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Du côté des toubabs

Notre chroniqueur parle décidément une étrange langue — à moins qu’elle ne soit la langue de ces banlieues qu’il aime dénigrer, pour y avoir enseigné si longtemps — un sentiment que bien sûr personne ne partage à Causeur.


Loin de se limiter à la propagation du mysticisme païen et à la diffusion des éditoriaux de notre ami Alain de Benoist, la revue Eléments publie des enquêtes de fond. Par exemple ce mois-ci sur « le racisme antiblanc à l’école », « vérité interdite », s’il faut en croire François Bousquet qui a fouillé au corps ce non-dit de l’antiracisme.

« C’est un racisme qui n’existe pas, une légende urbaine colportée par l’extrême-droite et les suprémacistes blancs » — et pourtant, « s’il y a aujourd’hui un racisme aussi systémique que systématiquement nié, c’est celui-là ».

Tout part de la définition courante de la « race ». Voir l’usage extensif de la notion de « racisé », telle qu’on la trouve dans les organisations qui font de l’antiracisme leur fonds de commerce. Le racisé est celui qui porte sur sa peau la preuve d’une autre origine que la blanchitude — qui n’est pas une race, elle, plutôt le degré zéro à partir duquel les vrais êtres humains se catégorisent. Bronzé, très bronzé, noir. On croirait une réclame pour crème solaire.

Apartheid 2.0

De fait, nos croisés de l’antiracisme ont repris les critères de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid, qui définissait une catégorie supérieure — les Blancs —, une catégorie intermédiaire, les métis, et un conglomérat de races noires inférieures, mêlant indistinctement des ethnies qui se détestaient franchement, et non admises à voter ni, a fortiori, à avoir des représentants au Parlement. On prend les mêmes, et on inverse : le Blanc est désormais tout en bas de l’échelle. L’antiracisme est parfois devenu un racisme à l’envers.

Nous retrouvons là la caractéristique centrale de notre monde orwellien, tel que j’ai eu maintes occasions de le décrire. L’ignorance, c’est la force, les professeurs non régénérés par le pédagogisme font encore l’apologie des « white dead males », comme on dit chez nos maîtres anglo-saxons, et seuls les hommes blancs doivent aspirer à se déconstruire, étant entendu que par destination sociale ils sont appelés à violer les femmes et à agresser les vieilles, ce qui n’arrive jamais aux racisés de toutes les couleurs.

Toutes ? N’exagérons pas. Les Asiatiques penchent du côté des Blancs, c’est bien connu, d’ailleurs eux aussi cultivent l’excellence scolaire, un piège blanc auquel nos racisés de frais ne se laissent pas prendre, ou rarement. Tout comme les Arabes, Palestiniens, Algériens ou autres, refusent de se laisser séduire par les sirènes du comité Nobel, une institution manifestement enjuivée puisqu’elle couronne un nombre infini d’enfants d’Abraham, en ignorant délibérément les enfants d’Ibrahim.

(« Mais ce sont les mêmes ! Tous sémites ! » « Eh bien, c’est la preuve qu’on ne naît pas crétin : on le devient ! » — comme aurait dit Simone de Beauvoir, féministe suspecte qui fréquentait des intellectuels blancs).

Syndrome de Stockholm

Le long article, très fouillé, de François Bousquet analyse en profondeur la façon dont, dans des écoles, collèges ou lycées où ils sont minoritaires, les jeunes Blancs sont sommés par leurs condisciples « racisés » de s’humilier, sous peine de passer pour racistes et islamophobes. De faire le ramadan même s’ils sont chrétiens. D’agiter des drapeaux palestiniens même s’ils sont juifs. De s’habiller comme la racaille dominante, dans un processus que Bousquet assimile avec justesse à un véritable syndrome de Stockholm.

Ce sont les mêmes que vous trouvez à Sciences-Po, stigmatisant les étudiants juifs et soupçonnant de sionisme rampant tous ceux qui qualifient les événements du 7 octobre 2023 de génocide, LFI de rassemblement pro-islamiste, et la mort des leaders meurtriers du Hamas — sur lui reconnaissance et bénédiction — de grande nouvelle, de nature à bien commencer l’année juive qui justement débute…

(Au passage, je suggère à Jean-Luc Mélenchon et à ses sbires de prendre un abonnement chez Interflora : au rythme auquel leurs amis se font éparpiller façon puzzle à Gaza ou au sud Liban, il sera plus économique de mensualiser ses envois de couronnes mortuaires).

Le Blanc est celui qui s’habille différemment, qui a de bons résultats scolaires (avez-vous réfléchi à ce que signifiait l’usage péjoratif en classe du mot « intellectuel ?), qui ne prie pas le même dieu. La Blanche est cette chair offerte aux frustrations des racisés auxquels on interdit de toucher leurs coreligionnaires hors mariage — allez voir sur le site porno blacksonblondes la façon dont ces charmants garçons traitent les jeunes « Gauloises ». Elle a d’ailleurs peu à peu intégré l’idée qu’elle doit s’offrir pour racheter les fautes de ses ancêtres esclavagistes — étant entendu que jamais Arabes ni Africains n’ont mis qui que ce soit en esclavage : ils ne risquent pas de le savoir, les enseignants hésitant fort à exposer des faits, et préférant propager des légendes.

Le comble, c’est que l’adolescent blanc est dominé dans les faits, quand il n’est pas tout simplement éliminé, alors qu’il est traité comme dominant dans les représentations médiatiques, souligne justement Bousquet. Inversion orwellienne, vous dis-je. Si je n’avais pas renoncé à écrire des essais, cela ferait un vrai sujet de livre : le monde occidental fonctionne désormais sur une boussole qui indique le sud.

À noter que les bobos — enseignants ou journalistes au premier chef — plaident pour une vraie mixité sociale à l’école, mais se gardent bien d’inscrire leurs enfants dans les établissements ghettoïsés et racisés auxquels la carte scolaire semblait les condamner. « Tu comprends, moi, c’est pas pareil », clament-ils. Libé en avait fait jadis le constat affligé. Le « Fais ce que je te dis » n’est pas à usage interne. Comme dit Bousquet, « le choix de l’établissement scolaire est un révélateur chimique des stratégies sociales. »

Il faudrait avoir le courage — mais j’ai expliqué dans mon dernier livre, l’Ecole sous emprise, que c’est ce qui manque le plus, avec la connaissance, aux enseignants d’aujourd’hui — de dire la vérité, sur l’esclavage, sur le racisme, sur Israël, et sur les manipulations auxquelles se livre la confrérie des Frères musulmans (à propos, où en est l’enquête diligentée par Darmanin pour établir la dangerosité de ces fondamentalistes exclus de la plupart des pays… musulmans ?). Mais cela suppose de sortir par le haut de ce monde orwellien, au lieu de s’humilier à baiser les pieds des racailles.

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Destroyer 666, le groupe de la discorde

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À La Mézière (35), le festival de métal Samaïn Fest annule la venue du groupe Deströyer 666


Le 12ème festival de musique « Samain Fest » se déroulera du 24 au 26 octobre dans le nord de Rennes devant cinq cent passionnés de rock et de musique métal. Ce festival soutient un réseau d’écoles privées bretonnantes, qui scolarise 4 000 élèves de Rennes à Quimper. Une langue bretonne défendue pendant le festival lui-même, puisque des cours sont proposés dans la programmation. 

Porté par son succès, le festival réalise l’exploit d’inviter des groupes plutôt habitués à la démesure du gigantesque Hellfest voisin ; cet automne, il a dû toutefois faire face à la première grosse polémique de son existence. Neuf jours avant l’évènement, Mediapart a déploré la venue du groupe Destroyer 666, qualifié de « raciste et misogyne » par le média d’Edwy Plenel. Aussitôt, le festival a annoncé la déprogrammation du groupe australien, qui devait être la tête d’affiche du 26 octobre. Destroyer 666 est un groupe de black-metal, un style où la violence, le satanisme et le paganisme cohabitent allègrement. Si l’œuvre du groupe (auteur de sept albums depuis 1997) se montre typique du folklore black-metal sans écueil notoire – ce qui lui permet de jouir d’une certaine notoriété – son chanteur (parfois bien chauffé par les molécules éthyliques dégustées en tournée) a montré à maintes reprises un comportement outrancier à l’encontre de l’extrême-gauche, de l’islam ou encore du mouvement #MeToo. À travers les propos de celui-ci, se pose ici la question de la distinction entre une œuvre et la personnalité de son artiste. L’émotion suscitée par la programmation de Destroyer 666 n’est-elle pas hypocrite, quelques semaines après l’omniprésence sur les écrans de Snoop Dogg, adepte de white face et de fumette, lors des derniers Jeux Olympiques ?

Une question qui divise la communauté métal : les uns accusent Mediapart de mener une chasse aux sorcières ; d’autres souhaitent carrément boycotter le festival, l’accusant de céder aux pressions de l’extrême-gauche et d’autres encore – plus inhabituel dans l’univers de la musique métal – ont applaudi cette déprogrammation. Cette ambiance délétère a poussé le festival à créer en toute urgence un stand de prévention où la dénonciation de tout comportement déplacé sera encouragée. Une polémique qui pourrait menacer l’avenir du festival, pour le plus grand malheur des écoles bretonnes.

Les mammouths

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La fille de son père

Isabelle Pandazopoulos signe un premier roman mettant en scène une psychanalyste méconnue: Anna Freud.


Le célèbre psychanalyste Sigmund Freud eut, avec sa femme Martha, six enfants. Anna fut la petite dernière. Celle qui donna le plus de fil à retordre à son père. Celle, aussi, avec laquelle il noua une relation éminemment complexe. C’est à elle, vilain petit canard de la portée, que l’écrivaine Isabelle Pandazopoulos consacre son premier roman. Un personnage fascinant qui aurait pu faire sienne la phrase de Marie Darrieussecq : « Les femmes n’ont pas de nom. Elles ont un prénom. (…) Elles s’inventent dans un monde d’hommes, par effraction. »

Le principe du cordonnier mal chaussé

Pour Anna tout fut difficile et ce dès la naissance. Enfant non désirée, elle sera mal aimée par sa mère. Son enfance sera jalonnée de différents maux psychosomatiques, dont la dépression et l’anorexie. Elle nourrira une jalousie morbide pour ses frères et sœurs, n’ayant qu’un seul rêve : être la préférée de son père. Durant trois années, Freud la prendra en analyse, à raison de trois séances par semaine. Même si analyser ses proches était déjà largement déconseillé, nombreux furent ceux, à l’époque, qui passèrent outre cette recommandation. Anna, contrairement aux femmes de sa famille, émit très tôt le souhait de travailler mais ses parents s’y opposèrent. Opiniâtre, elle parviendra pourtant à ses fins et deviendra institutrice. Métier auquel elle finira par renoncer du fait de sa santé fragile. Le roman s’ouvre en 1946. Anna est entre la vie et la mort. Pour prendre soin d’elle sa mère a fait appel à une garde malade à laquelle Anna va conter l’histoire de sa vie. Les chapitres alternent harmonieusement entre passé et présent. 1946 à Londres, où la famille Freud est venue se réfugier à la veille de la guerre. 1920, à Vienne, où Anna fit ses premiers pas en tant que psychanalyste pour enfants. C’est la formidable ascension de cette jeune femme fragile que retrace l’écrivaine avec une empathie communicative.

Émancipation impossible

Tout au long de son parcours Anna sera soutenue par l’écrivaine Lou Andréas Salomé et, malgré leur différence d’âge, les deux femmes resteront soudées à vie. Le chemin d’Anna Freud croisera aussi celui de l’Américaine Dorothy Burlingham. L’attirance entre les deux femmes est immédiate. Mais le terme d’homosexualité jamais prononcé. Celle-ci était alors considérée comme une déviance et empêchait d’exercer en tant que psychanalyste. Anna Freud avait donc toutes les raisons d’être discrète. « Ne jamais rien en dire. A personne. Jamais. A personne. A lui non plus. Elle s’en ferait une règle absolue ». On peut cependant arguer qu’il ne fut pas dupe. Au fil des pages, Isabelle Pandazopoulos explore avec infiniment de subtilité la relation d’Anna et Sigmund Freud. Une relation ô combien ambiguë. Sa vie durant Anna cherchera à s’émanciper de la figure du père et y restera pourtant maladivement attachée. Après sa mort en 1939, elle écrira « je l’emporterai avec moi. C’est avec lui que je veux être enterrée. C’est ça que je veux, m’enrouler dans son odeur et disparaître, comme sa bien-aimée, sa seule aimée, son unique enfant ». Avec Les Sept maisons d’Anna, Isabelle Pandazopoulos signe une remarquable biographie romancée qui a le mérite de mettre en lumière une fille, mais aussi son célèbre père au soir de sa vie. Passionnant.

368 pages.

Les Sept maisons d'Anna Freud

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Le premier Labro est enfin arrivé!

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Les éditions Montparnasse éditent « Tout peut arriver » dans une version haute définition, le premier film du parolier, écrivain, journaliste et homme des médias, dernier représentant de la grande presse.


Tout peut arriver ! Mais il aura fallu être sacrément patient durant ces longues années, plus d’un demi-siècle. Nous sommes enfin récompensés. Car il nous tardait de voir dans son intégralité et avec une bonne qualité d’image, ce témoignage visuel et sonore d’après mai 1968, ses tâtonnements esthétiques et sa féroce fraîcheur, le phénomène Luchini dans sa juvénile exubérance et un Paris déjà en voie de transformation architecturale.

Claude Mauriac n’a-t-il pas écrit dans le Figaro Littéraire à propos de cette constellation d’images : « c’est sublime mais du plus familier et du plus quotidien. Ce que dans ces belles et sobres images l’éphémère implique d’éternité ». Je ne suis pas très objectif, je tiens à l’avouer tout de suite, j’aime le cinéma de Philippe Labro, son manichéisme classieux et son romantisme arriviste, son goût appuyé pour les puissants et les femmes au regard absent, sa vénération pour l’actualité à chaud et son américanisme de campus à la sauce preppy. Je n’ai pas peur de le dire, j’aime L’Héritier, L’Alpagueur ou encore Rive droite, rive gauche. Il est l’un des rares cinéastes à avoir su filmer la froideur des hôtels particuliers, les diplomates levantins à Rolls-Royce et à mocassins à pampilles et les call-girls faussement affranchies, tout un fumet vaporeux délicieux. J’aime ce folklore-là. Nous étions nombreux à attendre dans une version restaurée en HD la ressortie de son premier film. Il était bien passé, un jour, à la télévision sur une chaîne de la TNT. Puis, plus aucune trace. Quelques captures d’écran circulaient sur le net mais à mesure qu’on allait l’oublier, les cinéphiles de la bande du Drugstore en firent un objet d’adoration. Le culte naît de la contingence. Parce qu’on peut tout reprocher à Labro sauf son sens de l’observation, son œil capture tout.

A lire aussi, Stéphane Germain: Dans l’enfer ultraprogressiste

Quand Labro film l’année 1969, il encapsule l’air de son époque comme nul autre réalisateur. Tout est authentique et certifié, les bagnoles, les costumes, les coupes de cheveux, les menus des restaurants, les comptoirs de banque et les addictions. Ce long (court) métrage de 1 h 19 mn, encore assez artisanal dans la forme n’en possède pas moins la grâce des jouets patinés. Malgré quelques imperfections techniques mineures, on suit avec plaisir la déambulation de Philippe Marlot (Jean-Claude Bouillon), grand reporter et double de fiction de Labro dans une France qu’il ne reconnaît plus. Il arrive des États-Unis, il a couvert des conflits sanglants. Instable et tempétueux, cherchant maladroitement son chemin dans l’existence, Marlot est imprégné de toute une mythologie du journaliste à succès. Sombre et bagarreur. Jouisseur et mélancolique. Il est une caricature de détective privé, il est imbibé de cinéma US, il porte des santiags et le trench-coat clair, il séduit ses rédacteurs en chef et les étudiantes étrangères de l’université de Dijon. Il est le représentant d’un monde en décomposition. Il est naïf et poseur, et cependant on ne peut pas lui reprocher d’être insincère avec les autres.

Éditions Montparnasse

Sous le prétexte de rechercher Laura, son épouse disparue, il voyage en auto-stop et rumine des thèmes chers à Labro que sont les icônes des yéyés en phase terminale de vedettariat, les parties fines dans les légations des beaux quartiers, la drogue qui s’empare de la jeunesse, les idéologies boursouflées, le souvenir de la guerre d’Algérie, l’apparition d’un héros pré-houellebecquien, le cadre en rupture familiale et pris par le dégoût de son existence vaine, un dandysme du samedi soir, des boîtes de nuit à la Régine et les petits matins patibulaires. Sur une partition musicale signée Eddy Vartan, « Tout peut arriver » a le charme des premières fois, il sonne juste même dans son égocentrisme fleur bleue. Labro dit dans le très instructif bonus qui dure 35 minutes que le casting est primordial dans la réussite d’un film. Et Labro sait choisir ses acteurs, même pour une apparition fugace, le name-dropping et l’entre-soi ne lui font pas peur. On croise Chantal Goya dans une aérogare, Catherine Deneuve au chignon structuré et à la merveilleuse diction fracassante, l’excellent André Falcon, la jeune débutante Catherine Allégret, l’oublié Jacques Lanzmann, la sublissime Prudence Harrington et puis Fabrice, l’apprenti-coiffeur kierkegaardien en blazer et Solex. De toute façon, un film où les hommes ont le souci de cirer leurs semelles en cuir comme Vittorio de Sica demeure un film de référence.

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Le dernier roi des Halles

À la tête du Bistrot des Halles, Vincent Limouzin entretient la tradition bistrotière qui a fait la réputation du ventre de Paris. Dans un décor inchangé depuis les années 1950, il sert une cuisine canaille savoureuse et les vins de vignerons qu’il connaît. Ses clients deviennent vite des habitués et, surtout, des amis.


Le Bistrot des Halles, quand on le connaît et qu’on l’aime, c’est comme une deuxième maison. On y retrouve souvent les mêmes têtes. Et avec le personnel, on finit par avoir l’impression d’être en famille. Quand on y est, on n’a plus vraiment envie d’en sortir. On a toujours envie d’un dernier verre, d’un dernier rire. C’est un bistrot comme on en trouve de moins en moins, surtout à Paris !

Tout cela tient à son patron, Vincent Limouzin. Un sacré gaillard. Un gars à l’ancienne. Rien qu’à voir le colosse, on comprend vite que l’établissement n’est pas végan. Ici, à peine avez-vous commandé un verre, même au comptoir, qu’on vous apporte une petite assiette d’une délicieuse saucisse sèche finement tranchée sans vous demander votre avis. Le comptoir… il est beau ici, il brille ! On adore s’y attarder. On y entend souvent parler de rugby ou de chasse, les deux passions du patron. Les casse-croûtes qu’on y sert à midi font l’âme de l’endroit. Casse-croûte oui, le mot « sandwich » est banni de la maison. La charcuterie et les fromages au lait cru (servis à température !) glissés dans une baguette croustillante constituent un morceau de haute volée. À table défilent les classiques de la cuisine canaille : œufs mayo, escargots, céleri rémoulade aux écrevisses, harengs pomme à l’huile, andouillette et filet de rumsteck-frites… Il n’est pas rare non plus de tomber sur de savoureux ris d’agneau à la grenobloise ou sur une belle tête de veau. Une cuisine sans chichis, généreuse, parfaitement réalisée et soigneusement présentée. Pas de doutes, nous sommes aux Halles ! Ou plutôt dans l’un de ses vestiges dont Vincent est le gardien, le sauveur. Son bistrot – resté dans son jus des années cinquante avec ardoises, néons, nappes et serviettes à carreaux – est un petit îlot de résistance au cœur de ce quartier dont l’âme a disparu. On y rit, on y mange, on y boit parfois à grosse lampée, c’est une douce fête. Même au déjeuner, la clientèle (toujours plutôt bien habillée) n’hésite pas à festoyer au champagne avant de retourner bosser. La vie quoi ! « Le champagne, c’est un peu moi qui l’ai imposé ici. Comme j’en bois souvent, les clients et les amis me suivent ! » explique le patron. D’ailleurs, on y croise souvent Arnaud Jacquinet, grand personnage de la maison Moët et Chandon. Vincent est un bon vivant et sa gourmandise, sa générosité soufflent dans ce bel établissement. « Je suis Vendéen. Fils de charcutier. Depuis petit, j’ai toujours aimé le commerce. Le fait que le client se régale, qu’il passe un bon moment, c’est un plaisir que je partage avec lui. » La restauration, c’est sa vie. D’abord chef de partie, puis sous-chef de cuisine dans plusieurs établissements renommés, il devient finalement chef de cuisine à la Maison de l’Amérique latine, où il officie pendant quatre ans. Mais son truc, c’est le bistrot. Après plusieurs affaires prises en gérance, il se tourne il y a neuf ans vers un petit troquet de l’ancien ventre de Paris : Le Bistrot des Halles. Et c’est là qu’il donne toute sa dimension. « Ici j’ai trouvé ce qui me ressemblait. Un petit bistrot familial dans lequel je pouvais faire vivre ma vision de la restauration : les bons produits, la simplicité, le réconfort, le partage, la joie, les rires. » Et c’est un pari réussi ! C’est un refuge. Le clafoutis qui, toujours, repose derrière le comptoir nous rassure. Tout comme la savoureuse terrine maison, dont le père de Vincent n’aurait pas été peu fier. Et puis la gentillesse du personnel ! Leurs sourires ! Leur diplomatie, leur sérieux et leur efficacité sont dignes des grandes tables parisiennes. La clientèle forme elle aussi une joyeuse troupe. Ici, on retrouve le monde du vin, du rugby, de la chasse, des courses hippiques et de Rungis. Hommes d’affaires et avocats côtoient ouvriers et gourmets. Le matin, dès l’ouverture à sept heures, les éboueurs sont là pour le petit déjeuner. Quelle que soit l’heure à laquelle on passe, on ressort avec un peu plus de joie au cœur. Le Bistrot affiche souvent complet mais le patron essaie toujours de vous trouver une petite table. « Ça peut paraître naïf, mais j’aime les gens. Avec mon équipe, on donne tout pour que le passage au Bistrot soit pour chacun une parenthèse dans leur journée. Un petit moment de bonheur. »

Fondant de boeuf braisé aux carottes

Il serait malhonnête de dire que le vin ne participe pas de ce bonheur. Vincent Limouzin travaille majoritairement en direct avec les vignerons. La bouteille emblématique de la maison est le Saint-Amour de chez Bataillard. Et le Chitry rouge du domaine Colbois n’est pas mal non plus… En 2019, le Bistrot reçoit le prix de la Bouteille d’or décerné par l’association Tradition du vin. « J’ai la chance d’avoir une clientèle de bons vivants. Ici, on voit assez peu d’eau sur les tables. Mes clients sont un peu à mon image. Et d’ailleurs, ils participent de l’âme de ce bistrot. » Vous l’aurez compris, Le Bistrot des Halles et son patron, ogre au grand cœur, sont indissociables. On vient autant pour l’un que pour l’autre. Et c’est pour ça que ça fonctionne ! « Pour que ça tourne, il faut que le taulier soit toujours présent. C’est ce qui fait ma force ici. Et ça, c’est de plus en plus rare. Enfant, j’ai vu mon père vivre pour les clients, uniquement pour eux. Eh bien je crois pouvoir dire qu’aujourd’hui, dans mon domaine à moi, je fais perdurer l’esprit de mon père. » Pour ma part, quand je franchis la porte de cette maison, je pense à cette phrase que prononce une amie à chaque moment de joie intense : « La vie, ça devrait toujours être comme ça ! »

Le Bistrot des Halles

15, rue des Halles
75001 Paris
Tél. : 01 42 36 91 69

Les cartons de Robbe-Grillet

Dans son nouveau roman, Emmanuelle Lambert dissèque habilement la personnalité de l’écrivain Alain Robbe-Grillet.


On pourrait croire que le titre retenu pour cet article est celui d’un roman d’Alain Robbe-Grillet ; comme en écho au titre Les Gommes, son premier succès qui révolutionne la littérature en 1953 car, dit-il, on ne peut plus écrire de la même façon depuis la découverte des camps d’extermination nazis.

Mais il faut que je parle d’elle, de cette jeune femme de 20 ans, provinciale un peu naïve, qui cherche un job alimentaire tout en poursuivant ses études. Elle est recrutée par l’Institut, à Paris, qui accueille les archives des grands écrivains. Il s’agit de l’Imec – Institut Mémoires de l’édition contemporaine – qui, plus tard, s’installera dans l’abbaye d’Ardenne en Normandie. Elle côtoie trois personnes : Joseph, le Chef, l’Adjointe ; microcosme pas franchement sympathique. Elle, c’est Emmanuelle Lambert, auteure de Aucun respect, roman original, nerveux, un brin ironique. C’est autobiographique, donc. Mais c’est aussi une biographie subjective et fragmentée du « pape du Nouveau Roman », Alain Robbe-Grillet (1922-2008). Un jour, elle le voit débouler à l’Institut. Presque 80 ans, regard malicieux, barbe shakespearienne, voix grave avec un zest de préciosité. C’est le début d’une relation complexe dont Emmanuelle Lambert avait déjà rendu-compte dans Mon grand écrivain (2009), publié par Benoît Peeters, lui-même auteur d’une remarquable biographie de Robbe-Grillet (Flammarion, 2022*), qui apparait sous les traits d’un certain Éloi dans Aucun respect. La jeune femme, qui connaît mal l’œuvre de l’écrivain, est chargée de classer ses archives léguées à l’Imec. Cela représente des dizaines de cartons. Robbe-Grillet, en effet, conservait tout, notamment les articles de presse depuis ses débuts tonitruants au début des années 1950. C’est ce que l’auteure appelle un « accumulateur ». Extrait : « Les femmes de sa famille étaient des expertes en accumulation. En apparence bien plus raisonnable, ordonné, scientifique, dur à la réflexion et au travail, Robbe-Grillet l’était aussi. Peut-être en souvenir de ses parents, père revenu demi-fou de la guerre de 14-18, mère fantasque, intelligente ; et surtout du petit garçon bizarre qu’il avait été et qui, souvent, voyait son double. » Nous entrons de plain-pied dans l’univers fantasmagorique de l’écrivain, de celui dont on a dit qu’il aurait dû être à l’asile, pas dans les librairies. C’est que l’homme, ingénieur de formation, adorant les arbres et collectionnant les cactées, avait de puissants fantasmes qu’il n’hésitait pas à coucher sur le papier ou à mettre en scène dans des films érotiques expérimentaux. Robbe-Grillet n’a pas seulement explosé la narration, en réponse à l’absurdité du monde, il a aussi dynamité la morale. Ce qui l’a rendu célèbre dans le monde entier, en particulier aux États-Unis où bon nombre d’étudiants ont appris le français en lisant La Jalousie (1957), le chef-d’œuvre de Robbe-Grillet, selon Emmanuelle Lambert.

A lire aussi: Le juste prix du vin

La personnalité de l’écrivain est habilement disséquée. Extrait : « À force de lecture, elle avait commencé à comprendre une chose : quel que soit son interlocuteur, Robbe-Grillet, dans ses entretiens, mettait en place le même dispositif. On lui posait une question, il y répondait avec beaucoup de soin. Tellement de soin qu’il finissait par répondre à tout autre chose. À une question intérieure. » Tout l’enjeu est là. Intelligent, habile, ayant beaucoup d’humour, parfois féroce, Robbe-Grillet brouille les pistes, c’est jouissif. Enfin quelqu’un qui pourfend l’esprit de sérieux ! Invitée dans son château du Mesnil-au-Grain, près de Caen, elle fait la connaissance de Catherine Robbe-Grillet, la femme de l’écrivain, experte en soirées sado-maso, qu’elle nomme « cérémonies », évoquées dans l’un de ses livres, Cérémonies de femmes, publié pour la première fois chez Grasset, en 1985, sous le pseudonyme de Jeanne de Berg. La jeune femme est troublée par le charisme de celle qui ne fut jamais pénétrée par son mari. À propos de la spécialiste de la jouissance dans les supplices, Emmanuelle Lambert note : « Madame Robbe-Grillet, elle, aurait pu être le résultat d’une expérience scientifique visant à réduire un organisme à son expression la plus concentrée, par le tressage de la pulsation vitale des êtres de chair avec la condensation extrême des minéraux. »

Emmanuelle Lambert doit également préparer une exposition sur Robbe-Grillet. L’écrivain n’est pas vraiment séduit par le projet, il préfère garder son énergie pour terminer un livre, pas nommé. Les connaisseurs reconnaîtront La Reprise, son dernier roman. Mais cela permet d’approfondir la relation nouée entre la jeune femme et Robbe-Grillet, et de mettre davantage en lumière la psyché d’un homme fort secret. Il est tantôt aimable, tantôt grincheux, toujours caustique. C’est jubilatoire, même si les longs passages sur la vie privée d’Emmanuelle Lambert ne manquent pas non plus d’intérêt. On est intrigué par Axel, son petit ami dont la peau a « l’odeur de sucre roux ».

L’auteur du Voyeur, vertigineux roman, qui a toujours aimé le scandale – il a été élu à l’Académie française mais a refusé d’y siéger – commet un ultime ouvrage peu recommandable, un « conte pour adultes », dont il aurait pu faire l’économie – publié chez Fayard et non aux Éditions de Minuit, son éditeur historique. Les critiques l’assassinent. L’un deux, transformé en Fouquier-Tinville germanopratin, lui lance : « C’est pas une bonne action, votre livre ». Rire de l’écrivain qui le traite de con. Décrire ses fantasmes, ce n’est pas les réaliser. Ou alors il faut interdire le théâtre antique grec, et rayer le mot catharsis du vocabulaire. Robbe-Grillet réaffirme que la littérature doit ignorer la morale. Elle est du côté du mal, pour paraphraser Georges Bataille. Mais nous sommes au début de l’ère #MeToo… Emmanuelle Lambert rappelle que les femmes désormais « l’ouvrent » et n’acceptent plus d’être objectivées. Robbe-Grillet, guère lu aujourd’hui, comme tant d’autres, risque donc d’être passé au tamis du wokisme. En attendant, lisons, relisons, l’œuvre de cet écrivain majeur qui a su donner à l’acte créateur l’indispensable et trop rare originalité sismique. Le livre de cette jeune fille « très normale », d’après Catherine Robbe-Grillet, devenue romancière, nous y invite.

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* Lire à ce propos, l’article de Pascal Louvrier, Robbe-Grillet portrait du joueur, mis en ligne sur le site de Causeur, 22 octobre 2022.

Staraselski, un réac de gauche ?

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Le romancier et essayiste Valère Staraselski publie un recueil de chroniques qui défend une pensée de gauche non inféodée à LFI. Cette vision, honnête et intelligente, lui a fait perdre quelques camarades…


Il n’est pas courant que l’on puisse lire une prose de gauche qui possède les mêmes repères intellectuels – voire les mêmes fondements civilisationnels – que la majorité des habitants de France. Non infecté par le wokisme ambiant, l’écrivain Valère Staraselski, communiste de longue date, parle le langage de tout le monde. Il se situe dans la lignée idéologique d’un Pasolini qui rappelait que « le fascisme peut revenir sur la scène à condition qu’il s’appelle anti-fascisme » (Lettres luthériennes, 1976).
Ce romancier vient de publier un choix de chroniques qui tranchent avec « la dangereuse logorrhée délirante des intellectuels aux petits pieds et aux grandes gueules de la gauche mélenchoniste », écrit-il.
S’il n’y est nulle part question du chef de LFI, c’est que précisément l’auteur entend indiquer qu’existe une politique, mieux, une pensée de gauche non inféodée aux choix politiques de Mélenchon et de ses affidés. De l’antisémitisme de gauche en passant par la reconnaissance du sentiment national comme du christianisme jusqu’au communisme revu par l’Italien Losurdo, Staraselski argumente ; c’est honnête et ça tient la route.
Ne cherchez pas dans L’Humanité une quelconque recension ou critique de son livre. Cet écrivain est désormais banni après qu’un article du Figaro l’a présenté comme un intellectuel « proche du secrétaire national du PCF » et « féru d’une histoire de France qui ne commence pas à la Révolution ». Impardonnable, n’est-ce pas ? Que disait Pasolini déjà…

Loin, très loin de Jean-Luc Mélenchon. Du pape François à Domenico Losurdo, penseur du communisme, Valère Staraselski, préface d’Arlette Vidal-Naquet, L’Harmattan, 2024. 158 pages.

« Ceux qui rougissent » ou le théâtre de la fureur

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Dans sa mini-série visible sur Arte, Julien Gaspar-Oliveri rend un vibrant hommage aux cours de théâtre au lycée et à leurs vertus. Fortiche.


Mon premier est un cours de théâtre bouillonnant qui a lieu dans une salle de sport d’un lycée, mon deuxième est une répétition du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare qui n’en est pas vraiment une, mon troisième est la présence d’un prof de théâtre qui va chercher ses élèves autant qu’il semble se chercher lui-même. Et mon tout est une minisérie d’Arte (8 épisodes de 11 minutes) : Ceux qui rougissent, qui a obtenu le prix du meilleur format court au festival Séries Mania de Lille. Et j’ajouterais que mon tout est exceptionnel et vaut que l’on s’y attarde. Cela aurait pu être tout bête et assez banal, et même pourquoi pas simplement réussi. Des élèves option théâtre d’un lycée de province lambda répètent une pièce de Shakespeare. Auraient alors été abordés : leurs rapports au théâtre, la découverte des sentiments et les difficultés liées à l’adolescence. Seulement, la série écrite et mise en scène par Julien Gaspar-Oliveri propose bien plus que tout cela.

Julien Gaspar-Oliveri interprète un prof de théâtre remplaçant qui déboule un beau matin, et qui va tout chambouler. Au début, les protagonistes vont bien sûr commencer par être et faire ce que l’on demande à des élèves d’une option théâtre au lycée en temps normal. La « belle gosse » de la troupe va râler car elle veut garder le rôle principal de la pièce, et la bonne élève va commencer à réciter ce qui semble être la fiche Wikipedia du Songe d’une nuit d’été. Stoop ! On arrête tout ! Nous sommes dans une salle de sport, souvenez-vous, donc le prof demande à ses élèves de se mettre à courir.

– « Mais monsieur, c’est un cours de sport ou un cours de théâtre ? »

– « C’est la même chose ! » leur répond-il.

 Et là nous allons pouvoir commencer à réfléchir…

Une école de la vie

Julien Gaspar-Oliveri, auteur et réalisateur de la série, est lui-même comédien et enseigne l’art dramatique. Il m’a dit avoir commencé le théâtre à l’âge de huit ans, qu’il était nul à l’école et que c’est la pratique de l’art dramatique qui lui a tout appris de la vie, en plus de l’existence des grands auteurs. Par cette série, il veut, en quelque sorte, rendre ce qui lui a été donné.

Je lui ai aussi posé quelques questions sur le casting. Car Julien Gaspar-Oliveri a également réussi l’exploit de constituer un groupe homogène avec des personnalités totalement hétérogènes : « J’ai enfermé les jeunes dans un espace clos, puis je suis rentré, caméra au poing, en hurlant « qui veut vraiment faire du théâtre ? », je me suis intéressé à ceux qui voulaient fuir, à ceux qui avaient pris peur, c’est l’accident qui m’intéresse, de l’accident nait la vérité. » Et dans la série, Dieu sait que jaillissent des accidents heureux. Comme par exemple lorsque le prof (dont on ne connaîtra jamais le prénom) demande à ses élèves d’incarner un de leurs parents, père ou mère. Un jeune homme d’origine africaine se met à imiter sa mère, qui ne cesse de répéter que son fils est un bon garçon, doué, mais qui ne fout rien. Et là, nous ressentons toute l’émotion du gamin, peut-être même une prise de conscience. « C’est par les personnages qu’on fabrique une langue », me dit le metteur en scène.

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Joue-la comme Artaud

Effectivement, tout au long de la série, nous voyons les personnages s’approprier leur propre langage. À travers le corps parfois poussé à bout, la transe, leurs confessions ou les engueulades du prof. Non, nous ne sommes pas dans un théâtre des années 70 comme pourraient le penser ici certains lecteurs. Nous sommes dans une quête de vérité. « Le corps, c’est de la pensée », me dit le réalisateur. Et là, nous pensons forcément au Théâtre et son double d’Antonin Artaud et les personnages pourraient s’exclamer avec le génial poète « fou » : « Quand je vis, je ne me sens pas vivre. Mais quand je joue, c’est là que je me sens exister. » Tout le travail de Julien Gaspar-Oliveri réside dans cette simple phrase. Lorsqu’un jeune auteur de théâtre et de courts métrages, en 2024, vous fait penser à Artaud, je dis chapeau, je dis bravo. « Mec », ne lâche rien ! Dans Le songe d’une nuit d’été – il est vrai que nous finissons par oublier que les jeunes sont censés répéter ce chef-d’œuvre de Shakespeare… – pullulent fées et autres lutins. Chez Shakespeare, le surnaturel côtoie toujours le réel. L’étymologie de fée est « fatum » : destinée, en latin. Et si la destinée des jeunes protagonistes de Ceux qui rougissent, c’était d’avoir rencontré Julien Gaspar-Oliveri ?

Avant de terminer, un dernier mot sur le titre de la série, si beau et intriguant. Il a été trouvé par la mère d’une des actrices de la série, qui s’est exclamée : « Ils ont été choisis parce qu’ils rougissent de l’intérieur ».


Ceux qui rougissent Mini-série en 1 saison de 8 épisodes de 11 minutes disponible sur ARTE jusqu’au 22/02/2024.

Quand les Américains élisent, les Ukrainiens s’enlisent

Impossible n’est pas ukrainien ? Son pays est en difficulté sur le front, mais le président Volodymyr Zelensky a présenté un “plan de victoire” à ses alliés, à Bruxelles, jeudi. Les nouvelles demandes ukrainiennes adressées aux Occidentaux interviennent alors que les Américains se rendent aux urnes dans quelques jours, et alors que le conflit est passé au second plan à cause de la guerre au Proche-Orient.


Volodymyr Zelensky était jeudi 17 octobre à Bruxelles pour présenter son « plan de victoire » en cinq axes au Parlement européen. Actuellement, la situation militaire est difficile pour l’armée ukrainienne dans le Donbass, où la Russie grignote quotidiennement du terrain. Les gains ukrainiens d’août 2023 dans la région de Koursk, s’ils ont surpris Moscou, ne sont pas de nature à changer le cours de la guerre. Vladimir Poutine a mobilisé l’ensemble de la société russe pour satisfaire ses appétits de conquête… ainsi que ses alliés étrangers. Le soutien de la République Populaire de Corée se montre de plus en plus concret, les services de renseignement sud-coréens ayant révélé que des soldats nord-coréens seront prochainement déployés vers le théâtre d’opérations ukrainien. Ce sont 1500 membres des forces spéciales du régime communiste qui sont désormais sur le pied à Vladivostok, bientôt rejoints par des troupes régulières.

« L’accroissement de la coopération croisée et du soutien militaire de la Corée du Nord à l’effort de guerre russe en Ukraine sont très inquiétants », a réagi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère des Affaires étrangères français. L’officialisation de l’alliance russo-coréenne est effectivement une source majeure d’inquiétudes, alors que le monde semble au bord d’une catastrophe collective. Nous n’avonsjamais été si près du danger depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est pour cela qu’il faut écouter avec attention les propos de M. Zelensky qui est aujourd’hui le seul à tenter de proposer une issue militaire au conflit aux alliés ainsi qu’un plan de paix à la Russie – qui, elle, attend une reddition de son adversaire.

Cinq points

Le plan présenté par l’Ukraine montre une certaine constance stratégique. Le premier point porte sur l’adhésion du pays à l’OTAN à plus ou moins brève échéance, ce qui garantirait à l’Ukraine d’être prise en compte dans « l’architecture de sécurité » de ses partenaires et alliés occidentaux. Il s’agit là d’une mesure qui serait pratique et symbolique. Pour l’heure, les partenaires divergent quant à la réponse à apporter. Il est de notoriété publique que le chancelier allemand Olaf Scholz ne voit pas cela d’un bon œil. La France et le Royaume-Uni pourraient en revanche s’y montrer favorables. Sur le plan symbolique, cela prouverait que l’invasion de l’Ukraine aurait un effet opposé aux buts de guerre poutiniens, qui visaient notamment à empêcher l’Ukraine d’intégrer l’OTAN. Il s’agirait d’un troisième revers, Finlande et Suède ayant déjà adhéré à l’OTAN du fait de la guerre d’Ukraine, Helsinki rompant ainsi avec des décennies de « neutralité ».

Le second volet est sûrement le plus important. Volodymyr Zelensky demande « le renforcement de la défense ukrainienne et la redirection de la guerre vers le territoire de la Russie ». Concrètement, l’Ukraine souhaite la levée des restrictions sur l’usage des armes de longue portée fournies par les pays alliés sur l’ensemble du territoire ukrainien occupé par la Russie, incluant donc la Crimée, et sur le territoire russe, ainsi que la poursuite de l’aide occidentale pour la formation des brigades de réserve. Il est vrai qu’il est assez sidérant d’exiger de l’Ukraine de se battre avec une main dans le dos. Par ailleurs, l’histoire récente a permis de vérifier que la Russie fixait beaucoup de lignes rouges qu’elle ne respecte pas, à l’image des États-Unis d’Obama qui avaient déclaré que l’usage d’armes chimiques par la Syrie d’Al-Assad entraineraient des conséquences… sans réagir après qu’elles aient été employées. Malheureusement, les États-Unis sont toujours très frileux dans leur soutien à l’Ukraine, comme s’ils craignaient que la Russie ne se fâche. La raison est peut-être ailleurs. Alliée notoire de l’Iran, la Russie joue de cette relation pour opérer un chantage sur Washington.

Selon Le Figaro, les États-Unis auraient demandé à la Russie d’intercéder auprès de l’Iran. Anthony Blinken et Sergueï Lavrov auraient même échangé à ce sujet au sommet de l’Asean. Le prix de la retenue iranienne obtenue par la Russie aurait un coût exorbitant : non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et interdiction de l’usage des armes à longue portée sur le territoire russe… Comment faire confiance à la Russie pour maintenir le statu quo au Moyen-Orient ? Le déclenchement de la guerre dans cette région a été une aubaine pour le Kremlin, provoquant notamment un désengagement de plus en plus patent des États-Unis dont l’opinion publique est lassée par le conflit ukrainien.

Le troisième volet proposé par Kiev est celui de la dissuasion. L’Ukraine demande le déploiement d’un « ensemble complet de moyens de dissuasion non nucléaires afin de décourager toute nouvelle agression russe ». Contrairement à ce qu’a avancé Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky n’a donc pas déclaré vouloir se doter de l’arme nucléaire. Il a simplement indiqué que l’Ukraine ne serait jamais en paix et en sécurité sans d’importants investissements… Ce volet est nécessaire et raisonnable.

Les deux volets suivants concernent l’arrière et l’après-guerre. Kiev invite les alliés à investir en Ukraine et promet un retour sur investissement grâce à l’expérience accumulée par l’armée ukrainienne qui sera plus tard « utilisée pour l’ensemble de l’Alliance et la défense de l’Europe ».

Un plan crédible ?

Ce plan souffre d’une inconnue : l’engagement américain. La campagne électorale américaine peut faire douter. S’il semblerait stratégiquement délirant que les États-Unis laissent la Russie emporter une victoire trop évidente qui serait perçue comme un signal de grande faiblesse, les impétrants à la Maison-Blanche ne font pas de grandes démonstrations d’amour envers Kiev. Donald Trump a à plusieurs reprises manifesté une forme de mépris à l’endroit de Volodymyr Zelinsky, qu’il juge être « le meilleur vendeur de la planète » et coûter trop cher. Il a aussi jugé que Joe Biden était « responsable » de la guerre. Son élection ferait entrer l’Ukraine dans une phase d’incertitude. Néanmoins, l’homme est orgueilleux et pourrait chercher à sortir par le haut du conflit en obtenant des résultats positifs. Son imprévisibilité rend en tout cas la tâche ukrainienne difficile pour le moment.

Quant à Kamala Harris, elle n’est pas connue pour être un faucon. Présidente du German Marshall Fund, Alexandra de Hoop Scheffer estime que la vice-présidente cherche à éviter les conflits et n’est « pas claire » sur la politique étrangère. Pis encore, elle ne « (comprendrait) pas les enjeux internationaux » et pourrait chercher à « freiner l’engagement américain en Europe »….

La Russie ne veut pas entendre parler de négociations. Ou plutôt, elle veut négocier en prenant tous les oblasts annexés et en demandant un prix exorbitant. Il est aussi absolument certain qu’elle n’en resterait pas là si son viol manifeste du droit international était impuni. Reste donc l’Europe et le génie propre aux Ukrainiens. L’Europe est un nain en matière de défense. L’ancien président du Conseil des ministres d’Italie Enrico Letta, particulièrement pessimiste sur l’issue du conflit, me confiait au sommet World In Progress Barcelone que la « France est le seul pays d’Europe avec une tradition militaire encore vigoureuse et des capacités de projection »… Si la phrase est flatteuse pour nous, elle est aussi inquiétante. L’armée française est certes performante et est la seule du continent à avoir toujours des capacités de projection, mais elle est miniaturisée et échantillonnaire. Elle n’est pas à même d’assurer à elle seule la défense du continent, surtout dans une guerre de volume comme celle que la Russie impose à l’Europe. L’Europe doit avoir une politique de défense bien plus ambitieuse pour répondre aux défis géopolitiques majeurs du temps. Une proposition évoquée est d’employer l’European Mechanism Act créé pendant la crise financière en ce sens. Pourquoi pas, mais l’heure presse… Ces politiques de long terme ne sauveront pas l’Ukraine aujourd’hui, mais elles doivent être tenues sur la livraison d’armes et la formation. La brigade Anne de Kiev est un beau symbole en ce sens.

Un autre interlocuteur, actif dans le secteur de l’innovation et de la défense en Ukraine, m’a dit la chose suivante : « Mon avis est le même que celui de Churchill en 1940. La situation est désespérée mais il n’y a pas d’autre choix que se battre et gagner. Je compte sur deux choses : l’innovation technologique des Ukrainiens qui produit des merveilles, l’élection américaine qui va débloquer beaucoup de choses pour le pire et le meilleur ». Si le pire arrive, ce sera à l’Europe d’agir. Et plus sérieusement qu’elle ne le fait déjà.

Les démocrates et le mépris des afro-américains

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L’ancien président Barack Obama s’est récemment insurgé contre le manque de soutien des hommes afro-américains à la candidate démocrate Kamala Harris, les accusant presque de sexisme. Des propos qui ne sont pas sans rappeler ceux de Joe Biden il y a quatre ans, et qui révèlent la condescendance que peut avoir la gauche américaine à l’égard de l’électorat noir.


La semaine dernière, à l’occasion d’un meeting en soutien à Kamala Harris à Pittsburgh en Pennsylvanie, celui qui a été à la tête des États-Unis de 2009 à 2017, a tenu des propos honteux à l’encontre des électeurs afro-américains de sexe masculin. Voyant le soutien de la communauté noire à Kamala Harris s’éroder, il a déclaré que « certains hommes ne sont pas à l’aise avec l’idée d’avoir une femme à la présidence » avant d’ajouter : « Vous envisagez de ne rien faire ou de soutenir quelqu’un qui a l’habitude de vous dénigrer, parce que vous pensez que c’est un signe de force, parce que c’est ce qu’est un homme ? ». 

Des déclarations scandaleuses

Ces mots, indignes de la part d’un ancien « commander in chief » montrent que Monsieur Obama et les élites démocrates traitent les afro-américains, non pas comme des électeurs comme les autres, mais comme une communauté infantilisée qu’il faut simplement séduire tous les quatre ans pour remporter l’élection présidentielle.

A lire aussi, du même auteur: Kamala Harris, une modérée?

Par ailleurs, ces propos mettent aussi en lumière deux éléments : un état d’esprit assez malsain et donneur de leçons considérant que les afro-américains, parce qu’ils sont afro-américains doivent par définition soutenir Kamala Harris, elle-même afro-américaine, mais également une espèce de fébrilité dans le camp démocrate. En effet, des sondages du Siena College pour le New York Times publiés les 12 et 13 octobre indiquent que Kamala Harris est moins soutenue par les minorités, notamment les électeurs noirs, que les anciens candidats démocrates à l’instar de Joe Biden, Hillary Clinton et… Obama !

« Alors vous n’êtes pas noir »

Mais, malheureusement, Barack Obama n’est pas le premier démocrate à s’illustrer par son mépris de l’électorat noir. En 2020, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle, Joe Biden avait été encore plus loin que son prédécesseur.

Lors d’une interview radio dans l’émission « The Breakfast Club » animée par Charlamagne Tha God il avait osé affirmer la chose suivante : « Si vous avez du mal à savoir si vous êtes pour moi ou pour Trump, alors vous n’êtes pas noir ». Des paroles dénigrantes voire nauséabondes.

D’ailleurs, en termes d’attitude dénigrante, la candidate démocrate a également fait fort depuis son entrée dans la course à la Maison-Blanche. Invitée du célèbre « Late show » de Stephen Colbert le 8 octobre, Kamala Harris a soudainement, selon des observateurs, pris l’accent jamaïcain. En septembre, la démocrate avait déjà pris l’accent du sud lors d’un meeting à Atlanta en Géorgie.

A lire aussi, Nicolas Conquer: Harris, les inquiétudes de l’Etat-major démocrate

Encore une fois, ne nous y trompons pas. Ceux qui se présentent tous les jours comme les ardents défenseurs des minorités, ne le sont en rien.

Le virage pro-Donald Trump des afro-américains

D’élection en élection, les minorités et plus particulièrement les afro-américains se rendent compte que la gauche se sert d’eux et ne cherchent pas, contrairement au camp conservateur, à améliorer leur qualité de vie et à préserver leur mode de vie.

C’est la raison pour laquelle, ils soutiennent de plus en plus les politiques préconisées par Donald Trump. Toujours selon l’étude du Sienna College pour le New York Times, 40 % des afro-américains soutiennent la construction d’un mur à la frontière sud. Attachés à la lutte contre l’insécurité et au « Law & Order » pour reprendre l’expression consacrée outre-Atlantique, ils sont 47 % à considérer que la criminalité dans les grandes villes est devenue incontrôlable. La vérité est que les démocrates ne répondent plus aux attentes des électeurs noirs ou quand ils le peuvent, ils ne tiennent pas leurs promesses. Même le très démocrate New York Times a reconnu que : « L’érosion du soutien à Mme Harris s’explique en grande partie par la conviction croissante que les démocrates, qui ont longtemps célébré les électeurs noirs comme la « colonne vertébrale » de leur parti, n’ont pas tenu leurs promesses ».

Du côté des toubabs

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Deux personnes prennent la pose entre deux feux à Bordeaux, émeutes après la mort de Nahel, 29 juin 2023 © Stephane Duprat/SIPA

Notre chroniqueur parle décidément une étrange langue — à moins qu’elle ne soit la langue de ces banlieues qu’il aime dénigrer, pour y avoir enseigné si longtemps — un sentiment que bien sûr personne ne partage à Causeur.


Loin de se limiter à la propagation du mysticisme païen et à la diffusion des éditoriaux de notre ami Alain de Benoist, la revue Eléments publie des enquêtes de fond. Par exemple ce mois-ci sur « le racisme antiblanc à l’école », « vérité interdite », s’il faut en croire François Bousquet qui a fouillé au corps ce non-dit de l’antiracisme.

« C’est un racisme qui n’existe pas, une légende urbaine colportée par l’extrême-droite et les suprémacistes blancs » — et pourtant, « s’il y a aujourd’hui un racisme aussi systémique que systématiquement nié, c’est celui-là ».

Tout part de la définition courante de la « race ». Voir l’usage extensif de la notion de « racisé », telle qu’on la trouve dans les organisations qui font de l’antiracisme leur fonds de commerce. Le racisé est celui qui porte sur sa peau la preuve d’une autre origine que la blanchitude — qui n’est pas une race, elle, plutôt le degré zéro à partir duquel les vrais êtres humains se catégorisent. Bronzé, très bronzé, noir. On croirait une réclame pour crème solaire.

Apartheid 2.0

De fait, nos croisés de l’antiracisme ont repris les critères de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid, qui définissait une catégorie supérieure — les Blancs —, une catégorie intermédiaire, les métis, et un conglomérat de races noires inférieures, mêlant indistinctement des ethnies qui se détestaient franchement, et non admises à voter ni, a fortiori, à avoir des représentants au Parlement. On prend les mêmes, et on inverse : le Blanc est désormais tout en bas de l’échelle. L’antiracisme est parfois devenu un racisme à l’envers.

Nous retrouvons là la caractéristique centrale de notre monde orwellien, tel que j’ai eu maintes occasions de le décrire. L’ignorance, c’est la force, les professeurs non régénérés par le pédagogisme font encore l’apologie des « white dead males », comme on dit chez nos maîtres anglo-saxons, et seuls les hommes blancs doivent aspirer à se déconstruire, étant entendu que par destination sociale ils sont appelés à violer les femmes et à agresser les vieilles, ce qui n’arrive jamais aux racisés de toutes les couleurs.

Toutes ? N’exagérons pas. Les Asiatiques penchent du côté des Blancs, c’est bien connu, d’ailleurs eux aussi cultivent l’excellence scolaire, un piège blanc auquel nos racisés de frais ne se laissent pas prendre, ou rarement. Tout comme les Arabes, Palestiniens, Algériens ou autres, refusent de se laisser séduire par les sirènes du comité Nobel, une institution manifestement enjuivée puisqu’elle couronne un nombre infini d’enfants d’Abraham, en ignorant délibérément les enfants d’Ibrahim.

(« Mais ce sont les mêmes ! Tous sémites ! » « Eh bien, c’est la preuve qu’on ne naît pas crétin : on le devient ! » — comme aurait dit Simone de Beauvoir, féministe suspecte qui fréquentait des intellectuels blancs).

Syndrome de Stockholm

Le long article, très fouillé, de François Bousquet analyse en profondeur la façon dont, dans des écoles, collèges ou lycées où ils sont minoritaires, les jeunes Blancs sont sommés par leurs condisciples « racisés » de s’humilier, sous peine de passer pour racistes et islamophobes. De faire le ramadan même s’ils sont chrétiens. D’agiter des drapeaux palestiniens même s’ils sont juifs. De s’habiller comme la racaille dominante, dans un processus que Bousquet assimile avec justesse à un véritable syndrome de Stockholm.

Ce sont les mêmes que vous trouvez à Sciences-Po, stigmatisant les étudiants juifs et soupçonnant de sionisme rampant tous ceux qui qualifient les événements du 7 octobre 2023 de génocide, LFI de rassemblement pro-islamiste, et la mort des leaders meurtriers du Hamas — sur lui reconnaissance et bénédiction — de grande nouvelle, de nature à bien commencer l’année juive qui justement débute…

(Au passage, je suggère à Jean-Luc Mélenchon et à ses sbires de prendre un abonnement chez Interflora : au rythme auquel leurs amis se font éparpiller façon puzzle à Gaza ou au sud Liban, il sera plus économique de mensualiser ses envois de couronnes mortuaires).

Le Blanc est celui qui s’habille différemment, qui a de bons résultats scolaires (avez-vous réfléchi à ce que signifiait l’usage péjoratif en classe du mot « intellectuel ?), qui ne prie pas le même dieu. La Blanche est cette chair offerte aux frustrations des racisés auxquels on interdit de toucher leurs coreligionnaires hors mariage — allez voir sur le site porno blacksonblondes la façon dont ces charmants garçons traitent les jeunes « Gauloises ». Elle a d’ailleurs peu à peu intégré l’idée qu’elle doit s’offrir pour racheter les fautes de ses ancêtres esclavagistes — étant entendu que jamais Arabes ni Africains n’ont mis qui que ce soit en esclavage : ils ne risquent pas de le savoir, les enseignants hésitant fort à exposer des faits, et préférant propager des légendes.

Le comble, c’est que l’adolescent blanc est dominé dans les faits, quand il n’est pas tout simplement éliminé, alors qu’il est traité comme dominant dans les représentations médiatiques, souligne justement Bousquet. Inversion orwellienne, vous dis-je. Si je n’avais pas renoncé à écrire des essais, cela ferait un vrai sujet de livre : le monde occidental fonctionne désormais sur une boussole qui indique le sud.

À noter que les bobos — enseignants ou journalistes au premier chef — plaident pour une vraie mixité sociale à l’école, mais se gardent bien d’inscrire leurs enfants dans les établissements ghettoïsés et racisés auxquels la carte scolaire semblait les condamner. « Tu comprends, moi, c’est pas pareil », clament-ils. Libé en avait fait jadis le constat affligé. Le « Fais ce que je te dis » n’est pas à usage interne. Comme dit Bousquet, « le choix de l’établissement scolaire est un révélateur chimique des stratégies sociales. »

Il faudrait avoir le courage — mais j’ai expliqué dans mon dernier livre, l’Ecole sous emprise, que c’est ce qui manque le plus, avec la connaissance, aux enseignants d’aujourd’hui — de dire la vérité, sur l’esclavage, sur le racisme, sur Israël, et sur les manipulations auxquelles se livre la confrérie des Frères musulmans (à propos, où en est l’enquête diligentée par Darmanin pour établir la dangerosité de ces fondamentalistes exclus de la plupart des pays… musulmans ?). Mais cela suppose de sortir par le haut de ce monde orwellien, au lieu de s’humilier à baiser les pieds des racailles.

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Destroyer 666, le groupe de la discorde

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Le groupe australien de metal Destroyer 666. DR.

À La Mézière (35), le festival de métal Samaïn Fest annule la venue du groupe Deströyer 666


Le 12ème festival de musique « Samain Fest » se déroulera du 24 au 26 octobre dans le nord de Rennes devant cinq cent passionnés de rock et de musique métal. Ce festival soutient un réseau d’écoles privées bretonnantes, qui scolarise 4 000 élèves de Rennes à Quimper. Une langue bretonne défendue pendant le festival lui-même, puisque des cours sont proposés dans la programmation. 

Porté par son succès, le festival réalise l’exploit d’inviter des groupes plutôt habitués à la démesure du gigantesque Hellfest voisin ; cet automne, il a dû toutefois faire face à la première grosse polémique de son existence. Neuf jours avant l’évènement, Mediapart a déploré la venue du groupe Destroyer 666, qualifié de « raciste et misogyne » par le média d’Edwy Plenel. Aussitôt, le festival a annoncé la déprogrammation du groupe australien, qui devait être la tête d’affiche du 26 octobre. Destroyer 666 est un groupe de black-metal, un style où la violence, le satanisme et le paganisme cohabitent allègrement. Si l’œuvre du groupe (auteur de sept albums depuis 1997) se montre typique du folklore black-metal sans écueil notoire – ce qui lui permet de jouir d’une certaine notoriété – son chanteur (parfois bien chauffé par les molécules éthyliques dégustées en tournée) a montré à maintes reprises un comportement outrancier à l’encontre de l’extrême-gauche, de l’islam ou encore du mouvement #MeToo. À travers les propos de celui-ci, se pose ici la question de la distinction entre une œuvre et la personnalité de son artiste. L’émotion suscitée par la programmation de Destroyer 666 n’est-elle pas hypocrite, quelques semaines après l’omniprésence sur les écrans de Snoop Dogg, adepte de white face et de fumette, lors des derniers Jeux Olympiques ?

Une question qui divise la communauté métal : les uns accusent Mediapart de mener une chasse aux sorcières ; d’autres souhaitent carrément boycotter le festival, l’accusant de céder aux pressions de l’extrême-gauche et d’autres encore – plus inhabituel dans l’univers de la musique métal – ont applaudi cette déprogrammation. Cette ambiance délétère a poussé le festival à créer en toute urgence un stand de prévention où la dénonciation de tout comportement déplacé sera encouragée. Une polémique qui pourrait menacer l’avenir du festival, pour le plus grand malheur des écoles bretonnes.

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La fille de son père

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Isabelle Pandazopoulos © @arthurlacomblez

Isabelle Pandazopoulos signe un premier roman mettant en scène une psychanalyste méconnue: Anna Freud.


Le célèbre psychanalyste Sigmund Freud eut, avec sa femme Martha, six enfants. Anna fut la petite dernière. Celle qui donna le plus de fil à retordre à son père. Celle, aussi, avec laquelle il noua une relation éminemment complexe. C’est à elle, vilain petit canard de la portée, que l’écrivaine Isabelle Pandazopoulos consacre son premier roman. Un personnage fascinant qui aurait pu faire sienne la phrase de Marie Darrieussecq : « Les femmes n’ont pas de nom. Elles ont un prénom. (…) Elles s’inventent dans un monde d’hommes, par effraction. »

Le principe du cordonnier mal chaussé

Pour Anna tout fut difficile et ce dès la naissance. Enfant non désirée, elle sera mal aimée par sa mère. Son enfance sera jalonnée de différents maux psychosomatiques, dont la dépression et l’anorexie. Elle nourrira une jalousie morbide pour ses frères et sœurs, n’ayant qu’un seul rêve : être la préférée de son père. Durant trois années, Freud la prendra en analyse, à raison de trois séances par semaine. Même si analyser ses proches était déjà largement déconseillé, nombreux furent ceux, à l’époque, qui passèrent outre cette recommandation. Anna, contrairement aux femmes de sa famille, émit très tôt le souhait de travailler mais ses parents s’y opposèrent. Opiniâtre, elle parviendra pourtant à ses fins et deviendra institutrice. Métier auquel elle finira par renoncer du fait de sa santé fragile. Le roman s’ouvre en 1946. Anna est entre la vie et la mort. Pour prendre soin d’elle sa mère a fait appel à une garde malade à laquelle Anna va conter l’histoire de sa vie. Les chapitres alternent harmonieusement entre passé et présent. 1946 à Londres, où la famille Freud est venue se réfugier à la veille de la guerre. 1920, à Vienne, où Anna fit ses premiers pas en tant que psychanalyste pour enfants. C’est la formidable ascension de cette jeune femme fragile que retrace l’écrivaine avec une empathie communicative.

Émancipation impossible

Tout au long de son parcours Anna sera soutenue par l’écrivaine Lou Andréas Salomé et, malgré leur différence d’âge, les deux femmes resteront soudées à vie. Le chemin d’Anna Freud croisera aussi celui de l’Américaine Dorothy Burlingham. L’attirance entre les deux femmes est immédiate. Mais le terme d’homosexualité jamais prononcé. Celle-ci était alors considérée comme une déviance et empêchait d’exercer en tant que psychanalyste. Anna Freud avait donc toutes les raisons d’être discrète. « Ne jamais rien en dire. A personne. Jamais. A personne. A lui non plus. Elle s’en ferait une règle absolue ». On peut cependant arguer qu’il ne fut pas dupe. Au fil des pages, Isabelle Pandazopoulos explore avec infiniment de subtilité la relation d’Anna et Sigmund Freud. Une relation ô combien ambiguë. Sa vie durant Anna cherchera à s’émanciper de la figure du père et y restera pourtant maladivement attachée. Après sa mort en 1939, elle écrira « je l’emporterai avec moi. C’est avec lui que je veux être enterrée. C’est ça que je veux, m’enrouler dans son odeur et disparaître, comme sa bien-aimée, sa seule aimée, son unique enfant ». Avec Les Sept maisons d’Anna, Isabelle Pandazopoulos signe une remarquable biographie romancée qui a le mérite de mettre en lumière une fille, mais aussi son célèbre père au soir de sa vie. Passionnant.

368 pages.

Les Sept maisons d'Anna Freud

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Le premier Labro est enfin arrivé!

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Jean-Claude Bouillon dans "Tout peut arriver" (1969) de Philippe Labro © Editions Montparnasse

Les éditions Montparnasse éditent « Tout peut arriver » dans une version haute définition, le premier film du parolier, écrivain, journaliste et homme des médias, dernier représentant de la grande presse.


Tout peut arriver ! Mais il aura fallu être sacrément patient durant ces longues années, plus d’un demi-siècle. Nous sommes enfin récompensés. Car il nous tardait de voir dans son intégralité et avec une bonne qualité d’image, ce témoignage visuel et sonore d’après mai 1968, ses tâtonnements esthétiques et sa féroce fraîcheur, le phénomène Luchini dans sa juvénile exubérance et un Paris déjà en voie de transformation architecturale.

Claude Mauriac n’a-t-il pas écrit dans le Figaro Littéraire à propos de cette constellation d’images : « c’est sublime mais du plus familier et du plus quotidien. Ce que dans ces belles et sobres images l’éphémère implique d’éternité ». Je ne suis pas très objectif, je tiens à l’avouer tout de suite, j’aime le cinéma de Philippe Labro, son manichéisme classieux et son romantisme arriviste, son goût appuyé pour les puissants et les femmes au regard absent, sa vénération pour l’actualité à chaud et son américanisme de campus à la sauce preppy. Je n’ai pas peur de le dire, j’aime L’Héritier, L’Alpagueur ou encore Rive droite, rive gauche. Il est l’un des rares cinéastes à avoir su filmer la froideur des hôtels particuliers, les diplomates levantins à Rolls-Royce et à mocassins à pampilles et les call-girls faussement affranchies, tout un fumet vaporeux délicieux. J’aime ce folklore-là. Nous étions nombreux à attendre dans une version restaurée en HD la ressortie de son premier film. Il était bien passé, un jour, à la télévision sur une chaîne de la TNT. Puis, plus aucune trace. Quelques captures d’écran circulaient sur le net mais à mesure qu’on allait l’oublier, les cinéphiles de la bande du Drugstore en firent un objet d’adoration. Le culte naît de la contingence. Parce qu’on peut tout reprocher à Labro sauf son sens de l’observation, son œil capture tout.

A lire aussi, Stéphane Germain: Dans l’enfer ultraprogressiste

Quand Labro film l’année 1969, il encapsule l’air de son époque comme nul autre réalisateur. Tout est authentique et certifié, les bagnoles, les costumes, les coupes de cheveux, les menus des restaurants, les comptoirs de banque et les addictions. Ce long (court) métrage de 1 h 19 mn, encore assez artisanal dans la forme n’en possède pas moins la grâce des jouets patinés. Malgré quelques imperfections techniques mineures, on suit avec plaisir la déambulation de Philippe Marlot (Jean-Claude Bouillon), grand reporter et double de fiction de Labro dans une France qu’il ne reconnaît plus. Il arrive des États-Unis, il a couvert des conflits sanglants. Instable et tempétueux, cherchant maladroitement son chemin dans l’existence, Marlot est imprégné de toute une mythologie du journaliste à succès. Sombre et bagarreur. Jouisseur et mélancolique. Il est une caricature de détective privé, il est imbibé de cinéma US, il porte des santiags et le trench-coat clair, il séduit ses rédacteurs en chef et les étudiantes étrangères de l’université de Dijon. Il est le représentant d’un monde en décomposition. Il est naïf et poseur, et cependant on ne peut pas lui reprocher d’être insincère avec les autres.

Éditions Montparnasse

Sous le prétexte de rechercher Laura, son épouse disparue, il voyage en auto-stop et rumine des thèmes chers à Labro que sont les icônes des yéyés en phase terminale de vedettariat, les parties fines dans les légations des beaux quartiers, la drogue qui s’empare de la jeunesse, les idéologies boursouflées, le souvenir de la guerre d’Algérie, l’apparition d’un héros pré-houellebecquien, le cadre en rupture familiale et pris par le dégoût de son existence vaine, un dandysme du samedi soir, des boîtes de nuit à la Régine et les petits matins patibulaires. Sur une partition musicale signée Eddy Vartan, « Tout peut arriver » a le charme des premières fois, il sonne juste même dans son égocentrisme fleur bleue. Labro dit dans le très instructif bonus qui dure 35 minutes que le casting est primordial dans la réussite d’un film. Et Labro sait choisir ses acteurs, même pour une apparition fugace, le name-dropping et l’entre-soi ne lui font pas peur. On croise Chantal Goya dans une aérogare, Catherine Deneuve au chignon structuré et à la merveilleuse diction fracassante, l’excellent André Falcon, la jeune débutante Catherine Allégret, l’oublié Jacques Lanzmann, la sublissime Prudence Harrington et puis Fabrice, l’apprenti-coiffeur kierkegaardien en blazer et Solex. De toute façon, un film où les hommes ont le souci de cirer leurs semelles en cuir comme Vittorio de Sica demeure un film de référence.

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Le dernier roi des Halles

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Vincent Limouzin, patron du Bistrot des Halles © Hannah Assouline

À la tête du Bistrot des Halles, Vincent Limouzin entretient la tradition bistrotière qui a fait la réputation du ventre de Paris. Dans un décor inchangé depuis les années 1950, il sert une cuisine canaille savoureuse et les vins de vignerons qu’il connaît. Ses clients deviennent vite des habitués et, surtout, des amis.


Le Bistrot des Halles, quand on le connaît et qu’on l’aime, c’est comme une deuxième maison. On y retrouve souvent les mêmes têtes. Et avec le personnel, on finit par avoir l’impression d’être en famille. Quand on y est, on n’a plus vraiment envie d’en sortir. On a toujours envie d’un dernier verre, d’un dernier rire. C’est un bistrot comme on en trouve de moins en moins, surtout à Paris !

Tout cela tient à son patron, Vincent Limouzin. Un sacré gaillard. Un gars à l’ancienne. Rien qu’à voir le colosse, on comprend vite que l’établissement n’est pas végan. Ici, à peine avez-vous commandé un verre, même au comptoir, qu’on vous apporte une petite assiette d’une délicieuse saucisse sèche finement tranchée sans vous demander votre avis. Le comptoir… il est beau ici, il brille ! On adore s’y attarder. On y entend souvent parler de rugby ou de chasse, les deux passions du patron. Les casse-croûtes qu’on y sert à midi font l’âme de l’endroit. Casse-croûte oui, le mot « sandwich » est banni de la maison. La charcuterie et les fromages au lait cru (servis à température !) glissés dans une baguette croustillante constituent un morceau de haute volée. À table défilent les classiques de la cuisine canaille : œufs mayo, escargots, céleri rémoulade aux écrevisses, harengs pomme à l’huile, andouillette et filet de rumsteck-frites… Il n’est pas rare non plus de tomber sur de savoureux ris d’agneau à la grenobloise ou sur une belle tête de veau. Une cuisine sans chichis, généreuse, parfaitement réalisée et soigneusement présentée. Pas de doutes, nous sommes aux Halles ! Ou plutôt dans l’un de ses vestiges dont Vincent est le gardien, le sauveur. Son bistrot – resté dans son jus des années cinquante avec ardoises, néons, nappes et serviettes à carreaux – est un petit îlot de résistance au cœur de ce quartier dont l’âme a disparu. On y rit, on y mange, on y boit parfois à grosse lampée, c’est une douce fête. Même au déjeuner, la clientèle (toujours plutôt bien habillée) n’hésite pas à festoyer au champagne avant de retourner bosser. La vie quoi ! « Le champagne, c’est un peu moi qui l’ai imposé ici. Comme j’en bois souvent, les clients et les amis me suivent ! » explique le patron. D’ailleurs, on y croise souvent Arnaud Jacquinet, grand personnage de la maison Moët et Chandon. Vincent est un bon vivant et sa gourmandise, sa générosité soufflent dans ce bel établissement. « Je suis Vendéen. Fils de charcutier. Depuis petit, j’ai toujours aimé le commerce. Le fait que le client se régale, qu’il passe un bon moment, c’est un plaisir que je partage avec lui. » La restauration, c’est sa vie. D’abord chef de partie, puis sous-chef de cuisine dans plusieurs établissements renommés, il devient finalement chef de cuisine à la Maison de l’Amérique latine, où il officie pendant quatre ans. Mais son truc, c’est le bistrot. Après plusieurs affaires prises en gérance, il se tourne il y a neuf ans vers un petit troquet de l’ancien ventre de Paris : Le Bistrot des Halles. Et c’est là qu’il donne toute sa dimension. « Ici j’ai trouvé ce qui me ressemblait. Un petit bistrot familial dans lequel je pouvais faire vivre ma vision de la restauration : les bons produits, la simplicité, le réconfort, le partage, la joie, les rires. » Et c’est un pari réussi ! C’est un refuge. Le clafoutis qui, toujours, repose derrière le comptoir nous rassure. Tout comme la savoureuse terrine maison, dont le père de Vincent n’aurait pas été peu fier. Et puis la gentillesse du personnel ! Leurs sourires ! Leur diplomatie, leur sérieux et leur efficacité sont dignes des grandes tables parisiennes. La clientèle forme elle aussi une joyeuse troupe. Ici, on retrouve le monde du vin, du rugby, de la chasse, des courses hippiques et de Rungis. Hommes d’affaires et avocats côtoient ouvriers et gourmets. Le matin, dès l’ouverture à sept heures, les éboueurs sont là pour le petit déjeuner. Quelle que soit l’heure à laquelle on passe, on ressort avec un peu plus de joie au cœur. Le Bistrot affiche souvent complet mais le patron essaie toujours de vous trouver une petite table. « Ça peut paraître naïf, mais j’aime les gens. Avec mon équipe, on donne tout pour que le passage au Bistrot soit pour chacun une parenthèse dans leur journée. Un petit moment de bonheur. »

Fondant de boeuf braisé aux carottes

Il serait malhonnête de dire que le vin ne participe pas de ce bonheur. Vincent Limouzin travaille majoritairement en direct avec les vignerons. La bouteille emblématique de la maison est le Saint-Amour de chez Bataillard. Et le Chitry rouge du domaine Colbois n’est pas mal non plus… En 2019, le Bistrot reçoit le prix de la Bouteille d’or décerné par l’association Tradition du vin. « J’ai la chance d’avoir une clientèle de bons vivants. Ici, on voit assez peu d’eau sur les tables. Mes clients sont un peu à mon image. Et d’ailleurs, ils participent de l’âme de ce bistrot. » Vous l’aurez compris, Le Bistrot des Halles et son patron, ogre au grand cœur, sont indissociables. On vient autant pour l’un que pour l’autre. Et c’est pour ça que ça fonctionne ! « Pour que ça tourne, il faut que le taulier soit toujours présent. C’est ce qui fait ma force ici. Et ça, c’est de plus en plus rare. Enfant, j’ai vu mon père vivre pour les clients, uniquement pour eux. Eh bien je crois pouvoir dire qu’aujourd’hui, dans mon domaine à moi, je fais perdurer l’esprit de mon père. » Pour ma part, quand je franchis la porte de cette maison, je pense à cette phrase que prononce une amie à chaque moment de joie intense : « La vie, ça devrait toujours être comme ça ! »

Le Bistrot des Halles

15, rue des Halles
75001 Paris
Tél. : 01 42 36 91 69

Les cartons de Robbe-Grillet

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Emmanuelle Lambert © Dorian Prost

Dans son nouveau roman, Emmanuelle Lambert dissèque habilement la personnalité de l’écrivain Alain Robbe-Grillet.


On pourrait croire que le titre retenu pour cet article est celui d’un roman d’Alain Robbe-Grillet ; comme en écho au titre Les Gommes, son premier succès qui révolutionne la littérature en 1953 car, dit-il, on ne peut plus écrire de la même façon depuis la découverte des camps d’extermination nazis.

Mais il faut que je parle d’elle, de cette jeune femme de 20 ans, provinciale un peu naïve, qui cherche un job alimentaire tout en poursuivant ses études. Elle est recrutée par l’Institut, à Paris, qui accueille les archives des grands écrivains. Il s’agit de l’Imec – Institut Mémoires de l’édition contemporaine – qui, plus tard, s’installera dans l’abbaye d’Ardenne en Normandie. Elle côtoie trois personnes : Joseph, le Chef, l’Adjointe ; microcosme pas franchement sympathique. Elle, c’est Emmanuelle Lambert, auteure de Aucun respect, roman original, nerveux, un brin ironique. C’est autobiographique, donc. Mais c’est aussi une biographie subjective et fragmentée du « pape du Nouveau Roman », Alain Robbe-Grillet (1922-2008). Un jour, elle le voit débouler à l’Institut. Presque 80 ans, regard malicieux, barbe shakespearienne, voix grave avec un zest de préciosité. C’est le début d’une relation complexe dont Emmanuelle Lambert avait déjà rendu-compte dans Mon grand écrivain (2009), publié par Benoît Peeters, lui-même auteur d’une remarquable biographie de Robbe-Grillet (Flammarion, 2022*), qui apparait sous les traits d’un certain Éloi dans Aucun respect. La jeune femme, qui connaît mal l’œuvre de l’écrivain, est chargée de classer ses archives léguées à l’Imec. Cela représente des dizaines de cartons. Robbe-Grillet, en effet, conservait tout, notamment les articles de presse depuis ses débuts tonitruants au début des années 1950. C’est ce que l’auteure appelle un « accumulateur ». Extrait : « Les femmes de sa famille étaient des expertes en accumulation. En apparence bien plus raisonnable, ordonné, scientifique, dur à la réflexion et au travail, Robbe-Grillet l’était aussi. Peut-être en souvenir de ses parents, père revenu demi-fou de la guerre de 14-18, mère fantasque, intelligente ; et surtout du petit garçon bizarre qu’il avait été et qui, souvent, voyait son double. » Nous entrons de plain-pied dans l’univers fantasmagorique de l’écrivain, de celui dont on a dit qu’il aurait dû être à l’asile, pas dans les librairies. C’est que l’homme, ingénieur de formation, adorant les arbres et collectionnant les cactées, avait de puissants fantasmes qu’il n’hésitait pas à coucher sur le papier ou à mettre en scène dans des films érotiques expérimentaux. Robbe-Grillet n’a pas seulement explosé la narration, en réponse à l’absurdité du monde, il a aussi dynamité la morale. Ce qui l’a rendu célèbre dans le monde entier, en particulier aux États-Unis où bon nombre d’étudiants ont appris le français en lisant La Jalousie (1957), le chef-d’œuvre de Robbe-Grillet, selon Emmanuelle Lambert.

A lire aussi: Le juste prix du vin

La personnalité de l’écrivain est habilement disséquée. Extrait : « À force de lecture, elle avait commencé à comprendre une chose : quel que soit son interlocuteur, Robbe-Grillet, dans ses entretiens, mettait en place le même dispositif. On lui posait une question, il y répondait avec beaucoup de soin. Tellement de soin qu’il finissait par répondre à tout autre chose. À une question intérieure. » Tout l’enjeu est là. Intelligent, habile, ayant beaucoup d’humour, parfois féroce, Robbe-Grillet brouille les pistes, c’est jouissif. Enfin quelqu’un qui pourfend l’esprit de sérieux ! Invitée dans son château du Mesnil-au-Grain, près de Caen, elle fait la connaissance de Catherine Robbe-Grillet, la femme de l’écrivain, experte en soirées sado-maso, qu’elle nomme « cérémonies », évoquées dans l’un de ses livres, Cérémonies de femmes, publié pour la première fois chez Grasset, en 1985, sous le pseudonyme de Jeanne de Berg. La jeune femme est troublée par le charisme de celle qui ne fut jamais pénétrée par son mari. À propos de la spécialiste de la jouissance dans les supplices, Emmanuelle Lambert note : « Madame Robbe-Grillet, elle, aurait pu être le résultat d’une expérience scientifique visant à réduire un organisme à son expression la plus concentrée, par le tressage de la pulsation vitale des êtres de chair avec la condensation extrême des minéraux. »

Emmanuelle Lambert doit également préparer une exposition sur Robbe-Grillet. L’écrivain n’est pas vraiment séduit par le projet, il préfère garder son énergie pour terminer un livre, pas nommé. Les connaisseurs reconnaîtront La Reprise, son dernier roman. Mais cela permet d’approfondir la relation nouée entre la jeune femme et Robbe-Grillet, et de mettre davantage en lumière la psyché d’un homme fort secret. Il est tantôt aimable, tantôt grincheux, toujours caustique. C’est jubilatoire, même si les longs passages sur la vie privée d’Emmanuelle Lambert ne manquent pas non plus d’intérêt. On est intrigué par Axel, son petit ami dont la peau a « l’odeur de sucre roux ».

L’auteur du Voyeur, vertigineux roman, qui a toujours aimé le scandale – il a été élu à l’Académie française mais a refusé d’y siéger – commet un ultime ouvrage peu recommandable, un « conte pour adultes », dont il aurait pu faire l’économie – publié chez Fayard et non aux Éditions de Minuit, son éditeur historique. Les critiques l’assassinent. L’un deux, transformé en Fouquier-Tinville germanopratin, lui lance : « C’est pas une bonne action, votre livre ». Rire de l’écrivain qui le traite de con. Décrire ses fantasmes, ce n’est pas les réaliser. Ou alors il faut interdire le théâtre antique grec, et rayer le mot catharsis du vocabulaire. Robbe-Grillet réaffirme que la littérature doit ignorer la morale. Elle est du côté du mal, pour paraphraser Georges Bataille. Mais nous sommes au début de l’ère #MeToo… Emmanuelle Lambert rappelle que les femmes désormais « l’ouvrent » et n’acceptent plus d’être objectivées. Robbe-Grillet, guère lu aujourd’hui, comme tant d’autres, risque donc d’être passé au tamis du wokisme. En attendant, lisons, relisons, l’œuvre de cet écrivain majeur qui a su donner à l’acte créateur l’indispensable et trop rare originalité sismique. Le livre de cette jeune fille « très normale », d’après Catherine Robbe-Grillet, devenue romancière, nous y invite.

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* Lire à ce propos, l’article de Pascal Louvrier, Robbe-Grillet portrait du joueur, mis en ligne sur le site de Causeur, 22 octobre 2022.

Staraselski, un réac de gauche ?

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Valère Staraselski. DR.

Le romancier et essayiste Valère Staraselski publie un recueil de chroniques qui défend une pensée de gauche non inféodée à LFI. Cette vision, honnête et intelligente, lui a fait perdre quelques camarades…


Il n’est pas courant que l’on puisse lire une prose de gauche qui possède les mêmes repères intellectuels – voire les mêmes fondements civilisationnels – que la majorité des habitants de France. Non infecté par le wokisme ambiant, l’écrivain Valère Staraselski, communiste de longue date, parle le langage de tout le monde. Il se situe dans la lignée idéologique d’un Pasolini qui rappelait que « le fascisme peut revenir sur la scène à condition qu’il s’appelle anti-fascisme » (Lettres luthériennes, 1976).
Ce romancier vient de publier un choix de chroniques qui tranchent avec « la dangereuse logorrhée délirante des intellectuels aux petits pieds et aux grandes gueules de la gauche mélenchoniste », écrit-il.
S’il n’y est nulle part question du chef de LFI, c’est que précisément l’auteur entend indiquer qu’existe une politique, mieux, une pensée de gauche non inféodée aux choix politiques de Mélenchon et de ses affidés. De l’antisémitisme de gauche en passant par la reconnaissance du sentiment national comme du christianisme jusqu’au communisme revu par l’Italien Losurdo, Staraselski argumente ; c’est honnête et ça tient la route.
Ne cherchez pas dans L’Humanité une quelconque recension ou critique de son livre. Cet écrivain est désormais banni après qu’un article du Figaro l’a présenté comme un intellectuel « proche du secrétaire national du PCF » et « féru d’une histoire de France qui ne commence pas à la Révolution ». Impardonnable, n’est-ce pas ? Que disait Pasolini déjà…

Loin, très loin de Jean-Luc Mélenchon. Du pape François à Domenico Losurdo, penseur du communisme, Valère Staraselski, préface d’Arlette Vidal-Naquet, L’Harmattan, 2024. 158 pages.

« Ceux qui rougissent » ou le théâtre de la fureur

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Milla Kuentz et Julien Gaspar-Oliveri, "Ceux qui rougissent" © Melocoton

Dans sa mini-série visible sur Arte, Julien Gaspar-Oliveri rend un vibrant hommage aux cours de théâtre au lycée et à leurs vertus. Fortiche.


Mon premier est un cours de théâtre bouillonnant qui a lieu dans une salle de sport d’un lycée, mon deuxième est une répétition du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare qui n’en est pas vraiment une, mon troisième est la présence d’un prof de théâtre qui va chercher ses élèves autant qu’il semble se chercher lui-même. Et mon tout est une minisérie d’Arte (8 épisodes de 11 minutes) : Ceux qui rougissent, qui a obtenu le prix du meilleur format court au festival Séries Mania de Lille. Et j’ajouterais que mon tout est exceptionnel et vaut que l’on s’y attarde. Cela aurait pu être tout bête et assez banal, et même pourquoi pas simplement réussi. Des élèves option théâtre d’un lycée de province lambda répètent une pièce de Shakespeare. Auraient alors été abordés : leurs rapports au théâtre, la découverte des sentiments et les difficultés liées à l’adolescence. Seulement, la série écrite et mise en scène par Julien Gaspar-Oliveri propose bien plus que tout cela.

Julien Gaspar-Oliveri interprète un prof de théâtre remplaçant qui déboule un beau matin, et qui va tout chambouler. Au début, les protagonistes vont bien sûr commencer par être et faire ce que l’on demande à des élèves d’une option théâtre au lycée en temps normal. La « belle gosse » de la troupe va râler car elle veut garder le rôle principal de la pièce, et la bonne élève va commencer à réciter ce qui semble être la fiche Wikipedia du Songe d’une nuit d’été. Stoop ! On arrête tout ! Nous sommes dans une salle de sport, souvenez-vous, donc le prof demande à ses élèves de se mettre à courir.

– « Mais monsieur, c’est un cours de sport ou un cours de théâtre ? »

– « C’est la même chose ! » leur répond-il.

 Et là nous allons pouvoir commencer à réfléchir…

Une école de la vie

Julien Gaspar-Oliveri, auteur et réalisateur de la série, est lui-même comédien et enseigne l’art dramatique. Il m’a dit avoir commencé le théâtre à l’âge de huit ans, qu’il était nul à l’école et que c’est la pratique de l’art dramatique qui lui a tout appris de la vie, en plus de l’existence des grands auteurs. Par cette série, il veut, en quelque sorte, rendre ce qui lui a été donné.

Je lui ai aussi posé quelques questions sur le casting. Car Julien Gaspar-Oliveri a également réussi l’exploit de constituer un groupe homogène avec des personnalités totalement hétérogènes : « J’ai enfermé les jeunes dans un espace clos, puis je suis rentré, caméra au poing, en hurlant « qui veut vraiment faire du théâtre ? », je me suis intéressé à ceux qui voulaient fuir, à ceux qui avaient pris peur, c’est l’accident qui m’intéresse, de l’accident nait la vérité. » Et dans la série, Dieu sait que jaillissent des accidents heureux. Comme par exemple lorsque le prof (dont on ne connaîtra jamais le prénom) demande à ses élèves d’incarner un de leurs parents, père ou mère. Un jeune homme d’origine africaine se met à imiter sa mère, qui ne cesse de répéter que son fils est un bon garçon, doué, mais qui ne fout rien. Et là, nous ressentons toute l’émotion du gamin, peut-être même une prise de conscience. « C’est par les personnages qu’on fabrique une langue », me dit le metteur en scène.

A lire aussi: Promenade magistrale sur les chemins de la littérature

Joue-la comme Artaud

Effectivement, tout au long de la série, nous voyons les personnages s’approprier leur propre langage. À travers le corps parfois poussé à bout, la transe, leurs confessions ou les engueulades du prof. Non, nous ne sommes pas dans un théâtre des années 70 comme pourraient le penser ici certains lecteurs. Nous sommes dans une quête de vérité. « Le corps, c’est de la pensée », me dit le réalisateur. Et là, nous pensons forcément au Théâtre et son double d’Antonin Artaud et les personnages pourraient s’exclamer avec le génial poète « fou » : « Quand je vis, je ne me sens pas vivre. Mais quand je joue, c’est là que je me sens exister. » Tout le travail de Julien Gaspar-Oliveri réside dans cette simple phrase. Lorsqu’un jeune auteur de théâtre et de courts métrages, en 2024, vous fait penser à Artaud, je dis chapeau, je dis bravo. « Mec », ne lâche rien ! Dans Le songe d’une nuit d’été – il est vrai que nous finissons par oublier que les jeunes sont censés répéter ce chef-d’œuvre de Shakespeare… – pullulent fées et autres lutins. Chez Shakespeare, le surnaturel côtoie toujours le réel. L’étymologie de fée est « fatum » : destinée, en latin. Et si la destinée des jeunes protagonistes de Ceux qui rougissent, c’était d’avoir rencontré Julien Gaspar-Oliveri ?

Avant de terminer, un dernier mot sur le titre de la série, si beau et intriguant. Il a été trouvé par la mère d’une des actrices de la série, qui s’est exclamée : « Ils ont été choisis parce qu’ils rougissent de l’intérieur ».


Ceux qui rougissent Mini-série en 1 saison de 8 épisodes de 11 minutes disponible sur ARTE jusqu’au 22/02/2024.

Quand les Américains élisent, les Ukrainiens s’enlisent

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Volodymyr Zelensky et Charles Michel, 17 octobre 2024, Bruxelles © Geert Vanden Wijngaert/AP/SIPA

Impossible n’est pas ukrainien ? Son pays est en difficulté sur le front, mais le président Volodymyr Zelensky a présenté un “plan de victoire” à ses alliés, à Bruxelles, jeudi. Les nouvelles demandes ukrainiennes adressées aux Occidentaux interviennent alors que les Américains se rendent aux urnes dans quelques jours, et alors que le conflit est passé au second plan à cause de la guerre au Proche-Orient.


Volodymyr Zelensky était jeudi 17 octobre à Bruxelles pour présenter son « plan de victoire » en cinq axes au Parlement européen. Actuellement, la situation militaire est difficile pour l’armée ukrainienne dans le Donbass, où la Russie grignote quotidiennement du terrain. Les gains ukrainiens d’août 2023 dans la région de Koursk, s’ils ont surpris Moscou, ne sont pas de nature à changer le cours de la guerre. Vladimir Poutine a mobilisé l’ensemble de la société russe pour satisfaire ses appétits de conquête… ainsi que ses alliés étrangers. Le soutien de la République Populaire de Corée se montre de plus en plus concret, les services de renseignement sud-coréens ayant révélé que des soldats nord-coréens seront prochainement déployés vers le théâtre d’opérations ukrainien. Ce sont 1500 membres des forces spéciales du régime communiste qui sont désormais sur le pied à Vladivostok, bientôt rejoints par des troupes régulières.

« L’accroissement de la coopération croisée et du soutien militaire de la Corée du Nord à l’effort de guerre russe en Ukraine sont très inquiétants », a réagi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère des Affaires étrangères français. L’officialisation de l’alliance russo-coréenne est effectivement une source majeure d’inquiétudes, alors que le monde semble au bord d’une catastrophe collective. Nous n’avonsjamais été si près du danger depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est pour cela qu’il faut écouter avec attention les propos de M. Zelensky qui est aujourd’hui le seul à tenter de proposer une issue militaire au conflit aux alliés ainsi qu’un plan de paix à la Russie – qui, elle, attend une reddition de son adversaire.

Cinq points

Le plan présenté par l’Ukraine montre une certaine constance stratégique. Le premier point porte sur l’adhésion du pays à l’OTAN à plus ou moins brève échéance, ce qui garantirait à l’Ukraine d’être prise en compte dans « l’architecture de sécurité » de ses partenaires et alliés occidentaux. Il s’agit là d’une mesure qui serait pratique et symbolique. Pour l’heure, les partenaires divergent quant à la réponse à apporter. Il est de notoriété publique que le chancelier allemand Olaf Scholz ne voit pas cela d’un bon œil. La France et le Royaume-Uni pourraient en revanche s’y montrer favorables. Sur le plan symbolique, cela prouverait que l’invasion de l’Ukraine aurait un effet opposé aux buts de guerre poutiniens, qui visaient notamment à empêcher l’Ukraine d’intégrer l’OTAN. Il s’agirait d’un troisième revers, Finlande et Suède ayant déjà adhéré à l’OTAN du fait de la guerre d’Ukraine, Helsinki rompant ainsi avec des décennies de « neutralité ».

Le second volet est sûrement le plus important. Volodymyr Zelensky demande « le renforcement de la défense ukrainienne et la redirection de la guerre vers le territoire de la Russie ». Concrètement, l’Ukraine souhaite la levée des restrictions sur l’usage des armes de longue portée fournies par les pays alliés sur l’ensemble du territoire ukrainien occupé par la Russie, incluant donc la Crimée, et sur le territoire russe, ainsi que la poursuite de l’aide occidentale pour la formation des brigades de réserve. Il est vrai qu’il est assez sidérant d’exiger de l’Ukraine de se battre avec une main dans le dos. Par ailleurs, l’histoire récente a permis de vérifier que la Russie fixait beaucoup de lignes rouges qu’elle ne respecte pas, à l’image des États-Unis d’Obama qui avaient déclaré que l’usage d’armes chimiques par la Syrie d’Al-Assad entraineraient des conséquences… sans réagir après qu’elles aient été employées. Malheureusement, les États-Unis sont toujours très frileux dans leur soutien à l’Ukraine, comme s’ils craignaient que la Russie ne se fâche. La raison est peut-être ailleurs. Alliée notoire de l’Iran, la Russie joue de cette relation pour opérer un chantage sur Washington.

Selon Le Figaro, les États-Unis auraient demandé à la Russie d’intercéder auprès de l’Iran. Anthony Blinken et Sergueï Lavrov auraient même échangé à ce sujet au sommet de l’Asean. Le prix de la retenue iranienne obtenue par la Russie aurait un coût exorbitant : non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et interdiction de l’usage des armes à longue portée sur le territoire russe… Comment faire confiance à la Russie pour maintenir le statu quo au Moyen-Orient ? Le déclenchement de la guerre dans cette région a été une aubaine pour le Kremlin, provoquant notamment un désengagement de plus en plus patent des États-Unis dont l’opinion publique est lassée par le conflit ukrainien.

Le troisième volet proposé par Kiev est celui de la dissuasion. L’Ukraine demande le déploiement d’un « ensemble complet de moyens de dissuasion non nucléaires afin de décourager toute nouvelle agression russe ». Contrairement à ce qu’a avancé Vladimir Poutine, Volodymyr Zelensky n’a donc pas déclaré vouloir se doter de l’arme nucléaire. Il a simplement indiqué que l’Ukraine ne serait jamais en paix et en sécurité sans d’importants investissements… Ce volet est nécessaire et raisonnable.

Les deux volets suivants concernent l’arrière et l’après-guerre. Kiev invite les alliés à investir en Ukraine et promet un retour sur investissement grâce à l’expérience accumulée par l’armée ukrainienne qui sera plus tard « utilisée pour l’ensemble de l’Alliance et la défense de l’Europe ».

Un plan crédible ?

Ce plan souffre d’une inconnue : l’engagement américain. La campagne électorale américaine peut faire douter. S’il semblerait stratégiquement délirant que les États-Unis laissent la Russie emporter une victoire trop évidente qui serait perçue comme un signal de grande faiblesse, les impétrants à la Maison-Blanche ne font pas de grandes démonstrations d’amour envers Kiev. Donald Trump a à plusieurs reprises manifesté une forme de mépris à l’endroit de Volodymyr Zelinsky, qu’il juge être « le meilleur vendeur de la planète » et coûter trop cher. Il a aussi jugé que Joe Biden était « responsable » de la guerre. Son élection ferait entrer l’Ukraine dans une phase d’incertitude. Néanmoins, l’homme est orgueilleux et pourrait chercher à sortir par le haut du conflit en obtenant des résultats positifs. Son imprévisibilité rend en tout cas la tâche ukrainienne difficile pour le moment.

Quant à Kamala Harris, elle n’est pas connue pour être un faucon. Présidente du German Marshall Fund, Alexandra de Hoop Scheffer estime que la vice-présidente cherche à éviter les conflits et n’est « pas claire » sur la politique étrangère. Pis encore, elle ne « (comprendrait) pas les enjeux internationaux » et pourrait chercher à « freiner l’engagement américain en Europe »….

La Russie ne veut pas entendre parler de négociations. Ou plutôt, elle veut négocier en prenant tous les oblasts annexés et en demandant un prix exorbitant. Il est aussi absolument certain qu’elle n’en resterait pas là si son viol manifeste du droit international était impuni. Reste donc l’Europe et le génie propre aux Ukrainiens. L’Europe est un nain en matière de défense. L’ancien président du Conseil des ministres d’Italie Enrico Letta, particulièrement pessimiste sur l’issue du conflit, me confiait au sommet World In Progress Barcelone que la « France est le seul pays d’Europe avec une tradition militaire encore vigoureuse et des capacités de projection »… Si la phrase est flatteuse pour nous, elle est aussi inquiétante. L’armée française est certes performante et est la seule du continent à avoir toujours des capacités de projection, mais elle est miniaturisée et échantillonnaire. Elle n’est pas à même d’assurer à elle seule la défense du continent, surtout dans une guerre de volume comme celle que la Russie impose à l’Europe. L’Europe doit avoir une politique de défense bien plus ambitieuse pour répondre aux défis géopolitiques majeurs du temps. Une proposition évoquée est d’employer l’European Mechanism Act créé pendant la crise financière en ce sens. Pourquoi pas, mais l’heure presse… Ces politiques de long terme ne sauveront pas l’Ukraine aujourd’hui, mais elles doivent être tenues sur la livraison d’armes et la formation. La brigade Anne de Kiev est un beau symbole en ce sens.

Un autre interlocuteur, actif dans le secteur de l’innovation et de la défense en Ukraine, m’a dit la chose suivante : « Mon avis est le même que celui de Churchill en 1940. La situation est désespérée mais il n’y a pas d’autre choix que se battre et gagner. Je compte sur deux choses : l’innovation technologique des Ukrainiens qui produit des merveilles, l’élection américaine qui va débloquer beaucoup de choses pour le pire et le meilleur ». Si le pire arrive, ce sera à l’Europe d’agir. Et plus sérieusement qu’elle ne le fait déjà.

Les démocrates et le mépris des afro-américains

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La candidate démocrate à l'élection présidentielle américaine Kamala Harris invitée de l'émission populaire "The View", New York, 8 octobre 2024 © Jacquelyn Martin/AP/SIPA

L’ancien président Barack Obama s’est récemment insurgé contre le manque de soutien des hommes afro-américains à la candidate démocrate Kamala Harris, les accusant presque de sexisme. Des propos qui ne sont pas sans rappeler ceux de Joe Biden il y a quatre ans, et qui révèlent la condescendance que peut avoir la gauche américaine à l’égard de l’électorat noir.


La semaine dernière, à l’occasion d’un meeting en soutien à Kamala Harris à Pittsburgh en Pennsylvanie, celui qui a été à la tête des États-Unis de 2009 à 2017, a tenu des propos honteux à l’encontre des électeurs afro-américains de sexe masculin. Voyant le soutien de la communauté noire à Kamala Harris s’éroder, il a déclaré que « certains hommes ne sont pas à l’aise avec l’idée d’avoir une femme à la présidence » avant d’ajouter : « Vous envisagez de ne rien faire ou de soutenir quelqu’un qui a l’habitude de vous dénigrer, parce que vous pensez que c’est un signe de force, parce que c’est ce qu’est un homme ? ». 

Des déclarations scandaleuses

Ces mots, indignes de la part d’un ancien « commander in chief » montrent que Monsieur Obama et les élites démocrates traitent les afro-américains, non pas comme des électeurs comme les autres, mais comme une communauté infantilisée qu’il faut simplement séduire tous les quatre ans pour remporter l’élection présidentielle.

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Par ailleurs, ces propos mettent aussi en lumière deux éléments : un état d’esprit assez malsain et donneur de leçons considérant que les afro-américains, parce qu’ils sont afro-américains doivent par définition soutenir Kamala Harris, elle-même afro-américaine, mais également une espèce de fébrilité dans le camp démocrate. En effet, des sondages du Siena College pour le New York Times publiés les 12 et 13 octobre indiquent que Kamala Harris est moins soutenue par les minorités, notamment les électeurs noirs, que les anciens candidats démocrates à l’instar de Joe Biden, Hillary Clinton et… Obama !

« Alors vous n’êtes pas noir »

Mais, malheureusement, Barack Obama n’est pas le premier démocrate à s’illustrer par son mépris de l’électorat noir. En 2020, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle, Joe Biden avait été encore plus loin que son prédécesseur.

Lors d’une interview radio dans l’émission « The Breakfast Club » animée par Charlamagne Tha God il avait osé affirmer la chose suivante : « Si vous avez du mal à savoir si vous êtes pour moi ou pour Trump, alors vous n’êtes pas noir ». Des paroles dénigrantes voire nauséabondes.

D’ailleurs, en termes d’attitude dénigrante, la candidate démocrate a également fait fort depuis son entrée dans la course à la Maison-Blanche. Invitée du célèbre « Late show » de Stephen Colbert le 8 octobre, Kamala Harris a soudainement, selon des observateurs, pris l’accent jamaïcain. En septembre, la démocrate avait déjà pris l’accent du sud lors d’un meeting à Atlanta en Géorgie.

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Encore une fois, ne nous y trompons pas. Ceux qui se présentent tous les jours comme les ardents défenseurs des minorités, ne le sont en rien.

Le virage pro-Donald Trump des afro-américains

D’élection en élection, les minorités et plus particulièrement les afro-américains se rendent compte que la gauche se sert d’eux et ne cherchent pas, contrairement au camp conservateur, à améliorer leur qualité de vie et à préserver leur mode de vie.

C’est la raison pour laquelle, ils soutiennent de plus en plus les politiques préconisées par Donald Trump. Toujours selon l’étude du Sienna College pour le New York Times, 40 % des afro-américains soutiennent la construction d’un mur à la frontière sud. Attachés à la lutte contre l’insécurité et au « Law & Order » pour reprendre l’expression consacrée outre-Atlantique, ils sont 47 % à considérer que la criminalité dans les grandes villes est devenue incontrôlable. La vérité est que les démocrates ne répondent plus aux attentes des électeurs noirs ou quand ils le peuvent, ils ne tiennent pas leurs promesses. Même le très démocrate New York Times a reconnu que : « L’érosion du soutien à Mme Harris s’explique en grande partie par la conviction croissante que les démocrates, qui ont longtemps célébré les électeurs noirs comme la « colonne vertébrale » de leur parti, n’ont pas tenu leurs promesses ».