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Quand les Américains élisent, les Ukrainiens s’enlisent

Impossible n’est pas ukrainien ? Son pays est en difficulté sur le front, mais le président Volodymyr Zelensky a présenté un “plan de victoire” à ses alliés, à Bruxelles, jeudi. Les nouvelles demandes ukrainiennes adressées aux Occidentaux interviennent alors que les Américains se rendent aux urnes dans quelques jours, et alors que le conflit est passé au second plan à cause de la guerre au Proche-Orient.


Volodymyr Zelensky était jeudi 17 octobre à Bruxelles pour présenter son « plan de victoire » en cinq axes au Parlement européen. Actuellement, la situation militaire est difficile pour l’armée ukrainienne dans le Donbass, où la Russie grignote quotidiennement du terrain. Les gains ukrainiens d’août 2023 dans la région de Koursk, s’ils ont surpris Moscou, ne sont pas de nature à changer le cours de la guerre. Vladimir Poutine a mobilisé l’ensemble de la société russe pour satisfaire ses appétits de conquête… ainsi que ses alliés étrangers. Le soutien de la République Populaire de Corée se montre de plus en plus concret, les services de renseignement sud-coréens ayant révélé que des soldats nord-coréens seront prochainement déployés vers le théâtre d’opérations ukrainien. Ce sont 1500 membres des forces spéciales du régime communiste qui sont désormais sur le pied à Vladivostok, bientôt rejoints par des troupes régulières.

« L’accroissement de la coopération croisée et du soutien militaire de la Corée du Nord à l’effort de guerre russe en Ukraine sont très inquiétants », a réagi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère des Affaires étrangères français. L’officialisation de l’alliance russo-coréenne est effectivement une source majeure d’inquiétudes, alors que le monde semble au bord d’une catastrophe collective. Nous n’avonsjamais été si près du danger depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est pour cela qu’il faut écouter avec attention les propos de M. Zelensky qui est aujourd’hui le seul à tenter de proposer une issue militaire au conflit aux alliés ainsi qu’un plan de paix à la Russie – qui, elle, attend une reddition de son adversaire.

Cinq points

Le plan présenté par l’Ukraine montre une certaine constance stratégique. Le premier point porte sur l’adhésion du pays à l’OTAN à plus ou moins brève échéance, ce qui garantirait à l’Ukraine d’être prise en compte dans « l’architecture de sécurité » de ses partenaires et alliés occidentaux. Il s’agit là d’une mesure qui serait pratique et symbolique. Pour l’heure, les partenaires divergent quant à la réponse à apporter. Il est de notoriété publique que le chancelier allemand Olaf Scholz ne voit pas cela d’un bon œil. La France et le Royaume-Uni pourraient en revanche s’y montrer favorables. Sur le plan symbolique, cela prouverait que l’invasion de l’Ukraine aurait un effet opposé aux buts de guerre poutiniens, qui visaient notamment à empêcher l’Ukraine d’intégrer l’OTAN. Il s’agirait d’un troisième revers, Finlande et Suède ayant déjà adhéré à l’OTAN du fait de la guerre d’Ukraine, Helsinki rompant ainsi avec des décennies de « neutralité ».

Le second volet est sûrement le plus important. Volodymyr Zelensky demande « le renforcement de la défense ukrainienne et la redirection de la guerre vers le territoire de la Russie ». Concrètement, l’Ukraine souhaite la levée des restrictions sur l’usage des armes de longue portée fournies par les pays alliés sur l’ensemble du territoire ukrainien occupé par la Russie, incluant donc la Crimée, et sur le territoire russe, ainsi que la poursuite de l’aide occidentale pour la formation des brigades de réserve. Il est vrai qu’il est assez sidérant d’exiger de l’Ukraine de se battre avec une main dans le dos. Par ailleurs, l’histoire récente a permis de vérifier que la Russie fixait beaucoup de lignes rouges qu’elle ne respecte pas, à l’image des États-Unis d’Obama qui avaient déclaré que l’usage d’armes chimiques par la Syrie d’Al-Assad entraineraient des conséquences… sans réagir après qu’elles aient été employées. Malheureusement, les États-Unis sont toujours très frileux dans leur soutien à l’Ukraine, comme s’ils craignaient que la Russie ne se fâche. La raison est peut-être ailleurs. Alliée notoire de l’Iran, la Russie joue de cette relation pour opérer un chantage sur Washington.

Selon Le Figaro, les États-Unis auraient demandé à la Russie d’intercéder auprès de l’Iran. Anthony Blinken et Sergueï Lavrov auraient même échangé à ce sujet au sommet de l’Asean. Le prix de la retenue iranienne obtenue par la Russie aurait un coût exorbitant : non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et interdiction de l’usage des armes à longue portée sur le territoire russe… Comment faire confiance à la Russie pour maintenir le statu quo au Moyen-Orient ? Le déclenchement de la guerre dans cette région a été une aubaine pour le Kremlin, provoquant notamment un désengagement de plus en plus patent des États-Unis dont l’opinion publique est lassée par le conflit ukrainien.

Le troisième volet proposé par Kiev est celui de la dissuasion. L’Ukraine demande le déploiement d’un « ensemble complet de moyens de dissuasion non nucléaires afin de décourager toute nouvelle agression russe ». Contrairement à ce qu’a avancé Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky n’a donc pas déclaré vouloir se doter de l’arme nucléaire. Il a simplement indiqué que l’Ukraine ne serait jamais en paix et en sécurité sans d’importants investissements… Ce volet est nécessaire et raisonnable.

Les deux volets suivants concernent l’arrière et l’après-guerre. Kiev invite les alliés à investir en Ukraine et promet un retour sur investissement grâce à l’expérience accumulée par l’armée ukrainienne qui sera plus tard « utilisée pour l’ensemble de l’Alliance et la défense de l’Europe ».

Un plan crédible ?

Ce plan souffre d’une inconnue : l’engagement américain. La campagne électorale américaine peut faire douter. S’il semblerait stratégiquement délirant que les États-Unis laissent la Russie emporter une victoire trop évidente qui serait perçue comme un signal de grande faiblesse, les impétrants à la Maison-Blanche ne font pas de grandes démonstrations d’amour envers Kiev. Donald Trump a à plusieurs reprises manifesté une forme de mépris à l’endroit de Volodymyr Zelinsky, qu’il juge être « le meilleur vendeur de la planète » et coûter trop cher. Il a aussi jugé que Joe Biden était « responsable » de la guerre. Son élection ferait entrer l’Ukraine dans une phase d’incertitude. Néanmoins, l’homme est orgueilleux et pourrait chercher à sortir par le haut du conflit en obtenant des résultats positifs. Son imprévisibilité rend en tout cas la tâche ukrainienne difficile pour le moment.

Quant à Kamala Harris, elle n’est pas connue pour être un faucon. Présidente du German Marshall Fund, Alexandra de Hoop Scheffer estime que la vice-présidente cherche à éviter les conflits et n’est « pas claire » sur la politique étrangère. Pis encore, elle ne « (comprendrait) pas les enjeux internationaux » et pourrait chercher à « freiner l’engagement américain en Europe »….

La Russie ne veut pas entendre parler de négociations. Ou plutôt, elle veut négocier en prenant tous les oblasts annexés et en demandant un prix exorbitant. Il est aussi absolument certain qu’elle n’en resterait pas là si son viol manifeste du droit international était impuni. Reste donc l’Europe et le génie propre aux Ukrainiens. L’Europe est un nain en matière de défense. L’ancien président du Conseil des ministres d’Italie Enrico Letta, particulièrement pessimiste sur l’issue du conflit, me confiait au sommet World In Progress Barcelone que la « France est le seul pays d’Europe avec une tradition militaire encore vigoureuse et des capacités de projection »… Si la phrase est flatteuse pour nous, elle est aussi inquiétante. L’armée française est certes performante et est la seule du continent à avoir toujours des capacités de projection, mais elle est miniaturisée et échantillonnaire. Elle n’est pas à même d’assurer à elle seule la défense du continent, surtout dans une guerre de volume comme celle que la Russie impose à l’Europe. L’Europe doit avoir une politique de défense bien plus ambitieuse pour répondre aux défis géopolitiques majeurs du temps. Une proposition évoquée est d’employer l’European Mechanism Act créé pendant la crise financière en ce sens. Pourquoi pas, mais l’heure presse… Ces politiques de long terme ne sauveront pas l’Ukraine aujourd’hui, mais elles doivent être tenues sur la livraison d’armes et la formation. La brigade Anne de Kiev est un beau symbole en ce sens.

Un autre interlocuteur, actif dans le secteur de l’innovation et de la défense en Ukraine, m’a dit la chose suivante : « Mon avis est le même que celui de Churchill en 1940. La situation est désespérée mais il n’y a pas d’autre choix que se battre et gagner. Je compte sur deux choses : l’innovation technologique des Ukrainiens qui produit des merveilles, l’élection américaine qui va débloquer beaucoup de choses pour le pire et le meilleur ». Si le pire arrive, ce sera à l’Europe d’agir. Et plus sérieusement qu’elle ne le fait déjà.

Les démocrates et le mépris des afro-américains

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L’ancien président Barack Obama s’est récemment insurgé contre le manque de soutien des hommes afro-américains à la candidate démocrate Kamala Harris, les accusant presque de sexisme. Des propos qui ne sont pas sans rappeler ceux de Joe Biden il y a quatre ans, et qui révèlent la condescendance que peut avoir la gauche américaine à l’égard de l’électorat noir.


La semaine dernière, à l’occasion d’un meeting en soutien à Kamala Harris à Pittsburgh en Pennsylvanie, celui qui a été à la tête des États-Unis de 2009 à 2017, a tenu des propos honteux à l’encontre des électeurs afro-américains de sexe masculin. Voyant le soutien de la communauté noire à Kamala Harris s’éroder, il a déclaré que « certains hommes ne sont pas à l’aise avec l’idée d’avoir une femme à la présidence » avant d’ajouter : « Vous envisagez de ne rien faire ou de soutenir quelqu’un qui a l’habitude de vous dénigrer, parce que vous pensez que c’est un signe de force, parce que c’est ce qu’est un homme ? ». 

Des déclarations scandaleuses

Ces mots, indignes de la part d’un ancien « commander in chief » montrent que Monsieur Obama et les élites démocrates traitent les afro-américains, non pas comme des électeurs comme les autres, mais comme une communauté infantilisée qu’il faut simplement séduire tous les quatre ans pour remporter l’élection présidentielle.

A lire aussi, du même auteur: Kamala Harris, une modérée?

Par ailleurs, ces propos mettent aussi en lumière deux éléments : un état d’esprit assez malsain et donneur de leçons considérant que les afro-américains, parce qu’ils sont afro-américains doivent par définition soutenir Kamala Harris, elle-même afro-américaine, mais également une espèce de fébrilité dans le camp démocrate. En effet, des sondages du Siena College pour le New York Times publiés les 12 et 13 octobre indiquent que Kamala Harris est moins soutenue par les minorités, notamment les électeurs noirs, que les anciens candidats démocrates à l’instar de Joe Biden, Hillary Clinton et… Obama !

« Alors vous n’êtes pas noir »

Mais, malheureusement, Barack Obama n’est pas le premier démocrate à s’illustrer par son mépris de l’électorat noir. En 2020, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle, Joe Biden avait été encore plus loin que son prédécesseur.

Lors d’une interview radio dans l’émission « The Breakfast Club » animée par Charlamagne Tha God il avait osé affirmer la chose suivante : « Si vous avez du mal à savoir si vous êtes pour moi ou pour Trump, alors vous n’êtes pas noir ». Des paroles dénigrantes voire nauséabondes.

D’ailleurs, en termes d’attitude dénigrante, la candidate démocrate a également fait fort depuis son entrée dans la course à la Maison-Blanche. Invitée du célèbre « Late show » de Stephen Colbert le 8 octobre, Kamala Harris a soudainement, selon des observateurs, pris l’accent jamaïcain. En septembre, la démocrate avait déjà pris l’accent du sud lors d’un meeting à Atlanta en Géorgie.

A lire aussi, Nicolas Conquer: Harris, les inquiétudes de l’Etat-major démocrate

Encore une fois, ne nous y trompons pas. Ceux qui se présentent tous les jours comme les ardents défenseurs des minorités, ne le sont en rien.

Le virage pro-Donald Trump des afro-américains

D’élection en élection, les minorités et plus particulièrement les afro-américains se rendent compte que la gauche se sert d’eux et ne cherchent pas, contrairement au camp conservateur, à améliorer leur qualité de vie et à préserver leur mode de vie.

C’est la raison pour laquelle, ils soutiennent de plus en plus les politiques préconisées par Donald Trump. Toujours selon l’étude du Sienna College pour le New York Times, 40 % des afro-américains soutiennent la construction d’un mur à la frontière sud. Attachés à la lutte contre l’insécurité et au « Law & Order » pour reprendre l’expression consacrée outre-Atlantique, ils sont 47 % à considérer que la criminalité dans les grandes villes est devenue incontrôlable. La vérité est que les démocrates ne répondent plus aux attentes des électeurs noirs ou quand ils le peuvent, ils ne tiennent pas leurs promesses. Même le très démocrate New York Times a reconnu que : « L’érosion du soutien à Mme Harris s’explique en grande partie par la conviction croissante que les démocrates, qui ont longtemps célébré les électeurs noirs comme la « colonne vertébrale » de leur parti, n’ont pas tenu leurs promesses ».

Qui ira fact-checker les fact-checkeurs?

Censés lutter contre la désinformation dans les médias et sur les réseaux sociaux, des dizaines de bureaux de « vérification de l’information » ou fact-checking ont vu le jour ces dernières années. Qui sont et qui financent la plupart de ceux qui se présentent comme les incorruptibles redresseurs des torts médiatiques? Quels sont les véritables buts de ces rigoureux détecteurs du Mensonge, de ces nobles détenteurs de la Vérité ? Didier Desrimais mène son enquête!


Quels sont les véritables buts des fact-checkeurs ? Sur le site de Boulevard Voltaire, Clémence de Longraye nous en donne une première petite idée dans un excellent article paru le 11 octobre. Résumé : deux jours après l’affaire de Tourcoing – une enseignante agressée par une élève refusant d’enlever son voile islamique dans l’enceinte du lycée Sévigné – certains rares médias, dont CNews et le JDD, révèlent qu’une dizaine de collègues de cette enseignante ont apporté tout leur soutien à… la lycéenne. Ni une ni deux, Libération met en branle CheckNews, officine interne chargée de produire une « information vérifiée, rigoureuse et impartiale », et fait paraître un article censé rétablir la vérité. Titre : « Tourcoing : des professeurs ont-ils soutenu l’élève qui a frappé une enseignante, comme l’affirme la Bollosphère ? » Réponse de Libé : Non. La preuve ? Malgré tous leurs efforts, les journalistes du quotidien ne sont parvenus à recueillir aucune information prouvant, même a minima, les allégations de CNews ou du JDD. Verdict de CheckNews : les infos des médias « de la sphère Bolloré » sont mensongères. Sauf que… l’information a été reprise par Valeurs actuelles et, plus tard, Le Figaro, journaux qui, jusqu’à preuve du contraire, ne font pas partie de « la sphère Bolloré », et les faits ont été immédiatement et à nouveau confirmés par le ministère de l’Intérieur. À la date du 17 octobre, Libération n’avait toujours pas retiré ni modifié l’information erronée publiée sept jours auparavant sur son… site de vérification de l’information.

Impartialité douteuse

Mais alors, s’interroge à juste titre Clémence de Longraye, se pourrait-il que le bureau de vérification de l’information de Libération ne soit pas aussi « rigoureux » ni aussi « impartial » qu’il prétend l’être ? Plusieurs éléments le laissent penser. CheckNews, explique la journaliste de Boulevard Voltaire, est membre de l’International Fact-Checking Network (IFCN), une branche de l’Institut Poynter, « organisme de recherche sur le journalisme » financé par l’Open Society de George Soros en 2017 et par des ONG de presse comme Omidyar Network. Je précise que les partenaires et les financiers de cette dernière sont essentiellement des entreprises de la Silicon Valley ainsi que des universités et des associations réputées pour leur progressisme. J’ajoute que CheckNews/Libé a participé en 2019 à un colloque réunissant des « vérificateurs de faits » décidés à « lutter contre la désinformation sur les élections européennes », colloque financé par l’IFCN et, une fois encore, par la fondation sorosienne. Nous verrons bientôt quels sont les autres contributeurs directs ou indirects à cette machine internationale de vérification de l’information – ou ministère mondial de la Vérité, appelez ça comme vous voulez – aux multiples ramifications, administrations, associations, organisations participant à la censure et à la propagande en se gavant d’argent privé et public.  

Tatiana Ventôse, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler (1), est une analyste qui, sur sa chaîne Youtube, décortique l’actualité politique et économique de notre pays assujetti aux diktats de la Commission européenne, elle-même vassale des États-Unis. Après avoir réalisé une vidéo sur l’œuvre politique de Michel Barnier avant sa nomination au poste de Premier ministre, en particulier sa participation active à l’écriture du Traité de Lisbonne qui a permis à l’UE de s’asseoir sur l’avis des Français rejetant le projet de Constitution européenne lors du référendum de 2005, Tatiana Ventôse a été « fact-checkée ». Ce sont ses abonnés sur Instagram qui l’ont avertie : chaque fois qu’ils ont voulu partager cette vidéo, un message d’avertissement pour « fausses informations » s’est affiché. Elle-même a reçu une notification ahurissante de Meta (Facebook, Instagram, etc.) censée justifier cet avertissement : « Des médias d’information indépendants affirment que les informations de votre publication manquent de contexte, ce qui pourrait induire des personnes en erreur. » Des « médias indépendants » ? Il s’agit en réalité d’un seul collectif de fact-checking ayant pour nom Les Surligneurs. Que reprochent ces Surligneurs à Tatiana Ventôse ? Attention, ça fait froid le dos : ils lui reprochent d’avoir affirmé que l’adhésion de la France à l’UE lui a fait perdre sa souveraineté. On ne voit pas très bien où est la « fausse information » dans cette opinion partagée par de plus en plus de représentants politiques et d’électeurs français. Mais Les Surligneurs ont, disent-ils, une preuve implacable, en l’occurrence un article intitulé « Non, adhérer à l’Union européenne n’implique pas un “abandon de souveraineté économique française” ». On pénètre alors dans le domaine du grand n’importe quoi. Écrit le lendemain de la diffusion de la vidéo de Tatiana Ventôse par « deux auteur.es » dont un enseignant à Sciences Po, cet article, paru uniquement sur le compte Instagram des Surligneurs, se contente de donner l’opinion de ces derniers sur une UE qu’ils chérissent. Dans l’impossibilité de prouver que Tatiana Ventôse a livré de fausses informations – et pour cause –  ces Surligneurs enfilent les perles, et quelles perles ! : « Il est établi qu’avant le traité adopté en 2007, il existait déjà une libre circulation des biens et des personnes sur le territoire de l’UE, régie par des règles établies. L’évolution qu’apportait le projet de Constitution européenne était de donner une certaine centralité à la concurrence (sic). Mais finalement, le traité de Lisbonne l’a remis à sa place initiale (sic). » La médiocrité de ce qu’on ose à peine appeler des arguments apparaît dès l’entame de cet article écrit avec les pieds et ne fera qu’aller crescendo. On l’aura compris, l’objectif des Surligneurs n’est pas de dénoncer des propos supposément faux mais bien de censurer, bâillonner, interdire tout discours qui remet en cause le rôle de l’UE et son ingérence délétère dans les affaires de la France. Je conseille aux lecteurs de regarder l’excellente vidéo que Tatiana Ventôse a réalisée pour répondre à ses détracteurs. (Visible sur YouTube : « Mais qui contrôle les fact-checkeurs ? »).

Contrôle total

Qui sont Les Surligneurs, ces commissaires médiatiques qui ne chassent évidemment pas que les fausses informations mais aussi (surtout ?) les informations qui vont à l’encontre de leur adhésion totale à l’UE, à l’économie mondialisée, à l’immigration illimitée ? Cet organisme est signataire, comme le CheckNews de Libé, de la Charte des principes de l’IFCN déjà cité et appartenant à l’Institut Poynter. Tatiana Ventôse nous apprend qu’en plus de l’Open Society de Soros, cet institut « indépendant » a reçu de l’argent de… la Fondation Bill et Melinda Gates et du gouvernement américain. Il collabore étroitement avec Google, Meta et Microsoft. J’ajoute qu’il compte parmi ses « partenaires » l’European Media and Information Fund établi par l’European University Institute, lui-même financé par… l’UE. Les Surligneurs sont par ailleurs membres de l’Observatoire européen des médias numériques contre la désinformation (EDMO). Créé sous l’égide de l’UE et financé par celle-ci, cet observatoire, en plus de « vérifier » l’information, est chargé de réfléchir aux modalités d’une « éducation aux médias » prenant de plus en plus de place dans les programmes scolaires des pays membres de l’UE. En France, sur le site du ministère de l’Éducation nationale, cette « éducation aux médias » intègre subrepticement, au détour d’un légitime désir de voir se développer l’esprit critique de nos élèves, l’apprentissage d’une « pratique du dialogue et de l’argumentation » de ces derniers en faveur du… « développement durable ». Le ministère incite également les professeurs à projeter dans leurs classes “Tous migrants”, une exposition de dessins et de textes immigrationnistes, ou à faire participer leurs élèves au concours Zéro Cliché : organisé en collaboration avec TV5 MONDE et le magazine Causette, ce concours « propose de travailler autour d’une production médiatique qui vise à déconstruire les stéréotypes de genre » (Site Éduscol du ministère de l’Éducation nationale, chapitre “Éducation aux médias et à l’information”, sous-chapitre “Éduquer à la citoyenneté” – je n’ai rapporté ici que quelques exemples des dizaines d’incitations à penser comme il faut via des concours, des podcasts, des articles, à faire, à créer, à lire, à rédiger au nom de l’éducation aux médias et à la citoyenneté). La boucle est bouclée. Le contrôle médiatique et social doit être total.

Le gouvernement démocrate américain, la Commission européenne, certains médias et toutes les instances liberticides du monde pourtant dit libre ont failli s’étouffer de rage lorsque le réseau social Twitter, qui était à leurs bottes, a été racheté par Elon Musk pour devenir X – et l’on comprend aujourd’hui pourquoi. Jack Dorsey, l’ex-dirigeant de Twitter farouchement anti-Trump, avait suspendu ou carrément supprimé des milliers de comptes qu’il jugeait, selon des critères personnels et parfois obscurs, « dangereux pour la démocratie ». Elon Musk, au grand dam des Décodeurs du Monde, a fait débloquer, au nom de la liberté d’expression, 12 000 de ces comptes. De son côté, Mark Zuckerberg, le directeur général de Meta, a avoué récemment avoir supprimé 20 millions de contenus sur Facebook lors de la crise du Covid et participé à la censure des informations concernant l’histoire très embarrassante de l’ordinateur portable du fils de Joe Biden, Hunter Biden, tout en laissant se propager le mensonge d’une probable opération de désinformation russe. Après que le pot aux roses a été révélé, Zuckerberg a dit regretter d’avoir succombé à la pression exercée par le gouvernement Biden et le FBI. Étrangement, les fact-checkeurs officiels n’ont pas cru bon de se pencher plus avant sur les manipulations de l’information venant de la part d’un des plus influents « géants du web ».   

La plupart des organismes de vérification de l’information – en réalité de surveillance des médias et des réseaux sociaux – font partie de systèmes nébuleux, d’impénétrables usines à gaz derrière lesquelles, quand on fouille un peu, on retrouve souvent les mêmes fondations (celles de George Soros et de Bill Gates, notamment), les mêmes structures d’obédience progressiste et woke (universités, associations, médias, etc.), les mêmes institutions (celles de l’UE, entre autres), toutes décidées à empêcher que soient dévoilés et remis en question leurs projets anti-démocratiques et liberticides. Les sommes d’argent nécessaires au fonctionnement de ces organes de surveillance étant pharaoniques, certaines personnes ont compris qu’avec un peu d’entregent et beaucoup de vice idéologique, l’on pouvait, sans trop se fouler, s’en mettre plein les poches. Fact-checkeurs, dénonciateurs des « discours de haine » et autres « anti-conspi » se bousculent au portillon pour profiter des largesses d’organisations privées et d’organismes publics – ce sont des milliards de dollars ou d’euros qui sont versés chaque année à ces officines soutenant, dans leur grande majorité, le Parti démocrate américain, les thèses wokes et diversitaires, la politique de l’UE, les discours sans-frontiéristes et immigrationnistes, l’écologisme et le GIEC, etc.

Les fact-checkers de Libération (CheckNews), du Monde (Les Décodeurs), de l’AFP (AFP Factuel), de 20 minutes (20 minutes Fake Off), d’Arte (Désintox) et des associations se targuant de combattre la désinformation ont également pour objectif d’imposer leurs opinions progressistes, libérales libertaires ou wokes. Si, sur leurs sites respectifs, tout n’est pas à jeter – des montages photographiques grossiers, des erreurs factuelles ou des mensonges évidents sont évidemment et à juste titre relevés – il apparaît toutefois des biais idéologiques constants, ne serait-ce que dans le choix des fake news à traiter. Sous couvert de « lutter contre la désinformation », ces fact-checkers délivrent régulièrement des correctifs qui ne sont rien d’autre que des opinions reflétant la ligne idéologique du média auto-proclamé « vérificateur de l’information ». Exemple : Sur AFP Factuel, officine de fact-checking de l’AFP « dont la mission est de fournir une couverture précise, équilibrée et impartiale de l’actualité », les notes « rectificatives » sur les informations supposées fausses concernant le climat commencent la plupart du temps par les phrases suivantes : « Le réchauffement climatique et son origine humaine font l’objet d’un consensus scientifique. Dans des publications trompeuses partagées sur les réseaux sociaux, des internautes remettent en cause son existence. » Cette introduction, qui mériterait à elle seule un travail de démystification (ou de débunkage, pour dire comme les fact-checkers), est généralement suivie d’articles incriminant les personnes, y compris d’éminents scientifiques, remettant en question les rapports de synthèse du GIEC, ainsi que les internautes ayant eu l’audace de relayer leurs propos. Sur certains thèmes – le racisme, la diversité, l’inclusivité, le genre, l’immigration, les élections américaines, européennes ou françaises, « l’extrême droite » ou l’écologie – il est assez aisé de deviner les idéologies qui président à la vérification « équilibrée et impartiale » de telle ou telle information. L’ergotage qui fait alors office d’argumentation est destiné, non pas à rétablir la vérité, mais à imposer un point de vue politique tout en participant à la censure des dissidents. Ce contrôle médiatique est d’autant plus efficace qu’il se présente comme son contraire. C’est au nom de la liberté d’expression, du pluralisme des opinions, du rétablissement de la vérité, de la « contextualisation » des faits, que ces cellules de « vérification de l’information » opèrent en réalité un subtil contrôle en même temps qu’elles propagent la bonne parole et tentent de faire taire ceux qui rechignent à rejoindre le troupeau des moutons médiatiques…

Les Gobeurs ne se reposent jamais

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Les Marchands de nouvelles: Médias, le temps du soupçon

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(1) Article du 28 septembre 2024 : « Quand le magazine ELLE fait la chasse aux “influenceuses de l’extrême” ».   

Causons ! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Israël gagne la guerre contre les terroristes ; la France perd de son prestige sur la scène internationale ; l’élimination de Sinouar ouvre des perspectives. Avec Céline Pina, Gil Mihaely et Jeremy Stubbs.


Que représente l’élimination de Yahya Sinouar? Elle montre qu’Israël est en train de gagner la guerre contre les terroristes. Les pays occidentaux devraient s’en inspirer mais pour le moment ils en sont loin. En particulier, le président de la République française semble englué dans une forme d’égocentrisme qui dévalorise la fonction présidentielle et la parole politique.

La mort du chef du Hamas ouvre des perspectives, mais lesquelles? Il ne s’agit pas de la fin de la guerre, mais comme le dirait Churchill, de la fin du début. En termes d’objectifs militaires pour Israël, cette élimination représente une étape certes importante mais non définitive dans l’affaiblissement des capacités stratégiques du Hamas. Sur le plan politique, qui va remplacer Sinouar? Il se peut que son organisation soit désormais privée d’un commandement central, unifié, et se désagrège en plusieurs fiefs commandés par des chefs plus jeunes, moins expérimentés. Les otages vivants sont dispersés parmi ces cellules : qui contrôlera leur destin? Qui sera habileté à négocier du côté du Hamas?

Des revenants

Art d’antan


Les Disparus de Saint-Agil de Christian-Jaque
Ressortie en version restaurée le 23 octobre 2024

Alain Delon aimait à raconter qu’à l’âge de 14 ans, il avait fugué du domicile familial pour tenter de rejoindre les États-Unis avec son meilleur ami. Ils n’avaient pas dépassé Romorantin.

Mais on se dit à l’énoncé d’un tel projet que le petit fugueur s’était peut-être inspiré d’un film vu au Régina, le cinéma paternel de Bourg-la-Reine : Les Disparus de Saint-Agil réalisé par Christian Jaque en 1938. Il aurait été séduit par les trois collégiens de la bande des « Chiche-Capon » (dont l’un est joué par Mouloudji), qui rêvent de partir pour l’Amérique…

Avec Erich von Stroheim et Michel Simon à son casting, ce film est une pure merveille qui mêle très habilement film d’enfance et polar sur fond de fausse monnaie. Il s’en dégage un charme irrésistible sur lequel les années passent, donnant une nouvelle preuve que nombre de films de Christian-Jaque doivent être définitivement réhabilités, depuis ces Disparus jusqu’à Un revenant, Fanfan la Tulipe, L’Assassinat du père Noël, Boule de suif et tant d’autres.

1938. 1h40

Le Niger éradique toute trace française à Niamey

Le dernier putsch au Niger a provoqué une dégradation rapide des relations avec la France, l’ancienne puissance coloniale. Sous l’influence de figures panafricanistes (comme le militant raciste Kemi Seba, arrêté en France cette semaine), le gouvernement a entrepris de réécrire son histoire en effaçant les traces françaises dans la capitale, Niamey.


Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, le Niger et ses 26 millions d’habitants sont dirigés par une junte militaire. Les relations avec la France, ancienne puissance coloniale, se sont rapidement détériorées après que les militaires ont refusé de restituer le pouvoir au président Mohamed Bazoum, malgré les pressions de Paris. Des manifestations anti-françaises ont alors éclaté à Niamey, la capitale, forçant la France à organiser l’évacuation de ses ressortissants, à fermer son ambassade et à retirer ses troupes présentes dans le cadre de l’opération Barkhane, mission initialement lancée pour aider les pays d’Afrique de l’Ouest à lutter contre le terrorisme islamiste au Sahel.

Un régime parano

Désormais perçue comme une menace, sans cesse accusée d’exploiter les ressources du Niger à son propre avantage, la France est devenue la cible régulière du régime du Général Abdourahamane Tiani. Pointant du doigt de mystérieuses actions subversives de Paris, il évoque la présence d’agents de la DGSE française opérant depuis le Bénin et le Nigeria. Parallèlement, les putschistes se sont rapprochés des juntes au pouvoir au Mali et au Burkina Faso, deux régimes qui partagent également leur hostilité envers la France. Profitant de la situation, des mercenaires russes de la société Wagner et des instructeurs militaires envoyés par Moscou se sont installés, remplaçant les forces françaises, avec des contrats lucratifs à la clef.

Kemi Seba en 2006 © SIMON ISABELLE / SIPA Numéro de reportage : 00531190_000010

Poussée par sa paranoïa, la junte militaire nigérienne s’est associée à Kemi Seba, figure majeure du suprémacisme noir. Condamné à plusieurs reprises en France pour incitation à la haine raciale, cet homme, dont le nom civil est Stellio Gilles Robert Capo Chichi, a récemment été déchu de sa nationalité française. Il est accusé de déloyauté envers la France, pays qu’il critique sans relâche pour son supposé néocolonialisme. Proche de la Russie, il a fait plusieurs voyages à Moscou sur invitation de personnalités nationalistes liées au Kremlin. Désormais conseiller d’État du général Abdourahamane Tiani, Kemi Seba est très influent sur les réseaux sociaux, où ses publications sont suivies par des centaines de milliers de personnes, ce qui agace profondément la France en raison de l’influence qu’il exerce sur la diaspora africaine.

L’ancien Strasbourgeois est devenu un fervent défenseur du panafricanisme. Il a été arrêté menottes aux poignets le 14 octobre dernier par la police française, après être entré en France avec un passeport diplomatique. Il est accusé de « complicités avec une puissance étrangère » visant à inciter des actes hostiles contre l’Hexagone. Placé en garde à vue pendant 48 heures, son avocat, l’impayable Juan Branco, a critiqué cette arrestation, y voyant une tentative de Paris de « criminaliser un opposant politique et intellectuel. » Cette affaire renforce les convictions de Kemi Seba qui s’est épanché sur son compte X (anciennement Twitter) et ceux de ses partisans, qui se présentent comme une génération combattant pour « la décolonisation ultime du continent », tout en justifiant les discours de la junte nigérienne…

Une avenue débaptisée en fanfare

Un dernier exemple de la rupture entre le Niger et la France est la décision du gouvernement putschiste de rebaptiser plusieurs lieux emblématiques de la capitale ayant des noms français. Lors d’une cérémonie accompagnée de fanfares militaires, le ministre de la Jeunesse, de la Culture, des Arts et des Sports, le Colonel Major Abdourahamane Amadou, a retiré le portrait de l’explorateur Parfait-Louis Monteuil pour le remplacer par celui du capitaine Thomas Sankara, symbole du panafricanisme, dirigeant africain qui s’était opposé à la France avant son assassinat en 1987. L’avenue Charles de Gaulle a été rebaptisée Djibo-Bakary, en hommage à un héros de l’indépendance nigérienne que la junte a réhabilité. Le centre culturel franco-nigérien est désormais nommé Moustapha-Alassane, en honneur à un pionnier du cinéma africain, et la place de la Francophonie a été renommée place de l’Alliance-des-Etats-du-Sahel (AES), symbolisant l’alliance des juntes ouest-africaines unies contre l’influence française.

Dans son discours, le Colonel Major Abdourahamane Amadou a expliqué que cette décision visait à effacer des noms qui n’avaient aucune résonance dans l’imaginaire collectif des Nigériens. Parallèlement, le gouverneur de Niamey, le Général de brigade Abdou Assoumane Harouna, a quant à lui rappelé que la traite négrière et la colonisation avaient infligé à l’Afrique le racisme et la domination civilisationnelle des colonisateurs « éclairés ». Cette rupture avec l’ancien colonisateur s’inscrit également dans une volonté avérée de renforcer l’identité nigérienne. Elle s’est encore récemment illustrée par l’adoption d’un nouvel hymne national en juin 2023. « Pour l’honneur de la patrie » remplace celui composé en 1961 par le Français Maurice Albert Thiriet et fait écho aux luttes anticoloniales avec un fort accent panafricaniste parmi ses strophes.

La crise actuelle au Niger constitue un tournant majeur sur le plan géopolitique, marquant une rupture radicale avec la France. Ce basculement semble annoncer la fin progressive de la fameuse « Françafrique », cette officine nébuleuse d’État tant critiquée depuis le début de la Ve République et que le président Emmanuel Macron s’était engagé à supprimer. Cependant, pour les Africains, cette transition s’accompagne déjà d’un coût fort élevé : la menace islamiste au Sahel n’a jamais été aussi forte.

Nagui Zinet, le clochard céleste

Il y a un an, ivre à la gare de Lille, Nagui choisit de prendre un train pour Paris plutôt que le métro pour rentrer chez lui. Il raconte ses tribulations sur Instagram, est repéré par une éditrice et voici publié son premier roman, le récit drôle et désespéré des errances d’un certain N. dans la capitale: Une trajectoire exemplaire.


Dès qu’on s’interroge un peu sur le hasard des rencontres, on est pris de vertige. J’ai découvert Nagui Zinet sur Instagram. Je veux dire que c’est sur Instagram que j’ai découvert ses écrits. Ce n’est pas courant, loin de là. Sur ce compte, Nagui Zinet est Nestor Maigret. Il nous parle des livres qu’il lit, des bouteilles qu’il boit, des clochards qu’il croise, des cachets qu’il gobe et des misères qui jamais ne cessent. Ses auteurs favoris sont des Américains qui tapaient de leurs doigts brunis sur des machines à écrire détraquées par leurs histoires glauques. On pense à Bukowski, à John Fante ; il cite David Goodis ou Jim Thompson. Son premier post date de l’hiver 2021. Depuis, il a dépassé les 400. Des lecteurs-followers fidèles se multiplient : je les comprends (étant devenu moi-même l’un d’eux).

Six mois après avoir découvert l’auteur, je retrouve Nagui Zinet face au château de Vincennes. Son premier roman Une trajectoire exemplaire va sortir dans quelques jours. L’homme est plus grand que je ne l’imaginais. Il a un livre à la main et sa parole hésitante me rappelle, dans uneversionmi-lilloise mi-kabyle, la diction hagarde et pointilliste de Modiano. Sa voix grave, caverneuse et douce à la fois, est régulièrement secouée par de petits rires. Sur un banc, nous tournons le dos au pavillon de la Reine ainsi qu’à celui du Roi ; devant nous, des coureurs essoufflés défilent dans des leggings fluorescents.

La conversation démarre à propos de son arrivée à Paris : « L’année dernière, je travaillais dans une usine de bonbons près de Lille. Un dimanche, je suis sorti boire, par ennui. À cinq heures du matin, sur un coup de tête, ivre à la gare Lille-Flandres, j’ai pris le train pour Paris à la place de prendre le métro pour chez moi. » Il y a dans cette anecdote beaucoup des thèmes récurrents de Zinet : l’ennui, la picole, l’errance, le tout dynamité par une mystérieuse alliance entre une drôlerie désespérée et un panache sous anxiolytique. Cette arrivée sur un coup de tête « complètement con » est narrée dans un style peu balzacien : « En arrivant gare du Nord, je me souviens avoir mangé des œufs en me demandant ce que foutais ici : finalement je suis resté et j’ai bien fait. »

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Après avoir vagabondé entre les auberges de jeunesse et les canapés de lecteurs charitables, l’éditrice Joëlle Losfeld, qui suivait déjà les tribulations de Nestor Maigret, lui propose d’écrire un roman (« Sans ça, le livre n’aurait jamais existé »). Le livre existe désormais, et c’est sans doute l’une des meilleures surprises de cette rentrée littéraire. Il existe même si bien que le premier tirage s’est épuisé en deux semaines. On y retrouve donc N., jeune ivrogne sans argent, sans travail et sans amour (« Les amours ratent de peu, c’est ainsi que commencent les suivantes »), qui traîne son corps et ses mensonges dans les bars, entre deux lectures de romans noirs. C’est dans l’un de ces bars qu’il rencontre Irène. Forcément, il lui ment. Le récit est à la deuxième personne : « Bien sûr, ce que tu redoutes arrive. Elle te demande d’où tu viens, ce que tu fais dans la vie, et toutes ces conneries. Tu mens, parce que les bars sont faits pour ça. Tu mens, parce que tu ne reverras plus ces gens. Tu mens, parce que tu as toujours menti. Tu mens, parce que tu as envie de plaire à Irène. » On le comprend, ces mensonges qui ne pourront s’arrêter le mèneront au désastre.

Dans ce récit où le délire et l’ironie ajoutent à un réalisme frontal, on retrouve certains points communs entre le narrateur et Nagui Zinet : le goût pour la chanson française (Aznavour et Souchon en tête), ainsi que pour les romans noirs, donc, mais c’est surtout le besoin d’écrire qui les relie : « C’est une manière d’accepter les pires situations et de ne pas se sentir être une épave ordinaire : c’est surtout la meilleure façon d’être seul. » Zinet, pour autant, n’idéalise pas plus la littérature que le football, ce sport dont il parle avec une passion qui rappelle celle d’Hemingway pour la corrida ou de Philip Roth pour le baseball : « Le sport est très boudé par la littérature française. Ce sont deux milieux qui ne se côtoient pas. Pourtant, j’ai plus d’émotion en repensant au but égalisateur de Zidane contre l’Angleterre en 2004 qu’en lisant l’intégralité des livres de la rentrée littéraire. » Pour lui, à qui la mère faisait faire des dictées avec Le Nouveau Détective, écrire est une bouée autant qu’une boussole. Chaque jour, il répète inlassablement la même méthode : se réveiller, aller marcher, rentrer, écrire. C’est une question d’habitude ou d’addiction. Il dit aussi n’avoir jamais eu de problème d’inspiration : « Si je n’ai pas envie d’écrire, je n’écris pas. » Ces sentences sont prononcées sans que l’on sache bien ce qui l’emporte de l’innocence ou du désenchantement. En Zinet, il y a au fond autant de l’étrange enfant plein de rêves que du vieillard désabusé sans futur.

À lire cette Trajectoire exemplaire, on pourrait craindre de tomber dans une sombre apathie sans espoir, mais c’est par la force et l’énergie du style de Zinet que l’on se retrouve sauvé et même stimulé. La phrase de Zinet est une gifle qui fouette le sang, malgré sa radicale noirceur ; elle est aussi libératrice, comme la vérité, et peut-être même comme le mensonge. Et si tout reste encore à prouver, je ne doute pourtant pas qu’il y a là l’un des auteurs importants de sa génération, de notre génération. Il y a un an, Nagui Zinet est arrivé de sa province, comme des dizaines de millions d’autres depuis des siècles. Barrès disait que ces êtres qui tombaient dans la foule ne cessaient ensuite de gesticuler et de se transformer jusqu’à ce qu’ils en sortent « dégradé ou ennobli ». Concernant Nagui Zinet, nous savons déjà lequel de ces deux chemins son talent lui a fait prendre.

Une trajectoire exemplaire, de Nagui Zinet, Joëlle Losfeld Éditions, 2024.

Une trajectoire exemplaire

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Forum World In Progress Barcelone: l’Europe au défi de la mondialisation

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À Barcelone, lors du forum World In Progress, les décideurs commentaient le brûlant rapport Draghi et s’inquiétaient tous de notre démographie déclinante et d’une innovation en berne sur le vieux continent.


Fondé en 1972 par José Ortega Sportono et Jesus de Polanco, le groupe de presse espagnol Prisa (El Pais, As, Cadena Ser) est actuellement présidé par l’homme d’affaires français Joseph Oughourlian. Prisa organisait le forum World In Progress à Barcelone les 14 et 15 octobre. L’objectif de ce sommet était de réunir des acteurs d’envergure du monde politique et des affaires autour des enjeux les plus périlleux que le monde contemporain et l’Europe affrontent aujourd’hui.

Parmi les questions à l’ordre du jour figuraient notamment celles portant sur le déclin démographique de l’Europe et l’immigration, le rejet des élites occidentales par leurs populations, le rapport Draghi et les différents conflits militaires en cours. Loin d’être déconnectées, ces problématiques sont liées les unes aux autres comme l’ont démontré les différents conférenciers prestigieux invités à se partager la scène du Caixa Forum.

Nous avons notamment pu échanger en privé avec Matteo Renzi et Enrico Letta. Si le premier est volubile et le second plus austère, tous deux tirent la sonnette d’alarme sur l’état de santé de l’Europe.

World in Progress Barcelona. De gauche à droite : Montserrat Domínguez, Carlos Nuñez, Pilar Gil, Salvador Illa, Pedro Sánchez, Joseph Oughourlian, Jaume Collboni, Pepa Bueno, Carlos Prieto y Fernando Carrillo.

Une Europe vieillissante confrontée à l’immigration de peuplement

Un constat pessimiste s’est imposé au cours de ces deux journées de conférences et d’entretiens privés : l’Europe est vieillissante. Pis encore, rien ne semble pouvoir enrayer la spirale de la dénatalité qui touche tous les pays du continent, singulièrement ceux du Sud tels que l’Espagne et l’Italie. Enrico Letta l’a d’ailleurs résumé en une formule lapidaire, confessant que l’Europe était devenue « un EPHAD ». Des propos en phase avec ceux de Matteo Renzi qui a affirmé que le continent n’était pas en « crise démocratique » mais « démographique ».

C’est particulièrement vrai pour l’Italie, mais aussi l’Espagne où nous nous trouvions. Comme les deux dirigeants transalpins l’ont rappelé, 1,1 million de bébés italiens naissaient chaque année dans les années 1970 contre moins de 400.000 dans les années 2010. Il ne s’agit pas d’un simple déclin, c’est un véritable effondrement. Les conséquences économiques sont colossales, empêchant la croissance européenne de se maintenir à des taux satisfaisants et provoquant la disparition de filières professionnelles entières. Le déclin démographique provoque aussi la désertification des zones rurales, désormais dépeuplées et à l’abandon.

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Cette chute de la natalité constitue aussi l’une des raisons poussant le patronat à réclamer plus d’immigration de travail. Les systèmes sociaux de la plupart des pays européens sont, en outre, particulièrement attractifs. Reste que l’accueil des nouveaux entrants ne se fait pas sans heurts, une majorité d’entre eux provenant de pays aux cultures et mœurs fort éloignées des nôtres. Ajoutons aussi que l’immigration illégale a explosé lors des quinze dernières années, les conflits au Sahel, en Afghanistan et en Syrie provoquant un appel d’air vers un vieux continent insuffisamment protégé et préparé pour y faire face.

Nous sommes donc confrontés à une situation explosive qui fracture profondément nos sociétés. Une solution possible est celle empruntée par Giorgia Meloni en Italie. Cette dernière a décidé de lutter farouchement contre l’immigration illégale sans fermer la porte à l’immigration légale ciblée de travail. Une immigration de travail qui ne devrait par ailleurs pas toujours rimer avec immigration d’installation, ainsi que cela a été trop souvent le cas en France. Enrico Letta en a convenu : « La natalité française n’est pas aussi catastrophique qu’en Italie. Vous avez aussi une différence. Vous n’avez pas à gérer uniquement des flux d’immigration, mais aussi des stocks des dernières décennies ».

Le tour d’horizon de l’enjeu migratoire ne serait pas complet sans s’attarder sur l’émigration, c’est-à-dire la fuite des cerveaux les mieux formés. Ce sujet tient à cœur à Matteo Renzi : « Nos ingénieurs les plus qualifiés partent aux Etats-Unis et en Asie trouver des opportunités qu’ils ne trouvent pas en Europe ! C’est dramatique et nous devons solutionner cela en permettant aux jeunes diplômés des secteurs technologiques d’obtenir les rémunérations qu’ils recherchent et les missions professionnelles qu’ils désirent ».

Une Europe vieillissante qui peine à innover

« Les Etats-Unis innovent, la Chine copie et l’Europe régule », a déclaré Matteo Renzi en écho au rapport Draghi. Wolfgang Munchau, directeur d’Eurointelligence, a résumé ledit rapport en ces termes : « L’UE s’est dotée d’un régime de protection des données si restrictif qu’il constitue un obstacle au développement de l’intelligence artificielle. Elle a introduit une loi sur les services numériques qui traite les plateformes de réseaux sociaux comme hostiles à la culture européenne. […] L’UE est coincée dans un piège technologique digne de l’ingénierie mécanique du milieu du 20e siècle ».

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Pour le dire plus simplement : l’Europe a un déficit de compétitivité manifeste par rapport à ses concurrents. Les parts de marché des grandes industries européennes ne cessent de reculer depuis le début des années 2000 – à l’exception notable de l’Allemagne qui subit néanmoins de plein fouet le conflit ukrainien -. Cette faillite collective trouve son origine dans ce qu’on a appelé « l’agenda de Lisbonne » décidé au Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, dont l’objectif affiché était de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». La stratégie a échoué puisque nous ne sommes pas « l’économie de la connaissance » la plus compétitive, bien au contraire. Dans des domaines aussi variés que le spatial, l’intelligence artificielle, la robotique ou les technologies de l’information, l’Europe se traîne. La bataille n’est toutefois pas perdue d’avance. Nos interlocuteurs ont tenu à se montrer optimistes. Mais il faut pour cela mettre en place des politiques efficaces et réduire le carcan administratif qui étouffe l’écosystème du continent. Surtout face à une concurrence américaine ambitieuse. L’Inflation Reduction Act (IRA) décidé par l’administration Biden fait peser une véritable épée de Damoclès sur notre économie. Il s’agit d’une politique offensive et particulièrement attractive. Les Etats-Unis ont investi des centaines de milliards de dollars pour attirer les entreprises du monde entier, notamment celles du secteur automobile. Le plan prévoit notamment des crédits d’impôts pour la production des véhicules électriques, l’éolien, le solaire, la séquestration du carbone, l’hydrogène vert, les biocarburants, les batteries, etc. En plus de ce volet fiscal, l’IRA accorde des aides financières directes aux particuliers américains pour l’achat… des produits vertueux fabriqués aux Etats-Unis. Cela pourrait entrainer des délocalisations massives d’entreprises qui ont investi en Europe.

Pour l’heure, nous ne nous sommes pas dotés des leviers politiques et des moyens financiers pour y répondre, alors même que nous allons passer notre parc au tout électrique dans les prochaines années. Enrico Letta propose trois axes : desserrer l’étau des régulations qui pèse sur les entreprises innovantes, protéger les secteurs de l’économie européenne qui affrontent des concurrences étrangères bénéficiant d’avantages compétitifs insurpassables et mettre en place des mesures incitatives pour relancer la natalité. Il croit que ces trois conditions sont indispensables pour maintenir la croissance de l’économie européenne.

Conclusion

Eviter la muséification du continent européen passe par la prise de conscience pleine et entière des défis du temps. C’est du moins ce qui est ressorti de ce forum World In Progress. Le danger que court l’Europe est celui de la sortie de l’Histoire : par le changement de population ou la disparition progressive de sa population d’origine, par le manque d’innovation de notre économie et par une mauvaise compréhension du champ de bataille économique de l’époque contemporaine. Cet arc de catastrophes ne sera pas vaincu sans faire montre d’une ambition commune en Europe.

Bruno Le Maire a alerté, et ce serait lui le coupable?

Budget. Les contempteurs de l’ancien ministre de l’Économie lui reprochent d’avoir fui en Suisse, voire d’avoir falsifié les comptes publics… De son côté, M. Le Maire avait menacé: «La vérité apparaîtra plus tard».


Bruno Le Maire est complexe : il est intelligent, il a été durant sept ans un ministre de l’Économie important, il a été discipliné mais aussi libre, il a écrit des livres dont certains sont remarquables, il connaît sa valeur et parfois ne l’a pas assez dissimulé. Le président de la République ne l’appréciait pas trop et au sein des gouvernements qui se sont succédé, il a été sans doute la proie de ce malaise désagréable face à des personnalités, voire des Premiers ministres, qui ne vous valent pas. Heureusement pour ses adversaires, il n’a pas toujours été confirmé par la réalité et en particulier l’économie russe n’a jamais été « mise à genoux ». Certaines de ses prévisions n’ont pas été couronnées de succès et on a pu se gausser de contritions insuffisantes, de quelques propos dont l’optimisme était surjoué.

C’est Emmanuel Macron, l’inventeur du « quoi qu’il en coûte »

Maintenant que Bruno Le Maire enseigne à Lausanne et que plus rien n’est susceptible de le retenir dans l’expression de sa vérité sur l’état des comptes publics et sur leur dérive en si peu de temps, je le crois sincère quand il se réjouit de la validation d’une commission d’enquête à l’Assemblée nationale. Notamment Éric Coquerel et Éric Ciotti le questionneront sur ce qui a relevé de ses attributions, de ses compétences et de son rôle d’animateur.

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Cet exercice à la fois technique et démocratique va se dérouler dans une période où, semble-t-il, on tourne moins autour du pot républicain et où la responsabilité fondamentale d’Emmanuel Macron dans cette calamiteuse dégradation des finances publiques ne fait plus aucun doute. Après le « quoi qu’il en coûte », il a inspiré une continuation de la facilité et de la démagogie dépensière, qui a abouti à la grave crise d’aujourd’hui. C’est à cause de cette perception que les explications de Bruno Le Maire vont être accueillies par la commission d’enquête dans une atmosphère qui ne lui sera pas forcément défavorable. Bruno Le Maire pourra ainsi tenir les promesses qu’il avait formulées sur un mode menaçant en laissant entendre que le moment venu il s’exprimerait : « la vérité apparaîtra plus tard ».

Une contre-offensive en préparation

L’essentiel de ce qui suit découle d’un excellent article de Marion Mourgue et de Ludwig Gallet, dans Le Parisien : « Dérapage budgétaire : comment Bruno Le Maire prépare sa contre-offensive »[1].
L’une de ses anciennes collègues du gouvernement a souligné que durant deux ans, en conseil des ministres, il n’avait cessé d’alerter sur l’état des finances publiques.

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Bruno Le Maire rappellera également qu’il avait demandé avec insistance qu’on sortît du « quoi qu’il en coûte » et que ceux qui avaient prétendu lui donner des leçons en seraient pour leurs frais. À plusieurs reprises, à cause de ses avertissements qui tranchaient avec l’obligation d’une béatitude rassurante exigée par le président et le Premier ministre.
À quelques semaines des élections européennes, Bruno Le Maire estime souhaitable une loi de finances rectificatives de 15 milliards d’euros mais il est désavoué par Emmanuel Macron et Gabriel Attal, ce dernier préférant miser sur « les mesures réglementaires et les gels de crédits ».
Un soutien de l’ancien ministre va jusqu’à dire que la dissolution a été décidée parce que le président ne voulait pas assumer les économies projetées par Bruno Le Maire, car il craignait l’impopularité.
Dans ce même mouvement de libéralité contre la rigueur à mettre en œuvre, Emmanuel Macron « distribuait des chèques souvent dans le dos du ministre ».
Il y a dans ce qui se prépare le risque d’une perversion française, courante sur le plan politique. Celui qui a dénoncé le scandale deviendra le coupable. Un bouc émissaire rêvé. Je suis sûr qu’un Bruno Le Maire, en totale indépendance et heureux de n’avoir plus à mesurer ou à travestir son verbe, entre solidarité et esprit critique, se fera une joie de remettre les pendules à l’heure. Le président pourra compter sur son petit groupe d’inconditionnels mais les faits sont têtus et les témoins nombreux.


[1] https://www.leparisien.fr/politique/derapage-budgetaire-comment-bruno-le-maire-prepare-sa-contre-offensive-15-10-2024-ROE2NHGBZJBABHGNMH45DPFJEM.php

La vérité est têtue

Au tribunal, Marine Le Pen a de nouveau défendu avec assurance le travail réalisé par Mme Griset, Mme Bruna ou M. Légier, lors de l’audience du 15 octobre. Mais l’accusation continue de dire que les assistants parlementaires européens occupaient des emplois « fictifs ».


Elles sont arrivées ensemble au tribunal. L’une, brune au carré mi-long, en costume bleu, élancée sur de hauts talons. L’autre, blonde au carré court, altière sur ses escarpins talons aiguilles, vêtue d’un chemisier clair sous une veste vert fougère. Catherine Griset et Marine Le Pen se sont rencontrées quand Marine Le Pen, alors jeune avocate, cherchait une assistante. Catherine Griset arrivait d’Angoulême, et une connaissance commune du Front national jeunesse (FNJ) les a mises en relation. Après une période d’essai, Catherine Griset, encore étudiante, devient l’assistante de l’avocate Marine Le Pen. Depuis cette date, les deux femmes ont poursuivi leur collaboration jusqu’à l’élection de Catherine Griset à la députation européenne, en 2019.

« Je suis la porte d’entrée de Marine Le Pen ! »

Forte de cette fidélité professionnelle, Catherine Griset devient l’assistante parlementaire de l’eurodéputée Marine Le Pen entre 2010 et 2016. L’ancienne assistante énumère la longue liste de tâches qu’elle réalisait alors : gestion des nombreuses boîtes de Marine Le Pen (que celle-ci n’ouvre jamais), gestion de son agenda et de ses déplacements (réservation des billets de transports, hôtels, etc.), impression et correction des discours « dans un format très précis », préparation de ses interventions en plénière, en commission, gestion de son temps de parole au Parlement européen et de ses relations avec les eurodéputés d’autres délégations, gestion des appels et de toutes les demandes de contact, etc. L’ancienne assistante parlementaire, accusée d’avoir cumulé en même temps la fonction de chef de cabinet de Marine Le Pen, explique qu’elle gérait la réception de « plus de 500 mails par jour, de 300 lettres » ! L’ancienne assistante accréditée se définit ainsi comme une courroie de transmission entre Marine Le Pen et les autres députés et assistants parlementaires européens, et toute autre personne : « je suis la porte d’entrée de Marine Le Pen. Les gens qui veulent lui parler, la voir : ils s’adressent à moi ! » Mais, pourquoi est-il écrit dans les organigrammes du parti qu’elle est “assistante”, sans référence au Parlement européen, puis “chef de cabinet” de Marine Le Pen ? interroge le tribunal. Personne ne conteste son travail, mais travaillait-elle pour Marine Le Pen, présidente du FN, ou pour Marine Le Pen, eurodéputée ? « J’ai toujours travaillé pour Marine Le Pen ». Donc, « vous travailliez pour Marine Le Pen, présidente du parti ? », insiste la présidente du tribunal. « Non, j’ai toujours travaillé pour Marine Le Pen. Quand Marine Le Pen était avocate, j’étais assistante juridique. Quand elle est députée, je suis assistante parlementaire », rétorque l’ancienne assistante. Pour prouver le contenu de son travail d’assistante parlementaire, Catherine Griset a fourni des centaines de preuves à l’instruction, lesquelles démontrent que son travail d’assistante était incontestablement en lien avec le Parlement européen lorsque Marine Le Pen en était une élue. Mais la juge Bénédicte de Perthuis met en doute la pertinence des pièces fournies.

La défense demande alors l’affichage de mails datant de cette époque. Défilent aléatoirement sur le grand écran de la salle d’audience des messages de ou à destination de Catherine Griset, parfois signés Marine Le Pen par l’assistante elle-même. Mais pourquoi n’utilisait-elle pas la boîte mail du Parlement européen ? interroge l’accusation. Comme elle devait gérer plusieurs boîtes mails, il lui était plus pratique de basculer tous les mails sur sa boîte Gmail personnelle, explique Mme Griset. D’autant que le Parlement européen écrasait les mails au bout de 90 jours.

Pourquoi ne vivait-elle pas à Bruxelles, comme le stipule la réglementation européenne pour les assistants parlementaires accrédités (APA) ? interroge Me Maisonneuve, l’avocat du Parlement européen. Catherine Griset raconte sa vie sentimentale complexe faite de divorces et de séparations multiples. Elle reconnait en outre ne pas avoir compris qu’« être domiciliée voulait dire vivre à plein temps à Bruxelles ». Elle pensait, « en tout bonne foi », qu’il fallait être domicilié en Belgique, mais uniquement pour des raisons administratives et fiscales… Concernant sa présence partielle à Bruxelles, l’ancienne assistante accréditée déclare qu’elle suivait sa patronne, et n’avait pas compris à l’époque qu’elle devait « être au Parlement européen de 9h à 17h ». L’audience est suspendue. Catherine Griset part à toute vitesse. Direction ? Le Parlement européen, dont elle est maintenant une élue !

Mesdames Le Pen et Griset arrivent au tribunal, Paris, 30 septembre 2024 © Louise Delmotte/AP/SIPA

 « Nos assistants parlementaires ont fait le travail que l’on attendait d’eux »

À la reprise des débats, on a le sentiment que le procès tourne un peu en rond. La magistrate Bénédicte de Perthuis appelle de nouveau à la barre des prévenus déjà interrogés la semaine précédente avec Bruno Gollnisch. Concernant le contrat d’assistante parlementaire signé entre Marine Le Pen et Micheline Bruna, alors secrétaire de Jean–Marie Le Pen d’après l’organigramme du FN, l’ancienne eurodéputée répète au tribunal le fonctionnement en « pool » des assistants qui était en vigueur alors qu’ils n’étaient que trois eurodéputés FN, Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch et elle, durant la législature 2009/2014. « Nous avions mutualisé Mme Bruna car nous n’étions que trois », répète inlassablement Marine Le Pen. Elle en profite cette fois-ci pour « rendre un hommage à l’immense travail accompli » par tous les assistants des députés FN. « On n’a pas à rougir du travail de nos assistants parlementaires. Nos assistants parlementaires ont fait le travail que l’on attendait d’eux », complimente Marine Le Pen, qui souligne que les suffrages suivants en sont la preuve. Puis, c’est au tour de Thierry Légier d’être appelé une nouvelle fois à la barre. Bis repetita : l’accusation remet en cause le travail d’assistant parlementaire de celui qu’elle décrit comme un simple «garde du corps».

 « Assistant, c’est un statut »

« L’anticipation avant les déplacements, repérer les lieux, c’est le rôle d’un officier de sécurité, c’est plus que le rôle d’un [simple] garde du corps. D’autant qu’on avait peu de moyens, il n’y avait pas de directeur de cabinet qui nous suivait ». Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, le responsable sécurité de la délégation FN au Parlement européen livre d’une voix posée des confidences sur toutes ses activités d’assistant. Thierry Légier confie avoir eu « plusieurs casquettes ». En plus de ses missions de sécurisation connues de tous, l’ancien militaire révèle au tribunal s’être occupé d’organiser des rendez-vous confidentiels pour les leaders de la délégation FN au Parlement européen. Il évoque les noms de Charles Pasqua, Bernard Tapie, Valéry Giscard d’Estaing, Roland Dumas, « et bien d’autres encore » qu’il ne peut pas citer pour des raisons de confidentialité… C’est aussi par son entremise, raconte-t-il, que la délégation parlementaire FN pouvait se rendre aux salons de la défense Eurosatory ou Milipol. L’agent de sécurité a par exemple aussi organisé une interview de Marine Le Pen sur la radio 90 FM de son ami Jean-Marc Cohen. Thierry Légier énumère ainsi une longue liste d’activités démontrant qu’il n’était pas que « le garde du corps de Jean-Marie Le Pen », comme l’affirme l’accusation. Pendant cette législature, Thierry Légier assure en outre qu’il ne travaillait « pas 100 % de son temps pour Jean-Marie Le Pen », qu’il servait d’interface entre tous les députés au sein même du Parlement. « Je participais aux réunions de groupe au Parlement européen afin d’organiser l’agenda des déplacements de chacun. J’accompagnais le groupe afin de les sécuriser. J’étais en relation avec les huissiers du Parlement européen, avec les ambassades lors des déplacements à l’étranger. » Le militant explique qu’il faisait aussi des photocopies de dossiers, qu’il s’occupait des cartes d’embarquement au desk d’Air France, etc. Sa méthodique avocate, Me Doumic, s’élève contre les insinuations du tribunal restreignant les activités de Thierry Légier aux fonctions de garde du corps, d’autant plus que « le Parlement européen n’a jamais interdit qu’un responsable sécurité soit assistant parlementaire. Assistant, c’est un statut. On peut être assistant parlementaire photographe, concepteur de site internet, rédacteur de  discours, responsable de la sécurité », énumère-t-elle.

De son côté, Marine Le Pen réfute une nouvelle fois l’idée que le Parlement européen ignorait les fonctions de Thierry Légier. Sur ses bulletins de salaire, qui sont en possession du Parlement européen, il était bien écrit responsable sécurité : « J’ai l’impression que l’on est un peu à front renversé. S’il existe un doute, il doit profiter à ceux qui sont amenés à répondre de certaines accusations. Nous avons démontré que jamais nous n’avons caché quoi que ce soit. Il déposait son arme tous les jours dans un coffre, il n’y a pas cinquante députés qui risquent leur vie en faisant leur mandat ! » Enfin, l’actuelle chef de l’opposition à l’Assemblée nationale résume cette seconde journée d’auditions d’un cinglant : « La vérité est têtue ! »

Quand les Américains élisent, les Ukrainiens s’enlisent

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Volodymyr Zelensky et Charles Michel, 17 octobre 2024, Bruxelles © Geert Vanden Wijngaert/AP/SIPA

Impossible n’est pas ukrainien ? Son pays est en difficulté sur le front, mais le président Volodymyr Zelensky a présenté un “plan de victoire” à ses alliés, à Bruxelles, jeudi. Les nouvelles demandes ukrainiennes adressées aux Occidentaux interviennent alors que les Américains se rendent aux urnes dans quelques jours, et alors que le conflit est passé au second plan à cause de la guerre au Proche-Orient.


Volodymyr Zelensky était jeudi 17 octobre à Bruxelles pour présenter son « plan de victoire » en cinq axes au Parlement européen. Actuellement, la situation militaire est difficile pour l’armée ukrainienne dans le Donbass, où la Russie grignote quotidiennement du terrain. Les gains ukrainiens d’août 2023 dans la région de Koursk, s’ils ont surpris Moscou, ne sont pas de nature à changer le cours de la guerre. Vladimir Poutine a mobilisé l’ensemble de la société russe pour satisfaire ses appétits de conquête… ainsi que ses alliés étrangers. Le soutien de la République Populaire de Corée se montre de plus en plus concret, les services de renseignement sud-coréens ayant révélé que des soldats nord-coréens seront prochainement déployés vers le théâtre d’opérations ukrainien. Ce sont 1500 membres des forces spéciales du régime communiste qui sont désormais sur le pied à Vladivostok, bientôt rejoints par des troupes régulières.

« L’accroissement de la coopération croisée et du soutien militaire de la Corée du Nord à l’effort de guerre russe en Ukraine sont très inquiétants », a réagi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère des Affaires étrangères français. L’officialisation de l’alliance russo-coréenne est effectivement une source majeure d’inquiétudes, alors que le monde semble au bord d’une catastrophe collective. Nous n’avonsjamais été si près du danger depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est pour cela qu’il faut écouter avec attention les propos de M. Zelensky qui est aujourd’hui le seul à tenter de proposer une issue militaire au conflit aux alliés ainsi qu’un plan de paix à la Russie – qui, elle, attend une reddition de son adversaire.

Cinq points

Le plan présenté par l’Ukraine montre une certaine constance stratégique. Le premier point porte sur l’adhésion du pays à l’OTAN à plus ou moins brève échéance, ce qui garantirait à l’Ukraine d’être prise en compte dans « l’architecture de sécurité » de ses partenaires et alliés occidentaux. Il s’agit là d’une mesure qui serait pratique et symbolique. Pour l’heure, les partenaires divergent quant à la réponse à apporter. Il est de notoriété publique que le chancelier allemand Olaf Scholz ne voit pas cela d’un bon œil. La France et le Royaume-Uni pourraient en revanche s’y montrer favorables. Sur le plan symbolique, cela prouverait que l’invasion de l’Ukraine aurait un effet opposé aux buts de guerre poutiniens, qui visaient notamment à empêcher l’Ukraine d’intégrer l’OTAN. Il s’agirait d’un troisième revers, Finlande et Suède ayant déjà adhéré à l’OTAN du fait de la guerre d’Ukraine, Helsinki rompant ainsi avec des décennies de « neutralité ».

Le second volet est sûrement le plus important. Volodymyr Zelensky demande « le renforcement de la défense ukrainienne et la redirection de la guerre vers le territoire de la Russie ». Concrètement, l’Ukraine souhaite la levée des restrictions sur l’usage des armes de longue portée fournies par les pays alliés sur l’ensemble du territoire ukrainien occupé par la Russie, incluant donc la Crimée, et sur le territoire russe, ainsi que la poursuite de l’aide occidentale pour la formation des brigades de réserve. Il est vrai qu’il est assez sidérant d’exiger de l’Ukraine de se battre avec une main dans le dos. Par ailleurs, l’histoire récente a permis de vérifier que la Russie fixait beaucoup de lignes rouges qu’elle ne respecte pas, à l’image des États-Unis d’Obama qui avaient déclaré que l’usage d’armes chimiques par la Syrie d’Al-Assad entraineraient des conséquences… sans réagir après qu’elles aient été employées. Malheureusement, les États-Unis sont toujours très frileux dans leur soutien à l’Ukraine, comme s’ils craignaient que la Russie ne se fâche. La raison est peut-être ailleurs. Alliée notoire de l’Iran, la Russie joue de cette relation pour opérer un chantage sur Washington.

Selon Le Figaro, les États-Unis auraient demandé à la Russie d’intercéder auprès de l’Iran. Anthony Blinken et Sergueï Lavrov auraient même échangé à ce sujet au sommet de l’Asean. Le prix de la retenue iranienne obtenue par la Russie aurait un coût exorbitant : non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et interdiction de l’usage des armes à longue portée sur le territoire russe… Comment faire confiance à la Russie pour maintenir le statu quo au Moyen-Orient ? Le déclenchement de la guerre dans cette région a été une aubaine pour le Kremlin, provoquant notamment un désengagement de plus en plus patent des États-Unis dont l’opinion publique est lassée par le conflit ukrainien.

Le troisième volet proposé par Kiev est celui de la dissuasion. L’Ukraine demande le déploiement d’un « ensemble complet de moyens de dissuasion non nucléaires afin de décourager toute nouvelle agression russe ». Contrairement à ce qu’a avancé Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky n’a donc pas déclaré vouloir se doter de l’arme nucléaire. Il a simplement indiqué que l’Ukraine ne serait jamais en paix et en sécurité sans d’importants investissements… Ce volet est nécessaire et raisonnable.

Les deux volets suivants concernent l’arrière et l’après-guerre. Kiev invite les alliés à investir en Ukraine et promet un retour sur investissement grâce à l’expérience accumulée par l’armée ukrainienne qui sera plus tard « utilisée pour l’ensemble de l’Alliance et la défense de l’Europe ».

Un plan crédible ?

Ce plan souffre d’une inconnue : l’engagement américain. La campagne électorale américaine peut faire douter. S’il semblerait stratégiquement délirant que les États-Unis laissent la Russie emporter une victoire trop évidente qui serait perçue comme un signal de grande faiblesse, les impétrants à la Maison-Blanche ne font pas de grandes démonstrations d’amour envers Kiev. Donald Trump a à plusieurs reprises manifesté une forme de mépris à l’endroit de Volodymyr Zelinsky, qu’il juge être « le meilleur vendeur de la planète » et coûter trop cher. Il a aussi jugé que Joe Biden était « responsable » de la guerre. Son élection ferait entrer l’Ukraine dans une phase d’incertitude. Néanmoins, l’homme est orgueilleux et pourrait chercher à sortir par le haut du conflit en obtenant des résultats positifs. Son imprévisibilité rend en tout cas la tâche ukrainienne difficile pour le moment.

Quant à Kamala Harris, elle n’est pas connue pour être un faucon. Présidente du German Marshall Fund, Alexandra de Hoop Scheffer estime que la vice-présidente cherche à éviter les conflits et n’est « pas claire » sur la politique étrangère. Pis encore, elle ne « (comprendrait) pas les enjeux internationaux » et pourrait chercher à « freiner l’engagement américain en Europe »….

La Russie ne veut pas entendre parler de négociations. Ou plutôt, elle veut négocier en prenant tous les oblasts annexés et en demandant un prix exorbitant. Il est aussi absolument certain qu’elle n’en resterait pas là si son viol manifeste du droit international était impuni. Reste donc l’Europe et le génie propre aux Ukrainiens. L’Europe est un nain en matière de défense. L’ancien président du Conseil des ministres d’Italie Enrico Letta, particulièrement pessimiste sur l’issue du conflit, me confiait au sommet World In Progress Barcelone que la « France est le seul pays d’Europe avec une tradition militaire encore vigoureuse et des capacités de projection »… Si la phrase est flatteuse pour nous, elle est aussi inquiétante. L’armée française est certes performante et est la seule du continent à avoir toujours des capacités de projection, mais elle est miniaturisée et échantillonnaire. Elle n’est pas à même d’assurer à elle seule la défense du continent, surtout dans une guerre de volume comme celle que la Russie impose à l’Europe. L’Europe doit avoir une politique de défense bien plus ambitieuse pour répondre aux défis géopolitiques majeurs du temps. Une proposition évoquée est d’employer l’European Mechanism Act créé pendant la crise financière en ce sens. Pourquoi pas, mais l’heure presse… Ces politiques de long terme ne sauveront pas l’Ukraine aujourd’hui, mais elles doivent être tenues sur la livraison d’armes et la formation. La brigade Anne de Kiev est un beau symbole en ce sens.

Un autre interlocuteur, actif dans le secteur de l’innovation et de la défense en Ukraine, m’a dit la chose suivante : « Mon avis est le même que celui de Churchill en 1940. La situation est désespérée mais il n’y a pas d’autre choix que se battre et gagner. Je compte sur deux choses : l’innovation technologique des Ukrainiens qui produit des merveilles, l’élection américaine qui va débloquer beaucoup de choses pour le pire et le meilleur ». Si le pire arrive, ce sera à l’Europe d’agir. Et plus sérieusement qu’elle ne le fait déjà.

Les démocrates et le mépris des afro-américains

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La candidate démocrate à l'élection présidentielle américaine Kamala Harris invitée de l'émission populaire "The View", New York, 8 octobre 2024 © Jacquelyn Martin/AP/SIPA

L’ancien président Barack Obama s’est récemment insurgé contre le manque de soutien des hommes afro-américains à la candidate démocrate Kamala Harris, les accusant presque de sexisme. Des propos qui ne sont pas sans rappeler ceux de Joe Biden il y a quatre ans, et qui révèlent la condescendance que peut avoir la gauche américaine à l’égard de l’électorat noir.


La semaine dernière, à l’occasion d’un meeting en soutien à Kamala Harris à Pittsburgh en Pennsylvanie, celui qui a été à la tête des États-Unis de 2009 à 2017, a tenu des propos honteux à l’encontre des électeurs afro-américains de sexe masculin. Voyant le soutien de la communauté noire à Kamala Harris s’éroder, il a déclaré que « certains hommes ne sont pas à l’aise avec l’idée d’avoir une femme à la présidence » avant d’ajouter : « Vous envisagez de ne rien faire ou de soutenir quelqu’un qui a l’habitude de vous dénigrer, parce que vous pensez que c’est un signe de force, parce que c’est ce qu’est un homme ? ». 

Des déclarations scandaleuses

Ces mots, indignes de la part d’un ancien « commander in chief » montrent que Monsieur Obama et les élites démocrates traitent les afro-américains, non pas comme des électeurs comme les autres, mais comme une communauté infantilisée qu’il faut simplement séduire tous les quatre ans pour remporter l’élection présidentielle.

A lire aussi, du même auteur: Kamala Harris, une modérée?

Par ailleurs, ces propos mettent aussi en lumière deux éléments : un état d’esprit assez malsain et donneur de leçons considérant que les afro-américains, parce qu’ils sont afro-américains doivent par définition soutenir Kamala Harris, elle-même afro-américaine, mais également une espèce de fébrilité dans le camp démocrate. En effet, des sondages du Siena College pour le New York Times publiés les 12 et 13 octobre indiquent que Kamala Harris est moins soutenue par les minorités, notamment les électeurs noirs, que les anciens candidats démocrates à l’instar de Joe Biden, Hillary Clinton et… Obama !

« Alors vous n’êtes pas noir »

Mais, malheureusement, Barack Obama n’est pas le premier démocrate à s’illustrer par son mépris de l’électorat noir. En 2020, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle, Joe Biden avait été encore plus loin que son prédécesseur.

Lors d’une interview radio dans l’émission « The Breakfast Club » animée par Charlamagne Tha God il avait osé affirmer la chose suivante : « Si vous avez du mal à savoir si vous êtes pour moi ou pour Trump, alors vous n’êtes pas noir ». Des paroles dénigrantes voire nauséabondes.

D’ailleurs, en termes d’attitude dénigrante, la candidate démocrate a également fait fort depuis son entrée dans la course à la Maison-Blanche. Invitée du célèbre « Late show » de Stephen Colbert le 8 octobre, Kamala Harris a soudainement, selon des observateurs, pris l’accent jamaïcain. En septembre, la démocrate avait déjà pris l’accent du sud lors d’un meeting à Atlanta en Géorgie.

A lire aussi, Nicolas Conquer: Harris, les inquiétudes de l’Etat-major démocrate

Encore une fois, ne nous y trompons pas. Ceux qui se présentent tous les jours comme les ardents défenseurs des minorités, ne le sont en rien.

Le virage pro-Donald Trump des afro-américains

D’élection en élection, les minorités et plus particulièrement les afro-américains se rendent compte que la gauche se sert d’eux et ne cherchent pas, contrairement au camp conservateur, à améliorer leur qualité de vie et à préserver leur mode de vie.

C’est la raison pour laquelle, ils soutiennent de plus en plus les politiques préconisées par Donald Trump. Toujours selon l’étude du Sienna College pour le New York Times, 40 % des afro-américains soutiennent la construction d’un mur à la frontière sud. Attachés à la lutte contre l’insécurité et au « Law & Order » pour reprendre l’expression consacrée outre-Atlantique, ils sont 47 % à considérer que la criminalité dans les grandes villes est devenue incontrôlable. La vérité est que les démocrates ne répondent plus aux attentes des électeurs noirs ou quand ils le peuvent, ils ne tiennent pas leurs promesses. Même le très démocrate New York Times a reconnu que : « L’érosion du soutien à Mme Harris s’explique en grande partie par la conviction croissante que les démocrates, qui ont longtemps célébré les électeurs noirs comme la « colonne vertébrale » de leur parti, n’ont pas tenu leurs promesses ».

Qui ira fact-checker les fact-checkeurs?

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DR.

Censés lutter contre la désinformation dans les médias et sur les réseaux sociaux, des dizaines de bureaux de « vérification de l’information » ou fact-checking ont vu le jour ces dernières années. Qui sont et qui financent la plupart de ceux qui se présentent comme les incorruptibles redresseurs des torts médiatiques? Quels sont les véritables buts de ces rigoureux détecteurs du Mensonge, de ces nobles détenteurs de la Vérité ? Didier Desrimais mène son enquête!


Quels sont les véritables buts des fact-checkeurs ? Sur le site de Boulevard Voltaire, Clémence de Longraye nous en donne une première petite idée dans un excellent article paru le 11 octobre. Résumé : deux jours après l’affaire de Tourcoing – une enseignante agressée par une élève refusant d’enlever son voile islamique dans l’enceinte du lycée Sévigné – certains rares médias, dont CNews et le JDD, révèlent qu’une dizaine de collègues de cette enseignante ont apporté tout leur soutien à… la lycéenne. Ni une ni deux, Libération met en branle CheckNews, officine interne chargée de produire une « information vérifiée, rigoureuse et impartiale », et fait paraître un article censé rétablir la vérité. Titre : « Tourcoing : des professeurs ont-ils soutenu l’élève qui a frappé une enseignante, comme l’affirme la Bollosphère ? » Réponse de Libé : Non. La preuve ? Malgré tous leurs efforts, les journalistes du quotidien ne sont parvenus à recueillir aucune information prouvant, même a minima, les allégations de CNews ou du JDD. Verdict de CheckNews : les infos des médias « de la sphère Bolloré » sont mensongères. Sauf que… l’information a été reprise par Valeurs actuelles et, plus tard, Le Figaro, journaux qui, jusqu’à preuve du contraire, ne font pas partie de « la sphère Bolloré », et les faits ont été immédiatement et à nouveau confirmés par le ministère de l’Intérieur. À la date du 17 octobre, Libération n’avait toujours pas retiré ni modifié l’information erronée publiée sept jours auparavant sur son… site de vérification de l’information.

Impartialité douteuse

Mais alors, s’interroge à juste titre Clémence de Longraye, se pourrait-il que le bureau de vérification de l’information de Libération ne soit pas aussi « rigoureux » ni aussi « impartial » qu’il prétend l’être ? Plusieurs éléments le laissent penser. CheckNews, explique la journaliste de Boulevard Voltaire, est membre de l’International Fact-Checking Network (IFCN), une branche de l’Institut Poynter, « organisme de recherche sur le journalisme » financé par l’Open Society de George Soros en 2017 et par des ONG de presse comme Omidyar Network. Je précise que les partenaires et les financiers de cette dernière sont essentiellement des entreprises de la Silicon Valley ainsi que des universités et des associations réputées pour leur progressisme. J’ajoute que CheckNews/Libé a participé en 2019 à un colloque réunissant des « vérificateurs de faits » décidés à « lutter contre la désinformation sur les élections européennes », colloque financé par l’IFCN et, une fois encore, par la fondation sorosienne. Nous verrons bientôt quels sont les autres contributeurs directs ou indirects à cette machine internationale de vérification de l’information – ou ministère mondial de la Vérité, appelez ça comme vous voulez – aux multiples ramifications, administrations, associations, organisations participant à la censure et à la propagande en se gavant d’argent privé et public.  

Tatiana Ventôse, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler (1), est une analyste qui, sur sa chaîne Youtube, décortique l’actualité politique et économique de notre pays assujetti aux diktats de la Commission européenne, elle-même vassale des États-Unis. Après avoir réalisé une vidéo sur l’œuvre politique de Michel Barnier avant sa nomination au poste de Premier ministre, en particulier sa participation active à l’écriture du Traité de Lisbonne qui a permis à l’UE de s’asseoir sur l’avis des Français rejetant le projet de Constitution européenne lors du référendum de 2005, Tatiana Ventôse a été « fact-checkée ». Ce sont ses abonnés sur Instagram qui l’ont avertie : chaque fois qu’ils ont voulu partager cette vidéo, un message d’avertissement pour « fausses informations » s’est affiché. Elle-même a reçu une notification ahurissante de Meta (Facebook, Instagram, etc.) censée justifier cet avertissement : « Des médias d’information indépendants affirment que les informations de votre publication manquent de contexte, ce qui pourrait induire des personnes en erreur. » Des « médias indépendants » ? Il s’agit en réalité d’un seul collectif de fact-checking ayant pour nom Les Surligneurs. Que reprochent ces Surligneurs à Tatiana Ventôse ? Attention, ça fait froid le dos : ils lui reprochent d’avoir affirmé que l’adhésion de la France à l’UE lui a fait perdre sa souveraineté. On ne voit pas très bien où est la « fausse information » dans cette opinion partagée par de plus en plus de représentants politiques et d’électeurs français. Mais Les Surligneurs ont, disent-ils, une preuve implacable, en l’occurrence un article intitulé « Non, adhérer à l’Union européenne n’implique pas un “abandon de souveraineté économique française” ». On pénètre alors dans le domaine du grand n’importe quoi. Écrit le lendemain de la diffusion de la vidéo de Tatiana Ventôse par « deux auteur.es » dont un enseignant à Sciences Po, cet article, paru uniquement sur le compte Instagram des Surligneurs, se contente de donner l’opinion de ces derniers sur une UE qu’ils chérissent. Dans l’impossibilité de prouver que Tatiana Ventôse a livré de fausses informations – et pour cause –  ces Surligneurs enfilent les perles, et quelles perles ! : « Il est établi qu’avant le traité adopté en 2007, il existait déjà une libre circulation des biens et des personnes sur le territoire de l’UE, régie par des règles établies. L’évolution qu’apportait le projet de Constitution européenne était de donner une certaine centralité à la concurrence (sic). Mais finalement, le traité de Lisbonne l’a remis à sa place initiale (sic). » La médiocrité de ce qu’on ose à peine appeler des arguments apparaît dès l’entame de cet article écrit avec les pieds et ne fera qu’aller crescendo. On l’aura compris, l’objectif des Surligneurs n’est pas de dénoncer des propos supposément faux mais bien de censurer, bâillonner, interdire tout discours qui remet en cause le rôle de l’UE et son ingérence délétère dans les affaires de la France. Je conseille aux lecteurs de regarder l’excellente vidéo que Tatiana Ventôse a réalisée pour répondre à ses détracteurs. (Visible sur YouTube : « Mais qui contrôle les fact-checkeurs ? »).

Contrôle total

Qui sont Les Surligneurs, ces commissaires médiatiques qui ne chassent évidemment pas que les fausses informations mais aussi (surtout ?) les informations qui vont à l’encontre de leur adhésion totale à l’UE, à l’économie mondialisée, à l’immigration illimitée ? Cet organisme est signataire, comme le CheckNews de Libé, de la Charte des principes de l’IFCN déjà cité et appartenant à l’Institut Poynter. Tatiana Ventôse nous apprend qu’en plus de l’Open Society de Soros, cet institut « indépendant » a reçu de l’argent de… la Fondation Bill et Melinda Gates et du gouvernement américain. Il collabore étroitement avec Google, Meta et Microsoft. J’ajoute qu’il compte parmi ses « partenaires » l’European Media and Information Fund établi par l’European University Institute, lui-même financé par… l’UE. Les Surligneurs sont par ailleurs membres de l’Observatoire européen des médias numériques contre la désinformation (EDMO). Créé sous l’égide de l’UE et financé par celle-ci, cet observatoire, en plus de « vérifier » l’information, est chargé de réfléchir aux modalités d’une « éducation aux médias » prenant de plus en plus de place dans les programmes scolaires des pays membres de l’UE. En France, sur le site du ministère de l’Éducation nationale, cette « éducation aux médias » intègre subrepticement, au détour d’un légitime désir de voir se développer l’esprit critique de nos élèves, l’apprentissage d’une « pratique du dialogue et de l’argumentation » de ces derniers en faveur du… « développement durable ». Le ministère incite également les professeurs à projeter dans leurs classes “Tous migrants”, une exposition de dessins et de textes immigrationnistes, ou à faire participer leurs élèves au concours Zéro Cliché : organisé en collaboration avec TV5 MONDE et le magazine Causette, ce concours « propose de travailler autour d’une production médiatique qui vise à déconstruire les stéréotypes de genre » (Site Éduscol du ministère de l’Éducation nationale, chapitre “Éducation aux médias et à l’information”, sous-chapitre “Éduquer à la citoyenneté” – je n’ai rapporté ici que quelques exemples des dizaines d’incitations à penser comme il faut via des concours, des podcasts, des articles, à faire, à créer, à lire, à rédiger au nom de l’éducation aux médias et à la citoyenneté). La boucle est bouclée. Le contrôle médiatique et social doit être total.

Le gouvernement démocrate américain, la Commission européenne, certains médias et toutes les instances liberticides du monde pourtant dit libre ont failli s’étouffer de rage lorsque le réseau social Twitter, qui était à leurs bottes, a été racheté par Elon Musk pour devenir X – et l’on comprend aujourd’hui pourquoi. Jack Dorsey, l’ex-dirigeant de Twitter farouchement anti-Trump, avait suspendu ou carrément supprimé des milliers de comptes qu’il jugeait, selon des critères personnels et parfois obscurs, « dangereux pour la démocratie ». Elon Musk, au grand dam des Décodeurs du Monde, a fait débloquer, au nom de la liberté d’expression, 12 000 de ces comptes. De son côté, Mark Zuckerberg, le directeur général de Meta, a avoué récemment avoir supprimé 20 millions de contenus sur Facebook lors de la crise du Covid et participé à la censure des informations concernant l’histoire très embarrassante de l’ordinateur portable du fils de Joe Biden, Hunter Biden, tout en laissant se propager le mensonge d’une probable opération de désinformation russe. Après que le pot aux roses a été révélé, Zuckerberg a dit regretter d’avoir succombé à la pression exercée par le gouvernement Biden et le FBI. Étrangement, les fact-checkeurs officiels n’ont pas cru bon de se pencher plus avant sur les manipulations de l’information venant de la part d’un des plus influents « géants du web ».   

La plupart des organismes de vérification de l’information – en réalité de surveillance des médias et des réseaux sociaux – font partie de systèmes nébuleux, d’impénétrables usines à gaz derrière lesquelles, quand on fouille un peu, on retrouve souvent les mêmes fondations (celles de George Soros et de Bill Gates, notamment), les mêmes structures d’obédience progressiste et woke (universités, associations, médias, etc.), les mêmes institutions (celles de l’UE, entre autres), toutes décidées à empêcher que soient dévoilés et remis en question leurs projets anti-démocratiques et liberticides. Les sommes d’argent nécessaires au fonctionnement de ces organes de surveillance étant pharaoniques, certaines personnes ont compris qu’avec un peu d’entregent et beaucoup de vice idéologique, l’on pouvait, sans trop se fouler, s’en mettre plein les poches. Fact-checkeurs, dénonciateurs des « discours de haine » et autres « anti-conspi » se bousculent au portillon pour profiter des largesses d’organisations privées et d’organismes publics – ce sont des milliards de dollars ou d’euros qui sont versés chaque année à ces officines soutenant, dans leur grande majorité, le Parti démocrate américain, les thèses wokes et diversitaires, la politique de l’UE, les discours sans-frontiéristes et immigrationnistes, l’écologisme et le GIEC, etc.

Les fact-checkers de Libération (CheckNews), du Monde (Les Décodeurs), de l’AFP (AFP Factuel), de 20 minutes (20 minutes Fake Off), d’Arte (Désintox) et des associations se targuant de combattre la désinformation ont également pour objectif d’imposer leurs opinions progressistes, libérales libertaires ou wokes. Si, sur leurs sites respectifs, tout n’est pas à jeter – des montages photographiques grossiers, des erreurs factuelles ou des mensonges évidents sont évidemment et à juste titre relevés – il apparaît toutefois des biais idéologiques constants, ne serait-ce que dans le choix des fake news à traiter. Sous couvert de « lutter contre la désinformation », ces fact-checkers délivrent régulièrement des correctifs qui ne sont rien d’autre que des opinions reflétant la ligne idéologique du média auto-proclamé « vérificateur de l’information ». Exemple : Sur AFP Factuel, officine de fact-checking de l’AFP « dont la mission est de fournir une couverture précise, équilibrée et impartiale de l’actualité », les notes « rectificatives » sur les informations supposées fausses concernant le climat commencent la plupart du temps par les phrases suivantes : « Le réchauffement climatique et son origine humaine font l’objet d’un consensus scientifique. Dans des publications trompeuses partagées sur les réseaux sociaux, des internautes remettent en cause son existence. » Cette introduction, qui mériterait à elle seule un travail de démystification (ou de débunkage, pour dire comme les fact-checkers), est généralement suivie d’articles incriminant les personnes, y compris d’éminents scientifiques, remettant en question les rapports de synthèse du GIEC, ainsi que les internautes ayant eu l’audace de relayer leurs propos. Sur certains thèmes – le racisme, la diversité, l’inclusivité, le genre, l’immigration, les élections américaines, européennes ou françaises, « l’extrême droite » ou l’écologie – il est assez aisé de deviner les idéologies qui président à la vérification « équilibrée et impartiale » de telle ou telle information. L’ergotage qui fait alors office d’argumentation est destiné, non pas à rétablir la vérité, mais à imposer un point de vue politique tout en participant à la censure des dissidents. Ce contrôle médiatique est d’autant plus efficace qu’il se présente comme son contraire. C’est au nom de la liberté d’expression, du pluralisme des opinions, du rétablissement de la vérité, de la « contextualisation » des faits, que ces cellules de « vérification de l’information » opèrent en réalité un subtil contrôle en même temps qu’elles propagent la bonne parole et tentent de faire taire ceux qui rechignent à rejoindre le troupeau des moutons médiatiques…

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(1) Article du 28 septembre 2024 : « Quand le magazine ELLE fait la chasse aux “influenceuses de l’extrême” ».   

Causons ! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Manifestation à Tunis au sujet de l'élimination du chef du Hamas, Yahya Sinouar, le 18 octobre 2024 Hasan Mrad/IMAGESLIVE via ZUMA P/SIPA

Israël gagne la guerre contre les terroristes ; la France perd de son prestige sur la scène internationale ; l’élimination de Sinouar ouvre des perspectives. Avec Céline Pina, Gil Mihaely et Jeremy Stubbs.


Que représente l’élimination de Yahya Sinouar? Elle montre qu’Israël est en train de gagner la guerre contre les terroristes. Les pays occidentaux devraient s’en inspirer mais pour le moment ils en sont loin. En particulier, le président de la République française semble englué dans une forme d’égocentrisme qui dévalorise la fonction présidentielle et la parole politique.

La mort du chef du Hamas ouvre des perspectives, mais lesquelles? Il ne s’agit pas de la fin de la guerre, mais comme le dirait Churchill, de la fin du début. En termes d’objectifs militaires pour Israël, cette élimination représente une étape certes importante mais non définitive dans l’affaiblissement des capacités stratégiques du Hamas. Sur le plan politique, qui va remplacer Sinouar? Il se peut que son organisation soit désormais privée d’un commandement central, unifié, et se désagrège en plusieurs fiefs commandés par des chefs plus jeunes, moins expérimentés. Les otages vivants sont dispersés parmi ces cellules : qui contrôlera leur destin? Qui sera habileté à négocier du côté du Hamas?

Des revenants

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DR

Art d’antan


Les Disparus de Saint-Agil de Christian-Jaque
Ressortie en version restaurée le 23 octobre 2024

Alain Delon aimait à raconter qu’à l’âge de 14 ans, il avait fugué du domicile familial pour tenter de rejoindre les États-Unis avec son meilleur ami. Ils n’avaient pas dépassé Romorantin.

Mais on se dit à l’énoncé d’un tel projet que le petit fugueur s’était peut-être inspiré d’un film vu au Régina, le cinéma paternel de Bourg-la-Reine : Les Disparus de Saint-Agil réalisé par Christian Jaque en 1938. Il aurait été séduit par les trois collégiens de la bande des « Chiche-Capon » (dont l’un est joué par Mouloudji), qui rêvent de partir pour l’Amérique…

Avec Erich von Stroheim et Michel Simon à son casting, ce film est une pure merveille qui mêle très habilement film d’enfance et polar sur fond de fausse monnaie. Il s’en dégage un charme irrésistible sur lequel les années passent, donnant une nouvelle preuve que nombre de films de Christian-Jaque doivent être définitivement réhabilités, depuis ces Disparus jusqu’à Un revenant, Fanfan la Tulipe, L’Assassinat du père Noël, Boule de suif et tant d’autres.

1938. 1h40

Le Niger éradique toute trace française à Niamey

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Niamey, juillet 2024 Omar Hama/AP/SIPA

Le dernier putsch au Niger a provoqué une dégradation rapide des relations avec la France, l’ancienne puissance coloniale. Sous l’influence de figures panafricanistes (comme le militant raciste Kemi Seba, arrêté en France cette semaine), le gouvernement a entrepris de réécrire son histoire en effaçant les traces françaises dans la capitale, Niamey.


Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023, le Niger et ses 26 millions d’habitants sont dirigés par une junte militaire. Les relations avec la France, ancienne puissance coloniale, se sont rapidement détériorées après que les militaires ont refusé de restituer le pouvoir au président Mohamed Bazoum, malgré les pressions de Paris. Des manifestations anti-françaises ont alors éclaté à Niamey, la capitale, forçant la France à organiser l’évacuation de ses ressortissants, à fermer son ambassade et à retirer ses troupes présentes dans le cadre de l’opération Barkhane, mission initialement lancée pour aider les pays d’Afrique de l’Ouest à lutter contre le terrorisme islamiste au Sahel.

Un régime parano

Désormais perçue comme une menace, sans cesse accusée d’exploiter les ressources du Niger à son propre avantage, la France est devenue la cible régulière du régime du Général Abdourahamane Tiani. Pointant du doigt de mystérieuses actions subversives de Paris, il évoque la présence d’agents de la DGSE française opérant depuis le Bénin et le Nigeria. Parallèlement, les putschistes se sont rapprochés des juntes au pouvoir au Mali et au Burkina Faso, deux régimes qui partagent également leur hostilité envers la France. Profitant de la situation, des mercenaires russes de la société Wagner et des instructeurs militaires envoyés par Moscou se sont installés, remplaçant les forces françaises, avec des contrats lucratifs à la clef.

Kemi Seba en 2006 © SIMON ISABELLE / SIPA Numéro de reportage : 00531190_000010

Poussée par sa paranoïa, la junte militaire nigérienne s’est associée à Kemi Seba, figure majeure du suprémacisme noir. Condamné à plusieurs reprises en France pour incitation à la haine raciale, cet homme, dont le nom civil est Stellio Gilles Robert Capo Chichi, a récemment été déchu de sa nationalité française. Il est accusé de déloyauté envers la France, pays qu’il critique sans relâche pour son supposé néocolonialisme. Proche de la Russie, il a fait plusieurs voyages à Moscou sur invitation de personnalités nationalistes liées au Kremlin. Désormais conseiller d’État du général Abdourahamane Tiani, Kemi Seba est très influent sur les réseaux sociaux, où ses publications sont suivies par des centaines de milliers de personnes, ce qui agace profondément la France en raison de l’influence qu’il exerce sur la diaspora africaine.

L’ancien Strasbourgeois est devenu un fervent défenseur du panafricanisme. Il a été arrêté menottes aux poignets le 14 octobre dernier par la police française, après être entré en France avec un passeport diplomatique. Il est accusé de « complicités avec une puissance étrangère » visant à inciter des actes hostiles contre l’Hexagone. Placé en garde à vue pendant 48 heures, son avocat, l’impayable Juan Branco, a critiqué cette arrestation, y voyant une tentative de Paris de « criminaliser un opposant politique et intellectuel. » Cette affaire renforce les convictions de Kemi Seba qui s’est épanché sur son compte X (anciennement Twitter) et ceux de ses partisans, qui se présentent comme une génération combattant pour « la décolonisation ultime du continent », tout en justifiant les discours de la junte nigérienne…

Une avenue débaptisée en fanfare

Un dernier exemple de la rupture entre le Niger et la France est la décision du gouvernement putschiste de rebaptiser plusieurs lieux emblématiques de la capitale ayant des noms français. Lors d’une cérémonie accompagnée de fanfares militaires, le ministre de la Jeunesse, de la Culture, des Arts et des Sports, le Colonel Major Abdourahamane Amadou, a retiré le portrait de l’explorateur Parfait-Louis Monteuil pour le remplacer par celui du capitaine Thomas Sankara, symbole du panafricanisme, dirigeant africain qui s’était opposé à la France avant son assassinat en 1987. L’avenue Charles de Gaulle a été rebaptisée Djibo-Bakary, en hommage à un héros de l’indépendance nigérienne que la junte a réhabilité. Le centre culturel franco-nigérien est désormais nommé Moustapha-Alassane, en honneur à un pionnier du cinéma africain, et la place de la Francophonie a été renommée place de l’Alliance-des-Etats-du-Sahel (AES), symbolisant l’alliance des juntes ouest-africaines unies contre l’influence française.

Dans son discours, le Colonel Major Abdourahamane Amadou a expliqué que cette décision visait à effacer des noms qui n’avaient aucune résonance dans l’imaginaire collectif des Nigériens. Parallèlement, le gouverneur de Niamey, le Général de brigade Abdou Assoumane Harouna, a quant à lui rappelé que la traite négrière et la colonisation avaient infligé à l’Afrique le racisme et la domination civilisationnelle des colonisateurs « éclairés ». Cette rupture avec l’ancien colonisateur s’inscrit également dans une volonté avérée de renforcer l’identité nigérienne. Elle s’est encore récemment illustrée par l’adoption d’un nouvel hymne national en juin 2023. « Pour l’honneur de la patrie » remplace celui composé en 1961 par le Français Maurice Albert Thiriet et fait écho aux luttes anticoloniales avec un fort accent panafricaniste parmi ses strophes.

La crise actuelle au Niger constitue un tournant majeur sur le plan géopolitique, marquant une rupture radicale avec la France. Ce basculement semble annoncer la fin progressive de la fameuse « Françafrique », cette officine nébuleuse d’État tant critiquée depuis le début de la Ve République et que le président Emmanuel Macron s’était engagé à supprimer. Cependant, pour les Africains, cette transition s’accompagne déjà d’un coût fort élevé : la menace islamiste au Sahel n’a jamais été aussi forte.

Nagui Zinet, le clochard céleste

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Nagui Zinet © Francesca Mantovani/Gallimard

Il y a un an, ivre à la gare de Lille, Nagui choisit de prendre un train pour Paris plutôt que le métro pour rentrer chez lui. Il raconte ses tribulations sur Instagram, est repéré par une éditrice et voici publié son premier roman, le récit drôle et désespéré des errances d’un certain N. dans la capitale: Une trajectoire exemplaire.


Dès qu’on s’interroge un peu sur le hasard des rencontres, on est pris de vertige. J’ai découvert Nagui Zinet sur Instagram. Je veux dire que c’est sur Instagram que j’ai découvert ses écrits. Ce n’est pas courant, loin de là. Sur ce compte, Nagui Zinet est Nestor Maigret. Il nous parle des livres qu’il lit, des bouteilles qu’il boit, des clochards qu’il croise, des cachets qu’il gobe et des misères qui jamais ne cessent. Ses auteurs favoris sont des Américains qui tapaient de leurs doigts brunis sur des machines à écrire détraquées par leurs histoires glauques. On pense à Bukowski, à John Fante ; il cite David Goodis ou Jim Thompson. Son premier post date de l’hiver 2021. Depuis, il a dépassé les 400. Des lecteurs-followers fidèles se multiplient : je les comprends (étant devenu moi-même l’un d’eux).

Six mois après avoir découvert l’auteur, je retrouve Nagui Zinet face au château de Vincennes. Son premier roman Une trajectoire exemplaire va sortir dans quelques jours. L’homme est plus grand que je ne l’imaginais. Il a un livre à la main et sa parole hésitante me rappelle, dans uneversionmi-lilloise mi-kabyle, la diction hagarde et pointilliste de Modiano. Sa voix grave, caverneuse et douce à la fois, est régulièrement secouée par de petits rires. Sur un banc, nous tournons le dos au pavillon de la Reine ainsi qu’à celui du Roi ; devant nous, des coureurs essoufflés défilent dans des leggings fluorescents.

La conversation démarre à propos de son arrivée à Paris : « L’année dernière, je travaillais dans une usine de bonbons près de Lille. Un dimanche, je suis sorti boire, par ennui. À cinq heures du matin, sur un coup de tête, ivre à la gare Lille-Flandres, j’ai pris le train pour Paris à la place de prendre le métro pour chez moi. » Il y a dans cette anecdote beaucoup des thèmes récurrents de Zinet : l’ennui, la picole, l’errance, le tout dynamité par une mystérieuse alliance entre une drôlerie désespérée et un panache sous anxiolytique. Cette arrivée sur un coup de tête « complètement con » est narrée dans un style peu balzacien : « En arrivant gare du Nord, je me souviens avoir mangé des œufs en me demandant ce que foutais ici : finalement je suis resté et j’ai bien fait. »

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Après avoir vagabondé entre les auberges de jeunesse et les canapés de lecteurs charitables, l’éditrice Joëlle Losfeld, qui suivait déjà les tribulations de Nestor Maigret, lui propose d’écrire un roman (« Sans ça, le livre n’aurait jamais existé »). Le livre existe désormais, et c’est sans doute l’une des meilleures surprises de cette rentrée littéraire. Il existe même si bien que le premier tirage s’est épuisé en deux semaines. On y retrouve donc N., jeune ivrogne sans argent, sans travail et sans amour (« Les amours ratent de peu, c’est ainsi que commencent les suivantes »), qui traîne son corps et ses mensonges dans les bars, entre deux lectures de romans noirs. C’est dans l’un de ces bars qu’il rencontre Irène. Forcément, il lui ment. Le récit est à la deuxième personne : « Bien sûr, ce que tu redoutes arrive. Elle te demande d’où tu viens, ce que tu fais dans la vie, et toutes ces conneries. Tu mens, parce que les bars sont faits pour ça. Tu mens, parce que tu ne reverras plus ces gens. Tu mens, parce que tu as toujours menti. Tu mens, parce que tu as envie de plaire à Irène. » On le comprend, ces mensonges qui ne pourront s’arrêter le mèneront au désastre.

Dans ce récit où le délire et l’ironie ajoutent à un réalisme frontal, on retrouve certains points communs entre le narrateur et Nagui Zinet : le goût pour la chanson française (Aznavour et Souchon en tête), ainsi que pour les romans noirs, donc, mais c’est surtout le besoin d’écrire qui les relie : « C’est une manière d’accepter les pires situations et de ne pas se sentir être une épave ordinaire : c’est surtout la meilleure façon d’être seul. » Zinet, pour autant, n’idéalise pas plus la littérature que le football, ce sport dont il parle avec une passion qui rappelle celle d’Hemingway pour la corrida ou de Philip Roth pour le baseball : « Le sport est très boudé par la littérature française. Ce sont deux milieux qui ne se côtoient pas. Pourtant, j’ai plus d’émotion en repensant au but égalisateur de Zidane contre l’Angleterre en 2004 qu’en lisant l’intégralité des livres de la rentrée littéraire. » Pour lui, à qui la mère faisait faire des dictées avec Le Nouveau Détective, écrire est une bouée autant qu’une boussole. Chaque jour, il répète inlassablement la même méthode : se réveiller, aller marcher, rentrer, écrire. C’est une question d’habitude ou d’addiction. Il dit aussi n’avoir jamais eu de problème d’inspiration : « Si je n’ai pas envie d’écrire, je n’écris pas. » Ces sentences sont prononcées sans que l’on sache bien ce qui l’emporte de l’innocence ou du désenchantement. En Zinet, il y a au fond autant de l’étrange enfant plein de rêves que du vieillard désabusé sans futur.

À lire cette Trajectoire exemplaire, on pourrait craindre de tomber dans une sombre apathie sans espoir, mais c’est par la force et l’énergie du style de Zinet que l’on se retrouve sauvé et même stimulé. La phrase de Zinet est une gifle qui fouette le sang, malgré sa radicale noirceur ; elle est aussi libératrice, comme la vérité, et peut-être même comme le mensonge. Et si tout reste encore à prouver, je ne doute pourtant pas qu’il y a là l’un des auteurs importants de sa génération, de notre génération. Il y a un an, Nagui Zinet est arrivé de sa province, comme des dizaines de millions d’autres depuis des siècles. Barrès disait que ces êtres qui tombaient dans la foule ne cessaient ensuite de gesticuler et de se transformer jusqu’à ce qu’ils en sortent « dégradé ou ennobli ». Concernant Nagui Zinet, nous savons déjà lequel de ces deux chemins son talent lui a fait prendre.

Une trajectoire exemplaire, de Nagui Zinet, Joëlle Losfeld Éditions, 2024.

Une trajectoire exemplaire

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Forum World In Progress Barcelone: l’Europe au défi de la mondialisation

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L'ancien Président du Conseil des ministres italien M. Renzi, Barcelone, Forum World In Progress, octobre 2024. DR.

À Barcelone, lors du forum World In Progress, les décideurs commentaient le brûlant rapport Draghi et s’inquiétaient tous de notre démographie déclinante et d’une innovation en berne sur le vieux continent.


Fondé en 1972 par José Ortega Sportono et Jesus de Polanco, le groupe de presse espagnol Prisa (El Pais, As, Cadena Ser) est actuellement présidé par l’homme d’affaires français Joseph Oughourlian. Prisa organisait le forum World In Progress à Barcelone les 14 et 15 octobre. L’objectif de ce sommet était de réunir des acteurs d’envergure du monde politique et des affaires autour des enjeux les plus périlleux que le monde contemporain et l’Europe affrontent aujourd’hui.

Parmi les questions à l’ordre du jour figuraient notamment celles portant sur le déclin démographique de l’Europe et l’immigration, le rejet des élites occidentales par leurs populations, le rapport Draghi et les différents conflits militaires en cours. Loin d’être déconnectées, ces problématiques sont liées les unes aux autres comme l’ont démontré les différents conférenciers prestigieux invités à se partager la scène du Caixa Forum.

Nous avons notamment pu échanger en privé avec Matteo Renzi et Enrico Letta. Si le premier est volubile et le second plus austère, tous deux tirent la sonnette d’alarme sur l’état de santé de l’Europe.

World in Progress Barcelona. De gauche à droite : Montserrat Domínguez, Carlos Nuñez, Pilar Gil, Salvador Illa, Pedro Sánchez, Joseph Oughourlian, Jaume Collboni, Pepa Bueno, Carlos Prieto y Fernando Carrillo.

Une Europe vieillissante confrontée à l’immigration de peuplement

Un constat pessimiste s’est imposé au cours de ces deux journées de conférences et d’entretiens privés : l’Europe est vieillissante. Pis encore, rien ne semble pouvoir enrayer la spirale de la dénatalité qui touche tous les pays du continent, singulièrement ceux du Sud tels que l’Espagne et l’Italie. Enrico Letta l’a d’ailleurs résumé en une formule lapidaire, confessant que l’Europe était devenue « un EPHAD ». Des propos en phase avec ceux de Matteo Renzi qui a affirmé que le continent n’était pas en « crise démocratique » mais « démographique ».

C’est particulièrement vrai pour l’Italie, mais aussi l’Espagne où nous nous trouvions. Comme les deux dirigeants transalpins l’ont rappelé, 1,1 million de bébés italiens naissaient chaque année dans les années 1970 contre moins de 400.000 dans les années 2010. Il ne s’agit pas d’un simple déclin, c’est un véritable effondrement. Les conséquences économiques sont colossales, empêchant la croissance européenne de se maintenir à des taux satisfaisants et provoquant la disparition de filières professionnelles entières. Le déclin démographique provoque aussi la désertification des zones rurales, désormais dépeuplées et à l’abandon.

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Cette chute de la natalité constitue aussi l’une des raisons poussant le patronat à réclamer plus d’immigration de travail. Les systèmes sociaux de la plupart des pays européens sont, en outre, particulièrement attractifs. Reste que l’accueil des nouveaux entrants ne se fait pas sans heurts, une majorité d’entre eux provenant de pays aux cultures et mœurs fort éloignées des nôtres. Ajoutons aussi que l’immigration illégale a explosé lors des quinze dernières années, les conflits au Sahel, en Afghanistan et en Syrie provoquant un appel d’air vers un vieux continent insuffisamment protégé et préparé pour y faire face.

Nous sommes donc confrontés à une situation explosive qui fracture profondément nos sociétés. Une solution possible est celle empruntée par Giorgia Meloni en Italie. Cette dernière a décidé de lutter farouchement contre l’immigration illégale sans fermer la porte à l’immigration légale ciblée de travail. Une immigration de travail qui ne devrait par ailleurs pas toujours rimer avec immigration d’installation, ainsi que cela a été trop souvent le cas en France. Enrico Letta en a convenu : « La natalité française n’est pas aussi catastrophique qu’en Italie. Vous avez aussi une différence. Vous n’avez pas à gérer uniquement des flux d’immigration, mais aussi des stocks des dernières décennies ».

Le tour d’horizon de l’enjeu migratoire ne serait pas complet sans s’attarder sur l’émigration, c’est-à-dire la fuite des cerveaux les mieux formés. Ce sujet tient à cœur à Matteo Renzi : « Nos ingénieurs les plus qualifiés partent aux Etats-Unis et en Asie trouver des opportunités qu’ils ne trouvent pas en Europe ! C’est dramatique et nous devons solutionner cela en permettant aux jeunes diplômés des secteurs technologiques d’obtenir les rémunérations qu’ils recherchent et les missions professionnelles qu’ils désirent ».

Une Europe vieillissante qui peine à innover

« Les Etats-Unis innovent, la Chine copie et l’Europe régule », a déclaré Matteo Renzi en écho au rapport Draghi. Wolfgang Munchau, directeur d’Eurointelligence, a résumé ledit rapport en ces termes : « L’UE s’est dotée d’un régime de protection des données si restrictif qu’il constitue un obstacle au développement de l’intelligence artificielle. Elle a introduit une loi sur les services numériques qui traite les plateformes de réseaux sociaux comme hostiles à la culture européenne. […] L’UE est coincée dans un piège technologique digne de l’ingénierie mécanique du milieu du 20e siècle ».

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Pour le dire plus simplement : l’Europe a un déficit de compétitivité manifeste par rapport à ses concurrents. Les parts de marché des grandes industries européennes ne cessent de reculer depuis le début des années 2000 – à l’exception notable de l’Allemagne qui subit néanmoins de plein fouet le conflit ukrainien -. Cette faillite collective trouve son origine dans ce qu’on a appelé « l’agenda de Lisbonne » décidé au Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, dont l’objectif affiché était de faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». La stratégie a échoué puisque nous ne sommes pas « l’économie de la connaissance » la plus compétitive, bien au contraire. Dans des domaines aussi variés que le spatial, l’intelligence artificielle, la robotique ou les technologies de l’information, l’Europe se traîne. La bataille n’est toutefois pas perdue d’avance. Nos interlocuteurs ont tenu à se montrer optimistes. Mais il faut pour cela mettre en place des politiques efficaces et réduire le carcan administratif qui étouffe l’écosystème du continent. Surtout face à une concurrence américaine ambitieuse. L’Inflation Reduction Act (IRA) décidé par l’administration Biden fait peser une véritable épée de Damoclès sur notre économie. Il s’agit d’une politique offensive et particulièrement attractive. Les Etats-Unis ont investi des centaines de milliards de dollars pour attirer les entreprises du monde entier, notamment celles du secteur automobile. Le plan prévoit notamment des crédits d’impôts pour la production des véhicules électriques, l’éolien, le solaire, la séquestration du carbone, l’hydrogène vert, les biocarburants, les batteries, etc. En plus de ce volet fiscal, l’IRA accorde des aides financières directes aux particuliers américains pour l’achat… des produits vertueux fabriqués aux Etats-Unis. Cela pourrait entrainer des délocalisations massives d’entreprises qui ont investi en Europe.

Pour l’heure, nous ne nous sommes pas dotés des leviers politiques et des moyens financiers pour y répondre, alors même que nous allons passer notre parc au tout électrique dans les prochaines années. Enrico Letta propose trois axes : desserrer l’étau des régulations qui pèse sur les entreprises innovantes, protéger les secteurs de l’économie européenne qui affrontent des concurrences étrangères bénéficiant d’avantages compétitifs insurpassables et mettre en place des mesures incitatives pour relancer la natalité. Il croit que ces trois conditions sont indispensables pour maintenir la croissance de l’économie européenne.

Conclusion

Eviter la muséification du continent européen passe par la prise de conscience pleine et entière des défis du temps. C’est du moins ce qui est ressorti de ce forum World In Progress. Le danger que court l’Europe est celui de la sortie de l’Histoire : par le changement de population ou la disparition progressive de sa population d’origine, par le manque d’innovation de notre économie et par une mauvaise compréhension du champ de bataille économique de l’époque contemporaine. Cet arc de catastrophes ne sera pas vaincu sans faire montre d’une ambition commune en Europe.

Bruno Le Maire a alerté, et ce serait lui le coupable?

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Bruno Le Maire et Emmanuel Macron, Paris, 15 mai 2023 © Blondet Eliot -pool/SIPA

Budget. Les contempteurs de l’ancien ministre de l’Économie lui reprochent d’avoir fui en Suisse, voire d’avoir falsifié les comptes publics… De son côté, M. Le Maire avait menacé: «La vérité apparaîtra plus tard».


Bruno Le Maire est complexe : il est intelligent, il a été durant sept ans un ministre de l’Économie important, il a été discipliné mais aussi libre, il a écrit des livres dont certains sont remarquables, il connaît sa valeur et parfois ne l’a pas assez dissimulé. Le président de la République ne l’appréciait pas trop et au sein des gouvernements qui se sont succédé, il a été sans doute la proie de ce malaise désagréable face à des personnalités, voire des Premiers ministres, qui ne vous valent pas. Heureusement pour ses adversaires, il n’a pas toujours été confirmé par la réalité et en particulier l’économie russe n’a jamais été « mise à genoux ». Certaines de ses prévisions n’ont pas été couronnées de succès et on a pu se gausser de contritions insuffisantes, de quelques propos dont l’optimisme était surjoué.

C’est Emmanuel Macron, l’inventeur du « quoi qu’il en coûte »

Maintenant que Bruno Le Maire enseigne à Lausanne et que plus rien n’est susceptible de le retenir dans l’expression de sa vérité sur l’état des comptes publics et sur leur dérive en si peu de temps, je le crois sincère quand il se réjouit de la validation d’une commission d’enquête à l’Assemblée nationale. Notamment Éric Coquerel et Éric Ciotti le questionneront sur ce qui a relevé de ses attributions, de ses compétences et de son rôle d’animateur.

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Cet exercice à la fois technique et démocratique va se dérouler dans une période où, semble-t-il, on tourne moins autour du pot républicain et où la responsabilité fondamentale d’Emmanuel Macron dans cette calamiteuse dégradation des finances publiques ne fait plus aucun doute. Après le « quoi qu’il en coûte », il a inspiré une continuation de la facilité et de la démagogie dépensière, qui a abouti à la grave crise d’aujourd’hui. C’est à cause de cette perception que les explications de Bruno Le Maire vont être accueillies par la commission d’enquête dans une atmosphère qui ne lui sera pas forcément défavorable. Bruno Le Maire pourra ainsi tenir les promesses qu’il avait formulées sur un mode menaçant en laissant entendre que le moment venu il s’exprimerait : « la vérité apparaîtra plus tard ».

Une contre-offensive en préparation

L’essentiel de ce qui suit découle d’un excellent article de Marion Mourgue et de Ludwig Gallet, dans Le Parisien : « Dérapage budgétaire : comment Bruno Le Maire prépare sa contre-offensive »[1].
L’une de ses anciennes collègues du gouvernement a souligné que durant deux ans, en conseil des ministres, il n’avait cessé d’alerter sur l’état des finances publiques.

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Bruno Le Maire rappellera également qu’il avait demandé avec insistance qu’on sortît du « quoi qu’il en coûte » et que ceux qui avaient prétendu lui donner des leçons en seraient pour leurs frais. À plusieurs reprises, à cause de ses avertissements qui tranchaient avec l’obligation d’une béatitude rassurante exigée par le président et le Premier ministre.
À quelques semaines des élections européennes, Bruno Le Maire estime souhaitable une loi de finances rectificatives de 15 milliards d’euros mais il est désavoué par Emmanuel Macron et Gabriel Attal, ce dernier préférant miser sur « les mesures réglementaires et les gels de crédits ».
Un soutien de l’ancien ministre va jusqu’à dire que la dissolution a été décidée parce que le président ne voulait pas assumer les économies projetées par Bruno Le Maire, car il craignait l’impopularité.
Dans ce même mouvement de libéralité contre la rigueur à mettre en œuvre, Emmanuel Macron « distribuait des chèques souvent dans le dos du ministre ».
Il y a dans ce qui se prépare le risque d’une perversion française, courante sur le plan politique. Celui qui a dénoncé le scandale deviendra le coupable. Un bouc émissaire rêvé. Je suis sûr qu’un Bruno Le Maire, en totale indépendance et heureux de n’avoir plus à mesurer ou à travestir son verbe, entre solidarité et esprit critique, se fera une joie de remettre les pendules à l’heure. Le président pourra compter sur son petit groupe d’inconditionnels mais les faits sont têtus et les témoins nombreux.


[1] https://www.leparisien.fr/politique/derapage-budgetaire-comment-bruno-le-maire-prepare-sa-contre-offensive-15-10-2024-ROE2NHGBZJBABHGNMH45DPFJEM.php

La vérité est têtue

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Marine Le Pen au tribunal, dessinée le 14 octobre 2024 © Valentin Pasquier/AP/SIPA

Au tribunal, Marine Le Pen a de nouveau défendu avec assurance le travail réalisé par Mme Griset, Mme Bruna ou M. Légier, lors de l’audience du 15 octobre. Mais l’accusation continue de dire que les assistants parlementaires européens occupaient des emplois « fictifs ».


Elles sont arrivées ensemble au tribunal. L’une, brune au carré mi-long, en costume bleu, élancée sur de hauts talons. L’autre, blonde au carré court, altière sur ses escarpins talons aiguilles, vêtue d’un chemisier clair sous une veste vert fougère. Catherine Griset et Marine Le Pen se sont rencontrées quand Marine Le Pen, alors jeune avocate, cherchait une assistante. Catherine Griset arrivait d’Angoulême, et une connaissance commune du Front national jeunesse (FNJ) les a mises en relation. Après une période d’essai, Catherine Griset, encore étudiante, devient l’assistante de l’avocate Marine Le Pen. Depuis cette date, les deux femmes ont poursuivi leur collaboration jusqu’à l’élection de Catherine Griset à la députation européenne, en 2019.

« Je suis la porte d’entrée de Marine Le Pen ! »

Forte de cette fidélité professionnelle, Catherine Griset devient l’assistante parlementaire de l’eurodéputée Marine Le Pen entre 2010 et 2016. L’ancienne assistante énumère la longue liste de tâches qu’elle réalisait alors : gestion des nombreuses boîtes de Marine Le Pen (que celle-ci n’ouvre jamais), gestion de son agenda et de ses déplacements (réservation des billets de transports, hôtels, etc.), impression et correction des discours « dans un format très précis », préparation de ses interventions en plénière, en commission, gestion de son temps de parole au Parlement européen et de ses relations avec les eurodéputés d’autres délégations, gestion des appels et de toutes les demandes de contact, etc. L’ancienne assistante parlementaire, accusée d’avoir cumulé en même temps la fonction de chef de cabinet de Marine Le Pen, explique qu’elle gérait la réception de « plus de 500 mails par jour, de 300 lettres » ! L’ancienne assistante accréditée se définit ainsi comme une courroie de transmission entre Marine Le Pen et les autres députés et assistants parlementaires européens, et toute autre personne : « je suis la porte d’entrée de Marine Le Pen. Les gens qui veulent lui parler, la voir : ils s’adressent à moi ! » Mais, pourquoi est-il écrit dans les organigrammes du parti qu’elle est “assistante”, sans référence au Parlement européen, puis “chef de cabinet” de Marine Le Pen ? interroge le tribunal. Personne ne conteste son travail, mais travaillait-elle pour Marine Le Pen, présidente du FN, ou pour Marine Le Pen, eurodéputée ? « J’ai toujours travaillé pour Marine Le Pen ». Donc, « vous travailliez pour Marine Le Pen, présidente du parti ? », insiste la présidente du tribunal. « Non, j’ai toujours travaillé pour Marine Le Pen. Quand Marine Le Pen était avocate, j’étais assistante juridique. Quand elle est députée, je suis assistante parlementaire », rétorque l’ancienne assistante. Pour prouver le contenu de son travail d’assistante parlementaire, Catherine Griset a fourni des centaines de preuves à l’instruction, lesquelles démontrent que son travail d’assistante était incontestablement en lien avec le Parlement européen lorsque Marine Le Pen en était une élue. Mais la juge Bénédicte de Perthuis met en doute la pertinence des pièces fournies.

La défense demande alors l’affichage de mails datant de cette époque. Défilent aléatoirement sur le grand écran de la salle d’audience des messages de ou à destination de Catherine Griset, parfois signés Marine Le Pen par l’assistante elle-même. Mais pourquoi n’utilisait-elle pas la boîte mail du Parlement européen ? interroge l’accusation. Comme elle devait gérer plusieurs boîtes mails, il lui était plus pratique de basculer tous les mails sur sa boîte Gmail personnelle, explique Mme Griset. D’autant que le Parlement européen écrasait les mails au bout de 90 jours.

Pourquoi ne vivait-elle pas à Bruxelles, comme le stipule la réglementation européenne pour les assistants parlementaires accrédités (APA) ? interroge Me Maisonneuve, l’avocat du Parlement européen. Catherine Griset raconte sa vie sentimentale complexe faite de divorces et de séparations multiples. Elle reconnait en outre ne pas avoir compris qu’« être domiciliée voulait dire vivre à plein temps à Bruxelles ». Elle pensait, « en tout bonne foi », qu’il fallait être domicilié en Belgique, mais uniquement pour des raisons administratives et fiscales… Concernant sa présence partielle à Bruxelles, l’ancienne assistante accréditée déclare qu’elle suivait sa patronne, et n’avait pas compris à l’époque qu’elle devait « être au Parlement européen de 9h à 17h ». L’audience est suspendue. Catherine Griset part à toute vitesse. Direction ? Le Parlement européen, dont elle est maintenant une élue !

Mesdames Le Pen et Griset arrivent au tribunal, Paris, 30 septembre 2024 © Louise Delmotte/AP/SIPA

 « Nos assistants parlementaires ont fait le travail que l’on attendait d’eux »

À la reprise des débats, on a le sentiment que le procès tourne un peu en rond. La magistrate Bénédicte de Perthuis appelle de nouveau à la barre des prévenus déjà interrogés la semaine précédente avec Bruno Gollnisch. Concernant le contrat d’assistante parlementaire signé entre Marine Le Pen et Micheline Bruna, alors secrétaire de Jean–Marie Le Pen d’après l’organigramme du FN, l’ancienne eurodéputée répète au tribunal le fonctionnement en « pool » des assistants qui était en vigueur alors qu’ils n’étaient que trois eurodéputés FN, Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch et elle, durant la législature 2009/2014. « Nous avions mutualisé Mme Bruna car nous n’étions que trois », répète inlassablement Marine Le Pen. Elle en profite cette fois-ci pour « rendre un hommage à l’immense travail accompli » par tous les assistants des députés FN. « On n’a pas à rougir du travail de nos assistants parlementaires. Nos assistants parlementaires ont fait le travail que l’on attendait d’eux », complimente Marine Le Pen, qui souligne que les suffrages suivants en sont la preuve. Puis, c’est au tour de Thierry Légier d’être appelé une nouvelle fois à la barre. Bis repetita : l’accusation remet en cause le travail d’assistant parlementaire de celui qu’elle décrit comme un simple «garde du corps».

 « Assistant, c’est un statut »

« L’anticipation avant les déplacements, repérer les lieux, c’est le rôle d’un officier de sécurité, c’est plus que le rôle d’un [simple] garde du corps. D’autant qu’on avait peu de moyens, il n’y avait pas de directeur de cabinet qui nous suivait ». Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, le responsable sécurité de la délégation FN au Parlement européen livre d’une voix posée des confidences sur toutes ses activités d’assistant. Thierry Légier confie avoir eu « plusieurs casquettes ». En plus de ses missions de sécurisation connues de tous, l’ancien militaire révèle au tribunal s’être occupé d’organiser des rendez-vous confidentiels pour les leaders de la délégation FN au Parlement européen. Il évoque les noms de Charles Pasqua, Bernard Tapie, Valéry Giscard d’Estaing, Roland Dumas, « et bien d’autres encore » qu’il ne peut pas citer pour des raisons de confidentialité… C’est aussi par son entremise, raconte-t-il, que la délégation parlementaire FN pouvait se rendre aux salons de la défense Eurosatory ou Milipol. L’agent de sécurité a par exemple aussi organisé une interview de Marine Le Pen sur la radio 90 FM de son ami Jean-Marc Cohen. Thierry Légier énumère ainsi une longue liste d’activités démontrant qu’il n’était pas que « le garde du corps de Jean-Marie Le Pen », comme l’affirme l’accusation. Pendant cette législature, Thierry Légier assure en outre qu’il ne travaillait « pas 100 % de son temps pour Jean-Marie Le Pen », qu’il servait d’interface entre tous les députés au sein même du Parlement. « Je participais aux réunions de groupe au Parlement européen afin d’organiser l’agenda des déplacements de chacun. J’accompagnais le groupe afin de les sécuriser. J’étais en relation avec les huissiers du Parlement européen, avec les ambassades lors des déplacements à l’étranger. » Le militant explique qu’il faisait aussi des photocopies de dossiers, qu’il s’occupait des cartes d’embarquement au desk d’Air France, etc. Sa méthodique avocate, Me Doumic, s’élève contre les insinuations du tribunal restreignant les activités de Thierry Légier aux fonctions de garde du corps, d’autant plus que « le Parlement européen n’a jamais interdit qu’un responsable sécurité soit assistant parlementaire. Assistant, c’est un statut. On peut être assistant parlementaire photographe, concepteur de site internet, rédacteur de  discours, responsable de la sécurité », énumère-t-elle.

De son côté, Marine Le Pen réfute une nouvelle fois l’idée que le Parlement européen ignorait les fonctions de Thierry Légier. Sur ses bulletins de salaire, qui sont en possession du Parlement européen, il était bien écrit responsable sécurité : « J’ai l’impression que l’on est un peu à front renversé. S’il existe un doute, il doit profiter à ceux qui sont amenés à répondre de certaines accusations. Nous avons démontré que jamais nous n’avons caché quoi que ce soit. Il déposait son arme tous les jours dans un coffre, il n’y a pas cinquante députés qui risquent leur vie en faisant leur mandat ! » Enfin, l’actuelle chef de l’opposition à l’Assemblée nationale résume cette seconde journée d’auditions d’un cinglant : « La vérité est têtue ! »