Accueil Site Page 4

Les porcs d’Amsterdam

0

Antisémitisme. Le réel frappe un grand coup lors du match Ajax – Maccabi Tel-Aviv.


L’ONU est très perturbée. C’est un porte-parole du HCR qui a fait cet aveu, avant de noyer le poisson dans des considérations antiracistes évitant soigneusement les mots « antisémitisme » ou « juif ».[1] Les événements d’Amsterdam ont en effet de quoi perturber la vision du monde qui a cours au bord de l’Hudson, selon laquelle les juifs (et leur avant-garde israélienne) sont les nouveaux nazis. Jeudi soir, dans la ville d’Anne Frank, ce sont des juifs qu’on a pourchassés, tabassés, humiliés dans un déferlement de violence haineuse et rageuse. Alors, si on cherche vraiment des nazis, on sait où les trouver.

Hamasterdam

Je vous vois venir, en particulier tous ceux qui croisent Hitler tous les quatre matins et qui ont soudainement des pudeurs de gazelle. Le président israélien ayant parlé de pogrome antisémite (ce n’est pas un pléonasme ?), vous prenez vos distances, faites les scrupuleux. Ce n’est pas un pogrom et encore moins la nuit de Cristal, souligne Laurent Joffrin dans un éditorial empreint par ailleurs, d’une grande lucidité[2].  

A ne pas manquer, Causeur actuellement en kiosques: Coupons le cordon! Pour l’indépendance de l’Algérie

D’accord, Amsterdam 2024 n’est pas Berlin 1938. Pour Joffrin, les agressions de l’autre soir « ne sauraient être comparées, même de loin (…) à la vaste opération de terreur lancée par les nazis en 1938 contre les Juifs d’Allemagne, prélude à leur déportation et à leur extermination ». À Amsterdam on n’a pas brûlé de synagogue ou de magasins, ni même tué des juifs – même si c’était peut-être au programme. La police n’a pas prêté main-forte aux fanatiques, même si elle a été incapable de les arrêter. Le maire de Berlin, dans les années 30, ne proclamait pas sa honte des violences anti-juives survenues dans sa ville. Ajoutons que, dans les années 30, les juifs ne se déplaçaient pas en horde, qu’ils ne braillaient pas des chansons racistes en hébreu, qu’ils n’arrachaient pas de drapeau, comme l’ont fait le jour du match les supporters du Maccabi Tel-Aviv, un bel exemple de la normalisation israélienne puisqu’ils ressemblent à tous les supporters abrutis du monde. Dans les années 30, il n’y avait pas d’Israël pour les rapatrier. Et aujourd’hui, il n’y a pas d’Hitler au pouvoir, même si les candidats à sa succession ne manquent pas.

Tout le monde sait désormais ce que signifie « Free Palestine »

Donc, évidemment, ce n’est pas pareil. N’empêche, ça ressemble trop au nazisme pré-génocidaire, pour qu’on se contente de regarder ailleurs. Ce juif paniqué nageant dans un canal sous les rires gras de ses tortionnaires qui l’obligent à crier des slogans pro-Hamas (tout le monde sait désormais ce que signifie Free Palestine, pour les malcomprenants, la carte est fournie), évoque ces rabbins qu’on faisait danser sur les rouleaux de la Torah. Alain Finkielkraut rappelle souvent que les nazis riaient tout le temps. S’il n’y a pas d’Hitler, il y a dans nos villes beaucoup de ces « hommes ordinaires » transformés en brutes qui, avant même son accession au pouvoir, faisaient régner la terreur dans les rues allemandes, terrorisant, molestant, arrêtant les opposants, les communistes, les juifs. Aujourd’hui, sous les traits d’islamo-racailles fanatisées, ils sont à l’œuvre à Amsterdam comme dans les rangs de Daech. Ils règnent sur les territoires perdus. En Europe, et singulièrement en France, ils ont tué des professeurs, des journalistes, des policiers, des chrétiens, des passants par centaines et des juifs. Les nazis prétendaient rendre justice au peuple allemand en asservissant l’humanité au Reich millénaire, les islamo-djihadistes prétendent défendre leurs frères palestiniens et faire advenir la victoire planétaire de l’islam. Alors ce n’est pas pareil, sans doute, mais contrairement à ce qu’écrit Laurent Joffrin, on a le droit de comparer.

Islam conquérant

L’autre ressemblance entre hier et aujourd’hui, c’est l’inconscience des sociétés libérales. Les démocrates mous du genou regardent ailleurs, espérant qu’une absence de solution (et des palabres) finiront par résoudre le problème. Quant à la gauche, elle s’est sabordée face à l’islamisme comme hier face au nazisme. Toutes ces années, elle a traqué le dérapage, scruté la résurgence, dénoncé le moindre écart de langage des partis « d’extrême droite », ignorant ou minimisant la montée d’un islam politique conquérant, criminel et volontiers totalitaire quand elle ne l’encourageait pas en dénonçant à grands cris l’islamophobie.

Certes, pas toute la gauche. Les mélenchonistes, qui ont lié leurs intérêts de boutique à la progression de l’islam radical, persistent dans l’aveuglement jusqu’au comique. Pour Aymeric Caron, rien ne prouve que les agressions d’Amsterdam étaient de nature antisémite. Sa collègue Marie Mesmeur n’est pas loin (et même très près) d’approuver les nervis islamo-hollandais (on suppose qu’ils sont hollandais) : « Ces gens-là n’ont pas été lynchés parce qu’ils étaient juifs mais parce qu’ils étaient racistes et soutenaient un génocide. »

À lire aussi, du même auteur: Annus horribilis

À force de prendre des coups de réel, beaucoup d’autres doivent bien admettre qu’il y a un problème. En général, ils nient obstinément que celui-ci ait quoi que ce soit à voir avec l’islam et encore moins avec l’immigration, mais on les entend moins proclamer que tout ça, c’est des fantasmes d’extrême droite. La lucidité progresse. Il faut saluer Fabien Roussel, irréprochable ces derniers jours: « Des supporters ont été chassés, menacés, lynchés, dans les rues d’une ville européenne, parce qu’ils sont juifs. » Et aussi Sandrine Rousseau qui, quand elle lit que « des supporters israéliens ont provoqué », réplique « ça ne va pas de justifier la violence comme ça ! » Si la ratonnade anti-juive d’Amsterdam était une réponse légitime aux slogans débiles et haineux de supporters, il serait aussi légitime de tabasser Imzalene, Soudais ou Caron. Or cela serait une faute impardonnable.

Il faut aussi saluer la clairvoyance de Laurent Joffrin qui observe qu’une bonne « partie de l’opinion propalestinienne en Europe se laisse glisser dans un antisémitisme terrifiant ». Propalestinienne, qu’en termes galants, mais passons. À la différence de Bernard Kouchner, aussi terrible soit la guerre là-bas, Joffrin ne comprend pas les antisémites d’ici: « Il est clair que la poursuite indéfinie des opérations israéliennes à Gaza et au Liban, avec leur cortège de pertes civiles déchirantes, est propre à échauffer les esprits. Mais on sent bien, aussi, qu’il y a là un terreau local nuisible, alimenté, entre autres, par les courants islamistes, qu’il convient d’évaluer à sa juste mesure et de réprimer sans faiblesse. » Pour l’évaluation et plus encore pour la répression, on risque d’attendre longtemps. Bruno Retailleau ne peut pas mener seul toutes les guerres. Or, il est bien tard. Laurent Joffrin est bien seul. La chasse aux juifs d’Amsterdam n’a pas fait les gros titres de la presse, elle n’a pas stimulé la verve des éditorialistes (qui à leur décharge étaient sans doute en week-end). On s’habitue. Ça non plus, ça ne vous rappelle rien ?


[1] Quelques heures plus tard, le secrétaire général lui-même se dit choqué et dénonce d’un même élan l’antisémitisme et l’islamophobie.

[2] « La chasse aux juifs », Laurent Joffrin LeJournal.info, 9 novembre 2024.

Le jump de Trump

0

Un joyeux saut dans l’inconnu. Qu’on aime ou pas Donald Trump, il est réjouissant de noter que de nombreux citoyens américains ont pris la liberté de voter en dehors des cases. Et si l’Amérique n’était pas que le pays du communautarisme?


Sale temps pour la corporation des idéologues et sociologues de plateau. Eux qui sont si prompts et si habiles à ranger les individus dans des cases, à les enfermer dans des catégories toutes faites, à déduire de leur appartenance, de leurs origines, de leur filiation, de leur sexe et couleur de peau, leurs choix politiques, le sens de leurs votes, voilà que les faits – je veux dire les résultats des élections présidentielles made in USA – viennent saper leurs sacro-saintes certitudes en la matière. N’allons pas espérer pour autant qu’ils en arrivent à reconnaître leur Bérézina intellectuelle. Pour cela il leur faudrait une vertu qui leur est totalement étrangère, l’humilité. Ne soyons donc pas inquiets pour eux, ils sauront manipuler, triturer, tripatouiller ce réel contrariant pour le faire entrer dans leurs dogmes. Ils ont donc encore de beaux jours devant eux tant leurs élucubrations seront encore – et pour longtemps – prisées des médias, des officines et cabinets ministériels où on fait profession de s’en nourrir, ou mieux de les déguster. Dégustation à l’aveugle, de préférence. C’est plus confortable, moins dérangeant. On ne risque pas ainsi le choc toujours terrible de la remise en question.

Les faits, disais-je. L’élection purement et simplement flamboyante de Donald Trump à la présidence des États-Unis, première puissance mondiale, est-il besoin de le souligner.

À observer ces résultats, même d’un œil peu expert – le mien en l’occurrence – on a tôt fait d’en déduire que nos idéologues- sociologues seraient fondés à considérer que les citoyens américains ont vôté absolument n’importe comment. En tout cas, en dehors des cases et catégories électorales qu’ils leurs assignaient, conformément à leurs fumisteries pompeuses, scories d’une discipline universitaire constamment dévoyée.

Des Latinos, des Blacks, des femmes, des d’jeunes, peut-être même des gays et lesbiennes auraient déposé leur bulletin ailleurs que dans la goulette à eux exclusivement dévolue ! On les attendait chez Kamala, on les retrouve chez Donald. Saperlipopette, rien ne va plus ! Où va-t-on ma bonne dame !

Eh bien, il me semble qu’on va enfin dans le bon sens. Il me semble que cette élection et la base formidablement élargie sur laquelle elle repose, sont de précieux motifs d’espérer. Que des communautés échappent au diktat convenu, à l’enfermement dans leur couloir de citoyenneté, qu’elles s’autorisent la liberté de franchir le mur invisible mais farouchement entretenu par les doctrinaires wokistes et consorts, laisse augurer le meilleur à venir, de ce côté-ci aussi de l’Atlantique.

Ces transgressions massives de la norme préétablie, voilà ce que je me permets d’appeler le Jump de Trump. (Ordinairement, je déteste le recours à toute autre langue que le français, mais, dans l’euphorie du moment, je me prends à faire le malin…) Le Jump de Trump. Le saut. Le saut que représente en effet ce passage d’une conscience politique prédéterminée et comme imposée à la manifestation de la liberté démocratique. La liberté du citoyen, décidant lui et lui seul de ses choix.

Par ce vote, le peuple américain (peuple composé pour paraphraser Jacques Bainville parlant du peuple français), par ce vote dépassant les clivages communautaires, les assignations à castes, a magistralement montré au monde entier qu’il se sentait aussi, et peut-être même surtout, une nation.

LES TÊTES MOLLES - HONTE ET RUINE DE LA FRANCE

Price: 14,77 €

1 used & new available from 14,77 €

Cyrille Eldin: mon histoire avec une metoomane

Cyrille Eldin a été condamné pour « violences psychologiques » sur son ex-compagne. L’ancien animateur- vedette de Canal+ est aujourd’hui séparé du fils qu’ils ont eu ensemble, au chômage et sans possibilité de travailler. En attendant l’appel de cette condamnation, il veut rétablir la vérité.


Causeur. Précisons d’abord que nous sommes tous amis. Le 14 octobre, on a appris dans la presse (qui a traité votre cas avec la gourmandise due à un ancien animateur vedette sur Canal +) votre condamnation par le tribunal de Nanterre à six mois de prison avec sursis pour violences psychologiques sur votre ex- compagne. C’est exact ?

Cyrille Eldin. J’ai été condamné pour trois chefs d’inculpation. Détention d’arme : c’était l’arme de mon père que je cachais au fond d’un placard (sans munition), depuis sa mort en 1997 ; et que je n’ai évidemment jamais utilisée. Détention de stupéfiants, en l’occurrence du cannabis (qui était pour l’essentiel du CBD, produit légal) et 1,4 gramme d’ecstasy qui avait été donné à ma compagne au cours d’un mariage et que nous n’avions jamais consommé. Mais si j’ai été à la une de certains médias, c’est évidemment à cause de la condamnation pour violences psychologiques sur mon ex-compagne. Je fais appel, parce que je suis innocent.

Vous êtes en tout cas présumé tel. Les plaignantes ne manquant jamais de tribunes extrajudiciaires, nous donnons la parole à la défense, comme nous l’avons fait avec Yoann Manca. Racontez-nous votre version de l’histoire.

Sandrine Calvayrac et moi nous sommes rencon- trés fin 2015. Pendant trois ans nous avons vécu une histoire parfois orageuse, souvent insouciante et toujours passionnée. Il faut dire que tout nous souriait, j’étais alors un des visages vedettes de Canal, j’avais embarqué Sandrine au « Petit Journal », on s’embras- sait à l’écran pour la Saint-Valentin, on voyageait. Bref, on était un couple assumé, même si on ne vivait pas ensemble, car je n’étais pas encore divorcé. Il y avait des crises, des sautes d’humeur mais la plupart du temps, c’était joyeux. Quand elle m’a brutalement quitté en 2018, j’en ai bavé. Je n’ai eu aucune nouvelle pendant trois ans et, en avril 2021, elle débarque au Théâtre de l’Atelier où je joue le rôle de Michel Rocard dans L’Opposition. Elle me fait le grand jeu, me dit que je suis l’homme de sa vie, qu’elle veut un enfant de moi. Elle m’envoie L’Attente de Johnny Hallyday, une chanson d’excuses. Je plonge bien sûr, je suis flatté, je veux retrouver la magie de notre histoire. Je suis partant pour un enfant. J’aime être père. Je suis très fier de mes deux aînés, Camille, 23 ans et Roman, 20. Ils vivent avec moi et nous sommes très soudés.

Et alors, la magie revient ?

Les premières semaines, c’est le grand amour, quoique toujours en montagnes russes. Sandrine est contra- riée que sa carrière de comédienne soit au point mort. Pendant toute cette période, elle ne décroche aucun contrat et ça la rend amère, ce que je comprends. Quant à moi, j’ai encore une émission littéraire sur Canal, « Caractères », des envies de théâtre, mais ce n’est plus la vie facile de la période « Petit Journal ». Je redeviens un saltimbanque. En juillet 2021, elle est enceinte. En novembre 2021, à sa demande, je l’aide à payer le loyer de l’appartement qu’elle a conservé à Paris, puis quand elle décide de venir vivre chez moi, je prends en charge le déménagement et tous les frais, comme une évidence.

Ce qu’on entend, c’est qu’en quelques mois vous êtes passés de la passion aux questions budgétaires.

Alors qu’elle tombe enceinte, elle se replie, s’isole, ne sort plus de la maison, ne voit jamais d’amis malgré mes encouragements. Je l’accompagne à tous les rendez-vous chez l’obstétricienne, puis le pédiatre… Après la naissance de Julian, le 28 mars 2022, elle devient excessivement possessive. Je mets ça sur le compte de l’inquiétude maternelle, c’est son premier enfant. Mais il y a des engueulades. Ça dégénère pendant l’été, alors que nous sommes en Sardaigne. Je pense qu’elle ne le nourrit pas assez, ce que confirmera la pédiatre en septembre. Un jour, alors que je lui dis de nous foutre la paix, à Julian et moi, pendant que je donne le biberon, elle sort son portable et me filme en disant, sans aucune raison : « Tu vas faire quoi ? Tu vas me taper ?! » Et là je me dis : « Attention danger ! » En septembre, je joue au théâtre, donc je ne suis pas là le soir, ce qui me vaut d’épouvantables scènes de jalousie. Durant toute cette période, je vois le piège se tendre, je reste le plus calme possible face à ses crises d’hystérie. Je reste pour notre fils, mais il n’y a plus de couple.

Elle vous quitte en janvier, avec Julian ?

Oui, le 29 janvier, elle part chez son père, dans le sud de la France. Elle m’écrit ce jour-là ce SMS, avant de ne plus donner de nouvelles durant quatre jours : « C’est un enfant de l’amour, je veux une vie apaisée, je ne te couperai jamais de lui. Je t’embrasse », avec un cœur ! Ce qui prouve que, contrairement à ce qu’elle racontera ensuite, elle n’est pas partie de chez moi terrorisée. Le 5 février, elle m’appelle : « Comment on fait pour mes affaires ? » Moi : « Comment on fait pour Julian ? » La conversation tourne court mais sans dérapages. Le 7 février, je me désolidarise du compte commun. Le 10, je saisis le juge aux affaires familiales et dépose une main courante pour soustraction d’en- fant. J’ignore que, la veille, elle a porté plainte pour menaces de mort.

Cyrille Eldin et son ex-compagne, Sandrine Calvayrac, à Roland-Garros, 30 mai 2018. Haedrich/Niviere/SIPA

Que se passe-t-il du côté des affaires familiales ?

L’audience civile est prévue le 13 avril 2023. La veille, c’est-à-dire très tard, nous recevons les conclusions de son avocat qui annoncent des témoignages sur l’enfer qu’aurait vécu Sandrine. Je m’apprête à répondre à ces accusations dans la nuit pour mon avocate. Mais je ne serai pas à l’audience. À six heures du matin, les portes de ma maison sont défoncées. Pas moins de dix policiers pénètrent et me passent les menottes. J’attends dix minutes à poil l’arrivée d’un officier de police judiciaire qui m’annonce que je suis visé par une plainte de Sandrine Calvayrac. Je suis placé en garde à vue (pour la première fois de ma vie) et ne peux donc pas me présenter devant le juge aux affaires familiales.

Avez-vous peur ?

D’après vous ? Mes avocates de l’époque, au civil comme au pénal, me disent que le dossier est vide mais que, selon elles, je serais sûrement condamné, vu le « contexte MeToo ». J’ai changé d’avocats depuis. Ma garde à vue est prolongée à trente-six heures pour une confrontation avec Sandrine. Pendant tout ce temps, j’ai l’impression de n’avoir affaire qu’à des gens déjà convaincus de ma culpabilité.

Quels sont les jugements successifs rendus au civil ?

J’ai passé dix mois sans voir mon fils, je ne l’ai pas vu faire ses premiers pas. À la fin de ce supplice, le tribunal m’a autorisé à voir Julian de 10 à 17 heures une fois par mois. Je précise que je dois me rendre dans le Var avec ses deux frères à qui il manque beaucoup, ce qui est assez onéreux, alors que ma situation financière se dégrade. Maintenant, j’ai le droit à un week-end tous les quinze jours. Et trois jours pendant les vacances. Le plus incroyable, c’est que Sandrine m’accusait de faits relevant du pénal, pour lesquels je risquais une peine de prison, et me demandait au civil une pension de 3 000 euros par mois. Avec le recul, il est assez évident que sa plainte avait pour but de justifier son départ précipité de la maison, me privant ainsi brutalement de mon fils. Il fallait bien de telles accusations pour expliquer ce comportement.

Que se passe-t-il après votre sortie de garde à vue ? Y a-t-il un juge d’instruction ? Êtes-vous auditionné plusieurs fois par la police ?

Il n’y a pas eu de juge d’instruction, mais seulement une enquête policière qui a été minimaliste. Même le procureur a reconnu la faiblesse de l’enquête faite exclusivement à charge. Outre les trois chefs d’accusation déjà cités, Sandrine me poursuivait aussi pour menaces de mort.

Racontez-nous l’audience…

La première chose qui m’a frappé, c’est la présence de journalistes. Ils ne s’intéressent plus du tout à moi, mais tout de même assez pour faire leurs choux gras de mes déboires. Le 23 septembre 2024, j’ai demandé à mes deux aînés, qui vivent avec moi et qui étaient donc les seuls spectateurs de notre quotidien, de venir témoigner. Cette audience pénale a duré trois heures et demie. Nous étions très confiants. Mon avocat a bien plaidé, mes enfants ont témoigné en restant très factuel, expliquant que Sandrine cherchait le conflit en permanence, qu’elle mentait sur des moments précis, et que le comportement qu’elle m’imputait était en réalité le sien. Pour nous, le seul enjeu, c’était de retrouver Julian dans des conditions acceptables.

Trois semaines après, c’est la douche froide…

Mon avocate m’apprend le 14 octobre que je suis condamné pour la détention de l’arme et pour les stupéfiants : normal, j’ai reconnu les faits, même si le prétendu cannabis était, je le répète, du CBD à plus de 80 %. Je suis relaxé pour les menaces de mort. Dans ces conditions, la relaxe pour les violences psycholo- giques semblait évidente puisque les deux reposaient sur les mêmes fondements : des déclarations invéri- fiables de Sandrine et une enquête bâclée. Et pourtant, je suis déclaré coupable. C’est incompréhensible ! J’ai fourni des pages et des pages de SMS constatés par huissier, et que mon avocat a lus à l’audience, dans lesquels Sandrine m’insulte : « T’es une ordure ! », « Une vieille merde ! », « Racaille ! », « Ton immense gueule de corbeau », « Mais y a pas une mongole qui se respecte qui reste avec toi », « T’es une merde, t’es pire qu’un arabe », « Trisomique » et d’autres horreurs. Si je suis condamné, elle devrait l’être aussi car ses insultes sont écrites, tandis qu’elle me prête des propos orduriers sans la moindre preuve. Autrement dit, j’ai les preuves des « violences psychologiques » dirigées contre moi, et c’est moi le coupable !

Depuis, en quoi votre vie a-t-elle changé ?

C’est simple, j’ai tout perdu en trois jours. Le lundi, je prends six mois avec sursis, le mardi c’est mon dernier jour à Canal+ et le mercredi, je reçois un message désolé de mon ami et metteur en scène Patrice Leconte. Il dit que tous les théâtres de province craignent de me voir finir en prison en pleine tournée, ce qui l’oblige à me remplacer pour le rôle… Je suis donc éjecté de la pièce. Cependant, je n’en veux pas à Leconte qui, pour le procès, a rédigé une attestation en ma faveur. Les pressions sont énormes, en tout cas bruyantes. Certes, je préférerais que les productions résistent, après tout, que risque-t-on à me faire jouer, d’autant que je suis présumé innocent : une mauvaise presse, 20 mani- festantes devant le théâtre, des tweets malveillants, le jugement de France Inter ? Est-ce que ça dissuaderait le public ? Ce serait dommage… Si je suis coupable d’une chose, c’est d’avoir vécu une relation toxique. Elle aurait dû se finir par une séparation amiable et un partage de la garde de notre fils. Le résultat, c’est que je ne le vois pas grandir et que je me retrouve au chômage, et sans possibilité de travailler. J’ai toujours travaillé grâce à un capital sympathie, aujourd’hui je déplais, on me craint, je suis le salaud qui a terrorisé sa compagne. Depuis quelques années, ma notoriété a baissé. Mais j’en ai encore vraisemblablement assez pour me faire virer.

Pensez-vous que vous pourrez retravailler si vous êtes blanchi ? Et sinon, avez-vous des projets ?

D’abord, il faut digérer, et comme je fais appel, la digestion sera lente… J’ai écrit un seul-en-scène sur la poli- tique. J’avais un producteur très excité par le projet, mais nous l’avons mis en suspens à cause du procès. Depuis la condamnation, j’attends son coup de fil. Je dois continuer de payer les études de mon fils Roman ; je dois assurer une vie équilibrée à mes enfants et à ma famille malgré les mensonges de mon ex-compagne et de son père. Mais celui qui paie le plus cher dans cette histoire, c’est notre fils Julian.

Pensez-vous être responsable de ce qui vous arrive ?

J’aurais dû réagir aux premiers signes, lorsqu’elle est reve- nue dans ma vie. Elle est arrivée vraiment fauchée et au bout de huit jours, elle se plaignait de la cuisson du homard. À Noël, je lui avais offert un séchoir Dyson et elle s’était plainte à mon fils parce qu’elle voulait un sac Chloé… Je n’aurais pas dû accepter son narcissisme, tous ses caprices. Je n’ai jamais cherché à humilier la femme avec laquelle je venais d’avoir un enfant, je l’aimais. En plus, j’étais prévenu par mes amis, mon entourage ; et surtout, j’étais assez responsable pour rester lucide. S’il y a eu des scènes de ménage, je n’ai jamais fait subir à Sandrine de violences psychologiques. Au contraire, je prenais sur moi chaque fois que je recevais des insultes, notamment par écrit, et à la fin j’ai été accusé de ce que je subissais. Je veux rétablir cette vérité, et retrouver mon fils.

Quand les psys écrivent des contes

Après une rentrée littéraire monstrueuse, pleine de livres que nous ne lirons jamais, d’idées éculées et bien-pensantes, il est temps de s’intéresser à la vraie littérature et aux petits éditeurs discrets qui dénichent de vraies plumes, comme la maison d’édition Fables fertiles qui édite les contes pour grandes personnes de Laurent Pépin. Avec Clapotille, le psychologue-écrivain clôt sa trilogie… De quoi retourner au pays des merveilles ?


Imagine-t-on Bruno Bettelheim, auteur de La Psychanalyse des contes de fées, abandonner l’analyse pour recourir à la fiction ? Ne lui manquerait-il pas un peu de cette innocence coupable qui est la clé des contes réussis ? Savoir que la princesse qui se pique le doigt à un rouet et s’endort représente toutes ces jeunes filles qui, enfin nubiles, sont mises sous clé par des parents inquiets, jusqu’à ce que l’élu se présente, ça stérilise l’imagination…

Laurent Pépin, psychologue clinicien de formation, a donc pris le risque, en écrivant ses contes modernes, d’aller dans le sens du symbolisme à la portée des caniches, comme disait Céline.

Cauchemars

Pari pourtant réussi. Après Monstrueuse féérie en 2020 (réédité en 2022 dans une version révisée), qui adoptait la voie de la poésie la plus dévastatrice pour ressusciter les monstres et les confronter, au prix d’une « décompensation poétique », avec l’elfe que chacun porte en soi, il a écrit L’Angélus des ogres (2021), qui permet de ré-affronter, à l’âge adulte, les bêtes étranges qui vivent sous votre lit — belle métaphore de l’inconscient. Le Petit Poucet choisit de rester dans la forêt où les ogresses sont anorexiques, et les enfants traumatisés sont consolés avec des « éclairs à la viande crue ; babas à l’encre de lampyre ; gâteaux au sang caillé : tarte, où les olives et les raisins voisinaient avec la chair noire, faisandée, de bêtes en décomposition, tourtes aux pruneaux et aux anguilles vivantes qui frétillaient dans le feuilletage » : il s’agit de permettre aux malades que nous sommes de surmonter leurs traumas en redécouvrant des liens oubliés entre les mots. Parce que construire des phrases avec ses cauchemars est le premier pas vers une libération espérée.

Laurent Pépin achève, avec Clapotille (toujours dans la petite maison d’édition des Fables fertiles) une trilogie dont le titre global est Se tenir debout face aux vivants. Sacré programme.

A lire aussi: « Houris » et Kamel Daoud Prix Goncourt !

La toute jeune Capotille évolue dans « les bas-fonds de la Ville ». La terreur est partout, « les gens se cachent et ceux qui ne se cachent pas, ce sont tous des gens identiques ». Le rêve est devenu illégal, dangereux puisque susceptible de virer au cauchemar. Un effluve de rêve de travers et vous voilà bourreau et non plus victime. C’est le Rhinocéros de Ionesco repensé par Sigmund F. A chaque phrase nous faisons « des allers-et-retours entre son monde imaginaire et notre médiocrité désenchantée ». Nous ne sommes pas loin de ces bars-à-rêves clandestins aux noms de cocktails hallucinés — ceux peut-être que confectionnait Colin sur son pianocktail dans L’Ecume des jours. L’un sirote son « rêve-lointain-de-paysages-oubliés », l’autre son « rêve-à-exhumer-les-amours-perdues » : annoncez la fêlure de votre âme, comme disait Baudelaire, vos monstres et vos trous noirs distordus. Ciel ! Serait-ce une métaphore ?

Notre rapport perdu à l’imaginaire

Clapotille n’est ni un conte ni une dystopie, mais une fable, à peine déguisée, sur la tragédie de notre temps et notre rapport à la littérature et à l’imaginaire.

Nous nous sommes laissés endormir par la réalité-vraie, le récit-véridique, le témoignage-vécu et autres sornettes, taxant d’histoires de bonnes femmes les recettes à base de bave de grenouille. Nous avons oublié que c’est sous l’esquisse des vagues de l’horreur qu’« une réalité brute se transforme un jour en une image allégorique » : « Des formes apparaissent dans le flacon, des ombres, des essaims de couleurs. Et une musique ancienne, accrochée aux souvenir du corps » — mais c’est à nous, lecteurs, d’y mettre nos notes. Grâce aux inventeurs de mondes comme Laurent Pépin, nous ne sommes pas toujours « condamnées à nous dessiner tout seul », ni à errer comme des âmes en peine.

Laurent Pépin, Monstrueuse féérie, Fables fertiles, 2020 et 2022, 120 p.

L’Angélus des ogres, Fables fertiles, octobre 2023, 100 p.

Clapotille, Fables fertiles, octobre 2024, 125 p.

Clapotille

Price: 17,50 €

3 used & new available from 14,00 €

L’amour, continent mystérieux

0

Philippe Labro, le plus américain de nos écrivains français, qui fêta ses 18 ans sur une route américaine, peut-être la mythique 66, publie chez Gallimard ce qu’on appelle une novella, texte trop court pour être un roman, et trop long pour être une nouvelle.


La novella, c’est un genre exigeant. Il faut du rythme, de la précision, de l’équilibre. Labro possède toutes ces qualités. Ajoutons-y la plus importante : l’imagination. Le délicieux et morandien Michel Mohrt, au crépuscule de sa longue vie, avait lui aussi signé une novella intitulée Un soir, à Londres. Martin a rendez-vous avec Victoria qu’il a connue pendant son enfance. Mais la ressemblance entre les deux récits s’arrête là…

Les bons cinéastes font de bons romanciers

Ça commence à Paris, en 1961. Le gris domine, celui des façades de la capitale, des costumes des ministres, du ciel. La guerre d’Algérie agite tous les esprits. Un homme et une femme sont sur le point de se quitter. Élisabeth et Lucas, entre 20 et 23 ans, se sont aimés, mal. Lucas était immature et trop narcissique, dépressif, déjà vieux dans sa tête à vouloir vivre dans le passé proche. Les yéyés avaient tout emporté ; mais lui s’obstinait à écouter les grands standards américains des années 30 et 40. Il était également cinéphile, une dévorante passion. Élisabeth n’était pas de nature rêveuse. Blonde, d’un blond « Racing », le sourire « Colgate », les yeux jais, elle possédait un tempérament qui ne se satisfaisait pas des états d’âme de Lucas, jeune homme autodestructeur hanté par la mort de son frère Antoine, tué en Algérie. Alors elle a rompu, tandis que Lucas évoquait la maladie des marronniers du jardin du Luxembourg et « le caca » des pigeons qui dérèglait les horloges de Paris. La scène de rupture est très cinématographique. Rien d’étonnant : Philippe Labro a réalisé de bons films. Mais les mots qu’il emploie pour évoquer la rupture ne ratent pas leur cible, le cœur du lecteur. Il écrit : « Lorsqu’une femme choisit de rompre, elle agit avec une détermination, une énergie quasi féroce, des gestes précis et concrets, les preuves tangibles du non-retour. » Il ajoute, cruel : « Les hommes sont plus lâches. Ils ont peur de la solitude. Leur faiblesse est là. »

A lire aussi, Thomas Morales: Le premier Labro est enfin arrivé!

40 ans plus tard, le hasard permet à Lucas et Élisabeth de se retrouver sur la 5e Avenue. Elle reconnaît son dos, immédiatement. On est en 2001. « Le viol » des Twin Towers par les Boeing des terroristes saoudiens vient de se produire. Changement de paradigme, accélération de l’Histoire. Le XXIe commence. La guerre fait débuter les siècles. Philippe Labro analyse avec pertinence les bouleversements qui se produisent dans le cerveau des soldats. Lucas, peut-être un peu mythomane, raconte qu’il a passé près de dix mois au Viêtnam, au milieu des combats. À Élisabeth, au bar d’un hôtel, le Sherry Netherland, devant un gimlet – gin et jus de citron vert –, Lucas s’épanche : « Car c’est un virus, la guerre. On prétend que le virus a disparu et l’on suppose que les poumons sont intacts. C’est faux. Il y a des fibroses qui restent. Et puis, comment te dire, il n’y a plus grand-chose qui t’étonne. » Ils se racontent leur absence de 40 ans. Je vous laisse la découvrir, avec leurs joies et leurs désillusions. Ça ne colle toujours pas vraiment entre eux. Philippe Labro avoue : « Ils étaient devenus deux adultes qui ne ressemblaient plus aux jeunes gens d’autrefois. Ressemblaient-ils à eux-mêmes ? »

Nostalgie, une définition

Lucas n’est pas un homme complet, et cette incomplétude dérange Élisabeth. Il se drape alors dans la nostalgie, ce qui permet à Labro d’écrire une belle page sur ce qui est la preuve d’un manque impossible à combler. Il résume ainsi la nostalgie : « L’odeur des peaux de mandarine dans les wagons de deuxième classe. » Des deux, c’est Élisabeth la plus américaine car si le Français dit que « c’était mieux avant », l’Américain annonce que « demain est un autre jour. » Elle s’éloigne à nouveau pour lui laisser le temps de se trouver, et de composer avec « la parfaite imperfection de (sa) vie. »

La fin est inattendue. L’amour nous réserve des surprises. Il prend son temps, qui n’est pas celui du plus-que-présent que l’époque nous impose. Il échappe aux lois de la rationalité. C’est, au fond, assez rassurant. 

Philippe Labro, Deux gimlets sur la 5e Avenue, Gallimard. 128 pages.

Deux gimlets sur la 5ᵉ Avenue

Price: 17,00 €

11 used & new available from 11,84 €

Blanche Gardin, éclaire-nous de tes lumières sur le conflit israélo-palestinien!

Lors d’une vidéo-conférence animée par l’activiste Frank Barat sur sa chaîne YouTube, trois actrices visiblement férues de géopolitique et de philosophie ont donné leur sentiment sur ce qui se passe au Proche-Orient. À peine remis du choc reçu par cet échange vertigineux, notre chroniqueur a décidé de porter à la connaissance des lecteurs de Causeur les meilleurs moments de cette réunion de haut vol. Prêts pour le décollage ?


Frank Barat, peu connu du grand public, l’est en revanche de tous ceux qui ont en horreur l’État d’Israël et soutiennent la « cause palestinienne » aux côtés des Insoumis et de Rima Hassan. Réalisateur de films documentaires, fondateur du Festival Ciné-Palestine et du Festival Palestine with Love, il écrit entre autres pour Al Jazeera English, The Electronic Intifida et The Palestine Chronicle. Naturellement, il milite avec ardeur pour le BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions envers Israël).

Capture YouTube

Sagacité et pertinence de trois actrices engagées

Suite à la lecture d’un article de Télérama sur l’engagement des artistes dans les causes les plus diverses, Frank Barat a récemment invité à une table ronde sur sa chaîne YouTube trois actrices réputées, nous dit-il, pour leur sagacité et la pertinence de leurs réflexions sur ce sujet. Après avoir rapidement évacué la question des agressions sexuelles et du racisme dans le cinéma, ces sommités ont débattu pour l’essentiel du « génocide des Palestiniens ». Blanche Gardin, Maud Wyler et Ariane Labed ont pris tour à tour la parole pendant une petite heure, chacune pour donner son opinion, finalement assez proche de celles de ses voisines d’écran et de l’animateur. Avertissement : si l’idée générale est immédiatement compréhensible, la langue pour la décrire et l’analyser peut sembler parfois étrange, pour ne pas dire étrangère. Ce sont des choses qui arrivent lorsque de grands esprits se rencontrent et échangent entre eux sur des sujets d’importance échappant aux profanes, lesquels, tentant malgré tout de percer les arcanes sémantiques, rhétoriques et idiosyncratiques de ces brillants intellectuels, peuvent se sentir tenus à l’écart. Comme l’exprime clairement Derrida : « Il n’y a que du bord dans le langage. » Raison pour laquelle nous retranscrirons de larges extraits de ces échanges quasi-philosophiques sans en changer un mot. Ainsi, chacun pourra se faire sa propre idée puis, si le cœur lui en dit, proposer dans l’espace prévu à cet usage un commentaire exégétique des propos les plus sibyllins. Ou apporter un éclairage personnel sur les sujets abordés. Ou indiquer tout simplement les passages qui l’auront fait le plus se boyauter.    

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Meurice me va comme un gland!

Après que Maud Wyler a déclaré qu’elle est une « artiste engagée » qui veut « aider à la recherche de l’empathie des Blancs pour la cause palestinienne », Blanche Gardin affirme que « la Palestine fait partie des sujets interdits » depuis beaucoup trop longtemps. L’après 7-Octobre l’a sortie de son apathie et lui a fait prendre conscience tout à la fois du malheur des Palestiniens, de la désinformation israélienne sur les soi-disant massacres terroristes du Hamas – « pour laisser croire que les attaques du 7-Octobre ont été réalisées par des barbares » – et du statut privilégié des artistes dans le système capitaliste : « J’ai de la peine pour les gens qui ont grandi dans la propagande israélienne parce que je sais qu’ils vont se réveiller un jour, comme beaucoup de juifs américains, de façon accélérée depuis le 7-Octobre. Je pense que ça va être très dur de sortir d’une situation d’abus dans laquelle ils ont été mis, ces gens. Je suis passée d’un état de sidération, de colère extrême, à maintenant vraiment me dire que quand ces gens vont se réveiller, et pas seulement ceux pris dans la propagande, mais nous aussi, tous les Blancs privilégiés de gauche… euh, et bon, pour parler des artistes, je pense qu’il y a plusieurs choses. Il y a quand même le fait que l’industrie du luxe, notamment, s’est accaparée les artistes, l’image des artistes et des gens les plus connus dans le cinéma. » Plus fort que l’esprit de l’escalier, celui du Space Mountain. Vertigineux ! 

Camps de rééducation

Mme Wyler, elle aussi, nous donne le tournis. Le sujet de la « colonisation de la Palestine par Israël » est abordé à travers celui de la colonisation de l’Algérie par la France. Après un très succinct rappel historique – « L’Algérie, c’est des petits généraux qui manquent de pouvoir et qui décident d’aller faire ça. Et après l’Algérie devient française, avec les violences qu’on connaît » – vient sans transition le moment de la réflexion psycho-philosophique : « Je pense qu’il y a un rapport assez intime à soi, un truc de croire en soi. Je pense que d’une certaine manière il y a un désaveu qui est fait à cet endroit-là. En fait, il faut de nouveau croire en soi, à sa faculté à être un personnage empathique dans le monde. Enfin, bon, j’élargis un peu, globalement ».

A lire aussi, Pierre Manent: «Les piliers porteurs de notre fabrique morale ont lâché»

De son côté, Ariane Labed rappelle qu’elle a co-fondé l’ADA (Association d’acteur.rices féministe et antiraciste), association dans laquelle elle « essaie de s’éduquer, avec certains et certaines autres acteur.rices, pour se défaire du récit dans lequel elle a grandi à propos de la Palestine ». À cause des médias, surtout CNews, précise Mme Gardin. Et du « racisme islamophobe, anti-arabe et encore plus anti-palestinien », renchérit M. Barat. « Tout ça pour préserver un bastion blanc au Proche-Orient au milieu des zones où il y a du pétrole », explique encore Mme Gardin qui tient à avoir le dernier mot.  

La tarte à la crème du privilège blanc

Nous arrivons au bout de cette très instructive conversation. Franck Barat regrette que la tribune pour un cessez-le-feu en Palestine parue dans Libération ait été signée « surtout par des racisés ». Suivent un mea culpa – « Moi, dans l’échelon du privilège, je suis au top, parce qu’en plus d’être blanc, je suis un mec » – puis un appel solennel, presque sartrien : « C’est à nous, Blancs, d’être au front. » Mme Gardin plonge alors dans les abîmes d’une réflexion culpabilisante – « Cette histoire de privilèges, on se rend compte que c’est tellement profond… » – puis tente de mesurer cet abysse, ce gouffre honteux, à l’aune de sa propre conscience : « Si vraiment je me questionne sincèrement à l’intérieur, évidemment qu’il y a une partie de moi qui se sent supérieure à une femme de mon âge qui vivrait dans un village au Bénin. Je peux pas l’expliquer. C’est à l’intérieur. » Un ange passe. Ce silence bienfaiteur, prélude à une exposition totale de l’intelligence, est brisé par Mme Wyler, décidément la plus inspirée et inspirante de ces artistes éclairées : « Oui, mais on a aussi intégré qu’on est protégés. Notre propre bêtise est vachement protégée. Si on dit une connerie énorme, ben, c’est cool ! ça passe ! Moi, je vois dans les gens de ma famille, j’ai été étonnée de leur adhésion aux idées de Marine Le Pen, alors qu’ils ont voyagé et qu’ils ont fait des études. Ils ont tous les éléments pour accueillir une altérité. Et c’est le contraire qui se produit. Alors oui, il y a quelque chose, intrinsèquement, où c’est ok de naviguer dans cette zone un peu fasciste. En fait, c’est assez confortable, en France, je m’en aperçois, d’être gentiment fasciste. On ne risque pas grand-chose. »

A lire ensuite: Les «Blouses blanches pour Gaza»: pas bien claires!

C’est la fin. Frank Barat dit être heureux d’avoir pu accueillir sur sa chaîne YouTube ces trois artistes engagées, subtiles, brillantes. Il espère pouvoir les réunir à nouveau car il sent qu’elles ont encore « des trucs hyper-importants à dire », surtout à propos « des opprimeurs et des colonisateurs ». Si un tel événement devait avoir lieu, nous ne manquerions pas d’en informer nos fidèles lecteurs : c’est pas tous les jours qu’on peut entendre des « trucs hyper-importants » de ce niveau-là… 


Les Gobeurs ne se reposent jamais

Price: 22,00 €

6 used & new available from 22,00 €

La neige au Sahara

0

La météo est détraquée, ma bonne dame ! Quant aux Américains, ils ont une nouvelle fois mal voté, ces déplorables.


À l’évidence, depuis quelque temps, le monde va mal. Notre planète ne tourne pas rond. Elle est la proie de catastrophes qu’on aurait du mal à qualifier de « naturelles ». De toutes parts, sévissent des inondations inédites. Elles n’épargnent pas l’Europe, comme en témoignent récemment le sud-est de notre pays ou la région de Valence, en Espagne. Plus étrange et inattendu, le Sahara, en passe de devenir une mare aux canards.

A lire aussi, Nicolas Klein: À Valence, la crise politique aggrave la catastrophe climatique

S’il s’agissait de la seule planète… Ceux qui la peuplent sont, eux aussi, en cause. La récente élection de Donald Trump à la présidence indique sans équivoque que, tant aux États-Unis que chez nous, les commentateurs avaient été pris dans un tsunami. Le premier moment de sidération passé, qu’ils relèvent de la presse écrite, parlée ou télévisée, les torrents de larmes alternèrent avec des flots de commentaires fielleux. Le diable était ressorti de sa boîte. Les prédictions les plus pessimistes alimentèrent les débatteurs sentencieux, entraînés dans une déferlante de surenchère. Médisances et calomnies. Visiblement, une douche froide mal acceptée.

A lire aussi, Jeremy Stubbs: La Dame de glace: la botte secrète de Donald Trump

Qu’on me comprenne bien : ma réaction n’est nullement destinée à présenter une défense et illustration de Donald Trump. Encore moins de faire l’apologie de sa politique. Je laisse ce soin aux spécialistes, ce que je ne suis pas. En revanche, je reconnais que le personnage lui-même, sa suffisance, sa jactance arrogante et, pour tout dire, sa vulgarité, n’ont jamais suscité chez moi un enthousiasme excessif. Mais tout de même ! Entendre à longueur d’émissions, comme ce fut le cas ces jours derniers, un éreintement systématique de la bouche même de ceux qui n’ont pas une parole pour le comportement clownesque de certains de nos députés insoumis, qui soutiennent leurs manquements à la loi, tout cela serait risible si l’on n’y voyait la preuve flagrante que nous sommes en train d’être submergés. Et de perdre la boule.

La Dame de glace: la botte secrète de Donald Trump

Susie Wiles se caractérise par son calme inébranlable. Pour servir l’impayable Donald Trump dans sa reconquête du pouvoir, ce n’était pas inutile ! Après avoir autrefois travaillé pour Ron DeSantis, puis avoir travaillé contre lui, au service de Trump, elle vient d’être nommée le prochain chef de cabinet de la Maison-Blanche. Portrait.


Comment expliquer le comeback improbable de Donald Trump ? Comment cet homme a-t-il vaincu le Parti démocrate de manière si écrasante, lui qui a été battu par Joe Biden en 2020, lui dont le nom est associé aux émeutes du 6 janvier 2021, lui contre qui de très nombreuses procédures ont été engagées et qui a fait l’objet d’un matraquage médiatique cherchant à l’assimiler à un véritable dictateur mussolinien voire hitlérien ? Certes, un élément important de la réponse réside dans le caractère résolu, la force de volonté indomptable et la personnalité charismatique du président américain élu. Mais un autre élément s’incarne dans une grand-mère de 67 ans, sorte de femme de l’ombre aux cheveux gris, qui était présente sur scène lors du discours de victoire de Donald Trump le 6 novembre. Il s’agit de Susie Wiles, la co-directrice de sa campagne présidentielle, avec Chris LaCivita. Autant Wiles se montre d’une efficacité redoutable comme cadre politique, autant elle s’évertue à rester discrète. En cela, elle est aux antipodes non seulement de l’homme politique qu’elle sert, mais aussi de l’homme en charge de la dernière phase de la campagne qui a conduit Donald Trump à la victoire en 2016, à savoir le sulfureux Steve Bannon.

Calme inébranlable

En s’adressant à ses supporteurs au siège de sa campagne en Floride, Trump a remercié les co-directeurs de sa campagne et essayé de braquer momentanément les projecteurs sur Wiles : « Venez Susie, venez ici […] Susie aime en quelque sorte rester dans les coulisses. […] La Dame de glace, nous l’appelons la Dame de glace ».


Mme Wiles vient effectivement sur le devant de la scène, mais reste obstinément muette avant de se reprendre sa place derrière, là d’où elle a dirigé la campagne du futur 47e président. Son surnom, « la Dame de glace » – the Ice Maiden – souligne son calme inébranlable, son imperturbabilité, sa capacité à rester la maîtresse de toute situation – des qualités indispensables dans une campagne présidentielle, surtout quand le candidat est le très mercuriel Donald Trump. Une partie de son secret résiderait dans son approche qui cherche à aider Trump au lieu de le diriger, car Trump n’aime rien tant que sa propre autonomie. En même temps, son sang-froid et sa rigueur compensent la conduite souvent imprévisible, voire désordonnée du milliardaire. Enfin, selon un portrait de Wiles brossé par la revue Politico au mois d’avril, elle possède une gamme de compétences et d’atouts qui inspire autant la peur que l’admiration dans le milieu politique aux Etats-Unis.

Née dans l’état du New Jersey, elle est la fille d’un professionnel du football américain, Pat Summerall, qui est devenu par la suite un commentateur sportif de légende. L’alcoolisme de ce père difficile aurait déjà préparé Wiles à savoir gérer des hommes imprévisibles. Elle commence sa carrière dans le milieu politique dans les années 1980, travaillant même pour la première campagne présidentielle de Ronald Reagan. Dans les années 1990 et 2000, elle travaille surtout pour différents maires de Jacksonville, la ville la plus peuplée de Floride. En 2010, elle gère la campagne de Rick Scott qui, contre toute attente, se fait élire gouverneur de Floride en dépit du fait qu’il est un homme d’affaires avec peu d’expérience politique et peu de soutiens au sein du Parti républicain. L’année suivante, elle prend la direction de la campagne présidentielle de Jon Huntsman, un ancien gouverneur de l’Etat d’Utah et ambassadeur en Chine. Huntsman finit par se retirer en faveur de Mitt Romney, mais Wiles consolide son expérience de la gestion politique de haut niveau.

A lire ensuite, Lucien Rabouille: Une soirée avec les partisans français de Donald Trump

C’est en 2015 qu’elle rencontre Donald Trump pour la première fois. Convoquée à la Trump Tower, elle trouve que le milliardaire lui a réservé un siège… à six mètres du sien. Toujours imperturbable, elle se lève, prend sa chaise et vient s’asseoir juste devant lui. Elle est favorablement impressionnée par Trump et c’est apparemment réciproque puisque, en 2016, il la recrute pour diriger sa campagne dans l’Etat pivot de Floride. Le triomphe de Trump dans le « Sunshine State » (l’État ensoleillé) est une étape essentielle de sa première victoire à l’élection présidentielle.

Les talents considérables de Susie Wiles ne sont plus un secret pour personne. Elle excelle autant dans la stratégie que dans l’organisation et l’exécution, ainsi que dans la levée de fonds. Elle a développé et entretient un réseau étendu et dense de contacts dans les milieux politiques et journalistiques. Elle sait exploiter les médias afin de gérer les informations et de créer des récits – ou comme on dit de nos jours, des « narratifs » – ultra-efficaces. Sur son profil LinkedIn, elle met en avant sa capacité à « créer l’ordre à partir du chaos » et à « retourner les situations et les perceptions ». Ces compétences ont bien servi Donald Trump.

En 2018, ce dernier l’envoie aider le candidat républicain Ron DeSantis à se faire élire comme gouverneur de Floride. Sitôt dit, sitôt fait. Le nouveau gouverneur est tellement impressionné qu’il l’adoube « the best in the business » (la « meilleure de sa profession »).

Pourtant, la reconnaissance de DeSantis ne fait pas long feu. L’année suivante, il la renvoie afin – dit-on – d’installer ses propres agents dans les postes clés de son administration. Il essaie même de persuader Donald Trump de la laisser tomber. Divorcée en 2017, la trahison de De Santis est vécue par Wiles comme un traumatisme. Elle dira plus tard que travailler pour lui était « la plus grande erreur de ma carrière ». En tout cas, pour DeSantis se débarrasser de Mme Wiles était la plus grande erreur de la sienne.

Devenue indispensable depuis 2021

Car le président Trump a grand besoin de sa Susie. Lors de l’élection de 2020, elle l’aide à gagner de nouveau en Floride, qui sera le seul des Etats pivot qu’il gagnera cette fois. Après la défaite face à Biden, Trump la nomme, en mars 2021, PDG de son Comité d’action politique dont l’objectif est de lever des fonds non seulement pour financer ses campagnes et mais aussi payer les frais des différents procès intentés contre lui. Elle devient vite le plus indispensable de tous ses conseillers. Et c’est là que l’heure de sa revanche à elle sur DeSantis va sonner ! Car le gouverneur de Floride, fort de ses actions contre les différentes manifestations du wokisme, se pose en rival de Trump pour la nomination républicaine. Prenant en charge la campagne présidentielle de Trump début 2023, Mme Wiles connaît bien les points faibles de DeSantis. Manipulant les informations de main de maître, alimentant la presse avec une grande subtilité de messages négatifs, elle commence à miner toutes les positions du gouverneur. Ce dernier était connu pour manger du pudding avec ses doigts. Or, surnommé initialement par les médias « DeFuture », un véritable homme d’avenir, il a fini par être qualifié de « pudding fingers », suggérant quelqu’un de maladroit, voire d’incompétent. La voie royale était désormais ouverte pour la candidature de Trump. Nul doute que, à travers les hauts et les bas de sa campagne face à Kamala Harris et à la machine démocrate qui domine la plupart des médias, la main sûre de la grand-mère imperturbable a déblayé la route pour Trump.

Au cours de cette campagne, on a souvent accusé le milliardaire d’être sexiste. Un autre milliardaire, Mark Cuban, acquis à la cause progressiste, a affirmé que Trump a peur de s’entourer de « femmes fortes et intelligentes ». Pour une fois, Susie Wiles est sortie de sa réserve pour poster sur X : « On me dit que Mark Cuban a besoin d’aide pour identifier femmes fortes et intelligentes dans l’entourage du président Trump. Eh bien, nous voici ! »

Pour souligner le contraste entre elle et son prédécesseur, Steve Bannon, homme d’action fort en gueule, proche des extrémistes de l’alt-right, ce dernier est sorti de prison une semaine avant l’élection. Il avait été incarcéré pendant quatre mois pour avoir refusé une convocation de la Commission spéciale de la Chambre des représentants sur l’attaque du 6 janvier 2021. Dès sa libération, M. Bannon a repris le vieux message trumpiste d’il y a trois ans en renforçant encore la surenchère rhétorique grossière. S’adressant à Biden, à Harris, aux médias, au département de Justice et au FBI, il a vociféré : « Vous autres, vous êtes des nuls, OK ? Et maintenant vous allez payer le prix pour avoir essayé de détruire ce pays ». Aujourd’hui, Bannon fait figure d’homme d’une autre époque. Il incarne une rage et une fureur trumpistes qui semblent dépassées aujourd’hui. Susie Wiles vient d’être nommée chef de cabinet (« chief of staff ») du prochain locataire de la Maison blanche. Qui sait ? Le second mandat du président Trump sera au premier ce que sa nouvelle conseillère en chef est à son ancien conseiller. On peut du moins l’espérer.

L’Arlésienne de la désunion des droites

0

La désunion des droites serait-elle une obligation morale ? Dans les états-majors des partis, on a plus l’impression d’un propos obligé, guère convaincant, que d’un refus structuré.


Alors que l’union des droites peut apparaître comme une nécessité politique, j’ai l’impression qu’elle est récusée sur le plan moral. Par les adversaires de la droite, ce qui n’est pas étonnant – ils ont tout à y gagner ! – mais aussi par les hiérarchies officielles et les bureaucraties partisanes (à l’exception de Reconquête! et de Marion Maréchal) qui représentent la droite largement entendue.

Des obstacles souvent surestimés

Je vais emprunter un chemin qui me semble relever de la cohérence et du bon sens. Le propre de la passion politique est d’imaginer pour demain ce qui aurait été inconcevable hier.

Rien ne se ferait par un coup de baguette magique. Je ne méconnais pas les obstacles – souvent surestimés – qui s’opposent à cette union. Comme si on avait peur de sauter un pas perçu comme immense et qu’on se plaisait à accumuler tout ce qui pourrait nous en dissuader. Je n’ignore pas que Les Républicains et le Rassemblement national, sous l’influence de Marine Le Pen, persistent non seulement à juger irréalisable l’union des droites mais à ne pas la juger nécessaire. Quand on questionne les Républicains sur leur ligne officielle dont ils sont si fiers, comme s’ils avaient raison de se féliciter de leur autarcie, ils mettent en avant des différences de programme et invoquent l’histoire ancienne et les origines troubles du FN de Jean-Marie Le Pen. Mais on a plus l’impression d’un propos obligé, guère convaincant, que d’un refus structuré. Le RN, lui, souhaite détruire la droite classique et tenir à distance Reconquête!. Il n’empêche que derrière les stigmatisations convenues, dans le pays profond des alliances se nouent et des liens se créent. Démontrant la sagesse de ces solidarités que l’action commune et les mêmes détestations inspirent.

Pour les programmes, à qui fera-t-on croire qu’il serait impossible, Marine Le Pen à nouveau battue en 2027 et donc mise hors-jeu, d’élaborer un rapprochement des projets sur les points discutés, en particulier la relation avec l’Europe et la vision internationale ? Surtout que l’approche régalienne pour la sécurité, la Justice et le soutien à apporter aux forces de l’ordre est sensiblement la même.

Incroyable gâchis

Le libéralisme de Marion Maréchal, pas étranger à celui de Jordan Bardella, trouverait des connivences au sein de LR. Tout deviendrait simple, en réalité, dès lors que l’union des droites ne serait plus considérée comme un péché politique mortel. Avec ce paradoxe que, sous François Mitterrand, la gauche ne s’est jamais gênée, par pure tactique, pour pactiser avec le Parti communiste français. Il demeurait pourtant sous l’emprise soviétique pour ses conceptions internationales. Et la droite aurait mauvaise conscience aujourd’hui d’accomplir, craignant l’opprobre de l’autre camp, ce qui amplifierait sa force et son unité ?

En vente actuellement, Causeur #128 : Coupons le cordon! Pour l’indépendance de l’Algérie

Ce billet m’a été en grande partie inspiré par un sentiment de gâchis au regard des personnalités emblématiques qui seraient concernées par cette renaissance. Quand on les appréhende, d’Éric Zemmour à Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, de Marion Maréchal à Sarah Knafo, de Jordan Bardella au trop méprisé et courageux Éric Ciotti, quel extraordinaire gaspillage de talents, de compétences et de volontés!

Je songe tout particulièrement aux deux femmes que j’ai nommées et que je connais. Ce n’est pas d’aujourd’hui que Marion Maréchal, qui a commis ces derniers temps des erreurs tactiques pour son destin personnel, est perçue comme infiniment douée, brillante et intelligente et que Sarah Knafo, depuis son élection comme député européen, est impressionnante – toujours avec le sourire ! -, de l’avis de beaucoup, dans ses prestations politiques et médiatiques. On accepterait de laisser ce formidable capital humain en état de séparation au lieu de veiller à son unité, ce qui assurerait aux droites réunies une supériorité certaine sur leurs adversaires ?

Un dernier petit point à régler…

Face à un front apparemment solide contre cette union à laquelle le peuple de droite aspire pourtant en grande majorité, on ne peut que s’étonner de voir tant de faiblesses partisanes faire la fine bouche. Comme si elles avaient des leçons à donner et que leur autonomie avait engendré des effets spectaculaires aujourd’hui comme hier. En réalité, l’union revigorerait ce qui, séparé, périclite. Le citoyen aurait enfin la certitude de voir la tactique politique rejoindre le bon sens et l’efficacité. Je suis persuadé que l’union, si elle était voulue avec enthousiasme, serait aussi un moyen performant pour atténuer les défauts qu’avait chaque parti avant, pour les fondre dans un ensemble plus satisfaisant.

Loin de moi, enfin, l’envie d’éluder une question fondamentale. Comme il est essentiel que des personnalités conjuguent dans une union ce qu’aujourd’hui elles dispersent, quel homme ou quelle femme sera le François Mitterrand dont la droite a besoin ? Le courage devra être sa vertu principale. Comme la détestation du gâchis d’aujourd’hui. Il devra être possédé par l’ambition de surmonter les obstacles, les vrais comme les faux, et avoir une volonté pour convaincre et pour réussir.

J’ai dans l’esprit une ou deux personnalités qui seraient susceptibles d’assumer cette responsabilité. Encore faudrait-il les persuader que l’union des droites est une cause qui mérite qu’on se mette vigoureusement, obstinément à son service et qu’elles abandonnent leur pré carré ! Cela en vaudrait la peine.

Bas les voiles!

Héroïne du mouvement Femme Vie Liberté, l’étudiante Ahou Daryaei a été arrêtée samedi à Téhéran par les autorités iraniennes. Il est plus que temps que l’Occident cesse d’être complaisant avec le régime des mollahs. Et avec les apôtres du voilement.


Ahou Daryaei, 30 ans, est doctorante en littérature française à la prestigieuse université Azad de Téhéran. Depuis quelque temps, elle était harcelée par la milice Bassidj, la police des mœurs, pour ne pas avoir bien porté son hijab. En signe de protestation, la jeune femme s’est dévêtue devant le campus et a marché dans la rue en sous-vêtements en criant : « Ceci est mon corps. Mon corps m’appartient.» Un vidéaste a capturé la scène.

Les images ont d’abord été postées par le site étudiant iranien Amir Kabir, puis partagées par le site juridique Dadban, mais aussi le groupe de défense des droits humains Hengaw, sans oublier le site d’information Iran Wire et Amnesty Iran. Elles ont vite fait le tour du monde.

Arrêtée, battue, violentée, voire droguée, Ahou Daryaei aurait aussi, selon Amnesty Iran, subi des violences sexuelles lors de son arrestation. « Les allégations de coups et de violence sexuelle à son encontre pendant son arrestation doivent faire l’objet d’une enquête indépendante et impartiale», a toutefois nuancé la branche iranienne d’Amnesty international.

De son côté, l’agence iranienne Fars a publié une photo floutée de l’étudiante. Selon cette agence semi-officielle du régime des Mollahs, la jeune femme portait des vêtements «inappropriés» et s’est «dévêtue» après avoir été mise en garde par les agents de sécurité. Pour rappel, les lois iniques de la République islamique d’Iran imposent un code vestimentaire très strict aux femmes, qui ont l’obligation de porter le foulard et des vêtements amples dissimulant leurs formes sous peine de poursuites et d’arrestations.

A lire aussi: Docteur Iman Sanzeux: chic, mon médecin porte le hijab!

Le geste d’Ahou Daryaei témoigne de la résistance de femmes, libres, belles, vivantes, chaque jour partout où l’islam veut dicter sa loi contre les femmes. Depuis le décès de la jeune Kurde Mahsa Amini en septembre 2022, arrêtée pour ne pas avoir respecté le code vestimentaire, et morte lors de sa détention, des femmes iraniennes se révoltent chaque jour contre cet apartheid.

Le mouvement Femme Vie Liberté, massivement réprimé par les autorités iraniennes, a fait au moins 551 morts et des milliers de personnes arrêtées. Mais l’Occident regarde ailleurs. Pire, il se fait complice de ce régime tyrannique, en lui reconnaissant le droit de siéger dans divers représentations internationales.

L’ONU se compromet elle aussi en laissant les régimes islamistes et l’idéologie frériste s’immiscer dans ses agences spécialisées. En novembre 2023, c’est l’ambassadeur iranien Ali Bahreini qui était nommé à la tête du forum social du Conseil des droits de l’homme (HCDH) organisé à Genève.

Et que dire de l’Union européenne ? En 2021, on se souvient de la campagne cofinancée par Bruxelles promouvant le hijab comme un « un choix » et « un droit humain ». « À quel point le monde serait ennuyeux si tout le monde se ressemblait ?», pouvait-on lire sur un visuel célébrant « la beauté dans la diversité » et « la liberté dans le voile islamique ». « Mon voile mon choix », mettait en avant une autre affiche.

Couverture du numéro 96 de Causeur

Mais la réalité, c’est que le voile emprisonne, tue, réduit au silence des millions de femmes, en Iran, en Afghanistan, et partout où l’islam politique et conquérant veut s’imposer au détriment de la liberté et de la dignité des femmes. Le voile est le signe non de l’impudeur des femmes mais de la lubricité des hommes. Que tous ces hommes, pervers, hypocrites, bestiaux se cloîtrent eux-mêmes s’ils ne peuvent «s’empêcher» et qu’ils laissent les femmes vivre libres et en paix !

L’impudeur est dans le regard et les pensées de ces hommes frustrés, rustres, ignares. Il est temps que les organisations internationales censées défendre la liberté et la dignité s’élèvent contre ces pratiques tyranniques. Mais l’Occident est englué dans son irénisme droitdelhommiste et son affairisme cupide.

Vladimir Poutine ne vaut pas mieux. Le 20 août dernier, celui-là même qui entendait en 1994 « buter les terroristes jusque dans les chiottes », a embrassé un Coran dans la mosquée d’Abu Isa à Grozny, capitale de la Tchétchénie. Faut-il y voir une allégeance à l’internationale islamiste via le soutien au régime de Ramzan Kadyrov, foyer de criminels djihadistes ? Le temps du dévoilement arrive.

Les porcs d’Amsterdam

0
A proximité de l'Ajax Stadium, Amsterdam, 8 novembre 2024 © InterVision/AP/SIPA

Antisémitisme. Le réel frappe un grand coup lors du match Ajax – Maccabi Tel-Aviv.


L’ONU est très perturbée. C’est un porte-parole du HCR qui a fait cet aveu, avant de noyer le poisson dans des considérations antiracistes évitant soigneusement les mots « antisémitisme » ou « juif ».[1] Les événements d’Amsterdam ont en effet de quoi perturber la vision du monde qui a cours au bord de l’Hudson, selon laquelle les juifs (et leur avant-garde israélienne) sont les nouveaux nazis. Jeudi soir, dans la ville d’Anne Frank, ce sont des juifs qu’on a pourchassés, tabassés, humiliés dans un déferlement de violence haineuse et rageuse. Alors, si on cherche vraiment des nazis, on sait où les trouver.

Hamasterdam

Je vous vois venir, en particulier tous ceux qui croisent Hitler tous les quatre matins et qui ont soudainement des pudeurs de gazelle. Le président israélien ayant parlé de pogrome antisémite (ce n’est pas un pléonasme ?), vous prenez vos distances, faites les scrupuleux. Ce n’est pas un pogrom et encore moins la nuit de Cristal, souligne Laurent Joffrin dans un éditorial empreint par ailleurs, d’une grande lucidité[2].  

A ne pas manquer, Causeur actuellement en kiosques: Coupons le cordon! Pour l’indépendance de l’Algérie

D’accord, Amsterdam 2024 n’est pas Berlin 1938. Pour Joffrin, les agressions de l’autre soir « ne sauraient être comparées, même de loin (…) à la vaste opération de terreur lancée par les nazis en 1938 contre les Juifs d’Allemagne, prélude à leur déportation et à leur extermination ». À Amsterdam on n’a pas brûlé de synagogue ou de magasins, ni même tué des juifs – même si c’était peut-être au programme. La police n’a pas prêté main-forte aux fanatiques, même si elle a été incapable de les arrêter. Le maire de Berlin, dans les années 30, ne proclamait pas sa honte des violences anti-juives survenues dans sa ville. Ajoutons que, dans les années 30, les juifs ne se déplaçaient pas en horde, qu’ils ne braillaient pas des chansons racistes en hébreu, qu’ils n’arrachaient pas de drapeau, comme l’ont fait le jour du match les supporters du Maccabi Tel-Aviv, un bel exemple de la normalisation israélienne puisqu’ils ressemblent à tous les supporters abrutis du monde. Dans les années 30, il n’y avait pas d’Israël pour les rapatrier. Et aujourd’hui, il n’y a pas d’Hitler au pouvoir, même si les candidats à sa succession ne manquent pas.

Tout le monde sait désormais ce que signifie « Free Palestine »

Donc, évidemment, ce n’est pas pareil. N’empêche, ça ressemble trop au nazisme pré-génocidaire, pour qu’on se contente de regarder ailleurs. Ce juif paniqué nageant dans un canal sous les rires gras de ses tortionnaires qui l’obligent à crier des slogans pro-Hamas (tout le monde sait désormais ce que signifie Free Palestine, pour les malcomprenants, la carte est fournie), évoque ces rabbins qu’on faisait danser sur les rouleaux de la Torah. Alain Finkielkraut rappelle souvent que les nazis riaient tout le temps. S’il n’y a pas d’Hitler, il y a dans nos villes beaucoup de ces « hommes ordinaires » transformés en brutes qui, avant même son accession au pouvoir, faisaient régner la terreur dans les rues allemandes, terrorisant, molestant, arrêtant les opposants, les communistes, les juifs. Aujourd’hui, sous les traits d’islamo-racailles fanatisées, ils sont à l’œuvre à Amsterdam comme dans les rangs de Daech. Ils règnent sur les territoires perdus. En Europe, et singulièrement en France, ils ont tué des professeurs, des journalistes, des policiers, des chrétiens, des passants par centaines et des juifs. Les nazis prétendaient rendre justice au peuple allemand en asservissant l’humanité au Reich millénaire, les islamo-djihadistes prétendent défendre leurs frères palestiniens et faire advenir la victoire planétaire de l’islam. Alors ce n’est pas pareil, sans doute, mais contrairement à ce qu’écrit Laurent Joffrin, on a le droit de comparer.

Islam conquérant

L’autre ressemblance entre hier et aujourd’hui, c’est l’inconscience des sociétés libérales. Les démocrates mous du genou regardent ailleurs, espérant qu’une absence de solution (et des palabres) finiront par résoudre le problème. Quant à la gauche, elle s’est sabordée face à l’islamisme comme hier face au nazisme. Toutes ces années, elle a traqué le dérapage, scruté la résurgence, dénoncé le moindre écart de langage des partis « d’extrême droite », ignorant ou minimisant la montée d’un islam politique conquérant, criminel et volontiers totalitaire quand elle ne l’encourageait pas en dénonçant à grands cris l’islamophobie.

Certes, pas toute la gauche. Les mélenchonistes, qui ont lié leurs intérêts de boutique à la progression de l’islam radical, persistent dans l’aveuglement jusqu’au comique. Pour Aymeric Caron, rien ne prouve que les agressions d’Amsterdam étaient de nature antisémite. Sa collègue Marie Mesmeur n’est pas loin (et même très près) d’approuver les nervis islamo-hollandais (on suppose qu’ils sont hollandais) : « Ces gens-là n’ont pas été lynchés parce qu’ils étaient juifs mais parce qu’ils étaient racistes et soutenaient un génocide. »

À lire aussi, du même auteur: Annus horribilis

À force de prendre des coups de réel, beaucoup d’autres doivent bien admettre qu’il y a un problème. En général, ils nient obstinément que celui-ci ait quoi que ce soit à voir avec l’islam et encore moins avec l’immigration, mais on les entend moins proclamer que tout ça, c’est des fantasmes d’extrême droite. La lucidité progresse. Il faut saluer Fabien Roussel, irréprochable ces derniers jours: « Des supporters ont été chassés, menacés, lynchés, dans les rues d’une ville européenne, parce qu’ils sont juifs. » Et aussi Sandrine Rousseau qui, quand elle lit que « des supporters israéliens ont provoqué », réplique « ça ne va pas de justifier la violence comme ça ! » Si la ratonnade anti-juive d’Amsterdam était une réponse légitime aux slogans débiles et haineux de supporters, il serait aussi légitime de tabasser Imzalene, Soudais ou Caron. Or cela serait une faute impardonnable.

Il faut aussi saluer la clairvoyance de Laurent Joffrin qui observe qu’une bonne « partie de l’opinion propalestinienne en Europe se laisse glisser dans un antisémitisme terrifiant ». Propalestinienne, qu’en termes galants, mais passons. À la différence de Bernard Kouchner, aussi terrible soit la guerre là-bas, Joffrin ne comprend pas les antisémites d’ici: « Il est clair que la poursuite indéfinie des opérations israéliennes à Gaza et au Liban, avec leur cortège de pertes civiles déchirantes, est propre à échauffer les esprits. Mais on sent bien, aussi, qu’il y a là un terreau local nuisible, alimenté, entre autres, par les courants islamistes, qu’il convient d’évaluer à sa juste mesure et de réprimer sans faiblesse. » Pour l’évaluation et plus encore pour la répression, on risque d’attendre longtemps. Bruno Retailleau ne peut pas mener seul toutes les guerres. Or, il est bien tard. Laurent Joffrin est bien seul. La chasse aux juifs d’Amsterdam n’a pas fait les gros titres de la presse, elle n’a pas stimulé la verve des éditorialistes (qui à leur décharge étaient sans doute en week-end). On s’habitue. Ça non plus, ça ne vous rappelle rien ?


[1] Quelques heures plus tard, le secrétaire général lui-même se dit choqué et dénonce d’un même élan l’antisémitisme et l’islamophobie.

[2] « La chasse aux juifs », Laurent Joffrin LeJournal.info, 9 novembre 2024.

Le jump de Trump

0
Vanessa Vasquez Anderson, une électrice américaine de Tampa, montre son t-shirt "Femme latina pour Trump, il faut vous y faire !", Floride, 7 novembre 2024 © Douglas R Clifford/Tampa Bay Tim/SIPA

Un joyeux saut dans l’inconnu. Qu’on aime ou pas Donald Trump, il est réjouissant de noter que de nombreux citoyens américains ont pris la liberté de voter en dehors des cases. Et si l’Amérique n’était pas que le pays du communautarisme?


Sale temps pour la corporation des idéologues et sociologues de plateau. Eux qui sont si prompts et si habiles à ranger les individus dans des cases, à les enfermer dans des catégories toutes faites, à déduire de leur appartenance, de leurs origines, de leur filiation, de leur sexe et couleur de peau, leurs choix politiques, le sens de leurs votes, voilà que les faits – je veux dire les résultats des élections présidentielles made in USA – viennent saper leurs sacro-saintes certitudes en la matière. N’allons pas espérer pour autant qu’ils en arrivent à reconnaître leur Bérézina intellectuelle. Pour cela il leur faudrait une vertu qui leur est totalement étrangère, l’humilité. Ne soyons donc pas inquiets pour eux, ils sauront manipuler, triturer, tripatouiller ce réel contrariant pour le faire entrer dans leurs dogmes. Ils ont donc encore de beaux jours devant eux tant leurs élucubrations seront encore – et pour longtemps – prisées des médias, des officines et cabinets ministériels où on fait profession de s’en nourrir, ou mieux de les déguster. Dégustation à l’aveugle, de préférence. C’est plus confortable, moins dérangeant. On ne risque pas ainsi le choc toujours terrible de la remise en question.

Les faits, disais-je. L’élection purement et simplement flamboyante de Donald Trump à la présidence des États-Unis, première puissance mondiale, est-il besoin de le souligner.

À observer ces résultats, même d’un œil peu expert – le mien en l’occurrence – on a tôt fait d’en déduire que nos idéologues- sociologues seraient fondés à considérer que les citoyens américains ont vôté absolument n’importe comment. En tout cas, en dehors des cases et catégories électorales qu’ils leurs assignaient, conformément à leurs fumisteries pompeuses, scories d’une discipline universitaire constamment dévoyée.

Des Latinos, des Blacks, des femmes, des d’jeunes, peut-être même des gays et lesbiennes auraient déposé leur bulletin ailleurs que dans la goulette à eux exclusivement dévolue ! On les attendait chez Kamala, on les retrouve chez Donald. Saperlipopette, rien ne va plus ! Où va-t-on ma bonne dame !

Eh bien, il me semble qu’on va enfin dans le bon sens. Il me semble que cette élection et la base formidablement élargie sur laquelle elle repose, sont de précieux motifs d’espérer. Que des communautés échappent au diktat convenu, à l’enfermement dans leur couloir de citoyenneté, qu’elles s’autorisent la liberté de franchir le mur invisible mais farouchement entretenu par les doctrinaires wokistes et consorts, laisse augurer le meilleur à venir, de ce côté-ci aussi de l’Atlantique.

Ces transgressions massives de la norme préétablie, voilà ce que je me permets d’appeler le Jump de Trump. (Ordinairement, je déteste le recours à toute autre langue que le français, mais, dans l’euphorie du moment, je me prends à faire le malin…) Le Jump de Trump. Le saut. Le saut que représente en effet ce passage d’une conscience politique prédéterminée et comme imposée à la manifestation de la liberté démocratique. La liberté du citoyen, décidant lui et lui seul de ses choix.

Par ce vote, le peuple américain (peuple composé pour paraphraser Jacques Bainville parlant du peuple français), par ce vote dépassant les clivages communautaires, les assignations à castes, a magistralement montré au monde entier qu’il se sentait aussi, et peut-être même surtout, une nation.

LES TÊTES MOLLES - HONTE ET RUINE DE LA FRANCE

Price: 14,77 €

1 used & new available from 14,77 €

Cyrille Eldin: mon histoire avec une metoomane

0
Cyrille Eldin © Stéphane Edelson

Cyrille Eldin a été condamné pour « violences psychologiques » sur son ex-compagne. L’ancien animateur- vedette de Canal+ est aujourd’hui séparé du fils qu’ils ont eu ensemble, au chômage et sans possibilité de travailler. En attendant l’appel de cette condamnation, il veut rétablir la vérité.


Causeur. Précisons d’abord que nous sommes tous amis. Le 14 octobre, on a appris dans la presse (qui a traité votre cas avec la gourmandise due à un ancien animateur vedette sur Canal +) votre condamnation par le tribunal de Nanterre à six mois de prison avec sursis pour violences psychologiques sur votre ex- compagne. C’est exact ?

Cyrille Eldin. J’ai été condamné pour trois chefs d’inculpation. Détention d’arme : c’était l’arme de mon père que je cachais au fond d’un placard (sans munition), depuis sa mort en 1997 ; et que je n’ai évidemment jamais utilisée. Détention de stupéfiants, en l’occurrence du cannabis (qui était pour l’essentiel du CBD, produit légal) et 1,4 gramme d’ecstasy qui avait été donné à ma compagne au cours d’un mariage et que nous n’avions jamais consommé. Mais si j’ai été à la une de certains médias, c’est évidemment à cause de la condamnation pour violences psychologiques sur mon ex-compagne. Je fais appel, parce que je suis innocent.

Vous êtes en tout cas présumé tel. Les plaignantes ne manquant jamais de tribunes extrajudiciaires, nous donnons la parole à la défense, comme nous l’avons fait avec Yoann Manca. Racontez-nous votre version de l’histoire.

Sandrine Calvayrac et moi nous sommes rencon- trés fin 2015. Pendant trois ans nous avons vécu une histoire parfois orageuse, souvent insouciante et toujours passionnée. Il faut dire que tout nous souriait, j’étais alors un des visages vedettes de Canal, j’avais embarqué Sandrine au « Petit Journal », on s’embras- sait à l’écran pour la Saint-Valentin, on voyageait. Bref, on était un couple assumé, même si on ne vivait pas ensemble, car je n’étais pas encore divorcé. Il y avait des crises, des sautes d’humeur mais la plupart du temps, c’était joyeux. Quand elle m’a brutalement quitté en 2018, j’en ai bavé. Je n’ai eu aucune nouvelle pendant trois ans et, en avril 2021, elle débarque au Théâtre de l’Atelier où je joue le rôle de Michel Rocard dans L’Opposition. Elle me fait le grand jeu, me dit que je suis l’homme de sa vie, qu’elle veut un enfant de moi. Elle m’envoie L’Attente de Johnny Hallyday, une chanson d’excuses. Je plonge bien sûr, je suis flatté, je veux retrouver la magie de notre histoire. Je suis partant pour un enfant. J’aime être père. Je suis très fier de mes deux aînés, Camille, 23 ans et Roman, 20. Ils vivent avec moi et nous sommes très soudés.

Et alors, la magie revient ?

Les premières semaines, c’est le grand amour, quoique toujours en montagnes russes. Sandrine est contra- riée que sa carrière de comédienne soit au point mort. Pendant toute cette période, elle ne décroche aucun contrat et ça la rend amère, ce que je comprends. Quant à moi, j’ai encore une émission littéraire sur Canal, « Caractères », des envies de théâtre, mais ce n’est plus la vie facile de la période « Petit Journal ». Je redeviens un saltimbanque. En juillet 2021, elle est enceinte. En novembre 2021, à sa demande, je l’aide à payer le loyer de l’appartement qu’elle a conservé à Paris, puis quand elle décide de venir vivre chez moi, je prends en charge le déménagement et tous les frais, comme une évidence.

Ce qu’on entend, c’est qu’en quelques mois vous êtes passés de la passion aux questions budgétaires.

Alors qu’elle tombe enceinte, elle se replie, s’isole, ne sort plus de la maison, ne voit jamais d’amis malgré mes encouragements. Je l’accompagne à tous les rendez-vous chez l’obstétricienne, puis le pédiatre… Après la naissance de Julian, le 28 mars 2022, elle devient excessivement possessive. Je mets ça sur le compte de l’inquiétude maternelle, c’est son premier enfant. Mais il y a des engueulades. Ça dégénère pendant l’été, alors que nous sommes en Sardaigne. Je pense qu’elle ne le nourrit pas assez, ce que confirmera la pédiatre en septembre. Un jour, alors que je lui dis de nous foutre la paix, à Julian et moi, pendant que je donne le biberon, elle sort son portable et me filme en disant, sans aucune raison : « Tu vas faire quoi ? Tu vas me taper ?! » Et là je me dis : « Attention danger ! » En septembre, je joue au théâtre, donc je ne suis pas là le soir, ce qui me vaut d’épouvantables scènes de jalousie. Durant toute cette période, je vois le piège se tendre, je reste le plus calme possible face à ses crises d’hystérie. Je reste pour notre fils, mais il n’y a plus de couple.

Elle vous quitte en janvier, avec Julian ?

Oui, le 29 janvier, elle part chez son père, dans le sud de la France. Elle m’écrit ce jour-là ce SMS, avant de ne plus donner de nouvelles durant quatre jours : « C’est un enfant de l’amour, je veux une vie apaisée, je ne te couperai jamais de lui. Je t’embrasse », avec un cœur ! Ce qui prouve que, contrairement à ce qu’elle racontera ensuite, elle n’est pas partie de chez moi terrorisée. Le 5 février, elle m’appelle : « Comment on fait pour mes affaires ? » Moi : « Comment on fait pour Julian ? » La conversation tourne court mais sans dérapages. Le 7 février, je me désolidarise du compte commun. Le 10, je saisis le juge aux affaires familiales et dépose une main courante pour soustraction d’en- fant. J’ignore que, la veille, elle a porté plainte pour menaces de mort.

Cyrille Eldin et son ex-compagne, Sandrine Calvayrac, à Roland-Garros, 30 mai 2018. Haedrich/Niviere/SIPA

Que se passe-t-il du côté des affaires familiales ?

L’audience civile est prévue le 13 avril 2023. La veille, c’est-à-dire très tard, nous recevons les conclusions de son avocat qui annoncent des témoignages sur l’enfer qu’aurait vécu Sandrine. Je m’apprête à répondre à ces accusations dans la nuit pour mon avocate. Mais je ne serai pas à l’audience. À six heures du matin, les portes de ma maison sont défoncées. Pas moins de dix policiers pénètrent et me passent les menottes. J’attends dix minutes à poil l’arrivée d’un officier de police judiciaire qui m’annonce que je suis visé par une plainte de Sandrine Calvayrac. Je suis placé en garde à vue (pour la première fois de ma vie) et ne peux donc pas me présenter devant le juge aux affaires familiales.

Avez-vous peur ?

D’après vous ? Mes avocates de l’époque, au civil comme au pénal, me disent que le dossier est vide mais que, selon elles, je serais sûrement condamné, vu le « contexte MeToo ». J’ai changé d’avocats depuis. Ma garde à vue est prolongée à trente-six heures pour une confrontation avec Sandrine. Pendant tout ce temps, j’ai l’impression de n’avoir affaire qu’à des gens déjà convaincus de ma culpabilité.

Quels sont les jugements successifs rendus au civil ?

J’ai passé dix mois sans voir mon fils, je ne l’ai pas vu faire ses premiers pas. À la fin de ce supplice, le tribunal m’a autorisé à voir Julian de 10 à 17 heures une fois par mois. Je précise que je dois me rendre dans le Var avec ses deux frères à qui il manque beaucoup, ce qui est assez onéreux, alors que ma situation financière se dégrade. Maintenant, j’ai le droit à un week-end tous les quinze jours. Et trois jours pendant les vacances. Le plus incroyable, c’est que Sandrine m’accusait de faits relevant du pénal, pour lesquels je risquais une peine de prison, et me demandait au civil une pension de 3 000 euros par mois. Avec le recul, il est assez évident que sa plainte avait pour but de justifier son départ précipité de la maison, me privant ainsi brutalement de mon fils. Il fallait bien de telles accusations pour expliquer ce comportement.

Que se passe-t-il après votre sortie de garde à vue ? Y a-t-il un juge d’instruction ? Êtes-vous auditionné plusieurs fois par la police ?

Il n’y a pas eu de juge d’instruction, mais seulement une enquête policière qui a été minimaliste. Même le procureur a reconnu la faiblesse de l’enquête faite exclusivement à charge. Outre les trois chefs d’accusation déjà cités, Sandrine me poursuivait aussi pour menaces de mort.

Racontez-nous l’audience…

La première chose qui m’a frappé, c’est la présence de journalistes. Ils ne s’intéressent plus du tout à moi, mais tout de même assez pour faire leurs choux gras de mes déboires. Le 23 septembre 2024, j’ai demandé à mes deux aînés, qui vivent avec moi et qui étaient donc les seuls spectateurs de notre quotidien, de venir témoigner. Cette audience pénale a duré trois heures et demie. Nous étions très confiants. Mon avocat a bien plaidé, mes enfants ont témoigné en restant très factuel, expliquant que Sandrine cherchait le conflit en permanence, qu’elle mentait sur des moments précis, et que le comportement qu’elle m’imputait était en réalité le sien. Pour nous, le seul enjeu, c’était de retrouver Julian dans des conditions acceptables.

Trois semaines après, c’est la douche froide…

Mon avocate m’apprend le 14 octobre que je suis condamné pour la détention de l’arme et pour les stupéfiants : normal, j’ai reconnu les faits, même si le prétendu cannabis était, je le répète, du CBD à plus de 80 %. Je suis relaxé pour les menaces de mort. Dans ces conditions, la relaxe pour les violences psycholo- giques semblait évidente puisque les deux reposaient sur les mêmes fondements : des déclarations invéri- fiables de Sandrine et une enquête bâclée. Et pourtant, je suis déclaré coupable. C’est incompréhensible ! J’ai fourni des pages et des pages de SMS constatés par huissier, et que mon avocat a lus à l’audience, dans lesquels Sandrine m’insulte : « T’es une ordure ! », « Une vieille merde ! », « Racaille ! », « Ton immense gueule de corbeau », « Mais y a pas une mongole qui se respecte qui reste avec toi », « T’es une merde, t’es pire qu’un arabe », « Trisomique » et d’autres horreurs. Si je suis condamné, elle devrait l’être aussi car ses insultes sont écrites, tandis qu’elle me prête des propos orduriers sans la moindre preuve. Autrement dit, j’ai les preuves des « violences psychologiques » dirigées contre moi, et c’est moi le coupable !

Depuis, en quoi votre vie a-t-elle changé ?

C’est simple, j’ai tout perdu en trois jours. Le lundi, je prends six mois avec sursis, le mardi c’est mon dernier jour à Canal+ et le mercredi, je reçois un message désolé de mon ami et metteur en scène Patrice Leconte. Il dit que tous les théâtres de province craignent de me voir finir en prison en pleine tournée, ce qui l’oblige à me remplacer pour le rôle… Je suis donc éjecté de la pièce. Cependant, je n’en veux pas à Leconte qui, pour le procès, a rédigé une attestation en ma faveur. Les pressions sont énormes, en tout cas bruyantes. Certes, je préférerais que les productions résistent, après tout, que risque-t-on à me faire jouer, d’autant que je suis présumé innocent : une mauvaise presse, 20 mani- festantes devant le théâtre, des tweets malveillants, le jugement de France Inter ? Est-ce que ça dissuaderait le public ? Ce serait dommage… Si je suis coupable d’une chose, c’est d’avoir vécu une relation toxique. Elle aurait dû se finir par une séparation amiable et un partage de la garde de notre fils. Le résultat, c’est que je ne le vois pas grandir et que je me retrouve au chômage, et sans possibilité de travailler. J’ai toujours travaillé grâce à un capital sympathie, aujourd’hui je déplais, on me craint, je suis le salaud qui a terrorisé sa compagne. Depuis quelques années, ma notoriété a baissé. Mais j’en ai encore vraisemblablement assez pour me faire virer.

Pensez-vous que vous pourrez retravailler si vous êtes blanchi ? Et sinon, avez-vous des projets ?

D’abord, il faut digérer, et comme je fais appel, la digestion sera lente… J’ai écrit un seul-en-scène sur la poli- tique. J’avais un producteur très excité par le projet, mais nous l’avons mis en suspens à cause du procès. Depuis la condamnation, j’attends son coup de fil. Je dois continuer de payer les études de mon fils Roman ; je dois assurer une vie équilibrée à mes enfants et à ma famille malgré les mensonges de mon ex-compagne et de son père. Mais celui qui paie le plus cher dans cette histoire, c’est notre fils Julian.

Pensez-vous être responsable de ce qui vous arrive ?

J’aurais dû réagir aux premiers signes, lorsqu’elle est reve- nue dans ma vie. Elle est arrivée vraiment fauchée et au bout de huit jours, elle se plaignait de la cuisson du homard. À Noël, je lui avais offert un séchoir Dyson et elle s’était plainte à mon fils parce qu’elle voulait un sac Chloé… Je n’aurais pas dû accepter son narcissisme, tous ses caprices. Je n’ai jamais cherché à humilier la femme avec laquelle je venais d’avoir un enfant, je l’aimais. En plus, j’étais prévenu par mes amis, mon entourage ; et surtout, j’étais assez responsable pour rester lucide. S’il y a eu des scènes de ménage, je n’ai jamais fait subir à Sandrine de violences psychologiques. Au contraire, je prenais sur moi chaque fois que je recevais des insultes, notamment par écrit, et à la fin j’ai été accusé de ce que je subissais. Je veux rétablir cette vérité, et retrouver mon fils.

Quand les psys écrivent des contes

0
Laurent Pépin. DR.

Après une rentrée littéraire monstrueuse, pleine de livres que nous ne lirons jamais, d’idées éculées et bien-pensantes, il est temps de s’intéresser à la vraie littérature et aux petits éditeurs discrets qui dénichent de vraies plumes, comme la maison d’édition Fables fertiles qui édite les contes pour grandes personnes de Laurent Pépin. Avec Clapotille, le psychologue-écrivain clôt sa trilogie… De quoi retourner au pays des merveilles ?


Imagine-t-on Bruno Bettelheim, auteur de La Psychanalyse des contes de fées, abandonner l’analyse pour recourir à la fiction ? Ne lui manquerait-il pas un peu de cette innocence coupable qui est la clé des contes réussis ? Savoir que la princesse qui se pique le doigt à un rouet et s’endort représente toutes ces jeunes filles qui, enfin nubiles, sont mises sous clé par des parents inquiets, jusqu’à ce que l’élu se présente, ça stérilise l’imagination…

Laurent Pépin, psychologue clinicien de formation, a donc pris le risque, en écrivant ses contes modernes, d’aller dans le sens du symbolisme à la portée des caniches, comme disait Céline.

Cauchemars

Pari pourtant réussi. Après Monstrueuse féérie en 2020 (réédité en 2022 dans une version révisée), qui adoptait la voie de la poésie la plus dévastatrice pour ressusciter les monstres et les confronter, au prix d’une « décompensation poétique », avec l’elfe que chacun porte en soi, il a écrit L’Angélus des ogres (2021), qui permet de ré-affronter, à l’âge adulte, les bêtes étranges qui vivent sous votre lit — belle métaphore de l’inconscient. Le Petit Poucet choisit de rester dans la forêt où les ogresses sont anorexiques, et les enfants traumatisés sont consolés avec des « éclairs à la viande crue ; babas à l’encre de lampyre ; gâteaux au sang caillé : tarte, où les olives et les raisins voisinaient avec la chair noire, faisandée, de bêtes en décomposition, tourtes aux pruneaux et aux anguilles vivantes qui frétillaient dans le feuilletage » : il s’agit de permettre aux malades que nous sommes de surmonter leurs traumas en redécouvrant des liens oubliés entre les mots. Parce que construire des phrases avec ses cauchemars est le premier pas vers une libération espérée.

Laurent Pépin achève, avec Clapotille (toujours dans la petite maison d’édition des Fables fertiles) une trilogie dont le titre global est Se tenir debout face aux vivants. Sacré programme.

A lire aussi: « Houris » et Kamel Daoud Prix Goncourt !

La toute jeune Capotille évolue dans « les bas-fonds de la Ville ». La terreur est partout, « les gens se cachent et ceux qui ne se cachent pas, ce sont tous des gens identiques ». Le rêve est devenu illégal, dangereux puisque susceptible de virer au cauchemar. Un effluve de rêve de travers et vous voilà bourreau et non plus victime. C’est le Rhinocéros de Ionesco repensé par Sigmund F. A chaque phrase nous faisons « des allers-et-retours entre son monde imaginaire et notre médiocrité désenchantée ». Nous ne sommes pas loin de ces bars-à-rêves clandestins aux noms de cocktails hallucinés — ceux peut-être que confectionnait Colin sur son pianocktail dans L’Ecume des jours. L’un sirote son « rêve-lointain-de-paysages-oubliés », l’autre son « rêve-à-exhumer-les-amours-perdues » : annoncez la fêlure de votre âme, comme disait Baudelaire, vos monstres et vos trous noirs distordus. Ciel ! Serait-ce une métaphore ?

Notre rapport perdu à l’imaginaire

Clapotille n’est ni un conte ni une dystopie, mais une fable, à peine déguisée, sur la tragédie de notre temps et notre rapport à la littérature et à l’imaginaire.

Nous nous sommes laissés endormir par la réalité-vraie, le récit-véridique, le témoignage-vécu et autres sornettes, taxant d’histoires de bonnes femmes les recettes à base de bave de grenouille. Nous avons oublié que c’est sous l’esquisse des vagues de l’horreur qu’« une réalité brute se transforme un jour en une image allégorique » : « Des formes apparaissent dans le flacon, des ombres, des essaims de couleurs. Et une musique ancienne, accrochée aux souvenir du corps » — mais c’est à nous, lecteurs, d’y mettre nos notes. Grâce aux inventeurs de mondes comme Laurent Pépin, nous ne sommes pas toujours « condamnées à nous dessiner tout seul », ni à errer comme des âmes en peine.

Laurent Pépin, Monstrueuse féérie, Fables fertiles, 2020 et 2022, 120 p.

L’Angélus des ogres, Fables fertiles, octobre 2023, 100 p.

Clapotille, Fables fertiles, octobre 2024, 125 p.

Clapotille

Price: 17,50 €

3 used & new available from 14,00 €

L’amour, continent mystérieux

0
L'écrivain Philippe Labro invité de l'émission "La grande librairie" sur France 5, cette semaine. Capture TV.

Philippe Labro, le plus américain de nos écrivains français, qui fêta ses 18 ans sur une route américaine, peut-être la mythique 66, publie chez Gallimard ce qu’on appelle une novella, texte trop court pour être un roman, et trop long pour être une nouvelle.


La novella, c’est un genre exigeant. Il faut du rythme, de la précision, de l’équilibre. Labro possède toutes ces qualités. Ajoutons-y la plus importante : l’imagination. Le délicieux et morandien Michel Mohrt, au crépuscule de sa longue vie, avait lui aussi signé une novella intitulée Un soir, à Londres. Martin a rendez-vous avec Victoria qu’il a connue pendant son enfance. Mais la ressemblance entre les deux récits s’arrête là…

Les bons cinéastes font de bons romanciers

Ça commence à Paris, en 1961. Le gris domine, celui des façades de la capitale, des costumes des ministres, du ciel. La guerre d’Algérie agite tous les esprits. Un homme et une femme sont sur le point de se quitter. Élisabeth et Lucas, entre 20 et 23 ans, se sont aimés, mal. Lucas était immature et trop narcissique, dépressif, déjà vieux dans sa tête à vouloir vivre dans le passé proche. Les yéyés avaient tout emporté ; mais lui s’obstinait à écouter les grands standards américains des années 30 et 40. Il était également cinéphile, une dévorante passion. Élisabeth n’était pas de nature rêveuse. Blonde, d’un blond « Racing », le sourire « Colgate », les yeux jais, elle possédait un tempérament qui ne se satisfaisait pas des états d’âme de Lucas, jeune homme autodestructeur hanté par la mort de son frère Antoine, tué en Algérie. Alors elle a rompu, tandis que Lucas évoquait la maladie des marronniers du jardin du Luxembourg et « le caca » des pigeons qui dérèglait les horloges de Paris. La scène de rupture est très cinématographique. Rien d’étonnant : Philippe Labro a réalisé de bons films. Mais les mots qu’il emploie pour évoquer la rupture ne ratent pas leur cible, le cœur du lecteur. Il écrit : « Lorsqu’une femme choisit de rompre, elle agit avec une détermination, une énergie quasi féroce, des gestes précis et concrets, les preuves tangibles du non-retour. » Il ajoute, cruel : « Les hommes sont plus lâches. Ils ont peur de la solitude. Leur faiblesse est là. »

A lire aussi, Thomas Morales: Le premier Labro est enfin arrivé!

40 ans plus tard, le hasard permet à Lucas et Élisabeth de se retrouver sur la 5e Avenue. Elle reconnaît son dos, immédiatement. On est en 2001. « Le viol » des Twin Towers par les Boeing des terroristes saoudiens vient de se produire. Changement de paradigme, accélération de l’Histoire. Le XXIe commence. La guerre fait débuter les siècles. Philippe Labro analyse avec pertinence les bouleversements qui se produisent dans le cerveau des soldats. Lucas, peut-être un peu mythomane, raconte qu’il a passé près de dix mois au Viêtnam, au milieu des combats. À Élisabeth, au bar d’un hôtel, le Sherry Netherland, devant un gimlet – gin et jus de citron vert –, Lucas s’épanche : « Car c’est un virus, la guerre. On prétend que le virus a disparu et l’on suppose que les poumons sont intacts. C’est faux. Il y a des fibroses qui restent. Et puis, comment te dire, il n’y a plus grand-chose qui t’étonne. » Ils se racontent leur absence de 40 ans. Je vous laisse la découvrir, avec leurs joies et leurs désillusions. Ça ne colle toujours pas vraiment entre eux. Philippe Labro avoue : « Ils étaient devenus deux adultes qui ne ressemblaient plus aux jeunes gens d’autrefois. Ressemblaient-ils à eux-mêmes ? »

Nostalgie, une définition

Lucas n’est pas un homme complet, et cette incomplétude dérange Élisabeth. Il se drape alors dans la nostalgie, ce qui permet à Labro d’écrire une belle page sur ce qui est la preuve d’un manque impossible à combler. Il résume ainsi la nostalgie : « L’odeur des peaux de mandarine dans les wagons de deuxième classe. » Des deux, c’est Élisabeth la plus américaine car si le Français dit que « c’était mieux avant », l’Américain annonce que « demain est un autre jour. » Elle s’éloigne à nouveau pour lui laisser le temps de se trouver, et de composer avec « la parfaite imperfection de (sa) vie. »

La fin est inattendue. L’amour nous réserve des surprises. Il prend son temps, qui n’est pas celui du plus-que-présent que l’époque nous impose. Il échappe aux lois de la rationalité. C’est, au fond, assez rassurant. 

Philippe Labro, Deux gimlets sur la 5e Avenue, Gallimard. 128 pages.

Deux gimlets sur la 5ᵉ Avenue

Price: 17,00 €

11 used & new available from 11,84 €

Blanche Gardin, éclaire-nous de tes lumières sur le conflit israélo-palestinien!

0
Blanche Gardin, concert de soutien pour Gaza, Paris, 1 juillet 2024 © SIPA

Lors d’une vidéo-conférence animée par l’activiste Frank Barat sur sa chaîne YouTube, trois actrices visiblement férues de géopolitique et de philosophie ont donné leur sentiment sur ce qui se passe au Proche-Orient. À peine remis du choc reçu par cet échange vertigineux, notre chroniqueur a décidé de porter à la connaissance des lecteurs de Causeur les meilleurs moments de cette réunion de haut vol. Prêts pour le décollage ?


Frank Barat, peu connu du grand public, l’est en revanche de tous ceux qui ont en horreur l’État d’Israël et soutiennent la « cause palestinienne » aux côtés des Insoumis et de Rima Hassan. Réalisateur de films documentaires, fondateur du Festival Ciné-Palestine et du Festival Palestine with Love, il écrit entre autres pour Al Jazeera English, The Electronic Intifida et The Palestine Chronicle. Naturellement, il milite avec ardeur pour le BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions envers Israël).

Capture YouTube

Sagacité et pertinence de trois actrices engagées

Suite à la lecture d’un article de Télérama sur l’engagement des artistes dans les causes les plus diverses, Frank Barat a récemment invité à une table ronde sur sa chaîne YouTube trois actrices réputées, nous dit-il, pour leur sagacité et la pertinence de leurs réflexions sur ce sujet. Après avoir rapidement évacué la question des agressions sexuelles et du racisme dans le cinéma, ces sommités ont débattu pour l’essentiel du « génocide des Palestiniens ». Blanche Gardin, Maud Wyler et Ariane Labed ont pris tour à tour la parole pendant une petite heure, chacune pour donner son opinion, finalement assez proche de celles de ses voisines d’écran et de l’animateur. Avertissement : si l’idée générale est immédiatement compréhensible, la langue pour la décrire et l’analyser peut sembler parfois étrange, pour ne pas dire étrangère. Ce sont des choses qui arrivent lorsque de grands esprits se rencontrent et échangent entre eux sur des sujets d’importance échappant aux profanes, lesquels, tentant malgré tout de percer les arcanes sémantiques, rhétoriques et idiosyncratiques de ces brillants intellectuels, peuvent se sentir tenus à l’écart. Comme l’exprime clairement Derrida : « Il n’y a que du bord dans le langage. » Raison pour laquelle nous retranscrirons de larges extraits de ces échanges quasi-philosophiques sans en changer un mot. Ainsi, chacun pourra se faire sa propre idée puis, si le cœur lui en dit, proposer dans l’espace prévu à cet usage un commentaire exégétique des propos les plus sibyllins. Ou apporter un éclairage personnel sur les sujets abordés. Ou indiquer tout simplement les passages qui l’auront fait le plus se boyauter.    

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Meurice me va comme un gland!

Après que Maud Wyler a déclaré qu’elle est une « artiste engagée » qui veut « aider à la recherche de l’empathie des Blancs pour la cause palestinienne », Blanche Gardin affirme que « la Palestine fait partie des sujets interdits » depuis beaucoup trop longtemps. L’après 7-Octobre l’a sortie de son apathie et lui a fait prendre conscience tout à la fois du malheur des Palestiniens, de la désinformation israélienne sur les soi-disant massacres terroristes du Hamas – « pour laisser croire que les attaques du 7-Octobre ont été réalisées par des barbares » – et du statut privilégié des artistes dans le système capitaliste : « J’ai de la peine pour les gens qui ont grandi dans la propagande israélienne parce que je sais qu’ils vont se réveiller un jour, comme beaucoup de juifs américains, de façon accélérée depuis le 7-Octobre. Je pense que ça va être très dur de sortir d’une situation d’abus dans laquelle ils ont été mis, ces gens. Je suis passée d’un état de sidération, de colère extrême, à maintenant vraiment me dire que quand ces gens vont se réveiller, et pas seulement ceux pris dans la propagande, mais nous aussi, tous les Blancs privilégiés de gauche… euh, et bon, pour parler des artistes, je pense qu’il y a plusieurs choses. Il y a quand même le fait que l’industrie du luxe, notamment, s’est accaparée les artistes, l’image des artistes et des gens les plus connus dans le cinéma. » Plus fort que l’esprit de l’escalier, celui du Space Mountain. Vertigineux ! 

Camps de rééducation

Mme Wyler, elle aussi, nous donne le tournis. Le sujet de la « colonisation de la Palestine par Israël » est abordé à travers celui de la colonisation de l’Algérie par la France. Après un très succinct rappel historique – « L’Algérie, c’est des petits généraux qui manquent de pouvoir et qui décident d’aller faire ça. Et après l’Algérie devient française, avec les violences qu’on connaît » – vient sans transition le moment de la réflexion psycho-philosophique : « Je pense qu’il y a un rapport assez intime à soi, un truc de croire en soi. Je pense que d’une certaine manière il y a un désaveu qui est fait à cet endroit-là. En fait, il faut de nouveau croire en soi, à sa faculté à être un personnage empathique dans le monde. Enfin, bon, j’élargis un peu, globalement ».

A lire aussi, Pierre Manent: «Les piliers porteurs de notre fabrique morale ont lâché»

De son côté, Ariane Labed rappelle qu’elle a co-fondé l’ADA (Association d’acteur.rices féministe et antiraciste), association dans laquelle elle « essaie de s’éduquer, avec certains et certaines autres acteur.rices, pour se défaire du récit dans lequel elle a grandi à propos de la Palestine ». À cause des médias, surtout CNews, précise Mme Gardin. Et du « racisme islamophobe, anti-arabe et encore plus anti-palestinien », renchérit M. Barat. « Tout ça pour préserver un bastion blanc au Proche-Orient au milieu des zones où il y a du pétrole », explique encore Mme Gardin qui tient à avoir le dernier mot.  

La tarte à la crème du privilège blanc

Nous arrivons au bout de cette très instructive conversation. Franck Barat regrette que la tribune pour un cessez-le-feu en Palestine parue dans Libération ait été signée « surtout par des racisés ». Suivent un mea culpa – « Moi, dans l’échelon du privilège, je suis au top, parce qu’en plus d’être blanc, je suis un mec » – puis un appel solennel, presque sartrien : « C’est à nous, Blancs, d’être au front. » Mme Gardin plonge alors dans les abîmes d’une réflexion culpabilisante – « Cette histoire de privilèges, on se rend compte que c’est tellement profond… » – puis tente de mesurer cet abysse, ce gouffre honteux, à l’aune de sa propre conscience : « Si vraiment je me questionne sincèrement à l’intérieur, évidemment qu’il y a une partie de moi qui se sent supérieure à une femme de mon âge qui vivrait dans un village au Bénin. Je peux pas l’expliquer. C’est à l’intérieur. » Un ange passe. Ce silence bienfaiteur, prélude à une exposition totale de l’intelligence, est brisé par Mme Wyler, décidément la plus inspirée et inspirante de ces artistes éclairées : « Oui, mais on a aussi intégré qu’on est protégés. Notre propre bêtise est vachement protégée. Si on dit une connerie énorme, ben, c’est cool ! ça passe ! Moi, je vois dans les gens de ma famille, j’ai été étonnée de leur adhésion aux idées de Marine Le Pen, alors qu’ils ont voyagé et qu’ils ont fait des études. Ils ont tous les éléments pour accueillir une altérité. Et c’est le contraire qui se produit. Alors oui, il y a quelque chose, intrinsèquement, où c’est ok de naviguer dans cette zone un peu fasciste. En fait, c’est assez confortable, en France, je m’en aperçois, d’être gentiment fasciste. On ne risque pas grand-chose. »

A lire ensuite: Les «Blouses blanches pour Gaza»: pas bien claires!

C’est la fin. Frank Barat dit être heureux d’avoir pu accueillir sur sa chaîne YouTube ces trois artistes engagées, subtiles, brillantes. Il espère pouvoir les réunir à nouveau car il sent qu’elles ont encore « des trucs hyper-importants à dire », surtout à propos « des opprimeurs et des colonisateurs ». Si un tel événement devait avoir lieu, nous ne manquerions pas d’en informer nos fidèles lecteurs : c’est pas tous les jours qu’on peut entendre des « trucs hyper-importants » de ce niveau-là… 


Les Gobeurs ne se reposent jamais

Price: 22,00 €

6 used & new available from 22,00 €

La neige au Sahara

0
Dévastation après les inondations en Espagne, Sedavã, 6 novembre 2024 © David Aparicio Fita/ZUMA Press W/SIPA

La météo est détraquée, ma bonne dame ! Quant aux Américains, ils ont une nouvelle fois mal voté, ces déplorables.


À l’évidence, depuis quelque temps, le monde va mal. Notre planète ne tourne pas rond. Elle est la proie de catastrophes qu’on aurait du mal à qualifier de « naturelles ». De toutes parts, sévissent des inondations inédites. Elles n’épargnent pas l’Europe, comme en témoignent récemment le sud-est de notre pays ou la région de Valence, en Espagne. Plus étrange et inattendu, le Sahara, en passe de devenir une mare aux canards.

A lire aussi, Nicolas Klein: À Valence, la crise politique aggrave la catastrophe climatique

S’il s’agissait de la seule planète… Ceux qui la peuplent sont, eux aussi, en cause. La récente élection de Donald Trump à la présidence indique sans équivoque que, tant aux États-Unis que chez nous, les commentateurs avaient été pris dans un tsunami. Le premier moment de sidération passé, qu’ils relèvent de la presse écrite, parlée ou télévisée, les torrents de larmes alternèrent avec des flots de commentaires fielleux. Le diable était ressorti de sa boîte. Les prédictions les plus pessimistes alimentèrent les débatteurs sentencieux, entraînés dans une déferlante de surenchère. Médisances et calomnies. Visiblement, une douche froide mal acceptée.

A lire aussi, Jeremy Stubbs: La Dame de glace: la botte secrète de Donald Trump

Qu’on me comprenne bien : ma réaction n’est nullement destinée à présenter une défense et illustration de Donald Trump. Encore moins de faire l’apologie de sa politique. Je laisse ce soin aux spécialistes, ce que je ne suis pas. En revanche, je reconnais que le personnage lui-même, sa suffisance, sa jactance arrogante et, pour tout dire, sa vulgarité, n’ont jamais suscité chez moi un enthousiasme excessif. Mais tout de même ! Entendre à longueur d’émissions, comme ce fut le cas ces jours derniers, un éreintement systématique de la bouche même de ceux qui n’ont pas une parole pour le comportement clownesque de certains de nos députés insoumis, qui soutiennent leurs manquements à la loi, tout cela serait risible si l’on n’y voyait la preuve flagrante que nous sommes en train d’être submergés. Et de perdre la boule.

La Dame de glace: la botte secrète de Donald Trump

0
Chris LaCivita et Susie Wiles, Washington, août 2023 © Alex Brandon/AP/SIPA

Susie Wiles se caractérise par son calme inébranlable. Pour servir l’impayable Donald Trump dans sa reconquête du pouvoir, ce n’était pas inutile ! Après avoir autrefois travaillé pour Ron DeSantis, puis avoir travaillé contre lui, au service de Trump, elle vient d’être nommée le prochain chef de cabinet de la Maison-Blanche. Portrait.


Comment expliquer le comeback improbable de Donald Trump ? Comment cet homme a-t-il vaincu le Parti démocrate de manière si écrasante, lui qui a été battu par Joe Biden en 2020, lui dont le nom est associé aux émeutes du 6 janvier 2021, lui contre qui de très nombreuses procédures ont été engagées et qui a fait l’objet d’un matraquage médiatique cherchant à l’assimiler à un véritable dictateur mussolinien voire hitlérien ? Certes, un élément important de la réponse réside dans le caractère résolu, la force de volonté indomptable et la personnalité charismatique du président américain élu. Mais un autre élément s’incarne dans une grand-mère de 67 ans, sorte de femme de l’ombre aux cheveux gris, qui était présente sur scène lors du discours de victoire de Donald Trump le 6 novembre. Il s’agit de Susie Wiles, la co-directrice de sa campagne présidentielle, avec Chris LaCivita. Autant Wiles se montre d’une efficacité redoutable comme cadre politique, autant elle s’évertue à rester discrète. En cela, elle est aux antipodes non seulement de l’homme politique qu’elle sert, mais aussi de l’homme en charge de la dernière phase de la campagne qui a conduit Donald Trump à la victoire en 2016, à savoir le sulfureux Steve Bannon.

Calme inébranlable

En s’adressant à ses supporteurs au siège de sa campagne en Floride, Trump a remercié les co-directeurs de sa campagne et essayé de braquer momentanément les projecteurs sur Wiles : « Venez Susie, venez ici […] Susie aime en quelque sorte rester dans les coulisses. […] La Dame de glace, nous l’appelons la Dame de glace ».


Mme Wiles vient effectivement sur le devant de la scène, mais reste obstinément muette avant de se reprendre sa place derrière, là d’où elle a dirigé la campagne du futur 47e président. Son surnom, « la Dame de glace » – the Ice Maiden – souligne son calme inébranlable, son imperturbabilité, sa capacité à rester la maîtresse de toute situation – des qualités indispensables dans une campagne présidentielle, surtout quand le candidat est le très mercuriel Donald Trump. Une partie de son secret résiderait dans son approche qui cherche à aider Trump au lieu de le diriger, car Trump n’aime rien tant que sa propre autonomie. En même temps, son sang-froid et sa rigueur compensent la conduite souvent imprévisible, voire désordonnée du milliardaire. Enfin, selon un portrait de Wiles brossé par la revue Politico au mois d’avril, elle possède une gamme de compétences et d’atouts qui inspire autant la peur que l’admiration dans le milieu politique aux Etats-Unis.

Née dans l’état du New Jersey, elle est la fille d’un professionnel du football américain, Pat Summerall, qui est devenu par la suite un commentateur sportif de légende. L’alcoolisme de ce père difficile aurait déjà préparé Wiles à savoir gérer des hommes imprévisibles. Elle commence sa carrière dans le milieu politique dans les années 1980, travaillant même pour la première campagne présidentielle de Ronald Reagan. Dans les années 1990 et 2000, elle travaille surtout pour différents maires de Jacksonville, la ville la plus peuplée de Floride. En 2010, elle gère la campagne de Rick Scott qui, contre toute attente, se fait élire gouverneur de Floride en dépit du fait qu’il est un homme d’affaires avec peu d’expérience politique et peu de soutiens au sein du Parti républicain. L’année suivante, elle prend la direction de la campagne présidentielle de Jon Huntsman, un ancien gouverneur de l’Etat d’Utah et ambassadeur en Chine. Huntsman finit par se retirer en faveur de Mitt Romney, mais Wiles consolide son expérience de la gestion politique de haut niveau.

A lire ensuite, Lucien Rabouille: Une soirée avec les partisans français de Donald Trump

C’est en 2015 qu’elle rencontre Donald Trump pour la première fois. Convoquée à la Trump Tower, elle trouve que le milliardaire lui a réservé un siège… à six mètres du sien. Toujours imperturbable, elle se lève, prend sa chaise et vient s’asseoir juste devant lui. Elle est favorablement impressionnée par Trump et c’est apparemment réciproque puisque, en 2016, il la recrute pour diriger sa campagne dans l’Etat pivot de Floride. Le triomphe de Trump dans le « Sunshine State » (l’État ensoleillé) est une étape essentielle de sa première victoire à l’élection présidentielle.

Les talents considérables de Susie Wiles ne sont plus un secret pour personne. Elle excelle autant dans la stratégie que dans l’organisation et l’exécution, ainsi que dans la levée de fonds. Elle a développé et entretient un réseau étendu et dense de contacts dans les milieux politiques et journalistiques. Elle sait exploiter les médias afin de gérer les informations et de créer des récits – ou comme on dit de nos jours, des « narratifs » – ultra-efficaces. Sur son profil LinkedIn, elle met en avant sa capacité à « créer l’ordre à partir du chaos » et à « retourner les situations et les perceptions ». Ces compétences ont bien servi Donald Trump.

En 2018, ce dernier l’envoie aider le candidat républicain Ron DeSantis à se faire élire comme gouverneur de Floride. Sitôt dit, sitôt fait. Le nouveau gouverneur est tellement impressionné qu’il l’adoube « the best in the business » (la « meilleure de sa profession »).

Pourtant, la reconnaissance de DeSantis ne fait pas long feu. L’année suivante, il la renvoie afin – dit-on – d’installer ses propres agents dans les postes clés de son administration. Il essaie même de persuader Donald Trump de la laisser tomber. Divorcée en 2017, la trahison de De Santis est vécue par Wiles comme un traumatisme. Elle dira plus tard que travailler pour lui était « la plus grande erreur de ma carrière ». En tout cas, pour DeSantis se débarrasser de Mme Wiles était la plus grande erreur de la sienne.

Devenue indispensable depuis 2021

Car le président Trump a grand besoin de sa Susie. Lors de l’élection de 2020, elle l’aide à gagner de nouveau en Floride, qui sera le seul des Etats pivot qu’il gagnera cette fois. Après la défaite face à Biden, Trump la nomme, en mars 2021, PDG de son Comité d’action politique dont l’objectif est de lever des fonds non seulement pour financer ses campagnes et mais aussi payer les frais des différents procès intentés contre lui. Elle devient vite le plus indispensable de tous ses conseillers. Et c’est là que l’heure de sa revanche à elle sur DeSantis va sonner ! Car le gouverneur de Floride, fort de ses actions contre les différentes manifestations du wokisme, se pose en rival de Trump pour la nomination républicaine. Prenant en charge la campagne présidentielle de Trump début 2023, Mme Wiles connaît bien les points faibles de DeSantis. Manipulant les informations de main de maître, alimentant la presse avec une grande subtilité de messages négatifs, elle commence à miner toutes les positions du gouverneur. Ce dernier était connu pour manger du pudding avec ses doigts. Or, surnommé initialement par les médias « DeFuture », un véritable homme d’avenir, il a fini par être qualifié de « pudding fingers », suggérant quelqu’un de maladroit, voire d’incompétent. La voie royale était désormais ouverte pour la candidature de Trump. Nul doute que, à travers les hauts et les bas de sa campagne face à Kamala Harris et à la machine démocrate qui domine la plupart des médias, la main sûre de la grand-mère imperturbable a déblayé la route pour Trump.

Au cours de cette campagne, on a souvent accusé le milliardaire d’être sexiste. Un autre milliardaire, Mark Cuban, acquis à la cause progressiste, a affirmé que Trump a peur de s’entourer de « femmes fortes et intelligentes ». Pour une fois, Susie Wiles est sortie de sa réserve pour poster sur X : « On me dit que Mark Cuban a besoin d’aide pour identifier femmes fortes et intelligentes dans l’entourage du président Trump. Eh bien, nous voici ! »

Pour souligner le contraste entre elle et son prédécesseur, Steve Bannon, homme d’action fort en gueule, proche des extrémistes de l’alt-right, ce dernier est sorti de prison une semaine avant l’élection. Il avait été incarcéré pendant quatre mois pour avoir refusé une convocation de la Commission spéciale de la Chambre des représentants sur l’attaque du 6 janvier 2021. Dès sa libération, M. Bannon a repris le vieux message trumpiste d’il y a trois ans en renforçant encore la surenchère rhétorique grossière. S’adressant à Biden, à Harris, aux médias, au département de Justice et au FBI, il a vociféré : « Vous autres, vous êtes des nuls, OK ? Et maintenant vous allez payer le prix pour avoir essayé de détruire ce pays ». Aujourd’hui, Bannon fait figure d’homme d’une autre époque. Il incarne une rage et une fureur trumpistes qui semblent dépassées aujourd’hui. Susie Wiles vient d’être nommée chef de cabinet (« chief of staff ») du prochain locataire de la Maison blanche. Qui sait ? Le second mandat du président Trump sera au premier ce que sa nouvelle conseillère en chef est à son ancien conseiller. On peut du moins l’espérer.

L’Arlésienne de la désunion des droites

0
De gauche à droite, Marine Le Pen du Rassemblement national, Laurent Wauquiez de LR et Eric Zemmour de Reconquête © Sipa

La désunion des droites serait-elle une obligation morale ? Dans les états-majors des partis, on a plus l’impression d’un propos obligé, guère convaincant, que d’un refus structuré.


Alors que l’union des droites peut apparaître comme une nécessité politique, j’ai l’impression qu’elle est récusée sur le plan moral. Par les adversaires de la droite, ce qui n’est pas étonnant – ils ont tout à y gagner ! – mais aussi par les hiérarchies officielles et les bureaucraties partisanes (à l’exception de Reconquête! et de Marion Maréchal) qui représentent la droite largement entendue.

Des obstacles souvent surestimés

Je vais emprunter un chemin qui me semble relever de la cohérence et du bon sens. Le propre de la passion politique est d’imaginer pour demain ce qui aurait été inconcevable hier.

Rien ne se ferait par un coup de baguette magique. Je ne méconnais pas les obstacles – souvent surestimés – qui s’opposent à cette union. Comme si on avait peur de sauter un pas perçu comme immense et qu’on se plaisait à accumuler tout ce qui pourrait nous en dissuader. Je n’ignore pas que Les Républicains et le Rassemblement national, sous l’influence de Marine Le Pen, persistent non seulement à juger irréalisable l’union des droites mais à ne pas la juger nécessaire. Quand on questionne les Républicains sur leur ligne officielle dont ils sont si fiers, comme s’ils avaient raison de se féliciter de leur autarcie, ils mettent en avant des différences de programme et invoquent l’histoire ancienne et les origines troubles du FN de Jean-Marie Le Pen. Mais on a plus l’impression d’un propos obligé, guère convaincant, que d’un refus structuré. Le RN, lui, souhaite détruire la droite classique et tenir à distance Reconquête!. Il n’empêche que derrière les stigmatisations convenues, dans le pays profond des alliances se nouent et des liens se créent. Démontrant la sagesse de ces solidarités que l’action commune et les mêmes détestations inspirent.

Pour les programmes, à qui fera-t-on croire qu’il serait impossible, Marine Le Pen à nouveau battue en 2027 et donc mise hors-jeu, d’élaborer un rapprochement des projets sur les points discutés, en particulier la relation avec l’Europe et la vision internationale ? Surtout que l’approche régalienne pour la sécurité, la Justice et le soutien à apporter aux forces de l’ordre est sensiblement la même.

Incroyable gâchis

Le libéralisme de Marion Maréchal, pas étranger à celui de Jordan Bardella, trouverait des connivences au sein de LR. Tout deviendrait simple, en réalité, dès lors que l’union des droites ne serait plus considérée comme un péché politique mortel. Avec ce paradoxe que, sous François Mitterrand, la gauche ne s’est jamais gênée, par pure tactique, pour pactiser avec le Parti communiste français. Il demeurait pourtant sous l’emprise soviétique pour ses conceptions internationales. Et la droite aurait mauvaise conscience aujourd’hui d’accomplir, craignant l’opprobre de l’autre camp, ce qui amplifierait sa force et son unité ?

En vente actuellement, Causeur #128 : Coupons le cordon! Pour l’indépendance de l’Algérie

Ce billet m’a été en grande partie inspiré par un sentiment de gâchis au regard des personnalités emblématiques qui seraient concernées par cette renaissance. Quand on les appréhende, d’Éric Zemmour à Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau, de Marion Maréchal à Sarah Knafo, de Jordan Bardella au trop méprisé et courageux Éric Ciotti, quel extraordinaire gaspillage de talents, de compétences et de volontés!

Je songe tout particulièrement aux deux femmes que j’ai nommées et que je connais. Ce n’est pas d’aujourd’hui que Marion Maréchal, qui a commis ces derniers temps des erreurs tactiques pour son destin personnel, est perçue comme infiniment douée, brillante et intelligente et que Sarah Knafo, depuis son élection comme député européen, est impressionnante – toujours avec le sourire ! -, de l’avis de beaucoup, dans ses prestations politiques et médiatiques. On accepterait de laisser ce formidable capital humain en état de séparation au lieu de veiller à son unité, ce qui assurerait aux droites réunies une supériorité certaine sur leurs adversaires ?

Un dernier petit point à régler…

Face à un front apparemment solide contre cette union à laquelle le peuple de droite aspire pourtant en grande majorité, on ne peut que s’étonner de voir tant de faiblesses partisanes faire la fine bouche. Comme si elles avaient des leçons à donner et que leur autonomie avait engendré des effets spectaculaires aujourd’hui comme hier. En réalité, l’union revigorerait ce qui, séparé, périclite. Le citoyen aurait enfin la certitude de voir la tactique politique rejoindre le bon sens et l’efficacité. Je suis persuadé que l’union, si elle était voulue avec enthousiasme, serait aussi un moyen performant pour atténuer les défauts qu’avait chaque parti avant, pour les fondre dans un ensemble plus satisfaisant.

Loin de moi, enfin, l’envie d’éluder une question fondamentale. Comme il est essentiel que des personnalités conjuguent dans une union ce qu’aujourd’hui elles dispersent, quel homme ou quelle femme sera le François Mitterrand dont la droite a besoin ? Le courage devra être sa vertu principale. Comme la détestation du gâchis d’aujourd’hui. Il devra être possédé par l’ambition de surmonter les obstacles, les vrais comme les faux, et avoir une volonté pour convaincre et pour réussir.

J’ai dans l’esprit une ou deux personnalités qui seraient susceptibles d’assumer cette responsabilité. Encore faudrait-il les persuader que l’union des droites est une cause qui mérite qu’on se mette vigoureusement, obstinément à son service et qu’elles abandonnent leur pré carré ! Cela en vaudrait la peine.

Bas les voiles!

0
Manifestation de soutien pour Ahou Daryaei, Paris, 5 novembre 2024 © OLA NEWS/SIPA

Héroïne du mouvement Femme Vie Liberté, l’étudiante Ahou Daryaei a été arrêtée samedi à Téhéran par les autorités iraniennes. Il est plus que temps que l’Occident cesse d’être complaisant avec le régime des mollahs. Et avec les apôtres du voilement.


Ahou Daryaei, 30 ans, est doctorante en littérature française à la prestigieuse université Azad de Téhéran. Depuis quelque temps, elle était harcelée par la milice Bassidj, la police des mœurs, pour ne pas avoir bien porté son hijab. En signe de protestation, la jeune femme s’est dévêtue devant le campus et a marché dans la rue en sous-vêtements en criant : « Ceci est mon corps. Mon corps m’appartient.» Un vidéaste a capturé la scène.

Les images ont d’abord été postées par le site étudiant iranien Amir Kabir, puis partagées par le site juridique Dadban, mais aussi le groupe de défense des droits humains Hengaw, sans oublier le site d’information Iran Wire et Amnesty Iran. Elles ont vite fait le tour du monde.

Arrêtée, battue, violentée, voire droguée, Ahou Daryaei aurait aussi, selon Amnesty Iran, subi des violences sexuelles lors de son arrestation. « Les allégations de coups et de violence sexuelle à son encontre pendant son arrestation doivent faire l’objet d’une enquête indépendante et impartiale», a toutefois nuancé la branche iranienne d’Amnesty international.

De son côté, l’agence iranienne Fars a publié une photo floutée de l’étudiante. Selon cette agence semi-officielle du régime des Mollahs, la jeune femme portait des vêtements «inappropriés» et s’est «dévêtue» après avoir été mise en garde par les agents de sécurité. Pour rappel, les lois iniques de la République islamique d’Iran imposent un code vestimentaire très strict aux femmes, qui ont l’obligation de porter le foulard et des vêtements amples dissimulant leurs formes sous peine de poursuites et d’arrestations.

A lire aussi: Docteur Iman Sanzeux: chic, mon médecin porte le hijab!

Le geste d’Ahou Daryaei témoigne de la résistance de femmes, libres, belles, vivantes, chaque jour partout où l’islam veut dicter sa loi contre les femmes. Depuis le décès de la jeune Kurde Mahsa Amini en septembre 2022, arrêtée pour ne pas avoir respecté le code vestimentaire, et morte lors de sa détention, des femmes iraniennes se révoltent chaque jour contre cet apartheid.

Le mouvement Femme Vie Liberté, massivement réprimé par les autorités iraniennes, a fait au moins 551 morts et des milliers de personnes arrêtées. Mais l’Occident regarde ailleurs. Pire, il se fait complice de ce régime tyrannique, en lui reconnaissant le droit de siéger dans divers représentations internationales.

L’ONU se compromet elle aussi en laissant les régimes islamistes et l’idéologie frériste s’immiscer dans ses agences spécialisées. En novembre 2023, c’est l’ambassadeur iranien Ali Bahreini qui était nommé à la tête du forum social du Conseil des droits de l’homme (HCDH) organisé à Genève.

Et que dire de l’Union européenne ? En 2021, on se souvient de la campagne cofinancée par Bruxelles promouvant le hijab comme un « un choix » et « un droit humain ». « À quel point le monde serait ennuyeux si tout le monde se ressemblait ?», pouvait-on lire sur un visuel célébrant « la beauté dans la diversité » et « la liberté dans le voile islamique ». « Mon voile mon choix », mettait en avant une autre affiche.

Couverture du numéro 96 de Causeur

Mais la réalité, c’est que le voile emprisonne, tue, réduit au silence des millions de femmes, en Iran, en Afghanistan, et partout où l’islam politique et conquérant veut s’imposer au détriment de la liberté et de la dignité des femmes. Le voile est le signe non de l’impudeur des femmes mais de la lubricité des hommes. Que tous ces hommes, pervers, hypocrites, bestiaux se cloîtrent eux-mêmes s’ils ne peuvent «s’empêcher» et qu’ils laissent les femmes vivre libres et en paix !

L’impudeur est dans le regard et les pensées de ces hommes frustrés, rustres, ignares. Il est temps que les organisations internationales censées défendre la liberté et la dignité s’élèvent contre ces pratiques tyranniques. Mais l’Occident est englué dans son irénisme droitdelhommiste et son affairisme cupide.

Vladimir Poutine ne vaut pas mieux. Le 20 août dernier, celui-là même qui entendait en 1994 « buter les terroristes jusque dans les chiottes », a embrassé un Coran dans la mosquée d’Abu Isa à Grozny, capitale de la Tchétchénie. Faut-il y voir une allégeance à l’internationale islamiste via le soutien au régime de Ramzan Kadyrov, foyer de criminels djihadistes ? Le temps du dévoilement arrive.