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Naturisme à l’os

Outre-Rhin, la pratique très répandue du naturisme perd du terrain. La faute à un manque de nouveaux amateurs, pour qui être nu comme un ver ne ferait toujours ni chaud ni froid…


O tempora, o mores. Le naturisme ne semble plus en vogue chez nos voisins. La pratique, plus que centenaire, avait connu un pic après-guerre, notamment en Allemagne de l’Est où elle jouait un rôle de protestation pacifique et originale face au régime socialo-communiste (certains lecteurs se souviendront d’une photo qui circulait sur internet il y a quelques années, montrant une jeune Angela Merkel dans le plus simple appareil avec quelques amies au bord d’un lac – l’ex-chancelière a en effet grandi en RDA).

Manque d’intérêt de la part de la nouvelle génération

Outre-Rhin, cette pratique bien connue sous le nom de Freikörperkultur s’est fédérée au sein de l’association DFK, qui devait fêter cette année en grande pompe son 75e anniversaire. Or, patatras, les organisateurs ont dû annuler les festivités… par manque de participants.

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Le président de la DFK, Alfred Sigloch, déclarait récemment au journal Bild que son association était passée de 65 000 à 34 000 membres en à peine vingt-cinq ans, et que la tendance se confirmait. Cette dégringolade a mis à nu un évident manque d’intérêt chez les nouvelles générations, mais pas seulement : d’autres avancent le développement des smartphones et des minidrones qui font craindre à certains d’être pris en photo à leur insu. Dans ce pays traditionnellement très libéral vis-à-vis de la nudité publique, des zones, plages et autres campings réservés demeurent, mais de nombreux sont en sursis, les propriétaires et municipalités se tournant davantage vers des locations plus lucratives, à contre-courant de l’esprit très simple et écolo des naturistes.

Résistance !!

Mais Sigloch l’assure, les grands raouts estivaux feront de la résistance, comme le cross international naturiste qui aura le lieu le 27 juillet prochain au bord de la mer Baltique. Un sujet qui avait manifestement échappé aux candidats aux européennes.

Hanane Mansouri, une chance pour la France

À la différence de toute une jeunesse qui s’enferme dans les origines, le communautarisme ou l’islam radical, la jeune Iséroise Hanane Mansouri nous dit qu’elle ne s’est « jamais considérée comme une Marocaine en France ». Félicitations à elle: la voilà députée LR-RN!


C’est en novice qu’Hanane Mansouri est arrivée et a pris place au palais Bourbon, lundi. À vingt-trois ans, elle fait partie de ces nouvelles jeunes pousses – avec Flavien Termet, vingt-deux ans, élu sous l’étiquette RN dans les Ardennes – du Palais Bourbon. Elue députée de la 8e circonscription de l’Isère dimanche dernier sous l’étiquette LR-RN, la jeune femme ne s’attendait pas du tout à connaître une ascension aussi rapide : « Honnêtement non, le contexte était tellement particulier. Je n’aurais jamais pensé être élue député aussi vite ».

Cadre des Républicains, elle était adjointe de Guilhem Carayon à la tête de la section jeune du parti, lequel était un partisan de longue date de l’Union des droites puisqu’il avait posé en 2023 à la Une du magazine L’Incorrect avec Stanislas Rigault et Pierre-Romain Thionnet1. Elle n’a pas hésité à suivre son patron Éric Ciotti quand ce dernier a annoncé son ralliement au bloc de droite au 13h de TF1 : « Quand Éric Ciotti a annoncé la formation d’une alliance, je n’ai pas hésité un instant. Les circonstances et le danger de l’extrême gauche imposaient d’aller vite » explique-t-elle. Une réaction de circonstance, face à la montée du Nouveau Front populaire, alors ? « C’est une conviction ancienne ! Face à l’extrême gauche, j’ai toujours été pour l’union des droites au sein du parti. » Une conviction certes ancienne chez la jeune femme mais qui exprimée en public au sein du parti valait (vaut peut-être encore) exclusion… « Je l’ai dit très honnêtement, y compris au sein du bureau national des Jeunes Républicains alors qu’il y avait des adversaires résolus de ce type d’alliance. » Hanane Mansouri n’a pas l’air encore à l’aise avec la duplicité politique ou la langue de bois. C’est d’abord une militante convaincue : candidate sur un canton grenoblois pour les départementales de 2021, active dans son université auprès du syndicat étudiant de droite UNI, elle a aussi découvert le parlement grâce à des stages auprès de sénateurs LR.

« Arabe de service »

Echirolles, sa ville natale, s’est fait remarquer il y a un peu plus de dix ans par un sordide fait divers, au point d’inspirer une chanson à Calogero. L’insécurité et la pauvreté faisaient de sa circonscription une terre d’élection favorable. Jordan Bardella y avait obtenu près de 45% aux européennes. Finalement, elle a brillamment remporté le scrutin au second tour avec 54.10 % face à la candidate écologiste.  La politique n’a jamais été de tout repos pour elle. Déjà, en avril 2022, son sort avait attiré l’attention au-delà du Dauphiné quand elle avait fait l’objet d’une agression qui lui avait valu six jours d’ITT. Plus récemment, une sinistre affaire lui a valu une certaine publicité dans les médias nationaux. « Arabe de service », « beurette », « sale serpillère » et on en passe… Une volée d’insultes racistes accompagne son annonce de candidature sur X. D’où viennent ces attaques ? « Des anonymes, quelques personnes qui partagent sur leur profil de la propagande d’extrême gauche », assure-t-elle. Pas de quoi intimider toutefois la candidate qui en a vu d’autres : « Je m’y attendais, cela conforte surtout dans l’idée que je mène le bon combat. »

Nous y venons : derrière une carrière bien engagée, qu’est-ce qui a pu motiver initialement l’engagement militant très à droite de cette jeune femme au profil assez atypique qui n’hésite pas à contrarier certains préjugés sur les comportements électoraux des enfants de l’immigration ? Si elle reste assez pudique sur sa famille comme sur ses origines, elle admet que son engagement est au diapason d’une éducation pas forcément conscientisée à droite mais très portée sur le travail et l’effort. Il y a eu aussi certaines crispations et blessures : « Mon désir d’engagement politique est intervenu au lycée alors que de nombreux enseignants m’expliquaient que l’on ne pouvait pas réussir en ayant mes origines, mon nom, ma couleur… Or c’est faux, j’ai pu suivre des études et arriver ici.  On me parle aussi de contrôles au faciès : je n’ai jamais eu de problème avec la police. Ce n’est pas une question de couleur mais d’éducation ». Il y a des ados qui peignent leur chambre en noir pour contester l’autorité de leurs parents ; pour contester la culture de l’excuse développée par les profs de gauche, Hanane Mansouri a pris sa carte aux LR et à l’UNI en se revendiquant « gaulliste, conservatrice et libérale ».

Bobards de gauche

Violences policières, racisme systémique… la jeune femme dénonce sans trop de complexes des bobards : « Je connais bien la culture marocaine. Je vais régulièrement en vacances au Maroc. Aussi je peux dénoncer le discours victimaire dans lequel on élève les jeunes issus de l’immigration car je peux constater qu’il ne se vérifie pas dans les faits. Si l’on est correct et bien élevé, les choses se passent bien. »  Elle applique finalement cette vieille maxime qui veut qu’à Rome, l’on fasse comme les Romains : « Je ne me suis jamais considérée comme une Marocaine en France. » La jeune génération est-elle unanime à tenir ce discours ? Comment expliquer les ratés de l’intégration ? « On parle plus de droits que de devoirs avec toute la philosophie de la victimisation intellectualisée par une élite de gauche. On entend qu’un Etat raciste leur en veut… et puis il y a la question plus difficile du nombre : l’effet de masse fait que de nombreux immigrés restent en gros et gardent leurs coutumes. » La jeune femme n’a pas la langue dans sa poche ; son profil la met aussi à l’abri de certaines accusations.

En politique, l’identité personnelle, les origines comme le sexe peuvent parfois être des atouts. Rama Yade, Rachida Dati, Najat Vallaud-Belkacem : depuis le début des années 2000, beaucoup de jeunes femmes politiques ont été érigées par les médias ou leurs partis en symboles de la diversité et de l’intégration (sans qu’elles l’aient toujours demandé).

Au cours de notre échange, Hanane Mansouri insiste à plusieurs reprises sur ce point : elle n’entend être l’Arabe de service de personne. « Je ne souhaite pas que mon mandat soit concentré uniquement sur la justification du fait d’être une femme d’origine maghrébine à droite » assure-t-elle. Avant de préciser : « Même si je veux évidemment lutter contre le communautarisme, le wokisme et tout ce qui concerne ces dérives. Notamment la propagande LGBT pour les jeunes enfants. » À ce titre, c’est dans la commission éducation et culture qu’elle aimerait siéger. Son profil comme son parcours devraient susciter l’intérêt. Elle a en tout cas arrêté un objectif : être autre chose qu’une origine. En politique comme dans la vie, il est de toute façon conseillé aux ambitieux d’aller de l’avant.

  1. https://www.causeur.fr/droite-incorrect-lr-reconquete-et-rn-coupent-le-cordon-sanitaire-255627 ↩︎

Comportementaliste masculin

En Australie, le poste de secrétaire parlementaire dédié au « changement de comportement des hommes » vient d’être créé, rapidement suivi par de savoureuses moqueries.


Il y a quelques années, Caroline De Haas affirmait qu’« un homme sur deux ou sur trois » est un agresseur sexuel. Récemment, se sentant trahie par un ami psychanalyste gauchiste de télévision accusé d’agressions sexuelles, Sandrine Rousseau, effondrée, a déclaré: « On ne peut compter sur aucun homme. »

L’État de Victoria à l’avant-garde du néoféminisme

Jacinta Allan, la très progressiste Première ministre de l’État de Victoria en Australie, pense exactement la même chose. Raison pour laquelle elle vient de nommer Tim Richardson à un nouveau poste de secrétaire parlementaire (ou ministre junior) dédié au… « changement de comportement des hommes ». Ce secrétaire devra se concentrer prioritairement sur « l’influence d’internet et des réseaux sociaux sur l’attitude des garçons et des hommes à l’égard des femmes et sur l’établissement de relations respectueuses », a précisé la Première ministre victorienne.

À lire aussi : Causeur: En première ligne dans la guerre des idées, Notre jeunesse

Tim Richardson prend sa nouvelle mission très à cœur: « Le moment d’agir sur la violence des hommes à l’égard des femmes c’est maintenant, et cela commence par nous, les hommes et les garçons », se flagelle-t-il sur Instagram où l’on peut découvrir sa bonne tête de ravi de la crèche progressiste.

Guerre des sexes

Narquois, de nombreux Victoriens se sont moqués de cette décision absurde en la qualifiant de « blague absolue ». D’autres, plus sérieusement, ont rappelé que les hommes étaient surreprésentés dans les statistiques sur le suicide et que 93% des décès sur les lieux de travail concernaient des hommes – pourtant, s’il existe un ministère pour les femmes, il n’y a pas de ministère pour les hommes, ont-ils souligné.
Ironiques, certains concitoyens de Mme Allan se sont étonnés : bien que le pourcentage de violences domestiques dans les couples lesbiens soit presque deux fois plus élevé que celui des mêmes violences dans les couples hétérosexuels, aucun secrétariat parlementaire pour le « changement de comportement des lesbiennes » n’a pour le moment été envisagé. Facétieuse, la sénatrice Jane Hume a finalement et pataphysiquement conseillé à Jacinta Allan de créer un ministère chargé du changement de… gouvernement.

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La clarification en marche?

Mélenchon et le lendemain des élections


La dissolution de l’Assemblée nationale devait clarifier la situation politique française. On admettra qu’elle n’y est pas parvenue. Au cours de cette même semaine, c’est la Grande Bretagne qui voit son horizon éclairci après la large victoire d’un social-démocrate, Keir Starmer. C’est l’homme qui a purgé le Parti Travailliste de l’influence néfaste de Jeremy Corbyn, largement accusé d’antisémitisme. Ce dernier avait un défenseur français. Il s’appelait Jean-Luc Mélenchon et il a attribué aux réseaux sionistes la défaite de Corbyn à qui il a reproché de s’être excusé devant des accusations d’antisémitisme qu’il a qualifiées de grossières. Lui, jamais il ne céderait devant les « ukases arrogantes du Crif ». C’était en 2019 et Mélenchon avait révélé son antisémitisme, son obsession du Crif et une de ses règles d’or, ne jamais s’excuser.

Nouvelle France

Je croyais savoir ce dont Jean-Luc Mélenchon était capable, mais je dois avouer que le 7 juillet il m’a estomaqué. Dès l’annonce des premiers résultats, il prend de vitesse toute la classe politique et prononce place de Stalingrad, ce nom a un sens, un discours aussi éloquent que mensonger devant un large échantillon de ses militants, sélectionné au préalable pour représenter la France dans sa diversité. 

La gauche avait gagné ; on aurait dit qu’un immense élan populaire avait porté son parti. Il était prêt à prendre les rênes du gouvernement pour répondre à l’attente « unanime » des Français et à réaliser au plus vite le programme du Nouveau Front populaire, « rien que le programme, mais tout le programme ». Il terminait sur les phrases d’une vieille chanson protestataire de Jean Ferrat, chantant entre autres les genêts de Bretagne et les bruyères de l’Ardèche. Aujourd’hui, c’est vers le RN que se tournent les habitants de ces terroirs qui fleurent si bon la France profonde. Qu’en aurait dit Ferrat, alias Jean Tenenbaum, dont le père avait été assassiné à Auschwitz?

Mélenchon veut imposer l’idée que c’est au chef du parti le plus nombreux à l’intérieur d’une coalition qui a obtenu le plus de voix aux élections de former le gouvernement et que toute autre décision serait une forfaiture. Ce message, répété ad nauseam par ses lieutenants, est triplement faux. D’abord, la gauche n’a pas gagné, elle n’est que la composante la plus nombreuse, de peu, d’une tripolarisation inextricable de l’électorat. Ensuite, LFI, contrairement à l’Assemblée précédente, risque d’avoir moins de députés qu’un Parti Socialiste requinqué, car comme Alexis Corbière, des élus qui ont affronté la colère d’un Mélenchon qu’ils avaient osé critiquer, ont dû changer d’étiquette et enfin parce que le président est libre de choisir qui il veut quand il le veut et qu’il ne se privera pas de le faire. 

Et puis, Mélenchon est l’homme politique le plus détesté de France. Il sait qu’il ne sera pas nommé. Ce qui lui importe, c’est d’attiser le ressentiment de ses militants en dénonçant les manigances probables de ses incertains alliés du NFP et de mettre en exergue les candidats LFI qui se sont désistés au nom du front républicain et qui en se sacrifiant ont sauvé des adversaires tels qu’Elisabeth Borne ou Gérald Darmanin. 

La surprise du second tour a été l’efficacité du thème du front républicain contre le Rassemblement national. Ce vote a été la bouée de sauvetage du parti présidentiel, mais c’est aussi grâce à lui aussi que le Nouveau Front populaire est devenu le plus important bloc de députés de la nouvelle Assemblée nationale, que des candidats LFI aussi anti-israéliens que Ersilia Soudais et Raphaël Arnault ont été élus, et que Philippe Poutou du NPA, qui n’a jamais caché son admiration pour le Hamas, a doublé son score du premier tour. L’outrance dans la haine d’Israël n’a pas empêché les reports de voix et tout indique que l’antisémitisme reste trop souvent considéré comme une affaire qui n’implique que le monde juif.

En revanche, il n’y a pas  eu un seul candidat RN qui n’ait été élu au second tour, s’il n’était pas déjà en tête au premier. Donc des reports faibles qui témoignent que le rejet du RN reste massif. Il semble par ailleurs que les électeurs du RN lui sont restés fidèles au second tour malgré l’évidente impréparation technique de certains candidats et la révélation de l’antisémitisme et du  racisme  de quelques autres. Pour ne citer qu’un exemple, le député sortant, maurrasien, raciste et antisémite assumé, Frédéric Boccaletti, a été réélu dans le Var malgré de nombreux signalements à son encontre.

Ressentiment

Elle est loin, la promesse de Bardella que le RN aurait la majorité absolue, mais on aurait grand tort d’oublier qu’au premier tour, il est arrivé en tête dans 55% des circonscriptions de France métropolitaine. Avec le système électoral majoritaire à un seul tour qui est celui des Britanniques, il aurait obtenu plus de 300 députés à l’Assemblée nationale, et on aurait parlé de raz de marée électoral. Nul doute que l’impression d’une élection volée alimente chez ses électeurs un ressentiment qui risque de se nourrir encore de l’échec, malheureusement probable, d’une introuvable coalition gouvernementale centro-gauchiste. Cet échec peut le porter au pouvoir en 2025 lors d’une possible (probable?) nouvelle dissolution ou en 2027 lors de l’élection présidentielle.

Sur le papier, en additionnant les députés Ensemble aux Républicains, aux divers droite et aux membres du Nouveau Front populaire sans LFI on obtient 320 députés. Mais beaucoup refusent d’entrer dans une coalition aussi baroque, dans une France où l’image de la IVe République agit comme un repoussoir. Il faudrait une pratique du compromis dont la France n’a pas l’habitude et une habileté dans le maniement des hommes qui n’est pas le point fort d’Emmanuel Macron. Mélenchon en sera exclu et on l’entend par avance vitupérer les traitres qui y seraient entrés après avoir signé le programme du Nouveau Front populaire. En lisant ce programme, j’ai pensé au Vénézuéla, un pays que je connais un peu. Jean-Luc Mélenchon, dont on connait la passion pour Hugo Chávez à qui il a emprunté la flamboyance de son style oratoire aussi bien que l’inanité de ses idées économiques, risquerait de transformer la France en un Vénézuéla sans pétrole. Il pallierait ce manque d’une touche d’islamisme qu’on appellerait liberté d’expression. 

Il prend pour modèle un pays dont 20% de la population, dont les plus éduqués, a fui. Ils envoient à leurs parents restés des subsides qui leur permettent de survivre et qui sont devenus indispensables à l’économie du pays. L’essence vénézuélienne est en grande partie d’origine iranienne, car les raffineries fonctionnent mal. La production de brut s’est effondrée, car la préservation des techniques d’extraction du pétrole lourd qui faisait du Vénézuéla un des plus grands producteurs mondiaux, a été négligée. Le pays se maintient par un régime policier, et par l’épuisement de la population. La propagande gouvernementale attribue toutes les difficultés à l’impérialisme, dont la propagande répète que le sionisme est un de ses pires avatars, mais cette auto-victimisation, bien classique, ne convainc que les convaincus.

C’est pour un avenir catastrophique que Mélenchon manipule par le verbe des militants jeunes, sa force de frappe par laquelle il essaie de faire pression sur ses partenaires du NFP. Certains rêvent déjà d’un troisième tour dans la rue. Ce n’est donc pas seulement à cause de son antisémitisme qu’il faut s’opposer au « Lider Maximo ».

Deux accusations en miroir: l’antisionisme est la forme moderne de l’antisémitisme, Israël est un Etat colonial et génocidaire

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Les militants qui brandissent étourdiment le mot de « génocide » feraient bien d’y réfléchir à deux fois


Il y a quelques années, des roquettes tirées, selon une routine ordinaire depuis  Gaza sur un village du sud israélien firent plusieurs victimes civiles, morts et blessés. La riposte israélienne fut, comme à l’accoutumée, immédiate et il y eut un plus grand nombre de victimes à Gaza.

Le lendemain apparut sur les réseaux sociaux un dessin en deux parties. Sur la moitié gauche désignée comme Israël, on voyait un bébé capricieux ou contrarié pleurant bruyamment. De nombreux  micros et caméras étaient tournés vers lui. La partie droite, désignée comme Gaza, était jonchée de corps démembrés, sans aucun journaliste pour y prêter attention. Cette image est réapparue à l’automne 2023.

Concurrence victimaire

Traduisons le message. Les souffrances israéliennes sont bénignes et suscitent la commisération du monde entier ; les souffrances palestiniennes sont atroces et tout le monde s’en fiche. La chronologie de l’évènement est effacée. Pourquoi les souffrances palestiniennes sont-elles plus graves que les israéliennes ? Sans doute parce que le nombre de victimes est supérieur. Pourquoi les souffrances israéliennes bénéficient-elles de plus de commisération ? Parce que la presse du monde entier  a un tropisme israélien ou juif. Il n’y a de vraies victimes  que palestiniennes  et elles sont négligées par le parti-pris pro-israélien des médias.

Ce dessin est  une offense à la morale ordinaire (frapper le premier emporte une responsabilité dont on ne peut s’exonérer en caricaturant ses victimes) et à la morale éternelle selon laquelle une vie humaine a la même valeur que mille (la phrase du Talmud, « qui sauve un enfant  sauve le monde entier » se retrouve en substance dans le Coran). Sinon ses auteurs, du moins ses diffuseurs sur internet ont pourtant  le sentiment de défendre une juste cause : si la responsabilité de l’initiative de l’affrontement ne compte pas, si la perte des vies arabes est plus scandaleuse que la mort des Israéliens, c’est parce que ceux-là sont victimes, et ceux-ci coupables, d’une injustice historique : le projet sioniste, fondamentalement colonisateur et génocidaire. Ces qualificatifs, qui enjambent tout examen historique, constituent un cadre moral où les Palestiniens deviennent  ontologiquement des victimes  et les Israéliens des criminels qui ne reçoivent que ce qu’ils ont mérité. Les Israéliens sont les agresseurs et les Palestiniens les agressés quelles que soient la chronologie et les circonstances immédiates des évènements. Nous sommes dans l’univers idéologique du discours « décolonial » et de son fameux « racisme systémique ». Le jugement de l’Histoire a été prononcé une fois pour toutes, on sait où sont les bons et où sont les méchants.

A  cette accusation  répond, du côté juif, celle d’antisémitisme. Suivant ce point de vue la responsabilité des victimes palestiniennes revient d’abord aux dirigeants palestiniens et à leur stratégie victimaire: lancer des attaques terroristes contre Israël, provoquer ainsi des ripostes violentes faisant de nombreuses victimes civiles pour ensuite engranger auprès de l’opinion publique internationale, grâce à leur médiatisation, le bénéfice politique de la pitié. Quand ce schéma se répète depuis tant d’années, quand il est mis en œuvre  à l’échelle et avec le cynisme du 7 octobre dernier, il est difficile de  croire que ceux qui refusent de le voir, qui relaient cette propagande, qualifiant  la riposte israélienne de génocide du peuple palestinien, ne sont pas affectés d’un certain préjugé. Nullement, rétorquent ceux-ci, on a le droit d’être anti-sioniste, sans se faire  traiter d’anti-sémite.

Ces accusations croisées sont psalmodiées par le chœur planétaire d’une tragédie  régionale dont le scénario est en grande partie écrit par des acteurs extérieurs. Leur participation directe ou indirecte au conflit l’a figé en un interminable face-à-face et lui confère à une dimension mondiale. Ils sont au nombre de quatre : l’ONU, les Etats arabes et musulmans, les puissances américaines et européennes et enfin le judaïsme mondial.

L’ONU, les Etats arabes et la nation palestinienne

L’ONU a eu un rôle déterminant dans l’histoire du conflit israélo-arabe : par le plan de partage de 1947, par la litanie  de ses résolutions qui sont un moyen récurrent pour ses adversaires de marquer leur opposition au projet national israélien, et surtout par  la création en 1949 de l’Office de Secours et de Travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

La mise en place de l’URNWA témoigne d’un intérêt particulier des membres de l’ONU (sauf l’URSS, qui s’y était  opposée) pour le sort des Arabes palestiniens. Elle fait d’eux en effet la seule population de réfugiés bénéficiant d’une agence onusienne dédiée hors du HCR. L’URNWA, financée par des contributions de pays occidentaux et de pétromonarchies, est un objet politique singulier : elle assure à ses bénéficiaires un statut de réfugié de père en fils depuis 75 ans, elle leur offre des services sociaux (éducation, santé) et à Gaza, avant-même le conflit actuel,  assurait déjà la survie matérielle d’une grande partie de la population. Pour ce faire, elle tient un registre de réfugiés qui ressemble fort à un état-civil. Autrement dit, l’ONU a créé une sorte de pro-consulat palestinien, comme une expérimentation locale  de son projet sous-jacent de gouvernement mondial régi par le droit international. Cette multilatéralisation d’une lignée de réfugiés a fourni l’infrastructure  qui donne consistance à l’idée d’une nation arabe palestinienne. Mais elle est en même temps contradictoire avec un projet national: pourquoi  les crédits gérés par l’URNWA ne seraient-ils pas  délégués directement, au moins en partie, à l’Autorité palestinienne ? Cette contradiction a éclaté au grand jour quand  des employés de l’URNWA se sont trouvés compromis dans l’attaque du 7 octobre dernier. Le monde irénique et subventionné du multilatéralisme s’engrène mal avec celui des passions nationales.

A lire aussi, Gil Mihaely: Famine organisée à Gaza: mensonge de guerre

L’idée d’une nation arabe palestinienne, née au XXe siècle en réaction au peuplement juif de la Palestine, n’a été formellement adoubée par les Etats arabes qu’en 1965 (création de l’OLP) à l’initiative du colonel Nasser et de son sponsor soviétique. Quand, à l’issue de la guerre de 1948, la rive occidentale du Jourdain était passée sous le contrôle de la Jordanie, celle-ci n’avait  manifesté aucune intention d’y créer un Etat palestinien. Le refus arabe d’Israël s’est dès lors trouvé doté d’un drapeau, c’est-à-dire d’un emblème sacré capable de focaliser la colère de « la rue arabe » loin de l’impéritie  de ses gouvernements. Si utile était le bouc émissaire israélien qu’il n’était pas question de laisser se dissoudre « la question palestinienne ». Une décision, à peu près respectée jusqu’à nos jours, de la Ligue Arabe, fut de refuser la nationalité des pays membres aux réfugiés palestiniens que pourtant ni la langue, ni la religion, ni la culture ne distinguent de leurs propres ressortissants. Aujourd’hui encore l’immense Egypte s’oppose à l’accueil des réfugiés de Gaza. Ce refus fut bien entendu rendu possible par l’action bienveillante de l’URNWA.

Israël-Palestine, un paradigme mondial

Le troisième groupe d’auteurs de la tragédie est constitué des grandes puissances du Nord. La mondialisation du conflit israélo-arabe s’est inscrite dans la guerre froide entre les Etats-Unis et l’URSS. Malgré la tentative du général de Gaulle  de desserrer l’étau de la bipolarisation et malgré les efforts du « camp de la paix » en Israël, le conflit israélo-palestinien s’est internationalisé selon la ligne de partage de la guerre froide. L’exception des pétromonarchies du Golfe, le basculement de l’Egypte, n’ont pas fondamentalement bouleversé cette bipartition que la Russie tente aujourd’hui de ressusciter. Elle a sans doute contribué au durcissement du conflit et à l’échec des tentatives de compromis. Non seulement parce qu’elle a fourni les belligérants en armes et le terrorisme  palestinien en bases arrières, mais parce que ce conflit a pris pour chaque camp la valeur d’un marqueur idéologique, voire d’une cause sacrée: la défense de l’existence d’Israël, pour « le monde libre », la cause palestinienne pour « le camp progressiste ». Le drapeau palestinien est devenu, dans les rues  arabes comme dans les amphithéâtres des universités occidentales celui de la lutte pour la libération des peuples de l’oppression coloniale ou post-coloniale.

Le dernier groupe est celui de la communauté juive mondiale. Si l’idée d’un Etat juif n’est pas antérieure au XIXe siècle, les souvenirs de deux millénaires de persécutions, d’expulsions et de brimades, puis la Shoah, ont ancré en elle la conviction qu’un Etat-refuge pour les Juifs était nécessaire ou du moins légitime. Au XIXe siècle la plus grande partie de cette communauté vivait dans l’empire russe et le refuge rêvé, bien plus que la Palestine, était l’Amérique. Près de deux millions de Juifs russes ont émigré entre 1880 et 1917 en Amérique, constituant ainsi ce qui allait devenir, après l’extermination européenne du XXe siècle, la plus grande communauté juive mondiale hors Israël. La réussite de cette communauté au sein de la première puissance mondiale lui a conféré un poids financier et politique qu’elle a mis  au service d’Israël. Cela n’allait pas de soi. L’idée d’une solidarité juive mondiale est un fantasme antisémite qui n’a jamais recouvert la moindre réalité politique. Il n’y a jamais eu de centre  des communautés de la diaspora juive. L’alliance Israélite Universelle est une invention française du XIXe siècle dont le rôle ne s’est jamais étendu au-delà de la bienfaisance et de la culture. Et si, dans Mein Kampf, Adolf Hitler prend position contre le sionisme c’est parce qu’il voit dans un Etat juif la possibilité de ce centre (la maison-mère comme disent aujourd’hui Dieudonné et Alain Soral) du complot juif mondial qui le hante.

Les réalignements  du Proche-Orient dans le cadre de la guerre froide ont fait passer Israël de la tutelle soviétique (c’est avec des armes tchèques que la Hagana a remporté la victoire en 1948) puis de la coopération avec la France à une alliance inconditionnelle avec les Etats-Unis à partir de1967. L’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), principale organisation du lobbying juif en faveur d’Israël, est créé peu de temps auparavant en 1963.

Cette date (en fait la période 1967-1973) marque un tournant à bien d’autres égards. Les communautés juives bien intégrées de la diaspora, surtout les deux principales, l’américaine et la française, qui jusqu’alors entretenaient un rapport distant et relativement indifférent avec Israël, découvrent en juin 1967 avec effroi que, comme en 1948, l’Etat juif peut disparaître et ses habitants être rejetés à la mer.

C’est aussi la période de la reconnaissance de l’extermination des Juifs d’Europe. Jusqu’alors on ne parlait, comme cela a été encore le cas en URSS jusqu’en 1991 et au-delà, que de « déportés », terme qui noyait dans une catégorie générale incluant les résistants et d’autres nationalités, le massacre incommensurable des communautés juives d’Europe. Comme par un retour de balancier, cette reconnaissance fut suivie d’une sacralisation de la catastrophe, sous le nom « d’unicité de la Shoah ». Cet excès ouvrit une large avenue à un nouvel avatar de l’antisémitisme, le négationnisme. Des intellectuels européens et américains, au nom de l’esprit critique, nièrent l’existence-même de la Shoah censée, selon le plus célèbre des négationnistes, Roger Garaudy, servir de « mythe fondateur de la politique israélienne ». Publié en 1995, son ouvrage eut un grand retentissement dans le monde arabe et musulman.

Anti-sionisme, antisémitisme

Les Juifs étaient traditionnellement  acceptés en terre d’islam en tant que dhimmis, c’est-à-dire de communauté de rang inférieur. Depuis qu’a commencé à se concrétiser le projet d’un  foyer national juif en Palestine,  l’opposition qu’il a suscitée n’a naturellement jamais fait de distinction entre sionistes  et juifs. A partir de 1945, l’afflux des rescapés de la Shoah, le remords européen de la Shoah, ont donné au projet sioniste, en même temps qu’une impulsion décisive, une nouvelle légitimation. Mais, du point de vue arabe, c’est une injustice : ils ne sont pour rien dans l’extermination des Juifs d’Europe, pourquoi devraient-ils en subir les conséquences ? Pis encore, l’ouvrage de Garaudy démontrerait que les Juifs ont forgé ce mythe fallacieux pour légitimer le sionisme. Ainsi a été porté à incandescence le vieux fonds d’anti-judaïsme que le monde musulman n‘avait jamais cessé de partager avec le monde chrétien.

Cet effacement, dans le monde arabe et musulman, de la distinction entre sionistes et Juifs a confirmé aux yeux de nombreux Juifs le caractère antisémite de l’anti-sionisme. Dirigé contre l’Etat d’Israël, l’anti-sionisme arabo-musulman ne concernerait que de loin les Juifs de la diaspora, mais puisqu’il est en même temps un anti-judaïsme, alors il les menace également. La multiplication des incidents et des crimes antisémites dans les pays d’immigration musulmane en fournit une ample confirmation.

Après que, selon le mot de Bernanos, Hitler eût « déshonoré l’anti-sémitisme » celui-ci est devenu  tabou dans l’ensemble des pays du Nord. Pour contourner « le mot en J » il a fallu alors inventer un nouveau vocabulaire. Une fois encore le monde soviétique a démontré sa créativité sémantique. Renouant après-guerre avec la tradition des persécutions juives  de la Russie. Staline prétend combattre le « cosmopolitisme ». Une quinzaine d’années plus tard, en 1968, Gomulka, pour lancer la dernière vague de persécutions anti-juives en Pologne, s’en prend aux « sionistes » constituant « une cinquième colonne ».

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Evidence du point de vue arabe, ruse langagière en Europe, l’assimilation du judaïsme au sionisme ne suffit cependant pas à confirmer l’idée que l’anti-sionisme est un anti-sémitisme. Qu’est-ce que le sionisme ? Un mouvement politique visant à la création d’un Etat juif en Palestine. Cette option a été largement contestée, y compris par des Juifs, dans toute la première moitié du XXe siècle. Mais depuis 1948 cet Etat existe et, dès lors, l’anti-sionisme prend un tout autre sens : on n’est plus dans un débat de projets mais dans la contestation du droit à l’existence d’un Etat. S’en prendre au sionisme ne peut avoir d’autre signification. Le flou entretenu autour du terme colonisation, – s’agit-il de dénoncer les implantations juives en Cisjordanie ou la colonisation de la Palestine dans son ensemble par les Juifs ? – contribue à ce brouillage sémantique d’où, in fine, le nom d’Israël ressort pour ce qu’il a toujours été, celui du peuple juif. Dès lors qu’en Palestine, mais aussi dans le monde arabe, mais aussi dans le monde soviétique et finalement en Occident, l’anti-sionisme  est devenu une façon d’exprimer une haine des Juifs, il n’est pas surprenant que les Juifs du monde entier, non seulement le ressentent ainsi mais se découvrent une communauté de destin avec l’Etat d’Israël.

Mais puisque tout part de là, il faut revenir à la mise en œuvre du projet sioniste en Palestine. Les Juifs se sont-ils fourvoyés, comme on les en accuse, dans un projet d’Etat-nation colonisateur et génocidaire ? Si tel était le cas, ils n’auraient effectivement  qu’à s’en prendre à eux-mêmes de la montée de l’anti-sionisme/ anti-sémitisme et des violences que subissent les sionistes/Juifs en Israël et ailleurs.

Colonisation, génocide

Le terme colonisation a eu des acceptions variées, parfois positives. Dans le débat qui nous occupe, il renvoie à l’expansion moderne des puissances européennes, c’est-à-dire la conquête, la soumission, l’administration, l’exploitation,  et parfois l’extermination des populations locales en vue de leur remplacement par des envahisseurs n’ayant aucun lien avec le territoire conquis. Cette définition constitue la doxa à laquelle renvoie l’accusation de colonialisme adressée à Israël.

Celle-ci est bien entendu  contestée  par les Israéliens. Le processus qui a abouti à la constitution de l’Etat d’Israël n’est pas celui d’une conquête mais l’arrivée, depuis la fin du XIXe siècle, de vagues successives de réfugiés juifs. Ceux-ci n’avaient pas le sentiment de s’élancer dans des territoires inconnus, comme par exemple en Amérique, mais de retrouver une terre ancestrale. Le nom juif lui-même fut celui de ce territoire, la Judée. Son ancienne capitale, Jérusalem est mentionnée 599 fois dans leur livre sacré. Il ne s’agit pas de se réclamer d’une quelconque primauté (l’actuelle ville de Jéricho est bâtie sur les ruines de 20 villes qui l’ont précédée et certainement toutes n’étaient pas juives), mais d’admettre qu’il existe un lien particulièrement fort  des Juifs avec ce territoire, où malgré la destruction de leur Etat il y a dix-huit siècles, des Juifs n’ont jamais cessé d’habiter.

Ont-ils cherché à en déloger les Arabes qui y résidaient majoritairement au XIXe siècle? La  malheureuse « punchline » prononcée par un obscur délégué d’un congrès sioniste « Une terre inhabitée pour un peuple sans terre » n’a jamais été reprise par aucun dirigeant du mouvement. Jusqu’à la fin de l’empire ottoman, il s’agissait d’obtenir l’autonomie d’un « foyer national juif » dans le cadre de l’empire. La déclaration Balfour de 1917 reprend ce terme vague. Les projets qui s’affrontent ensuite s’inscrivent entre celui d’un Etat binational juif et arabe, projet défendu notamment par Martin Buber, et celui d’un Etat juif imposé par la force des armes. La série de massacres de Juifs qui commence à Jaffa en1920 et culmine avec la révolte arabe de 1936 imposera la seconde formule. Cette idée, dont les promoteurs voyaient, à partir de 1925,  la division de la Palestine mandataire en deux Etats, un juif à l’ouest du Jourdain et un arabe à l’est sur le territoire  qui est devenu la Jordanie,  n’a pourtant jamais été associée à celle d’expulsion, de nettoyage ethnique et encore moins de génocide. Son promoteur le plus radical, Vladimir Jabotinsky, défend dans son ouvrage de1923 La muraille de fer la nécessité de construire une supériorité militaire juive pour contraindre les Arabes à accepter l’idée d’un Etat à majorité juive : « Notre colonisation ne peut, par conséquent, continuer à se développer que sous la protection d’une force indépendante de la population locale, un mur de fer infranchissable. […] Ensuite seulement les Arabes modérés offriront des suggestions pour des compromis sur des questions pratiques telles qu’une garantie contre l’expulsion, ou l’égalité ou l’autonomie nationale ». Et d’ajouter : « Je suis prêt à jurer, pour nous et nos descendants, que nous ne détruirons jamais cette égalité [de toutes les nations] et que nous ne tenterons jamais d’expulser ou d’opprimer les Arabes ».

De fait, jusqu’en 1948, toutes les terres occupées par les Juifs ont été achetées par eux, beaucoup dans la zone côtière impaludée, aucune n’a été prise par la force. Au contraire, ces implantations juives ont engendré une activité économique qui a suscité au début du XXe siècle l’afflux en Palestine d’une nouvelle population arabe. En 1948, Israël, après avoir réduit ses ambitions territoriales à la moitié de la rive occidentale du Jourdain en acceptant  le plan de partage de l’ONU, est attaqué par les forces arabes palestiniennes puis par les armées arabes. La victoire  israélienne entraîne l’exode de 600 000 à 800 000 Arabes palestiniens. Les historiens se déchirent sur les causes  de cette « Nakhba »: quelle part attribuer à  la peur des combats ? à l’effroi suscité par les massacres qui ont, de part et d’autre,  jalonné la guerre ? aux mots d’ordre des dirigeants arabes ? aux expulsions forcées par les militaires israéliens ? L’exode fut-il planifié selon un plan secret israélien ? Plus probablement, il fut la conséquence inéluctable d’une escalade de la violence commencée depuis 30 ans.

L’exode des populations a de tous temps été l’un des malheurs de la défaite. Il ne suffit, pas à accréditer l’accusation de génocide. La démographie le dément : la  population arabe palestinienne en 1948 était  de 900 000 personnes, elle est aujourd’hui de 6 millions, l’ensemble des conflits, guerres et attaques terroristes qui ont opposé Israël aux Arabes de 1948 à 2022 a fait 100 000 victimes arabes et israéliennes. Où est le génocide ?

Et pourquoi ce terme a-t-il surgi à l’occasion de l’actuelle guerre de Gaza dont le nombre de victimes se situe entre 20 000 dont une moitié de combattants selon Israël et 35.000 selon le Hamas, et non des massacres d’une toute autre ampleur qui ont eu lieu récemment en Syrie, au Yémen ou au Soudan ? Pourquoi ceux-ci n’ont -ils pas  suscité la même indignation internationale? Le choix d’appliquer ce mot de génocide aux seuls Israéliens, c’est-à-dire précisément à un peuple qui  a subi un vrai génocide (élimination de  près de 100% de sa moitié est-européenne) ne peut pas ne pas évoquer l’antique malédiction : les Juifs doivent être massacreurs, assassins d’enfants, ou massacrés.

Si dramatique que fut la « Nakhba », l’exode concomitant d’un nombre équivalent de Juifs des pays arabes, hors contexte local de guerre,  ne le fut pas moins. D’autres expulsions d’ampleur encore plus grande eurent lieu à la même époque en Europe ou à la suite de la partition de l’Inde. Deux générations plus tard, celles-ci n’ont laissé à peu près aucune trace, les réfugiés se sont fondus dans la population des pays frères qui les avaient accueillis (Allemagne, Pologne, Israël, Inde, Pakistan et antérieurement Grèce et Turquie) ou bien sont restés en tant que minorité nationale dans l’ancien territoire. Au vu de l’histoire de frustration, d’humiliation, de terrorisme, de massacres qui a été celle des Palestiniens depuis 1948 et de la situation actuelle de Gaza, il faut avoir des convictions idéologiques bien ancrées pour oser affirmer que cette issue leur eût été moins favorable.


L’Etat d’Israël  n’est pas une butte-témoin de l’époque immorale et révolue des colonisations. Pas plus que la Fin de l’Histoire n’a eu lieu en 1991, le temps des déplacements de populations, des heurts de cultures et des dominations n’est derrière nous. La diplomatie et la guerre sont les moyens d’y faire face. Les anathèmes, ou bien relèvent du commentaire ou bien aggravent les maux qu’ils prétendent dénoncer.

La diabolisation d’Israël, qui ravive  les braises de l’anti-judaïsme, sert peut-être, à la marge, à influencer les sponsors des belligérants. Pour le monde occidental, c’est avant tout, comme tous les antisémitismes, un  exorcisme de ses propres frustrations. Elle empêche les Etats arabes et musulmans, de s’engager dans l’établissement d’un compromis qui ne peut être atteint sans eux. Quant aux protagonistes palestiniens et israéliens, elle les enfonce dans le refus suicidaire du compromis et de la coexistence. Ceux qui brandissent étourdiment le mot de génocide feraient bien d’y songer: évoquer le mal absolu, c’est appeler la violence absolue.

La brigade des dîners

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Un dîner d’Édouard Philippe avec Marine Le Pen, révélé par le journal Libération, indignerait une bonne partie de la classe politique. Pourtant, on peut tout à fait combattre Marine Le Pen en public et dîner avec elle en privé!


Libération a déterré un scandale d’État: des opposants politiques dînent ensemble! Trois pages sentant bon la conspiration sur « les dîners secrets de la macronie et du RN »[1] nous étaient proposées dans l’édition du 10 juillet du journal. Depuis, ces fameux dîners d’Edouard Philippe avec Marine Le Pen ou Jordan Bardella font grand bruit. « Les diners de la honte », « Liaisons dangereuses » a-t-on pu dire en commentaires ici et là.

En réalité, les journalistes de Libé n’ont que deux noms à se mettre sous la dent: Edouard Philippe et Sébastien Lecornu. Plus l’intermédiaire, l’ « agent trouble », Thierry Solère, ex-conseiller du président de la République, remercié pour cause de mises en examen, mais toujours en cour. C’est aussi un proche de Gérald Darmanin…

Une sombre affaire

Le précité a donc reçu MM. Philippe et Lecornu, avec Marine Le Pen, ou Jordan Bardella, ou les deux, on ne sait pas bien, dans l’appartement qu’il occupe avec sa nouvelle compagne (voilà une information de haut intérêt !).
D’après nos fins limiers, qui ont déniché deux témoins, Jordan Bardella aurait été aperçu sortant de son immeuble le 12 juin à 16h30.
Les journalistes citent la minuscule rue parisienne en question, prenant le risque d’exciter des antifas débiles… Sur TF1, Edouard Philippe avoue. Il fait son autocritique, et reconnaît un dîner cordial avec Marine Le Pen. Je veux comprendre. J’aime rencontrer les gens… – On le tient, chef ! Il vient de dire que Marine Le Pen était un être humain.
Verdict de Libé: « De tels rendez-vous ne peuvent être interprétés que comme une compromission avec l’extrême droite ». Mais bien sûr!

Le bal des outragés

Nous avons évidemment eu droit ensuite à la salve habituelle de commentaires outrés dans la classe politique. La députée verte Karima Delli, tout en finesse, se demande: « Qui imagine de Gaulle dîner avec Pétain pour comprendre la France ? » Quant au délicieux Raphaël Arnault (LFI), il estime que « le pouvoir déroule le tapis rouge à l’extrême droite. À la fin, ce sera nous contre eux. Ne rien céder, sinon on est cuit ». Valérie Pécresse et Gérald Darmanin font aussi la fine bouche : on ne dine pas avec le diable.
Est-ce bien sérieux ? Heureusement, on peut combattre Marine Le Pen en public et dîner avec elle en privé. Et Edouard Philippe aurait plutôt dû dire au journal de TF1 je dine avec qui je veux et je vous enquiquine.
La politique est un théâtre. On joue à la guerre civile à la scène, mais à la ville on est collègues. Cela s’appelle la discorde civilisée: nous sommes des adversaires, pas des ennemis. Face au RN, toutefois, cette pratique ne semble pas du tout de mise; on estime que ses représentants ne sont pas dans l’humanité et donc on emploie un discours démonologique. On agite des croix et des gousses d’ail. Vade retro ! C’est la négation du consensus démocratique, qui veut qu’on accepte d’être en désaccord. Le RN représente un tiers des électeurs ? Ce sont des lépreux qu’il ne faut pas toucher, même avec une longue cuillère.
Le pire, c’est que tout le monde applaudit à cet attentat contre la vie privée. Pardon, mais la différence entre le privé et le public est pourtant sacrée: c’est le fondement des sociétés libérales. Rien ne vous oblige à vous montrer toujours tel que vous êtes, et cette comédie sociale est heureuse. L’exigence de transparence est l’habillage du voyeurisme. Demain, dénoncera-t-on un élu qui a une liaison avec un député du RN ? Aura-t-on toujours le droit de dire bonjour à un électeur RN ? Contre « l’extrême droite », tout est permis, on ne parle pas, on cogne.
Ce qui est vraiment d’extrême droite dans cette affaire, c’est ce flicage répugnant.


[1] https://www.liberation.fr/politique/chez-thierry-solere-les-diners-secrets-de-la-macronie-et-du-rn-20240709_XZA6N7NSXNHILFUMKMJ2KIF2VQ/ Le premier dîner révélé par Libération remonterait au mois de décembre et aurait réuni Edouard Philippe et Marine Le Pen, ce qu’ont reconnu et assumé l’ancien Premier ministre sur TF1 ainsi que la députée RN. Un autre aurait été organisé le 16 mars — jusqu’à 2 ou 3 heures du matin, selon nos confrères — avec Sébastien Lecornu et Marine Le Pen. Jordan Bardella aurait enfin été reçu le 12 juin dans l’après-midi, après la dissolution, croit savoir le journal NDLR

Bécassine CAN not

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Dans le quartier de Barbès, à Paris, la cinquième édition de la « CAN du 18 » a cassé les oreilles des riverains pendant tout le mois de juin.


De passage chez des amis dans un quartier où naguère elle vécut, Bécassine a vu du pays ; ou plutôt, des pays. Car à la Goutte d’Or, dans le 18ème arrondissement de Paris, entre Barbès, Château Rouge et la Chapelle, il y a un grand square (le Square Léon) doté de terrains de baskets transformés à cette occasion en terrains de foot. Quelle occasion ? La CAN. Prononcez « la canne » et pas celle de Jeanne. La CAN, c’est « la Coupe d’Afrique des nations ». A Paris, donc, se tient tous les ans, au mois de juin, cette fameuse coupe. Cette année, c’était du 1er au 29 du mois.

On entend plus souvent le vuvuzela que l’accordéon, à Paris

Cela ne commence pas toujours à la même heure mais cela a lieu tous les jours quasiment, entre 17 et 20 heures ou 19 et 22 heures. Cela s’annonce par le bruit répété pendant dix bonnes minutes, voire un quart d’heure, de cet instrument venu d’Afrique du Sud : la vuvuzela, dont le nom est aussi charmant que son bruit de corne de brume pour navire en détresse est éprouvant. Puis, les matchs commencent, animés par un Monsieur qui hurle d’un bout à l’autre dans son micro. Parfois, il s’arrête et c’est de la musique qui est proposée, rap ou techno. Les riverains que Bécassine a rencontrés vivent cette période avec un casque sur la tête, mais cela ne suffit pas pour ne pas entendre, et, effectivement, on se croirait à côté du Stade de France.

A lire aussi, Martin Pimentel: Thomas Jolly, « mi-homme mi-coffre fort »

Les riverains ont-ils été prévenus ? Aucunement. Leur a-t-on demandé leur avis pour subir en fin de journée un tel assourdissement ? En aucune façon. Mais existent-ils seulement, les riverains ? Quand on lit le papier consacré à cet évènement par l’audiovisuel public[1], on comprend qu’ils comptent pour des prunes. Reprenons justement l’article et voyons ce qui s’y dit : « Les habitants se préparent pour la nouvelle CAN ». Ils s’y préparent d’autant moins qu’ils n’ont été ni prévenus ni concertés. On voit mal dans ce cas comment ils pourraient s’y préparer. « L’Afrique, c’est le continent dont sont originaires la majorité des habitants, même si l’on compte également des communautés d’Europe de l’Est ou des familles n’ayant jamais quitté la France ». La phrase postule que la Goutte d’Or fut toujours ainsi composée, ce qui est faux. Lorsque Bécassine s’y était installée il y a quarante ans, c’était un quartier populaire dans le sens ancien du terme ; c’est-à-dire composé de Français ayant pu venir, comme souvent à Paris, de différentes régions de France, de personnes d’origine étrangère, françaises ou non, majoritairement d’Europe de l’Est ou du Maghreb ; d’où les magasins vendant ces jolies poteries à tajines et ces épiceries fermant tard le soir et permettant d’aller chercher le citron qui manquait. L’immigration africaine a totalement modifié le paysage, et, effectivement, on peut dire qu’aujourd’hui, la majeure partie des jeunes est issue de cette immigration-là. Quant aux  « familles n’ayant jamais quitté la France »  – c’est moi qui souligne – outre que l’expression contient un a priori dont on sent bien le caractère péjoratif : ceux qui ne bougent jamais tandis que le  migrant, lui, se déplace, elle s’avère fausse également. C’est même le contraire. La gentrification aidant, ce sont des « Français d’origine » qui voyagent le plus, car ils en ont tout bonnement les moyens. La phrase suivante pose également problème : « Guinéens, Marocains, Cap-verdiens, Sénégalais, Français, tous les enfants de la Goutte d’Or sont nés à l’hôpital Lariboisière ». Donc, ils sont nés à Paris, y vivent depuis leur naissance et, pour la plupart, ne connaissent pas leur pays d’origine. Certes, s’ils ne sont pas tous de nationalité française, certains doivent l’être ; dès lors qu’un des parents est né en France ou a la nationalité française, soit qu’ils aient pu faire valoir le droit du sol, soit, enfin, qu’ils soient amenés à le devenir à leur majorité. Le fait de les appeler « Guinéens », « Marocains » ou « Cap-verdiens, » les renvoie à leur origine et fait de celle- ci leur identité. C’est d’autant plus curieux que ce sont généralement les gens dits racistes qui font le plus souvent cela ! Par ailleurs, on peut légitimement se demander si c’est là le meilleur moyen de les faire devenir français, eux qui se plaignent si souvent de ne pas être considérés comme tels !

Pauvres gosses

C’est un des paradoxes les plus criants et qui met les enfants dans une situation schizoïde : les enraciner dans leur origine et la culture qui va avec tout en déplorant qu’ils ne soient pas acceptés comme Français à part entière. Que les choses soient claires : Bécassine, qui a des origines multiples, peut y tenir, mais ne s’y résume pas. On comprend également avec cette énumération des pays qu’il s’agit de faire valoir un multiculturalisme qui ferait se côtoyer, sur un même territoire, des communautés pratiquant chacune leur culture. Sauf que la France n’est pas qu’un territoire :elle est un pays avecune histoire et une pratique politique qui n’a rien à voir avec le multiculturalisme ; lequel rend précisément problématique le « vivre ensemble » dont l’article témoigne. Les habitants ont été relégués dans l’ombre et ne furent pas compris un instant dans le fameux « vivre ensemble » ; ce fut, aux dires des amis de Bécassine, un « souffrir ensemble » qui en tint lieu !

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Dernier point et qui n’est pas des moindres puisqu’il oppose depuis des lustres et de manière de plus en plus criante le sport et l’école, et dans le sport le foot en particulier. À ces jeunes désœuvrés comme il est dit, ne pouvait-on, au mois de juin qui est celui des révisions pour le brevet ou le baccalauréat, proposer ces révisions dans le Square Léon, avec, pourquoi pas, un match final pour conclure l’étude préalable ? C’est une proposition que Bécassine fait à l’association Nouvel Air afin que le sport ne soit pas, au nom du « vivre ensemble », ce qui déglingue la scolarité de ces enfants qu’on est censé aider…


[1] https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/barbes-football-nation-la-can-du-18-reprend-pour-une-cinquieme-edition-2976074.html

De quoi le Front républicain est-il le nom?

Il a fait barrage au RN, il a porté à l’Assemblée nationale l’antifa Raphaël Arnault, qui au soir du 7 octobre proclamait son soutien au Hamas, il se déchire quelques heures après sa victoire: c’est le Front républicain. L’arc républicain ne manque pas de souplesse…


Cette alliance est évidemment une escroquerie anti-démocratique, mais Charlotte d’Ornellas (que par ailleurs, j’apprécie beaucoup) se trompe en la qualifiant d’ «irrationnelle», comme tous ceux (ils sont nombreux) qui la disent «contre-nature» ou pensent que ses membres «ne s’accordent sur rien». Car les tenants du Front républicain s’accordent tous sur une chose fondamentale: ils veulent l’immigration massive, l’islamisation, la tiers-mondisation. Et ils veillent à ostraciser quiconque ne souscrit pas à ce projet.

C’est même tellement important pour eux qu’ils sont prêts à oublier toutes leurs différences et tous leurs différents, le temps de s’assurer que ceux qui pourraient mettre un coup d’arrêt aux flux migratoires suicidaires et à la banalisation des références culturelles islamiques n’arriveront pas au pouvoir. Ils pourront toujours s’écharper ensuite, invoquer les «valeurs de la Républiiiiiique» pour s’excommunier mutuellement, ils auront d’abord veillé à préserver ce qui est essentiel à leurs yeux: les flux migratoires en provenance du monde musulman et de l’Afrique sub-saharienne doivent se poursuivre, et même s’accélérer.

Deux mensonges

L’escroquerie anti-démocratique n’est pas dans l’utilisation tactique des modes de scrutin: n’en déplaise aux naïfs, ça a toujours fait partie du jeu. L’escroquerie est dans le double mensonge par lequel le Front républicain manipule les électeurs : mensonge sur ce qu’est le RN (car non, ni Marine Le Pen ni Jordan Bardella ne sont la réincarnation d’Hitler – d’ailleurs, si vraiment on cherche à identifier le retour des heures les plus sombres, c’est plutôt au sein du Front républicain qu’on identifiera des héritiers du Grand Mufti de Jérusalem et du pacte entre l’antisémitisme islamique et l’antisémitisme occidental) ; et mensonge sur la raison pour laquelle le Front républicain se constitue et s’oppose à « l’extrême-droite ».

A lire aussi: Les héritiers des Lumières volent bas et pensent creux

Pourquoi ? Mais tout simplement parce que la décence commune de la civilisation européenne, que l’on retrouve du portrait que faisait Périclès de l’idéal athénien jusqu’aux réactions instinctives du Français moyen quand il dit que «ça ne se fait pas», en passant par l’idéal chevaleresque médiéval, par «un homme ça s’empêche» de Camus, par la vergogne qui manque cruellement à nos dirigeants notoirement sans vergogne, et par le très bel adage « noblesse oblige », cette décence commune bride les appétits et les ambitions des adeptes du Front républicain – ambitions personnelles ou ambitions d’ingénierie sociale. Alors il faut le multiculturalisme – le Front républicain a bien évidemment renoncé à l’assimilation, et n’hésite pas à «faire barrage» à nos concitoyens d’origine étrangère lorsque ceux-ci revendiquent leur attachement à notre culture et à notre art de vivre, à notre décence commune : les «valeurs de la République» c’est de tendre la main aux compagnons de lutte et au «butin de guerre» de Houria Bouteldja, mais de «faire barrage» à Malika Sorel et Hanane Mansouri. Il faut la précarisation, et le dumping social. Il faut l’ensauvagement, qui dresse les peuples à baisser la tête devant les racailles pour qu’ils n’aient plus la force de la relever devant les tyrans. Racailles également « de souche », ne l’oublions pas, à commencer par les Black blocs et assimilés qui bénéficient depuis longtemps de l’indulgence de tous les gouvernements de «l’arc républicain»…

Manipulation

Révélateur : les principaux thuriféraires du Front républicain, quand ils daignent maintenant s’émouvoir du comportement de LFI (alors que LFI et le NFP n’ont pas changé depuis la semaine dernière, ceux qui se sont alliés à Mélenchon et Rima Hassan dans l’entre-deux-tours pour « faire barrage au RN » savaient pertinemment à quoi ils s’alliaient), s’inquiètent surtout du fait que « la prochaine fois, le barrage risque de céder, et le RN risque de passer ». Autrement dit, ils craignent qu’à l’avenir l’escroquerie ne fonctionne plus, et que malgré la propagande incessante, les électeurs ne se laissent plus manipuler par leurs mensonges. Excellente nouvelle : leur inquiétude est mon espérance.

Au Royaume Uni, les musulmans prennent leur autonomie politique

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Séparatisme: au Royaume Uni, contrairement à la France, le vote musulman ne se cache pas mais il n’est plus automatiquement acquis à la gauche.


À l’heure où La France insoumise est pointée du doigt comme étant de plus en plus captée par une tendance qu’il est désormais convenu d’appeler d’« islamo-gauchiste » – ayant, d’après l’IFOP, reçu aux élections européennes les suffrages de 62% des électeurs musulmans, dont 83% ont cité le conflit israélo-palestinien comme enjeu déterminant de leur vote (contre seulement 25% de l’ensemble de la population) –, il est intéressant de porter son regard de l’autre côté de la Manche pour voir comment y évoluent les pratiques communautaires.

Les musulmans britanniques, entre séparatisme ethnoculturel et fidélité aux travaillistes

Le Royaume-Uni, qui d’après le recensement de 2021 comptait 6% de musulmans (très majoritairement situés en Angleterre, où ils étaient 6,7% de la population), est réputé avoir fait d’un multiculturalisme assumé sa ligne directrice dans la gestion du fait multicommunautaire.

Concrètement, non seulement les querelles françaises sur l’interdiction à l’école ou dans l’espace public de tenues associées à l’islam peuvent paraître aux yeux des Britanniques comme étant une curiosité gauloise, mais encore les musulmans britanniques vivent-ils relativement à l’écart de la société anglaise en pratiquant une forte endogamie : en 2023, par exemple, une étude de trois districts intra-muros de Bradford, ville dont 30,5% des habitants étaient musulmans en 2021, trouva que 46% des nouveau-nés dans la communauté pakistanaise avaient pour parents des cousins germains ou issus de germains (contre 60% en 2013, notons-le tout de même). Les mariages ne sont souvent contractés que religieusement sans passer par l’état civil, et des dizaines de tribunaux islamiques, appelés Sharia courts, ont pour activité principale de se prononcer sur les demandes de divorce faites par des femmes.

A lire aussi, Didier Desrimais: Les Frères musulmans sont aux anges: tout se passe comme prévu

Mais jusqu’à récemment, ce séparatisme ethnique, culturel et religieux ne s’était pas traduit par un séparatisme politique. Après une chute drastique du vote travailliste musulman suite à l’invasion de l’Irak en 2003, qui avait amené nombre de musulmans à reporter leurs suffrages sur les libéraux-démocrates anti-interventionnistes en 2005, divers sondages indiquèrent qu’ils étaient 57% à préférer les travaillistes en 2010, 72% en 2015 et 71% en 2019. Sur les vingt circonscriptions comptant plus de 30% d’habitants musulmans, toutes, sans exception, élurent un député travailliste en 2019.

Au Parti travailliste, guerre des tendances et questionnements sur l’antisémitisme

Cependant, à l’intérieur même du Parti travailliste, la dernière décennie vit une guerre des tendances qui eut une importance considérable pour la suite. En 2015, Jeremy Corbyn fut élu dirigeant du parti avec l’intention de lui donner un sérieux coup de barre à gauche, deux décennies après que Tony Blair eut consacré la transformation du Labour en New Labour par l’abandon de la socialisation de l’économie dans les principes déclarés du parti. Mais le désaccord de Corbyn avec les centristes n’était pas qu’économique : outre la question du Brexit (auquel il était favorable), son mandat donna lieu à des controverses sur la mesure dans laquelle le soutien de l’aile gauche du parti à la cause palestinienne avait pu faire des travaillistes un milieu propice à l’antisémitisme. Ayant perdu l’élection de 2019, Corbyn fut remplacé l’année suivante par Keir Starmer, dont l’élection à la tête du parti annonça un retour vers le centre gauche ; il fut ensuite suspendu pour avoir déclaré que l’étendue de l’antisémitisme avait été exagérée pour des raisons politiques.

Starmer mena une campagne visant à extirper l’antisémitisme du Parti travailliste et à réparer les relations de celui-ci avec la communauté juive britannique ; mais ce sont ses déclarations suite à l’attaque du 7 octobre qui provoquèrent réellement un début de rupture avec l’électorat musulman. Quatre jours après l’attaque, quand un journaliste lui demanda s’il était approprié pour Israël de couper l’électricité et l’eau à Gaza, Starmer répondit : « Je pense qu’Israel en a le droit. » Le mois suivant, il donna aux députés travaillistes l’ordre de s’abstenir sur une proposition du Parti nationaliste écossais exigeant un cessez-le-feu immédiat à Gaza, qu’il n’appellerait finalement de ses vœux qu’en février. Le divorce avec les électeurs musulmans était entamé.

Le Parti travailliste perd sa clientèle musulmane

En décembre, plus d’une vingtaine d’organisations se constituèrent en un groupe appelé The Muslim Vote, avec quasiment comme seul mot d’ordre : « Gaza ». Il est difficile de mesurer l’influence de cette association, qui a fait campagne dans les mois précédant les élections législatives du 4 juillet pour des candidats dont l’attitude vis-à-vis du conflit israélo-palestinien correspondait à ses attentes. Ce qui est moins difficile à mesurer, c’est l’impact du report des voix musulmanes sur ces candidats aux dépens des travaillistes.

Il y eut en effet, dans ces élections, une forte corrélation entre la proportion de musulmans dans une circonscription et les pertes des travaillistes : alors que les circonscriptions comptant moins de 10 % de musulmans donnèrent au Parti travailliste 4,9 points de pourcentage de plus qu’en 2019, celui-ci perdit 17,4 points dans les circonscriptions avec 10 à 20% de musulmans ; 23,8 points dans celles avec 20 à 30% de musulmans ; 29,2 points dans celles avec 30 à 40% de musulmans ; enfin, 33,5 points dans celles avec plus de 40% de musulmans.

Ainsi, à l’issue de ces élections dans des circonscriptions qui en Angleterre comptent en moyenne quelque 75 000 électeurs chacune, ce sont cinq indépendants pro-palestiniens qui vont s’asseoir à la chambre des Communes : pour Dewsbury and Batley, circonscription nouvellement créée avec 46,3% de musulmans, Iqbal Mohamed l’emporte avec 6 934 voix d’avance sur la travailliste Heather Iqbal ; pour Leicester South avec 37,2% de musulmans, Shockat Adam l’emporte avec 979 voix d’avance sur le travailliste sortant Jonathan Ashworth (élu en 2019 avec 22 675 voix d’avance sur la candidate conservatrice) ; pour Birmingham Perry Barr avec 45,3% de musulmans, Ayoub Khan l’emporte avec 507 voix d’avance sur le travailliste sortant Khalid Mahmood (élu en 2019 avec 15 317 points d’avance sur le conservateur Raaj Shamji) ; pour Blackburn avec 49,5% de musulmans, Adnan Hussein l’emporte avec 132 voix d’avance sur la travailliste sortante Kate Hollern (élue en 2019 avec 18 304 voix d’avance sur la candidate conservatrice) ; et pour Islington North, circonscription plus « bobo » comptant « seulement » 13,5% de musulmans, Jeremy Corbyn, exclu du Parti travailliste, est reconduit avec 7 247 voix d’avance sur le candidat investi par la formation qu’il dirigea pendant cinq ans.

Dans d’autres circonscriptions comptant une forte proportion de musulmans, les travaillistes ont sauvé la mise avec des majorités très amoindries : dans Bradford West avec 62,4% de musulmans, Naz Shah, qui en 2019 avait une avance de 27 019 voix sur le conservateur Mohammed Afzal, se retrouva cette fois-ci avec seulement 707 voix d’avance sur l’indépendant pro-palestinien Muhammed Islam ; dans Birmingham Ladywood avec 53,1% de musulmans, Shabana Mahmood est passée d’une avance de 28 582 voix sur la candidate conservatrice à seulement 3 421 voix d’avance sur l’indépendant pro-palestinien Akhmed Yakoob ; enfin, dans Bethnal Green and Stepney, nouvelle circonscription londonienne reprenant pour l’essentiel Bethnal Green and Bow et comptant 49,9% de musulmans, la travailliste Rushanara Ali est passée d’une avance de 37 524 voix sur un candidat conservateur à seulement 1 689 voix d’avance sur l’indépendant pro-palestinien Ajmal Masroor.

Finissons avec la circonscription de Birmingham Yardley, circonscription musulmane à 45,1% où Jess Phillips, figure de premier plan du Parti travailliste, est passée d’une avance confortable de 10 659 voix devant un conservateur à seulement 693 voix d’avance sur Jody McIntyre, membre du Parti des travailleurs de Grande-Bretagne établi par George Galloway, ovni politique dont le programme mêle socialisme économique, conservatisme social et soutien à la cause palestinienne. Au moment de l’annonce des résultats et donc de la victoire de Phillips se firent entendre les huées de militants pro-palestiniens ; dans son discours, interrompu par des cris de « Jody, Jody! » « Free, free Palestine! » et « Shame on you! », Mme Phillips affirma: « Cette élection a été la pire élection à laquelle je me sois jamais présentée », avant de décrire les agressions subies par son équipe de campagne.

Quelles conclusions tirer de la comparaison avec la France ?

Il est intéressant qu’en France, où la proportion de musulmans dans la population peut raisonnablement être estimée à un dixième environ, les tentatives d’établir des partis musulmans se soient pour l’instant soldées par des échecs minables ; l’électorat musulman reste fidèle à des partis de gauche dont on aurait pu penser, a priori, que les combats sociétaux seraient propres à l’aliéner. Mais après tout, c’est la même chose en Angleterre : sans la question gazaouie, les musulmans auraient très largement continué à voter pour un parti de gauche qui promeut des mœurs qu’ils conspuent. Cette contradiction apparente n’est-elle pas, finalement, le signe d’une séparation assez marquée pour que cet électorat ne se sente tout simplement pas concerné par les parties du programme qu’il sait, au fond, destinées aux « gouers » ?

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Islamogauchisme à Rochdale: la victoire du bouffon

L’on se souvient que les manifestations contre le mariage gay avaient beau se tenir au cœur d’une agglomération ne manquant pas de musulmans, ceux-ci étaient les grands absents de cortèges qui étaient, de fait, l’affaire de catholiques de souche ; mais Houria Bouteldja expliquait bien que « le mode de vie homosexuel n’existe pas en banlieue » et donc que « le mariage pour tous ne concerne que les homos blancs ».

Le paradoxe, donc, réside dans ce que Mélenchon – que le journal conservateur anglais The Daily Telegraph appelle « France’s Corbyn » – pratique une « convergence des luttes » qui n’est possible que parce qu’il y a une divergence des communautés. Aux 3e et 4e arrondissements, aux cheveux-bleus dont le genre autant que les pronoms sont d’une variabilité imprévisible, il propose les revendications féministes et LGBTQIA+ dernier cri ; à la Seine-Saint-Denis, quelques kilomètres plus au nord-est (mais toujours dans l’espace Schengen, pour l’instant) et pas franchement acquise au progressisme, les leitmotivs sur Gaza et Israël, sans oublier les poncifs sur l’islamophobie et les « violences policières ».

Au final, alors qu’on aurait pu prédire que la relation clientéliste entre la gauche et les musulmans serait remise en cause par des questions de mœurs et de morale, c’est l’importation du conflit israélo-palestinien qui met la première devant un choix : prendre le parti des seconds ; ou les laisser prendre leur autonomie politique. La divergence des gauches britannique et française en la matière promet à l’observateur des comparaisons intéressantes dans les années à venir.

Le multiculturalisme comme religion politique

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La dernière pépite du Conseil supérieur de la Magistrature

Le Conseil supérieur de la Magistrature publie son rapport annuel1. Selon cette institution, ce qui menace l’État de droit, ce n’est pas que des multidélinquants ne soient pas sanctionnés, c’est qu’on critique les juges…


Merci à Jean-Baptiste Roques, directeur adjoint de la rédaction, pour cette pépite ! Le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM), l’autorité disciplinaire des magistrats se prononçant notamment sur les nominations, s’inquiète pour l’État de droit. Pourquoi ? Parce que la justice est abondamment critiquée ! « L’autorité des décisions et même la légitimité des juridictions nationales et européennes est contestée », écrit-il. Et ces attaques répétées trouvent « un large écho dans l’opinion publique », s’inquiète-t-il.

L’État de droit en péril ?

Donc, ce qui met en péril l’État de droit, ce n’est pas que dans certains quartiers, le droit d’aller et venir n’existe pas, ni que des multidélinquants s’en sortent avec une tape sur les mains, ni que des gens sous OQTF se baladent en liberté dans le pays, ni que les forces de l’ordre soient quotidiennement agressées, ni les milliers de refus d’obtempérer. Et évidemment pas les prises de position délirantes du Syndicat de la Magistrature (dont je n’aimerais pas être jugée par un de ses adhérents) ! Non : le grand danger, c’est que certains citoyens s’aventurent à critiquer la justice…

A lire aussi, du même auteur: Meurice me va comme un gland!

Mais si on dénie sa légitimité à la justice, il n’y a plus de contrat social, me dira-t-on. Oui, mais seule la légitimité des juridictions européennes est contestée en réalité, et à raison. Notamment celle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Certes, cette dernière tient sa compétence de traités ratifiés par le parlement français. Mais, cette compétence a fait l’objet d’une évolution idéologique, et de l’extension permanente du droit des individus contre celui des États. On se souvient par exemple que la CEDH a sommé la France de reprendre un terroriste tchétchène dangereux – ce qu’elle n’a pas fait, d’ailleurs. Autre décision qui a fait moins de bruit, concernant MeToo, la CEDH estimait qu’on ne doit pas demander aux femmes de prouver leurs accusations. Et dès lors qu’il n’existe pas de peuple européen au nom duquel elle pourrait juger, je trouve légitime de contester sa légitimité. En revanche, la justice française rendue au nom du peuple français, personne ne conteste sa légitimité. On doit se soumettre à ses décisions, quoiqu’on en pense – mais on a le droit de penser !

Marges d’interprétation

Personne ne dit qu’on doit désobéir à la justice. Ça n’interdit nullement de la critiquer et d’observer qu’elle ne remplit pas sa mission de protection de la société. On dit que le juge est la bouche de la loi. Mais, les juges interprètent la loi. Ils décident ce qu’elle dit. Et beaucoup n’aiment pas sanctionner.
Pour le CSM, si j’ai bien compris, les juges devraient donc être la seule corporation qui ne souffre pas la critique (avec les journalistes, bien sûr !).
Pour cela, il invoque l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ». Sauf que, selon l’article 11 de la même Déclaration, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ». Dans la Déclaration des droits de l’Homme, rappelons-le, la liberté d’expression a une dignité particulière. Autrement dit, critiquer les juges est un droit de l’homme. Et parfois un devoir.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

  1. https://www.causeur.fr/wp-content/uploads/2024/07/rapport-csm.pdf ↩︎

Naturisme à l’os

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D.R

Outre-Rhin, la pratique très répandue du naturisme perd du terrain. La faute à un manque de nouveaux amateurs, pour qui être nu comme un ver ne ferait toujours ni chaud ni froid…


O tempora, o mores. Le naturisme ne semble plus en vogue chez nos voisins. La pratique, plus que centenaire, avait connu un pic après-guerre, notamment en Allemagne de l’Est où elle jouait un rôle de protestation pacifique et originale face au régime socialo-communiste (certains lecteurs se souviendront d’une photo qui circulait sur internet il y a quelques années, montrant une jeune Angela Merkel dans le plus simple appareil avec quelques amies au bord d’un lac – l’ex-chancelière a en effet grandi en RDA).

Manque d’intérêt de la part de la nouvelle génération

Outre-Rhin, cette pratique bien connue sous le nom de Freikörperkultur s’est fédérée au sein de l’association DFK, qui devait fêter cette année en grande pompe son 75e anniversaire. Or, patatras, les organisateurs ont dû annuler les festivités… par manque de participants.

À lire aussi : Agde: le maire, la diseuse de bonne aventure et les culs nus

Le président de la DFK, Alfred Sigloch, déclarait récemment au journal Bild que son association était passée de 65 000 à 34 000 membres en à peine vingt-cinq ans, et que la tendance se confirmait. Cette dégringolade a mis à nu un évident manque d’intérêt chez les nouvelles générations, mais pas seulement : d’autres avancent le développement des smartphones et des minidrones qui font craindre à certains d’être pris en photo à leur insu. Dans ce pays traditionnellement très libéral vis-à-vis de la nudité publique, des zones, plages et autres campings réservés demeurent, mais de nombreux sont en sursis, les propriétaires et municipalités se tournant davantage vers des locations plus lucratives, à contre-courant de l’esprit très simple et écolo des naturistes.

Résistance !!

Mais Sigloch l’assure, les grands raouts estivaux feront de la résistance, comme le cross international naturiste qui aura le lieu le 27 juillet prochain au bord de la mer Baltique. Un sujet qui avait manifestement échappé aux candidats aux européennes.

Hanane Mansouri, une chance pour la France

La députée de l'Isère Hanane Mansouri devant l'Assemblée nationale, 9 juillet 2024 © Lucien Rabouille

À la différence de toute une jeunesse qui s’enferme dans les origines, le communautarisme ou l’islam radical, la jeune Iséroise Hanane Mansouri nous dit qu’elle ne s’est « jamais considérée comme une Marocaine en France ». Félicitations à elle: la voilà députée LR-RN!


C’est en novice qu’Hanane Mansouri est arrivée et a pris place au palais Bourbon, lundi. À vingt-trois ans, elle fait partie de ces nouvelles jeunes pousses – avec Flavien Termet, vingt-deux ans, élu sous l’étiquette RN dans les Ardennes – du Palais Bourbon. Elue députée de la 8e circonscription de l’Isère dimanche dernier sous l’étiquette LR-RN, la jeune femme ne s’attendait pas du tout à connaître une ascension aussi rapide : « Honnêtement non, le contexte était tellement particulier. Je n’aurais jamais pensé être élue député aussi vite ».

Cadre des Républicains, elle était adjointe de Guilhem Carayon à la tête de la section jeune du parti, lequel était un partisan de longue date de l’Union des droites puisqu’il avait posé en 2023 à la Une du magazine L’Incorrect avec Stanislas Rigault et Pierre-Romain Thionnet1. Elle n’a pas hésité à suivre son patron Éric Ciotti quand ce dernier a annoncé son ralliement au bloc de droite au 13h de TF1 : « Quand Éric Ciotti a annoncé la formation d’une alliance, je n’ai pas hésité un instant. Les circonstances et le danger de l’extrême gauche imposaient d’aller vite » explique-t-elle. Une réaction de circonstance, face à la montée du Nouveau Front populaire, alors ? « C’est une conviction ancienne ! Face à l’extrême gauche, j’ai toujours été pour l’union des droites au sein du parti. » Une conviction certes ancienne chez la jeune femme mais qui exprimée en public au sein du parti valait (vaut peut-être encore) exclusion… « Je l’ai dit très honnêtement, y compris au sein du bureau national des Jeunes Républicains alors qu’il y avait des adversaires résolus de ce type d’alliance. » Hanane Mansouri n’a pas l’air encore à l’aise avec la duplicité politique ou la langue de bois. C’est d’abord une militante convaincue : candidate sur un canton grenoblois pour les départementales de 2021, active dans son université auprès du syndicat étudiant de droite UNI, elle a aussi découvert le parlement grâce à des stages auprès de sénateurs LR.

« Arabe de service »

Echirolles, sa ville natale, s’est fait remarquer il y a un peu plus de dix ans par un sordide fait divers, au point d’inspirer une chanson à Calogero. L’insécurité et la pauvreté faisaient de sa circonscription une terre d’élection favorable. Jordan Bardella y avait obtenu près de 45% aux européennes. Finalement, elle a brillamment remporté le scrutin au second tour avec 54.10 % face à la candidate écologiste.  La politique n’a jamais été de tout repos pour elle. Déjà, en avril 2022, son sort avait attiré l’attention au-delà du Dauphiné quand elle avait fait l’objet d’une agression qui lui avait valu six jours d’ITT. Plus récemment, une sinistre affaire lui a valu une certaine publicité dans les médias nationaux. « Arabe de service », « beurette », « sale serpillère » et on en passe… Une volée d’insultes racistes accompagne son annonce de candidature sur X. D’où viennent ces attaques ? « Des anonymes, quelques personnes qui partagent sur leur profil de la propagande d’extrême gauche », assure-t-elle. Pas de quoi intimider toutefois la candidate qui en a vu d’autres : « Je m’y attendais, cela conforte surtout dans l’idée que je mène le bon combat. »

Nous y venons : derrière une carrière bien engagée, qu’est-ce qui a pu motiver initialement l’engagement militant très à droite de cette jeune femme au profil assez atypique qui n’hésite pas à contrarier certains préjugés sur les comportements électoraux des enfants de l’immigration ? Si elle reste assez pudique sur sa famille comme sur ses origines, elle admet que son engagement est au diapason d’une éducation pas forcément conscientisée à droite mais très portée sur le travail et l’effort. Il y a eu aussi certaines crispations et blessures : « Mon désir d’engagement politique est intervenu au lycée alors que de nombreux enseignants m’expliquaient que l’on ne pouvait pas réussir en ayant mes origines, mon nom, ma couleur… Or c’est faux, j’ai pu suivre des études et arriver ici.  On me parle aussi de contrôles au faciès : je n’ai jamais eu de problème avec la police. Ce n’est pas une question de couleur mais d’éducation ». Il y a des ados qui peignent leur chambre en noir pour contester l’autorité de leurs parents ; pour contester la culture de l’excuse développée par les profs de gauche, Hanane Mansouri a pris sa carte aux LR et à l’UNI en se revendiquant « gaulliste, conservatrice et libérale ».

Bobards de gauche

Violences policières, racisme systémique… la jeune femme dénonce sans trop de complexes des bobards : « Je connais bien la culture marocaine. Je vais régulièrement en vacances au Maroc. Aussi je peux dénoncer le discours victimaire dans lequel on élève les jeunes issus de l’immigration car je peux constater qu’il ne se vérifie pas dans les faits. Si l’on est correct et bien élevé, les choses se passent bien. »  Elle applique finalement cette vieille maxime qui veut qu’à Rome, l’on fasse comme les Romains : « Je ne me suis jamais considérée comme une Marocaine en France. » La jeune génération est-elle unanime à tenir ce discours ? Comment expliquer les ratés de l’intégration ? « On parle plus de droits que de devoirs avec toute la philosophie de la victimisation intellectualisée par une élite de gauche. On entend qu’un Etat raciste leur en veut… et puis il y a la question plus difficile du nombre : l’effet de masse fait que de nombreux immigrés restent en gros et gardent leurs coutumes. » La jeune femme n’a pas la langue dans sa poche ; son profil la met aussi à l’abri de certaines accusations.

En politique, l’identité personnelle, les origines comme le sexe peuvent parfois être des atouts. Rama Yade, Rachida Dati, Najat Vallaud-Belkacem : depuis le début des années 2000, beaucoup de jeunes femmes politiques ont été érigées par les médias ou leurs partis en symboles de la diversité et de l’intégration (sans qu’elles l’aient toujours demandé).

Au cours de notre échange, Hanane Mansouri insiste à plusieurs reprises sur ce point : elle n’entend être l’Arabe de service de personne. « Je ne souhaite pas que mon mandat soit concentré uniquement sur la justification du fait d’être une femme d’origine maghrébine à droite » assure-t-elle. Avant de préciser : « Même si je veux évidemment lutter contre le communautarisme, le wokisme et tout ce qui concerne ces dérives. Notamment la propagande LGBT pour les jeunes enfants. » À ce titre, c’est dans la commission éducation et culture qu’elle aimerait siéger. Son profil comme son parcours devraient susciter l’intérêt. Elle a en tout cas arrêté un objectif : être autre chose qu’une origine. En politique comme dans la vie, il est de toute façon conseillé aux ambitieux d’aller de l’avant.

  1. https://www.causeur.fr/droite-incorrect-lr-reconquete-et-rn-coupent-le-cordon-sanitaire-255627 ↩︎

Comportementaliste masculin

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D.R

En Australie, le poste de secrétaire parlementaire dédié au « changement de comportement des hommes » vient d’être créé, rapidement suivi par de savoureuses moqueries.


Il y a quelques années, Caroline De Haas affirmait qu’« un homme sur deux ou sur trois » est un agresseur sexuel. Récemment, se sentant trahie par un ami psychanalyste gauchiste de télévision accusé d’agressions sexuelles, Sandrine Rousseau, effondrée, a déclaré: « On ne peut compter sur aucun homme. »

L’État de Victoria à l’avant-garde du néoféminisme

Jacinta Allan, la très progressiste Première ministre de l’État de Victoria en Australie, pense exactement la même chose. Raison pour laquelle elle vient de nommer Tim Richardson à un nouveau poste de secrétaire parlementaire (ou ministre junior) dédié au… « changement de comportement des hommes ». Ce secrétaire devra se concentrer prioritairement sur « l’influence d’internet et des réseaux sociaux sur l’attitude des garçons et des hommes à l’égard des femmes et sur l’établissement de relations respectueuses », a précisé la Première ministre victorienne.

À lire aussi : Causeur: En première ligne dans la guerre des idées, Notre jeunesse

Tim Richardson prend sa nouvelle mission très à cœur: « Le moment d’agir sur la violence des hommes à l’égard des femmes c’est maintenant, et cela commence par nous, les hommes et les garçons », se flagelle-t-il sur Instagram où l’on peut découvrir sa bonne tête de ravi de la crèche progressiste.

Guerre des sexes

Narquois, de nombreux Victoriens se sont moqués de cette décision absurde en la qualifiant de « blague absolue ». D’autres, plus sérieusement, ont rappelé que les hommes étaient surreprésentés dans les statistiques sur le suicide et que 93% des décès sur les lieux de travail concernaient des hommes – pourtant, s’il existe un ministère pour les femmes, il n’y a pas de ministère pour les hommes, ont-ils souligné.
Ironiques, certains concitoyens de Mme Allan se sont étonnés : bien que le pourcentage de violences domestiques dans les couples lesbiens soit presque deux fois plus élevé que celui des mêmes violences dans les couples hétérosexuels, aucun secrétariat parlementaire pour le « changement de comportement des lesbiennes » n’a pour le moment été envisagé. Facétieuse, la sénatrice Jane Hume a finalement et pataphysiquement conseillé à Jacinta Allan de créer un ministère chargé du changement de… gouvernement.

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La clarification en marche?

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Jean-Luc Mélenchon et Manuel Bompard, devant l'Assemblée nationale à Paris, 9 juillet 2024 © Jacques Witt/SIPA

Mélenchon et le lendemain des élections


La dissolution de l’Assemblée nationale devait clarifier la situation politique française. On admettra qu’elle n’y est pas parvenue. Au cours de cette même semaine, c’est la Grande Bretagne qui voit son horizon éclairci après la large victoire d’un social-démocrate, Keir Starmer. C’est l’homme qui a purgé le Parti Travailliste de l’influence néfaste de Jeremy Corbyn, largement accusé d’antisémitisme. Ce dernier avait un défenseur français. Il s’appelait Jean-Luc Mélenchon et il a attribué aux réseaux sionistes la défaite de Corbyn à qui il a reproché de s’être excusé devant des accusations d’antisémitisme qu’il a qualifiées de grossières. Lui, jamais il ne céderait devant les « ukases arrogantes du Crif ». C’était en 2019 et Mélenchon avait révélé son antisémitisme, son obsession du Crif et une de ses règles d’or, ne jamais s’excuser.

Nouvelle France

Je croyais savoir ce dont Jean-Luc Mélenchon était capable, mais je dois avouer que le 7 juillet il m’a estomaqué. Dès l’annonce des premiers résultats, il prend de vitesse toute la classe politique et prononce place de Stalingrad, ce nom a un sens, un discours aussi éloquent que mensonger devant un large échantillon de ses militants, sélectionné au préalable pour représenter la France dans sa diversité. 

La gauche avait gagné ; on aurait dit qu’un immense élan populaire avait porté son parti. Il était prêt à prendre les rênes du gouvernement pour répondre à l’attente « unanime » des Français et à réaliser au plus vite le programme du Nouveau Front populaire, « rien que le programme, mais tout le programme ». Il terminait sur les phrases d’une vieille chanson protestataire de Jean Ferrat, chantant entre autres les genêts de Bretagne et les bruyères de l’Ardèche. Aujourd’hui, c’est vers le RN que se tournent les habitants de ces terroirs qui fleurent si bon la France profonde. Qu’en aurait dit Ferrat, alias Jean Tenenbaum, dont le père avait été assassiné à Auschwitz?

Mélenchon veut imposer l’idée que c’est au chef du parti le plus nombreux à l’intérieur d’une coalition qui a obtenu le plus de voix aux élections de former le gouvernement et que toute autre décision serait une forfaiture. Ce message, répété ad nauseam par ses lieutenants, est triplement faux. D’abord, la gauche n’a pas gagné, elle n’est que la composante la plus nombreuse, de peu, d’une tripolarisation inextricable de l’électorat. Ensuite, LFI, contrairement à l’Assemblée précédente, risque d’avoir moins de députés qu’un Parti Socialiste requinqué, car comme Alexis Corbière, des élus qui ont affronté la colère d’un Mélenchon qu’ils avaient osé critiquer, ont dû changer d’étiquette et enfin parce que le président est libre de choisir qui il veut quand il le veut et qu’il ne se privera pas de le faire. 

Et puis, Mélenchon est l’homme politique le plus détesté de France. Il sait qu’il ne sera pas nommé. Ce qui lui importe, c’est d’attiser le ressentiment de ses militants en dénonçant les manigances probables de ses incertains alliés du NFP et de mettre en exergue les candidats LFI qui se sont désistés au nom du front républicain et qui en se sacrifiant ont sauvé des adversaires tels qu’Elisabeth Borne ou Gérald Darmanin. 

La surprise du second tour a été l’efficacité du thème du front républicain contre le Rassemblement national. Ce vote a été la bouée de sauvetage du parti présidentiel, mais c’est aussi grâce à lui aussi que le Nouveau Front populaire est devenu le plus important bloc de députés de la nouvelle Assemblée nationale, que des candidats LFI aussi anti-israéliens que Ersilia Soudais et Raphaël Arnault ont été élus, et que Philippe Poutou du NPA, qui n’a jamais caché son admiration pour le Hamas, a doublé son score du premier tour. L’outrance dans la haine d’Israël n’a pas empêché les reports de voix et tout indique que l’antisémitisme reste trop souvent considéré comme une affaire qui n’implique que le monde juif.

En revanche, il n’y a pas  eu un seul candidat RN qui n’ait été élu au second tour, s’il n’était pas déjà en tête au premier. Donc des reports faibles qui témoignent que le rejet du RN reste massif. Il semble par ailleurs que les électeurs du RN lui sont restés fidèles au second tour malgré l’évidente impréparation technique de certains candidats et la révélation de l’antisémitisme et du  racisme  de quelques autres. Pour ne citer qu’un exemple, le député sortant, maurrasien, raciste et antisémite assumé, Frédéric Boccaletti, a été réélu dans le Var malgré de nombreux signalements à son encontre.

Ressentiment

Elle est loin, la promesse de Bardella que le RN aurait la majorité absolue, mais on aurait grand tort d’oublier qu’au premier tour, il est arrivé en tête dans 55% des circonscriptions de France métropolitaine. Avec le système électoral majoritaire à un seul tour qui est celui des Britanniques, il aurait obtenu plus de 300 députés à l’Assemblée nationale, et on aurait parlé de raz de marée électoral. Nul doute que l’impression d’une élection volée alimente chez ses électeurs un ressentiment qui risque de se nourrir encore de l’échec, malheureusement probable, d’une introuvable coalition gouvernementale centro-gauchiste. Cet échec peut le porter au pouvoir en 2025 lors d’une possible (probable?) nouvelle dissolution ou en 2027 lors de l’élection présidentielle.

Sur le papier, en additionnant les députés Ensemble aux Républicains, aux divers droite et aux membres du Nouveau Front populaire sans LFI on obtient 320 députés. Mais beaucoup refusent d’entrer dans une coalition aussi baroque, dans une France où l’image de la IVe République agit comme un repoussoir. Il faudrait une pratique du compromis dont la France n’a pas l’habitude et une habileté dans le maniement des hommes qui n’est pas le point fort d’Emmanuel Macron. Mélenchon en sera exclu et on l’entend par avance vitupérer les traitres qui y seraient entrés après avoir signé le programme du Nouveau Front populaire. En lisant ce programme, j’ai pensé au Vénézuéla, un pays que je connais un peu. Jean-Luc Mélenchon, dont on connait la passion pour Hugo Chávez à qui il a emprunté la flamboyance de son style oratoire aussi bien que l’inanité de ses idées économiques, risquerait de transformer la France en un Vénézuéla sans pétrole. Il pallierait ce manque d’une touche d’islamisme qu’on appellerait liberté d’expression. 

Il prend pour modèle un pays dont 20% de la population, dont les plus éduqués, a fui. Ils envoient à leurs parents restés des subsides qui leur permettent de survivre et qui sont devenus indispensables à l’économie du pays. L’essence vénézuélienne est en grande partie d’origine iranienne, car les raffineries fonctionnent mal. La production de brut s’est effondrée, car la préservation des techniques d’extraction du pétrole lourd qui faisait du Vénézuéla un des plus grands producteurs mondiaux, a été négligée. Le pays se maintient par un régime policier, et par l’épuisement de la population. La propagande gouvernementale attribue toutes les difficultés à l’impérialisme, dont la propagande répète que le sionisme est un de ses pires avatars, mais cette auto-victimisation, bien classique, ne convainc que les convaincus.

C’est pour un avenir catastrophique que Mélenchon manipule par le verbe des militants jeunes, sa force de frappe par laquelle il essaie de faire pression sur ses partenaires du NFP. Certains rêvent déjà d’un troisième tour dans la rue. Ce n’est donc pas seulement à cause de son antisémitisme qu’il faut s’opposer au « Lider Maximo ».

Deux accusations en miroir: l’antisionisme est la forme moderne de l’antisémitisme, Israël est un Etat colonial et génocidaire

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De la fumée dans le centre de la bande de Gaza, après une frappe israélienne, 10 juillet 2024 © Abdel Kareem Hana/AP/SIPA

Les militants qui brandissent étourdiment le mot de « génocide » feraient bien d’y réfléchir à deux fois


Il y a quelques années, des roquettes tirées, selon une routine ordinaire depuis  Gaza sur un village du sud israélien firent plusieurs victimes civiles, morts et blessés. La riposte israélienne fut, comme à l’accoutumée, immédiate et il y eut un plus grand nombre de victimes à Gaza.

Le lendemain apparut sur les réseaux sociaux un dessin en deux parties. Sur la moitié gauche désignée comme Israël, on voyait un bébé capricieux ou contrarié pleurant bruyamment. De nombreux  micros et caméras étaient tournés vers lui. La partie droite, désignée comme Gaza, était jonchée de corps démembrés, sans aucun journaliste pour y prêter attention. Cette image est réapparue à l’automne 2023.

Concurrence victimaire

Traduisons le message. Les souffrances israéliennes sont bénignes et suscitent la commisération du monde entier ; les souffrances palestiniennes sont atroces et tout le monde s’en fiche. La chronologie de l’évènement est effacée. Pourquoi les souffrances palestiniennes sont-elles plus graves que les israéliennes ? Sans doute parce que le nombre de victimes est supérieur. Pourquoi les souffrances israéliennes bénéficient-elles de plus de commisération ? Parce que la presse du monde entier  a un tropisme israélien ou juif. Il n’y a de vraies victimes  que palestiniennes  et elles sont négligées par le parti-pris pro-israélien des médias.

Ce dessin est  une offense à la morale ordinaire (frapper le premier emporte une responsabilité dont on ne peut s’exonérer en caricaturant ses victimes) et à la morale éternelle selon laquelle une vie humaine a la même valeur que mille (la phrase du Talmud, « qui sauve un enfant  sauve le monde entier » se retrouve en substance dans le Coran). Sinon ses auteurs, du moins ses diffuseurs sur internet ont pourtant  le sentiment de défendre une juste cause : si la responsabilité de l’initiative de l’affrontement ne compte pas, si la perte des vies arabes est plus scandaleuse que la mort des Israéliens, c’est parce que ceux-là sont victimes, et ceux-ci coupables, d’une injustice historique : le projet sioniste, fondamentalement colonisateur et génocidaire. Ces qualificatifs, qui enjambent tout examen historique, constituent un cadre moral où les Palestiniens deviennent  ontologiquement des victimes  et les Israéliens des criminels qui ne reçoivent que ce qu’ils ont mérité. Les Israéliens sont les agresseurs et les Palestiniens les agressés quelles que soient la chronologie et les circonstances immédiates des évènements. Nous sommes dans l’univers idéologique du discours « décolonial » et de son fameux « racisme systémique ». Le jugement de l’Histoire a été prononcé une fois pour toutes, on sait où sont les bons et où sont les méchants.

A  cette accusation  répond, du côté juif, celle d’antisémitisme. Suivant ce point de vue la responsabilité des victimes palestiniennes revient d’abord aux dirigeants palestiniens et à leur stratégie victimaire: lancer des attaques terroristes contre Israël, provoquer ainsi des ripostes violentes faisant de nombreuses victimes civiles pour ensuite engranger auprès de l’opinion publique internationale, grâce à leur médiatisation, le bénéfice politique de la pitié. Quand ce schéma se répète depuis tant d’années, quand il est mis en œuvre  à l’échelle et avec le cynisme du 7 octobre dernier, il est difficile de  croire que ceux qui refusent de le voir, qui relaient cette propagande, qualifiant  la riposte israélienne de génocide du peuple palestinien, ne sont pas affectés d’un certain préjugé. Nullement, rétorquent ceux-ci, on a le droit d’être anti-sioniste, sans se faire  traiter d’anti-sémite.

Ces accusations croisées sont psalmodiées par le chœur planétaire d’une tragédie  régionale dont le scénario est en grande partie écrit par des acteurs extérieurs. Leur participation directe ou indirecte au conflit l’a figé en un interminable face-à-face et lui confère à une dimension mondiale. Ils sont au nombre de quatre : l’ONU, les Etats arabes et musulmans, les puissances américaines et européennes et enfin le judaïsme mondial.

L’ONU, les Etats arabes et la nation palestinienne

L’ONU a eu un rôle déterminant dans l’histoire du conflit israélo-arabe : par le plan de partage de 1947, par la litanie  de ses résolutions qui sont un moyen récurrent pour ses adversaires de marquer leur opposition au projet national israélien, et surtout par  la création en 1949 de l’Office de Secours et de Travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

La mise en place de l’URNWA témoigne d’un intérêt particulier des membres de l’ONU (sauf l’URSS, qui s’y était  opposée) pour le sort des Arabes palestiniens. Elle fait d’eux en effet la seule population de réfugiés bénéficiant d’une agence onusienne dédiée hors du HCR. L’URNWA, financée par des contributions de pays occidentaux et de pétromonarchies, est un objet politique singulier : elle assure à ses bénéficiaires un statut de réfugié de père en fils depuis 75 ans, elle leur offre des services sociaux (éducation, santé) et à Gaza, avant-même le conflit actuel,  assurait déjà la survie matérielle d’une grande partie de la population. Pour ce faire, elle tient un registre de réfugiés qui ressemble fort à un état-civil. Autrement dit, l’ONU a créé une sorte de pro-consulat palestinien, comme une expérimentation locale  de son projet sous-jacent de gouvernement mondial régi par le droit international. Cette multilatéralisation d’une lignée de réfugiés a fourni l’infrastructure  qui donne consistance à l’idée d’une nation arabe palestinienne. Mais elle est en même temps contradictoire avec un projet national: pourquoi  les crédits gérés par l’URNWA ne seraient-ils pas  délégués directement, au moins en partie, à l’Autorité palestinienne ? Cette contradiction a éclaté au grand jour quand  des employés de l’URNWA se sont trouvés compromis dans l’attaque du 7 octobre dernier. Le monde irénique et subventionné du multilatéralisme s’engrène mal avec celui des passions nationales.

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L’idée d’une nation arabe palestinienne, née au XXe siècle en réaction au peuplement juif de la Palestine, n’a été formellement adoubée par les Etats arabes qu’en 1965 (création de l’OLP) à l’initiative du colonel Nasser et de son sponsor soviétique. Quand, à l’issue de la guerre de 1948, la rive occidentale du Jourdain était passée sous le contrôle de la Jordanie, celle-ci n’avait  manifesté aucune intention d’y créer un Etat palestinien. Le refus arabe d’Israël s’est dès lors trouvé doté d’un drapeau, c’est-à-dire d’un emblème sacré capable de focaliser la colère de « la rue arabe » loin de l’impéritie  de ses gouvernements. Si utile était le bouc émissaire israélien qu’il n’était pas question de laisser se dissoudre « la question palestinienne ». Une décision, à peu près respectée jusqu’à nos jours, de la Ligue Arabe, fut de refuser la nationalité des pays membres aux réfugiés palestiniens que pourtant ni la langue, ni la religion, ni la culture ne distinguent de leurs propres ressortissants. Aujourd’hui encore l’immense Egypte s’oppose à l’accueil des réfugiés de Gaza. Ce refus fut bien entendu rendu possible par l’action bienveillante de l’URNWA.

Israël-Palestine, un paradigme mondial

Le troisième groupe d’auteurs de la tragédie est constitué des grandes puissances du Nord. La mondialisation du conflit israélo-arabe s’est inscrite dans la guerre froide entre les Etats-Unis et l’URSS. Malgré la tentative du général de Gaulle  de desserrer l’étau de la bipolarisation et malgré les efforts du « camp de la paix » en Israël, le conflit israélo-palestinien s’est internationalisé selon la ligne de partage de la guerre froide. L’exception des pétromonarchies du Golfe, le basculement de l’Egypte, n’ont pas fondamentalement bouleversé cette bipartition que la Russie tente aujourd’hui de ressusciter. Elle a sans doute contribué au durcissement du conflit et à l’échec des tentatives de compromis. Non seulement parce qu’elle a fourni les belligérants en armes et le terrorisme  palestinien en bases arrières, mais parce que ce conflit a pris pour chaque camp la valeur d’un marqueur idéologique, voire d’une cause sacrée: la défense de l’existence d’Israël, pour « le monde libre », la cause palestinienne pour « le camp progressiste ». Le drapeau palestinien est devenu, dans les rues  arabes comme dans les amphithéâtres des universités occidentales celui de la lutte pour la libération des peuples de l’oppression coloniale ou post-coloniale.

Le dernier groupe est celui de la communauté juive mondiale. Si l’idée d’un Etat juif n’est pas antérieure au XIXe siècle, les souvenirs de deux millénaires de persécutions, d’expulsions et de brimades, puis la Shoah, ont ancré en elle la conviction qu’un Etat-refuge pour les Juifs était nécessaire ou du moins légitime. Au XIXe siècle la plus grande partie de cette communauté vivait dans l’empire russe et le refuge rêvé, bien plus que la Palestine, était l’Amérique. Près de deux millions de Juifs russes ont émigré entre 1880 et 1917 en Amérique, constituant ainsi ce qui allait devenir, après l’extermination européenne du XXe siècle, la plus grande communauté juive mondiale hors Israël. La réussite de cette communauté au sein de la première puissance mondiale lui a conféré un poids financier et politique qu’elle a mis  au service d’Israël. Cela n’allait pas de soi. L’idée d’une solidarité juive mondiale est un fantasme antisémite qui n’a jamais recouvert la moindre réalité politique. Il n’y a jamais eu de centre  des communautés de la diaspora juive. L’alliance Israélite Universelle est une invention française du XIXe siècle dont le rôle ne s’est jamais étendu au-delà de la bienfaisance et de la culture. Et si, dans Mein Kampf, Adolf Hitler prend position contre le sionisme c’est parce qu’il voit dans un Etat juif la possibilité de ce centre (la maison-mère comme disent aujourd’hui Dieudonné et Alain Soral) du complot juif mondial qui le hante.

Les réalignements  du Proche-Orient dans le cadre de la guerre froide ont fait passer Israël de la tutelle soviétique (c’est avec des armes tchèques que la Hagana a remporté la victoire en 1948) puis de la coopération avec la France à une alliance inconditionnelle avec les Etats-Unis à partir de1967. L’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), principale organisation du lobbying juif en faveur d’Israël, est créé peu de temps auparavant en 1963.

Cette date (en fait la période 1967-1973) marque un tournant à bien d’autres égards. Les communautés juives bien intégrées de la diaspora, surtout les deux principales, l’américaine et la française, qui jusqu’alors entretenaient un rapport distant et relativement indifférent avec Israël, découvrent en juin 1967 avec effroi que, comme en 1948, l’Etat juif peut disparaître et ses habitants être rejetés à la mer.

C’est aussi la période de la reconnaissance de l’extermination des Juifs d’Europe. Jusqu’alors on ne parlait, comme cela a été encore le cas en URSS jusqu’en 1991 et au-delà, que de « déportés », terme qui noyait dans une catégorie générale incluant les résistants et d’autres nationalités, le massacre incommensurable des communautés juives d’Europe. Comme par un retour de balancier, cette reconnaissance fut suivie d’une sacralisation de la catastrophe, sous le nom « d’unicité de la Shoah ». Cet excès ouvrit une large avenue à un nouvel avatar de l’antisémitisme, le négationnisme. Des intellectuels européens et américains, au nom de l’esprit critique, nièrent l’existence-même de la Shoah censée, selon le plus célèbre des négationnistes, Roger Garaudy, servir de « mythe fondateur de la politique israélienne ». Publié en 1995, son ouvrage eut un grand retentissement dans le monde arabe et musulman.

Anti-sionisme, antisémitisme

Les Juifs étaient traditionnellement  acceptés en terre d’islam en tant que dhimmis, c’est-à-dire de communauté de rang inférieur. Depuis qu’a commencé à se concrétiser le projet d’un  foyer national juif en Palestine,  l’opposition qu’il a suscitée n’a naturellement jamais fait de distinction entre sionistes  et juifs. A partir de 1945, l’afflux des rescapés de la Shoah, le remords européen de la Shoah, ont donné au projet sioniste, en même temps qu’une impulsion décisive, une nouvelle légitimation. Mais, du point de vue arabe, c’est une injustice : ils ne sont pour rien dans l’extermination des Juifs d’Europe, pourquoi devraient-ils en subir les conséquences ? Pis encore, l’ouvrage de Garaudy démontrerait que les Juifs ont forgé ce mythe fallacieux pour légitimer le sionisme. Ainsi a été porté à incandescence le vieux fonds d’anti-judaïsme que le monde musulman n‘avait jamais cessé de partager avec le monde chrétien.

Cet effacement, dans le monde arabe et musulman, de la distinction entre sionistes et Juifs a confirmé aux yeux de nombreux Juifs le caractère antisémite de l’anti-sionisme. Dirigé contre l’Etat d’Israël, l’anti-sionisme arabo-musulman ne concernerait que de loin les Juifs de la diaspora, mais puisqu’il est en même temps un anti-judaïsme, alors il les menace également. La multiplication des incidents et des crimes antisémites dans les pays d’immigration musulmane en fournit une ample confirmation.

Après que, selon le mot de Bernanos, Hitler eût « déshonoré l’anti-sémitisme » celui-ci est devenu  tabou dans l’ensemble des pays du Nord. Pour contourner « le mot en J » il a fallu alors inventer un nouveau vocabulaire. Une fois encore le monde soviétique a démontré sa créativité sémantique. Renouant après-guerre avec la tradition des persécutions juives  de la Russie. Staline prétend combattre le « cosmopolitisme ». Une quinzaine d’années plus tard, en 1968, Gomulka, pour lancer la dernière vague de persécutions anti-juives en Pologne, s’en prend aux « sionistes » constituant « une cinquième colonne ».

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Evidence du point de vue arabe, ruse langagière en Europe, l’assimilation du judaïsme au sionisme ne suffit cependant pas à confirmer l’idée que l’anti-sionisme est un anti-sémitisme. Qu’est-ce que le sionisme ? Un mouvement politique visant à la création d’un Etat juif en Palestine. Cette option a été largement contestée, y compris par des Juifs, dans toute la première moitié du XXe siècle. Mais depuis 1948 cet Etat existe et, dès lors, l’anti-sionisme prend un tout autre sens : on n’est plus dans un débat de projets mais dans la contestation du droit à l’existence d’un Etat. S’en prendre au sionisme ne peut avoir d’autre signification. Le flou entretenu autour du terme colonisation, – s’agit-il de dénoncer les implantations juives en Cisjordanie ou la colonisation de la Palestine dans son ensemble par les Juifs ? – contribue à ce brouillage sémantique d’où, in fine, le nom d’Israël ressort pour ce qu’il a toujours été, celui du peuple juif. Dès lors qu’en Palestine, mais aussi dans le monde arabe, mais aussi dans le monde soviétique et finalement en Occident, l’anti-sionisme  est devenu une façon d’exprimer une haine des Juifs, il n’est pas surprenant que les Juifs du monde entier, non seulement le ressentent ainsi mais se découvrent une communauté de destin avec l’Etat d’Israël.

Mais puisque tout part de là, il faut revenir à la mise en œuvre du projet sioniste en Palestine. Les Juifs se sont-ils fourvoyés, comme on les en accuse, dans un projet d’Etat-nation colonisateur et génocidaire ? Si tel était le cas, ils n’auraient effectivement  qu’à s’en prendre à eux-mêmes de la montée de l’anti-sionisme/ anti-sémitisme et des violences que subissent les sionistes/Juifs en Israël et ailleurs.

Colonisation, génocide

Le terme colonisation a eu des acceptions variées, parfois positives. Dans le débat qui nous occupe, il renvoie à l’expansion moderne des puissances européennes, c’est-à-dire la conquête, la soumission, l’administration, l’exploitation,  et parfois l’extermination des populations locales en vue de leur remplacement par des envahisseurs n’ayant aucun lien avec le territoire conquis. Cette définition constitue la doxa à laquelle renvoie l’accusation de colonialisme adressée à Israël.

Celle-ci est bien entendu  contestée  par les Israéliens. Le processus qui a abouti à la constitution de l’Etat d’Israël n’est pas celui d’une conquête mais l’arrivée, depuis la fin du XIXe siècle, de vagues successives de réfugiés juifs. Ceux-ci n’avaient pas le sentiment de s’élancer dans des territoires inconnus, comme par exemple en Amérique, mais de retrouver une terre ancestrale. Le nom juif lui-même fut celui de ce territoire, la Judée. Son ancienne capitale, Jérusalem est mentionnée 599 fois dans leur livre sacré. Il ne s’agit pas de se réclamer d’une quelconque primauté (l’actuelle ville de Jéricho est bâtie sur les ruines de 20 villes qui l’ont précédée et certainement toutes n’étaient pas juives), mais d’admettre qu’il existe un lien particulièrement fort  des Juifs avec ce territoire, où malgré la destruction de leur Etat il y a dix-huit siècles, des Juifs n’ont jamais cessé d’habiter.

Ont-ils cherché à en déloger les Arabes qui y résidaient majoritairement au XIXe siècle? La  malheureuse « punchline » prononcée par un obscur délégué d’un congrès sioniste « Une terre inhabitée pour un peuple sans terre » n’a jamais été reprise par aucun dirigeant du mouvement. Jusqu’à la fin de l’empire ottoman, il s’agissait d’obtenir l’autonomie d’un « foyer national juif » dans le cadre de l’empire. La déclaration Balfour de 1917 reprend ce terme vague. Les projets qui s’affrontent ensuite s’inscrivent entre celui d’un Etat binational juif et arabe, projet défendu notamment par Martin Buber, et celui d’un Etat juif imposé par la force des armes. La série de massacres de Juifs qui commence à Jaffa en1920 et culmine avec la révolte arabe de 1936 imposera la seconde formule. Cette idée, dont les promoteurs voyaient, à partir de 1925,  la division de la Palestine mandataire en deux Etats, un juif à l’ouest du Jourdain et un arabe à l’est sur le territoire  qui est devenu la Jordanie,  n’a pourtant jamais été associée à celle d’expulsion, de nettoyage ethnique et encore moins de génocide. Son promoteur le plus radical, Vladimir Jabotinsky, défend dans son ouvrage de1923 La muraille de fer la nécessité de construire une supériorité militaire juive pour contraindre les Arabes à accepter l’idée d’un Etat à majorité juive : « Notre colonisation ne peut, par conséquent, continuer à se développer que sous la protection d’une force indépendante de la population locale, un mur de fer infranchissable. […] Ensuite seulement les Arabes modérés offriront des suggestions pour des compromis sur des questions pratiques telles qu’une garantie contre l’expulsion, ou l’égalité ou l’autonomie nationale ». Et d’ajouter : « Je suis prêt à jurer, pour nous et nos descendants, que nous ne détruirons jamais cette égalité [de toutes les nations] et que nous ne tenterons jamais d’expulser ou d’opprimer les Arabes ».

De fait, jusqu’en 1948, toutes les terres occupées par les Juifs ont été achetées par eux, beaucoup dans la zone côtière impaludée, aucune n’a été prise par la force. Au contraire, ces implantations juives ont engendré une activité économique qui a suscité au début du XXe siècle l’afflux en Palestine d’une nouvelle population arabe. En 1948, Israël, après avoir réduit ses ambitions territoriales à la moitié de la rive occidentale du Jourdain en acceptant  le plan de partage de l’ONU, est attaqué par les forces arabes palestiniennes puis par les armées arabes. La victoire  israélienne entraîne l’exode de 600 000 à 800 000 Arabes palestiniens. Les historiens se déchirent sur les causes  de cette « Nakhba »: quelle part attribuer à  la peur des combats ? à l’effroi suscité par les massacres qui ont, de part et d’autre,  jalonné la guerre ? aux mots d’ordre des dirigeants arabes ? aux expulsions forcées par les militaires israéliens ? L’exode fut-il planifié selon un plan secret israélien ? Plus probablement, il fut la conséquence inéluctable d’une escalade de la violence commencée depuis 30 ans.

L’exode des populations a de tous temps été l’un des malheurs de la défaite. Il ne suffit, pas à accréditer l’accusation de génocide. La démographie le dément : la  population arabe palestinienne en 1948 était  de 900 000 personnes, elle est aujourd’hui de 6 millions, l’ensemble des conflits, guerres et attaques terroristes qui ont opposé Israël aux Arabes de 1948 à 2022 a fait 100 000 victimes arabes et israéliennes. Où est le génocide ?

Et pourquoi ce terme a-t-il surgi à l’occasion de l’actuelle guerre de Gaza dont le nombre de victimes se situe entre 20 000 dont une moitié de combattants selon Israël et 35.000 selon le Hamas, et non des massacres d’une toute autre ampleur qui ont eu lieu récemment en Syrie, au Yémen ou au Soudan ? Pourquoi ceux-ci n’ont -ils pas  suscité la même indignation internationale? Le choix d’appliquer ce mot de génocide aux seuls Israéliens, c’est-à-dire précisément à un peuple qui  a subi un vrai génocide (élimination de  près de 100% de sa moitié est-européenne) ne peut pas ne pas évoquer l’antique malédiction : les Juifs doivent être massacreurs, assassins d’enfants, ou massacrés.

Si dramatique que fut la « Nakhba », l’exode concomitant d’un nombre équivalent de Juifs des pays arabes, hors contexte local de guerre,  ne le fut pas moins. D’autres expulsions d’ampleur encore plus grande eurent lieu à la même époque en Europe ou à la suite de la partition de l’Inde. Deux générations plus tard, celles-ci n’ont laissé à peu près aucune trace, les réfugiés se sont fondus dans la population des pays frères qui les avaient accueillis (Allemagne, Pologne, Israël, Inde, Pakistan et antérieurement Grèce et Turquie) ou bien sont restés en tant que minorité nationale dans l’ancien territoire. Au vu de l’histoire de frustration, d’humiliation, de terrorisme, de massacres qui a été celle des Palestiniens depuis 1948 et de la situation actuelle de Gaza, il faut avoir des convictions idéologiques bien ancrées pour oser affirmer que cette issue leur eût été moins favorable.


L’Etat d’Israël  n’est pas une butte-témoin de l’époque immorale et révolue des colonisations. Pas plus que la Fin de l’Histoire n’a eu lieu en 1991, le temps des déplacements de populations, des heurts de cultures et des dominations n’est derrière nous. La diplomatie et la guerre sont les moyens d’y faire face. Les anathèmes, ou bien relèvent du commentaire ou bien aggravent les maux qu’ils prétendent dénoncer.

La diabolisation d’Israël, qui ravive  les braises de l’anti-judaïsme, sert peut-être, à la marge, à influencer les sponsors des belligérants. Pour le monde occidental, c’est avant tout, comme tous les antisémitismes, un  exorcisme de ses propres frustrations. Elle empêche les Etats arabes et musulmans, de s’engager dans l’établissement d’un compromis qui ne peut être atteint sans eux. Quant aux protagonistes palestiniens et israéliens, elle les enfonce dans le refus suicidaire du compromis et de la coexistence. Ceux qui brandissent étourdiment le mot de génocide feraient bien d’y songer: évoquer le mal absolu, c’est appeler la violence absolue.

La brigade des dîners

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Jordan Bardella, Marine Le Pen et Edouard Philippe © Alain ROBERT/SIPA / Capture TF1

Un dîner d’Édouard Philippe avec Marine Le Pen, révélé par le journal Libération, indignerait une bonne partie de la classe politique. Pourtant, on peut tout à fait combattre Marine Le Pen en public et dîner avec elle en privé!


Libération a déterré un scandale d’État: des opposants politiques dînent ensemble! Trois pages sentant bon la conspiration sur « les dîners secrets de la macronie et du RN »[1] nous étaient proposées dans l’édition du 10 juillet du journal. Depuis, ces fameux dîners d’Edouard Philippe avec Marine Le Pen ou Jordan Bardella font grand bruit. « Les diners de la honte », « Liaisons dangereuses » a-t-on pu dire en commentaires ici et là.

En réalité, les journalistes de Libé n’ont que deux noms à se mettre sous la dent: Edouard Philippe et Sébastien Lecornu. Plus l’intermédiaire, l’ « agent trouble », Thierry Solère, ex-conseiller du président de la République, remercié pour cause de mises en examen, mais toujours en cour. C’est aussi un proche de Gérald Darmanin…

Une sombre affaire

Le précité a donc reçu MM. Philippe et Lecornu, avec Marine Le Pen, ou Jordan Bardella, ou les deux, on ne sait pas bien, dans l’appartement qu’il occupe avec sa nouvelle compagne (voilà une information de haut intérêt !).
D’après nos fins limiers, qui ont déniché deux témoins, Jordan Bardella aurait été aperçu sortant de son immeuble le 12 juin à 16h30.
Les journalistes citent la minuscule rue parisienne en question, prenant le risque d’exciter des antifas débiles… Sur TF1, Edouard Philippe avoue. Il fait son autocritique, et reconnaît un dîner cordial avec Marine Le Pen. Je veux comprendre. J’aime rencontrer les gens… – On le tient, chef ! Il vient de dire que Marine Le Pen était un être humain.
Verdict de Libé: « De tels rendez-vous ne peuvent être interprétés que comme une compromission avec l’extrême droite ». Mais bien sûr!

Le bal des outragés

Nous avons évidemment eu droit ensuite à la salve habituelle de commentaires outrés dans la classe politique. La députée verte Karima Delli, tout en finesse, se demande: « Qui imagine de Gaulle dîner avec Pétain pour comprendre la France ? » Quant au délicieux Raphaël Arnault (LFI), il estime que « le pouvoir déroule le tapis rouge à l’extrême droite. À la fin, ce sera nous contre eux. Ne rien céder, sinon on est cuit ». Valérie Pécresse et Gérald Darmanin font aussi la fine bouche : on ne dine pas avec le diable.
Est-ce bien sérieux ? Heureusement, on peut combattre Marine Le Pen en public et dîner avec elle en privé. Et Edouard Philippe aurait plutôt dû dire au journal de TF1 je dine avec qui je veux et je vous enquiquine.
La politique est un théâtre. On joue à la guerre civile à la scène, mais à la ville on est collègues. Cela s’appelle la discorde civilisée: nous sommes des adversaires, pas des ennemis. Face au RN, toutefois, cette pratique ne semble pas du tout de mise; on estime que ses représentants ne sont pas dans l’humanité et donc on emploie un discours démonologique. On agite des croix et des gousses d’ail. Vade retro ! C’est la négation du consensus démocratique, qui veut qu’on accepte d’être en désaccord. Le RN représente un tiers des électeurs ? Ce sont des lépreux qu’il ne faut pas toucher, même avec une longue cuillère.
Le pire, c’est que tout le monde applaudit à cet attentat contre la vie privée. Pardon, mais la différence entre le privé et le public est pourtant sacrée: c’est le fondement des sociétés libérales. Rien ne vous oblige à vous montrer toujours tel que vous êtes, et cette comédie sociale est heureuse. L’exigence de transparence est l’habillage du voyeurisme. Demain, dénoncera-t-on un élu qui a une liaison avec un député du RN ? Aura-t-on toujours le droit de dire bonjour à un électeur RN ? Contre « l’extrême droite », tout est permis, on ne parle pas, on cogne.
Ce qui est vraiment d’extrême droite dans cette affaire, c’est ce flicage répugnant.


[1] https://www.liberation.fr/politique/chez-thierry-solere-les-diners-secrets-de-la-macronie-et-du-rn-20240709_XZA6N7NSXNHILFUMKMJ2KIF2VQ/ Le premier dîner révélé par Libération remonterait au mois de décembre et aurait réuni Edouard Philippe et Marine Le Pen, ce qu’ont reconnu et assumé l’ancien Premier ministre sur TF1 ainsi que la députée RN. Un autre aurait été organisé le 16 mars — jusqu’à 2 ou 3 heures du matin, selon nos confrères — avec Sébastien Lecornu et Marine Le Pen. Jordan Bardella aurait enfin été reçu le 12 juin dans l’après-midi, après la dissolution, croit savoir le journal NDLR

Bécassine CAN not

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Vuvuzela, image d'illustration. DR.

Dans le quartier de Barbès, à Paris, la cinquième édition de la « CAN du 18 » a cassé les oreilles des riverains pendant tout le mois de juin.


De passage chez des amis dans un quartier où naguère elle vécut, Bécassine a vu du pays ; ou plutôt, des pays. Car à la Goutte d’Or, dans le 18ème arrondissement de Paris, entre Barbès, Château Rouge et la Chapelle, il y a un grand square (le Square Léon) doté de terrains de baskets transformés à cette occasion en terrains de foot. Quelle occasion ? La CAN. Prononcez « la canne » et pas celle de Jeanne. La CAN, c’est « la Coupe d’Afrique des nations ». A Paris, donc, se tient tous les ans, au mois de juin, cette fameuse coupe. Cette année, c’était du 1er au 29 du mois.

On entend plus souvent le vuvuzela que l’accordéon, à Paris

Cela ne commence pas toujours à la même heure mais cela a lieu tous les jours quasiment, entre 17 et 20 heures ou 19 et 22 heures. Cela s’annonce par le bruit répété pendant dix bonnes minutes, voire un quart d’heure, de cet instrument venu d’Afrique du Sud : la vuvuzela, dont le nom est aussi charmant que son bruit de corne de brume pour navire en détresse est éprouvant. Puis, les matchs commencent, animés par un Monsieur qui hurle d’un bout à l’autre dans son micro. Parfois, il s’arrête et c’est de la musique qui est proposée, rap ou techno. Les riverains que Bécassine a rencontrés vivent cette période avec un casque sur la tête, mais cela ne suffit pas pour ne pas entendre, et, effectivement, on se croirait à côté du Stade de France.

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Les riverains ont-ils été prévenus ? Aucunement. Leur a-t-on demandé leur avis pour subir en fin de journée un tel assourdissement ? En aucune façon. Mais existent-ils seulement, les riverains ? Quand on lit le papier consacré à cet évènement par l’audiovisuel public[1], on comprend qu’ils comptent pour des prunes. Reprenons justement l’article et voyons ce qui s’y dit : « Les habitants se préparent pour la nouvelle CAN ». Ils s’y préparent d’autant moins qu’ils n’ont été ni prévenus ni concertés. On voit mal dans ce cas comment ils pourraient s’y préparer. « L’Afrique, c’est le continent dont sont originaires la majorité des habitants, même si l’on compte également des communautés d’Europe de l’Est ou des familles n’ayant jamais quitté la France ». La phrase postule que la Goutte d’Or fut toujours ainsi composée, ce qui est faux. Lorsque Bécassine s’y était installée il y a quarante ans, c’était un quartier populaire dans le sens ancien du terme ; c’est-à-dire composé de Français ayant pu venir, comme souvent à Paris, de différentes régions de France, de personnes d’origine étrangère, françaises ou non, majoritairement d’Europe de l’Est ou du Maghreb ; d’où les magasins vendant ces jolies poteries à tajines et ces épiceries fermant tard le soir et permettant d’aller chercher le citron qui manquait. L’immigration africaine a totalement modifié le paysage, et, effectivement, on peut dire qu’aujourd’hui, la majeure partie des jeunes est issue de cette immigration-là. Quant aux  « familles n’ayant jamais quitté la France »  – c’est moi qui souligne – outre que l’expression contient un a priori dont on sent bien le caractère péjoratif : ceux qui ne bougent jamais tandis que le  migrant, lui, se déplace, elle s’avère fausse également. C’est même le contraire. La gentrification aidant, ce sont des « Français d’origine » qui voyagent le plus, car ils en ont tout bonnement les moyens. La phrase suivante pose également problème : « Guinéens, Marocains, Cap-verdiens, Sénégalais, Français, tous les enfants de la Goutte d’Or sont nés à l’hôpital Lariboisière ». Donc, ils sont nés à Paris, y vivent depuis leur naissance et, pour la plupart, ne connaissent pas leur pays d’origine. Certes, s’ils ne sont pas tous de nationalité française, certains doivent l’être ; dès lors qu’un des parents est né en France ou a la nationalité française, soit qu’ils aient pu faire valoir le droit du sol, soit, enfin, qu’ils soient amenés à le devenir à leur majorité. Le fait de les appeler « Guinéens », « Marocains » ou « Cap-verdiens, » les renvoie à leur origine et fait de celle- ci leur identité. C’est d’autant plus curieux que ce sont généralement les gens dits racistes qui font le plus souvent cela ! Par ailleurs, on peut légitimement se demander si c’est là le meilleur moyen de les faire devenir français, eux qui se plaignent si souvent de ne pas être considérés comme tels !

Pauvres gosses

C’est un des paradoxes les plus criants et qui met les enfants dans une situation schizoïde : les enraciner dans leur origine et la culture qui va avec tout en déplorant qu’ils ne soient pas acceptés comme Français à part entière. Que les choses soient claires : Bécassine, qui a des origines multiples, peut y tenir, mais ne s’y résume pas. On comprend également avec cette énumération des pays qu’il s’agit de faire valoir un multiculturalisme qui ferait se côtoyer, sur un même territoire, des communautés pratiquant chacune leur culture. Sauf que la France n’est pas qu’un territoire :elle est un pays avecune histoire et une pratique politique qui n’a rien à voir avec le multiculturalisme ; lequel rend précisément problématique le « vivre ensemble » dont l’article témoigne. Les habitants ont été relégués dans l’ombre et ne furent pas compris un instant dans le fameux « vivre ensemble » ; ce fut, aux dires des amis de Bécassine, un « souffrir ensemble » qui en tint lieu !

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Dernier point et qui n’est pas des moindres puisqu’il oppose depuis des lustres et de manière de plus en plus criante le sport et l’école, et dans le sport le foot en particulier. À ces jeunes désœuvrés comme il est dit, ne pouvait-on, au mois de juin qui est celui des révisions pour le brevet ou le baccalauréat, proposer ces révisions dans le Square Léon, avec, pourquoi pas, un match final pour conclure l’étude préalable ? C’est une proposition que Bécassine fait à l’association Nouvel Air afin que le sport ne soit pas, au nom du « vivre ensemble », ce qui déglingue la scolarité de ces enfants qu’on est censé aider…


[1] https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/barbes-football-nation-la-can-du-18-reprend-pour-une-cinquieme-edition-2976074.html

De quoi le Front républicain est-il le nom?

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Le député d'extrême gauche Raphaël Arnault, Paris, 9 juillet 2024 © Tom Nicholson/Shutterstock/SIPA

Il a fait barrage au RN, il a porté à l’Assemblée nationale l’antifa Raphaël Arnault, qui au soir du 7 octobre proclamait son soutien au Hamas, il se déchire quelques heures après sa victoire: c’est le Front républicain. L’arc républicain ne manque pas de souplesse…


Cette alliance est évidemment une escroquerie anti-démocratique, mais Charlotte d’Ornellas (que par ailleurs, j’apprécie beaucoup) se trompe en la qualifiant d’ «irrationnelle», comme tous ceux (ils sont nombreux) qui la disent «contre-nature» ou pensent que ses membres «ne s’accordent sur rien». Car les tenants du Front républicain s’accordent tous sur une chose fondamentale: ils veulent l’immigration massive, l’islamisation, la tiers-mondisation. Et ils veillent à ostraciser quiconque ne souscrit pas à ce projet.

C’est même tellement important pour eux qu’ils sont prêts à oublier toutes leurs différences et tous leurs différents, le temps de s’assurer que ceux qui pourraient mettre un coup d’arrêt aux flux migratoires suicidaires et à la banalisation des références culturelles islamiques n’arriveront pas au pouvoir. Ils pourront toujours s’écharper ensuite, invoquer les «valeurs de la Républiiiiiique» pour s’excommunier mutuellement, ils auront d’abord veillé à préserver ce qui est essentiel à leurs yeux: les flux migratoires en provenance du monde musulman et de l’Afrique sub-saharienne doivent se poursuivre, et même s’accélérer.

Deux mensonges

L’escroquerie anti-démocratique n’est pas dans l’utilisation tactique des modes de scrutin: n’en déplaise aux naïfs, ça a toujours fait partie du jeu. L’escroquerie est dans le double mensonge par lequel le Front républicain manipule les électeurs : mensonge sur ce qu’est le RN (car non, ni Marine Le Pen ni Jordan Bardella ne sont la réincarnation d’Hitler – d’ailleurs, si vraiment on cherche à identifier le retour des heures les plus sombres, c’est plutôt au sein du Front républicain qu’on identifiera des héritiers du Grand Mufti de Jérusalem et du pacte entre l’antisémitisme islamique et l’antisémitisme occidental) ; et mensonge sur la raison pour laquelle le Front républicain se constitue et s’oppose à « l’extrême-droite ».

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Pourquoi ? Mais tout simplement parce que la décence commune de la civilisation européenne, que l’on retrouve du portrait que faisait Périclès de l’idéal athénien jusqu’aux réactions instinctives du Français moyen quand il dit que «ça ne se fait pas», en passant par l’idéal chevaleresque médiéval, par «un homme ça s’empêche» de Camus, par la vergogne qui manque cruellement à nos dirigeants notoirement sans vergogne, et par le très bel adage « noblesse oblige », cette décence commune bride les appétits et les ambitions des adeptes du Front républicain – ambitions personnelles ou ambitions d’ingénierie sociale. Alors il faut le multiculturalisme – le Front républicain a bien évidemment renoncé à l’assimilation, et n’hésite pas à «faire barrage» à nos concitoyens d’origine étrangère lorsque ceux-ci revendiquent leur attachement à notre culture et à notre art de vivre, à notre décence commune : les «valeurs de la République» c’est de tendre la main aux compagnons de lutte et au «butin de guerre» de Houria Bouteldja, mais de «faire barrage» à Malika Sorel et Hanane Mansouri. Il faut la précarisation, et le dumping social. Il faut l’ensauvagement, qui dresse les peuples à baisser la tête devant les racailles pour qu’ils n’aient plus la force de la relever devant les tyrans. Racailles également « de souche », ne l’oublions pas, à commencer par les Black blocs et assimilés qui bénéficient depuis longtemps de l’indulgence de tous les gouvernements de «l’arc républicain»…

Manipulation

Révélateur : les principaux thuriféraires du Front républicain, quand ils daignent maintenant s’émouvoir du comportement de LFI (alors que LFI et le NFP n’ont pas changé depuis la semaine dernière, ceux qui se sont alliés à Mélenchon et Rima Hassan dans l’entre-deux-tours pour « faire barrage au RN » savaient pertinemment à quoi ils s’alliaient), s’inquiètent surtout du fait que « la prochaine fois, le barrage risque de céder, et le RN risque de passer ». Autrement dit, ils craignent qu’à l’avenir l’escroquerie ne fonctionne plus, et que malgré la propagande incessante, les électeurs ne se laissent plus manipuler par leurs mensonges. Excellente nouvelle : leur inquiétude est mon espérance.

Au Royaume Uni, les musulmans prennent leur autonomie politique

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Le candidat indépendant Iqbal Mohamed (ici en campagne, 3e à partir de la gauche), a été élu dans la circonscription de "Dewsbury and Batley", composée à 46% de musulmans. DR.

Séparatisme: au Royaume Uni, contrairement à la France, le vote musulman ne se cache pas mais il n’est plus automatiquement acquis à la gauche.


À l’heure où La France insoumise est pointée du doigt comme étant de plus en plus captée par une tendance qu’il est désormais convenu d’appeler d’« islamo-gauchiste » – ayant, d’après l’IFOP, reçu aux élections européennes les suffrages de 62% des électeurs musulmans, dont 83% ont cité le conflit israélo-palestinien comme enjeu déterminant de leur vote (contre seulement 25% de l’ensemble de la population) –, il est intéressant de porter son regard de l’autre côté de la Manche pour voir comment y évoluent les pratiques communautaires.

Les musulmans britanniques, entre séparatisme ethnoculturel et fidélité aux travaillistes

Le Royaume-Uni, qui d’après le recensement de 2021 comptait 6% de musulmans (très majoritairement situés en Angleterre, où ils étaient 6,7% de la population), est réputé avoir fait d’un multiculturalisme assumé sa ligne directrice dans la gestion du fait multicommunautaire.

Concrètement, non seulement les querelles françaises sur l’interdiction à l’école ou dans l’espace public de tenues associées à l’islam peuvent paraître aux yeux des Britanniques comme étant une curiosité gauloise, mais encore les musulmans britanniques vivent-ils relativement à l’écart de la société anglaise en pratiquant une forte endogamie : en 2023, par exemple, une étude de trois districts intra-muros de Bradford, ville dont 30,5% des habitants étaient musulmans en 2021, trouva que 46% des nouveau-nés dans la communauté pakistanaise avaient pour parents des cousins germains ou issus de germains (contre 60% en 2013, notons-le tout de même). Les mariages ne sont souvent contractés que religieusement sans passer par l’état civil, et des dizaines de tribunaux islamiques, appelés Sharia courts, ont pour activité principale de se prononcer sur les demandes de divorce faites par des femmes.

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Mais jusqu’à récemment, ce séparatisme ethnique, culturel et religieux ne s’était pas traduit par un séparatisme politique. Après une chute drastique du vote travailliste musulman suite à l’invasion de l’Irak en 2003, qui avait amené nombre de musulmans à reporter leurs suffrages sur les libéraux-démocrates anti-interventionnistes en 2005, divers sondages indiquèrent qu’ils étaient 57% à préférer les travaillistes en 2010, 72% en 2015 et 71% en 2019. Sur les vingt circonscriptions comptant plus de 30% d’habitants musulmans, toutes, sans exception, élurent un député travailliste en 2019.

Au Parti travailliste, guerre des tendances et questionnements sur l’antisémitisme

Cependant, à l’intérieur même du Parti travailliste, la dernière décennie vit une guerre des tendances qui eut une importance considérable pour la suite. En 2015, Jeremy Corbyn fut élu dirigeant du parti avec l’intention de lui donner un sérieux coup de barre à gauche, deux décennies après que Tony Blair eut consacré la transformation du Labour en New Labour par l’abandon de la socialisation de l’économie dans les principes déclarés du parti. Mais le désaccord de Corbyn avec les centristes n’était pas qu’économique : outre la question du Brexit (auquel il était favorable), son mandat donna lieu à des controverses sur la mesure dans laquelle le soutien de l’aile gauche du parti à la cause palestinienne avait pu faire des travaillistes un milieu propice à l’antisémitisme. Ayant perdu l’élection de 2019, Corbyn fut remplacé l’année suivante par Keir Starmer, dont l’élection à la tête du parti annonça un retour vers le centre gauche ; il fut ensuite suspendu pour avoir déclaré que l’étendue de l’antisémitisme avait été exagérée pour des raisons politiques.

Starmer mena une campagne visant à extirper l’antisémitisme du Parti travailliste et à réparer les relations de celui-ci avec la communauté juive britannique ; mais ce sont ses déclarations suite à l’attaque du 7 octobre qui provoquèrent réellement un début de rupture avec l’électorat musulman. Quatre jours après l’attaque, quand un journaliste lui demanda s’il était approprié pour Israël de couper l’électricité et l’eau à Gaza, Starmer répondit : « Je pense qu’Israel en a le droit. » Le mois suivant, il donna aux députés travaillistes l’ordre de s’abstenir sur une proposition du Parti nationaliste écossais exigeant un cessez-le-feu immédiat à Gaza, qu’il n’appellerait finalement de ses vœux qu’en février. Le divorce avec les électeurs musulmans était entamé.

Le Parti travailliste perd sa clientèle musulmane

En décembre, plus d’une vingtaine d’organisations se constituèrent en un groupe appelé The Muslim Vote, avec quasiment comme seul mot d’ordre : « Gaza ». Il est difficile de mesurer l’influence de cette association, qui a fait campagne dans les mois précédant les élections législatives du 4 juillet pour des candidats dont l’attitude vis-à-vis du conflit israélo-palestinien correspondait à ses attentes. Ce qui est moins difficile à mesurer, c’est l’impact du report des voix musulmanes sur ces candidats aux dépens des travaillistes.

Il y eut en effet, dans ces élections, une forte corrélation entre la proportion de musulmans dans une circonscription et les pertes des travaillistes : alors que les circonscriptions comptant moins de 10 % de musulmans donnèrent au Parti travailliste 4,9 points de pourcentage de plus qu’en 2019, celui-ci perdit 17,4 points dans les circonscriptions avec 10 à 20% de musulmans ; 23,8 points dans celles avec 20 à 30% de musulmans ; 29,2 points dans celles avec 30 à 40% de musulmans ; enfin, 33,5 points dans celles avec plus de 40% de musulmans.

Ainsi, à l’issue de ces élections dans des circonscriptions qui en Angleterre comptent en moyenne quelque 75 000 électeurs chacune, ce sont cinq indépendants pro-palestiniens qui vont s’asseoir à la chambre des Communes : pour Dewsbury and Batley, circonscription nouvellement créée avec 46,3% de musulmans, Iqbal Mohamed l’emporte avec 6 934 voix d’avance sur la travailliste Heather Iqbal ; pour Leicester South avec 37,2% de musulmans, Shockat Adam l’emporte avec 979 voix d’avance sur le travailliste sortant Jonathan Ashworth (élu en 2019 avec 22 675 voix d’avance sur la candidate conservatrice) ; pour Birmingham Perry Barr avec 45,3% de musulmans, Ayoub Khan l’emporte avec 507 voix d’avance sur le travailliste sortant Khalid Mahmood (élu en 2019 avec 15 317 points d’avance sur le conservateur Raaj Shamji) ; pour Blackburn avec 49,5% de musulmans, Adnan Hussein l’emporte avec 132 voix d’avance sur la travailliste sortante Kate Hollern (élue en 2019 avec 18 304 voix d’avance sur la candidate conservatrice) ; et pour Islington North, circonscription plus « bobo » comptant « seulement » 13,5% de musulmans, Jeremy Corbyn, exclu du Parti travailliste, est reconduit avec 7 247 voix d’avance sur le candidat investi par la formation qu’il dirigea pendant cinq ans.

Dans d’autres circonscriptions comptant une forte proportion de musulmans, les travaillistes ont sauvé la mise avec des majorités très amoindries : dans Bradford West avec 62,4% de musulmans, Naz Shah, qui en 2019 avait une avance de 27 019 voix sur le conservateur Mohammed Afzal, se retrouva cette fois-ci avec seulement 707 voix d’avance sur l’indépendant pro-palestinien Muhammed Islam ; dans Birmingham Ladywood avec 53,1% de musulmans, Shabana Mahmood est passée d’une avance de 28 582 voix sur la candidate conservatrice à seulement 3 421 voix d’avance sur l’indépendant pro-palestinien Akhmed Yakoob ; enfin, dans Bethnal Green and Stepney, nouvelle circonscription londonienne reprenant pour l’essentiel Bethnal Green and Bow et comptant 49,9% de musulmans, la travailliste Rushanara Ali est passée d’une avance de 37 524 voix sur un candidat conservateur à seulement 1 689 voix d’avance sur l’indépendant pro-palestinien Ajmal Masroor.

Finissons avec la circonscription de Birmingham Yardley, circonscription musulmane à 45,1% où Jess Phillips, figure de premier plan du Parti travailliste, est passée d’une avance confortable de 10 659 voix devant un conservateur à seulement 693 voix d’avance sur Jody McIntyre, membre du Parti des travailleurs de Grande-Bretagne établi par George Galloway, ovni politique dont le programme mêle socialisme économique, conservatisme social et soutien à la cause palestinienne. Au moment de l’annonce des résultats et donc de la victoire de Phillips se firent entendre les huées de militants pro-palestiniens ; dans son discours, interrompu par des cris de « Jody, Jody! » « Free, free Palestine! » et « Shame on you! », Mme Phillips affirma: « Cette élection a été la pire élection à laquelle je me sois jamais présentée », avant de décrire les agressions subies par son équipe de campagne.

Quelles conclusions tirer de la comparaison avec la France ?

Il est intéressant qu’en France, où la proportion de musulmans dans la population peut raisonnablement être estimée à un dixième environ, les tentatives d’établir des partis musulmans se soient pour l’instant soldées par des échecs minables ; l’électorat musulman reste fidèle à des partis de gauche dont on aurait pu penser, a priori, que les combats sociétaux seraient propres à l’aliéner. Mais après tout, c’est la même chose en Angleterre : sans la question gazaouie, les musulmans auraient très largement continué à voter pour un parti de gauche qui promeut des mœurs qu’ils conspuent. Cette contradiction apparente n’est-elle pas, finalement, le signe d’une séparation assez marquée pour que cet électorat ne se sente tout simplement pas concerné par les parties du programme qu’il sait, au fond, destinées aux « gouers » ?

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L’on se souvient que les manifestations contre le mariage gay avaient beau se tenir au cœur d’une agglomération ne manquant pas de musulmans, ceux-ci étaient les grands absents de cortèges qui étaient, de fait, l’affaire de catholiques de souche ; mais Houria Bouteldja expliquait bien que « le mode de vie homosexuel n’existe pas en banlieue » et donc que « le mariage pour tous ne concerne que les homos blancs ».

Le paradoxe, donc, réside dans ce que Mélenchon – que le journal conservateur anglais The Daily Telegraph appelle « France’s Corbyn » – pratique une « convergence des luttes » qui n’est possible que parce qu’il y a une divergence des communautés. Aux 3e et 4e arrondissements, aux cheveux-bleus dont le genre autant que les pronoms sont d’une variabilité imprévisible, il propose les revendications féministes et LGBTQIA+ dernier cri ; à la Seine-Saint-Denis, quelques kilomètres plus au nord-est (mais toujours dans l’espace Schengen, pour l’instant) et pas franchement acquise au progressisme, les leitmotivs sur Gaza et Israël, sans oublier les poncifs sur l’islamophobie et les « violences policières ».

Au final, alors qu’on aurait pu prédire que la relation clientéliste entre la gauche et les musulmans serait remise en cause par des questions de mœurs et de morale, c’est l’importation du conflit israélo-palestinien qui met la première devant un choix : prendre le parti des seconds ; ou les laisser prendre leur autonomie politique. La divergence des gauches britannique et française en la matière promet à l’observateur des comparaisons intéressantes dans les années à venir.

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La dernière pépite du Conseil supérieur de la Magistrature

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Estimant que leur pouvoir est sans cesse contesté, les juges interpellent les politiques dans le rapport annuel du Conseil supérieur de la Magistrature... DR.

Le Conseil supérieur de la Magistrature publie son rapport annuel1. Selon cette institution, ce qui menace l’État de droit, ce n’est pas que des multidélinquants ne soient pas sanctionnés, c’est qu’on critique les juges…


Merci à Jean-Baptiste Roques, directeur adjoint de la rédaction, pour cette pépite ! Le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM), l’autorité disciplinaire des magistrats se prononçant notamment sur les nominations, s’inquiète pour l’État de droit. Pourquoi ? Parce que la justice est abondamment critiquée ! « L’autorité des décisions et même la légitimité des juridictions nationales et européennes est contestée », écrit-il. Et ces attaques répétées trouvent « un large écho dans l’opinion publique », s’inquiète-t-il.

L’État de droit en péril ?

Donc, ce qui met en péril l’État de droit, ce n’est pas que dans certains quartiers, le droit d’aller et venir n’existe pas, ni que des multidélinquants s’en sortent avec une tape sur les mains, ni que des gens sous OQTF se baladent en liberté dans le pays, ni que les forces de l’ordre soient quotidiennement agressées, ni les milliers de refus d’obtempérer. Et évidemment pas les prises de position délirantes du Syndicat de la Magistrature (dont je n’aimerais pas être jugée par un de ses adhérents) ! Non : le grand danger, c’est que certains citoyens s’aventurent à critiquer la justice…

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Mais si on dénie sa légitimité à la justice, il n’y a plus de contrat social, me dira-t-on. Oui, mais seule la légitimité des juridictions européennes est contestée en réalité, et à raison. Notamment celle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Certes, cette dernière tient sa compétence de traités ratifiés par le parlement français. Mais, cette compétence a fait l’objet d’une évolution idéologique, et de l’extension permanente du droit des individus contre celui des États. On se souvient par exemple que la CEDH a sommé la France de reprendre un terroriste tchétchène dangereux – ce qu’elle n’a pas fait, d’ailleurs. Autre décision qui a fait moins de bruit, concernant MeToo, la CEDH estimait qu’on ne doit pas demander aux femmes de prouver leurs accusations. Et dès lors qu’il n’existe pas de peuple européen au nom duquel elle pourrait juger, je trouve légitime de contester sa légitimité. En revanche, la justice française rendue au nom du peuple français, personne ne conteste sa légitimité. On doit se soumettre à ses décisions, quoiqu’on en pense – mais on a le droit de penser !

Marges d’interprétation

Personne ne dit qu’on doit désobéir à la justice. Ça n’interdit nullement de la critiquer et d’observer qu’elle ne remplit pas sa mission de protection de la société. On dit que le juge est la bouche de la loi. Mais, les juges interprètent la loi. Ils décident ce qu’elle dit. Et beaucoup n’aiment pas sanctionner.
Pour le CSM, si j’ai bien compris, les juges devraient donc être la seule corporation qui ne souffre pas la critique (avec les journalistes, bien sûr !).
Pour cela, il invoque l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ». Sauf que, selon l’article 11 de la même Déclaration, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ». Dans la Déclaration des droits de l’Homme, rappelons-le, la liberté d’expression a une dignité particulière. Autrement dit, critiquer les juges est un droit de l’homme. Et parfois un devoir.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

  1. https://www.causeur.fr/wp-content/uploads/2024/07/rapport-csm.pdf ↩︎