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Je croyais qu’un chef c’était fait pour cheffer

Alors que la Ve République est régulièrement qualifiée de monarchie présidentielle, Philippe Bilger constate qu’Emmanuel Macron, loin de se comporter en monarque concentrant l’ensemble du pouvoir, est au contraire sujet à de nombreuses influences qui cherchent à interférer dans son processus de prise de décision


Comme on peut se tromper ! Une présidence verticale et solitaire, une parole rare, une autorité sans partage, des choix clairs et nets, des desseins cohérents et lisibles par tous… Emmanuel Macron, un temps, avait semblé mettre en évidence ces orientations fondamentales de sa gestion du pouvoir. Acceptons l’idée que parfois elles ressurgissent mais que, sans que le « en même temps » y soit pour quelque chose, elles sont fortement entamées par le fait que nous n’avons jamais connu un président aussi ostensiblement sous influences.

À tel point que ses prédécesseurs, sur les plans personnel, conjugal et politique, semblaient, eux, détachés autant que possible de sollicitations et d’interventions extérieures. Ce n’est pas qu’on ne cherchait pas à les convaincre mais ils paraissaient plus rétifs à se laisser dominer… On a connu, par exemple avec François Mitterrand, des séquences où le président français sollicitait des avis et des conseils, pour le maintien ou non de ses Premiers ministres, mais il demeurait le maître, n’était pas ballotté dans des fluctuations qui l’auraient rendu dépendant des autres.

Brigitte Macron, épouse et conseillère

Faut-il rappeler la manière dont la Première ministre Élisabeth Borne a été nommée in extremis après que Catherine Vautrin avait été écartée le matin même à la suite de tractations, d’oppositions et de luttes internes entre ses partisans et ses adversaires qui en définitive l’ont emporté ?

D’autres péripéties ministérielles manifestent encore plus clairement comment le président a varié sous des influences diverses à tel point que sa décision initiale, souvent fondée, était battue en brèche par un concert qui la lui faisait abandonner.

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Il m’a été confirmé (confirmation par le Canard enchaîné du 25 mai) qu’Emmanuel Macron, décidé à renvoyer Eric Dupond-Moretti, s’était vu vigoureusement contesté sur ce point par son épouse, ayant de surcroît l’appui d’Alexis Kohler. L’une et l’autre auraient souligné que le maintien d’Olivier Véran justifiait qu’on gardât aussi le garde des Sceaux dans le nouveau gouvernement. Par ailleurs Isabelle Boulay, compagne du ministre, est une amie de Brigitte Macron, ce qui n’aurait pas été sans effet !

Cet épisode a au moins le mérite de nous éclairer sur l’absurdité d’un renouvellement ministériel qui a été imposé au dernier moment au président. On peut d’ailleurs se demander, sans être discourtois, à quel titre Brigitte Macron avait la moindre légitimité pour s’immiscer dans un tel débat purement politique. Si je comprends bien, Eric Dupond-Moretti lui doit d’abord d’avoir été nommé puis en 2022 sauvé. Ce qui révèle que, bien au-delà des activités généreuses et caritatives, l’épouse du président a sur lui une influence capitale dans des domaines qui ne devraient pas être de son ressort. Tout cela ne serait pas grave si en définitive ce n’était pas le peuple qui payait les frais de ces manœuvres en vase clos ! Il est accablant de devoir constater que pour ce microcosme il vaut mieux sauver « la peau » d’un ministre incongru et fragilisé que de respecter la magistrature, un pilier de la démocratie. Cette démagogie qui coule sans retenue est écœurante !

Pap Ndiaye, aux antipodes de son prédécesseur

La nomination de Pap Ndiaye à l’Éducation nationale marque en effet « un tournant idéologique ». Il est étonnant que le président, contre toute évidence en le qualifiant « d’universaliste », soutienne que ce nouveau ministre serait dans la continuation de Jean-Michel Blanquer alors qu’il sera aux antipodes. Intellectuel et philosophe de qualité, Pap Ndiaye a évidemment le droit de penser ce qu’il pense, de louer le wokisme, de dénoncer un racisme « systémique », de cibler les violences policières, de nier l’influence de l’islamogauchisme dans l’Université et de paraître familier avec les thèses indigénistes et décolonialistes. Le problème, avec un tel terreau, est d’en avoir fait un ministre alors qu’à l’évidence l’état de la France et de l’enseignement, les fractures de l’école, les pesanteurs communautaires et immigrationnistes auraient imposé la poursuite d’une ligne à la « Blanquer » même si ce dernier n’était plus dans les bonnes grâces du président.

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Je ne peux pas croire qu’Emmanuel Macron, dont l’attention avait déjà été attirée sur Pap Ndiaye, n’avait tout de même pas perçu à quel point il pouvait sembler aberrant, erratique de sa part, après avoir validé une laïcité exigeante et sans démagogie tenue par Blanquer, d’opérer une radicale embardée en nommant une personnalité en totale contradiction avec ses propres valeurs affichées.

Davantage soucieux de communication que de politique

Ce n’est plus du « en même temps » mais l’expression, si j’ose dire, d’une exemplaire incohérence qui révèle que des choix fondamentaux ont été effectués par un président sous influences, acceptant une composition de gouvernement de bric et de broc et plus soucieux en définitive de surprendre que de permettre la réussite de notre pays sur des plans capitaux : Justice, Éducation…

Pour qu’un Jean-Pierre Chevènement ayant rallié la cause macroniste craigne cependant que la nomination de Pap Ndiaye ne « désoriente » le monde de l’éducation, il faut que le problème soit sérieux. Le paradoxe, avec toutes ces influences intimes, amicales et politiques, est qu’on n’est pas loin d’avoir la nostalgie d’une présidence respectueuse des citoyens et capable, avec une authentique boussole démocratique, de décider, dans son for intérieur et librement, des ministres mauvais à renvoyer, des compétents à maintenir, surtout de ce qui est bon ou non pour la France. Seul celui qui a été élu compte en République.

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Consultants: un métier d’avenir au long passé

L’affaire McKinsey, du nom du cabinet de conseil de stratégie et de gestion américain, a attiré l’attention du grand public sur une activité méconnue en France. Pourtant, elle a accompagné l’évolution du capitalisme.


Que font les conseils en gestion et stratégie ? Pour dire les choses simplement, leur mission est d’améliorer les performances des entreprises et des organismes publics. Ils identifient les points forts et les points faibles du client dans différents domaines (stratégie commerciale, finances, RH, numérique) et recommandent des actions à mener pour résoudre ses problèmes et encourager sa croissance. Dans le cas des organismes publics, ils identifient les éléments qui pourraient améliorer l’efficacité du service et la satisfaction des usagers.

Leur méthode – audit-analyse-plan d’action – se structure dès les premières décennies du XXe siècle. Les pionniers en la matière sont les ingénieurs américains Frederick Taylor et Henry Gantt. Le premier, le plus célèbre, propose d’abandonner l’organisation traditionnelle du travail, qui repose sur le savoir-faire d’ouvriers qualifiés et autonomes, pour un système fondé sur une division du travail organisée par postes. Henry Gantt travaille avec Taylor à l’application de ce procédé dans l’industrie lourde. On lui doit le « diagramme de Gantt » qui permet de visualiser le temps nécessaire à chaque tâche. Adopté par les chantiers navals américains durant la Seconde Guerre mondiale, cet outil permet de réduire considérablement les temps de fabrication : la construction d’un « Liberty Ship », un cargo standardisé fabriqué entre 1941 et 1945 en 2 700 exemplaires, passe ainsi de deux cent cinquante à cinq jours.

Une telle optimisation des processus contribuant à l’amélioration de la qualité et de la rentabilité de la production industrielle a suscité un intérêt certain parmi les ingénieurs. Pourtant, le monde contemporain du conseil est largement issu du secteur de la finance.

A lire aussi : Emmanuel Macron, le plus “conseillé” de nos présidents!

Aux États-Unis, avant la crise des années 1930, les banques proposaient à leurs clients des services d’audit global de leur entreprise. C’est une compétence essentielle pour décider d’accorder un crédit, de financer un rachat, de liquider une entreprise endettée ou bien de la remettre en état. Dans les chemins de fer, l’acier ou les mines, des opérations de ce genre, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, ont créé un écosystème composé de plusieurs métiers autour des grandes banques qui pilotaient ces opérations industrielles et financières.

En 1933, la loi Glass-Steagall instaure une séparation entre deux métiers bancaires : le dépôt et l’investissement. Ça change la donne. Presque du jour au lendemain, de nombreuses banques sont obligées de faire appel à des prestataires extérieurs pour mener ce genre d’audits. Fondé en 1926, McKinsey & Company est l’exemple emblématique du secteur. À partir des années 1990, les cabinets de conseil se tournent vers le secteur public pour proposer des stratégies de réforme, notamment dans l’armée et les services de santé. Bingo.

Aujourd’hui, McKinsey emploie 33 000 personnes dans le monde et son chiffre d’affaires dépasse les 10 milliards de dollars.

Macron: «l’intérêt est son but, l’intrigue son moyen»

Beaumarchais avait tout dit sur le prince qui nous gouverne.


Alors que j’achève la relecture de la Trilogie de Figaro écrite par Beaumarchais : Le Barbier de Séville, ou la Précaution inutile (1775), La Folle journée, ou le Mariage de Figaro (1778) et L’Autre Tartuffe, ou La Mère coupable (1792), Olivia Grégoire, qui succède à Gabriel Attal au poste de porte-parole du gouvernement, rend compte du premier Conseil des ministres du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron.

J’ai religieusement écouté l’intervention de la dame, une autre Voix de son maître. J’ai alors pu réaliser, une fois de plus, que c’est la littérature qui nous donne les clés de l’actualité et de l’éternelle comédie humaine.

Le « Roman de la famille Almaviva », comme aime à le nommer Beaumarchais, m’a aussitôt permis de porter un regard rétrospectif sur les bientôt six années qui se sont écoulées depuis la première campagne électorale d’Emmanuel Macron, jusqu’à la nomination du gouvernement de son second quinquennat dont Olivia Grégoire est la digne représentante.

Avant d’en revenir à Beaumarchais, évoquons la teneur du mince compte-rendu de la dame. En guise de préambule, celle-ci nous a d’abord assuré que, sans mentir, et en s’attachant à débusquer la fake-news, quelle que soit l’apparence retorse qu’elle oserait prendre, elle rendrait fidèlement compte des agissements du gouvernement. Pour ce qu’elle nous a dit dudit gouvernement, nous sommes rassurés : celui-ci est nouveau, à l’image des Français et à pied d’œuvre, une méthode nouvelle « all inclusive » lui permettra d’amender les destinées de tous les damnés de la terre. Pour nous mettre totalement en confiance et avant de répondre avec un entrain dissimulé aux questions, embarrassantes, il faut bien en convenir, qui lui furent posées sur Damien Abad, Olivia Grégoire répéta, peut-être tâchait-elle de s’en convaincre : « Nous ne devons pas mentir. »

Serait-ce donc déjà arrivé ?

La littérature du XVIIIe, chroniqueuse de la France contemporaine

Il convient maintenant de passer au « Roman de la famille Almaviva ». Commençons par évoquer l’atmosphère qui prévaut dans les deux premières pièces de la trilogie, pour la rapporter à celle de notre France depuis la marche au pouvoir et l’avènement d’Emmanuel Macron. Nous avons d’abord deux comédies, enlevées et tout en verve, écrites par le dramaturge avant la Révolution, dans la pleine effervescence des Lumières. Figaro, le plus fripon des valets, triomphe de tout avec un insolent bagout. Il livre un combat sans merci contre l’injustice non sans paradoxalement veiller sur la maison de son maître, le comte Almaviva.

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La légèreté qui domine les deux comédies était encore celle du peuple de France, il n’y a pas si longtemps. Bien sûr, il n’est pas question d’oublier à quel point les Français furent meurtris par les attentats qui ruinèrent leur insouciance leur rappelant l’éternelle irruption du tragique dans les vies. Toutefois, à cette époque, comme avant 1789, on espérait encore des jours meilleurs. On attendait, pour présider aux destinées de la France, quelqu’un de neuf qui nous ferait oublier François Hollande : « l’Ennemi de la finance », ses pitoyables virées matinales en scooter, le croissant entre les dents. On attendait le rayon de soleil qui suivrait toutes les trombes d’eau qu’un ciel moqueur déversait impitoyablement sur un président de la République tristement « normal », dès qu’il s’avisait de donner de la voix en plein air.

Emmanuel Macron ou les illusions perdues

C’est alors que celui que nous autres naïfs, las de subir la vindicte des nuages, prîmes pour l’astucieux Figaro du Barbier de Séville entra en scène. Emmanuel Macron, c’était évident allait effacer jusqu’au souvenir de notre barbon (François Hollande) qui ridiculisait la France. J’entends encore notre jeune audacieux dont les propos en meeting sonnaient comme ceux du rusé valet (Acte I, scène 6) de notre comédie : « Moi, j’entre ici, où, par la force de mon Art, je vais d’un seul coup de baguette endormir la vigilance, et éveiller l’amour, égarer la jalousie, fourvoyer l’intrigue et renverser tous les obstacles. » Parce que c’est notre projeeeet.

Puis il y eut Benalla, « les gens qui n’étaient rien » et « les injonctions à traverser la rue pour trouver du boulot ». Le roitelet qui nous avait promis des lendemains qui chantent se contenta de nous rejouer  » Le Mépris ». Bientôt les gueux occupèrent les ronds-points et les centres des villes tous les week-ends, protestant d’abord contre la réduction à 80 km/ h. Puis, toujours plus ingrats, et vils quant à leurs préoccupations, ils réclamèrent au prince, qui leur promettait pourtant une orgie de brioche, les moyens de pouvoir faire leur plein de carburant. La suite, on la connaît : le monarque et son équipe de vainqueurs gérèrent la crise sanitaire sur fond de demi-vérité, voire de mensonges éhontés qu’ils préférèrent à tout aveu d’incertitude que les Français auraient pourtant accepté et compris, tant la situation était inédite. Poutine attaqua enfin l’Ukraine et un désenchantement anxieux, mais également poisseux et morne s’abattit sur la France.

L’atmosphère qui règne dans notre pays est désormais semblable à celle qui baigne La Mère coupable, drame moral, dernier volet de notre trilogie. La Révolution attendue n’a pas tenu ses promesses, l’heure est au désenchantement.

Les fourberies de Macron

Bien sûr, le peuple français a donné, faute de mieux une ultime chance au valet de Beaumarchais qu’il s’est pris à espérer mûri par les épreuves. C’est le Figaro du Mariage, à savoir de la deuxième comédie, que les Français ont voulu reconduire. On était pourtant sans illusion quant à sa conception de la politique. Elle nous avait été révélée, sans concessions, justement dans ledit Mariage (Acte III, scène 5) : « (…) feindre d’ignorer ce qu’on sait, de savoir tout ce qu’on ignore ; d’entendre ce qu’on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu’on entend ; (…) paraître profond quand on n’est , comme on dit que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage, répandre des espions et pensionner des traîtres (…),  tâcher d’ennoblir la pauvreté des moyens par l’importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure ! »

A lire aussi : Emmanuel Macron, le roi de la frime…

Mais, alors que nous nous trouvons dans le dernier volet de notre trilogie, celui qu’on se prenait à espérer envers et contre tout comme un Figaro, vient de se révéler, reconduit sur le trône, un Bégearss, le traître de La Mère coupable, qualifié par Beaumarchais « d’Autre Tartuffe ».

Tartuffe réélu, avions-nous imaginé avec Molière. Avec Beaumarchais, nous y sommes aussi. Emmanuel Macron, en effet, est à la tête de la France qu’il manœuvre tout comme le fait Bégearss dupant la famille Almaviva.

Notre Tartuffe présidentiel, doté d’une colonne vertébrale d’une souplesse peu commune, semble servir un seul intérêt : son ambition personnelle démesurée. On en veut pour seule preuve la composition du nouveau gouvernement, pour le moins très composite et présentant toutes les couleurs politiques, comme pour mieux n’en afficher aucune. Ce qui aura pour résultat de neutraliser plus sûrement toute entreprise constructive.

Tartuffe-Bégearss a réussi à mettre solidement en place en France une nouvelle politique qui n’est plus de la politique, mais un équilibre de forces qui concoure à instaurer l’immobilisme. Voici cette politique telle qu’il l’expose avec un cynisme sans pareil dans L’Autre tartuffe ou La Mère coupable (Acte IV, scène V) :  La politique : « Ah ! c’est l’art de créer des faits, de dominer, en se jouant, les événements et les hommes ; l’intérêt est son but, l’intrigue est son moyen (…), le scrupule seul peut lui nuire (…) »

Qu’on se rassure, Bégearss, à la fin de La Mère coupable, est démasqué et chassé de la famille Almaviva.

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Génération trans: sauvez les enfants!

Elisabeth Lévy présente notre dossier du mois de mai.


Au départ, cela semblait être une de ces lubies portées par des groupuscules bruyants mais ultra-minoritaires qui entendaient étendre les limites de la libération sexuelle. Quand l’acronyme LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi et Trans) s’est imposé dans le langage public, on n’a pas compris qu’en s’arrimant à la lutte homosexuelle, c’est-à-dire en mettant sur le même plan ce qu’on fait (l’orientation sexuelle) et ce qu’on est (ce qu’on appelle désormais l’identité de genre), la cause trans allait devenir une des composantes de la panoplie du progressisme. Aujourd’hui, la transidentité est une mode qui fait fureur dans les collèges et lycées, un des vecteurs de la rébellion adolescente. Et ce que veulent les promoteurs de cette révolution anthropologique, c’est qu’elle devienne une norme parmi d’autres.

A lire aussi, Chantal Delsol: Les enfants d’abord!

Qu’on ne se méprenne pas. Tout d’abord, on peut effectivement considérer comme un progrès le fait que chacun puisse jouer avec les rôles sexués ancrés dans les comportements sociaux, autrement dit, que l’on puisse être une femme masculine (un garçon manqué, disait-on autrefois) ou un homme efféminé. Une femme peut être général et un homme strip-teaser, et c’est très bien.

D’autre part, aussi mystérieux que cela soit pour la grande majorité des humains, qui considèrent leur sexe de naissance comme un élément stable et structurant de leur identité, il existe, sans doute depuis toujours, des individus qui paraissent avoir subi une sorte d’erreur d’aiguillage et qui sont, depuis leur plus tendre enfance, attirés par les attributs de l’autre sexe. Tant mieux si la médecine leur permet de mettre en accord leur corps et leur psychisme – s’ils sont prêts à endurer les souffrances afférentes, c’est sans doute qu’il y a là quelque chose de vital. Que la société se montre plus tolérante avec leur singularité, fort bien.

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Seulement, nous n’en sommes plus là. Financé par des milliardaires, soutenu par les institutions,  encensé par de nombreux médias, le lobby trans s’emploie désormais à convaincre les adolescents – et particulièrement les adolescentes – que la fluidité du genre est l’état naturel de l’humanité. « Chacun est ce qu’il veut être », proclamait il y a peu Élisabeth Moreno, ministre du gouvernement Castex. Et s’il se trouve quelques psychanalystes et intellectuels courageux pour sonner l’alarme, l’école accompagne le mouvement et les parents sont de plus en plus désarmés face au rouleau compresseur de ce nouvel avatar du politiquement correct. Peut-être est-il trop tard pour s’y opposer. Dénoncer cette folie qui promet d’engendrer bien plus de souffrances qu’elle n’en apaisera n’en est pas moins un impératif moral.


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Ne plus en croire ses yeux

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La télévision en direct, la multiplication des images et des écrans et la victoire du spectacle sur la vérité, nous mènent à une inquiétante société de la post-vérité, où le pouvoir est détenu par ceux habilités à contrôler les images, la puissance médiatique.


Même si, dès l’origine, personne n’a jamais vraiment cru à l’objectivité absolue de la photographie, sa nature de procédé technique, mécanique, a longtemps donné l’illusion qu’elle se rapprochait d’une représentation fidèle de la réalité. Si l’on en croit l’effroi rapporté des spectateurs de L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat , il en a été de même pour le cinéma, même si ce dernier a gagné ses galons artistiques avant sa devancière fixe. La diffusion croissante de ces deux médias a d’ailleurs radicalement changé le rapport à l’histoire, l’image acquérant valeur de preuve, une preuve sensible et non plus seulement rationnelle : un seul cliché de prisonniers de camps de concentration ou de victimes de bombes au napalm sera plus parlant pour le commun des mortels que d’épais livres d’histoire.

Extension du domaine de la société du spectacle

Le problème, c’est que, d’une part, une photographie n’est ni objective ni forcément authentique, et, d’autre part, que les sens nous trompent. Ou, pour le dire autrement, que nous sommes tous susceptibles de nous faire abuser par les images, qu’elles soient ou non manipulées, qu’elles se veuillent documentaires ou de propagande. Rien que de très banal dans tout ce qui précède, à ceci près que depuis quelques années, de profonds changements de société sont à l’œuvre, dont la crise sanitaire liée au SARS-COV-2 et la guerre en Ukraine ne sont que les derniers avatars accélérateurs. Un monde nouveau émerge à bas bruit, dans lequel tous les aspects de la vie humaine telle que nous la connaissions sont remis en cause sans véritable débat démocratique. Et si tout cela peut advenir, c’est parce que la notion même de vérité a elle aussi changé, et avec elle, pour ce qui concerne le monde occidental, la pluralité et la liberté d’expression qui en était l’indissociable corollaire.

À lire ensuite, Gil Mihaely: L’enfant au fond du puits

Il convient à ce stade de préciser que l’auteur de ces lignes avait 14 ans au moment de la chute du Mur de Berlin et du début de l’effondrement du bloc soviétique. En 1989, pour la première fois l’histoire se déroulait en direct sur les écrans de télévision, sans médiation ou presque, sans recul. L’actualité n’était plus un événement qu’on rapportait mais un spectacle qu’on vivait en direct. De manière symptomatique, c’est la 5, une chaîne appartenant au roi du divertissement et de la téléréalité en Italie, Silvio Berlusconi, qui a inauguré les directs sans interruption que les chaînes d’information en continu ont depuis rendus banals. Nous avons ainsi vécu minute par minute le démantèlement du mur qui coupait la capitale allemande en deux depuis 1961, mais surtout la découverte des charniers de Timişoara puis l’exécution par balles des époux Ceauşescu. Toutes les personnes qui ont assisté à ces événements se souviennent des images ; il est fort à parier que beaucoup croient toujours qu’il y avait des charniers à Timişoara alors qu’il s’agissait d’une grossière manipulation, d’une action de désinformation destinée à accélérer la chute du régime communiste roumain tout en gagnant les faveurs du public occidental.

Depuis lors, la société du spectacle diagnostiquée par Guy Debord n’a cessé de s’étendre en surface et en profondeur, chantée en 1991 par le Québécois Jean Leloup dans sa célèbre chanson 1990 qui fait écho à la première Guerre du Golfe retransmise en direct par CNN :

[…] il y a des missiles patriotes
dirigés par ordinateurs
sony fuji et macintosh
se culbutent dans les airs le rush
la guerre technologique fait rage
c’est un super méga carnage
attention voilà les avions
qui tirent
c’est l’heure de l’émission
en 1990
c’est l’heure de la médiatisation
en 1990
c’est l’ère de la conscientisation[…]

On passe sur les guerres de Yougoslavie, du Kosovo, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, en Crimée, sans compter le 11 Septembre et les différentes Intifadas, les attentats terroristes partout dans le monde, les persécutions des Ouïghours et des Rohingyas, etc. : leur photogénie et leur proximité avec les intérêts occidentaux ont dicté leur couverture médiatique et leur durée de traitement dans les actualités. On sait que l’OTAN a agi sans mandat au Kosovo, on sait que Saddam Hussein n’a jamais possédé d’armes de destruction massive, on sait que les Talibans avaient été armés par la CIA dans les années 1980, mais ce savoir ne vaut rien, ne pèse rien face au spectacle des armes et de la morale occidentale érigée en modèle universel.

L’ère du metaverse et des deep fakes

Après tout cela, on devrait être vacciné contre les impulsions des va-t-en-guerre et la propagande dégoulinant de moraline utilisée pour déclencher des conflits, on devrait avoir le regard éduqué et ne plus croire toutes les images qui nous sont proposées, on devrait avoir l’émotion un peu moins prompte sans pour autant devenir cynique, et pourtant il n’en est rien, car la société du spectacle est devenue totale, anéantissant toute qualité s’écartant du divertissement, tout pas de côté divergeant du mouvement général. Une nouvelle ère a commencé dans la plus grande discrétion, il y a quelques années, une ère de post-vérité, de post-information, de post-liberté, où tout est susceptible d’être fake, mais où seuls ceux qui possèdent la puissance médiatique décident de ce qui l’est ou pas pour le grand nombre. Une ère où il n’est plus possible de faire confiance à qui que ce soit, et où pourtant il faut bien se fier à quelqu’un ou à quelque chose tant le doute absolu est inhumain, invivable.

À lire aussi, du même auteur: Un sentiment de grand remplacement

La victoire du spectacle sur la vérité, du virtuel sur le réel, est tellement écrasante que la nouvelle étape qui nous est proposée est de se jeter à corps perdu dans le metaverse. Nouvelle étape de la déréalisation du monde qui nous rapproche doucement mais sûrement de la Matrix inspirée par les travaux de Baudrillard, nouvelle étape dans la dégradation de l’authenticité des images : à l’heure où les deep fakes se multiplient pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes et nous faire croire au bombardement de Paris dans le but d’apporter notre soutien à Volodymyr Zelenzki (voir plus bas), on en vient à se demander si, pour ne pas perdre tout à fait pied et tomber dans un monde parallèle, il ne nous reste plus qu’à devenir iconoclaste et à détruire toutes les images, fixes et animées, pour ne plus en croire nos yeux…

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Macron, le mauvais joueur

Un mois pour faire un gouvernement, des polémiques de surface, tout ça pour faire oublier des législatives plus difficiles que prévu.


Amuser le tapis, au poker, indique que l’on joue petit jeu en attendant une partie sérieuse. C’est exactement ce que fait Macron depuis sa réélection. Il a mis un mois à composer un gouvernement et une fois ce gouvernement composé, il a trouvé le moyen de faire naître au moins deux polémiques, histoire de distraire les citoyens des élections législatives qui ne vont pas être aussi évidentes que ça face à une droite nationale toujours à un niveau élevé et, surtout, une gauche unie qui va présenter un seul candidat dans l’immense majorité des circonscriptions.

L’épouvantail NDiaye

Première polémique, celle-là est prévue et voulue : la nomination de Pap Ndiaye à l’éducation nationale. Blanquer, soigneusement absent de la campagne électorale pour ne pas perdre ce qu’il reste de profs votant pour Macron, a été remercié et prié de tenter de se faire élire député à Montargis, ce qui n’est pas gagné d’avance. Pour le remplacer, un universitaire brillant mais qui suscite, comme prévu, une levée de boucliers du côté de la droite. Le nouveau ministre serait un affreux représentant de la mouvance woke et a osé parler, naguère, de « violences policières ». Cela a suffi à faire, de manière très pavlovienne, chanter le chœur des vierges effarouchées qui confondent, comme Blanquer, la laïcité vue surtout comme un moyen de combat pour réduire les revendications des minorités et qui estime que l’urgence est de vaincre l’hydre « islamogauchiste », comme ils disent. 

Rassurons-les, il faut que tout change pour que rien ne change. On vient d’apprendre que le chef de cabinet désigné par l’Élysée pour seconder le nouveau ministre est Jean-Marc Huard, ancien directeur général de l’enseignement scolaire, Degesco pour les intimes, c’est-à-dire vice-ministre. Huard est une des âmes damnées de Blanquer, qui a été brièvement connue du grand public, lors de la tentative pour créer sur les fonds publics, un syndicat lycéen maison, en fait une coquille vide, favorable à la catastrophique réforme du baccalauréat. 

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Et si Pap Ndiaye n’était pas ce monstre que nous décrit la droite?

Autant dire que la marge de manœuvre du Pap Ndiaye est déjà extrêmement réduite. Et pendant ce temps-là, la grande misère de l’éducation nationale continue puisqu’on apprend par exemple, qu’à Annonay, des élèves préparent le bac de Français sans professeur de français… 

Crapoteux

La seconde polémique, beaucoup plus crapoteuse et imprévue, c’est celle qui touche la prise de guerre Damien Abad, ancien président du groupe LR à l’Assemblée, qui, à peine nommé, se voit accusé par deux femmes de violences sexuelles et obligé d’indiquer que son handicap ne lui permet pas, sans assistance, d’avoir un rapport sexuel. On en est là. Pendant ce temps-là, évidemment, le pouvoir d’achat reste en berne, des pénuries sporadiques surviennent, un jour l’huile, un autre la farine, encore un autre la moutarde ou les bouteilles de verre. 

Le nouveau gouvernement, lui, fait semblant d’agir. Bruno Le Maire, resté à l’Économie comme son collègue Darmanin à l’Intérieur – on ne change pas les rouages essentiels de la machine – annonce qu’il « demande » aux entreprises d’augmenter les salaires pour limiter la casse. C’est bien connu, en France, le patronat est composé de philanthropes à qui on n’a pas besoin d’imposer, en général dans la rue, un rapport de force, pour obtenir des améliorations de la condition salariale… Et puis, on évite aussi de parler de la retraite à 65 ans trop frontalement, ce chiffon rouge, au moins jusqu’à ce que la nouvelle Assemblée nationale soit élue.

Il nous reste juste à espérer que la Nupes, dans un mois, renvoie tout ce monde-là à ses chères études, et qu’on commence enfin à passer aux choses sérieuses en faisant du gouvernement Borne le plus court de l’histoire de la Vᵉ république.

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La Duchère: une nouvelle affaire Halimi?

Une semaine après le meurtre de René Hadjadj, poussé du 17e étage d’un immeuble du quartier de La Duchère à Lyon, on s’interroge encore sur les motivations d’un tel geste.


Ça s’est passé le mardi 17 mai dans le quartier passablement islamisé de la Duchère à Lyon. Bien qu’on sache peu de choses, on se demande si c’est une nouvelle affaire Sarah Halimi ou Mireille Knoll, deux vieilles dame tuées parce qu’elles étaient juives.
Comme elles, René Hadjadj était juif (portant la kipa), comme elles, il était de condition modeste, comme elle il était vieux (90 ans). Et comme Sarah Halimi, il a été défénestré. Du 17ème étage (lui habitait au deuxième). Le suspect arrêté est aussi un voisin qui fréquentait la victime, connu pour des faits de violence et probablement déséquilibré (ne faut-il pas l’être pour commettre un tel acte ?)
Après son crime, il a appelé la police pour se plaindre de voisins bruyants.

Alors, est-ce un crime antisémite?

Rien ne permet de l’affirmer. D’après Noémie Halioua, correspondante de la chaîne israélienne I24NEWS qui a enquêté sur place, le suspect avait menacé d’égorger une dame et ses enfants (ceux qui faisaient du bruit) qui n’étaient pas du tout juifs. Selon elle, il fréquentait des sites islamistes attaquant les musulmans trop modérés à son goût.
N’empêche, il est troublant qu’il n’ait fallu que 48 heures à la Justice pour écarter le mobile antisémite et ce, alors que, selon Noémie Halioua, les voisins qu’elle-même a vus n’ont même pas été interrogés par la police. Ce qui interroge encore plus, c’est le silence radio général.

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Les représentants de la communauté juive ne veulent surtout pas faire de vagues. Les proches de la victime non plus. Cela mettrait en danger la dizaine de juifs qui restent à la Duchère, les plus pauvres et les plus vieux. Les autres sont partis.
Il y a surtout le silence des médias. Quelques articles, dans Le Progrès, Le Figaro, Atlantico, et un reportage sur I24NEWS donc.

La nouvelle loi du silence

Ce qui explique ce silence, ce n’est pas que la victime soit juive mais que le meurtrier présumé soit musulman ou islamiste – on ne sait pas très bien. Si ça avait été un bon franchouillard qui avait tué un juif ou un musulman, on tambourinerait sur France Inter, les Insoumis défileraient dans la rue au choix contre l’islamophobie ou l’antisémitisme et nous expliqueraient que tout ça, c’est la faute à Zemmour.
Répétons-le, il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’un acte antisémite.
En revanche c’est bien l’antisémitisme, plus que répandu dans les quartiers, qui explique que les Juifs aient peur. Seulement, le dire, ce serait stigmatiser. Alors, on se tait.

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Et si Pap Ndiaye n’était pas ce monstre que nous décrit la droite?

Sidéré par la violence des attaques lancées contre le nouveau ministre de l’Enseignement avant même qu’il ait ouvert la bouche, notre chroniqueur suggère à tous d’attendre ses premiers pas — et que soient passées les législatives, dont Pap Ndiaye se retrouve de facto l’otage…


Je n’ai aucun a priori, favorable ou non, sur le nouveau ministre de l’Éducation. Et je trouve étrange que chez nombre de commentateurs, la première chose que l’on ait remarquée, c’est qu’il est noir — en fait, métis. Ça me rappelle l’époque où les grands aristocrates ne remarquaient, chez Mazarin, que ses origines italiennes. Et ils se sont fait rouler dans la farine par un Rital supérieurement intelligent — qui en a profité, au passage, pour gagner la Guerre de Trente ans.

Résumons. Voici un garçon né en France — et dans une France très profonde —, coupé de la tradition paternelle très tôt, élevé par une mère enseignante avec sa sœur qui est une romancière de qualité (mais si, Trois femmes puissantes est un bon roman, et les jurés du prix Goncourt 2009 ne furent pas du tout influencés par le souci du woke). Leur génitrice a donc réussi ses deux enfants, ce qui n’est pas forcément le cas de toutes les mères célibataires…

La question raciale en Amérique

Pap Ndiaye est, comme disait l’Express en 2008, un pur produit de l’élitisme républicain — comme moi : après tout, nous avons l’un et l’autre fréquenté les « classes prépas », réussi la même École Normale Supérieure (celle de Saint-Cloud), et je peux vous dire qu’on n’en distribue pas l’entrée dans des pochettes surprise. Et là non plus la couleur de la peau n’est en rien un critère qui vous vaudrait des indulgences. Il a par la suite passé l’agrégation d’Histoire, que l’on n’obtient pas en faisant valoir ses origines, et il y a parmi les lecteurs de Causeur bien des gens qui se mêlent, ces temps-ci, de donner des leçons d’Histoire, qui ne le valent pas.

C’est aux États-Unis qu’il a pris conscience qu’il y avait — là-bas — un problème noir. L’occasion de réaliser — je dis ça pour ceux qui semblent croire que c’est une grande nation démocratique — que les États-Unis sont un pays profondément raciste, et dans les deux sens, le racisme anti-Noirs générant un racisme anti-Blanc. Voir la « Nation of Islam » de Elijah Muhammad et Louis Farrakhan.

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À noter qu’aux yeux des extrémistes, il n’a pas la bonne nuance de noir, comme Obama, à qui on a reproché de ne pas être un descendant d’esclave, donc pas un pur « african-american ».

Il a profité de son séjour outre-Atlantique pour s’intéresser, en historien, au fait américain. À qui douterait de ses capacités d’historien je conseille la lecture de son article intitulé « Du nylon et des bombes. Du Pont de Nemours, l’État américain et le nucléaire, 1930-1960 », paru dans l’excellente revue des Annales en 1995. Ou son excellent petit livre, en 2009, sur les Noirs américains dans la collection Découvertes (Gallimard), pour laquelle j’ai longuement travaillé moi-même.

Dénoncez plutôt les petits calculs de Macron

Qu’il ait par la suite flirté avec telle ou telle organisation (le CRAN, par exemple) dont l’intelligence n’est pas la qualité fondamentale ne doit pas nous impressionner. L’une des caractéristiques du Net est de présenter comme éternellement d’actualité des déclarations ou des positions qui remontent aux Croisades. Après tout, l’auteur de ces lignes a un passé maoïste, et il a cassé du facho et du flic dans des manifs très dures — par exemple en juin 1973… Il y a cinquante ans, excusez du peu. Depuis, comme me le serinent sans cesse mes détracteurs, je suis passé du côté du fascisme, puisque j’écris dans Causeur… Et à en croire quelques autres, je suis payé par Poutine pour ramener Zelensky à ce qu’il est — un bateleur.

Pap Ndiaye est un calcul de celui que vous avez réélu président, chers concitoyens, et qui s’est dit qu’un intellectuel présumé de gauche ferait bien dans le tableau juste avant les législatives. On le gardera ou non après, peu importe.

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Qu’est-ce qu’ils sont malins, à l’Élysée…

Le nouveau ministre vient de choisir pour directeur de cabinet Jean-Marc Huart, précédemment patron de la DGESCO, bras armé du ministère, puis recteur de Nancy-Metz. Je le connais un peu, c’est un spécialiste de la chose éducative, qu’il maîtrise à fond. Pas un islamo-gauchiste. Et il y a toutes les chances que l’ensemble du cabinet soit de la même veine. On ne change pas du tout au tout en un claquement de doigts, rue de Grenelle. On ne change même pas du tout.

Le dir-cab et son ministre ont tous deux enseigné — un pré-requis quand même à de tels postes. Ils en connaissent plus long sur la chose éducative que bien des commentateurs qui se plaisent à les épingler ces jours-ci — étant entendu qu’un journaliste sait tout sur tout, c’est-à-dire sur rien.

J’ai eu des élèves de toutes les couleurs, au cours de ma carrière. Je les ai aidés à réussir quand ils le pouvaient — étant entendu que le métier de prof suppose que l’on pousse chacun au plus haut de ses capacités. Je n’ai jamais pris en considération la couleur de la peau de tel ou tel. Croyez-moi, la proportion de crétins et de petits génies est la même dans tous les groupes ethniques. Et je n’ai pas de préjugé concernant le ministre. Il fera ou ne fera pas le boulot — et c’est sur ce seul critère qu’il sera permis de le juger.

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Politique énergétique: notre prochaine bataille

Une tribune libre de Charles Beigbeder, entrepreneur et président de la Fondation du Pont-Neuf.


Plus personne n’ignore que le conflit en Ukraine a très fortement accéléré la hausse brutale des prix du pétrole, du gaz et de l’électricité dont nos économies avaient déjà subi l’impact à la fin de l’année dernière. Les tentatives maladroites de l’Union européenne pour sanctionner la Russie sans pénaliser de manière excessive l’économie allemande ont du moins eu le mérite d’imposer aux médias un sujet habituellement réservé aux seuls experts : celui de l’approvisionnement de la France en énergie. Nos décideurs se trouvent désormais contraints de prendre clairement position sur les moyens de limiter l’impact de la crise actuelle sur le budget des ménages. Reste à savoir si cette tardive prise de conscience débouchera sur des choix politiques conformes aux intérêts de la France.

Le président Emmanuel Macron présente le plan d’investissement France 2030 depuis l’Élysée, 12 octobre 2021 © Ludovic Marin/AP/SIPA

Il est heureux que les pouvoirs publics n’aient pas cherché à minimiser la gravité de la situation : Bruno Le Maire n’est-il pas allé jusqu’à la comparer au choc pétrolier de 1973 ? Malgré tout, l’inquiétude monte dans l’opinion. Nos dirigeants ont donc déployé des trésors d’imagination et des ressources budgétaires apparemment sans limites dans l’espoir d’apaiser la colère des électeurs. La Commission européenne a proposé pour sa part de regrouper les achats d’hydrocarbures des pays de l’Union. Ce projet a été accueilli avec scepticisme : l’expérience des achats de vaccins a démontré ce que vaut la solidarité européenne. L’efficacité d’un tel mécanisme paraît d’autant plus douteuse que nos autres fournisseurs de gaz (Norvège, Algérie) n’ont pas la capacité de compenser les 140 milliards de mètre cubes de gaz russe importés chaque année (40% de la consommation européenne). Quant au GNL importé des Etats-Unis ou du Qatar, il faudra des mois voire des années pour construire les terminaux méthaniers indispensables pour le regazéifier.

La confusion croit de jour en jour

Toujours prompt à la dépense, le gouvernement français a opté pour des solutions plus radicales. Depuis le début avril, les consommateurs et les entreprises bénéficient d’une remise de 18 centimes par litre de carburant qui nécessitera, d’ici au 31 juillet, un financement de 3 milliards d’euros, en partie couvert par le surplus des revenus fiscaux. Cette remise s’ajoute aux autres dispositifs déjà en place, dont le coût total devrait s’élever à 26 milliards. Il faut toutefois reconnaître que la France n’est pas le seul pays à mobiliser des ressources budgétaires pour protéger les consommateurs : la Grande-Bretagne a également prévu de dépenser l’équivalent de 11 milliards d’euros pour limiter la hausse des factures d’électricité attendue cette année.

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Malgré ce volontarisme politique, la confusion croît de jour en jour. C’est que l’embargo plus ou moins strict imposé aux importations de gaz russe n’est qu’un facteur, parmi d’autres, de la crise actuelle. Dans son rapport du 4 avril, le Conseil d’Analyse Economique estime d’ailleurs que cette mesure n’entraînerait qu’une baisse minime de notre activité économique (-0,3%). La reprise de la demande, des ruptures répétées dans les chaînes d’approvisionnement ou la mise en œuvre des nouvelles réglementations européennes avaient créé, bien avant l’invasion de l’Ukraine, de profonds déséquilibres. Faut-il rappeler que le baril de pétrole avait déjà augmenté de 65% entre février 2021 et février 2022 ?

Dans ces conditions, la concurrence entre responsables politiques pour proposer des solutions immédiatement applicables n’aide guère à résoudre un problème qui nécessite une vision de long terme. Depuis des années, notre politique énergétique se trouve confrontée à un défi majeur : permettre l’émergence de nouveaux opérateurs alternatifs sans affaiblir EDF. Le compromis de l’ARENH établi en 2011 donne l’obligation à EDF de vendre aux fournisseurs alternatifs environ 30 % de la production du parc nucléaire historique (soit 100 TWh), à un prix qui était censé assurer la rentabilité de nouveaux investissements dans le nucléaire.  Il y a trois mois, en réponse à la hausse des prix observée depuis la fin de l’année dernière, le gouvernement a augmenté de 20 TWh le volume d’électricité vendu au titre de l’ARENH, entraînant un surcoût de 8 milliards pour l’opérateur historique.

Cette décision intervient au pire moment pour EDF : compte tenu de divers problèmes techniques, l’arrêt de 11 réacteurs nucléaires fera baisser d’au moins 10% la production d’électricité nucléaire en 2022. Ce déficit de production devra être compensé par des achats sur le marché européen, à un moment où celui-ci a été fortement perturbé par une conjonction de facteurs exogènes entraînant une hausse soudaine des prix à court terme – ce qui peut se concevoir – mais aussi hélas à moyen terme – plus surprenant – pour s’aligner sur le prix des centrales à gaz (soit 20% de la production européenne globale, mais moins de 10% en France). Alors que nos 18 centrales nucléaires fournissent une électricité décarbonée et relativement bon marché, on peut comprendre l’absurdité économique du mécanisme de 2011 devenu désormais totalement déséquilibré.

Revirement macronien

Ce mécanisme doit être remplacé par une ouverture du parc nucléaire aux opérateurs alternatifs pour de nouveaux investissements. Sous l’égide d’EDF bien entendu, puisque le consensus national implicite implique que l’opérateur historique conserve le monopole de l’exploitation du nucléaire électrique. Les opérateurs alternatifs se verront en lieu de l’ARENH proposer de co-investir aux côtés de EDF au sein des nouveaux réacteurs EPR. Seule une vraie prise de risque industrielle pourra leur procurer l’avantage du nucléaire.

Après avoir longtemps défendu l’objectif d’une réduction de la part du nucléaire à 50% de la production française, Emmanuel Macron semble aujourd’hui se rallier à l’idée d’un renforcement de la filière nucléaire, annonçant la construction de six EPR de deuxième génération (pour un coût chiffré à 46 milliards d’euros, à financer…) et prônant à demi-mot la renationalisation d’EDF. Ce revirement est à mettre au compte des miracles qui ne manquent pas de se produire en période électorale. Cependant, n’oublions pas que ce genre de bonnes intentions se juge sur le long terme : il faut au moins dix ans entre la décision de construire un réacteur et sa mise en service. Ce délai ne sera pas de trop pour organiser l’ouverture minoritaire des tours de table des futurs EPR…Rappelons également que ces réformes devront être défendues au sein des institutions européennes. Rien n’indique en effet que le Parlement européen ait renoncé à son opposition radicale à l’inclusion du nucléaire dans la « taxonomie des investissements verts » publiée par la Commission le 2 février dernier.

Qu’adviendra-t-il si la France échoue à faire prévaloir sa position ? Il ne nous restera plus alors – comme le président de la Commission de Régulation de l’Énergie nous y invitait dans une interview du 28 mars – qu’à « baisser le chauffage, la climatisation, les lumières » en prévision des hivers difficiles qui nous attendent.

Entrisme de l’idéologie sur le genre à l’école: ce qu’on sait

Non, ce n’est pas une légende! De nombreux exemples relevés par l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires démontrent que la théorie du genre infiltre l’Éducation nationale. La propagande se répand d’abord là où elle ne devrait pas pouvoir mettre les pieds, à savoir l’école. Il n’est pas certain que le nouveau ministre de l’Éducation que Macron et Borne ont choisi y mette fin.


Dans son excellent article paru dans ces colonnes (“L’éducation nationale aux couleurs arc-en-ciel”), Gabrielle Périer a soulevé la question de savoir comment l’idéologie sur le genre avait pu pénétrer l’école. Elle souligne le rôle de plus en plus grand d’associations militantes invitées par des établissements scolaires pour venir « débattre » sur ces questions, et ce dès l’école primaire. Elle raconte l’étonnement d’une mère d’élève apprenant qu’une professeur de sa fille a distribué le premier jour des cours un papier dans lequel elle demandait à chaque élève de cocher « son » pronom (il, elle ou iel) ainsi que le prénom avec lequel il veut être appelé. Encore rares, il est à craindre que ces situations se multiplient. “L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires” continue son travail d’information en révélant et en analysant ce qui se passe dans certains INSPE (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation) et, conséquemment, dans les écoles du primaire et du secondaire.

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« Sortie de la sexualisation »

Je résume ci-dessous quelques articles très complets de l’Observatoire du décolonialisme sur la formation des professeurs et ses conséquences – ses articles sont libres d’accès, je ne saurais trop conseiller aux parents d’aller y jeter un œil. Bienvenue dans le monde dégenré de l’Éducation nationale :

À l’INSPE de Lille, les futurs enseignants ont eu droit du 7 au 30 mars 2022 à une “programmation Culture & Recherche sur la thématique de la lutte contre les LGBTQIA+phobies”. En plus de représentants institutionnels, des militants d’associations sont venus expliquer aux étudiants comment « aborder la transidentité en classe ». Derrière cette première propagande s’en cache une seconde qui englobe le tout : les « normes sociales » et « l’hégémonie hétérosexuelle » auraient formaté les enfants – il convient donc maintenant de déconstruire les discours “hétéronormés” et de « désapprendre les clichés de genre » afin que ces enfants s’émancipent des normes en question. Interroger la « transition de genre » et comprendre ses conséquences néfastes vous range immédiatement dans la case phobique. Pour remédier à cela, un atelier de “bibliothérapie” invite à « faire un pas vers soi et vers l’autre » et met à la disposition des réfractaires des « livres jeunesse abordant l’homosexualité et la transidentité » – qu’après les avoir lus attentivement ils devront utiliser avec leurs élèves. Comme les futurs professeurs en cours de formation sont un peu neuneus, l’INSPE a fait appel à une… « facilitatrice graphique » chargée de gribouiller des dessins simplistes résumant l’essentiel de la présentation propagandiste sur le genre, l’hégémonie hétérosexuelle et les… « valeurs de la République ». Selon les intervenants, ces « valeurs » seraient mises en relief par une « sortie de la sexualisation » (?)… Enfin, les documents remis aux étudiants envoient vers le réseau Canopé de l’Éducation nationale où, dans la rubrique “Pour une éducation inclusive”, il est demandé aux enseignants de « ne pas mégenrer les élèves transgenres, y compris lorsque l’état civil n’a pas été modifié » (en clair, de les appeler par le prénom et avec le pronom qu’ils se sont choisis) et d’avoir une « approche moins binaire des personnes ». (1)

L’INSPE de Paris-Sorbonne profite d’une situation privilégiée. En effet, nous apprend l’article de E.H. dans L’Observatoire du décolonialisme, l’institut est proche d’une école primaire qui applique expérimentalement ses dernières trouvailles pour (dé)former les très jeunes élèves. Dans chaque classe, une affiche pour les élèves de CP et de CE1 promet de « casser les clichés » et figure un petit monde idéal où le garçon, libéré de sa masculinité toxique, saute à la corde, tandis qu’une fille, soucieuse de viriliser son image, a enfilé des gants de boxe. La parité Blancs/non-Blancs est scrupuleusement respectée. Des peintures des élèves couvrent les murs de la classe, et on aimerait bien savoir comment des enfants de six ans en sont arrivés à écrire tout seuls dans ces dessins saturés de couleurs arc-en-ciel : « Je m’appelle Félix et je porte des robes car je trouve ça joli et confortable » ou « Je m’appelle Martin j’aime joué а la poupée ». Les fautes d’orthographe garantissent l’authenticité de l’œuvre. Comme l’auteur de l’article, nous n’osons imaginer les terrifiantes « séquences pédagogiques » qui ont pu amener ces très jeunes enfants à se poser des questions sur leur genre et à les retranscrire dans ces délicieux tableaux – et qui relèveraient de la plus sinistre manipulation idéologique à destination des individus les plus influençables et les plus fragiles.

Des élèves invités à remplir des questionnaires à ne pas montrer aux parents

On s’étonnera à peine, après avoir lu de quelle façon sont formés les futurs professeurs, d’apprendre que la direction d’un collège Condorcet a invité “le Mag+”, association déjà connue pour ses événements « LGBT racisés en non-mixité », à venir disserter devant les élèves de 4ème et de 3ème sur « l’inclusion ». Ces élèves ont été sommés de venir écouter la bonne parole sans que les parents aient été tenus au courant de l’objet exact de cet événement. Sur deux semaines, ce sont 28 heures de cours qui ont été supprimées pour laisser la place à ces « débats ». Les élèves devaient remplir deux questionnaires qu’il leur était interdit de conserver. Et pour cause : le premier demandait à chaque élève de dire ce qu’il est : une fille, un garçon, un non-binaire, un autre genre ou “en questionnement” ; puis de cocher les termes dont il connaît la signification parmi une liste écrite en écriture inclusive contenant les mots lesbienne, transgenre, cisgenre, asexuel.le, hétérosexuel.le, etc. Le deuxième questionnaire, à remplir après le bourrage de crâne, demandait à l’élève s’il a bien compris « la différence entre sexe, identité de genre et orientation sexuelle » ; quels thèmes l’ont le plus intéressé (LGBTphobies, transidentité et non-binarité, religion (sic), etc.) ; quel impact cette intervention a eu sur lui (“J’aimerai m’investir pour l’une des causes”, “J’aimerai découvrir des associations” ou “Je vais l’oublier, ça ne m’intéresse pas”, etc.).

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On imagine les ravages de cette propagande à peine camouflée sur des élèves qui n’ont pas la maturité pour en déceler les enjeux. Le mimétisme adolescent aidant, les filles en particulier semblent atteintes par le mal transgenre. Plus actives sur les réseaux sociaux que leurs homologues masculins, influencées par les messages répétitifs et « anticonformistes », sensibles aux mots d’ordre des plus actifs militants trans (surtout s’il s’agit de « célébrités »), c’est souvent à plusieurs et en même temps qu’elles décident de changer de genre. Le processus du phénomène fait penser à celui des sectes : approche, séduction jusqu’à obtenir l’adhésion, puis sentiment d’appartenance à un groupe réservé aux « initiés », enfermement dans ce groupe, rupture avec la famille ou les amis qui critiquent ces changements, etc. Il est d’ores et déjà admis par des psys et des médecins que ce « phénomène transgenre » a eu et aura des conséquences dramatiques, psychiques voire physiques, sur des enfants qui, devenus adultes, voueront aux gémonies leurs aînés pour les avoir laissé faire n’importe quoi.

Si même Blanquer n’est pas parvenu à mettre le holà…

Le plus regrettable est que le ministère de l’Éducation nationale ait laissé cette idéologie s’installer dans la place et des associations lobbyistes prendre pied dans les formations des futurs professeurs. Les modules sur le genre ou la transidentité sous prétexte de lutte contre l’homophobie ou la transphobie s’y multiplient et diminuent d’autant le temps de formation nécessaire à l’apprentissage sur la transmission des savoirs. Les futurs professeurs ne sont pas seulement sensibilisés à la lutte contre l’homophobie, il leur est implicitement demandé de faire la promotion de la « fluidité de genre » et de remettre en question « l’hégémonie hétérosexuelle » et les « normes sociales » – en clair, de se soumettre à l’agenda de minorités voulant « déconstruire » tout ce qui constitue notre patrimoine anthropologique.

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Voilà un sujet sur lequel notre nouveau ministre de l’Éducation nationale devrait se pencher. En plus de l’interdiction de l’écriture inclusive, il serait souhaitable d’interdire aux associations idéologiques l’accès aux INSPE et à tous les établissements scolaires. Cela demandera du courage : de puissants lobbys et des syndicats de gauche toujours prêts à courber l’échine devant les mouvements rebellocrates – surtout si ceux-ci se targuent d’être « progressistes » – ne se laisseront pas bousculer facilement. Soit par pure idéologie, soit par paresse intellectuelle, chacun a d’excellentes raisons d’espérer que l’école ne remplisse pas sa mission première – transmettre des savoirs et permettre l’émergence d’individus intelligents et rationnels – et d’accepter qu’elle devienne une garderie dans laquelle sera distillée la propagande simpliste mais dévastatrice des thèses progressisto-wokistes. Il revient aux parents d’être attentifs à ce qui se passe dans l’école de leurs enfants sous couvert de « tolérance » et de « défense des minorités » – ils s’apercevront que le plus souvent il ne s’agit de rien d’autre que de propagandes « déconstructivistes » et, s’informant plus avant, ils mesureront les désastres prévisibles pour la société en général et pour leurs enfants en particulier, rendus fous par ces multiples manipulations. Il est grand temps que chacun s’en mêle et prenne ses responsabilités.


(1) Le Figaro a révélé le 4 avril 2022 que, lors d’un test d’anglais destiné à tous les élèves de 3ème, ceux-ci étaient invités à indiquer leur sexe : masculin, féminin ou… « autre » ! Heureusement, des parents attentifs soutenus par l’association “Juristes pour l’enfance” ont fait annuler l’option « autre » de ce formulaire et le ministère a reconnu une « erreur ». Mais était-ce réellement une « erreur », ou une nouvelle tentative d’accréditer les théories qui remettent en cause la binarité sexuelle à l’école ?

Je croyais qu’un chef c’était fait pour cheffer

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Le général Benoît Puga remet les insignes de grand maître de la légion d'honneur à Emmanuel Macron devant Brigitte Macron lors de la cérémonie d'investiture du président, à l'Élysée, le 7 mai 2022 © D JACOVIDES-pool/SIPA

Alors que la Ve République est régulièrement qualifiée de monarchie présidentielle, Philippe Bilger constate qu’Emmanuel Macron, loin de se comporter en monarque concentrant l’ensemble du pouvoir, est au contraire sujet à de nombreuses influences qui cherchent à interférer dans son processus de prise de décision


Comme on peut se tromper ! Une présidence verticale et solitaire, une parole rare, une autorité sans partage, des choix clairs et nets, des desseins cohérents et lisibles par tous… Emmanuel Macron, un temps, avait semblé mettre en évidence ces orientations fondamentales de sa gestion du pouvoir. Acceptons l’idée que parfois elles ressurgissent mais que, sans que le « en même temps » y soit pour quelque chose, elles sont fortement entamées par le fait que nous n’avons jamais connu un président aussi ostensiblement sous influences.

À tel point que ses prédécesseurs, sur les plans personnel, conjugal et politique, semblaient, eux, détachés autant que possible de sollicitations et d’interventions extérieures. Ce n’est pas qu’on ne cherchait pas à les convaincre mais ils paraissaient plus rétifs à se laisser dominer… On a connu, par exemple avec François Mitterrand, des séquences où le président français sollicitait des avis et des conseils, pour le maintien ou non de ses Premiers ministres, mais il demeurait le maître, n’était pas ballotté dans des fluctuations qui l’auraient rendu dépendant des autres.

Brigitte Macron, épouse et conseillère

Faut-il rappeler la manière dont la Première ministre Élisabeth Borne a été nommée in extremis après que Catherine Vautrin avait été écartée le matin même à la suite de tractations, d’oppositions et de luttes internes entre ses partisans et ses adversaires qui en définitive l’ont emporté ?

D’autres péripéties ministérielles manifestent encore plus clairement comment le président a varié sous des influences diverses à tel point que sa décision initiale, souvent fondée, était battue en brèche par un concert qui la lui faisait abandonner.

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Il m’a été confirmé (confirmation par le Canard enchaîné du 25 mai) qu’Emmanuel Macron, décidé à renvoyer Eric Dupond-Moretti, s’était vu vigoureusement contesté sur ce point par son épouse, ayant de surcroît l’appui d’Alexis Kohler. L’une et l’autre auraient souligné que le maintien d’Olivier Véran justifiait qu’on gardât aussi le garde des Sceaux dans le nouveau gouvernement. Par ailleurs Isabelle Boulay, compagne du ministre, est une amie de Brigitte Macron, ce qui n’aurait pas été sans effet !

Cet épisode a au moins le mérite de nous éclairer sur l’absurdité d’un renouvellement ministériel qui a été imposé au dernier moment au président. On peut d’ailleurs se demander, sans être discourtois, à quel titre Brigitte Macron avait la moindre légitimité pour s’immiscer dans un tel débat purement politique. Si je comprends bien, Eric Dupond-Moretti lui doit d’abord d’avoir été nommé puis en 2022 sauvé. Ce qui révèle que, bien au-delà des activités généreuses et caritatives, l’épouse du président a sur lui une influence capitale dans des domaines qui ne devraient pas être de son ressort. Tout cela ne serait pas grave si en définitive ce n’était pas le peuple qui payait les frais de ces manœuvres en vase clos ! Il est accablant de devoir constater que pour ce microcosme il vaut mieux sauver « la peau » d’un ministre incongru et fragilisé que de respecter la magistrature, un pilier de la démocratie. Cette démagogie qui coule sans retenue est écœurante !

Pap Ndiaye, aux antipodes de son prédécesseur

La nomination de Pap Ndiaye à l’Éducation nationale marque en effet « un tournant idéologique ». Il est étonnant que le président, contre toute évidence en le qualifiant « d’universaliste », soutienne que ce nouveau ministre serait dans la continuation de Jean-Michel Blanquer alors qu’il sera aux antipodes. Intellectuel et philosophe de qualité, Pap Ndiaye a évidemment le droit de penser ce qu’il pense, de louer le wokisme, de dénoncer un racisme « systémique », de cibler les violences policières, de nier l’influence de l’islamogauchisme dans l’Université et de paraître familier avec les thèses indigénistes et décolonialistes. Le problème, avec un tel terreau, est d’en avoir fait un ministre alors qu’à l’évidence l’état de la France et de l’enseignement, les fractures de l’école, les pesanteurs communautaires et immigrationnistes auraient imposé la poursuite d’une ligne à la « Blanquer » même si ce dernier n’était plus dans les bonnes grâces du président.

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Je ne peux pas croire qu’Emmanuel Macron, dont l’attention avait déjà été attirée sur Pap Ndiaye, n’avait tout de même pas perçu à quel point il pouvait sembler aberrant, erratique de sa part, après avoir validé une laïcité exigeante et sans démagogie tenue par Blanquer, d’opérer une radicale embardée en nommant une personnalité en totale contradiction avec ses propres valeurs affichées.

Davantage soucieux de communication que de politique

Ce n’est plus du « en même temps » mais l’expression, si j’ose dire, d’une exemplaire incohérence qui révèle que des choix fondamentaux ont été effectués par un président sous influences, acceptant une composition de gouvernement de bric et de broc et plus soucieux en définitive de surprendre que de permettre la réussite de notre pays sur des plans capitaux : Justice, Éducation…

Pour qu’un Jean-Pierre Chevènement ayant rallié la cause macroniste craigne cependant que la nomination de Pap Ndiaye ne « désoriente » le monde de l’éducation, il faut que le problème soit sérieux. Le paradoxe, avec toutes ces influences intimes, amicales et politiques, est qu’on n’est pas loin d’avoir la nostalgie d’une présidence respectueuse des citoyens et capable, avec une authentique boussole démocratique, de décider, dans son for intérieur et librement, des ministres mauvais à renvoyer, des compétents à maintenir, surtout de ce qui est bon ou non pour la France. Seul celui qui a été élu compte en République.

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Consultants: un métier d’avenir au long passé

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© Fabrice COFFRINI / AFP

L’affaire McKinsey, du nom du cabinet de conseil de stratégie et de gestion américain, a attiré l’attention du grand public sur une activité méconnue en France. Pourtant, elle a accompagné l’évolution du capitalisme.


Que font les conseils en gestion et stratégie ? Pour dire les choses simplement, leur mission est d’améliorer les performances des entreprises et des organismes publics. Ils identifient les points forts et les points faibles du client dans différents domaines (stratégie commerciale, finances, RH, numérique) et recommandent des actions à mener pour résoudre ses problèmes et encourager sa croissance. Dans le cas des organismes publics, ils identifient les éléments qui pourraient améliorer l’efficacité du service et la satisfaction des usagers.

Leur méthode – audit-analyse-plan d’action – se structure dès les premières décennies du XXe siècle. Les pionniers en la matière sont les ingénieurs américains Frederick Taylor et Henry Gantt. Le premier, le plus célèbre, propose d’abandonner l’organisation traditionnelle du travail, qui repose sur le savoir-faire d’ouvriers qualifiés et autonomes, pour un système fondé sur une division du travail organisée par postes. Henry Gantt travaille avec Taylor à l’application de ce procédé dans l’industrie lourde. On lui doit le « diagramme de Gantt » qui permet de visualiser le temps nécessaire à chaque tâche. Adopté par les chantiers navals américains durant la Seconde Guerre mondiale, cet outil permet de réduire considérablement les temps de fabrication : la construction d’un « Liberty Ship », un cargo standardisé fabriqué entre 1941 et 1945 en 2 700 exemplaires, passe ainsi de deux cent cinquante à cinq jours.

Une telle optimisation des processus contribuant à l’amélioration de la qualité et de la rentabilité de la production industrielle a suscité un intérêt certain parmi les ingénieurs. Pourtant, le monde contemporain du conseil est largement issu du secteur de la finance.

A lire aussi : Emmanuel Macron, le plus “conseillé” de nos présidents!

Aux États-Unis, avant la crise des années 1930, les banques proposaient à leurs clients des services d’audit global de leur entreprise. C’est une compétence essentielle pour décider d’accorder un crédit, de financer un rachat, de liquider une entreprise endettée ou bien de la remettre en état. Dans les chemins de fer, l’acier ou les mines, des opérations de ce genre, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, ont créé un écosystème composé de plusieurs métiers autour des grandes banques qui pilotaient ces opérations industrielles et financières.

En 1933, la loi Glass-Steagall instaure une séparation entre deux métiers bancaires : le dépôt et l’investissement. Ça change la donne. Presque du jour au lendemain, de nombreuses banques sont obligées de faire appel à des prestataires extérieurs pour mener ce genre d’audits. Fondé en 1926, McKinsey & Company est l’exemple emblématique du secteur. À partir des années 1990, les cabinets de conseil se tournent vers le secteur public pour proposer des stratégies de réforme, notamment dans l’armée et les services de santé. Bingo.

Aujourd’hui, McKinsey emploie 33 000 personnes dans le monde et son chiffre d’affaires dépasse les 10 milliards de dollars.

Macron: «l’intérêt est son but, l’intrigue son moyen»

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La nouvelle porte parole du gouvernement Olivia Grégoire avec Gabriel Attal, lors de la passation de pouvoir, à Paris, le 20 mai 2022 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Beaumarchais avait tout dit sur le prince qui nous gouverne.


Alors que j’achève la relecture de la Trilogie de Figaro écrite par Beaumarchais : Le Barbier de Séville, ou la Précaution inutile (1775), La Folle journée, ou le Mariage de Figaro (1778) et L’Autre Tartuffe, ou La Mère coupable (1792), Olivia Grégoire, qui succède à Gabriel Attal au poste de porte-parole du gouvernement, rend compte du premier Conseil des ministres du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron.

J’ai religieusement écouté l’intervention de la dame, une autre Voix de son maître. J’ai alors pu réaliser, une fois de plus, que c’est la littérature qui nous donne les clés de l’actualité et de l’éternelle comédie humaine.

Le « Roman de la famille Almaviva », comme aime à le nommer Beaumarchais, m’a aussitôt permis de porter un regard rétrospectif sur les bientôt six années qui se sont écoulées depuis la première campagne électorale d’Emmanuel Macron, jusqu’à la nomination du gouvernement de son second quinquennat dont Olivia Grégoire est la digne représentante.

Avant d’en revenir à Beaumarchais, évoquons la teneur du mince compte-rendu de la dame. En guise de préambule, celle-ci nous a d’abord assuré que, sans mentir, et en s’attachant à débusquer la fake-news, quelle que soit l’apparence retorse qu’elle oserait prendre, elle rendrait fidèlement compte des agissements du gouvernement. Pour ce qu’elle nous a dit dudit gouvernement, nous sommes rassurés : celui-ci est nouveau, à l’image des Français et à pied d’œuvre, une méthode nouvelle « all inclusive » lui permettra d’amender les destinées de tous les damnés de la terre. Pour nous mettre totalement en confiance et avant de répondre avec un entrain dissimulé aux questions, embarrassantes, il faut bien en convenir, qui lui furent posées sur Damien Abad, Olivia Grégoire répéta, peut-être tâchait-elle de s’en convaincre : « Nous ne devons pas mentir. »

Serait-ce donc déjà arrivé ?

La littérature du XVIIIe, chroniqueuse de la France contemporaine

Il convient maintenant de passer au « Roman de la famille Almaviva ». Commençons par évoquer l’atmosphère qui prévaut dans les deux premières pièces de la trilogie, pour la rapporter à celle de notre France depuis la marche au pouvoir et l’avènement d’Emmanuel Macron. Nous avons d’abord deux comédies, enlevées et tout en verve, écrites par le dramaturge avant la Révolution, dans la pleine effervescence des Lumières. Figaro, le plus fripon des valets, triomphe de tout avec un insolent bagout. Il livre un combat sans merci contre l’injustice non sans paradoxalement veiller sur la maison de son maître, le comte Almaviva.

A lire aussi : Emmanuel Macron: «Je suis les autres»

La légèreté qui domine les deux comédies était encore celle du peuple de France, il n’y a pas si longtemps. Bien sûr, il n’est pas question d’oublier à quel point les Français furent meurtris par les attentats qui ruinèrent leur insouciance leur rappelant l’éternelle irruption du tragique dans les vies. Toutefois, à cette époque, comme avant 1789, on espérait encore des jours meilleurs. On attendait, pour présider aux destinées de la France, quelqu’un de neuf qui nous ferait oublier François Hollande : « l’Ennemi de la finance », ses pitoyables virées matinales en scooter, le croissant entre les dents. On attendait le rayon de soleil qui suivrait toutes les trombes d’eau qu’un ciel moqueur déversait impitoyablement sur un président de la République tristement « normal », dès qu’il s’avisait de donner de la voix en plein air.

Emmanuel Macron ou les illusions perdues

C’est alors que celui que nous autres naïfs, las de subir la vindicte des nuages, prîmes pour l’astucieux Figaro du Barbier de Séville entra en scène. Emmanuel Macron, c’était évident allait effacer jusqu’au souvenir de notre barbon (François Hollande) qui ridiculisait la France. J’entends encore notre jeune audacieux dont les propos en meeting sonnaient comme ceux du rusé valet (Acte I, scène 6) de notre comédie : « Moi, j’entre ici, où, par la force de mon Art, je vais d’un seul coup de baguette endormir la vigilance, et éveiller l’amour, égarer la jalousie, fourvoyer l’intrigue et renverser tous les obstacles. » Parce que c’est notre projeeeet.

Puis il y eut Benalla, « les gens qui n’étaient rien » et « les injonctions à traverser la rue pour trouver du boulot ». Le roitelet qui nous avait promis des lendemains qui chantent se contenta de nous rejouer  » Le Mépris ». Bientôt les gueux occupèrent les ronds-points et les centres des villes tous les week-ends, protestant d’abord contre la réduction à 80 km/ h. Puis, toujours plus ingrats, et vils quant à leurs préoccupations, ils réclamèrent au prince, qui leur promettait pourtant une orgie de brioche, les moyens de pouvoir faire leur plein de carburant. La suite, on la connaît : le monarque et son équipe de vainqueurs gérèrent la crise sanitaire sur fond de demi-vérité, voire de mensonges éhontés qu’ils préférèrent à tout aveu d’incertitude que les Français auraient pourtant accepté et compris, tant la situation était inédite. Poutine attaqua enfin l’Ukraine et un désenchantement anxieux, mais également poisseux et morne s’abattit sur la France.

L’atmosphère qui règne dans notre pays est désormais semblable à celle qui baigne La Mère coupable, drame moral, dernier volet de notre trilogie. La Révolution attendue n’a pas tenu ses promesses, l’heure est au désenchantement.

Les fourberies de Macron

Bien sûr, le peuple français a donné, faute de mieux une ultime chance au valet de Beaumarchais qu’il s’est pris à espérer mûri par les épreuves. C’est le Figaro du Mariage, à savoir de la deuxième comédie, que les Français ont voulu reconduire. On était pourtant sans illusion quant à sa conception de la politique. Elle nous avait été révélée, sans concessions, justement dans ledit Mariage (Acte III, scène 5) : « (…) feindre d’ignorer ce qu’on sait, de savoir tout ce qu’on ignore ; d’entendre ce qu’on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu’on entend ; (…) paraître profond quand on n’est , comme on dit que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage, répandre des espions et pensionner des traîtres (…),  tâcher d’ennoblir la pauvreté des moyens par l’importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure ! »

A lire aussi : Emmanuel Macron, le roi de la frime…

Mais, alors que nous nous trouvons dans le dernier volet de notre trilogie, celui qu’on se prenait à espérer envers et contre tout comme un Figaro, vient de se révéler, reconduit sur le trône, un Bégearss, le traître de La Mère coupable, qualifié par Beaumarchais « d’Autre Tartuffe ».

Tartuffe réélu, avions-nous imaginé avec Molière. Avec Beaumarchais, nous y sommes aussi. Emmanuel Macron, en effet, est à la tête de la France qu’il manœuvre tout comme le fait Bégearss dupant la famille Almaviva.

Notre Tartuffe présidentiel, doté d’une colonne vertébrale d’une souplesse peu commune, semble servir un seul intérêt : son ambition personnelle démesurée. On en veut pour seule preuve la composition du nouveau gouvernement, pour le moins très composite et présentant toutes les couleurs politiques, comme pour mieux n’en afficher aucune. Ce qui aura pour résultat de neutraliser plus sûrement toute entreprise constructive.

Tartuffe-Bégearss a réussi à mettre solidement en place en France une nouvelle politique qui n’est plus de la politique, mais un équilibre de forces qui concoure à instaurer l’immobilisme. Voici cette politique telle qu’il l’expose avec un cynisme sans pareil dans L’Autre tartuffe ou La Mère coupable (Acte IV, scène V) :  La politique : « Ah ! c’est l’art de créer des faits, de dominer, en se jouant, les événements et les hommes ; l’intérêt est son but, l’intrigue est son moyen (…), le scrupule seul peut lui nuire (…) »

Qu’on se rassure, Bégearss, à la fin de La Mère coupable, est démasqué et chassé de la famille Almaviva.

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Génération trans: sauvez les enfants!

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Columbus, Ohia, juin 2021 © SOPA Images/SIPA

Elisabeth Lévy présente notre dossier du mois de mai.


Au départ, cela semblait être une de ces lubies portées par des groupuscules bruyants mais ultra-minoritaires qui entendaient étendre les limites de la libération sexuelle. Quand l’acronyme LGBT (Lesbiennes, Gays, Bi et Trans) s’est imposé dans le langage public, on n’a pas compris qu’en s’arrimant à la lutte homosexuelle, c’est-à-dire en mettant sur le même plan ce qu’on fait (l’orientation sexuelle) et ce qu’on est (ce qu’on appelle désormais l’identité de genre), la cause trans allait devenir une des composantes de la panoplie du progressisme. Aujourd’hui, la transidentité est une mode qui fait fureur dans les collèges et lycées, un des vecteurs de la rébellion adolescente. Et ce que veulent les promoteurs de cette révolution anthropologique, c’est qu’elle devienne une norme parmi d’autres.

A lire aussi, Chantal Delsol: Les enfants d’abord!

Qu’on ne se méprenne pas. Tout d’abord, on peut effectivement considérer comme un progrès le fait que chacun puisse jouer avec les rôles sexués ancrés dans les comportements sociaux, autrement dit, que l’on puisse être une femme masculine (un garçon manqué, disait-on autrefois) ou un homme efféminé. Une femme peut être général et un homme strip-teaser, et c’est très bien.

D’autre part, aussi mystérieux que cela soit pour la grande majorité des humains, qui considèrent leur sexe de naissance comme un élément stable et structurant de leur identité, il existe, sans doute depuis toujours, des individus qui paraissent avoir subi une sorte d’erreur d’aiguillage et qui sont, depuis leur plus tendre enfance, attirés par les attributs de l’autre sexe. Tant mieux si la médecine leur permet de mettre en accord leur corps et leur psychisme – s’ils sont prêts à endurer les souffrances afférentes, c’est sans doute qu’il y a là quelque chose de vital. Que la société se montre plus tolérante avec leur singularité, fort bien.

A lire aussi: L’Education nationale aux couleurs arc-en-ciel

Seulement, nous n’en sommes plus là. Financé par des milliardaires, soutenu par les institutions,  encensé par de nombreux médias, le lobby trans s’emploie désormais à convaincre les adolescents – et particulièrement les adolescentes – que la fluidité du genre est l’état naturel de l’humanité. « Chacun est ce qu’il veut être », proclamait il y a peu Élisabeth Moreno, ministre du gouvernement Castex. Et s’il se trouve quelques psychanalystes et intellectuels courageux pour sonner l’alarme, l’école accompagne le mouvement et les parents sont de plus en plus désarmés face au rouleau compresseur de ce nouvel avatar du politiquement correct. Peut-être est-il trop tard pour s’y opposer. Dénoncer cette folie qui promet d’engendrer bien plus de souffrances qu’elle n’en apaisera n’en est pas moins un impératif moral.


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Ne plus en croire ses yeux

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La télévision en direct, la multiplication des images et des écrans et la victoire du spectacle sur la vérité, nous mènent à une inquiétante société de la post-vérité, où le pouvoir est détenu par ceux habilités à contrôler les images, la puissance médiatique.


Même si, dès l’origine, personne n’a jamais vraiment cru à l’objectivité absolue de la photographie, sa nature de procédé technique, mécanique, a longtemps donné l’illusion qu’elle se rapprochait d’une représentation fidèle de la réalité. Si l’on en croit l’effroi rapporté des spectateurs de L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat , il en a été de même pour le cinéma, même si ce dernier a gagné ses galons artistiques avant sa devancière fixe. La diffusion croissante de ces deux médias a d’ailleurs radicalement changé le rapport à l’histoire, l’image acquérant valeur de preuve, une preuve sensible et non plus seulement rationnelle : un seul cliché de prisonniers de camps de concentration ou de victimes de bombes au napalm sera plus parlant pour le commun des mortels que d’épais livres d’histoire.

Extension du domaine de la société du spectacle

Le problème, c’est que, d’une part, une photographie n’est ni objective ni forcément authentique, et, d’autre part, que les sens nous trompent. Ou, pour le dire autrement, que nous sommes tous susceptibles de nous faire abuser par les images, qu’elles soient ou non manipulées, qu’elles se veuillent documentaires ou de propagande. Rien que de très banal dans tout ce qui précède, à ceci près que depuis quelques années, de profonds changements de société sont à l’œuvre, dont la crise sanitaire liée au SARS-COV-2 et la guerre en Ukraine ne sont que les derniers avatars accélérateurs. Un monde nouveau émerge à bas bruit, dans lequel tous les aspects de la vie humaine telle que nous la connaissions sont remis en cause sans véritable débat démocratique. Et si tout cela peut advenir, c’est parce que la notion même de vérité a elle aussi changé, et avec elle, pour ce qui concerne le monde occidental, la pluralité et la liberté d’expression qui en était l’indissociable corollaire.

À lire ensuite, Gil Mihaely: L’enfant au fond du puits

Il convient à ce stade de préciser que l’auteur de ces lignes avait 14 ans au moment de la chute du Mur de Berlin et du début de l’effondrement du bloc soviétique. En 1989, pour la première fois l’histoire se déroulait en direct sur les écrans de télévision, sans médiation ou presque, sans recul. L’actualité n’était plus un événement qu’on rapportait mais un spectacle qu’on vivait en direct. De manière symptomatique, c’est la 5, une chaîne appartenant au roi du divertissement et de la téléréalité en Italie, Silvio Berlusconi, qui a inauguré les directs sans interruption que les chaînes d’information en continu ont depuis rendus banals. Nous avons ainsi vécu minute par minute le démantèlement du mur qui coupait la capitale allemande en deux depuis 1961, mais surtout la découverte des charniers de Timişoara puis l’exécution par balles des époux Ceauşescu. Toutes les personnes qui ont assisté à ces événements se souviennent des images ; il est fort à parier que beaucoup croient toujours qu’il y avait des charniers à Timişoara alors qu’il s’agissait d’une grossière manipulation, d’une action de désinformation destinée à accélérer la chute du régime communiste roumain tout en gagnant les faveurs du public occidental.

Depuis lors, la société du spectacle diagnostiquée par Guy Debord n’a cessé de s’étendre en surface et en profondeur, chantée en 1991 par le Québécois Jean Leloup dans sa célèbre chanson 1990 qui fait écho à la première Guerre du Golfe retransmise en direct par CNN :

[…] il y a des missiles patriotes
dirigés par ordinateurs
sony fuji et macintosh
se culbutent dans les airs le rush
la guerre technologique fait rage
c’est un super méga carnage
attention voilà les avions
qui tirent
c’est l’heure de l’émission
en 1990
c’est l’heure de la médiatisation
en 1990
c’est l’ère de la conscientisation[…]

On passe sur les guerres de Yougoslavie, du Kosovo, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie, en Crimée, sans compter le 11 Septembre et les différentes Intifadas, les attentats terroristes partout dans le monde, les persécutions des Ouïghours et des Rohingyas, etc. : leur photogénie et leur proximité avec les intérêts occidentaux ont dicté leur couverture médiatique et leur durée de traitement dans les actualités. On sait que l’OTAN a agi sans mandat au Kosovo, on sait que Saddam Hussein n’a jamais possédé d’armes de destruction massive, on sait que les Talibans avaient été armés par la CIA dans les années 1980, mais ce savoir ne vaut rien, ne pèse rien face au spectacle des armes et de la morale occidentale érigée en modèle universel.

L’ère du metaverse et des deep fakes

Après tout cela, on devrait être vacciné contre les impulsions des va-t-en-guerre et la propagande dégoulinant de moraline utilisée pour déclencher des conflits, on devrait avoir le regard éduqué et ne plus croire toutes les images qui nous sont proposées, on devrait avoir l’émotion un peu moins prompte sans pour autant devenir cynique, et pourtant il n’en est rien, car la société du spectacle est devenue totale, anéantissant toute qualité s’écartant du divertissement, tout pas de côté divergeant du mouvement général. Une nouvelle ère a commencé dans la plus grande discrétion, il y a quelques années, une ère de post-vérité, de post-information, de post-liberté, où tout est susceptible d’être fake, mais où seuls ceux qui possèdent la puissance médiatique décident de ce qui l’est ou pas pour le grand nombre. Une ère où il n’est plus possible de faire confiance à qui que ce soit, et où pourtant il faut bien se fier à quelqu’un ou à quelque chose tant le doute absolu est inhumain, invivable.

À lire aussi, du même auteur: Un sentiment de grand remplacement

La victoire du spectacle sur la vérité, du virtuel sur le réel, est tellement écrasante que la nouvelle étape qui nous est proposée est de se jeter à corps perdu dans le metaverse. Nouvelle étape de la déréalisation du monde qui nous rapproche doucement mais sûrement de la Matrix inspirée par les travaux de Baudrillard, nouvelle étape dans la dégradation de l’authenticité des images : à l’heure où les deep fakes se multiplient pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes et nous faire croire au bombardement de Paris dans le but d’apporter notre soutien à Volodymyr Zelenzki (voir plus bas), on en vient à se demander si, pour ne pas perdre tout à fait pied et tomber dans un monde parallèle, il ne nous reste plus qu’à devenir iconoclaste et à détruire toutes les images, fixes et animées, pour ne plus en croire nos yeux…

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Macron, le mauvais joueur

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Le président Macron et le Premier ministre Elisabeth Borne, Palais de l'Elysée, 23 mai 2022 © Jacques Witt / Sipa Press/SIPA

Un mois pour faire un gouvernement, des polémiques de surface, tout ça pour faire oublier des législatives plus difficiles que prévu.


Amuser le tapis, au poker, indique que l’on joue petit jeu en attendant une partie sérieuse. C’est exactement ce que fait Macron depuis sa réélection. Il a mis un mois à composer un gouvernement et une fois ce gouvernement composé, il a trouvé le moyen de faire naître au moins deux polémiques, histoire de distraire les citoyens des élections législatives qui ne vont pas être aussi évidentes que ça face à une droite nationale toujours à un niveau élevé et, surtout, une gauche unie qui va présenter un seul candidat dans l’immense majorité des circonscriptions.

L’épouvantail NDiaye

Première polémique, celle-là est prévue et voulue : la nomination de Pap Ndiaye à l’éducation nationale. Blanquer, soigneusement absent de la campagne électorale pour ne pas perdre ce qu’il reste de profs votant pour Macron, a été remercié et prié de tenter de se faire élire député à Montargis, ce qui n’est pas gagné d’avance. Pour le remplacer, un universitaire brillant mais qui suscite, comme prévu, une levée de boucliers du côté de la droite. Le nouveau ministre serait un affreux représentant de la mouvance woke et a osé parler, naguère, de « violences policières ». Cela a suffi à faire, de manière très pavlovienne, chanter le chœur des vierges effarouchées qui confondent, comme Blanquer, la laïcité vue surtout comme un moyen de combat pour réduire les revendications des minorités et qui estime que l’urgence est de vaincre l’hydre « islamogauchiste », comme ils disent. 

Rassurons-les, il faut que tout change pour que rien ne change. On vient d’apprendre que le chef de cabinet désigné par l’Élysée pour seconder le nouveau ministre est Jean-Marc Huard, ancien directeur général de l’enseignement scolaire, Degesco pour les intimes, c’est-à-dire vice-ministre. Huard est une des âmes damnées de Blanquer, qui a été brièvement connue du grand public, lors de la tentative pour créer sur les fonds publics, un syndicat lycéen maison, en fait une coquille vide, favorable à la catastrophique réforme du baccalauréat. 

A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Et si Pap Ndiaye n’était pas ce monstre que nous décrit la droite?

Autant dire que la marge de manœuvre du Pap Ndiaye est déjà extrêmement réduite. Et pendant ce temps-là, la grande misère de l’éducation nationale continue puisqu’on apprend par exemple, qu’à Annonay, des élèves préparent le bac de Français sans professeur de français… 

Crapoteux

La seconde polémique, beaucoup plus crapoteuse et imprévue, c’est celle qui touche la prise de guerre Damien Abad, ancien président du groupe LR à l’Assemblée, qui, à peine nommé, se voit accusé par deux femmes de violences sexuelles et obligé d’indiquer que son handicap ne lui permet pas, sans assistance, d’avoir un rapport sexuel. On en est là. Pendant ce temps-là, évidemment, le pouvoir d’achat reste en berne, des pénuries sporadiques surviennent, un jour l’huile, un autre la farine, encore un autre la moutarde ou les bouteilles de verre. 

Le nouveau gouvernement, lui, fait semblant d’agir. Bruno Le Maire, resté à l’Économie comme son collègue Darmanin à l’Intérieur – on ne change pas les rouages essentiels de la machine – annonce qu’il « demande » aux entreprises d’augmenter les salaires pour limiter la casse. C’est bien connu, en France, le patronat est composé de philanthropes à qui on n’a pas besoin d’imposer, en général dans la rue, un rapport de force, pour obtenir des améliorations de la condition salariale… Et puis, on évite aussi de parler de la retraite à 65 ans trop frontalement, ce chiffon rouge, au moins jusqu’à ce que la nouvelle Assemblée nationale soit élue.

Il nous reste juste à espérer que la Nupes, dans un mois, renvoie tout ce monde-là à ses chères études, et qu’on commence enfin à passer aux choses sérieuses en faisant du gouvernement Borne le plus court de l’histoire de la Vᵉ république.

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La Duchère: une nouvelle affaire Halimi?

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D.R.

Une semaine après le meurtre de René Hadjadj, poussé du 17e étage d’un immeuble du quartier de La Duchère à Lyon, on s’interroge encore sur les motivations d’un tel geste.


Ça s’est passé le mardi 17 mai dans le quartier passablement islamisé de la Duchère à Lyon. Bien qu’on sache peu de choses, on se demande si c’est une nouvelle affaire Sarah Halimi ou Mireille Knoll, deux vieilles dame tuées parce qu’elles étaient juives.
Comme elles, René Hadjadj était juif (portant la kipa), comme elles, il était de condition modeste, comme elle il était vieux (90 ans). Et comme Sarah Halimi, il a été défénestré. Du 17ème étage (lui habitait au deuxième). Le suspect arrêté est aussi un voisin qui fréquentait la victime, connu pour des faits de violence et probablement déséquilibré (ne faut-il pas l’être pour commettre un tel acte ?)
Après son crime, il a appelé la police pour se plaindre de voisins bruyants.

Alors, est-ce un crime antisémite?

Rien ne permet de l’affirmer. D’après Noémie Halioua, correspondante de la chaîne israélienne I24NEWS qui a enquêté sur place, le suspect avait menacé d’égorger une dame et ses enfants (ceux qui faisaient du bruit) qui n’étaient pas du tout juifs. Selon elle, il fréquentait des sites islamistes attaquant les musulmans trop modérés à son goût.
N’empêche, il est troublant qu’il n’ait fallu que 48 heures à la Justice pour écarter le mobile antisémite et ce, alors que, selon Noémie Halioua, les voisins qu’elle-même a vus n’ont même pas été interrogés par la police. Ce qui interroge encore plus, c’est le silence radio général.

A lire ensuite, Cyril Bennasar: La Guillotière, La Duchère: où sont les hommes?

Les représentants de la communauté juive ne veulent surtout pas faire de vagues. Les proches de la victime non plus. Cela mettrait en danger la dizaine de juifs qui restent à la Duchère, les plus pauvres et les plus vieux. Les autres sont partis.
Il y a surtout le silence des médias. Quelques articles, dans Le Progrès, Le Figaro, Atlantico, et un reportage sur I24NEWS donc.

La nouvelle loi du silence

Ce qui explique ce silence, ce n’est pas que la victime soit juive mais que le meurtrier présumé soit musulman ou islamiste – on ne sait pas très bien. Si ça avait été un bon franchouillard qui avait tué un juif ou un musulman, on tambourinerait sur France Inter, les Insoumis défileraient dans la rue au choix contre l’islamophobie ou l’antisémitisme et nous expliqueraient que tout ça, c’est la faute à Zemmour.
Répétons-le, il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’un acte antisémite.
En revanche c’est bien l’antisémitisme, plus que répandu dans les quartiers, qui explique que les Juifs aient peur. Seulement, le dire, ce serait stigmatiser. Alors, on se tait.

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Et si Pap Ndiaye n’était pas ce monstre que nous décrit la droite?

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Sidéré par la violence des attaques lancées contre le nouveau ministre de l’Enseignement avant même qu’il ait ouvert la bouche, notre chroniqueur suggère à tous d’attendre ses premiers pas — et que soient passées les législatives, dont Pap Ndiaye se retrouve de facto l’otage…


Je n’ai aucun a priori, favorable ou non, sur le nouveau ministre de l’Éducation. Et je trouve étrange que chez nombre de commentateurs, la première chose que l’on ait remarquée, c’est qu’il est noir — en fait, métis. Ça me rappelle l’époque où les grands aristocrates ne remarquaient, chez Mazarin, que ses origines italiennes. Et ils se sont fait rouler dans la farine par un Rital supérieurement intelligent — qui en a profité, au passage, pour gagner la Guerre de Trente ans.

Résumons. Voici un garçon né en France — et dans une France très profonde —, coupé de la tradition paternelle très tôt, élevé par une mère enseignante avec sa sœur qui est une romancière de qualité (mais si, Trois femmes puissantes est un bon roman, et les jurés du prix Goncourt 2009 ne furent pas du tout influencés par le souci du woke). Leur génitrice a donc réussi ses deux enfants, ce qui n’est pas forcément le cas de toutes les mères célibataires…

La question raciale en Amérique

Pap Ndiaye est, comme disait l’Express en 2008, un pur produit de l’élitisme républicain — comme moi : après tout, nous avons l’un et l’autre fréquenté les « classes prépas », réussi la même École Normale Supérieure (celle de Saint-Cloud), et je peux vous dire qu’on n’en distribue pas l’entrée dans des pochettes surprise. Et là non plus la couleur de la peau n’est en rien un critère qui vous vaudrait des indulgences. Il a par la suite passé l’agrégation d’Histoire, que l’on n’obtient pas en faisant valoir ses origines, et il y a parmi les lecteurs de Causeur bien des gens qui se mêlent, ces temps-ci, de donner des leçons d’Histoire, qui ne le valent pas.

C’est aux États-Unis qu’il a pris conscience qu’il y avait — là-bas — un problème noir. L’occasion de réaliser — je dis ça pour ceux qui semblent croire que c’est une grande nation démocratique — que les États-Unis sont un pays profondément raciste, et dans les deux sens, le racisme anti-Noirs générant un racisme anti-Blanc. Voir la « Nation of Islam » de Elijah Muhammad et Louis Farrakhan.

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À noter qu’aux yeux des extrémistes, il n’a pas la bonne nuance de noir, comme Obama, à qui on a reproché de ne pas être un descendant d’esclave, donc pas un pur « african-american ».

Il a profité de son séjour outre-Atlantique pour s’intéresser, en historien, au fait américain. À qui douterait de ses capacités d’historien je conseille la lecture de son article intitulé « Du nylon et des bombes. Du Pont de Nemours, l’État américain et le nucléaire, 1930-1960 », paru dans l’excellente revue des Annales en 1995. Ou son excellent petit livre, en 2009, sur les Noirs américains dans la collection Découvertes (Gallimard), pour laquelle j’ai longuement travaillé moi-même.

Dénoncez plutôt les petits calculs de Macron

Qu’il ait par la suite flirté avec telle ou telle organisation (le CRAN, par exemple) dont l’intelligence n’est pas la qualité fondamentale ne doit pas nous impressionner. L’une des caractéristiques du Net est de présenter comme éternellement d’actualité des déclarations ou des positions qui remontent aux Croisades. Après tout, l’auteur de ces lignes a un passé maoïste, et il a cassé du facho et du flic dans des manifs très dures — par exemple en juin 1973… Il y a cinquante ans, excusez du peu. Depuis, comme me le serinent sans cesse mes détracteurs, je suis passé du côté du fascisme, puisque j’écris dans Causeur… Et à en croire quelques autres, je suis payé par Poutine pour ramener Zelensky à ce qu’il est — un bateleur.

Pap Ndiaye est un calcul de celui que vous avez réélu président, chers concitoyens, et qui s’est dit qu’un intellectuel présumé de gauche ferait bien dans le tableau juste avant les législatives. On le gardera ou non après, peu importe.

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Qu’est-ce qu’ils sont malins, à l’Élysée…

Le nouveau ministre vient de choisir pour directeur de cabinet Jean-Marc Huart, précédemment patron de la DGESCO, bras armé du ministère, puis recteur de Nancy-Metz. Je le connais un peu, c’est un spécialiste de la chose éducative, qu’il maîtrise à fond. Pas un islamo-gauchiste. Et il y a toutes les chances que l’ensemble du cabinet soit de la même veine. On ne change pas du tout au tout en un claquement de doigts, rue de Grenelle. On ne change même pas du tout.

Le dir-cab et son ministre ont tous deux enseigné — un pré-requis quand même à de tels postes. Ils en connaissent plus long sur la chose éducative que bien des commentateurs qui se plaisent à les épingler ces jours-ci — étant entendu qu’un journaliste sait tout sur tout, c’est-à-dire sur rien.

J’ai eu des élèves de toutes les couleurs, au cours de ma carrière. Je les ai aidés à réussir quand ils le pouvaient — étant entendu que le métier de prof suppose que l’on pousse chacun au plus haut de ses capacités. Je n’ai jamais pris en considération la couleur de la peau de tel ou tel. Croyez-moi, la proportion de crétins et de petits génies est la même dans tous les groupes ethniques. Et je n’ai pas de préjugé concernant le ministre. Il fera ou ne fera pas le boulot — et c’est sur ce seul critère qu’il sera permis de le juger.

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Politique énergétique: notre prochaine bataille

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Charles Beigbeder

Une tribune libre de Charles Beigbeder, entrepreneur et président de la Fondation du Pont-Neuf.


Plus personne n’ignore que le conflit en Ukraine a très fortement accéléré la hausse brutale des prix du pétrole, du gaz et de l’électricité dont nos économies avaient déjà subi l’impact à la fin de l’année dernière. Les tentatives maladroites de l’Union européenne pour sanctionner la Russie sans pénaliser de manière excessive l’économie allemande ont du moins eu le mérite d’imposer aux médias un sujet habituellement réservé aux seuls experts : celui de l’approvisionnement de la France en énergie. Nos décideurs se trouvent désormais contraints de prendre clairement position sur les moyens de limiter l’impact de la crise actuelle sur le budget des ménages. Reste à savoir si cette tardive prise de conscience débouchera sur des choix politiques conformes aux intérêts de la France.

Le président Emmanuel Macron présente le plan d’investissement France 2030 depuis l’Élysée, 12 octobre 2021 © Ludovic Marin/AP/SIPA

Il est heureux que les pouvoirs publics n’aient pas cherché à minimiser la gravité de la situation : Bruno Le Maire n’est-il pas allé jusqu’à la comparer au choc pétrolier de 1973 ? Malgré tout, l’inquiétude monte dans l’opinion. Nos dirigeants ont donc déployé des trésors d’imagination et des ressources budgétaires apparemment sans limites dans l’espoir d’apaiser la colère des électeurs. La Commission européenne a proposé pour sa part de regrouper les achats d’hydrocarbures des pays de l’Union. Ce projet a été accueilli avec scepticisme : l’expérience des achats de vaccins a démontré ce que vaut la solidarité européenne. L’efficacité d’un tel mécanisme paraît d’autant plus douteuse que nos autres fournisseurs de gaz (Norvège, Algérie) n’ont pas la capacité de compenser les 140 milliards de mètre cubes de gaz russe importés chaque année (40% de la consommation européenne). Quant au GNL importé des Etats-Unis ou du Qatar, il faudra des mois voire des années pour construire les terminaux méthaniers indispensables pour le regazéifier.

La confusion croit de jour en jour

Toujours prompt à la dépense, le gouvernement français a opté pour des solutions plus radicales. Depuis le début avril, les consommateurs et les entreprises bénéficient d’une remise de 18 centimes par litre de carburant qui nécessitera, d’ici au 31 juillet, un financement de 3 milliards d’euros, en partie couvert par le surplus des revenus fiscaux. Cette remise s’ajoute aux autres dispositifs déjà en place, dont le coût total devrait s’élever à 26 milliards. Il faut toutefois reconnaître que la France n’est pas le seul pays à mobiliser des ressources budgétaires pour protéger les consommateurs : la Grande-Bretagne a également prévu de dépenser l’équivalent de 11 milliards d’euros pour limiter la hausse des factures d’électricité attendue cette année.

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Malgré ce volontarisme politique, la confusion croît de jour en jour. C’est que l’embargo plus ou moins strict imposé aux importations de gaz russe n’est qu’un facteur, parmi d’autres, de la crise actuelle. Dans son rapport du 4 avril, le Conseil d’Analyse Economique estime d’ailleurs que cette mesure n’entraînerait qu’une baisse minime de notre activité économique (-0,3%). La reprise de la demande, des ruptures répétées dans les chaînes d’approvisionnement ou la mise en œuvre des nouvelles réglementations européennes avaient créé, bien avant l’invasion de l’Ukraine, de profonds déséquilibres. Faut-il rappeler que le baril de pétrole avait déjà augmenté de 65% entre février 2021 et février 2022 ?

Dans ces conditions, la concurrence entre responsables politiques pour proposer des solutions immédiatement applicables n’aide guère à résoudre un problème qui nécessite une vision de long terme. Depuis des années, notre politique énergétique se trouve confrontée à un défi majeur : permettre l’émergence de nouveaux opérateurs alternatifs sans affaiblir EDF. Le compromis de l’ARENH établi en 2011 donne l’obligation à EDF de vendre aux fournisseurs alternatifs environ 30 % de la production du parc nucléaire historique (soit 100 TWh), à un prix qui était censé assurer la rentabilité de nouveaux investissements dans le nucléaire.  Il y a trois mois, en réponse à la hausse des prix observée depuis la fin de l’année dernière, le gouvernement a augmenté de 20 TWh le volume d’électricité vendu au titre de l’ARENH, entraînant un surcoût de 8 milliards pour l’opérateur historique.

Cette décision intervient au pire moment pour EDF : compte tenu de divers problèmes techniques, l’arrêt de 11 réacteurs nucléaires fera baisser d’au moins 10% la production d’électricité nucléaire en 2022. Ce déficit de production devra être compensé par des achats sur le marché européen, à un moment où celui-ci a été fortement perturbé par une conjonction de facteurs exogènes entraînant une hausse soudaine des prix à court terme – ce qui peut se concevoir – mais aussi hélas à moyen terme – plus surprenant – pour s’aligner sur le prix des centrales à gaz (soit 20% de la production européenne globale, mais moins de 10% en France). Alors que nos 18 centrales nucléaires fournissent une électricité décarbonée et relativement bon marché, on peut comprendre l’absurdité économique du mécanisme de 2011 devenu désormais totalement déséquilibré.

Revirement macronien

Ce mécanisme doit être remplacé par une ouverture du parc nucléaire aux opérateurs alternatifs pour de nouveaux investissements. Sous l’égide d’EDF bien entendu, puisque le consensus national implicite implique que l’opérateur historique conserve le monopole de l’exploitation du nucléaire électrique. Les opérateurs alternatifs se verront en lieu de l’ARENH proposer de co-investir aux côtés de EDF au sein des nouveaux réacteurs EPR. Seule une vraie prise de risque industrielle pourra leur procurer l’avantage du nucléaire.

Après avoir longtemps défendu l’objectif d’une réduction de la part du nucléaire à 50% de la production française, Emmanuel Macron semble aujourd’hui se rallier à l’idée d’un renforcement de la filière nucléaire, annonçant la construction de six EPR de deuxième génération (pour un coût chiffré à 46 milliards d’euros, à financer…) et prônant à demi-mot la renationalisation d’EDF. Ce revirement est à mettre au compte des miracles qui ne manquent pas de se produire en période électorale. Cependant, n’oublions pas que ce genre de bonnes intentions se juge sur le long terme : il faut au moins dix ans entre la décision de construire un réacteur et sa mise en service. Ce délai ne sera pas de trop pour organiser l’ouverture minoritaire des tours de table des futurs EPR…Rappelons également que ces réformes devront être défendues au sein des institutions européennes. Rien n’indique en effet que le Parlement européen ait renoncé à son opposition radicale à l’inclusion du nucléaire dans la « taxonomie des investissements verts » publiée par la Commission le 2 février dernier.

Qu’adviendra-t-il si la France échoue à faire prévaloir sa position ? Il ne nous restera plus alors – comme le président de la Commission de Régulation de l’Énergie nous y invitait dans une interview du 28 mars – qu’à « baisser le chauffage, la climatisation, les lumières » en prévision des hivers difficiles qui nous attendent.

Entrisme de l’idéologie sur le genre à l’école: ce qu’on sait

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© SOPA Images/SIPA

Non, ce n’est pas une légende! De nombreux exemples relevés par l’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires démontrent que la théorie du genre infiltre l’Éducation nationale. La propagande se répand d’abord là où elle ne devrait pas pouvoir mettre les pieds, à savoir l’école. Il n’est pas certain que le nouveau ministre de l’Éducation que Macron et Borne ont choisi y mette fin.


Dans son excellent article paru dans ces colonnes (“L’éducation nationale aux couleurs arc-en-ciel”), Gabrielle Périer a soulevé la question de savoir comment l’idéologie sur le genre avait pu pénétrer l’école. Elle souligne le rôle de plus en plus grand d’associations militantes invitées par des établissements scolaires pour venir « débattre » sur ces questions, et ce dès l’école primaire. Elle raconte l’étonnement d’une mère d’élève apprenant qu’une professeur de sa fille a distribué le premier jour des cours un papier dans lequel elle demandait à chaque élève de cocher « son » pronom (il, elle ou iel) ainsi que le prénom avec lequel il veut être appelé. Encore rares, il est à craindre que ces situations se multiplient. “L’Observatoire du décolonialisme et des idéologies identitaires” continue son travail d’information en révélant et en analysant ce qui se passe dans certains INSPE (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation) et, conséquemment, dans les écoles du primaire et du secondaire.

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« Sortie de la sexualisation »

Je résume ci-dessous quelques articles très complets de l’Observatoire du décolonialisme sur la formation des professeurs et ses conséquences – ses articles sont libres d’accès, je ne saurais trop conseiller aux parents d’aller y jeter un œil. Bienvenue dans le monde dégenré de l’Éducation nationale :

À l’INSPE de Lille, les futurs enseignants ont eu droit du 7 au 30 mars 2022 à une “programmation Culture & Recherche sur la thématique de la lutte contre les LGBTQIA+phobies”. En plus de représentants institutionnels, des militants d’associations sont venus expliquer aux étudiants comment « aborder la transidentité en classe ». Derrière cette première propagande s’en cache une seconde qui englobe le tout : les « normes sociales » et « l’hégémonie hétérosexuelle » auraient formaté les enfants – il convient donc maintenant de déconstruire les discours “hétéronormés” et de « désapprendre les clichés de genre » afin que ces enfants s’émancipent des normes en question. Interroger la « transition de genre » et comprendre ses conséquences néfastes vous range immédiatement dans la case phobique. Pour remédier à cela, un atelier de “bibliothérapie” invite à « faire un pas vers soi et vers l’autre » et met à la disposition des réfractaires des « livres jeunesse abordant l’homosexualité et la transidentité » – qu’après les avoir lus attentivement ils devront utiliser avec leurs élèves. Comme les futurs professeurs en cours de formation sont un peu neuneus, l’INSPE a fait appel à une… « facilitatrice graphique » chargée de gribouiller des dessins simplistes résumant l’essentiel de la présentation propagandiste sur le genre, l’hégémonie hétérosexuelle et les… « valeurs de la République ». Selon les intervenants, ces « valeurs » seraient mises en relief par une « sortie de la sexualisation » (?)… Enfin, les documents remis aux étudiants envoient vers le réseau Canopé de l’Éducation nationale où, dans la rubrique “Pour une éducation inclusive”, il est demandé aux enseignants de « ne pas mégenrer les élèves transgenres, y compris lorsque l’état civil n’a pas été modifié » (en clair, de les appeler par le prénom et avec le pronom qu’ils se sont choisis) et d’avoir une « approche moins binaire des personnes ». (1)

L’INSPE de Paris-Sorbonne profite d’une situation privilégiée. En effet, nous apprend l’article de E.H. dans L’Observatoire du décolonialisme, l’institut est proche d’une école primaire qui applique expérimentalement ses dernières trouvailles pour (dé)former les très jeunes élèves. Dans chaque classe, une affiche pour les élèves de CP et de CE1 promet de « casser les clichés » et figure un petit monde idéal où le garçon, libéré de sa masculinité toxique, saute à la corde, tandis qu’une fille, soucieuse de viriliser son image, a enfilé des gants de boxe. La parité Blancs/non-Blancs est scrupuleusement respectée. Des peintures des élèves couvrent les murs de la classe, et on aimerait bien savoir comment des enfants de six ans en sont arrivés à écrire tout seuls dans ces dessins saturés de couleurs arc-en-ciel : « Je m’appelle Félix et je porte des robes car je trouve ça joli et confortable » ou « Je m’appelle Martin j’aime joué а la poupée ». Les fautes d’orthographe garantissent l’authenticité de l’œuvre. Comme l’auteur de l’article, nous n’osons imaginer les terrifiantes « séquences pédagogiques » qui ont pu amener ces très jeunes enfants à se poser des questions sur leur genre et à les retranscrire dans ces délicieux tableaux – et qui relèveraient de la plus sinistre manipulation idéologique à destination des individus les plus influençables et les plus fragiles.

Des élèves invités à remplir des questionnaires à ne pas montrer aux parents

On s’étonnera à peine, après avoir lu de quelle façon sont formés les futurs professeurs, d’apprendre que la direction d’un collège Condorcet a invité “le Mag+”, association déjà connue pour ses événements « LGBT racisés en non-mixité », à venir disserter devant les élèves de 4ème et de 3ème sur « l’inclusion ». Ces élèves ont été sommés de venir écouter la bonne parole sans que les parents aient été tenus au courant de l’objet exact de cet événement. Sur deux semaines, ce sont 28 heures de cours qui ont été supprimées pour laisser la place à ces « débats ». Les élèves devaient remplir deux questionnaires qu’il leur était interdit de conserver. Et pour cause : le premier demandait à chaque élève de dire ce qu’il est : une fille, un garçon, un non-binaire, un autre genre ou “en questionnement” ; puis de cocher les termes dont il connaît la signification parmi une liste écrite en écriture inclusive contenant les mots lesbienne, transgenre, cisgenre, asexuel.le, hétérosexuel.le, etc. Le deuxième questionnaire, à remplir après le bourrage de crâne, demandait à l’élève s’il a bien compris « la différence entre sexe, identité de genre et orientation sexuelle » ; quels thèmes l’ont le plus intéressé (LGBTphobies, transidentité et non-binarité, religion (sic), etc.) ; quel impact cette intervention a eu sur lui (“J’aimerai m’investir pour l’une des causes”, “J’aimerai découvrir des associations” ou “Je vais l’oublier, ça ne m’intéresse pas”, etc.).

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On imagine les ravages de cette propagande à peine camouflée sur des élèves qui n’ont pas la maturité pour en déceler les enjeux. Le mimétisme adolescent aidant, les filles en particulier semblent atteintes par le mal transgenre. Plus actives sur les réseaux sociaux que leurs homologues masculins, influencées par les messages répétitifs et « anticonformistes », sensibles aux mots d’ordre des plus actifs militants trans (surtout s’il s’agit de « célébrités »), c’est souvent à plusieurs et en même temps qu’elles décident de changer de genre. Le processus du phénomène fait penser à celui des sectes : approche, séduction jusqu’à obtenir l’adhésion, puis sentiment d’appartenance à un groupe réservé aux « initiés », enfermement dans ce groupe, rupture avec la famille ou les amis qui critiquent ces changements, etc. Il est d’ores et déjà admis par des psys et des médecins que ce « phénomène transgenre » a eu et aura des conséquences dramatiques, psychiques voire physiques, sur des enfants qui, devenus adultes, voueront aux gémonies leurs aînés pour les avoir laissé faire n’importe quoi.

Si même Blanquer n’est pas parvenu à mettre le holà…

Le plus regrettable est que le ministère de l’Éducation nationale ait laissé cette idéologie s’installer dans la place et des associations lobbyistes prendre pied dans les formations des futurs professeurs. Les modules sur le genre ou la transidentité sous prétexte de lutte contre l’homophobie ou la transphobie s’y multiplient et diminuent d’autant le temps de formation nécessaire à l’apprentissage sur la transmission des savoirs. Les futurs professeurs ne sont pas seulement sensibilisés à la lutte contre l’homophobie, il leur est implicitement demandé de faire la promotion de la « fluidité de genre » et de remettre en question « l’hégémonie hétérosexuelle » et les « normes sociales » – en clair, de se soumettre à l’agenda de minorités voulant « déconstruire » tout ce qui constitue notre patrimoine anthropologique.

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Voilà un sujet sur lequel notre nouveau ministre de l’Éducation nationale devrait se pencher. En plus de l’interdiction de l’écriture inclusive, il serait souhaitable d’interdire aux associations idéologiques l’accès aux INSPE et à tous les établissements scolaires. Cela demandera du courage : de puissants lobbys et des syndicats de gauche toujours prêts à courber l’échine devant les mouvements rebellocrates – surtout si ceux-ci se targuent d’être « progressistes » – ne se laisseront pas bousculer facilement. Soit par pure idéologie, soit par paresse intellectuelle, chacun a d’excellentes raisons d’espérer que l’école ne remplisse pas sa mission première – transmettre des savoirs et permettre l’émergence d’individus intelligents et rationnels – et d’accepter qu’elle devienne une garderie dans laquelle sera distillée la propagande simpliste mais dévastatrice des thèses progressisto-wokistes. Il revient aux parents d’être attentifs à ce qui se passe dans l’école de leurs enfants sous couvert de « tolérance » et de « défense des minorités » – ils s’apercevront que le plus souvent il ne s’agit de rien d’autre que de propagandes « déconstructivistes » et, s’informant plus avant, ils mesureront les désastres prévisibles pour la société en général et pour leurs enfants en particulier, rendus fous par ces multiples manipulations. Il est grand temps que chacun s’en mêle et prenne ses responsabilités.


(1) Le Figaro a révélé le 4 avril 2022 que, lors d’un test d’anglais destiné à tous les élèves de 3ème, ceux-ci étaient invités à indiquer leur sexe : masculin, féminin ou… « autre » ! Heureusement, des parents attentifs soutenus par l’association “Juristes pour l’enfance” ont fait annuler l’option « autre » de ce formulaire et le ministère a reconnu une « erreur ». Mais était-ce réellement une « erreur », ou une nouvelle tentative d’accréditer les théories qui remettent en cause la binarité sexuelle à l’école ?