demande le retour en France d’un Ouzbek soupçonné de radicalisation après son expulsion


Pan sur l’Ouzbek
Image d'illustration Unsplash

Un camouflet peut en cacher un autre. Au moment où Gérald Darmanin voit son projet de loi désavoué au Palais Bourbon, on apprend que le ministre a essuyé un autre échec cuisant. Cette fois-ci, c’est le Conseil d’Etat qui demande au ministre de l’Intérieur de faire revenir, de toute urgence, un Ouzbek sur le territoire national.


C’est avec un ton quelque peu péremptoire que la haute juridiction administrative a rappelé la France à ses devoirs. L’enjeu, c’est le sort d’un ressortissant ouzbek, considéré par les renseignements français comme « radicalisé » et « très dangereux ». Il a été expulsé du territoire, par avion, le 15 novembre.  

Encore un coup de la CEDH

Dans son ordonnance du 7 décembre, le Conseil d’État précise qu’il « enjoint au ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de prendre dans les meilleurs délais toutes mesures utiles afin de permettre le retour, aux frais de l’État, de M.A en France ». Visé par une interdiction administrative du territoire depuis avril 2021, le ressortissant ouzbek, âgé de 39 ans, faisait l’objet depuis le mois de mars dernier d’une mesure provisoire prononcée par la Cour européenne des droits de l’homme pour empêcher son expulsion, puisque sa sécurité serait en danger dans son pays d’origine. Une situation qui le rendait juridiquement inexpulsable. « On en vient à se féliciter de quelque chose de normal, à savoir le respect de l’État de droit », a réagi son avocate, Me Lucie Simon, visiblement soulagée par la décision du Conseil d’État. Alors que la non-expulsion en 2014 du tueur de prof Mohammed Mogouchkov (bien aidé par la Cimade et le Parti communiste) avait fait les choux gras de la presse, ces dernières semaines, il va falloir récupérer, ce coup-ci, l’individu réputé dangereux en Asie centrale. Mais heureusement, rien ne presse, car « il n’y a toutefois pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte », précise l’ordonnance.

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L’individu avait pu se rendre en 2018 dans son pays d’origine et y faire un enfant en 2019, sans être inquiété par les autorités locales. Le ministère de l’Intérieur avait jugé en outre qu’il n’était pas susceptible de « courir un risque personnel, réel et sérieux en étant renvoyé en Ouzbékistan ».

L’État de droit contre les droits de l’État

Au moment où la loi sur l’immigration se voyait rejetée à l’Assemblée nationale (il ne s’agissait jamais que de la 19ème réforme du droit des étrangers depuis 1980 !), l’exemple du ressortissant ouzbek illustre, jusqu’à l’absurde, l’impuissance de l’État. Alors que le pays vit dans l’angoisse du terrorisme et que 91% des Français souhaitent le renforcement des possibilités d’expulsion des étrangers représentant une menace grave pour l’État (sondage Opinion Way, paru en novembre 2023) l’État doit se débattre sous le contrôle d’un enchevêtrement de cours : Conseil d’État, Conseil constitutionnel, Cour Européenne des Droits, la Cour de justice européenne, à la légitimité plus ou moins évidente. Celles-ci se vivent comme des obstacles à la volonté populaire. En quelques décennies, les juges ont réalisé un minutieux putsch, dénaturant l’esprit de la Vème République.

Gérald Darmanin a bien tenté de lancer le bras de fer contre les juges. Au lendemain de l’attaque d’Arras, il assumait vouloir s’assoir sur les décisions de la CEDH. Au JDD, Il affirmait, le 22 octobre : « La CEDH doit comprendre qu’elle juge dans une situation de crise terroriste qui n’existait pas lorsque ses règles furent imaginées ». Avec cette ordonnance, les juges se sont rappelés à son bon souvenir. En cette journée agitée, ce n’était pas le moindre des camouflets essuyés par le ministre, considérablement affaibli. Dans la soirée, il a proposé sa démission au Président de la République, qui l’a refusée.




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