Liberté de circulation. Le député Pierre Meurin veut frapper un grand coup cette semaine en obtenant la suppression des ZFE, via un amendement malicieusement glissé dans le projet de loi sur la simplification de la vie économique. Reprenant sa proposition de loi initiale, déjà validée en commission, il pousse pour une victoire dans l’hémicycle, dénonçant sans détours une mesure qu’il qualifie d’« écologie punitive » et d’« insulte à l’intelligence ». Entretien.
Causeur. Dimanche, deux rassemblements ont eu lieu à Paris : l’un place Vauban en soutien à Marine Le Pen face à son inéligibilité, l’autre devant la mairie contre les ZFE, mené par ceux qui se revendiquent comme les « gueux ». Où étiez-vous ?
Pierre Meurin. Je n’étais à aucun des deux. J’étais en effet en manifestation contre les ZFE… mais à Montpellier ! J’y ai pris la parole à l’invitation de Laurent Jaoul, maire de Saint-Brès, une commune à l’est de la préfecture de l’Hérault. Mon cœur était évidemment à Paris, aux côtés de Marine Le Pen, mais physiquement, j’étais sur le terrain, fidèle à ce combat que je mène de longue date. Et sur ce sujet, je n’ai pas varié d’un iota.
Dans votre circonscription du Gard, ou dans l’Hérault voisin, quelles sont les villes concernées par les ZFE ?
Nîmes et Montpellier ! Mais, les Français doivent comprendre que toutes les métropoles de plus de 150 000 habitants sont concernées depuis la loi « Climat et résilience » de 2021. Les ZFE sont entrées en vigueur au 1er janvier 2025, en catimini. Les verbalisations, elles, débuteront en 2026. Le jour où les radars LAPI (lecture automatique des plaques) seront activés – probablement après les municipales, pour des raisons politiques évidentes – ce sont 13 millions de Français qui risqueront une amende de 68 euros. Pour avoir simplement circulé librement. C’est une folie sociale !
Mais les ZFE ont été mises en place pour des raisons de santé publique. Pas uniquement pour embêter la France périphérique ! Selon Santé publique France, les particules fines seraient même responsables de 40 000 décès prématurés chaque année. N’y voyez-vous aucun bénéfice ?
Non, je suis catégorique : les ZFE n’ont aucun effet positif. On agite ces 40 000 morts, mais c’est une présentation abusive. Ce chiffre correspond à une perte d’espérance de vie, en moyenne dix mois. Ce n’est pas la même chose.
A relire, notre grand dossier: Causeur: Arrêtez d’emmerder les automobilistes!
Je ne nie pas les problèmes de santé publique – asthme, maladies respiratoires ou cardiaques – mais il faut raison garder. Améliorer la qualité de l’air est un objectif louable, certes. Mais nous ne respirons plus l’air des temps de la Révolution industrielle ! Depuis vingt ans, la pollution a baissé : -40 % pour les particules fines, -25 % pour les oxydes d’azote.
Et cela, grâce au renouvellement naturel du parc automobile. On nous a poussé au diesel, aujourd’hui on nous le diabolise ! Les moteurs sont désormais bien plus propres, notamment grâce aux filtres à particules. Bref, la qualité de l’air s’améliore déjà, sans les ZFE.
Pourquoi avoir fait de ce sujet un de vos combats phares, en lançant notamment la vignette « Crit’air libre1 » ?
Parce que j’aime ma vieille bagnole. Et surtout parce que la crise des gilets jaunes a été un tournant pour moi. En 2019, j’étais simple militant. Et j’ai vu à quel point la fracture entre les élites et le peuple pouvait exploser. Les ZFE, c’est exactement la même mécanique : une politique décidée d’en haut, sans tenir compte du réel. Aujourd’hui, je suis député. Et ma responsabilité, c’est d’alerter avant qu’on ne revive un scénario à la gilets jaunes. Il faut prendre le pouls du pays avant qu’il ne soit trop tard.
Craignez-vous que les ZFE deviennent un nouveau catalyseur de colère sociale, comme les 80 km/h sous Édouard Philippe ?
Très clairement. Imaginez : des milliers de conducteurs qui vont recevoir une amende de 68 euros simplement pour aller travailler, se soigner, faire leurs courses ou accéder à des services publics désormais concentrés en ville. C’est une bombe sociale à désamorcer. Le bon sens impose de tout reprendre à zéro. On peut travailler sur la qualité de l’air, mais pas en punissant les plus modestes.
Vous parlez de « ségrégation sociale » voire de « séparatisme » au sujet des ZFE. N’est-ce pas exagéré ?
Je parle de séparatisme, oui. Celui qui consiste à dire que les pauvres polluent les riches. Les centres-villes sont devenus inaccessibles aux classes populaires, reléguées en périphérie ou en zone rurale. Et pendant qu’on les poussait hors des villes, tous les services essentiels – soins, éducation, administrations – s’y concentraient. Aujourd’hui, on leur dit : « Tu ne peux même plus venir en ville, tu nous pollues ». Où sont la liberté, l’égalité, la fraternité ? La liberté de circuler est entravée. L’égalité d’accès aux services n’existe plus. Et la fraternité ? Quand un riche peut dire à un pauvre « reste chez toi », c’est qu’on a un vrai problème de société.
Le gouvernement envisagerait de limiter les ZFE à Paris et Lyon. Une victoire pour vous ?
Pas du tout. Ce que je refuse pour les villes moyennes, je le refuse aussi pour Paris et Lyon. Ce serait injuste et contraire à mes principes.
Et en réalité, on ne les limite pas : on les rend obligatoires à Paris et Lyon, tout en laissant la possibilité aux autres métropoles d’en instaurer. Ce n’est donc pas une reculade, c’est une ruse. Et on connaît déjà les élus qui vont s’y engouffrer : tous ces écolos anti-voiture vont poursuivre leur croisade contre les automobilistes.
Comment avez-vous réussi à faire inscrire ce sujet à l’ordre du jour de l’Assemblée cette semaine ?
Trois mois après mon élection en 2022, ma collègue Anne-Sophie Frigout dépose une proposition de loi pour supprimer les ZFE. Je la reprends en janvier 2023 lors d’une niche parlementaire du RN. En janvier 2025, les ZFE « Climat et résilience » sont élargies à 32 métropoles. Je redépose alors une proposition plus argumentée. Entretemps, d’autres groupes déposent aussi des textes : Sylvain Carrière (LFI) demande un moratoire si les transports publics sont insuffisants, LR propose un moratoire de cinq ans. Finalement, Ian Boucard (LR) intègre dans le projet de loi de simplification un amendement copié-collé de mon texte. Grâce à une abstention de la gauche radicale et à des soutiens centristes, la proposition est adoptée : 26 voix contre neuf. Son examen débute ce mercredi 9 avril. Je suis confiant…
Nous sommes ravis d’entendre que vous espérez obtenir gain de cause, mais que propose le RN pour lutter contre la pollution ?
D’abord, rappelons que les transports routiers ne représentent que 16 % des émissions de particules fines. Je propose une généralisation du décalaminage à l’hydrogène : un nettoyage du moteur qui réduit les émissions et la consommation. C’est peu coûteux (60 €) et efficace. Mais personne n’est vraiment au courant. Ensuite, développons les transports en commun, pour désenclaver nos territoires. Et installons pourquoi pas des parkings relais à l’entrée des villes. On ne peut pas sanctionner avant d’avoir offert des alternatives.
A lire aussi: Marcel Gauchet : « L’Europe est l’idiot du village global »
Et concernant l’interdiction des moteurs thermiques en 2035 ?
Est-ce qu’une voiture électrique, souvent fabriquée à l’autre bout du monde, est vraiment plus écologique que ma vieille Clio ? J’en doute. Entre les terres rares chinoises, le cobalt congolais, et le transport maritime, l’impact carbone est énorme.
En plus, les particules fines proviennent surtout de l’usure des pneus, des freins, des suspensions – pas de l’échappement. Or, le système Crit’Air ne prend en compte que l’âge et la motorisation. Une Tesla ou une voiture électrique chinoise, très lourdes, usent davantage la chaussée et ses pneus émettent plus de particules. Tout cela est absurde. Classer les véhicules uniquement selon leur âge, c’est de la paresse intellectuelle. Un raisonnement démontable en cinq minutes par un gamin de cinq ans.
Mais la France ne risque-t-elle pas des sanctions de l’Union européenne?
Les directives européennes de 2008 et 2024 imposent d’améliorer la qualité de l’air, pas de créer des ZFE. Et comme l’air s’améliore déjà, nous pourrions respecter nos objectifs. Juridiquement, le Conseil constitutionnel ne pourrait pas s’y opposer. Si la Commission européenne réagit, on avisera. Mais qu’on arrête de faire peur avec les condamnations pour « inaction climatique » : c’est toujours le contribuable qui paie, alors qu’il préférerait utiliser cet argent pour se soigner ou vivre dignement.
Êtes-vous optimiste pour le vote ?
Pour la première fois, une norme environnementale pourrait être abrogée. Cela ouvre une brèche, et j’y vois un immense espoir. On dit souvent qu’avec les normes écologiques, on ne peut jamais revenir en arrière. Cette fois, peut-être que si. Et ça, je vous l’assure, ça en effraie plus d’un dans la haute administration.