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Notre-Dame, des vitraux vitreux

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La cathédrale de Paris n’en a pas fini avec les polémiques. Après les chasubles bariolées de Castelbajac ou les improvisations aux grandes orgues le soir du 7 décembre, les vitraux contemporains voulus par Emmanuel Macron mobilisent contre eux tous les amoureux du patrimoine. (Causeur invite ses lecteurs à signer la pétition pour restituer les vitraux de Viollet-le-Duc).


Depuis sa réouverture, Notre-Dame accueille un nombre croissant de fidèles et de visiteurs. Depuis début décembre, 30 000 personnes franchissent son porche chaque jour, soit plus de 270 000 en trois semaines. C’est beaucoup, peut-être trop pour une dame de 800 ans, mais ce n’est pas aujourd’hui l’objet de la polémique qui entoure la cathédrale. D’autant que la polémique vire au scandale patrimonial. Emmanuel Macron voulait un « geste architectural » en lieu et place de la flèche, finalement reconstruite à l’identique. Mais il n’a vraisemblablement pas abandonné l’idée de laisser son empreinte dans les murs de Notre-Dame. Au détriment du code du patrimoine le plus élémentaire, le chef de l’État, de concert avec l’évêché, a commandé des vitraux contemporains pour remplacer, dans les chapelles sud, ceux de Viollet-le-Duc qui ont pourtant miraculeusement échappé à l’incendie. Ils ont été restaurés avec l’argent des donateurs et sont classés, comme la cathédrale dans son entier, monuments historiques.

De plus, la France a ratifié la Charte de Venise, en 1964, qui impose que l’on doit restaurer un monument historique endommagé dans « le dernier état connu » et respecter « la substance ancienne du monument ». C’est pour cette raison que la commission du Patrimoine s’est opposée, à l’unanimité, à ce projet de vitraux. Qu’à cela ne tienne : pour exécuter le vœu du prince, un comité de sélection artistique a été composé, présidé par Bernard Blistène, ancien directeur du centre Pompidou, aujourd’hui grand promoteur de l’art contemporain en France, pour désigner, de façon plutôt trouble, l’artiste qui aura l’honneur ou le déshonneur de faire disparaître Viollet-le-Duc.

Et l’heureux élu est…

Et l’heureux élu est une élue. Claire Tabouret, une artiste peintre et sculpteur française de 43 ans. Son art figuratif n’est pas ce qu’il y a de pire dans le désespérant paysage contemporain ; puis elle est la chouchoute des institutions publiques et privées. Après être passée notamment par la Villa Médicis, elle est défendue par la galerie Perrotin, est présente dans la collection François Pinault… elle coche donc toutes cases de l’artiste officiel. Parce qu’en plus, c’est une artiste engagée, voire rebelle : elle se dit anticapitaliste et décolonialiste, ce qui ne l’empêche pas de vivre et de travailler en Californie. 

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Cet engagement woke est résumé dans Libération, avec la prose de Judikael Lavrador qui est au diapason : « La manière dont elle représente les jeunes, mais aussi les migrants ou des êtres en situation précaire, n’a rien d’une image d’Épinal. Au contraire, c’est comme si ses tableaux étaient le lieu d’une revanche sourde de ces êtres vulnérables que la société plie à un rôle convenu et réduit à une existence marginale ou bien décorative. » À quoi peut ressembler l’existence décorative d’un être en situation précaire ? Je l’ignore.

En plus de l’entorse à la loi sur le patrimoine, il y a derrière ce projet une terrible malhonnêteté intellectuelle. Claire Tabouret souhaite en effet, à travers ses vitraux, rendre hommage à Viollet-le-Duc. Mais le plus bel hommage n’est-il pas de laisser l’œuvre de Viollet-le-Duc en place, puisqu’elle y est ? Non. On efface et on rend hommage à ce qu’on a effacé. C’est l’illustration parfaite de la cancel culture.

Claire Tabouret devra toutefois respecter le cahier des charges imposé par l’évêché, à savoir un programme iconographique autour de la Pentecôte. C’est d’ailleurs l’évêché qui a exigé une création figurative, alors que le candidat soutenu par Emmanuel Macron était Daniel Buren, l’inoxydable artiste officiel qui, depuis plus de 40 ans, ne fait que des rayures. 

Et cela aura bien sûr un coût. 4 millions d’euros (une paille pour un État en faillite). Cette somme ne sera pas prélevée sur les donations faites pour la reconstruction de Notre-Dame mais sur le budget de la Culture. Comme s’il n’y avait pas d’autres urgences en la matière, notamment les restaurations de sauvetage de certaines églises.

Effacer Viollet-le-Duc

L’acharnement à vouloir effacer Viollet-le-Duc remonte aux années 1950, quand l’évêché a progressivement retiré le mobilier dessiné par l’architecte (Viollet-le-Duc a créé à Notre-Dame une œuvre d’art totale), les lustres de la nef, la fameuse Couronne de lumières, ce lustre néogothique monumental qui est actuellement en dépôt à Saint-Denis, ou encore la clôture du chœur. Plus grave, on a laissé se détériorer jusqu’à la disparition, les fresques de nombreuses chapelles. Mais on a encore tous les documents, toutes les archives de l’architecte et il serait possible de les restituer, comme cela a été fait de façon éclatante en l’église Saint-Germain-des-Prés.

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Une pétition demande la conservation des vitraux de Viollet-le-Duc. Près de 255 000 personnes l’ont déjà signée et il est toujours possible de le faire (lien : https://www.change.org/p/conservons-%C3%A0-notre-dame-de-paris-les-vitraux-de-viollet-le-duc ). 

Et parce qu’il ne faut pas uniquement s’opposer mais aussi proposer, le site La Tribune de l’art a soulevé une idée intéressante. La tour nord de la cathédrale possède des baies sans vitraux, simplement composées de verre blanc. Pourquoi ne pas y installer des vitraux contemporains qui pourraient, par exemple, dans cette partie de l’édifice qui ne s’inscrit pas dans la déambulation liturgique, rendre hommage aux pompiers qui ont sauvé Notre-Dame le 15 avril 2019 ? C’est dans cette tour nord qu’ils ont lutté contre l’incendie au péril de leur vie pour empêcher les cloches de tomber – et éviter l’irréparable. Notre-Dame de Paris nous offre là une page vierge pour écrire son histoire contemporaine. Ceux qui en ont l’autorité seraient inspirés de s’en emparer, mais sans faire ni fautes de goût, ni fautes d’orthographe. 

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Claude Habib : « Aimer, c’est être dupe »

Abolir la frontière entre la sphère privée et la vie publique est le propre des totalitarismes. C’est ce que veulent imposer les néoféministes. Dans Le privé n’est pas politique, Claude Habib dénonce cette volonté de faire du foyer l’arène du combat entre l’homme forcément bourreau et la femme évidemment victime.


Causeur. Avec un essai intitulé Le privé n’est pas politique, espérez-vous jeter un pavé dans la mare du féminisme ?

Claude Habib. Mai 68 avait pour slogan « tout est politique », et le féminisme de l’époque l’a adopté en le spécifiant : « le privé est politique ». Au risque d’abolir une distinction fondamentale. Les féministes qui venaient de la gauche antitotalitaire avaient des réticences : quand on a lu Hannah Arendt, on voit le problème. Ce qui distingue le totalitarisme de la tyrannie, c’est justement l’abolition de cette frontière. Chaque totalitarisme organise un monde totalement politisé, où des gages d’adhésion sont requis en permanence, jusque dans l’intimité du foyer. Que ce soit pour assurer la victoire du prolétariat ou la pureté de la race, le parti encourage la délation au sein des familles. 1984 raconte aussi cela : l’impossibilité du retrait, du secret et du lien amoureux dans un univers totalitaire.

Pourquoi ce slogan est-il réactivé par les féministes actuelles ?

« Le privé est politique » est une mise en accusation. À partir du moment où les femmes ont obtenu les mêmes droits que les hommes et que les principes d’égalité prévalent dans la sphère publique, à l’école, dans les productions culturelles – même Barbie est en lutte contre le patriarcat –, on pouvait supposer que le féminisme disparaisse. Or ce triomphe a ouvert un nouveau cycle de revendications. L’exigence d’égalité s’est déplacée de la sphère publique à la sphère privée, comme si les familles étaient les réservoirs de la domination. Par conséquent, il est du devoir de chacune de traquer ce virus à domicile. Toute féministe doit mener la lutte au sein de son foyer. Rappelez-vous Sandrine Rousseau proposant de créer un « délit de non-partage des tâches domestiques ».

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Vous dites avec humour que ce slogan avait pour but de « donner à des exaspérations domestiques, la dignité d’un conflit de classe »…

Voir dans le couple l’ultime repaire de l’inégalité, c’est se tromper de cible. La maison est par excellence le lieu d’expression des différences : les différences liées au sexe, et celles liées aux goûts, aux âges, aux personnalités. On perd de vue la diversité des familles, la multiplicité des choix de vie, le caractère impénétrable de leurs rapports. Qui domine ? Cela varie. Les femmes sont présentées comme les éternelles perdantes, les hommes comme des profiteurs et des coupables, comme si le désir d’expansion des femmes par l’amour et l’enfantement ne comptait pour rien dans la formation des liens et la gestion du quotidien. Comme si l’intimité n’était pas pour elles aussi une expérience de puissance et de liberté.

En quoi cette façon de voir est-elle destructrice ?

La politique est le lieu de la confrontation permanente. Le conflit peut être explosif ou ritualisé dans le débat public et canalisé par les régulations démocratiques. La tension est indispensable, car il faut en démocratie que les divergences s’expriment. Les liens privés s’éprouvent tout autrement. Le but n’est pas la tension mais la détente, non pas la discorde mais la sécurité, non pas le contentieux mais l’affection mutuelle. L’intimité est le lieu du repos et des repas, de la vulnérabilité, de la sexualité. Si le privé se réduit au lieu où s’exerce la domination masculine, il n’y a rien d’autre à faire que s’en protéger. La solitude ou l’homosexualité, c’est la réponse d’Alice Coffin : « Ne pas avoir de mari, ça m’expose à ne pas être violée, ne pas être tuée, ne pas être tabassée. » Le discours féministe va rarement aussi loin, mais c’est la direction générale. Prôner la confrontation permanente dans le cadre d’une vie privée, c’est miner le couple et la vie de famille. Dans ce cadre, les bons sentiments pour les siens relèvent de l’aliénation. Aimer, c’est être dupe.

La femme doit-elle renoncer à la vie de famille et au couple pour être libre ?

Bien sûr que non : la liberté d’aimer est la première de toutes pour les femmes, comme on le voit, a contrario, dans les pays qui pratiquent encore les mariages forcés. D’ailleurs la mise en avant de l’homme « déconstruit » maquille, dans un vocabulaire woke, des attentes parfaitement traditionnelles : celle de trouver un homme attentionné et fiable. Reste que l’épanouissement des femmes dans la vie de famille est toujours mal vu par les féministes radicales : une femme heureuse compromet la juste cause. Au lieu de comprendre qu’elle est enfermée dans une structure d’oppression, elle met son énergie et sa joie dans la création des liens privés. Il faut la rééduquer. Son éveil à la conscience passera par la révolte contre le patriarcat, incarné, en l’occurrence, par le partenaire masculin. Dans cette perspective, la croissance du malaise dans le couple sera la marque de sa libération.

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118 femmes ont été tuées en 2022, si on met ce chiffre en rapport avec les 15,5 millions de femmes qui vivent en couple, peut-on dire, comme le veut le discours actuel, que les femmes sont confrontées à une violence masculine omniprésente, tolérée voire encouragée ?

Agir contre les féminicides est une excellente chose. L’exemple de l’Espagne, qui a fait diminuer leur nombre, prouve que c’est possible. Il n’y a d’ailleurs pas de résistance. Le gouvernement manifeste son soutien aux victimes et sa détermination face aux violences faites aux femmes. Pourtant le sentiment de persécution ne diminue pas, d’où la permanence du discours accusateur : la société se moquerait du sort des femmes. Qui se moque de qui ? Le néoféminisme a choisi la massification des griefs. Les destins individuels sont écrasés au profit d’une logique manichéenne : chaque victime n’est qu’un échantillon du malheur collectif des femmes. Chaque bourreau, un représentant de la violence masculine. C’est oublier que nous sommes des individus, c’est refuser d’entendre la part singulière de chaque histoire. La notion de crime passionnel est la bête noire des féministes, comme si elle servait à disculper les hommes. Pourtant, le crime passionnel est patent quand l’assassin se donne la mort. Se tuer, ce n’est pas dominer qui que ce soit. Refuser de prendre en compte les aspects passionnels n’a qu’un but : durcir l’antagonisme. Le couple homme bourreau / femme victime serait le révélateur d’une guerre des sexes qui fait rage. Personnellement, je n’y crois pas.

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Marc Bloch, un héros d’hier pour aujourd’hui et pour toujours…

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La panthéonisation de Marc Bloch en 2025 sera l’occasion de rendre hommage à cet historien. Sur le plan personnel, il a incarné dignité, solidarité et héroïsme. Sur le plan intellectuel, son livre, L’Étrange défaite constitue un diagnostic réaliste sur l’état de la France à son époque qui vaut toujours pour la nôtre.


Marc Bloch, historien fusillé par la Gestapo en 1944 pour des faits de résistance, sera panthéonisé en 2025. Il a écrit un chef-d’œuvre sans la moindre complaisance, tout de réalisme et d’intelligence, L’Étrange défaite où, venant de la gauche républicaine, il dénonce les élites françaises et le système des partis (voir Jacques de Saint Victor dans Le Figaro).

Alors qu’avec Emmanuel Macron, les panthéonisations – parfois contestables – sont décidées à bride abattue, celle de Marc Bloch offre le singulier mérite d’être approuvée par tous. Tant à cause de son passé héroïque que de la justesse de son diagnostic sur hier, qui vaut pour aujourd’hui et pour demain. Il met en évidence et blâme cette perversion française qui face aux dangers, aux épreuves, a souvent préféré l’aveuglement voire la lâcheté. Tout donc, sauf la lucidité et le courage.

Il n’est pas un passage de cette magnifique analyse de la personnalité, de la pensée et de l’action de Marc Bloch qui ne devrait pas être cité. Mais je vais en retenir deux en raison de l’actualité tragique et politique.

Le premier concerne cette déclaration de Marc Bloch : « Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d’un antisémite ». L’antisémite lui fait rejoindre son appartenance, par dignité et solidarité. Dans le monde d’aujourd’hui où l’antisémitisme augmente, rien ne me paraît plus salubre que d’affirmer hautement la détestation de ce poison et sa volonté de soutenir, autant qu’il est possible, la résistance d’Israël et son droit à une légitime défense, face à des groupes et des pays qui n’aspirent qu’à son éradication. En même temps que doit être reconnue la liberté de pouvoir critiquer, sans indécence, la politique de cette nation, cependant bouclier démocratique et des valeurs occidentales dans un environnement hostile.

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Je me souviens, avec infiniment de modestie, Marc Bloch au tout petit pied, d’un épisode judiciaire où j’avais été nommé chef de la section du droit bancaire au parquet de Paris. Cette promotion qui m’avait permis d’incarner tout ce à quoi je croyais pour le service public de la Justice, avait été vertement stigmatisée par une personnalité, magistrat syndiqué d’extrême droite, au motif que « j’aurais été juif et franc-maçon ». J’ai évidemment, par honneur, revendiqué de l’être, sur la première comme sur la seconde qualité, alors que ce n’était pas le cas, pour l’une comme pour l’autre.

L’autre affirmation de Marc Bloch sur laquelle j’ai envie d’attirer l’attention est celle-ci : « Nous jugeons beaucoup trop. Il est commode de crier « au poteau ». Nous ne comprenons jamais assez ».

À titre personnel je ne m’exonère pas de ce grief. J’ai succombé parfois à ce simplisme vindicatif.

Sur le plan politique, je vois une très forte concordance entre ce que dénonce Marc Bloch et la situation gouvernementale et parlementaire d’aujourd’hui. En effet, il me semble à la fois qu’on ne cherche pas à « comprendre » le Premier ministre François Bayrou et qu’on ne le crédite pas de son obsession à vouloir « comprendre » les autres, aussi éloignés qu’ils soient de lui.

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Le 23 décembre, à la fin de son entretien sur BFM TV, il m’est apparu, non pas résigné mais conscient d’une mission à mener sans que personne d’autre ne la lui envie, tel un Créon assumant ses responsabilités contre toutes les Antigone de pacotille proférant « on ne veut pas de lui » ou « il n’y a qu’à ».

Il est extraordinaire de constater comme il y a des êtres qui échappent au temps. Ils sont rares, ces hommes et ces femmes pour l’éternité. Marc Bloch en est un et lui rendre hommage demain sera nous honorer nous-mêmes puisqu’il est des nôtres mais en sublime.

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La crise de l’Occident et « les territoires perdus »

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Que voulons-nous dire exactement quand nous parlons de « territoires perdus »? Les quartiers en question ont certes été abandonnés dans une certaine mesure par l’Etat, mais leurs habitants ont souvent fait le choix du repli identitaire. Résoudre ce problème n’est pas simplement la responsabilité de l’Etat mais de toute la société. Tribune de Charles Rojzman.


L’Occident traverse une crise profonde, mais celle-ci ne peut être imputée uniquement aux menaces extérieures. Parmi les défis majeurs, l’islamisme se dresse comme une idéologie totalitaire, instrumentalisant la religion pour imposer une vision oppressive et monolithique du monde. Cependant, ce phénomène trouve une part de son essor dans nos propres faiblesses : complaisance, divisions internes et refus d’affronter des vérités inconfortables.

Une complaisance coupable face à des réalités dérangeantes

Parmi ces vérités, il faut évoquer sans détour le rôle actif de certains territoires et communautés dans leur propre fermeture et dans l’essor de l’islamisme et de la délinquance. Trop souvent, les discours dominants parlent de « territoires abandonnés » comme si ces quartiers étaient uniquement victimes de l’inattention de l’État. Cette vision réductrice occulte une réalité bien plus complexe et parfois dérangeante. Ces territoires ne sont pas seulement marginalisés ; ils sont devenus, en certains points, le théâtre d’une complicité tacite ou explicite avec des forces qui minent les fondations démocratiques : l’économie parallèle et l’idéologie islamiste.

La fermeture active des territoires : entre rejet et complicité

Dans ces zones, la pauvreté et l’exclusion ne suffisent pas à expliquer les dynamiques observées. Ce sont aussi des choix collectifs, consciemment ou inconsciemment opérés, qui participent à leur isolement. Les valeurs républicaines – liberté, égalité, pluralisme – y sont souvent rejetées au profit de systèmes alternatifs : mafias locales, réseaux religieux radicaux ou autres contre-pouvoirs illégitimes.

Ce rejet ne naît pas d’un vide. Il s’appuie sur des frustrations et des humiliations – réelles ou perçues – mais il va bien au-delà de ces causes. Dans ces territoires, l’islamisme et la délinquance répondent à des besoins immédiats : une appartenance, une identité forte face à un monde perçu comme hostile, une forme de pouvoir ou de reconnaissance.

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Les familles, les leaders locaux et parfois même des institutions défaillantes ou complaisantes ont permis à ces dynamiques de s’enraciner. C’est dans ce terreau que prospèrent des idéologies et des pratiques contraires aux principes républicains.

Une responsabilité partagée

La situation ne peut être réduite à une dichotomie entre victimes et coupables. Les responsabilités sont multiples et s’étendent à tous les niveaux de la société.

Les politiques publiques : trop souvent, les dirigeants ont privilégié des solutions de court terme, fermant les yeux sur les réseaux criminels et les discours radicaux pour éviter des confrontations complexes. Parfois, un clientélisme dévoyé a contribué à maintenir ces territoires dans une paix sociale artificielle au prix d’un renoncement républicain.

Les familles : certaines familles, par abattement ou par choix, ont délaissé leur rôle éducatif. Cela a laissé les enfants à la merci de figures d’autorité toxiques : dealers, recruteurs islamistes ou leaders communautaires oppressifs. Au lieu de transmettre des valeurs d’émancipation, elles ont renforcé les logiques de repli identitaire et de rejet de l’altérité.

Les institutions éducatives : trop souvent démunies, les écoles sont devenues des lieux de confrontation où les valeurs républicaines sont activement contestées, parfois avec la complicité des élèves et de leur entourage.

L’islamisme et la délinquance : une alliance destructrice

L’islamisme et la délinquance ne sont pas des réalités séparées. Ils forment une alliance toxique, se nourrissant mutuellement. La délinquance fournit une économie parallèle et un sentiment de pouvoir immédiat, tandis que l’islamisme apporte une justification idéologique et une promesse de rédemption. Ensemble, ils créent une contre-société où les lois de la République sont remplacées par celles du crime et du dogme.

Une mobilisation collective nécessaire

Face à cette menace, il serait naïf de penser que la seule intervention de l’État suffira. Ce combat est celui de toute la société.

Les familles doivent reprendre leur rôle de piliers éducatifs, transmettant des valeurs d’ouverture et d’émancipation.

Les individus doivent cesser de se considérer comme des victimes passives et assumer leurs responsabilités citoyennes.

Les politiques doivent cesser de tergiverser et engager une reconquête républicaine véritable, avec des actes fermes et une vision à long terme.

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Cela nécessite de nommer clairement les problèmes : l’islamisme est une menace, la délinquance son alliée, et la fermeture volontaire de certains territoires une abdication collective.

Le choix du courage ou du déclin

L’avenir de l’Occident repose sur un choix fondamental : celui du courage ou celui du déclin. Si nous voulons préserver nos valeurs de liberté, d’égalité et de pluralisme, nous devons mener ce combat sur tous les fronts : dans les quartiers, dans les écoles, dans les familles. Ce n’est pas une simple question de politique ou de sécurité ; c’est une question de civilisation.

Soit nous choisissons de défendre nos principes avec lucidité et détermination, soit nous acceptons de voir nos libertés s’éteindre, rongées par l’inaction et la complaisance. Le choix est entre nos mains.

2025 : Les virages du cirque

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C’est le moment de dresser le bilan de 2024 et de faire des prévisions pour 2025. Henri Beaumont nous aide à y voir plus clair en nous rappelant que « L’espérance ne déçoit pas ».


Après avoir chanté la Marseillaise tout l’été, Marianne se trouva fort dépourvue lorsque Moody’s fut venu. Plus un seul petit morceau de vermisseau après les JO. Emmanuel Macroton, Francois Bayrou Purgon, Lucie Castets Diafoirus, concoctent des philtres, clystères fiscaux, une huile de foie de morue vierge et bio, un 666e Grenelle de gredins, relance du soutien des Zig et Puce en ZAD. 

25, c’est le numéro atomique du manganèse, un métal de transition. 2025 c’est une année sainte, jubilaire. La bulle d’indiction – «L’espérance ne déçoit pas» – est bienvenue, la France, sans cap ni boussole, en pleine mutinerie. Le Décret de Gratien, Concorde des canons discordants (XIIe siècle), c’est une Somme de droit canonique, raboutant 3800 textes apostoliques, patristiques, décrétales, souvent contradictoires. Écolâtre du « en même temps », notre Messie élyséen qui marchait sur l’eau en 2017, a sombré dans le marais glacé de Cocyte, 9e cercle de L’Enfer. Après Marignan, Pavie, il y a 500 ans, déjà. Comment sortir de la baïne, reconstruire une concorde ? Le mal français ne se résume pas à un problème de picaillons. 

Les faux monnayeurs 

Dans une lagune de désespérance, sauve-qui-peut financier, institutionnel, culturel, l’emprise totalitaire de l’IA, les rezzous sociaux, le narco-banditisme et le communautarisme, le pays sombre. Mort à venir ? Fini, les farandoles et sérénades. La France partage un secret avec Maître Cornille (Lettres de mon moulin). Marianne a vendu sa croix d’or ; ses sacs de farine sont remplis de plâtre. A l’enseigne du pot brisé, la marque de l’imprimeur Geoffroy Tory, le pays a mis son histoire, son État, sa langue, au mont-de-piété. Comme les hommes volants de Folon, il y a cinquante ans à la fin des programmes d’Antenne 2, la France s’éteint. 

Arrimé depuis 1789 à une quincaillerie républicaine en trompe l’œil, notre contrat social n’a jamais été bien solide. Joseph Bara et le culte de l’Être suprême ne parlent plus à personne. L’amour de la patrie, l’étendard, la gloire, la vertu des ainés, incommodent Sandrine Rousseau, Patrick Boucheron, les Tupamaros du Collège de France, déconstructeurs-diversocrates-décoloniaux. Travail, frontières, famille, je vous haïs ! Société, tu ne m’auras pas ! A la fin de la rave, il faut passer aux urgences et payer l’addition. 

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Les pompiers pyromanes, ours à demi léchés, Bellérophon renifleurs de « vents mauvais et périls nauséabonds », dressent le pays contre lui-même et achèvent notre République sous prozac. La stigmatisation de l’électorat, l’instrumentalisation des angoisses, les arcs en fer à cheval citoyens, barrages bidons, antidotes pipeau, sont mortifères. Si le Rassemblement National n’est pas républicain et menace notre démocratie, qu’attend le gouvernement pour l’interdire ? La grande peur des bienpensants est réchauffée à chaque élection. Le fantasme du « péril fasciste », cousin germain du « péril sioniste » qui soude les opinions arabes, donne bonne conscience aux têtes molles. Les procès en sorcellerie, excommunications des félons collabos, caisses de résonnance et bouées de sauvetage des partis démonétisés, n’abusent plus grand monde. Venant d’islamo-trotskystes, communistes, Verts de rage, alliés du NFP, les leçons de démocratie et droits de l’homme, ne manquent pas de sel.

Depuis 1968, les matamores de la table rase, intermittents de l’insoumission, dans Libération, les amphis, les subventions, sur France Culture, recyclent leurs révoltes avariées. A la grande époque, les vendeurs de peau d’ours, dialecticiens faustiens, proposaient d’échanger le passé réac et un présent ordinaire, contre un paquet de Bonux de futur radieux. Alas ! l’avenir n’emballe plus personne. Le marché de la victime est concurrentiel, la lutte des places, féroce. Après la liquidation du capitalisme, des bourgeois et des atamans, la chasse aux vieux mâles blancs. Après l’abandon des prolos, les sans-papiers, la panthère des neiges, la précarité menstruelle, l’émancipation des genres humains. « Le délire est plus beau que le doute, mais le doute est plus solide » (Cioran).

Javert déguisé en Cosette, Rima Hassan fait le ménage, veut prendre l’Élysée à motocrotte, sauver le pays des étrons. Le dialogue et les alliances politiques sont dénoncés par les Insoumis comme une trahison. La lutte les dépasse. Dans la haine, les nuits du 4 août dégénèrent en longs couteaux, liquidation des professeurs, caricaturistes, de la laïcité.Traumatisée par des générations de terrorisme intellectuel stalino-gauchiste, la deuxième gauche est prisonnière de doubles discours, calculs électoraux. La droite a peur de son ombre, n’a jamais eu le courage de mener les indispensables réformes de fond. 

Notre fausse monnaie politique est frappée dans les mensonges, les duperies, le déni : nef du flou, des fous, à la recherche du flouze. Les promesses délirantes, programmes intenables, faux bilans, riment avec déficits, gabegies, bureaucratie, l’impôt sur les os. Aucun Risorgimento ne sera possible sans discours de vérité, refondation de l’essentiel : l’éducatif, le culturel, le moral. Monsieur Hamel (Daudet, La Dernière classe), Monsieur Germain (l’instituteur de Camus), revenez, ils sont devenus fous ! 

Jadis et naguère 

La Paideia a sombré. L’idéal éducatif grec visait l’élévation moral des citoyens, l’apprentissage de la liberté, de la noblesse, de la beauté, grâce à la transmission d’une culture humaniste. Aujourd’hui, les slogans, mots-valises, « progressisme », « inclusif », permettent d’écouler au Bon Marché des bons sentiments, dans les eaux glacées du calcul hédoniste, un opium néo-évangéliste, une verroterie décorative. L’eau pure fait des goitreux, les idées pures font des crétins.

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La musique d’ascenseur, mandoline œcuménique sur les femmes « inspirantes », le réchauffement du patriarcat, les émissions carbones du commerce triangulaire, est relayée ad nauseam dans Télérama, sur France Info, sur les kakémonos des multinationales du CAC 40. Simulacre et simulations… Censurer les livres, prostituer les mots, troquer la culture contre des ludothèques, des tags, du néant, contre du prêchi-prêcha « multiculturel » mis à toutes les sauces, éradiquer la bildung, l’argutezza, le passé, les Lumières, c’est trahir les promesses d’émancipation. L’Île aux enfants, Petit Ours Brun, Candy, Le Schmilblick, vont fêter leurs cinquante ans.

Haut les cœurs ! En 2025, nous célébrerons le centenaire de la naissance de Jean d’Ormesson, Roger Nimier, The Great Gatsby, Mrs Dalloway, Albertine Disparue, Les Faux monnayeurs, Le Procès. Une musique mélancolique, des acrostiches élégants, « un style d’or où la langueur du soleil danse » (Verlaine).

« So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past » (Francis Scott Fitzgerald).

Où va la médecine en France ?

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Ancien chef de clinique-assistant des Hôpitaux de Paris, médecin en exercice libéral depuis 1984, créateur de services de médecine interne et gériatrique dans des cliniques privées, le docteur Hervé D. Nahum a pu observer l’évolution fantastique des technologies médicales mais aussi les réformes catastrophiques qui ont abouti à la situation dramatique actuelle. Oui, il mesure les adjectifs employés. Témoignage.


« L’offre crée la demande ». Tel a été le principe des nombreuses réformes dans le domaine médical au cours des années. Et au nom de cette affirmation, la réduction de l’offre de soins fut l’objectif de toutes les administrations et gouvernements successifs.

Tout a commencé avec le numerus clausus des étudiants en médecine et autres en 1971. Il fallait réduire le nombre de médecins et autres professions apparentées afin de réduire le déficit de la sécurité sociale. L’administration pensait que les citoyens et les médecins se livraient à un abus de consommation de soins. La sécurité sociale était alors un organisme de droit privé géré par les syndicats. Il y avait d’ailleurs des élections !

Puis, dans les années 90, l’assaut a été donné aux structures hospitalières privées et publiques : les petites cliniques furent l’objet de normes qu’elles ne pouvaient assumer, les obligeant à se regrouper et donner naissance de ce fait à de grands groupes. Ces grands groupes, structures commerciales devant faire des bénéfices, ne pouvaient faire autre chose que de réduire le service à mesure des réformes restrictives imposées par l’État. Les prix des prestations prises en charges par la sécu semblaient calculés pour permettre un budget au plus juste des établissements qui faisaient des économies d’échelle par leur regroupement. Les hôpitaux publics ont vu le fameux « pouvoir médical » et celui de ceux qu’on appelait complaisamment « mandarins » se réduire au profit de l’administration qui a privilégié sa croissance au détriment des équipes de soins. L’émiettement du « pouvoir médical » à l’hôpital avait commencé avec la création des CHU (réforme Debré dans les années 60). Les grands patrons étaient en voie d’extinction.

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Quant à la médecine de ville, son évolution a été tout aussi désastreuse avec une ruée vers les urgences hospitalières :

— L’abolition de l’obligation de garde des médecins généralistes par le gouvernement Jospin, a contraint les patients à se précipiter aux urgences ! Les villes avaient un médecin de garde qui répondait aux urgences par des visites à domicile.  Je l’ai fait et cela fonctionnait bien.  (Il n’y avait pas encore de SAMU)

— L’absence de consultation de médecine ouverte l’après-midi dans les hôpitaux a contraint les patients à aller aux urgences.

— La quasi-disparition des consultations ouvertes de médecine générale de ville au profit des consultations sur rendez-vous a aussi orienté les patients vers les seules structures ouvertes, les urgences hospitalières.

— Le refus actuel d’accepter « de nouveaux patients » par certains médecins a rendu illusoire l’obligation pour un patient d’avoir un médecin traitant et donc a conduit les patients, naturellement, vers les urgences hospitalières. Ce refus, inexplicable selon l’éthique de la médecine, serait dû à la surcharge de travail des médecins qui sont moins nombreux. Lorsque je consultais en médecine générale à Sarcelles, les cabinets affichaient leurs horaires d’ouverture et tout un chacun pouvait y entrer librement, étant sûr d’être reçu.

Bien entendu, il faut aussi compter avec le vieillissement de la population et l’afflux de plusieurs centaines de milliers de personnes venant de pays pauvres. Ces derniers, porteurs de pathologies fréquentes voire particulières quoique pas forcément infectieuses, du fait de leur misère ou conséquences des modes de vie dans leur pays d’origine, ont l’habitude d’avoir recours plutôt à l’hôpital qu’à la médecine libérale, onéreuse dans leur pays.

Tout cela n’a fait qu’aggraver la situation de la médecine en France.

J’ai pratiqué la médecine générale avant tous ces bouleversements, j’ai vécu la destruction programmée de la médecine, avec la nécessité d’importer des médecins et des infirmières de l’étranger et parfois non francophone. J’ai vu les malheureux étudiants faire leurs études de médecine en Belgique ou en Roumanie et même entendu dire qu’une faculté de médecine portugaise s’était un jour implantée dans le Midi de la France…

J’ai été le témoin affligé de cette évolution. Gouverner c’est prévoir, dit-on. Pendant ces quarante dernières années, il semble que nos dirigeants ont été incapables de prévoir le devenir de la médecine. 

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Enfin, il faut souligner la césure souvent profonde qui existe entre la médecine hospitalière et la médecine de ville. L’impossibilité trop fréquente de joindre des médecins hospitaliers, avec un barrage infranchissable même pour adresser un patient, la généralisation de rendez-vous sur des plateformes, sans possibilité de joindre un médecin, même libéral. Tout cela génère une coupure entre les patients, qui sont l’objet d’une nouvelle médecine que j’appelle de « masse », et les médecins ainsi qu’entre les médecins de ville et ceux de l’hôpital public.

J’ai l’impression que beaucoup de médecins sont devenus des techniciens dont l’humanité a été réduite du fait de la multiplication des techniques et des procédures. La relation médecin-patient en a été altérée, frustrant très souvent le malade dans son attente.

Si l’on veut remédier à tout cela, il faut former des médecins cliniciens. Les étudiants en médecine attirés par la technique – et on le comprend, vu sa nouveauté permanente – ne peuvent pas en même temps apporter au patient le temps nécessaire à ce qui fonde la relation. En effet tout à sa technique ou à sa prise en charge spécifique, on peut comprendre que la relation humaine soit estompée.

Il faudrait ainsi former plusieurs catégories de médecins. On avait autrefois les médecins et les chirurgiens, une troisième catégorie est apparue, les médecins-techniciens dont la spécialité étroite et toujours en évolution, laisse peu de place à un autre type de prise en charge, celle de la médecine attendue par les citoyens.

Silence on tue !

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Le linguiste Alain Bentolila déplore la faillite de l’enseignement de la langue française. Sans langage suffisant, une partie de la jeunesse ne peut « s’exprimer » qu’à travers la violence.


L’arme « blanche », silencieuse est enfoncée encore et encore par un adolescent dans le corps d’un autre adolescent. Sans que le moindre mot n’ait été prononcé. Aucun bruit ne vient troubler le moment banal du sacrifice d’une vie.

Une part importante des jeunes français ne possède que quelques centaines de mots, quand il leur en faudrait plusieurs milliers pour tenter d’accepter et d’examiner pacifiquement leurs différences et leurs divergences. Confinée dans des cercles étroits et oppressants, leur parole fut très rarement sollicitée pour l’analyse et la problématisation. S’expliquer leur paraît alors aussi difficile qu’incongru. Beaucoup de jeunes en insécurité linguistique ont ainsi perdu cette capacité spécifiquement humaine de tenter d’inscrire pacifiquement leur pensée dans l’intelligence d’un autre par la force respectueuse des mots. Lorsqu’ils doivent s’adresser à des gens qu’ils ne connaissent pas, avec lesquels ils ne partagent pas les mêmes convictions, les mêmes croyances, la même appartenance ou… les mêmes intérêts, un vocabulaire exsangue et une organisation approximative des phrases et des discours ne leur donnent pas la moindre chance de le relever le défi de l’explication sereine. Réduite à la proximité et à l’immédiate réaction, leur parole a définitivement renoncé à créer un temps de négociation linguistique, seule capable d’éviter le passage à l’acte violent et à l’affrontement physique. Leur parole devenue « éruptive » n’est le plus souvent qu’un instrument d’interpellation brutale et d’invective qui banalise l’insulte, étrangle le discours et précipite le conflit plus qu’elle ne le diffère.

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S’ils passent à l’acte de plus en plus vite et de plus en plus fort aujourd’hui, c’est parce que l’école comme la famille n’ont pas défendu avec suffisamment de conviction et… d’amour la vertu de rassemblement pacifique du langage. L’une comme l’autre ont oublié que cultiver la langue de leurs enfants et de leurs élèves, veiller à son efficacité et à sa précision, c’était permettre de mettre en mots leurs frustrations, de formuler leurs désaccords et…de leur apprendre à retenir leurs coups. École et famille n’ont pas su mener un combat quotidien et ô combien nécessaire contre l’imprécision et la confusion des mots, sources de tous les malentendus ; elles ont ainsi renoncé à ce que chaque jeune puisse aller chercher au plus loin de lui-même celui qu’il ne connaît pas, celui qui ne lui ressemble pas, celui qui…ne l’aime pas et à qui il le rend bien. La « pauvre » langue qu’on leur a passée ne leur permet pas de dénouer les incompréhensions, de jeter des ponts au-dessus des fossés culturels, sociaux, confessionnels et professionnels qui les divisent. Reconnaître leurs différences, les explorer ensemble, reconnaître leurs divergences, leurs oppositions, leurs haines et les analyser ensemble, ne jamais les édulcorer, ne jamais les banaliser, mais ne jamais leur permettre de mettre en cause leur commune humanité afin de résister à la « tentation délicieuse du meurtre ».  Voilà à quoi devrait servir la langue française qu’on leur a si mal transmise ; voilà à quoi devraient servir ses conventions non négociables qui devraient les lier, quelles que soient leurs appartenances respectives. Nous sommes tous collectivement responsables d’avoir offert en sacrifice, sur l’autel du web, les mots imprécis, les mémoires vides et le dégoût de soi d’une partie de notre jeunesse.

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Il est certes des bavards violents et des taiseux doux comme des agneaux. La parole n’a certes pas le pouvoir magique d’effacer la haine, ou de faire disparaître les oppositions, mais elle a la vertu d’en rendre les causes audibles pour l’un et l’autre ; elle ouvre ainsi à chacun le territoire de l’autre. Nous tous avons failli à enseigner à ces jeunes égarés que ce qui sépare l’homme de l’animal, c’est sa capacité d’épargner celle ou celui qui affiche ingénument sa vulnérabilité. Sa faiblesse, parce qu’elle est humaine, doit être la meilleure garantie de sa survie ; sa fragilité, parce qu’humaine, doit être sa plus sûre protection ; sa parole, parce qu’humaine, représente sa plus juste défense par sa vertu à échanger des mots plutôt que des coups de couteau. Le désespoir de ne compter pour rien ni pour personne, le refus de se résigner à ne laisser ici-bas aucune trace de leur éphémère existence ont réduit certains des enfants de ce pays, parfois au sein même de l’école de la République, à tenter de trouver d’autres moyens pour imprimer leurs marques : ils haïssent, ils meurtrissent, ils tuent ou… ils se tuent. Leur violence s’est nourrie de l’impuissance à convaincre, de l’impossibilité d’expliquer, du dégoût d’eux-mêmes et de la peur des autres. Leur violence est d’autant plus forte, d’autant plus immédiate qu’elle est devenue muette. Un regard de travers peut couter une vie!

La perte d’influence de la France en Europe n’est pas une fatalité

La France est responsable de sa perte d’influence au sein de l’Union européenne. Vu depuis Paris, Bruxelles n’est qu’un lot de consolation pour politiques en mal de circonscription et nos députés brillent par leur absentéisme. Quant à nos fonctionnaires qualifiés, ils sont négligés, et ne sont donc pas promus.


Le constat est sévère. Pays fondateur, la France a perdu au fil du temps en influence et en prestige dans une Europe qu’elle a pourtant façonnée au départ. Selon la méthode Jean Monnet, l’Union européenne est en effet dotée d’une administration puissante « à la française » que paradoxalement les Français négligent d’investir. La situation a été fort bien décrite dans des rapports parlementaires, notamment celui de Jacques Floch en 2004 et celui de Christophe Caresche et Pierre Lequiller en 2016.

Pourtant, tout n’est pas perdu. La crise politique, morale et économique que nous vivons est l’occasion d’un sursaut. Et ce d’autant plus qu’à la tête du gouvernement vient d’être désigné, en la personne de Michel Barnier, un politique qui a fait ses preuves comme commissaire, parlementaire européen et négociateur du Brexit, et qui est pleinement reconnu par ses pairs européens.

La première cause de la perte de crédibilité de la France réside en effet, comme le souligne le rapport Caresche/Lequiller, dans ses «mauvaises performances économiques et budgétaires». En 2005, l’Allemagne et la France présentaient de mauvais indicateurs. Jacques Chirac, président français et Gerhard Schröder, chancelier allemand, avaient demandé conjointement un assouplissement du pacte de stabilité qui impose aux États membres de limiter leur déficit budgétaire à moins de 3 % et leur dette à moins de 60 % du PIB. Cet assouplissement n’ayant pas été obtenu, le chancelier allemand a pris le problème à bras-le-corps. Il a lancé l’Agenda 2010, un programme de réformes comportant des réductions d’impôts même pour les « riches », coupant dans le budget de la Sécurité sociale et limitant le versement des assurances chômage pour relancer le marché du travail. Le résultat fut le « miracle économique allemand » et le primat de l’influence allemande, tandis que la voix de la France incapable de se réformer en sortait affaiblie.

Le lot de consolation des politiques en mal de circonscription

La seconde raison du déclin de l’influence française, c’est que les Français n’ont pas su intégrer les institutions et l’administration européennes comme il le faut. Nos dirigeants ont tendance à croire que le poids de la France au Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, qui fixe les grandes orientations politiques de l’Europe, suffit. Mais l’Union européenne ne fonctionne pas sur le modèle français du top down. Pour gagner en influence dans ce milieu complexe de rivalités nationales que le projet européen vise à transcender, il faut travailler à l’intérieur de la machine. Cela vaut pour l’administration du Conseil et de la Commission comme au Parlement européen.

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Pendant trop longtemps, le mandat européen a été pour les Français le lot de consolation des politiques en mal de circonscription ou de portefeuille ministériel. Aussi, l’absentéisme de nos députés est-il vu comme notre marque de fabrique. Or les députés allemands l’ont compris : la légitimité d’un élu dépend de son travail effectif au sein des commissions. Elle dépend aussi de sa longévité au Parlement, qui seule lui permet de prétendre aux fonctions importantes de rapporteur d’un texte ou de coordinateur ; les coordinateurs désignés par les groupes politiques ayant un rôle clé notamment dans l’attribution des rapports à leurs collègues.

Le bilan à la Commission européenne n’est pas plus favorable. Les tensions avec l’Allemagne ne garantissent plus au commissaire français la maîtrise de ses compétences. Il en est ainsi de Stéphane Séjourné, nouvellement désigné « vice-président exécutif pour la Prospérité et de la Stratégie industrielle ». Quelle sera sa capacité d’influence alors qu’il co-supervisera avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, le commissaire en charge de la Sécurité économique et celui en charge de l’Économie et de la Productivité ? Et quelle sera la place de la France dans la composition des cabinets des commissaires alors qu’on sait déjà que sept d’entre eux au moins seront dirigés par des Allemands ?

Une fragilisation de notre représentation au sein de l’UE

Quant aux fonctionnaires français, ils sont en retrait. Certes, les postes de directeurs généraux à la Concurrence et au Budget sont occupés par des Français, mais les fonctions d’adjoint sont aussi fort importantes. Par ailleurs, la France a perdu la main sur le juridique, dont l’impact est déterminant sur toutes les politiques sectorielles. Il était implicitement entendu que les services juridiques du Conseil, de la Commission et du Parlement revenaient à des Français. Ce n’est plus le cas.  En outre, des candidatures de haut vol soutenues par le président de la République ont été rejetées. Et le gouvernement français a jusqu’ici négligé d’autres fonctions comme celles de médiateur, qui sont pourvues par le Parlement et n’en sont pas moins stratégiques. L’Union européenne, union de droit, se veut un modèle de méritocratie. Pourtant, la logique des grands corps de l’État en France envoie des fonctionnaires parfois peu familiers avec les réalités européennes alors que des Français hautement qualifiés en place au sein de l’Union mériteraient d’être promus. Malheureusement, ils sont souvent écartés par des candidatures françaises concurrentes, fragilisant ainsi notre représentation au sein de l’UE tandis que d’autres États, à l’instar de l’Allemagne, présentent une seule candidature et obtiennent la position.

Une stratégie d’influence dans l’Union européenne est bien pensée. Mais elle n’est pas véritablement déployée et ses résultats sont médiocres. Certes, les fonctionnaires européens sont indépendants. Ils œuvrent pour l’Union et non leur pays d’origine. Mais l’empreinte culturelle compte et elle est principalement allemande et britannique (les fonctionnaires britanniques sont restés en nombre dans l’administration européenne). Les fonctionnaires français, eux, sont de moins en moins nombreux et le français est devenu une langue de seconde zone.

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Il suffirait de peu de choses pour améliorer la situation. Le rattachement de Benjamin Haddad, ministre chargé de l’Europe, au Premier ministre et non seulement au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, est de bon augure. Pour le reste, chacun sait ce qu’il faut faire.

La France doit être intransigeante sur l’usage du français et s’opposer fermement à sa disparition comme langue de travail (exemple regrettable de la Cour des comptes européenne). Face à la désaffection inquiétante des Français vis-à-vis de l’administration européenne, une priorité doit être accordée à la préparation aux concours européens. Il est aussi impératif que les partis politiques comprennent enfin la nécessité de valoriser le mandat de député européen et de l’inscrire dans la durée au lieu de se servir du Parlement européen comme d’un purgatoire.

Plus que tout, les parlementaires français devraient laisser le Premier ministre conduire, à l’instar de l’Agenda 2010 de Gerhard Schröder, son programme de réforme économique et sociale, et de rigueur financière. C’est la clé pour regagner une crédibilité économique, condition sine qua non de l’influence politique.     

*Avocate, ancienne ministre des Affaires européennes

ONU: il faut sauver le soldat UNRWA

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L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) fait l’objet de nombreux reproches: complicité avec le Hamas, parti pris anti-israélien, politique délibérée d’augmentation permanente du nombre des réfugiés palestiniens… Malgré ces accusations, une majorité des Etats-membres de l’ONU approuve l’UNRWA et continue à le financer.


Le 19 décembre, 137 États-membres de l’Assemblée générale de l’ONU ont approuvé un texte initié par la Norvège demandant un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ) sur les obligations légales d’Israël envers les agences humanitaires de l’ONU, et tout particulièrement l’UNRWA. Douze ont voté contre. Après tout, demander « un avis consultatif à la CIJ, ça mange pas de pain », ont dû penser les votants, enfin ceux qui ont eu le temps d’une pensée fugace avant de voter par réflexe. L’ambassadeur d’Israël, Danny Danon a fait remarquer que ce « cirque diplomatique » survenait au moment où l’armée israélienne avait sérieusement affaibli les organisations terroristes qui le menaçaient et, à travers lui, la civilisation occidentale: « Au lieu de saisir cette opportunité historique pour favoriser la paix et la stabilité, vous choisissez de poursuivre un cycle de haine… Aidez-nous à faire du Moyen-Orient une région de paix et de stabilité, plutôt qu’un foyer de haine et de terrorisme ». Il a rappelé que le Hamas détenait toujours 100 otages civils, comme si ce rappel du réel était de nature à modifier la charge de haine pointée, telle un missile iranien, vers Israël. 

Le pire n’est pas toujours sûr

Contrairement aux prévisions pessimistes, certains États ont semblé touchés par la grâce de la raison car, le lendemain du vote de la Résolution et de la réaction de sa victime, la Suède a annoncé mettre fin à son financement de l’UNRWA et chercher à transférer l’aide à Gaza par d’autres canaux. Rappelons que l’UNRWA est l’agence qui doublonne le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) au seul bénéfice des réfugiés palestiniens. Les 120 millions d’autres sont considérés comme des réfugiés de droit commun : ils n’ont pas à bénéficier d’un traitement VIP. Avec trois fois plus de personnel (exclusivement palestinien, ce qui, à Gaza, signifie appointés par le Hamas) que le HCR, l’UNRWA n’a pas pour mission de résoudre le problème des réfugiés en leur offrant les conditions d’une meilleure existence. Ça, c’est le boulot du HCR. La vocation de l’UNRWA, à l’inverse, est de multiplier le nombre de réfugiés palestiniens, ce en quoi elle réussit parfaitement. 

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En effet, l’intégralité des 120 millions de réfugiés lambda actuels provient de conflits ou de catastrophes naturelles qui sont survenues depuis 1948. Tous ceux issus de la deuxième guerre mondiale sont rentrés dans leur pays après la paix, ou ont été recasés ailleurs, là où leurs descendants ont planté leurs racines. En revanche, le nombre des réfugiés palestiniens, provenant de multiples agressions arabes contre Israël, toujours repoussées, a été multiplié par dix. De 600 000 en 1949 à 5,9 millions à l’aube de 2025. Il faut dire que le statut des réfugiés « normaux » n’est pas héréditaire, celui des réfugié palestiniens (en un mot) si. Un enfant qui naîtra dans dix ans aux États-Unis mais dont un aïeul peut revendiquer d’avoir sous-loué un gourbi en Palestine mandataire entre le 1er juin 1946 et le 15 mai 1948 pourra, s’il souhaite faire une carrière politique (ou vivre de la charité internationale) réclamer la carte de l’UNRWA et tous les avantages y afférents. Même s’il naît à Gaza, qui est autonome depuis vingt ans ? Oui, même à Gaza où la population est administrée par le Hamas qu’elle a élu en 2006 et où plus un Juif n’a mis les pieds depuis lors.  

Erratum. Un Israélien arabe et un Juif noir, tous deux handicapés mentaux, sont entrés par errance et par erreur à Gaza, l’un en 2014, l’autre l’année suivante. Ils s’appellent Hisham al-Sayed et Avera Mangistu. On est sans nouvelle d’eux depuis dix et onze ans respectivement. L’État juif fait des pieds et des mains pour les récupérer, mais il ne peut compter sur aucune bienveillance internationale, car dans cette affaire, le casting est à contre-emploi. Les méchants Juifs cherchent à récupérer des otages de la mauvaise couleur et de la mauvaise religion, qui sont détenus par les gentils Palestiniens !

Prendre la bonne décision pour de mauvaises raisons

La décision suédoise de cesser le financement d’une agence de l’ONU, dont des salariés ont participé aux massacres du 7 octobre 2023 et dont des professeurs gardaient des otages en esclavage à leur domicile, n’a pas été prise pour des raisons morales : la morale est terriblement contrariante, aussi est-elle bannie de toutes les équations dont Israël est un connu. La raison invoquée par le royaume nordique est la difficulté de l’UNRWA à gâter ses ouailles depuis qu’Israël lui a interdit son territoire. Par méchanceté pure, évidemment. D’ailleurs, les motifs invoqués sont anodins. Au moins 10 % du personnel Gazaoui de l’agence a des liens avec le Hamas et d’autres organisations terroristes. Et alors ? S’ils « travaillent » à l’UNRWA, c’est qu’ils ont été adoubés par le Hamas ! C’est tout ce que vous avez ? Non : en février 2024, l’armée israélienne a trouvé des armes du Hamas dans des bureaux de l’UNRWA, ainsi qu’un centre informatique géant sous son bâtiment principal. Bien qu’elle l’ait alimenté en électricité par un réseau de câbles branché sur son propre tableau, l’agence a juré qu’elle ignorait la présence de ce complexe industriel sous son siège social. Les Suédois donneront le double de pognon aux Palestiniens, mais via des ONG au lieu de l’agence immobilisée.

L’ONU (95 dictatures + 72 démocraties) fait la pluie et le sale temps pour l’État juif

Le 9 mars 2024, l’UNRWA avertissait qu’un quart de la population de la bande de Gaza était au bord de la famine et que des enfants mouraient de faim. L’organisation spécialisée dans cette problématique, la Integrated Food Security Phase Classification (IPC), qui est liée à l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture de l’ONU, avait prédit qu’une véritable famine éclaterait dans le territoire entre mars et juillet 2024. Une couverture presse tenant du duvet molletonné triple épaisseur avait suivi cette déclaration. En revanche, une deuxième étude de la même IPC, publiée en juin, n’a eu aucun écho médiatique. Comment se fait-ce ? Fondée sur des faits et non des envies de meurtre, cette étude n’a intéressé personne. L’IPC admettait que ses hypothèses sur la quantité de nourriture qui entrerait dans le territoire étaient fausses et que l’approvisionnement en nourriture de Gaza avait augmenté au lieu de diminuer. « Dans ce contexte, les preuves disponibles n’indiquent pas qu’une famine est actuellement en cours ».

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La famine étant l’article tête de gondole de l’UNRWA, celle-ci ne s’est pas laissée retirer le pain de la bouche par des faits et des chiffres. Elle a continué à alimenter les fantasmes en répétant l’appétissante menace sur tous les tons. Les médias l’ont répétée jusqu’à plus soif : France Info le 9 juillet: « Les experts de l’ONU affirment que les enfants meurent d’une « campagne de famine » menée par Israël ». TV5 Monde, le 1er novembre 2024 : « L’ensemble de la population palestinienne du nord de Gaza est exposée à un risque imminent de mourir de maladie, de famine et de violence ». ONU France, le 12 novembre : « Seule la fin de la guerre permettra d’éloigner durablement la perspective de la famine à Gaza. Il est donc urgent de parvenir à un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza. C’est la seule solution pour mettre un terme au désastre humanitaire qui se déroule sous nos yeux ».

Conclusion : aussitôt arrêté, aussitôt repris, le financement suédois de l’UNRWA a été sauvé par le gong de la présomption d’innocence ontologique.

Cadeaux de Noël

Le 25 décembre, le chef du bureau auxiliaire de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Gaza, Georgios Petropoulos, a déclaré que « les autorités et l’armée israéliennes ne semblent pas disposées à ouvrir plusieurs points d’accès à la fois », ce qui ralentirait l’acheminement de l’aide. Mais il a mentionné aussi « le pillage de l’aide dans les zones contrôlées par Israël » ce qui a été contredit par le Colonel Abdallah Halabi, directeur de la coordination et de la liaison à Gaza : « Du côté israélien, il n’y a aucune restriction sur la quantité d’aide qui entre. Le problème central est la capacité de transport et de distribution par la communauté internationale ». Sur fond d’images télévisées (chaine 12 israélienne) tournées au passage de Kerem Shalom, côté gazaoui, où 885 camions chargés de milliers de tonnes d’aide humanitaire attendent d’être déchargés. Le directeur général de l’Organisation mondiale de l’alimentation a affirmé que «seulement deux camions d’aide sont entrés en novembre parce qu’Israël ne nous permet pas d’en amener davantage », déclaration encore réfutée par Abdallah Halabi : « Celui qui a dit cela ne comprend pas la réalité. Plus de 800 camions sont entrés ». Qu’en termes délicats ces choses-là sont dites : en quatorze mois de guerre, c’est plus de 60 000 camions qui sont entrés, avec 1,3 million de tonnes d’aide humanitaire, 32 millions de litres de combustible, 52 000 litres d’eau et 27 000 tonnes de gaz de ville.

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Malgré l’incapacité des ONG à assurer la distribution, plus de 200 camions arrivent chaque jour dans la bande de Gaza. Le Hamas attend les livraisons, en prend le contrôle et pille l’intégralité des vivres. « C’est l’un de nos principaux problèmes », a reconnu Abdallah Halabi, qui va bientôt figurer sur le mur de Gaza du Monde avec une cible dans le dos, s’il continue de donner la même importance aux faits qu’aux vœux…

Comme l’a dit Hillel Neuer de UN Watch, « Chaque euro versé à l’UNRWA est un euro contre la paix ».

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Avant la Terreur ou la guerre : les leçons de Mirabeau

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La France a visiblement besoin d’une révolution mais quelle révolution pourrait éviter la guerre civile ou la Terreur ? Ecoutons Mirabeau, ce grand homme de la Révolution française, mort prématurément, adulé par la foule de son vivant, mais calomnié par ses ennemis politiques et considéré jusqu’à aujourd’hui comme un traitre à la révolution, en méconnaissance totale de sa pensée et de son œuvre.


La cour de Marie-Antoinette, reine de France de 1774 à 1792, est souvent décrite comme un lieu de corruption et de frivolité, ce qui a grandement contribué à la désillusion du peuple français envers la monarchie. Marie-Antoinette est connue pour son goût extravagant. Ses dépenses somptueuses sur des robes, des bijoux et des fêtes contribuaient à une image de déconnexion avec les réalités économiques du pays. La cour de Versailles était un lieu où les intrigues politiques et personnelles étaient monnaie courante. Les courtisans, cherchant à gagner les faveurs de la reine et du roi, se livraient souvent à des pratiques corruptives, telles que le favoritisme et la manipulation des décisions politiques pour leur propre profit.

Honoré-Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau (1749–1791), fut une figure centrale des débuts de la Révolution française. Tribun éloquent, écrivain prolifique et défenseur passionné de la liberté, il se fit connaître par ses talents oratoires à l’Assemblée nationale et par son rôle de médiateur entre le roi Louis XVI et le Tiers État. Malgré une vie marquée par les scandales et les controverses, il s’est battu pour une monarchie constitutionnelle et une société où les différences pourraient coexister. Son héritage demeure celui d’un homme convaincu que la force de la parole et la recherche de compromis peuvent transformer une nation en crise.

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Dans le fracas de son époque, Mirabeau avait cherché à transformer la colère en énergie créatrice, les divisions en solutions, les antagonismes en dialogues. Aujourd’hui, la France est encore un pays fracturé, menacé non seulement par ses divisions internes mais aussi par des dangers extérieurs, comme l’islamisme, qui cherchent à saper les fondements mêmes de nos valeurs républicaines. Comme l’avait écrit Mirabeau dans ses lettres, « Tout homme fort peut transformer les tempêtes en cheminements utiles »

Une France qui craque

Comme avant 1789, la colère gronde. Elle n’est plus consignée dans des cahiers de doléances, mais dans les manifestations, les grèves, les réseaux sociaux. La France s’enferme dans ses fractures : riches et pauvres, centres et périphéries, élites et peuples. Les inégalités se creusent, alimentant un ressentiment viscéral. Mirabeau disait : « Rien n’est plus dangereux qu’une société où l’espoir est refusé aux plus nombreux ». Ce constat n’a jamais été aussi pertinent. Une méfiance radicale nourrit des discours qui ne cherchent plus à convaincre mais à abattre l’autre, et les idéologies extrêmes, y compris l’islamisme, exploitent ces fractures pour diviser davantage. La violence devient le seul langage. Il avertissait : « Les peuples ne se soulèvent que lorsque leur misère n’a plus de mots ».

Un rejet systématique des médiateurs

Comme lui, ceux qui tentent de concilier deux camps sont perçus comme des traîtres. Hier, il était entre le roi et le Tiers État ; aujourd’hui, ce sont les voix modérées étouffées par les extrêmes et par ceux qui veulent imposer des visions radicales. « On accuse toujours le pont de fragiliser les rives », disait-il — et pourtant, bâtir ces ponts est la seule voie pour réparer. Mirabeau aurait compris que la colère ne disparaît pas par la répression ou les belles paroles. Il aurait vu qu’elle est une énergie brute, prête à exploser ou à créer, selon ce qu’on en fait. 

Redonner un cadre aux conflits

Il avait tenté de créer une monarchie constitutionnelle comme compromis, car « il n’y a d’ordre que dans la liberté réglementée ». Aujourd’hui, nous devons réinventer nos institutions pour que chacun y trouve une place, en intégrant la diversité des populations tout en préservant notre identité républicaine et nationale. Les citoyens doivent se sentir acteurs, pas spectateurs. Une démocratie vidée de sens ne peut qu’alimenter la frustration. Que nous dirait Mirabeau?

Faire se parler les mondes qui s’ignorent. Les élites urbaines doivent écouter ceux qui vivent à la marge. Les territoires oubliés ne doivent pas rester isolés des grandes décisions. Mirabeau disait : « L’éloignement des conditions de vie engendre l’ignorance, et l’ignorance, le mépris ». La France doit redevenir une communauté, et cela commence par recréer des dialogues entre ceux qui se méprisent, tout en restant vigilants face aux idéologies qui menacent notre cohésion.

Canaliser la violence, pas l’éteindre. Comme lui, on peut voir que la colère n’est pas un problème, c’est un signal. La nier, c’est la renforcer. La comprendre, c’est la transformer. Il avait raison en disant : « Les passions sont des torrents, et il est inutile de les tarir. Ce qu’il faut, c’est leur tracer un lit ». Il faut des lieux où cette énergie peut s’exprimer, être reconnue et devenir un moteur de solutions, tout en combattant les forces de la radicalisation qui cherchent à déstabiliser notre société.

Dépasser les dogmes et les extrêmes. Il avait vu que les factions révolutionnaires, en refusant le compromis, menaient au chaos. « Le dogme inflexible est l’ennemi du progrès », écrivait-il. Aujourd’hui, nous devons dépasser les simplismes idéologiques et trouver des solutions concrètes qui incluent tout le monde, tout en restant fermes contre les idées qui prônent la violence et la division.

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Rien de ce travail n’est simple. Mirabeau avait été hué, critiqué, accusé de trahison par les deux camps. Nous faisons face aux mêmes obstacles aujourd’hui :

La polarisation totale. Chacun reste enfermé dans son camp, sa bulle, ses certitudes. Le dialogue est vu comme une faiblesse, le compromis comme une trahison. Il disait : « Le sectarisme est l’aveuglement de ceux qui préfèrent avoir raison seuls que construire ensemble ».

L’urgence permanente. Entre crises climatiques, économiques et sociales, tout semble si urgent qu’on n’a plus le temps d’écouter. Pourtant, sans cela, aucune solution durable n’est possible. « La précipitation n’a jamais bâti que des châteaux de sable », rappelait-il.

La méfiance généralisée. Comme on l’accusait de duplicité, on soupçonne aujourd’hui toute tentative de médiation. « Le soupçon est le poison des sociétés fragiles », disait-il. Cela rend la tâche plus difficile, mais pas moins nécessaire.

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Mirabeau est mort avant de voir sa vision s’accomplir. Mais son action laisse un message clair : il n’y a pas d’avenir dans la division. La colère, quand elle est abandonnée à elle-même, détruit tout sur son passage. Mais si elle est accueillie, écoutée, transformée, elle peut reconstruire. Aujourd’hui, la France a besoin de bâtisseurs de ponts. Pas des rêveurs, mais des pragmatiques comme lui, capables de descendre dans l’arène, de parler à tous les camps, et de transformer le tumulte en solutions. Mirabeau nous rappelle que « la véritable grandeur consiste à faire des petites choses avec un grand cœur », et cela implique d’affronter les défis avec détermination et solidarité. Il nous enseigne qu’un monde meilleur ne naît pas de la haine, mais du courage d’affronter la complexité et de chercher des voies nouvelles, tout en restant vigilants face aux menaces qui pèsent sur notre cohésion sociale et nos valeurs. La tâche est immense, mais le chemin est essentiel. Comme l’a dit Mirabeau : « La Révolution est faite, elle est dans les esprits ; il ne s’agit plus que de l’organiser ».

Notre-Dame, des vitraux vitreux

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Une partie des vitraux de la Cathedrale Notre-Dame de Paris. Paris, FRANCE - 15/09/2008. JAUBERT/SIPA

La cathédrale de Paris n’en a pas fini avec les polémiques. Après les chasubles bariolées de Castelbajac ou les improvisations aux grandes orgues le soir du 7 décembre, les vitraux contemporains voulus par Emmanuel Macron mobilisent contre eux tous les amoureux du patrimoine. (Causeur invite ses lecteurs à signer la pétition pour restituer les vitraux de Viollet-le-Duc).


Depuis sa réouverture, Notre-Dame accueille un nombre croissant de fidèles et de visiteurs. Depuis début décembre, 30 000 personnes franchissent son porche chaque jour, soit plus de 270 000 en trois semaines. C’est beaucoup, peut-être trop pour une dame de 800 ans, mais ce n’est pas aujourd’hui l’objet de la polémique qui entoure la cathédrale. D’autant que la polémique vire au scandale patrimonial. Emmanuel Macron voulait un « geste architectural » en lieu et place de la flèche, finalement reconstruite à l’identique. Mais il n’a vraisemblablement pas abandonné l’idée de laisser son empreinte dans les murs de Notre-Dame. Au détriment du code du patrimoine le plus élémentaire, le chef de l’État, de concert avec l’évêché, a commandé des vitraux contemporains pour remplacer, dans les chapelles sud, ceux de Viollet-le-Duc qui ont pourtant miraculeusement échappé à l’incendie. Ils ont été restaurés avec l’argent des donateurs et sont classés, comme la cathédrale dans son entier, monuments historiques.

De plus, la France a ratifié la Charte de Venise, en 1964, qui impose que l’on doit restaurer un monument historique endommagé dans « le dernier état connu » et respecter « la substance ancienne du monument ». C’est pour cette raison que la commission du Patrimoine s’est opposée, à l’unanimité, à ce projet de vitraux. Qu’à cela ne tienne : pour exécuter le vœu du prince, un comité de sélection artistique a été composé, présidé par Bernard Blistène, ancien directeur du centre Pompidou, aujourd’hui grand promoteur de l’art contemporain en France, pour désigner, de façon plutôt trouble, l’artiste qui aura l’honneur ou le déshonneur de faire disparaître Viollet-le-Duc.

Et l’heureux élu est…

Et l’heureux élu est une élue. Claire Tabouret, une artiste peintre et sculpteur française de 43 ans. Son art figuratif n’est pas ce qu’il y a de pire dans le désespérant paysage contemporain ; puis elle est la chouchoute des institutions publiques et privées. Après être passée notamment par la Villa Médicis, elle est défendue par la galerie Perrotin, est présente dans la collection François Pinault… elle coche donc toutes cases de l’artiste officiel. Parce qu’en plus, c’est une artiste engagée, voire rebelle : elle se dit anticapitaliste et décolonialiste, ce qui ne l’empêche pas de vivre et de travailler en Californie. 

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Cet engagement woke est résumé dans Libération, avec la prose de Judikael Lavrador qui est au diapason : « La manière dont elle représente les jeunes, mais aussi les migrants ou des êtres en situation précaire, n’a rien d’une image d’Épinal. Au contraire, c’est comme si ses tableaux étaient le lieu d’une revanche sourde de ces êtres vulnérables que la société plie à un rôle convenu et réduit à une existence marginale ou bien décorative. » À quoi peut ressembler l’existence décorative d’un être en situation précaire ? Je l’ignore.

En plus de l’entorse à la loi sur le patrimoine, il y a derrière ce projet une terrible malhonnêteté intellectuelle. Claire Tabouret souhaite en effet, à travers ses vitraux, rendre hommage à Viollet-le-Duc. Mais le plus bel hommage n’est-il pas de laisser l’œuvre de Viollet-le-Duc en place, puisqu’elle y est ? Non. On efface et on rend hommage à ce qu’on a effacé. C’est l’illustration parfaite de la cancel culture.

Claire Tabouret devra toutefois respecter le cahier des charges imposé par l’évêché, à savoir un programme iconographique autour de la Pentecôte. C’est d’ailleurs l’évêché qui a exigé une création figurative, alors que le candidat soutenu par Emmanuel Macron était Daniel Buren, l’inoxydable artiste officiel qui, depuis plus de 40 ans, ne fait que des rayures. 

Et cela aura bien sûr un coût. 4 millions d’euros (une paille pour un État en faillite). Cette somme ne sera pas prélevée sur les donations faites pour la reconstruction de Notre-Dame mais sur le budget de la Culture. Comme s’il n’y avait pas d’autres urgences en la matière, notamment les restaurations de sauvetage de certaines églises.

Effacer Viollet-le-Duc

L’acharnement à vouloir effacer Viollet-le-Duc remonte aux années 1950, quand l’évêché a progressivement retiré le mobilier dessiné par l’architecte (Viollet-le-Duc a créé à Notre-Dame une œuvre d’art totale), les lustres de la nef, la fameuse Couronne de lumières, ce lustre néogothique monumental qui est actuellement en dépôt à Saint-Denis, ou encore la clôture du chœur. Plus grave, on a laissé se détériorer jusqu’à la disparition, les fresques de nombreuses chapelles. Mais on a encore tous les documents, toutes les archives de l’architecte et il serait possible de les restituer, comme cela a été fait de façon éclatante en l’église Saint-Germain-des-Prés.

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Une pétition demande la conservation des vitraux de Viollet-le-Duc. Près de 255 000 personnes l’ont déjà signée et il est toujours possible de le faire (lien : https://www.change.org/p/conservons-%C3%A0-notre-dame-de-paris-les-vitraux-de-viollet-le-duc ). 

Et parce qu’il ne faut pas uniquement s’opposer mais aussi proposer, le site La Tribune de l’art a soulevé une idée intéressante. La tour nord de la cathédrale possède des baies sans vitraux, simplement composées de verre blanc. Pourquoi ne pas y installer des vitraux contemporains qui pourraient, par exemple, dans cette partie de l’édifice qui ne s’inscrit pas dans la déambulation liturgique, rendre hommage aux pompiers qui ont sauvé Notre-Dame le 15 avril 2019 ? C’est dans cette tour nord qu’ils ont lutté contre l’incendie au péril de leur vie pour empêcher les cloches de tomber – et éviter l’irréparable. Notre-Dame de Paris nous offre là une page vierge pour écrire son histoire contemporaine. Ceux qui en ont l’autorité seraient inspirés de s’en emparer, mais sans faire ni fautes de goût, ni fautes d’orthographe. 

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Claude Habib : « Aimer, c’est être dupe »

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Claude Habib © Hannah Assouline

Abolir la frontière entre la sphère privée et la vie publique est le propre des totalitarismes. C’est ce que veulent imposer les néoféministes. Dans Le privé n’est pas politique, Claude Habib dénonce cette volonté de faire du foyer l’arène du combat entre l’homme forcément bourreau et la femme évidemment victime.


Causeur. Avec un essai intitulé Le privé n’est pas politique, espérez-vous jeter un pavé dans la mare du féminisme ?

Claude Habib. Mai 68 avait pour slogan « tout est politique », et le féminisme de l’époque l’a adopté en le spécifiant : « le privé est politique ». Au risque d’abolir une distinction fondamentale. Les féministes qui venaient de la gauche antitotalitaire avaient des réticences : quand on a lu Hannah Arendt, on voit le problème. Ce qui distingue le totalitarisme de la tyrannie, c’est justement l’abolition de cette frontière. Chaque totalitarisme organise un monde totalement politisé, où des gages d’adhésion sont requis en permanence, jusque dans l’intimité du foyer. Que ce soit pour assurer la victoire du prolétariat ou la pureté de la race, le parti encourage la délation au sein des familles. 1984 raconte aussi cela : l’impossibilité du retrait, du secret et du lien amoureux dans un univers totalitaire.

Pourquoi ce slogan est-il réactivé par les féministes actuelles ?

« Le privé est politique » est une mise en accusation. À partir du moment où les femmes ont obtenu les mêmes droits que les hommes et que les principes d’égalité prévalent dans la sphère publique, à l’école, dans les productions culturelles – même Barbie est en lutte contre le patriarcat –, on pouvait supposer que le féminisme disparaisse. Or ce triomphe a ouvert un nouveau cycle de revendications. L’exigence d’égalité s’est déplacée de la sphère publique à la sphère privée, comme si les familles étaient les réservoirs de la domination. Par conséquent, il est du devoir de chacune de traquer ce virus à domicile. Toute féministe doit mener la lutte au sein de son foyer. Rappelez-vous Sandrine Rousseau proposant de créer un « délit de non-partage des tâches domestiques ».

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Vous dites avec humour que ce slogan avait pour but de « donner à des exaspérations domestiques, la dignité d’un conflit de classe »…

Voir dans le couple l’ultime repaire de l’inégalité, c’est se tromper de cible. La maison est par excellence le lieu d’expression des différences : les différences liées au sexe, et celles liées aux goûts, aux âges, aux personnalités. On perd de vue la diversité des familles, la multiplicité des choix de vie, le caractère impénétrable de leurs rapports. Qui domine ? Cela varie. Les femmes sont présentées comme les éternelles perdantes, les hommes comme des profiteurs et des coupables, comme si le désir d’expansion des femmes par l’amour et l’enfantement ne comptait pour rien dans la formation des liens et la gestion du quotidien. Comme si l’intimité n’était pas pour elles aussi une expérience de puissance et de liberté.

En quoi cette façon de voir est-elle destructrice ?

La politique est le lieu de la confrontation permanente. Le conflit peut être explosif ou ritualisé dans le débat public et canalisé par les régulations démocratiques. La tension est indispensable, car il faut en démocratie que les divergences s’expriment. Les liens privés s’éprouvent tout autrement. Le but n’est pas la tension mais la détente, non pas la discorde mais la sécurité, non pas le contentieux mais l’affection mutuelle. L’intimité est le lieu du repos et des repas, de la vulnérabilité, de la sexualité. Si le privé se réduit au lieu où s’exerce la domination masculine, il n’y a rien d’autre à faire que s’en protéger. La solitude ou l’homosexualité, c’est la réponse d’Alice Coffin : « Ne pas avoir de mari, ça m’expose à ne pas être violée, ne pas être tuée, ne pas être tabassée. » Le discours féministe va rarement aussi loin, mais c’est la direction générale. Prôner la confrontation permanente dans le cadre d’une vie privée, c’est miner le couple et la vie de famille. Dans ce cadre, les bons sentiments pour les siens relèvent de l’aliénation. Aimer, c’est être dupe.

La femme doit-elle renoncer à la vie de famille et au couple pour être libre ?

Bien sûr que non : la liberté d’aimer est la première de toutes pour les femmes, comme on le voit, a contrario, dans les pays qui pratiquent encore les mariages forcés. D’ailleurs la mise en avant de l’homme « déconstruit » maquille, dans un vocabulaire woke, des attentes parfaitement traditionnelles : celle de trouver un homme attentionné et fiable. Reste que l’épanouissement des femmes dans la vie de famille est toujours mal vu par les féministes radicales : une femme heureuse compromet la juste cause. Au lieu de comprendre qu’elle est enfermée dans une structure d’oppression, elle met son énergie et sa joie dans la création des liens privés. Il faut la rééduquer. Son éveil à la conscience passera par la révolte contre le patriarcat, incarné, en l’occurrence, par le partenaire masculin. Dans cette perspective, la croissance du malaise dans le couple sera la marque de sa libération.

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118 femmes ont été tuées en 2022, si on met ce chiffre en rapport avec les 15,5 millions de femmes qui vivent en couple, peut-on dire, comme le veut le discours actuel, que les femmes sont confrontées à une violence masculine omniprésente, tolérée voire encouragée ?

Agir contre les féminicides est une excellente chose. L’exemple de l’Espagne, qui a fait diminuer leur nombre, prouve que c’est possible. Il n’y a d’ailleurs pas de résistance. Le gouvernement manifeste son soutien aux victimes et sa détermination face aux violences faites aux femmes. Pourtant le sentiment de persécution ne diminue pas, d’où la permanence du discours accusateur : la société se moquerait du sort des femmes. Qui se moque de qui ? Le néoféminisme a choisi la massification des griefs. Les destins individuels sont écrasés au profit d’une logique manichéenne : chaque victime n’est qu’un échantillon du malheur collectif des femmes. Chaque bourreau, un représentant de la violence masculine. C’est oublier que nous sommes des individus, c’est refuser d’entendre la part singulière de chaque histoire. La notion de crime passionnel est la bête noire des féministes, comme si elle servait à disculper les hommes. Pourtant, le crime passionnel est patent quand l’assassin se donne la mort. Se tuer, ce n’est pas dominer qui que ce soit. Refuser de prendre en compte les aspects passionnels n’a qu’un but : durcir l’antagonisme. Le couple homme bourreau / femme victime serait le révélateur d’une guerre des sexes qui fait rage. Personnellement, je n’y crois pas.

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Marc Bloch, un héros d’hier pour aujourd’hui et pour toujours…

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Marc Bloch
Marc Bloch D.R.

La panthéonisation de Marc Bloch en 2025 sera l’occasion de rendre hommage à cet historien. Sur le plan personnel, il a incarné dignité, solidarité et héroïsme. Sur le plan intellectuel, son livre, L’Étrange défaite constitue un diagnostic réaliste sur l’état de la France à son époque qui vaut toujours pour la nôtre.


Marc Bloch, historien fusillé par la Gestapo en 1944 pour des faits de résistance, sera panthéonisé en 2025. Il a écrit un chef-d’œuvre sans la moindre complaisance, tout de réalisme et d’intelligence, L’Étrange défaite où, venant de la gauche républicaine, il dénonce les élites françaises et le système des partis (voir Jacques de Saint Victor dans Le Figaro).

Alors qu’avec Emmanuel Macron, les panthéonisations – parfois contestables – sont décidées à bride abattue, celle de Marc Bloch offre le singulier mérite d’être approuvée par tous. Tant à cause de son passé héroïque que de la justesse de son diagnostic sur hier, qui vaut pour aujourd’hui et pour demain. Il met en évidence et blâme cette perversion française qui face aux dangers, aux épreuves, a souvent préféré l’aveuglement voire la lâcheté. Tout donc, sauf la lucidité et le courage.

Il n’est pas un passage de cette magnifique analyse de la personnalité, de la pensée et de l’action de Marc Bloch qui ne devrait pas être cité. Mais je vais en retenir deux en raison de l’actualité tragique et politique.

Le premier concerne cette déclaration de Marc Bloch : « Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d’un antisémite ». L’antisémite lui fait rejoindre son appartenance, par dignité et solidarité. Dans le monde d’aujourd’hui où l’antisémitisme augmente, rien ne me paraît plus salubre que d’affirmer hautement la détestation de ce poison et sa volonté de soutenir, autant qu’il est possible, la résistance d’Israël et son droit à une légitime défense, face à des groupes et des pays qui n’aspirent qu’à son éradication. En même temps que doit être reconnue la liberté de pouvoir critiquer, sans indécence, la politique de cette nation, cependant bouclier démocratique et des valeurs occidentales dans un environnement hostile.

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Je me souviens, avec infiniment de modestie, Marc Bloch au tout petit pied, d’un épisode judiciaire où j’avais été nommé chef de la section du droit bancaire au parquet de Paris. Cette promotion qui m’avait permis d’incarner tout ce à quoi je croyais pour le service public de la Justice, avait été vertement stigmatisée par une personnalité, magistrat syndiqué d’extrême droite, au motif que « j’aurais été juif et franc-maçon ». J’ai évidemment, par honneur, revendiqué de l’être, sur la première comme sur la seconde qualité, alors que ce n’était pas le cas, pour l’une comme pour l’autre.

L’autre affirmation de Marc Bloch sur laquelle j’ai envie d’attirer l’attention est celle-ci : « Nous jugeons beaucoup trop. Il est commode de crier « au poteau ». Nous ne comprenons jamais assez ».

À titre personnel je ne m’exonère pas de ce grief. J’ai succombé parfois à ce simplisme vindicatif.

Sur le plan politique, je vois une très forte concordance entre ce que dénonce Marc Bloch et la situation gouvernementale et parlementaire d’aujourd’hui. En effet, il me semble à la fois qu’on ne cherche pas à « comprendre » le Premier ministre François Bayrou et qu’on ne le crédite pas de son obsession à vouloir « comprendre » les autres, aussi éloignés qu’ils soient de lui.

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Le 23 décembre, à la fin de son entretien sur BFM TV, il m’est apparu, non pas résigné mais conscient d’une mission à mener sans que personne d’autre ne la lui envie, tel un Créon assumant ses responsabilités contre toutes les Antigone de pacotille proférant « on ne veut pas de lui » ou « il n’y a qu’à ».

Il est extraordinaire de constater comme il y a des êtres qui échappent au temps. Ils sont rares, ces hommes et ces femmes pour l’éternité. Marc Bloch en est un et lui rendre hommage demain sera nous honorer nous-mêmes puisqu’il est des nôtres mais en sublime.

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La crise de l’Occident et « les territoires perdus »

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La cité de la Grande Borne à Grigny lors de la venue du ministre de l'Intérieur, novembre 2018. SIPA. 00883687_000001

Que voulons-nous dire exactement quand nous parlons de « territoires perdus »? Les quartiers en question ont certes été abandonnés dans une certaine mesure par l’Etat, mais leurs habitants ont souvent fait le choix du repli identitaire. Résoudre ce problème n’est pas simplement la responsabilité de l’Etat mais de toute la société. Tribune de Charles Rojzman.


L’Occident traverse une crise profonde, mais celle-ci ne peut être imputée uniquement aux menaces extérieures. Parmi les défis majeurs, l’islamisme se dresse comme une idéologie totalitaire, instrumentalisant la religion pour imposer une vision oppressive et monolithique du monde. Cependant, ce phénomène trouve une part de son essor dans nos propres faiblesses : complaisance, divisions internes et refus d’affronter des vérités inconfortables.

Une complaisance coupable face à des réalités dérangeantes

Parmi ces vérités, il faut évoquer sans détour le rôle actif de certains territoires et communautés dans leur propre fermeture et dans l’essor de l’islamisme et de la délinquance. Trop souvent, les discours dominants parlent de « territoires abandonnés » comme si ces quartiers étaient uniquement victimes de l’inattention de l’État. Cette vision réductrice occulte une réalité bien plus complexe et parfois dérangeante. Ces territoires ne sont pas seulement marginalisés ; ils sont devenus, en certains points, le théâtre d’une complicité tacite ou explicite avec des forces qui minent les fondations démocratiques : l’économie parallèle et l’idéologie islamiste.

La fermeture active des territoires : entre rejet et complicité

Dans ces zones, la pauvreté et l’exclusion ne suffisent pas à expliquer les dynamiques observées. Ce sont aussi des choix collectifs, consciemment ou inconsciemment opérés, qui participent à leur isolement. Les valeurs républicaines – liberté, égalité, pluralisme – y sont souvent rejetées au profit de systèmes alternatifs : mafias locales, réseaux religieux radicaux ou autres contre-pouvoirs illégitimes.

Ce rejet ne naît pas d’un vide. Il s’appuie sur des frustrations et des humiliations – réelles ou perçues – mais il va bien au-delà de ces causes. Dans ces territoires, l’islamisme et la délinquance répondent à des besoins immédiats : une appartenance, une identité forte face à un monde perçu comme hostile, une forme de pouvoir ou de reconnaissance.

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Les familles, les leaders locaux et parfois même des institutions défaillantes ou complaisantes ont permis à ces dynamiques de s’enraciner. C’est dans ce terreau que prospèrent des idéologies et des pratiques contraires aux principes républicains.

Une responsabilité partagée

La situation ne peut être réduite à une dichotomie entre victimes et coupables. Les responsabilités sont multiples et s’étendent à tous les niveaux de la société.

Les politiques publiques : trop souvent, les dirigeants ont privilégié des solutions de court terme, fermant les yeux sur les réseaux criminels et les discours radicaux pour éviter des confrontations complexes. Parfois, un clientélisme dévoyé a contribué à maintenir ces territoires dans une paix sociale artificielle au prix d’un renoncement républicain.

Les familles : certaines familles, par abattement ou par choix, ont délaissé leur rôle éducatif. Cela a laissé les enfants à la merci de figures d’autorité toxiques : dealers, recruteurs islamistes ou leaders communautaires oppressifs. Au lieu de transmettre des valeurs d’émancipation, elles ont renforcé les logiques de repli identitaire et de rejet de l’altérité.

Les institutions éducatives : trop souvent démunies, les écoles sont devenues des lieux de confrontation où les valeurs républicaines sont activement contestées, parfois avec la complicité des élèves et de leur entourage.

L’islamisme et la délinquance : une alliance destructrice

L’islamisme et la délinquance ne sont pas des réalités séparées. Ils forment une alliance toxique, se nourrissant mutuellement. La délinquance fournit une économie parallèle et un sentiment de pouvoir immédiat, tandis que l’islamisme apporte une justification idéologique et une promesse de rédemption. Ensemble, ils créent une contre-société où les lois de la République sont remplacées par celles du crime et du dogme.

Une mobilisation collective nécessaire

Face à cette menace, il serait naïf de penser que la seule intervention de l’État suffira. Ce combat est celui de toute la société.

Les familles doivent reprendre leur rôle de piliers éducatifs, transmettant des valeurs d’ouverture et d’émancipation.

Les individus doivent cesser de se considérer comme des victimes passives et assumer leurs responsabilités citoyennes.

Les politiques doivent cesser de tergiverser et engager une reconquête républicaine véritable, avec des actes fermes et une vision à long terme.

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Cela nécessite de nommer clairement les problèmes : l’islamisme est une menace, la délinquance son alliée, et la fermeture volontaire de certains territoires une abdication collective.

Le choix du courage ou du déclin

L’avenir de l’Occident repose sur un choix fondamental : celui du courage ou celui du déclin. Si nous voulons préserver nos valeurs de liberté, d’égalité et de pluralisme, nous devons mener ce combat sur tous les fronts : dans les quartiers, dans les écoles, dans les familles. Ce n’est pas une simple question de politique ou de sécurité ; c’est une question de civilisation.

Soit nous choisissons de défendre nos principes avec lucidité et détermination, soit nous acceptons de voir nos libertés s’éteindre, rongées par l’inaction et la complaisance. Le choix est entre nos mains.

2025 : Les virages du cirque

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Drapeau tricolore D.R.

C’est le moment de dresser le bilan de 2024 et de faire des prévisions pour 2025. Henri Beaumont nous aide à y voir plus clair en nous rappelant que « L’espérance ne déçoit pas ».


Après avoir chanté la Marseillaise tout l’été, Marianne se trouva fort dépourvue lorsque Moody’s fut venu. Plus un seul petit morceau de vermisseau après les JO. Emmanuel Macroton, Francois Bayrou Purgon, Lucie Castets Diafoirus, concoctent des philtres, clystères fiscaux, une huile de foie de morue vierge et bio, un 666e Grenelle de gredins, relance du soutien des Zig et Puce en ZAD. 

25, c’est le numéro atomique du manganèse, un métal de transition. 2025 c’est une année sainte, jubilaire. La bulle d’indiction – «L’espérance ne déçoit pas» – est bienvenue, la France, sans cap ni boussole, en pleine mutinerie. Le Décret de Gratien, Concorde des canons discordants (XIIe siècle), c’est une Somme de droit canonique, raboutant 3800 textes apostoliques, patristiques, décrétales, souvent contradictoires. Écolâtre du « en même temps », notre Messie élyséen qui marchait sur l’eau en 2017, a sombré dans le marais glacé de Cocyte, 9e cercle de L’Enfer. Après Marignan, Pavie, il y a 500 ans, déjà. Comment sortir de la baïne, reconstruire une concorde ? Le mal français ne se résume pas à un problème de picaillons. 

Les faux monnayeurs 

Dans une lagune de désespérance, sauve-qui-peut financier, institutionnel, culturel, l’emprise totalitaire de l’IA, les rezzous sociaux, le narco-banditisme et le communautarisme, le pays sombre. Mort à venir ? Fini, les farandoles et sérénades. La France partage un secret avec Maître Cornille (Lettres de mon moulin). Marianne a vendu sa croix d’or ; ses sacs de farine sont remplis de plâtre. A l’enseigne du pot brisé, la marque de l’imprimeur Geoffroy Tory, le pays a mis son histoire, son État, sa langue, au mont-de-piété. Comme les hommes volants de Folon, il y a cinquante ans à la fin des programmes d’Antenne 2, la France s’éteint. 

Arrimé depuis 1789 à une quincaillerie républicaine en trompe l’œil, notre contrat social n’a jamais été bien solide. Joseph Bara et le culte de l’Être suprême ne parlent plus à personne. L’amour de la patrie, l’étendard, la gloire, la vertu des ainés, incommodent Sandrine Rousseau, Patrick Boucheron, les Tupamaros du Collège de France, déconstructeurs-diversocrates-décoloniaux. Travail, frontières, famille, je vous haïs ! Société, tu ne m’auras pas ! A la fin de la rave, il faut passer aux urgences et payer l’addition. 

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Les pompiers pyromanes, ours à demi léchés, Bellérophon renifleurs de « vents mauvais et périls nauséabonds », dressent le pays contre lui-même et achèvent notre République sous prozac. La stigmatisation de l’électorat, l’instrumentalisation des angoisses, les arcs en fer à cheval citoyens, barrages bidons, antidotes pipeau, sont mortifères. Si le Rassemblement National n’est pas républicain et menace notre démocratie, qu’attend le gouvernement pour l’interdire ? La grande peur des bienpensants est réchauffée à chaque élection. Le fantasme du « péril fasciste », cousin germain du « péril sioniste » qui soude les opinions arabes, donne bonne conscience aux têtes molles. Les procès en sorcellerie, excommunications des félons collabos, caisses de résonnance et bouées de sauvetage des partis démonétisés, n’abusent plus grand monde. Venant d’islamo-trotskystes, communistes, Verts de rage, alliés du NFP, les leçons de démocratie et droits de l’homme, ne manquent pas de sel.

Depuis 1968, les matamores de la table rase, intermittents de l’insoumission, dans Libération, les amphis, les subventions, sur France Culture, recyclent leurs révoltes avariées. A la grande époque, les vendeurs de peau d’ours, dialecticiens faustiens, proposaient d’échanger le passé réac et un présent ordinaire, contre un paquet de Bonux de futur radieux. Alas ! l’avenir n’emballe plus personne. Le marché de la victime est concurrentiel, la lutte des places, féroce. Après la liquidation du capitalisme, des bourgeois et des atamans, la chasse aux vieux mâles blancs. Après l’abandon des prolos, les sans-papiers, la panthère des neiges, la précarité menstruelle, l’émancipation des genres humains. « Le délire est plus beau que le doute, mais le doute est plus solide » (Cioran).

Javert déguisé en Cosette, Rima Hassan fait le ménage, veut prendre l’Élysée à motocrotte, sauver le pays des étrons. Le dialogue et les alliances politiques sont dénoncés par les Insoumis comme une trahison. La lutte les dépasse. Dans la haine, les nuits du 4 août dégénèrent en longs couteaux, liquidation des professeurs, caricaturistes, de la laïcité.Traumatisée par des générations de terrorisme intellectuel stalino-gauchiste, la deuxième gauche est prisonnière de doubles discours, calculs électoraux. La droite a peur de son ombre, n’a jamais eu le courage de mener les indispensables réformes de fond. 

Notre fausse monnaie politique est frappée dans les mensonges, les duperies, le déni : nef du flou, des fous, à la recherche du flouze. Les promesses délirantes, programmes intenables, faux bilans, riment avec déficits, gabegies, bureaucratie, l’impôt sur les os. Aucun Risorgimento ne sera possible sans discours de vérité, refondation de l’essentiel : l’éducatif, le culturel, le moral. Monsieur Hamel (Daudet, La Dernière classe), Monsieur Germain (l’instituteur de Camus), revenez, ils sont devenus fous ! 

Jadis et naguère 

La Paideia a sombré. L’idéal éducatif grec visait l’élévation moral des citoyens, l’apprentissage de la liberté, de la noblesse, de la beauté, grâce à la transmission d’une culture humaniste. Aujourd’hui, les slogans, mots-valises, « progressisme », « inclusif », permettent d’écouler au Bon Marché des bons sentiments, dans les eaux glacées du calcul hédoniste, un opium néo-évangéliste, une verroterie décorative. L’eau pure fait des goitreux, les idées pures font des crétins.

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La musique d’ascenseur, mandoline œcuménique sur les femmes « inspirantes », le réchauffement du patriarcat, les émissions carbones du commerce triangulaire, est relayée ad nauseam dans Télérama, sur France Info, sur les kakémonos des multinationales du CAC 40. Simulacre et simulations… Censurer les livres, prostituer les mots, troquer la culture contre des ludothèques, des tags, du néant, contre du prêchi-prêcha « multiculturel » mis à toutes les sauces, éradiquer la bildung, l’argutezza, le passé, les Lumières, c’est trahir les promesses d’émancipation. L’Île aux enfants, Petit Ours Brun, Candy, Le Schmilblick, vont fêter leurs cinquante ans.

Haut les cœurs ! En 2025, nous célébrerons le centenaire de la naissance de Jean d’Ormesson, Roger Nimier, The Great Gatsby, Mrs Dalloway, Albertine Disparue, Les Faux monnayeurs, Le Procès. Une musique mélancolique, des acrostiches élégants, « un style d’or où la langueur du soleil danse » (Verlaine).

« So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past » (Francis Scott Fitzgerald).

Où va la médecine en France ?

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Photo illustration panneau urgences hôpital. 01/07/2024 Mourad ALLILI/SIPA

Ancien chef de clinique-assistant des Hôpitaux de Paris, médecin en exercice libéral depuis 1984, créateur de services de médecine interne et gériatrique dans des cliniques privées, le docteur Hervé D. Nahum a pu observer l’évolution fantastique des technologies médicales mais aussi les réformes catastrophiques qui ont abouti à la situation dramatique actuelle. Oui, il mesure les adjectifs employés. Témoignage.


« L’offre crée la demande ». Tel a été le principe des nombreuses réformes dans le domaine médical au cours des années. Et au nom de cette affirmation, la réduction de l’offre de soins fut l’objectif de toutes les administrations et gouvernements successifs.

Tout a commencé avec le numerus clausus des étudiants en médecine et autres en 1971. Il fallait réduire le nombre de médecins et autres professions apparentées afin de réduire le déficit de la sécurité sociale. L’administration pensait que les citoyens et les médecins se livraient à un abus de consommation de soins. La sécurité sociale était alors un organisme de droit privé géré par les syndicats. Il y avait d’ailleurs des élections !

Puis, dans les années 90, l’assaut a été donné aux structures hospitalières privées et publiques : les petites cliniques furent l’objet de normes qu’elles ne pouvaient assumer, les obligeant à se regrouper et donner naissance de ce fait à de grands groupes. Ces grands groupes, structures commerciales devant faire des bénéfices, ne pouvaient faire autre chose que de réduire le service à mesure des réformes restrictives imposées par l’État. Les prix des prestations prises en charges par la sécu semblaient calculés pour permettre un budget au plus juste des établissements qui faisaient des économies d’échelle par leur regroupement. Les hôpitaux publics ont vu le fameux « pouvoir médical » et celui de ceux qu’on appelait complaisamment « mandarins » se réduire au profit de l’administration qui a privilégié sa croissance au détriment des équipes de soins. L’émiettement du « pouvoir médical » à l’hôpital avait commencé avec la création des CHU (réforme Debré dans les années 60). Les grands patrons étaient en voie d’extinction.

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Quant à la médecine de ville, son évolution a été tout aussi désastreuse avec une ruée vers les urgences hospitalières :

— L’abolition de l’obligation de garde des médecins généralistes par le gouvernement Jospin, a contraint les patients à se précipiter aux urgences ! Les villes avaient un médecin de garde qui répondait aux urgences par des visites à domicile.  Je l’ai fait et cela fonctionnait bien.  (Il n’y avait pas encore de SAMU)

— L’absence de consultation de médecine ouverte l’après-midi dans les hôpitaux a contraint les patients à aller aux urgences.

— La quasi-disparition des consultations ouvertes de médecine générale de ville au profit des consultations sur rendez-vous a aussi orienté les patients vers les seules structures ouvertes, les urgences hospitalières.

— Le refus actuel d’accepter « de nouveaux patients » par certains médecins a rendu illusoire l’obligation pour un patient d’avoir un médecin traitant et donc a conduit les patients, naturellement, vers les urgences hospitalières. Ce refus, inexplicable selon l’éthique de la médecine, serait dû à la surcharge de travail des médecins qui sont moins nombreux. Lorsque je consultais en médecine générale à Sarcelles, les cabinets affichaient leurs horaires d’ouverture et tout un chacun pouvait y entrer librement, étant sûr d’être reçu.

Bien entendu, il faut aussi compter avec le vieillissement de la population et l’afflux de plusieurs centaines de milliers de personnes venant de pays pauvres. Ces derniers, porteurs de pathologies fréquentes voire particulières quoique pas forcément infectieuses, du fait de leur misère ou conséquences des modes de vie dans leur pays d’origine, ont l’habitude d’avoir recours plutôt à l’hôpital qu’à la médecine libérale, onéreuse dans leur pays.

Tout cela n’a fait qu’aggraver la situation de la médecine en France.

J’ai pratiqué la médecine générale avant tous ces bouleversements, j’ai vécu la destruction programmée de la médecine, avec la nécessité d’importer des médecins et des infirmières de l’étranger et parfois non francophone. J’ai vu les malheureux étudiants faire leurs études de médecine en Belgique ou en Roumanie et même entendu dire qu’une faculté de médecine portugaise s’était un jour implantée dans le Midi de la France…

J’ai été le témoin affligé de cette évolution. Gouverner c’est prévoir, dit-on. Pendant ces quarante dernières années, il semble que nos dirigeants ont été incapables de prévoir le devenir de la médecine. 

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Enfin, il faut souligner la césure souvent profonde qui existe entre la médecine hospitalière et la médecine de ville. L’impossibilité trop fréquente de joindre des médecins hospitaliers, avec un barrage infranchissable même pour adresser un patient, la généralisation de rendez-vous sur des plateformes, sans possibilité de joindre un médecin, même libéral. Tout cela génère une coupure entre les patients, qui sont l’objet d’une nouvelle médecine que j’appelle de « masse », et les médecins ainsi qu’entre les médecins de ville et ceux de l’hôpital public.

J’ai l’impression que beaucoup de médecins sont devenus des techniciens dont l’humanité a été réduite du fait de la multiplication des techniques et des procédures. La relation médecin-patient en a été altérée, frustrant très souvent le malade dans son attente.

Si l’on veut remédier à tout cela, il faut former des médecins cliniciens. Les étudiants en médecine attirés par la technique – et on le comprend, vu sa nouveauté permanente – ne peuvent pas en même temps apporter au patient le temps nécessaire à ce qui fonde la relation. En effet tout à sa technique ou à sa prise en charge spécifique, on peut comprendre que la relation humaine soit estompée.

Il faudrait ainsi former plusieurs catégories de médecins. On avait autrefois les médecins et les chirurgiens, une troisième catégorie est apparue, les médecins-techniciens dont la spécialité étroite et toujours en évolution, laisse peu de place à un autre type de prise en charge, celle de la médecine attendue par les citoyens.

Silence on tue !

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Dictionnaires pour les eleves de CE2, 592 dictionnaires offerts (Le Robert Junior Illustre 7-11ans, CE, CM, 6e) aux eleves des ecoles nicoises), Ecole Primaire Jules Ferry, Nice FRANCE - 27/09/2021 SYSPEO/SIPA

Le linguiste Alain Bentolila déplore la faillite de l’enseignement de la langue française. Sans langage suffisant, une partie de la jeunesse ne peut « s’exprimer » qu’à travers la violence.


L’arme « blanche », silencieuse est enfoncée encore et encore par un adolescent dans le corps d’un autre adolescent. Sans que le moindre mot n’ait été prononcé. Aucun bruit ne vient troubler le moment banal du sacrifice d’une vie.

Une part importante des jeunes français ne possède que quelques centaines de mots, quand il leur en faudrait plusieurs milliers pour tenter d’accepter et d’examiner pacifiquement leurs différences et leurs divergences. Confinée dans des cercles étroits et oppressants, leur parole fut très rarement sollicitée pour l’analyse et la problématisation. S’expliquer leur paraît alors aussi difficile qu’incongru. Beaucoup de jeunes en insécurité linguistique ont ainsi perdu cette capacité spécifiquement humaine de tenter d’inscrire pacifiquement leur pensée dans l’intelligence d’un autre par la force respectueuse des mots. Lorsqu’ils doivent s’adresser à des gens qu’ils ne connaissent pas, avec lesquels ils ne partagent pas les mêmes convictions, les mêmes croyances, la même appartenance ou… les mêmes intérêts, un vocabulaire exsangue et une organisation approximative des phrases et des discours ne leur donnent pas la moindre chance de le relever le défi de l’explication sereine. Réduite à la proximité et à l’immédiate réaction, leur parole a définitivement renoncé à créer un temps de négociation linguistique, seule capable d’éviter le passage à l’acte violent et à l’affrontement physique. Leur parole devenue « éruptive » n’est le plus souvent qu’un instrument d’interpellation brutale et d’invective qui banalise l’insulte, étrangle le discours et précipite le conflit plus qu’elle ne le diffère.

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S’ils passent à l’acte de plus en plus vite et de plus en plus fort aujourd’hui, c’est parce que l’école comme la famille n’ont pas défendu avec suffisamment de conviction et… d’amour la vertu de rassemblement pacifique du langage. L’une comme l’autre ont oublié que cultiver la langue de leurs enfants et de leurs élèves, veiller à son efficacité et à sa précision, c’était permettre de mettre en mots leurs frustrations, de formuler leurs désaccords et…de leur apprendre à retenir leurs coups. École et famille n’ont pas su mener un combat quotidien et ô combien nécessaire contre l’imprécision et la confusion des mots, sources de tous les malentendus ; elles ont ainsi renoncé à ce que chaque jeune puisse aller chercher au plus loin de lui-même celui qu’il ne connaît pas, celui qui ne lui ressemble pas, celui qui…ne l’aime pas et à qui il le rend bien. La « pauvre » langue qu’on leur a passée ne leur permet pas de dénouer les incompréhensions, de jeter des ponts au-dessus des fossés culturels, sociaux, confessionnels et professionnels qui les divisent. Reconnaître leurs différences, les explorer ensemble, reconnaître leurs divergences, leurs oppositions, leurs haines et les analyser ensemble, ne jamais les édulcorer, ne jamais les banaliser, mais ne jamais leur permettre de mettre en cause leur commune humanité afin de résister à la « tentation délicieuse du meurtre ».  Voilà à quoi devrait servir la langue française qu’on leur a si mal transmise ; voilà à quoi devraient servir ses conventions non négociables qui devraient les lier, quelles que soient leurs appartenances respectives. Nous sommes tous collectivement responsables d’avoir offert en sacrifice, sur l’autel du web, les mots imprécis, les mémoires vides et le dégoût de soi d’une partie de notre jeunesse.

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Il est certes des bavards violents et des taiseux doux comme des agneaux. La parole n’a certes pas le pouvoir magique d’effacer la haine, ou de faire disparaître les oppositions, mais elle a la vertu d’en rendre les causes audibles pour l’un et l’autre ; elle ouvre ainsi à chacun le territoire de l’autre. Nous tous avons failli à enseigner à ces jeunes égarés que ce qui sépare l’homme de l’animal, c’est sa capacité d’épargner celle ou celui qui affiche ingénument sa vulnérabilité. Sa faiblesse, parce qu’elle est humaine, doit être la meilleure garantie de sa survie ; sa fragilité, parce qu’humaine, doit être sa plus sûre protection ; sa parole, parce qu’humaine, représente sa plus juste défense par sa vertu à échanger des mots plutôt que des coups de couteau. Le désespoir de ne compter pour rien ni pour personne, le refus de se résigner à ne laisser ici-bas aucune trace de leur éphémère existence ont réduit certains des enfants de ce pays, parfois au sein même de l’école de la République, à tenter de trouver d’autres moyens pour imprimer leurs marques : ils haïssent, ils meurtrissent, ils tuent ou… ils se tuent. Leur violence s’est nourrie de l’impuissance à convaincre, de l’impossibilité d’expliquer, du dégoût d’eux-mêmes et de la peur des autres. Leur violence est d’autant plus forte, d’autant plus immédiate qu’elle est devenue muette. Un regard de travers peut couter une vie!

La perte d’influence de la France en Europe n’est pas une fatalité

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Ursula von der Leyen et Thierry Breton, au siège de la Commission européenne à Bruxelles, 28 septembre 2022. La démission de ce dernier, en septembre 2024, illustre le recul stratégique de la France au sein de l’Union européenne © AP Photo/Virginia Mayo/SIPIA

La France est responsable de sa perte d’influence au sein de l’Union européenne. Vu depuis Paris, Bruxelles n’est qu’un lot de consolation pour politiques en mal de circonscription et nos députés brillent par leur absentéisme. Quant à nos fonctionnaires qualifiés, ils sont négligés, et ne sont donc pas promus.


Le constat est sévère. Pays fondateur, la France a perdu au fil du temps en influence et en prestige dans une Europe qu’elle a pourtant façonnée au départ. Selon la méthode Jean Monnet, l’Union européenne est en effet dotée d’une administration puissante « à la française » que paradoxalement les Français négligent d’investir. La situation a été fort bien décrite dans des rapports parlementaires, notamment celui de Jacques Floch en 2004 et celui de Christophe Caresche et Pierre Lequiller en 2016.

Pourtant, tout n’est pas perdu. La crise politique, morale et économique que nous vivons est l’occasion d’un sursaut. Et ce d’autant plus qu’à la tête du gouvernement vient d’être désigné, en la personne de Michel Barnier, un politique qui a fait ses preuves comme commissaire, parlementaire européen et négociateur du Brexit, et qui est pleinement reconnu par ses pairs européens.

La première cause de la perte de crédibilité de la France réside en effet, comme le souligne le rapport Caresche/Lequiller, dans ses «mauvaises performances économiques et budgétaires». En 2005, l’Allemagne et la France présentaient de mauvais indicateurs. Jacques Chirac, président français et Gerhard Schröder, chancelier allemand, avaient demandé conjointement un assouplissement du pacte de stabilité qui impose aux États membres de limiter leur déficit budgétaire à moins de 3 % et leur dette à moins de 60 % du PIB. Cet assouplissement n’ayant pas été obtenu, le chancelier allemand a pris le problème à bras-le-corps. Il a lancé l’Agenda 2010, un programme de réformes comportant des réductions d’impôts même pour les « riches », coupant dans le budget de la Sécurité sociale et limitant le versement des assurances chômage pour relancer le marché du travail. Le résultat fut le « miracle économique allemand » et le primat de l’influence allemande, tandis que la voix de la France incapable de se réformer en sortait affaiblie.

Le lot de consolation des politiques en mal de circonscription

La seconde raison du déclin de l’influence française, c’est que les Français n’ont pas su intégrer les institutions et l’administration européennes comme il le faut. Nos dirigeants ont tendance à croire que le poids de la France au Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement, qui fixe les grandes orientations politiques de l’Europe, suffit. Mais l’Union européenne ne fonctionne pas sur le modèle français du top down. Pour gagner en influence dans ce milieu complexe de rivalités nationales que le projet européen vise à transcender, il faut travailler à l’intérieur de la machine. Cela vaut pour l’administration du Conseil et de la Commission comme au Parlement européen.

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Pendant trop longtemps, le mandat européen a été pour les Français le lot de consolation des politiques en mal de circonscription ou de portefeuille ministériel. Aussi, l’absentéisme de nos députés est-il vu comme notre marque de fabrique. Or les députés allemands l’ont compris : la légitimité d’un élu dépend de son travail effectif au sein des commissions. Elle dépend aussi de sa longévité au Parlement, qui seule lui permet de prétendre aux fonctions importantes de rapporteur d’un texte ou de coordinateur ; les coordinateurs désignés par les groupes politiques ayant un rôle clé notamment dans l’attribution des rapports à leurs collègues.

Le bilan à la Commission européenne n’est pas plus favorable. Les tensions avec l’Allemagne ne garantissent plus au commissaire français la maîtrise de ses compétences. Il en est ainsi de Stéphane Séjourné, nouvellement désigné « vice-président exécutif pour la Prospérité et de la Stratégie industrielle ». Quelle sera sa capacité d’influence alors qu’il co-supervisera avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, le commissaire en charge de la Sécurité économique et celui en charge de l’Économie et de la Productivité ? Et quelle sera la place de la France dans la composition des cabinets des commissaires alors qu’on sait déjà que sept d’entre eux au moins seront dirigés par des Allemands ?

Une fragilisation de notre représentation au sein de l’UE

Quant aux fonctionnaires français, ils sont en retrait. Certes, les postes de directeurs généraux à la Concurrence et au Budget sont occupés par des Français, mais les fonctions d’adjoint sont aussi fort importantes. Par ailleurs, la France a perdu la main sur le juridique, dont l’impact est déterminant sur toutes les politiques sectorielles. Il était implicitement entendu que les services juridiques du Conseil, de la Commission et du Parlement revenaient à des Français. Ce n’est plus le cas.  En outre, des candidatures de haut vol soutenues par le président de la République ont été rejetées. Et le gouvernement français a jusqu’ici négligé d’autres fonctions comme celles de médiateur, qui sont pourvues par le Parlement et n’en sont pas moins stratégiques. L’Union européenne, union de droit, se veut un modèle de méritocratie. Pourtant, la logique des grands corps de l’État en France envoie des fonctionnaires parfois peu familiers avec les réalités européennes alors que des Français hautement qualifiés en place au sein de l’Union mériteraient d’être promus. Malheureusement, ils sont souvent écartés par des candidatures françaises concurrentes, fragilisant ainsi notre représentation au sein de l’UE tandis que d’autres États, à l’instar de l’Allemagne, présentent une seule candidature et obtiennent la position.

Une stratégie d’influence dans l’Union européenne est bien pensée. Mais elle n’est pas véritablement déployée et ses résultats sont médiocres. Certes, les fonctionnaires européens sont indépendants. Ils œuvrent pour l’Union et non leur pays d’origine. Mais l’empreinte culturelle compte et elle est principalement allemande et britannique (les fonctionnaires britanniques sont restés en nombre dans l’administration européenne). Les fonctionnaires français, eux, sont de moins en moins nombreux et le français est devenu une langue de seconde zone.

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Il suffirait de peu de choses pour améliorer la situation. Le rattachement de Benjamin Haddad, ministre chargé de l’Europe, au Premier ministre et non seulement au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, est de bon augure. Pour le reste, chacun sait ce qu’il faut faire.

La France doit être intransigeante sur l’usage du français et s’opposer fermement à sa disparition comme langue de travail (exemple regrettable de la Cour des comptes européenne). Face à la désaffection inquiétante des Français vis-à-vis de l’administration européenne, une priorité doit être accordée à la préparation aux concours européens. Il est aussi impératif que les partis politiques comprennent enfin la nécessité de valoriser le mandat de député européen et de l’inscrire dans la durée au lieu de se servir du Parlement européen comme d’un purgatoire.

Plus que tout, les parlementaires français devraient laisser le Premier ministre conduire, à l’instar de l’Agenda 2010 de Gerhard Schröder, son programme de réforme économique et sociale, et de rigueur financière. C’est la clé pour regagner une crédibilité économique, condition sine qua non de l’influence politique.     

*Avocate, ancienne ministre des Affaires européennes

ONU: il faut sauver le soldat UNRWA

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Philippe Lazzarini, Commissaire général de de l'UNRWA parle à la presse au siège de l'ONU à New York, le 13 novembre 2024. Lev Radin/Shutterstock/SIPA

L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) fait l’objet de nombreux reproches: complicité avec le Hamas, parti pris anti-israélien, politique délibérée d’augmentation permanente du nombre des réfugiés palestiniens… Malgré ces accusations, une majorité des Etats-membres de l’ONU approuve l’UNRWA et continue à le financer.


Le 19 décembre, 137 États-membres de l’Assemblée générale de l’ONU ont approuvé un texte initié par la Norvège demandant un avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ) sur les obligations légales d’Israël envers les agences humanitaires de l’ONU, et tout particulièrement l’UNRWA. Douze ont voté contre. Après tout, demander « un avis consultatif à la CIJ, ça mange pas de pain », ont dû penser les votants, enfin ceux qui ont eu le temps d’une pensée fugace avant de voter par réflexe. L’ambassadeur d’Israël, Danny Danon a fait remarquer que ce « cirque diplomatique » survenait au moment où l’armée israélienne avait sérieusement affaibli les organisations terroristes qui le menaçaient et, à travers lui, la civilisation occidentale: « Au lieu de saisir cette opportunité historique pour favoriser la paix et la stabilité, vous choisissez de poursuivre un cycle de haine… Aidez-nous à faire du Moyen-Orient une région de paix et de stabilité, plutôt qu’un foyer de haine et de terrorisme ». Il a rappelé que le Hamas détenait toujours 100 otages civils, comme si ce rappel du réel était de nature à modifier la charge de haine pointée, telle un missile iranien, vers Israël. 

Le pire n’est pas toujours sûr

Contrairement aux prévisions pessimistes, certains États ont semblé touchés par la grâce de la raison car, le lendemain du vote de la Résolution et de la réaction de sa victime, la Suède a annoncé mettre fin à son financement de l’UNRWA et chercher à transférer l’aide à Gaza par d’autres canaux. Rappelons que l’UNRWA est l’agence qui doublonne le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) au seul bénéfice des réfugiés palestiniens. Les 120 millions d’autres sont considérés comme des réfugiés de droit commun : ils n’ont pas à bénéficier d’un traitement VIP. Avec trois fois plus de personnel (exclusivement palestinien, ce qui, à Gaza, signifie appointés par le Hamas) que le HCR, l’UNRWA n’a pas pour mission de résoudre le problème des réfugiés en leur offrant les conditions d’une meilleure existence. Ça, c’est le boulot du HCR. La vocation de l’UNRWA, à l’inverse, est de multiplier le nombre de réfugiés palestiniens, ce en quoi elle réussit parfaitement. 

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En effet, l’intégralité des 120 millions de réfugiés lambda actuels provient de conflits ou de catastrophes naturelles qui sont survenues depuis 1948. Tous ceux issus de la deuxième guerre mondiale sont rentrés dans leur pays après la paix, ou ont été recasés ailleurs, là où leurs descendants ont planté leurs racines. En revanche, le nombre des réfugiés palestiniens, provenant de multiples agressions arabes contre Israël, toujours repoussées, a été multiplié par dix. De 600 000 en 1949 à 5,9 millions à l’aube de 2025. Il faut dire que le statut des réfugiés « normaux » n’est pas héréditaire, celui des réfugié palestiniens (en un mot) si. Un enfant qui naîtra dans dix ans aux États-Unis mais dont un aïeul peut revendiquer d’avoir sous-loué un gourbi en Palestine mandataire entre le 1er juin 1946 et le 15 mai 1948 pourra, s’il souhaite faire une carrière politique (ou vivre de la charité internationale) réclamer la carte de l’UNRWA et tous les avantages y afférents. Même s’il naît à Gaza, qui est autonome depuis vingt ans ? Oui, même à Gaza où la population est administrée par le Hamas qu’elle a élu en 2006 et où plus un Juif n’a mis les pieds depuis lors.  

Erratum. Un Israélien arabe et un Juif noir, tous deux handicapés mentaux, sont entrés par errance et par erreur à Gaza, l’un en 2014, l’autre l’année suivante. Ils s’appellent Hisham al-Sayed et Avera Mangistu. On est sans nouvelle d’eux depuis dix et onze ans respectivement. L’État juif fait des pieds et des mains pour les récupérer, mais il ne peut compter sur aucune bienveillance internationale, car dans cette affaire, le casting est à contre-emploi. Les méchants Juifs cherchent à récupérer des otages de la mauvaise couleur et de la mauvaise religion, qui sont détenus par les gentils Palestiniens !

Prendre la bonne décision pour de mauvaises raisons

La décision suédoise de cesser le financement d’une agence de l’ONU, dont des salariés ont participé aux massacres du 7 octobre 2023 et dont des professeurs gardaient des otages en esclavage à leur domicile, n’a pas été prise pour des raisons morales : la morale est terriblement contrariante, aussi est-elle bannie de toutes les équations dont Israël est un connu. La raison invoquée par le royaume nordique est la difficulté de l’UNRWA à gâter ses ouailles depuis qu’Israël lui a interdit son territoire. Par méchanceté pure, évidemment. D’ailleurs, les motifs invoqués sont anodins. Au moins 10 % du personnel Gazaoui de l’agence a des liens avec le Hamas et d’autres organisations terroristes. Et alors ? S’ils « travaillent » à l’UNRWA, c’est qu’ils ont été adoubés par le Hamas ! C’est tout ce que vous avez ? Non : en février 2024, l’armée israélienne a trouvé des armes du Hamas dans des bureaux de l’UNRWA, ainsi qu’un centre informatique géant sous son bâtiment principal. Bien qu’elle l’ait alimenté en électricité par un réseau de câbles branché sur son propre tableau, l’agence a juré qu’elle ignorait la présence de ce complexe industriel sous son siège social. Les Suédois donneront le double de pognon aux Palestiniens, mais via des ONG au lieu de l’agence immobilisée.

L’ONU (95 dictatures + 72 démocraties) fait la pluie et le sale temps pour l’État juif

Le 9 mars 2024, l’UNRWA avertissait qu’un quart de la population de la bande de Gaza était au bord de la famine et que des enfants mouraient de faim. L’organisation spécialisée dans cette problématique, la Integrated Food Security Phase Classification (IPC), qui est liée à l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture de l’ONU, avait prédit qu’une véritable famine éclaterait dans le territoire entre mars et juillet 2024. Une couverture presse tenant du duvet molletonné triple épaisseur avait suivi cette déclaration. En revanche, une deuxième étude de la même IPC, publiée en juin, n’a eu aucun écho médiatique. Comment se fait-ce ? Fondée sur des faits et non des envies de meurtre, cette étude n’a intéressé personne. L’IPC admettait que ses hypothèses sur la quantité de nourriture qui entrerait dans le territoire étaient fausses et que l’approvisionnement en nourriture de Gaza avait augmenté au lieu de diminuer. « Dans ce contexte, les preuves disponibles n’indiquent pas qu’une famine est actuellement en cours ».

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La famine étant l’article tête de gondole de l’UNRWA, celle-ci ne s’est pas laissée retirer le pain de la bouche par des faits et des chiffres. Elle a continué à alimenter les fantasmes en répétant l’appétissante menace sur tous les tons. Les médias l’ont répétée jusqu’à plus soif : France Info le 9 juillet: « Les experts de l’ONU affirment que les enfants meurent d’une « campagne de famine » menée par Israël ». TV5 Monde, le 1er novembre 2024 : « L’ensemble de la population palestinienne du nord de Gaza est exposée à un risque imminent de mourir de maladie, de famine et de violence ». ONU France, le 12 novembre : « Seule la fin de la guerre permettra d’éloigner durablement la perspective de la famine à Gaza. Il est donc urgent de parvenir à un cessez-le-feu immédiat et permanent dans la bande de Gaza. C’est la seule solution pour mettre un terme au désastre humanitaire qui se déroule sous nos yeux ».

Conclusion : aussitôt arrêté, aussitôt repris, le financement suédois de l’UNRWA a été sauvé par le gong de la présomption d’innocence ontologique.

Cadeaux de Noël

Le 25 décembre, le chef du bureau auxiliaire de l’ONU pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) à Gaza, Georgios Petropoulos, a déclaré que « les autorités et l’armée israéliennes ne semblent pas disposées à ouvrir plusieurs points d’accès à la fois », ce qui ralentirait l’acheminement de l’aide. Mais il a mentionné aussi « le pillage de l’aide dans les zones contrôlées par Israël » ce qui a été contredit par le Colonel Abdallah Halabi, directeur de la coordination et de la liaison à Gaza : « Du côté israélien, il n’y a aucune restriction sur la quantité d’aide qui entre. Le problème central est la capacité de transport et de distribution par la communauté internationale ». Sur fond d’images télévisées (chaine 12 israélienne) tournées au passage de Kerem Shalom, côté gazaoui, où 885 camions chargés de milliers de tonnes d’aide humanitaire attendent d’être déchargés. Le directeur général de l’Organisation mondiale de l’alimentation a affirmé que «seulement deux camions d’aide sont entrés en novembre parce qu’Israël ne nous permet pas d’en amener davantage », déclaration encore réfutée par Abdallah Halabi : « Celui qui a dit cela ne comprend pas la réalité. Plus de 800 camions sont entrés ». Qu’en termes délicats ces choses-là sont dites : en quatorze mois de guerre, c’est plus de 60 000 camions qui sont entrés, avec 1,3 million de tonnes d’aide humanitaire, 32 millions de litres de combustible, 52 000 litres d’eau et 27 000 tonnes de gaz de ville.

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Malgré l’incapacité des ONG à assurer la distribution, plus de 200 camions arrivent chaque jour dans la bande de Gaza. Le Hamas attend les livraisons, en prend le contrôle et pille l’intégralité des vivres. « C’est l’un de nos principaux problèmes », a reconnu Abdallah Halabi, qui va bientôt figurer sur le mur de Gaza du Monde avec une cible dans le dos, s’il continue de donner la même importance aux faits qu’aux vœux…

Comme l’a dit Hillel Neuer de UN Watch, « Chaque euro versé à l’UNRWA est un euro contre la paix ».

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Avant la Terreur ou la guerre : les leçons de Mirabeau

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Joseph-Désiré Court, Mirabeau devant de Dreux-Brézé, 23 juin 1789. "Nous sommes ici par la volonté du peuple..." / Bridgeman Images

La France a visiblement besoin d’une révolution mais quelle révolution pourrait éviter la guerre civile ou la Terreur ? Ecoutons Mirabeau, ce grand homme de la Révolution française, mort prématurément, adulé par la foule de son vivant, mais calomnié par ses ennemis politiques et considéré jusqu’à aujourd’hui comme un traitre à la révolution, en méconnaissance totale de sa pensée et de son œuvre.


La cour de Marie-Antoinette, reine de France de 1774 à 1792, est souvent décrite comme un lieu de corruption et de frivolité, ce qui a grandement contribué à la désillusion du peuple français envers la monarchie. Marie-Antoinette est connue pour son goût extravagant. Ses dépenses somptueuses sur des robes, des bijoux et des fêtes contribuaient à une image de déconnexion avec les réalités économiques du pays. La cour de Versailles était un lieu où les intrigues politiques et personnelles étaient monnaie courante. Les courtisans, cherchant à gagner les faveurs de la reine et du roi, se livraient souvent à des pratiques corruptives, telles que le favoritisme et la manipulation des décisions politiques pour leur propre profit.

Honoré-Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau (1749–1791), fut une figure centrale des débuts de la Révolution française. Tribun éloquent, écrivain prolifique et défenseur passionné de la liberté, il se fit connaître par ses talents oratoires à l’Assemblée nationale et par son rôle de médiateur entre le roi Louis XVI et le Tiers État. Malgré une vie marquée par les scandales et les controverses, il s’est battu pour une monarchie constitutionnelle et une société où les différences pourraient coexister. Son héritage demeure celui d’un homme convaincu que la force de la parole et la recherche de compromis peuvent transformer une nation en crise.

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Dans le fracas de son époque, Mirabeau avait cherché à transformer la colère en énergie créatrice, les divisions en solutions, les antagonismes en dialogues. Aujourd’hui, la France est encore un pays fracturé, menacé non seulement par ses divisions internes mais aussi par des dangers extérieurs, comme l’islamisme, qui cherchent à saper les fondements mêmes de nos valeurs républicaines. Comme l’avait écrit Mirabeau dans ses lettres, « Tout homme fort peut transformer les tempêtes en cheminements utiles »

Une France qui craque

Comme avant 1789, la colère gronde. Elle n’est plus consignée dans des cahiers de doléances, mais dans les manifestations, les grèves, les réseaux sociaux. La France s’enferme dans ses fractures : riches et pauvres, centres et périphéries, élites et peuples. Les inégalités se creusent, alimentant un ressentiment viscéral. Mirabeau disait : « Rien n’est plus dangereux qu’une société où l’espoir est refusé aux plus nombreux ». Ce constat n’a jamais été aussi pertinent. Une méfiance radicale nourrit des discours qui ne cherchent plus à convaincre mais à abattre l’autre, et les idéologies extrêmes, y compris l’islamisme, exploitent ces fractures pour diviser davantage. La violence devient le seul langage. Il avertissait : « Les peuples ne se soulèvent que lorsque leur misère n’a plus de mots ».

Un rejet systématique des médiateurs

Comme lui, ceux qui tentent de concilier deux camps sont perçus comme des traîtres. Hier, il était entre le roi et le Tiers État ; aujourd’hui, ce sont les voix modérées étouffées par les extrêmes et par ceux qui veulent imposer des visions radicales. « On accuse toujours le pont de fragiliser les rives », disait-il — et pourtant, bâtir ces ponts est la seule voie pour réparer. Mirabeau aurait compris que la colère ne disparaît pas par la répression ou les belles paroles. Il aurait vu qu’elle est une énergie brute, prête à exploser ou à créer, selon ce qu’on en fait. 

Redonner un cadre aux conflits

Il avait tenté de créer une monarchie constitutionnelle comme compromis, car « il n’y a d’ordre que dans la liberté réglementée ». Aujourd’hui, nous devons réinventer nos institutions pour que chacun y trouve une place, en intégrant la diversité des populations tout en préservant notre identité républicaine et nationale. Les citoyens doivent se sentir acteurs, pas spectateurs. Une démocratie vidée de sens ne peut qu’alimenter la frustration. Que nous dirait Mirabeau?

Faire se parler les mondes qui s’ignorent. Les élites urbaines doivent écouter ceux qui vivent à la marge. Les territoires oubliés ne doivent pas rester isolés des grandes décisions. Mirabeau disait : « L’éloignement des conditions de vie engendre l’ignorance, et l’ignorance, le mépris ». La France doit redevenir une communauté, et cela commence par recréer des dialogues entre ceux qui se méprisent, tout en restant vigilants face aux idéologies qui menacent notre cohésion.

Canaliser la violence, pas l’éteindre. Comme lui, on peut voir que la colère n’est pas un problème, c’est un signal. La nier, c’est la renforcer. La comprendre, c’est la transformer. Il avait raison en disant : « Les passions sont des torrents, et il est inutile de les tarir. Ce qu’il faut, c’est leur tracer un lit ». Il faut des lieux où cette énergie peut s’exprimer, être reconnue et devenir un moteur de solutions, tout en combattant les forces de la radicalisation qui cherchent à déstabiliser notre société.

Dépasser les dogmes et les extrêmes. Il avait vu que les factions révolutionnaires, en refusant le compromis, menaient au chaos. « Le dogme inflexible est l’ennemi du progrès », écrivait-il. Aujourd’hui, nous devons dépasser les simplismes idéologiques et trouver des solutions concrètes qui incluent tout le monde, tout en restant fermes contre les idées qui prônent la violence et la division.

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Rien de ce travail n’est simple. Mirabeau avait été hué, critiqué, accusé de trahison par les deux camps. Nous faisons face aux mêmes obstacles aujourd’hui :

La polarisation totale. Chacun reste enfermé dans son camp, sa bulle, ses certitudes. Le dialogue est vu comme une faiblesse, le compromis comme une trahison. Il disait : « Le sectarisme est l’aveuglement de ceux qui préfèrent avoir raison seuls que construire ensemble ».

L’urgence permanente. Entre crises climatiques, économiques et sociales, tout semble si urgent qu’on n’a plus le temps d’écouter. Pourtant, sans cela, aucune solution durable n’est possible. « La précipitation n’a jamais bâti que des châteaux de sable », rappelait-il.

La méfiance généralisée. Comme on l’accusait de duplicité, on soupçonne aujourd’hui toute tentative de médiation. « Le soupçon est le poison des sociétés fragiles », disait-il. Cela rend la tâche plus difficile, mais pas moins nécessaire.

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Mirabeau est mort avant de voir sa vision s’accomplir. Mais son action laisse un message clair : il n’y a pas d’avenir dans la division. La colère, quand elle est abandonnée à elle-même, détruit tout sur son passage. Mais si elle est accueillie, écoutée, transformée, elle peut reconstruire. Aujourd’hui, la France a besoin de bâtisseurs de ponts. Pas des rêveurs, mais des pragmatiques comme lui, capables de descendre dans l’arène, de parler à tous les camps, et de transformer le tumulte en solutions. Mirabeau nous rappelle que « la véritable grandeur consiste à faire des petites choses avec un grand cœur », et cela implique d’affronter les défis avec détermination et solidarité. Il nous enseigne qu’un monde meilleur ne naît pas de la haine, mais du courage d’affronter la complexité et de chercher des voies nouvelles, tout en restant vigilants face aux menaces qui pèsent sur notre cohésion sociale et nos valeurs. La tâche est immense, mais le chemin est essentiel. Comme l’a dit Mirabeau : « La Révolution est faite, elle est dans les esprits ; il ne s’agit plus que de l’organiser ».