Ce n’est (heureusement) pas tous les jours qu’un artiste de renommée internationale est tué par balle en Cisjordanie. Et pourtant, vous n’en avez probablement pas entendu parler.
Vous n’avez pas vu non plus de manifestations appelée par le PCF, le NPA, le MRAP ou Boycott Désinvestissement Sanctions sur le Parvis du Trocadéro. Et il n’y aura pas non plus de grande marche aux flambeaux de Shalom Archav ou de Yesh Gvul sur la Place Rabin à Tel Aviv.
Pourtant Juliano Mer-Khamis, tombé le 4 avril dernier sous les balles de tueurs masqués à Jénine était l’un des leurs, c’était un opposant intégral à la politique israélienne, à toutes les politiques israéliennes. Né de parents israéliens – très exactement père arabe chrétien et de mère juive communiste -, il se définissait lui-même comme « juif palestinien » et avait choisi – comme sa mère avant lui – de vivre et d’exercer son métier de metteur en scène de théâtre au contact des populations déshéritées de Cisjordanie.
Artiste militant, mais pas seulement, il préparait, au moment de son assassinat, une verion d’Alice au Pays des merveilles avec les enfants de Jénine.
Les circonstances dramatiques de cet assassinat, le profil hors-norme mais hautement symbolique de la victime, aurait donc dû déchainer un vaste mouvement de solidarité, voire de colère chez les militants de gauche. Chez ceux en particulier car j’ai cru comprendre qu’ils étaient nombreux à s’intéresser plus à ce point chaud là qu’à tous les autres drames géopolitiques de la planète.
On n’ose imaginer que ce mutisme soit justifié par l’identité des bourreaux, qui, c’est une certitude, n’ont rien à voir avec Tsahal les colons ou la LDJ. Sur place, tout le monde sait que les assassins étaient palestiniens, des palestiniens qui ne sauraient tolérer chez eux une activité aussi haram que le théâtre, propagée par un juif, qui plus est[1. Pour être honnête d’autres motivations, moins idéologiques et plus sordides ne sont pas à exclure]. Ce qui donne lieu à des circonvolutions qui auraient pu être comiques en d’autres circonstances dans les rares communiqués de protestations émis après ce lâche assassinat, tel celui du Parti Communiste Israélien.
En clair, Juliano Mer-Khamis n’a pas été tué pour la bonne personne… En conséquence, à son enterrement il n’y aura ni youyous, ni délégation de la Ligue des Droits de l’Homme, ni même un message vidéo vibrant d’émotion de Ken Loach…
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