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Coups de soleil

Le roman de Jean-Paul Brighelli est un vrai roman de cape et d’épée avec duels, bassesses de cour et belles âmes. Mais notre ami va plus loin en offrant une vision impitoyable de la France de Louis XIV.


Le climat est rude, les mœurs tout autant. Et plus encore l’intolérance religieuse depuis que Louis XIV a cru bon, dans l’intérêt supposé de son âme et de son royaume, de révoquer l’édit de Nantes qui, quatre-vingts ans plus tôt, a accordé aux protestants la liberté de culte et quelques places de sûreté. La chasse aux huguenots, aux parpaillots est donc ouverte. C’est le temps des dragonnades. Bains de sang, tortures, viols sont au programme de cette rédemption forcée. Dans l’âpre contrée des Cévennes, l’incertain marquis de Souvré y excelle tout particulièrement. Bâtard frustré, il pense que la barbarie sanctifiée à laquelle il se livre avec froideur lui vaudra les lettres de noblesse qui lui font défaut. Le pire est que, en effet, ce sera le cas ! Face à lui et à ce déferlement de massacres se trouvent deux hommes de bien, Pierre d’Aumelas, aristocrate désargenté, et son frère de lait, Balthazar Herrero, alias Balthus, médecin éclairé – magnifique fraternité qui, en l’occurrence, vaut bien celle du sang. Ils se rendent à Versailles pour plaider la cause des populations martyres auprès du roi.

À lire aussi : Louis XVIII et les femmes

Dire cela du livre de Jean-Paul Brighelli, c’est à peu près n’en rien dire. Car, chose assez rare par les temps littéraires qui sont les nôtres, Soleil noir est un vrai roman. Un roman qui raconte une histoire, une histoire charpentée, avec un début, un milieu, une fin, menée qui plus est avec un art consommé. Celui qu’exige la grande et belle tradition du roman français de cape et d’épée. On se pèle de froid à certaines pages, on s’échauffe autant lors de duels que dans des alcôves, on se révolte devant le crime béni des hordes fanatiques, on frise la nausée devant la bassesse des manœuvres de cour de Souvré. « La France du Grand Règne, la France classique de Racine et de Madame de Sévigné, écrit l’auteur, était un pays où il ne faisait pas bon vivre, un pays d’une dureté extrême. » Deux fléaux se disputent ce monde-là : la misère et la faim pour le plus grand nombre, la goutte et la mangeaille ad nauseam pour les autres. Ainsi ce prélat fort gras dispensé de faire carême, mais bloqué à Lodève. « Jeûner à Lodève, c’eût été jeûner deux fois », ironise Brighelli, bretteur de mots comme son héros l’est d’épée. Sa plume nous fait aussi voyager, d’un harem d’Alger aux murs parfumés de jasmin, de rose et de vanille, à la Bastille, où, entre ses murs d’un remugle moins plaisant, Pierre d’Aumelas a le désagrément de séjourner un temps.

Enfin, le rendez-vous qui attend les deux amis à Versailles s’avère d’une royale importance, d’une royale urgence : la célébrissime fistule qui menace la vie du Grand Roi. Ce duel-là sera gagné par Balthus, rompu aux médecines d’ici et du Levant, et préparé à la délicate opération par quelques répétitions sur des prisonniers du Châtelet. Son ami Pierre d’Aumelas aura lui aussi son duel, au jeu et en amour ; car l’amour a bien sûr son mot à dire dans cette foisonnante aventure.

Jean-Paul Brighelli, Soleil noir, L’Archipel, 2024.

Soleil noir

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Jean Cau, résistant

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Dans Croquis de Mémoire, Jean Cau offrait avec un style incomparable les portraits de Sartre, Mitterrand, de Gaulle, VGE, Gaston Gallimard et beaucoup d’autres…


En ces temps fuligineux, le maquis s’impose. Ici, il s’agit d’un vrai maquis, celui qui résista, les armes à la main, au nazisme qui avait alors les dents du loup enragé. On peut entendre, dans le crépuscule où flottent les parfums d’été, le cliquetis des fusils qu’on nettoie en attendant la bataille. Les chênes qui abritaient les jeunes maquisards n’ont pas grandi puisque ce sont des chênes nains.

Un livre sous les yeux : Croquis de mémoire, de Jean Cau, dans la précieuse collection « la petite vermillon » des Éditions de la Table Ronde. Jean Cau (1925-1993), comme beaucoup d’autres écrivains, est tombé dans l’oubli. Mais il vient d’avoir droit à sa biographie[1], ce qui redonne un peu de verdeur à son œuvre. Jean Cau fut longtemps le secrétaire de Jean-Paul Sartre. Il est à gauche dans le Saint-Germain-des-Prés très à gauche. Ce fils de prolétaire occitan, khâgneux, a le goût des voyages. Il devient grand reporter à L’Express, puis au Figaro et à Paris-Match. Il écrit des romans et obtient le Goncourt, en 1961, pour La pitié de Dieu. Puis il franchit le Rubicon à la fin de de la guerre d’Algérie. Il épouse la cause du général de Gaulle, c’est-à-dire celle de la France. Il voit venir le dynamitage des valeurs de l’Occident, l’effondrement de la verticalité au profit de l’horizontalité faite de mensonges, de lâchetés et d’imposture. Il devient résistant quand Satan étend son ombre.

A lire aussi, Christopher Gérard: Jean Cau, l’aristo-païen

Croquis de mémoire, donc, pour retrouver le style caustique de Jean Cau. On y croise quelques figures qui comptèrent au siècle dernier. À commencer par François Mitterrand, le Machiavel de Jarnac, éternel adversaire du général de Gaulle. « Je verrai son crâne se déplumer, note Cau, son teint blanc tourné à l’ivoire, sa taille s’épaissir, sa démarche se faire plus lente et lourde et son menton se tendre, comme pour effacer les plis du cou et respirer, au-dessus des ambitions, l’air rare du pouvoir. » Rien de commun avec Pompidou, l’homme qui transforma les rêves de grandeur en désir de posséder un réfrigérateur et une télévision. Pompidou, « génial ébéniste de soi-même », écrit encore Jean Cau. VGE ne trouve pas grâce à ses yeux, cela va sans dire. Il y avait de Gaulle. C’est tout. Cau : « Cet animal ne ressemblait à aucun autre exemplaire de sa race et tout de lui, tête, corps, allure, voix, gestes, était singulier. L’homme rit, on le sait. Or, de Gaulle, l’imaginez-vous riant ? Et, allons plus loin dans l’inimaginable, riant aux éclats ? »

De la fenêtre de son bureau, Gaston Gallimard, quatre-vingt-douze ans, regarde l’automne tomber sur le jardin. Jean Cau lui demande pourquoi il n’écrit pas ses mémoires. Réponse de l’éditeur : « Parce que je ne veux pas ruiner ma maison en disant tout ce que j’ai vu, tout ce que je sais. » Puis il « massacre » quelques-uns des écrivains qui ont rempli les coffres de la « banque centrale ». Drieu la Rochelle, qui restera au guichet durant la Collaboration, conserve l’affection du vieil homme. « Il n’a écrit aucun livre qui soit achevé mais il était généreux. Il aimait. » À propos de la gauche, Jean Cau lâche ses coups. Exemple : « Nous assistâmes, en ces temps (guerre d’Algérie et du Viet-nam, premières années du règne de De Gaulle) à la fabrication à la chaîne, sur un modèle-type qui pourrait être, en sa perfection, le journaliste Jean Daniel, du ‘’crucifié de Gauche’’ ». Quant à Sartre, il lui apprit « à résister, casqué de je ne sais quel acier, aux coups les plus durs de son influence. En somme, à jeter les roses par la fenêtre. »

Ces portraits, lus sous le noisetier planté par André, mon grand-père, sont rafraîchissants comme une menthe à l’eau. Cau mourut le 18 juin 1993. Le destin aime les signes forts.

Jean Cau, Croquis de mémoire, collection « la petite vermillon », La Table ronde.

Croquis de mémoire

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[1] Ludovic Marino et Louis Michaud, Jean Cau l’indocile, Gallimard.

Quel « VP » pour Donald Trump?

Alors que Joe Biden accumule les lapsus, nous passons ici en revue six candidats qui pourraient être désignés comme co-listiers, la semaine prochaine, par Donald Trump. La décision est importante, car Trump est désormais favori, et ne pourra pas se présenter une troisième fois…


Tandis que l’Amérique observe le président Biden tenter désespérément de s’accrocher au pouvoir en maintenant sa candidature à un second mandat, alors qu’il n’a même plus les facultés nécessaires à gouverner aujourd’hui, Donald Trump se prépare à désigner son vice-président. A l’entendre, son  choix est fait. Il attend la convention nationale républicaine, qui s’ouvre ce lundi 15 juillet à Milwaukee dans le Wisconsin, pour l’annoncer. Typiquement la désignation d’un vice-président est la première décision majeure d’un futur président. Elle est  minutieusement scrutée par les médias.

Plus d’une douzaine de personnalités ont été évoquées. Parmi celles-ci : Ron De Santis, gouverneur de Floride, Marco Rubio, sénateur républicain de Floride, Gregg Abbot, gouverneur du Texas, Ben Carson, ancien candidat présidentiel républicain, Sarah Hucakbee Sanders, gouverneur de l’Arkansas, Kristie Noem, gouverneur du Dakota du Sud et d’autres. La fonction revêt un intérêt tout particulier cette année. Car Donald Trump postule à un second mandat et, s’il est élu, il ne pourra pas se présenter à nouveau. Son colistier sera  inévitablement en position de force pour la nomination républicaine de 2028.

Traditionnellement deux principes guident le choix d’un « VP ». Un, si l’élection s’annonce serrée, ce colistier doit l’aider à gagner. Lui apporter un Etat, comme Lyndon Johnson apporta le Texas à John Kennedy en 1960 ou bien le conforter auprès d’un groupe d’électeurs, comme Mike Pence garantit les Américains Evangéliques à Donald Trump en 2016, ou comme George Bush père rallia l’establishment républicain à l’outsider Ronald Reagan en 1980, ou encore comme Kamala Harris devait conforter la position de Joe Biden auprès des femmes et des Noirs en 2020…. Deux, si l’élection s’annonce gagnée d’avance, le vice-président est choisi en fonction de sa capacité à aider le président à gouverner. C’est-à-dire l’aider sur certains sujets sans lui faire de l’ombre. Barack Obama largement favori pour l’emporter en 2008 choisit Joe Biden parce qu’il représentait l’ancienne garde démocrate et pour son expérience en politique étrangère, permettant au président de se délester de cette question au profit des réformes intérieures envisagées, dont celle de l’assurance santé.

L’élection de 2024 s’annonçait très serrée. Les difficultés cognitives aggravées de Joe Biden, son bilan économique médiocre, et l’échec de la stratégie démocrate de disqualification de Trump par les tribunaux, ont bouleversé la campagne et les pronostics. Donald Trump se dirige vers un triomphe annoncé. Sans aller trop vite en besogne, cela signifie qu’il a plus de latitude quant au choix de son ou sa partenaire. Lui-même insiste, en ligne avec son caractère, et sa volonté d’accaparer toute la lumière, qu’il n’a besoin de personne pour l’emporter. Il n’empêche. Certaines personnalités présentent des atouts que lui et les Républicains doivent nécessairement prendre en compte.

Nikki Haley, Elise Stefanik et Tulsi Gabbard

Voici six candidats qui feraient un excellent numéro deux sur le ticket républicain. Ce n’est pas un pronostic. Plutôt une revue des qualités nécessaires à la fonction et de ce que ce choix nous apprendrait des ambitions de Donald Trump pour son second et dernier mandat.
Equité oblige, il s’agit de trois femmes – Nikki Haley, Elise Stefanik, Tulsi Gabbard – et trois hommes – Tim Scott,  J.D. Vance et Doug Burgum.

Nikki Haley a 52 ans, elle fut gouverneur de la Caroline du Sud et ambassadrice à l’ONU de Donald Trump durant son premier mandat. Elle fut aussi sa plus tenace adversaire durant les récentes primaires du parti Républicain, réunissant près de 20% des votants derrière son nom.

Nikki Haley

Le premier atout de Nikki Haley est donc sa capacité à permettre à Donald Trump de faire le plein des voix de son propre camp. Actuellement il existe toujours, même chez les Républicains,  des anti-Trump irréductibles (on les appelle en anglais les « never-trumpers »). Ce sont des Américains qui ont juré de ne jamais voter pour lui mais qui pourraient changer d’avis si Nikki Haley était sa colistière. Son second atout est son expérience. Trump a souligné qu’il souhaitait une personne capable de gouverner. Haley a l’expérience pour le faire. Son troisième aout est d’être une femme. Le droit à l’avortement sera un thème dominant de la campagne présidentielle. Les Républicains sont sur la défensive sur cette question du fait de l’annulation par la Cour Suprême en 2022, de la décision de 1973 qui en avait légalisé la pratique, avec pour conséquence de renvoyer la question aux autorités de chaque Etat. Même si elle était juridiquement justifiée – quoiqu’en disent les progressistes, il n’existe pas de droit à l’avortement inscrit ou même évoqué dans la Constitution des Etats-Unis – cette décision a été mise en avant par les médias et les Démocrates comme un assaut des Républicains contre les femmes, leur liberté, et leur droit « à disposer de leur corps ». Parce que cette question touche d’abord les femmes, en être une, est un atout pour débattre et contrer les Démocrates qui vont en faire un argument électoral central. Par contre Nikki Haley ne voit pas le monde, ni le rôle de l’Amérique dans le monde comme Donald Trump. Lui défend une Amérique forte mais qui reste en dehors des conflits internationaux. Au contraire Haley souhaite une Amérique pro-active et engagée dans la défense voire la propagation de la démocratie dans le monde. Elle a été soutenue durant sa campagne par le camp néo-conservateur, l’aile droite interventionniste du parti républicain. Autre point négatif, Nikki Haley et Donald Trump ne s’apprécient guère. Leur relation n’a jamais été bonne et s’est envenimée depuis les incidents du 6 janvier 2021. Nikki Haley a eu des mots très durs contre Trump durant les primaires soulignant que les Américains ne voteront pas pour un « criminel condamné ». Elle a annoncé depuis son retrait de la campagne qu’elle voterait personnellement pour lui en novembre, sans aller jusqu’à encourager ses partisans à faire de même.

Enfin, Trump a laissé entendre qu’elle n’est pas en considération pour le poste, parce qu’elle n’a pas la qualité incontournable qu’il attend d’un vice-président, une loyauté sans faille.

Elise Stefanik, au contraire, est régulièrement citée dans les médias comme la personnification de cette loyauté indéfectible. Mme Stefanik représente le 21e district de l’Etat de New York au Congrès. Elle a été élue en 2014, alors qu’elle avait tout juste trente ans, devenant la plus jeune femme jamais élue au Congrès. C’est une républicaine conservatrice qui a toujours soutenu et défendu Donald Trump. Durant sa présidence et après le scrutin de 2020 dont elle a contesté les résultats même après les événements du 6 janvier.

Elise Stefanik

Elle vient d’avoir 40 ans et arbore une personnalité bien trempée et pleine d’énergie. Elle est à la fois diplômée de Harvard et selon ses propres termes une « fière MAGA », c’est-à-dire une partisane du mouvement populiste lancé par Donald Trump « Make America Great Again ». C’est aussi une mère de famille, dont les préoccupations quotidiennes recoupent celles de millions d’Américaines qu’elle serait peut-être en mesure d’attirer dans le camp Trump. En revanche, à l’inverse de Trump,  elle n’a connu aucune carrière mis à part la politique. Tout juste diplômée elle a été recrutée par l’administration Bush fils et n’a jamais vraiment quitté Washington depuis… Son autre point faible est inévitablement son manque d’expérience. Cinq mandats au Congrès ne lui ont pas permis d’imprimer sa marque et elle est totalement inexpérimentée en relations internationales.

L’expérience internationale est au contraire le point fort d’une troisième femme susceptible de rejoindre le ticket Trump, Tulsi Gabbard.

Tulsi Gabbard

Ses chances d’être sollicitée sont faibles. Les médias ont cessé de s’intéresser à elle. Elle n’en conserve pas moins des atouts importants et sa désignation serait un message très fort sur la nature d’un second mandat Trump. Tulsi Gabbard a servi au Congrès comme représentante d’Hawaï de 2013 à 2021. Elle a 45 ans et possède le grade de lieutenant-colonel dans l’armée des Etats-Unis. Elle est réserviste et a été déployée en Irak et au Koweït en 2004 et 2008. Entrée en politique sous l’étiquette démocrate, elle a été candidate à la nomination présidentielle de 2020. Contre Joe Biden et contre Kamala Harris. Très critique de l’interventionnisme américain, et du dédain de son parti pour l’Amérique rurale, elle a fini par quitter le parti Démocrate en octobre 2022. « Je ne me reconnais plus dans ce parti tombé sous l’emprise d’une cabale élitiste de va-t’en guerre acquis à une lâche idéologie « woke » qui divise les Américains en racialisant toutes les questions et en agitant sans cesse le racisme antiblanc » déclarait-elle alors. Depuis cette démission spectaculaire, Tulsi Gabbard s’est rapprochée des milieux conservateurs. Elle a souvent été interviewée par le chroniqueur Tucker Carlson et elle est apparue à deux reprises, y compris en 2024, à la conférence du CPAC, le « Conservative Political Action Committee », première réunion annuelle du mouvement conservateur aux Etats-Unis.

Le premier atout de Tulsi Gabbard est bien évidemment sa capacité à étendre la portée du parti républicain en attirant des électeurs indépendants, voire des démocrates déçus comme elle de l’évolution du parti. Son second atout est sa position non-interventionniste en relations internationales qui colle parfaitement avec celle de Donald Trump. De par son expérience militaire, elle a vécu les conséquences de l’aventurisme américain des années 2000 et pu en mesurer les conséquences tragiques pour les Américains et pour le monde. Son troisième atout est sa dénonciation de la corruption régnant à Washington et de l’emprise de « l’Etat profond » sur la vie politique de la nation. Là encore, ses positions épousent parfaitement celle de Donald Trump. Idem sur la question de l’avortement. Avant même la décision Dobbs de juin 2022, elle avait critiqué la volonté des radicaux de retirer toute restriction possible à cette pratique, notamment en lien avec l’avancée de la grossesse.

Contre elle, bien évidemment, le fait qu’elle n’appartient pas au parti Républicain et que ses allégeances passées pourraient surprendre certains au sein du mouvement conservateur, particulièrement parmi les Evangéliques. Donald Trump lui-même n’a pas toujours été un Républicain, il est d’ailleurs critiqué pour cela par les conservateurs de la première heure (« paléo-conservateurs ») qui ne verraient pas d’un bon œil une autre « convertie » placée si près de la Maison Blanche. Si elle n’est pas prise en considération pour le poste de VP, il est possible que Tulsi Gabbard soit sollicitée pour une fonction au sein d’une future administration Trump. Elle ferait une excellente ambassadrice à l’ONU.

Tim Scott, J.D. Vance, Doug Burgum

Tim Scott fait également partie de ceux à qui l’on promet une fonction au sein d’un futur cabinet Trump.

Tim Scott

Tim Scott est sénateur de Caroline du Sud. C’est un Noir, tout récemment fiancée à une femme blanche. Il a 59 ans et en paraît dix de moins. Il arbore invariablement un large sourire et chacun dit de lui qu’il est la gentillesse personnifiée. « Trop bon pour réussir en politique », disent-ils. Et pourtant il s’est fait une place de choix à Washington. Elu à la Chambre en 2012, il est entré au Sénat en 2014 avant d’être formellement élu en 2016 et réélu en 2022. Tim Scott est une « success story » à l’américaine. Elevé par une mère seule (elle a quitté un mari abusif) et par ses grands-parents, il a fait des études grâce à une bourse de sports avant de monter sa société d’assurance. Scott affirme que sa vie a été changée par sa foi chrétienne. C’était après un grave accident de voiture qui l’obligea à abandonner ses ambitions sportives. « Le premier amendement a été rédigé pour protéger l’église de l’Etat, pas l’Etat de l’église » aime-t-il dire. Et d’ajouter : « Les dix commandements sont universels. » Il a aussi été en 2024 brièvement candidat à la nomination républicaine, participant à plusieurs débats avant de se retirer pour soutenir Donald Trump.

Sa désignation comme vice-président serait un plus indéniable quant au vote Noir, traditionnellement très favorable aux Démocrates, mais auprès duquel les Républicains ne cessent de progresser. Elle rassurerait aussi les milieux évangéliques, déçus par la rupture avec Mike Pence, même si ce vote est déjà très largement acquis à Trump. En revanche, Tim Scott n’a aucune expérience internationale et sa loyauté vis-à-vis de Trump n’a pas encore été mise à l’épreuve… Comme Mike Pence c’est une personne de principe, mue par un sens inné de la justice, qui n’acceptera pas forcément de couvrir le président quoi qu’il arrive.

J.D. Vance est également un personnage politique indépendant et hors norme, dont la loyauté va d’abord à la cause conservatrice, pas à l’homme Donald Trump. Vance est une star montante au sein du parti républicain. Qu’il soit ou non le colistier de Donald Trump, son avenir est tracé et il jouera les premiers rôles dans les années à venir, comme héritier naturel du trumpisme. Et pourtant, tout n’avait pas bien commencé entre eux…

James David Vance

Vance, qui n’a pas encore 40 ans, est le jeune sénateur de l’Ohio, un Etat du Midwest essentiel à toute quête présidentielle aux Etats-Unis. Remporté par Bush en 2000 et 2004, puis par Obama en 2008 et 2012, puis par Trump en 2016 et 2020, c’était la définition même d’un « swing state ». Aujourd’hui l’Ohio est fermement dans le camp républicain. Vance est né à Middletown, une bourgade des montagnes Appalaches, dans l’Ohio. Il a raconté sa jeunesse dans un livre devenu un best-seller aux Etats-Unis « Hillbilly Elegy », une ode à cette Amérique blanche, provinciale et pauvre à laquelle les élites démocrates ont tourné le dos et qui explique la montée et le succès d’un Donald Trump. Vance s’en est sorti. Il est diplômé en droit de Yale, passé par les Marines, déployé en Irak, puis entré en affaires à la tête de sa propre compagnie d’investissement. Son livre lui vaut aussi une reconnaissance nationale.

Toutefois Vance n’a pas toujours vu Trump d’un bon œil. Comme de nombreux conservateurs il a jugé le magnat de l’immobilier peu fiable et peu recommandable. « Il n’est pas digne d’occuper la plus haute fonction » avait-t-il écrit en 2016, confiant en privé à un de ses anciens camarades d’école que Trump  pourrait même être un « Hitler Américain ». Vance n’a d’ailleurs pas voté pour Trump en 2016. Il ne pensait pas qu’il ferait un bon président. Mais comme beaucoup, il n’a pu s’empêcher de constater le contraire. A la Maison Blanche de 2017 à 2021, Donald Trump a mené une politique efficace et prospère pour quiconque croit aux principes du républicanisme et veut rétablir le lien cassé entre les élites de Washington et le pays profond. S’il était choisi comme vice-président Vance serait inévitablement interrogé sur ses déclarations passées et elles seraient inévitablement exploitées et manipulées par le camp adverse. C’est la faiblesse de sa candidature. Il porte également une barbe. C’est sa deuxième faiblesse, car Trump n’a jamais caché qu’il n’aime pas cette mode… Ce qui est sûr, Vance sera une tête d’affiche du parti Républicain, dans les années à venir.

Doug Burgum

Doug Burgum ne peut pas en dire autant. Parce qu’il n’est pas de cette génération. C’est un sexagénaire qui sera septuagénaire en 2028 et qui représente une génération finissante. C’est une simple question d’âge. Burgum a 68 ans et occupe le siège de gouverneur du Dakota du Nord depuis 2016. Il possède un MBA (Master of Business Administration) de la prestigieuse université de Stanford et a gagné une petite fortune dans les affaires notamment au sein de l’entreprise Microsoft. C’est un conservateur avec une mentalité ancrée dans son Midwest natal.

En tant que gouverneur il s’est fixé le double objectif de faire du Dakota du Nord un Etat « neutre en carbone », sans abandonner les fuels fossiles abondants dans le sous-sol. Cette approche a provoqué un boom sans précédent d’investissements énergétiques dans son Etat. Sa désignation comme vice-président serait une indication forte de la volonté exprimée par Trump et confirmée par le programme du parti Républicain de refaire des Etats-Unis un pays indépendant en énergie – c’est-à-dire dont la production dépasse la consommation. Doug Burgum est très respecté au sein de « l’establishment » républicain, mais peu connu du grand public, même aux Etats-Unis. Etonnement, cela peut le servir. Burgum est, de tous les candidats VP, celui qui ferait le moins d’ombre à Donald Trump. Les deux hommes se connaissent et s’apprécient. Leur expérience commune d’hommes d’affaires fait qu’ils se comprennent. Par contre son apport au ticket serait limité. Le Dakota du Nord ne compte que sept cent mille habitants et il est déjà acquis aux Républicains. Burgum n’apporte pas de groupe d’électeurs particuliers. Au contraire, ses positions très restrictives sur l’avortement en feraient une cible des Démocrates durant la campagne. Si Burgum n’est pas désigné VP, il pourrait devenir secrétaire à l’énergie dans une administration Trump 2…

Le vice-président de Trump est peut-être parmi ces six personnages, ou parmi les six autres citées en tête. Ou peut-être ailleurs. Une chose est sûre. Ce sera le choix de Donald Trump, pas celui du parti.

Message aux Français qui ont peur et qui pourraient faire une bêtise

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Les « antifas » et les manifestants de gauche violents étaient de sortie, le soir du premier tour des législatives. Le front républicain anti-RN, la polémique sur la binationalité et la 3e place dans les urnes du Rassemblement national ont ensuite calmé les esprits au second tour. Mais, si Emmanuel Macron tarde encore longtemps à nommer un homme de gauche à Matignon, il n’est pas exclu que la violence regagne les rues.


Ainsi donc, la catastrophe nous sera épargnée. Je ne veux pas parler de la victoire du RN aux législatives, mais des nuits d’émeutes qu’un tel événement n’aurait pas manqué de provoquer, comme le laissaient augurer les résultats du premier tour. Mais qui sont ces gens qui sont prêts à tout détruire à l’idée que ce parti se hisse à Matignon, et que la conjuration de cette perspective rend à peine moins violents ? Qui sont ces gens qui passent en quelques jours du désespoir de juin 40 à la liesse d’août 44 ? Et qui pourraient fort bien faire le chemin inverse si jamais le président trouvait une coalition pour barrer la route à leur propre champion ?

Crédulité, angoisse, agression

Faut-il avoir vécu dans un univers parallèle, notamment depuis le 7 octobre dernier, pour croire à la menace du retour des « heures sombres » de ce côté-ci de l’échiquier politique ? La tentation est grande, de se moquer de ces foules politiquement crédules, psychologiquement instables, socialement agressives, tout ce qu’on voudra. Mais les moqueurs doivent comprendre que ces trois dispositions d’esprit sont peut-être liées, et dans cet ordre : crédulité – angoisse – agression. Qu’attendre de gens à qui des générations d’enseignants, de journalistes, de célébrités et de politiciens ont expliqué que le fascisme était à nos portes, et que cette perspective rend sincèrement, physiquement, malades ? Quand un acteur en vogue menace de « quitter la France si Le Pen arrive au pouvoir », on peut être sûr qu’il s’agit d’une posture, d’un « acte de résistance » facile qui le fera se sentir un « type bien » à peu de frais. Mais quand un métis des îles du Pacifique ou une binationale franco-italienne que vous connaissez personnellement vous disent craindre pour leur avenir et leur sécurité à l’annonce de la possible arrivée au pouvoir du RN, vous devez les prendre au sérieux. Ils n’ont pas besoin de moqueries ; ils ont besoin de vérité – et d’un peu de charité.

Pour comprendre comment on en est arrivé là, méditons une leçon, donnée bien malgré lui par le journaliste Laurent Joffrin le 3 avril 2016.

Ce jour-là, le directeur de la rédaction de Libération publiait un éditorial lucide dans lequel il dénonçait le « piège grossier » des procès en « islamophobie ». Joffrin se plaignait que son journal « qui a toujours soutenu la cause antiraciste, [soit] traité de raciste par un exalté du Net, ancien porte-parole du CCIF[1] », pour avoir critiqué le communautarisme islamiste au nom des « valeurs universalistes ». Qu’un homme qui avait fait son fond de commerce de ce genre d’accusations se retrouve accusé à son tour ne manquait pas d’ironie. On se souviendra de son portrait peu flatteur des Sarkozy, Finkielkraut, Tillinac et autre Bruckner en « prêcheurs de haine » motivés par une « hostilité primitive envers l’islam » ; de celui de Jean Raspail en « plume décatie et fascistoïde » ; ou d’Eric Zemmour en « héraut mal camouflé des idées frontistes[2] ».

Mais Laurence Rossignol, Elisabeth Badinter et Joffrin en personne tombant sous le coup des mêmes incriminations ? « Halte-là ! répliquait en substance l’intéressé. Ce sont les autres, les réacs et les islamophobes. Pas nous ! » On pourrait se réjouir de ce retour de boomerang bien mérité. A force d’attiser les peurs, il n’était que temps que l’arroseur fût arrosé. Pensez-vous que ce coup de semonce ait fait réfléchir le parangon de la gauche demi-molle ? Pas le moins du monde. Sitôt son démenti martelé, il reprenait de plus belle ses paresseuses antiennes[3]. Aucune introspection, aucune remise en cause, aucun remords.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Touche pas à mon vote

Pourtant, je suis tout prêt à croire qu’il y a un monde entre ce que Joffrin dit et ce que ses ennemis disent qu’il dit ; en somme : que Joffrin n’est pas Marine Le Pen ; qu’Elisabeth Badinter n’est pas Marine Le Pen, que Laurence Rossignol n’est pas Marine Le Pen, etc. Mais alors, une question vient immédiatement à l’esprit : en quoi les autres méritent-ils cet amalgame ? Alain Finkielkraut est-il Marine Le Pen ? Et d’ailleurs : Marine Le Pen est-elle Marine Le Pen ? On peut se le demander quand on écoute le programme du FN tel que se le représentait à l’époque Christiane Taubira : « les Noirs dans les branches des arbres, les Arabes à la mer, les homosexuels dans la Seine, les Juifs au four et ainsi de suite[4] ». Ne constatons-nous pas le même monde entre ce que Marine Le Pen dit et ce que ses ennemis disent qu’elle dit ? Si Joffrin veut nous convaincre que toute remise en cause de l’immigration de masse ne peut être que motivée par la haine essentialisante de l’étranger, et non par l’hostilité aux politiques migratoires néo-libérales qui déplacent les peuples comme des marchandises, pourquoi devrions-nous le croire quand il nous explique que sa propre critique de l’islam n’est pas motivée par la haine essentialisante du musulman, mais par l’hostilité aux dogmes de cette religion ?

J’ignore si Joffrin et Taubira croient ce qu’ils racontent. Ce que je sais, c’est que leur manière de raisonner, appuyée par la toute-puissance des médias pour le premier, celle de la parole publique pour la seconde, mène droit à la paranoïa. Devons-nous nous étonner de voir tant de nos compatriotes souffrir de cette affection aujourd’hui ? Gardons-nous toutefois de le leur reprocher.

Un mystérieux envoûtement

Pour des raisons encore à éclaircir, beaucoup de gens font confiance aux Joffrin et aux Taubira, et écoutent ce qu’ils ont à dire. On peut le déplorer – il faut le déplorer, et il faut sérieusement réfléchir au moyen de briser cet envoûtement. En attendant, reconnaissons qu’entendre « les Noirs dans les branches des arbres, les Arabes à la mer, les homosexuels dans la Seine, les Juifs au four et ainsi de suite » n’a rien de rassurant pour quelqu’un qui prend ce discours au sérieux. Si vous-même, vous vous sentiez menacé d’un tel sort, ne seriez-vous pas prêt à faire n’importe quoi pour empêcher que cela arrive ? A frapper avant qu’on vous frappe ? A tuer avant qu’on vous tue ? Et une fois votre crime commis, comment sauriez-vous qu’en fait, vous avez tué un innocent ?

Peut-être n’êtes-vous pas inquiet pour vous-même, mais pour votre voisin métis ou binational ? Soit. Mais la sollicitude pour les autres n’est pas moins dangereuse, car elle peut tout permettre au nom d’un alibi invincible : le désintéressement. Comme nous l’a appris autrefois C.S. Lewis dans une page de sagesse éternelle, « [m]ême un bon sentiment comme la pitié, s’il n’est pas contrôlé par la charité et la justice, mène, par la colère, à la cruauté. La plupart des atrocités sont provoquées par le récit de celles commises par l’ennemi, et la pitié pour les classes opprimées, quand on l’isole de la loi morale dans son ensemble, mène, par un processus très naturel, aux brutalités implacables d’un régime de terreur[5] ».

Ne nous méprenons pas : le mal pur existe, et contre lui, chacun devrait avoir le droit de se défendre. Parfois, l’ennemi commet réellement les crimes dont on l’accuse. Il y a peut-être quelque part des gens qui n’attendent qu’une occasion d’en découdre physiquement avec des étrangers parce qu’ils sont étrangers. Et à force d’entendre que le RN est le parti des « ratonnades », ces gens pourraient bien commencer à y croire eux aussi – et en conclure que l’accession du RN au pouvoir constitue précisément l’occasion rêvée. Aussi, répétons-le : le mal pur existe. Mais le diable existe aussi, qui exploite cette vérité pour la pervertir ; qui dresse le voisin contre le voisin, le frère contre le frère ; qui les transforme en ennemis les uns pour les autres en faisant le récit de crimes imaginaires, semant dans les esprits le même doute paranoïaque que certains de nos contemporains irresponsables.

Irresponsables ? Peut-on tout mettre sur le dos du malentendu ? Pour soulever la violence homicide des foules avec quelque chance d’avoir l’air d’un bienfaiteur de l’humanité, pas de meilleur moyen que d’invoquer l’existence d’un complot ou l’imminence d’un génocide. Mais cela implique un certain profil psychologique, une certaine disposition à la malveillance.

A lire aussi, Ivan Rioufol: Ces charlatans qui ont fait de la démocratie un jeu de dupes

George Orwell connaissait très bien ce genre de profil. Une page de son roman Un peu d’air frais, publié quelques mois avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, dresse un portrait si saisissant, si pertinent pour notre temps, de « l’intellectuel antifasciste », qu’il me semble nécessaire d’en reproduire ici un large extrait. Dans un épisode de ce texte pénétrant, le protagoniste, un Anglais moyen, se laisse entraîner par son épouse à une réunion du « Club du livre de gauche » où le conférencier s’en prend aux fascistes :

« “Atrocités bestiales… hideuses explosions de sadisme… matraques… camps de concentration… inique persécution des juifs… retour à l’obscurantisme… civilisation européenne… agir pendant qu’il en est temps… indignation de tous les peuples qui se respectent… alliance des nations démocratiques… résister fermement… défense de la démocratie… démocratie… fascisme… démocratie… fascisme… démocratie…” »

Et voici les réflexions que ce galimatias inspire à Orwell au travers de son narrateur – en gardant à l’esprit que le futur auteur de 1984, qui avait alors face à lui de vrais fascistes, comprenait déjà parfaitement comment on peut en inventer de faux :

« Vous connaissez le refrain. Ces types-là peuvent vous le moudre pendant des heures, comme un gramophone. Tournez la manivelle, pressez le bouton, et ça y est. Démocratie, fascisme, démocratie. Je trouvais quand même un certain intérêt à l’observer. Un petit type assez minable (…). Qu’est-ce qu’il fait là ? Ouvertement, d’une façon délibérée, il attise la haine. Il y va de son foutu mieux pour vous faire haïr certains étrangers qu’il appelle fascistes. Drôle de chose, je me disais, être “Untel, l’antifasciste bien connu”. Drôle de truc, l’antifascisme. (…) Chaque slogan est vérité d’Évangile à ses yeux. Si vous le mettiez en morceaux pour voir ce qu’il y a à l’intérieur, vous trouveriez démocratie – fascisme – démocratie. (…)

Ce qu’il disait, c’était seulement qu’Hitler en a après nous et que nous devons nous rassembler, et avoir une bonne séance de haine. Glissons sur les détails, restons entre gens de bonne compagnie. Mais ce qu’il voyait, c’était tout à fait autre chose. C’était une image de lui-même armé d’une clé anglaise, frappant les visages des gens. Des visages fascistes, bien entendu. Je sais que c’est ce qu’il était en train de voir. (…) C’est ce qu’il a en tête, qu’il dorme ou qu’il veille, et plus il y pense, plus ça le tente. Et tout est très bien, du moment que les visages écrabouillés sont des visages fascistes[6]. »

Voilà le genre de personnage qui dressait les esprits hier, et qui les dresse aujourd’hui. Le reconnaissez-vous ? La violence est inhérente à ce mode de pensée. Pourtant, rien ne nous condamne à revivre les horreurs qu’Orwell et sa génération ont vécues. Mais pour que cela ne se reproduise plus, nous avons besoin d’une chose, une seule : que tout le monde se calme.

Un peu d'air frais

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[1] http://www.liberation.fr/france/2016/04/03/piege-grossier_1443734.

[2] https://www.liberation.fr/societe/2015/07/09/des-mosquees-dans-les-eglises-n-en-deplaise-aux-precheurs-de-haine_1345470.

[3] Voir https://www.liberation.fr/politiques/2018/09/19/salut-les-racistes_1679794 ; https://www.liberation.fr/debats/2019/05/29/la-nouvelle-star-de-la-reac-academie_1730461 ; et même : https://www.liberation.fr/france/2019/02/18/le-retour-de-la-peste_1710172.

[4] https://www.liberation.fr/france/2015/04/08/front-national-l-obsession-judiciaire_1236184.

[5] C.S. Lewis, Le Problème de la souffrance [1940], trad. Denis Ducatel, Le Mont-Pèlerin, Raphaël, 2005, p. 90. Je souligne.

[6] George Orwell, Un peu d’air frais [1939], trad. Richard Prêtre [1983], Paris, 10/18, 2000, p. 193-198.

Manu-la-grenade

Dans sa dernière lettre aux Français, le chef de l’État a contesté la victoire de la gauche aux législatives (« Personne ne l’a emporté ») avant de défendre un « large rassemblement » sans RN ni LFI.


Dans la fable Les Animaux malades de la Peste, La Fontaine raconte une maladie terrible, protéiforme, la peste « qui fait aux animaux la guerre ». Pour en venir à bout, rien de tel, politiquement, qu’un bouc émissaire : cet ennemi fictif désigné comme victime expiatoire. Manu-la-Grenade, comme dit Onfray, aurait tort de se priver —ça marche à fond la caisse— qui donne du temps au temps pour « répondre » —quel cynisme ! — « aux angoisses des Français » ainsi qu’aux forces républicaines. Oui, a dit le petit prince, machiavélique, je vous laisse le temps de « refléchir » comme disait Escartefigue dans Pagnol. « Refléchir » pour faire, d’une folie politique d’un soir, un bijou républicain. Et c’est reparti ! Plus que jamais, haro sur le baudet ! Belle continuité, soit dit en passant, que ce haro, cette vieille coutume juridico-politique qui, venue de Normandie, et désignant un ennemi fictif, dispense de désigner des coupables et de remédier au mal lui-même.

Et rebelote, après les élections ! Sus, donc, au RN en vue de 2027, ce pelé, ce galeux d’où vient tout notre mal ! Depuis A jusqu’à Z, analphabétisme, immigration, insécurité, islamisme, misère, c’est la faute au RN ! Fanatisme, homophobie, viols en veux-tu en voilà, tout ça, c’est le RN. Le dérèglement climatique ? Le RN. Sus à la bête tapie ! Un fiché S entre à l’Assemblée aux côtés d’un ancien président de la République recalé aux élections présidentielles.

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Macron est un disciple de Machiavel. Il a l’art, y a pas à dire. De ce vote historique, il a fait un vote hystérique. On sait que l’hystérie est dans nos gènes depuis les lois sociétales. Ceux qui s’opposaient aux lois étaient des hystériques. D’où l’absence de débats pour ne pas « hystériser les débats ». À mots couverts —des oreilles sont partout— entre amis, entre voisins, secret défense oblige —on évoque, avec un sourire entendu, d’un clin d’œil complice, le mal auquel on a échappé. Antiparlementaire, antiflic, antisémite, elle était bien là, tapie, la bête immonde, la mangouste du Livre de la jungle. Une députée inspirée, Manon Aubry, a dit qu’on n’avait pas le choix : « C’est Hitler ou le  (Nouveau) Front populaire ». Manon Aubry parle d’or.

Ca tiendra, le temps que ça tiendra. C’est toujours ça de pris, pense Manu-la-Grenade. Je suis le maître des horloges. Sont-ils facilement manipulables, ces Français, avec leurs idéologies et leurs disputes stériles, leur ignorance et leur sang chaud ! Et ces Républicains qui, noyés au fond de la piscine, croient ressusciter en sirènes, sous l’onction d’un nouveau maître-nageur ! Peu me chaut leurs indignations, les analyses qui n’en finissent pas ! Peut me chaut également la colère de mes proches. Je parle, on commente : j’ai du temps devant moi. Et j’ai encore, que je sache, le pouvoir de censurer, de faire et de défaire. Quia ego nominor Leo.

Alors, j’ai pensé — il faut toujours penser à nos Anciens— à la colère de Démosthène  dans les Philippiques, haranguant les Athéniens, au moment où le roi de Macédoine, Philippe, est aux portes d’Athènes. Les Athéniens —ce peuple ultra démocratique— beaux parleurs, chicaneurs et inconstants, à l’esprit civique affaibli —qui aimait se bercer d’illusions, prêtait l’oreille à une histoire sans intérêt, au lieu d’écouter l’orateur lui montrant le danger. On connaît la fin. La faute à qui ? Au RN bien sûr !

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Se mettre à table, une honte?

Se mettre à table, au propre comme au figuré.


Aurélien Rousseau, député socialiste et ancien ministre de la Santé, a vendu la mèche quand il a remercié les médias complaisants qui, durant la campagne entre les deux tours des élections législatives, ont favorisé la gauche et le Nouveau Front populaire. Voilà une personnalité qui avec une sincérité reconnaissante révèle ce qui serait demeuré ignoré de la plupart des citoyens, persuadés que dans notre démocratie tous les candidats sont traités avec équité ! Il faut reconnaître que sa gratitude ne se trompe pas de cibles puisqu’elle rend grâce au Monde, à La Croix, à Libération et à France Bleu. Ce que nous étions quelques-uns à percevoir – une partialité médiatique contre le Rassemblement national, battant en brèche les exigences d’une information honnête – prend toute son importance quand l’un des bénéficiaires de cette discrimination délibérée l’avoue avec candeur. Je ne doute pas que le fait de n’avoir jamais été mis en cause pour sa volte politique et sur le fond a rendu ses remerciements encore plus authentiques. Passant d’Emmanuel Macron au NFP, d’une réforme des retraites à sa possible suppression, il aurait pu trembler mais ces quatre médias ont été aimables avec lui ! Il s’est mis à table au figuré.

Édouard Philippe, lui, s’est vu reprocher de s’être attablé au propre au mois de décembre 2023 avec Marine Le Pen à l’initiative de Thierry Solère – dont apparemment personne n’est gêné par ses multiples mises en examen. Ce dîner aurait dû demeurer secret. L’ancien Premier ministre a été questionné comme s’il s’agissait d’une honte, d’un scandale. Marine Le Pen estimant, elle, que « c’était tout à fait normal ». Il a assumé cette rencontre en soulignant d’abord qu’il dînait avec qui il voulait et qu’ensuite, si leurs échanges avaient été cordiaux, il en avait profité pour lui faire part de ses nombreux désaccords. Il n’aurait pas davantage refusé de s’attabler avec Jean-Luc Mélenchon, exactement dans les mêmes conditions.

A lire aussi, Elisabeth Lévy: La brigade des dîners

Je conçois que l’interrogation puisse s’attacher au caractère longtemps maintenu secret de ce repas comme si les deux convives avaient eu eux-mêmes conscience de sa particularité. Je comprends bien qu’une transparence absolue est impossible et que de fait elle rendrait invivable la vie politique qui parfois impose des échanges discrets. Mais il est navrant qu’au-delà de cette évidence, une sorte de retenue continue à peser sur les relations qu’on n’ose pas avouer cordiales avec Marine Le Pen ou Jordan Bardella. Comme s’il y avait une obligation morale à détester l’une ou l’autre et que la simple discussion ou dénonciation de leur programme ne suffisait pas. Il faut pousser encore plus loin l’hostilité.

Bien sûr, au sein de son camp, tous les bons apôtres, les âmes pures ont protesté en affirmant qu’ils n’auraient jamais accepté de dîner avec Marine Le Pen, ce qui est se moquer du monde ! Cet épisode n’est pas dérisoire qui montre la manière dont un homme politique qui a de hautes ambitions pour 2027 sait ou non affronter des polémiques à la fois insignifiantes mais tellement révélatrices de notre médiocre climat républicain. Imaginons que demain on apprenne que Gérald Darmanin a dîné en secret avec Marine Le Pen : il y aurait le même type de controverse. Aussi aberrante. Sans doute réservé à la seule famille Le Pen ou Marion Maréchal ou Éric Zemmour. Comme si nous étions, avec eux, en guerre humaine et pas seulement en contradiction politique. La haine que ses ennemis reprochent au RN de diffuser, est en réalité partout dans le monde politique. On a peur de se mettre à table pour n’être pas tenté d’écouter, de comprendre ou, qui sait, d’approuver ?

Touche pas à mon vote

Face aux victoires électorales à répétition du RN, les élites parisiennes ont mis en place un « quoi qu’il en coûte » politique doublé d’un confinement des doléances françaises. Tout sauf Bardella ! À coups d’âneries antifascistes et de chantage aux heures les plus sombres, l’alliance improbable du camp du Bien (la gauche) et du Cercle de la raison (la Macronie) a-t-elle réussi ? Jusqu’à la prochaine fois.


Le peuple a parlé, comme le voulait le président. Mais vu qu’il dit des âneries, il est urgent de le faire taire. Les 9 et 30 juin, les Français ont massivement voté pour une politique de droite, c’est-à-dire d’autorité et de retour à l’ordre public. Et ils pourraient se retrouver avec un gouvernement de gauche. Au moment où vous lirez ce journal, on saura si ce prodige démocratique – la transformation du plomb populiste en or macrono-socialiste – s’est réalisé. Ce serait la première fois, sous la Ve République, qu’un parti ayant dépassé (en l’occurrence largement) 30 % à un premier tour des législatives échoue à obtenir la majorité au second. Dans ce scénario, le RN et ses alliés ciottistes seront l’opposition d’une coalition de carpes et de lapins dont le seul point d’accord, après trois semaines à s’invectiver, est de se débarrasser du trublion. Tous contre un ! Dans leur langue étrange, ils appellent ça « faire barrage à l’extrême droite ». En bon français, cela signifie « congédier le réel ».

Réalités parallèles

Quelle que soit son issue, le spectacle joué pendant trois semaines mérite qu’on y revienne. « Une tragédie française », selon Alexis Brezet. Ou une comédie de boulevard. Au premier acte, Ciotti quitte le foyer conjugal avec pertes, fracas et la clef du coffre pour vivre au grand jour son idylle avec Bardella. « Le grand méchant loup arrive pour manger les petits enfants ! » hurle le chœur. Affolés, le cercle de la Raison (la Macronie) et le camp du Bien (la gauche) se précipitent dans les bras l’un de l’autre. Il y a d’abord des baisers furtifs, des œillades appuyées, des étreintes un peu forcées. On essaye de faire taire le grand-père gaffeur, celui qui fait des blagues antisémites. À la fin, tout est pardonné. Contre Hitler, il fallait bien s’allier avec Staline (qui n’était pas franchement innocent en matière d’antisémitisme). On a donc besoin d’un Hitler dans le tableau.

Beaucoup de Français, insensibles à la drôlerie du carnaval antifasciste, ont plutôt eu le sentiment de regarder un film de science-fiction mettant aux prises deux réalités parallèles. Le 30 juin, pendant que Bardella promet d’être le Premier ministre de tous et de respecter les institutions, sur les plateaux de télévision ses adversaires sont en mode « fascisme à nos portes – aux armes citoyens ». « Pas une voix au RN », affirme la voix tremblante un Attal redevenu en un tournemain un militant socialiste. Le déconomètre s’emballe : s’ils prennent le pouvoir, ils ne le rendront pas, assène l’un. C’en sera fini de nos libertés, renchérit l’autre. « La lutte contre l’extrême droite, c’est notre ADN », répètent des gens sincères, reconnaissant implicitement que le nom Le Pen les empêche de penser – puisqu’il s’agit d’hérédité. Ce qu’ils reprochent au RN, c’est son passé, à leurs yeux bien plus encombrant que le présent de leurs amis. Et puis, ils ont l’air respectables, mais en vrai, ils n’ont pas changé. En somme, ce que ne disent pas ces fourbes du RN est beaucoup plus grave que ce que disent ouvertement certains élus de gauche. Perso, je préfère les gens qui cachent leurs mauvais sentiments à ceux qui les clament sur les toits.

Quinzaine anti-Le Pen

Sans surprise pour ceux qui ont connu les précédentes « quinzaines anti-Le Pen » (Muray en 2002), en trois semaines, tous les bataillons de grands esprits et belles âmes ont défilé en rangs serrés : intermittents du spectacle, avocats, juges, rappeurs, médecins, historiens, marchands de pianos et abonnés au gaz, sans oublier, ce qui est scandaleux, des diplomates et des présidents d’université, pas une corporation n’a manqué cette occasion de sermonner le populo. L’électeur RN est au choix un salaud insensible aux joies de la diversité, un idiot manipulé par les Russes ou CNews, ou encore un malade égaré par la souffrance qu’il convient d’isoler derrière un cordon sanitaire pour éviter la contamination. Contre tous les principes du syndicalisme, madame Binet demande aux sympathisants RN de dégager de la CGT. Ils puent – c’est leurs idées nauséabondes. La même, qui n’en est pas à une infamie près, félicite une foule haineuse d’avoir « résisté à une agression fasciste » en tabassant dix jeunes filles munies de pancartes. La lâcheté, c’est le courage – c’est beau comme du Orwell.

Tout ce tintamarre a l’avantage de couvrir le message des urnes. Comme l’observe Fourquet, l’électorat RN, c’est le peuple de la bagnole. Dans la France de Bardella, on se chauffe au fioul, toute hausse du prix de l’essence est synonyme d’un petit plaisir en moins, accoucher est problématique et on fait des kilomètres pour aller chez le dentiste. Sinon, on prend du Doliprane et on serre les dents. Maurras opposait le pays réel au pays légal. Brighelli oppose « Paris, ville irréelle » à la vraie France « qui roule au diésel parce que c’est moins cher et fait des barbecues parce que c’est meilleur[1] ». Ce désarroi de la France oubliée n’explique pas qu’entre deux premiers tours (2022 et 2024), le RN soit passé de 18 à 32 % des suffrages et de 4,2 millions à 11 millions de voix. C’est que l’homme ne se nourrit pas seulementde pain. Les émeutes consécutives à la mort de Nahel et le meurtre de Thomas à Crépol, pour ne citer que deux événements dramatiques, nourrissent le sentiment de dépossession. Les électeurs RN veulent bien accueillir, pas devenir culturellement minoritaires chez eux. Ils ont tort, c’est Mélenchon qui le dit : « Ceux qui s’appellent Français de souche posent un problème sérieux à la cohésion de la société. » Vous êtes tous des immigrés, arrêtez de nous enquiquiner avec votre vieille culture et vos mœurs libérales, si offensantes pour les nouveaux arrivés. Prière de laisser la place à la nouvelle France et de disparaître en silence.

On dira que les électeurs ont pu faire leur choix et que la démocratie a parlé. Sauf que la démocratie suppose un débat loyal et pluraliste. Il est parfaitement légitime de critiquer le RN et ses projets, mais quand toutes les voix autorisées font chorus dans le chantage au nazisme, l’électeur est-il libre de son choix – ne peut-on pas parler d’emprise ? Pendant trois semaines, les vierges effarouchées ont martelé que, même s’il gagnait les élections, le RN serait illégitime pour gouverner. Les Soulèvements de la terre, qu’une partie de la gauche couve d’un œil énamouré, ont annoncé qu’ils s’opposeraient physiquement à son accession au pouvoir. Autant dire que, même si Jordan Bardella est à Matignon demain, il devra affronter moult chausse-trappes et empêchements. Pour sauver la démocratie, il faut savoir la mettre en veilleuse.


[1] Jean-Paul Brighelli, « La revanche de la France périphérique », causeur.fr, 2 juillet 2024.

Les aventuriers de l’arc perdu

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« Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire… » Bibi fricoteur s’est fait piquer les clés de la République par les Pieds Nickelés du NFP


Le Nouveau Front populaire est en ébullition. Depuis le 7 juillet et le miracle du poteau rentrant dans les arrêts de jeu de la 2e mi-temps des législatives, les deals, la guerre de course, aux fromages, vers Matignon, s’emballent. Mon soutien contre un maroquin, deux agates et un calot… L’Éducation nationale, c’est trop fatiguant, la Culture aussi… Je veux l’Écologie ou la Villa Médicis ! Les cadors se marquent à la culotte, se méfient du contre-la-montre, préparent le sprint final. Rien n’est jamais acquis… Jupiter des hommes de bonne volonté danse avec les loups, explore une troisième voie centralo-citoyenno-républicaine, sur tapis vert, des pactes Lustucru. LFI menace de lâcher ses Fedayins-Antifas sur Matignon-Sigmaringen. Bientôt un 6 février 34 de gauche, festif, Septembre noir participatif, 18 Brumaire brûlant… Le combat continue.

Les aventures de Manu Lambert…

« Dans la banlieue où qui fait nuit ; La petite route est déserte ; Manu Lambert rentre chez lui ; Dans le lointain les insoumis poussent des cris ; Ça y est j’ai planté le décor ; Créé l’climat de ma chanson ; Ça sent la peur, ça pue la mort ; J’aime bien c’t’ambiance pas vous ? Ah bon. Plus y s’angoisse moins ça va mieux ; Quand soudain lui surgit une idée ; J’vais siphonner un vote ou deux ; Faut bien que j’me défoule un p’tit peu ; J’suis énervé (…) T’aurais pas dû, Manu Lambert ; Dissoudre et lancer les Légis ; T’aurais dû rester chez ta mère ; Comme un bon fils… Ta ta ta ! » (D’après Renaud).

Pierrot le Fou-président a dégoupillé la grenade de la dissolution, pris son risque, ses pieds dans le tapis et les mèches des bâtons de dynamite.  « Ce que… je voulais dire… oh … pourquoi… Après tout, je suis idiot Merde… Merde… BOUMMM !!! ». La jeunesse est un naufrage. Bibi fricoteur s’est fait piquer les clés de la République par les Pieds Nickelés du NFP, ivres de probité candide et de vin rouge. Les mouches ont changé d’ânes, les louches ont changé d’âme. Le naufrageur ne regrette rien, s’autoproclame garant de la démocratie. Sa force et liberté de manœuvre, c’est d’ignorer ce qu’il veut, où il va. « Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire… ». Ferdinand Macron n’a jamais su y faire avec Marianne. Pour clarifier la clarification, sortir du bourbier, après la foudre, Jupiter se prend pour Polnareff, écrit des Lettres à la France. Va-t-il nous montrer ses fesses sur la plage de Brégançon ?

Le Cercle des prophètes disparus

On les connait, on les reconnait, ils osent tout. Ils sont dangereux parce qu’ils n’ont rien à perdre. Les Tartuffe du pourtousisme, révolutionnaires en peau de lapin, ont des visions, vivent de slogans, de subventions, s’exilent à Dubaï, au Réal, posent pour les magazines, au Festival de Cannes, à Saint-Vincent-de-Paul de Vence. Peu leur importe la paix civile, la concorde, la prospérité nationale, les déficits abyssaux. Tant pis ou tant mieux si tout explose. Viva Zapata ; Familles, je vous hais ; Ni Dieu (sauf Allah) ni maitre ; Société, tu m’auras pas ! Sus à la panique morale, pas de crispations, We are the world, Non au nauséabond, No Pasaran ! Les rappeurs, sauvageons sympathiques souvent sanguins, sont des artistes. La muse les habite. Leurs complotisme, antisémitisme, appels aux viols et aux meurtres, font bouger les lignes (de coke), « font partie du code » (dixit, Marine Tondelier)… du code pénal. « À force de n’être chez eux nulle part, ils ont fini par prendre le mauvais genre de s’y croire partout » (Anouilh).

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Le peuple, méfiant, ne croit plus aux romans sur la vie, grand désert où luit Ferré, Ferrat, Potemkine, la Liberté ravie. Les culs-terreux et prolos ont beaucoup déçu France Info, les progressistes, les écolos, les sociologues. Après les OS, les OQTF. Après la grosse caisse des grands soirs prolétariens, place aux concertos « citoyens » avec Tam-Tam inclusif et flute de paon humaniste. Du vent, de la volupté, des remords et le courage du bon. Les crieuses de vieux chapeaux, damnés de la chaire, pétroleuses du génie lesbien, Laure Adler, Rokhaya Diallo, Alice Coffin prospèrent dans le woke business, la diversitéocratie, les dominés, les races, l’invisible. Touche-pas à ma rage, mes stages de rééducation, mon buzz, mes sponsors, mon Nobel. Nous sommes riches de nos différences.

À venir avec le NFP à Matignon : un ministère du blocage de la misère, un 666e plan de redressement de l’École des fans, garanti boulgour sans gluten à la cantine, kit républicain sur la laïcité coranique et abaya pas de quoi en faire tout un plat. Les faits, comme les fanatiques, sont impitoyables. Socialisme et Berbérie. Deux générations de gauchisme, d’idiots inutiles, Bourdieuserie, culture de l’excuse et lâcheté politique, auront eu la peau de notre civilisation ; le pays implose.

La recette du cake d’amour

Tout le monde fait semblant d’avoir entendu le dernier avertissement de la dernière chance, avant le début du futur compte à rebours de la prochaine élection. Guignol’s band et Fééries pour une autre fois. Depuis quarante ans, la même rengaine, la méthode couarde, les mots creux qu’on dit avec les bleus. Il est minuit au clocher de l’église. Le mantra magique pour fédérer, rassembler, c’est le « progressisme ». Comme les spaghettis, consensuel, nourrissant, le progressisme se cuisine à toutes les sauces : bolognaise prolo, arrabiata insoumis, pesto rouge bio, basilic écolo, puttanesca avec pulpe féministe… « L’avenir est un lieu commode pour y mettre des songes » (Anatole France).

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La mode est à l’architecture, aux ponts, barrages, arcs, républicains. Barrage de Malpasset ou contre le Pacifique ? Arc Tudor, Mozarabe, surbaissé, rampant, en anse de panier ? Le plus élégant est en plein centre ! Les triomphes, c’est fini… Les voussoirs et contreforts du « vivre ensemble » ont du mou. Le psittacisme antifasciste fait pschitt. Les châteaux en Espagne (républicaine) de Numérobis se construisent en sophismes et palinodies. Si le Rassemblement National, baudet pelé, galeux d’où vient tout le mal, n’est pas dans « l’arc républicain », où est-il ? De quoi est-il le nom ? Royaliste, fasciste, factieux, dangereux pour la démocratie ? Qu’attend Gérald Darmanin pour le dissoudre en application du code de la sécurité intérieure ?

Bonnes à tout (faire) avaler, les forces obscures, maléfiques, magiques, menacent et cimentent. Réaction, néo-libéralisme, illibéralisme, populisme, autoritarisme, masculinisme… Les journalistes angoissés, politologues chevronnés, chercheurs imminents, peinent à définir ces nuisibles dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Deux certitudes : ils ne votent pas à gauche et sont un danger pour la démocratie. Hors compétition, indétrônable mamba noir, plus dangereuse que le scorpion (gilet) jaune à queue large ou la pieuvre à anneaux bleus (blanc, rouge), « l’extrême droite » reste ballon d’or toutes catégories de la Champions League du camp du mal.

Crier au loup ad nauseam, manipuler les peurs, multiplier les leçons de morale à géométrie variable, les concours de poutre et de paille, chantages aux « extrêmes », rajoutent de la confusion à l’hypocrisie. Le salaire de la peur nous le payons cash. La démonétisation de la classe politique et l’exaspération d’une frange grandissante de l’électorat, stigmatisée et marginalisée. L’instrumentalisation de l’indignation annihile les défenses immunitaires démocratiques qui manqueront lorsque les vrais fascistes seront aux portes du pouvoir.

« Les hommes sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances » (Fustel de Coulanges).

Contre-Poison: un nouvel antidote contre la Pravda de gauche

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Interview avec Loup Viallet, spécialiste de l’Afrique et créateur du nouveau journal indépendant, Contre-Poison.


Causeur. Contre-Poison : pourquoi ce titre?

Loup Viallet. Avec ma compagne Nina Pravda et quelques bonnes plumes, nous souhaitions créer un nouveau journal indépendant de droite nationale, pro occidental, gratuit et en accès libre.
C’est en écumant les titres de vieux journaux que l’on a compris qu’il nous fallait un titre neuf, loin des clivages d’autrefois. C’est ainsi qu’on a pris la décision de ressusciter une publication de 1791 qui n’a duré que quelques mois, Contre-Poison. Un titre incisif pour un journal indépendant qui nous paraît trouver parfaitement sa place dans cette période d’instabilité politique tout à fait inédite.

De quels sujets traite Contre-Poison ?

L’extension de l’empire du wokisme au sein de nos universités, la démultiplication des cyberattaques contre nos hôpitaux et nos services publics, la montée de l’islamisme dans toutes les strates de la société nous inquiètent particulièrement. La banalisation de l’antisémitisme dans les mouvements gauchistes politico-estudiantins nous alerte fortement. À ce sujet, nous avons récemment interviewé maître Gilles-William Goldnadel et lancé une pétition pour la fermeture de Sciences Po Menton, creuset antisémite en roue libre formant nos futurs diplomates. Je vous invite à la soutenir !

A lire aussi : Meurice me va comme un gland!

Notre journal est un espace généraliste, la rédaction de Contre-Poison traite de tous les thèmes qui concernent la France, de la sécurité à l’économie, en passant par le patrimoine avec Stéphane Bern, à la culture indé, on ne s’interdit aucun sujet.
Enfin, nous pensons que certains sujets, ne doivent plus être monopolisés par la gauche médiatique. Le réchauffement climatique, par exemple, qui a des conséquences catastrophiques sur notre économie et contribue à attirer de plus en plus de migrants sur notre sol, est une thématique qui a sa place dans nos colonnes. 
Nous travaillons actuellement sur l’impact de l’immigration sur la Côte d’Azur, et publierons prochainement une série d’enquêtes, ville par ville.

On remarque un intérêt pour les questions géopolitiques. Qui est la cible de ces articles ? S’agit-il d’influer sur les décideurs, politiques et économiques ? Ou tout simplement d’informer le public ?

Avec la guerre à nos portes, la cyberguerre au quotidien, les défis climatiques et migratoires plus pressants que jamais, les relents de l’antisémitisme et le décrochage technologique de l’Europe, cela fait un bout de temps que les questions géopolitiques font irruption dans notre actualité nationale. Une militante pro-Palestine a même récemment été élue au Parlement européen sans mentionner une seule mesure pour notre pays au cours de sa campagne électorale ! Je suis certain que vous savez de qui je parle…
Nous avons plus que jamais besoin de clarté sur les questions géopolitiques : cela nous paraît indispensable pour comprendre et résoudre nos problèmes intérieurs. Ainsi, nous avons longuement donné la parole à des experts comme Alexandre Melnik, un ancien diplomate soviétique et ex-plume de Gorbatchev ou à Yosuke Shimono, ancien diplomate japonais en poste à Paris.

A lire aussi : Causeur: En première ligne dans la guerre des idées, Notre jeunesse

On sait que vous vous occupez de questions concernant l’Afrique. Quelle est la doctrine française actuelle par rapport aux relations avec les pays africains ? A-t-elle besoin d’évoluer radicalement ? 

Aucune OQTF ne peut être appliquée sans l’accord des pays d’origine des migrants. Tourner le dos aux réalités africaines est la pire méthode pour maîtriser les flux d’immigration clandestine dans notre pays. La dernière enquête que nous avons publiée documente, avec des informations exclusives, le nouvel axe migratoire qui relie le Sahel aux Pyrénées.
En Afrique, la France est comme un canard sans tête. Elle court partout sans savoir où aller. Une chose est certaine : les faiblesses africaines sont le meilleur terreau pour déstabiliser l’Europe. La Turquie, la Chine et la Russie l’ont très bien compris.

Quel est le modèle économique de Contre-Poison ?

Le bénévolat ! Notre journal étant gratuit et en accès libre, nous parions sur la générosité de nos lecteurs pour continuer à travailler et produire des articles et des enquêtes de qualité.

Le grand hi-han républicain

Des candidats se sont désistés dans 215 circonscriptions pour faire barrage au RN, rendant le souhait de Mélenchon de voir le programme du Nouveau Front populaire appliqué gaguesque, rappelle le politologue Renaud-Philippe Garner. Pendant que le « front républicain » permet au RN de se victimiser, et de dénoncer un système qui se liguerait contre lui de manière injuste, les caisses du parti de la droite populiste se remplissent.


Le soir du 7 juillet, face aux résultats du second tour des élections législatives, nous apprenions que le « front républicain » avait très bien fonctionné. Rappelons que ce pacte électoral a pour but de battre un ennemi désigné, en l’occurrence un ennemi de la République. Lorsqu’un parti dit non républicain risque de l’emporter, tous les partis républicains doivent se désister afin de soutenir le candidat républicain le mieux placé pour l’emporter. Le cas d’école est l’élection présidentielle de 2002. Nombre d’électeurs se pincèrent le nez et votèrent pour Chirac afin de « faire barrage » à Jean-Marie Le Pen.

Êtes-vous vraiment certains que le RN ait perdu, et que Mélenchon ait gagné ?

Plus de deux décennies plus tard, nous découvrons que malgré l’efficacité incontestable et la cohérence exemplaire de cette manœuvre électorale, la République serait encore et toujours en danger. Hannibal ad portas! Sur l’autel de la République, on se sacrifia sans mesure. Dans 215 circonscriptions, des candidats se sont désistés afin de « faire barrage » au Rassemblement national. Comme le candidat cauchemardesque a été défait 173 fois sur 215, nous avons la preuve indiscutable que le front républicain est une merveille stratégique.

Les chiffres ne mentent pas et par conséquent le triomphalisme des uns et des autres est parfaitement justifié:

Il est donc inutile, voire pervers, de rappeler que le Rassemblement national est désormais le parti avec le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale. Certes, la plus grande coalition est celle formée par le Nouveau Front populaire avec 182 députés, mais cela représente l’addition de sept étiquettes/partis. La coalition du gouvernement, composée de huit étiquettes/partis, enverra 168 députés au palais Bourbon. Piteusement, le Rassemblement national et sa seule formation alliée (Les Républicains à droite) n’enverront qu’un rachitique cheptel de 143 députés. Manifestement, ce sont les seuls chiffres qui comptent. Inutile de rappeler qu’avec 126 députés, le Rassemblement national est le parti qui dispose du plus grand nombre de députés, suivis par Renaissance avec 102 et la France Insoumise avec 74. Comme les coalitions sont toujours plus stables et durables que les partis, il faut uniquement considérer les premières et ignorer les seconds. Forcément…

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Touche pas à mon vote

D’ailleurs, il serait d’une maladresse inouïe de souligner qu’en 2017, le Rassemblement national ne disposait que de huit députés, lui qui longtemps n’en avait pas du tout. Grâce au front républicain, le Rassemblement national endura une humiliation supplémentaire: il décupla ce chiffre et n’envoya que 89 députés à l’Assemblée nationale en 2022. Aujourd’hui, le triomphe du front républicain est sans appel: le Rassemblement national devient le premier parti de France au palais Bourbon.
Oublions les électeurs, car en démocratie représentative l’essentiel, ce sont toujours les élus. Il est mesquin de rappeler qu’au premier tour des législatives de 2022, le parti à la flamme avait récolté un peu plus de 4 200 000 voix. Cette fois-ci, il ne reste à ses dirigeants que leurs yeux pour pleurer, car le premier tour des élections législatives leur rapporte, à eux et leurs alliés, un peu plus de 10 600 000 voix. Osons dire qu’un parti qui ne parvient à rallier que 6 000 000 d’électeurs de plus en deux ans est un parti usé et en perte de vitesse. Ce revers est sans doute attribuable au front républicain.

Les problèmes d’argent de Marine Le Pen sont loin

Évidemment, il serait hors sujet de rappeler qu’en France le financement public des partis politiques dépend à la fois des résultats du premier tour, et du nombre d’élus. Comme chaque électeur du Rassemblement national lui rapportera 1,6 euro, le parti à la flamme peut s’attendre à pas moins de 17 millions. Une fois qu’on aura ajouté la tranche versée en fonction des élus, le parti nationaliste ne pourra que crier famine… Si les caisses de la droite nationale sont bientôt vides, c’est donc aussi grâce au front républicain…

Évitons toute réflexion qualitative, car la démocratie c’est le suffrage et ce dernier est quantitatif. Conséquemment, il est extravagant de réfléchir à l’unité des coalitions politiques. Nous ne gagnons rien à noter que le Nouveau Front populaire qui nous assure être uni et fraternel n’arrive toujours pas à identifier son candidat pour Matignon un mois après la dissolution de l’Assemblée nationale. Il est vain de noter que les populistes de droite ont eux identifié leur potentiel Premier ministre sans problème. Tout cela est sans intérêt, mais même si c’était pertinent, nous pourrions remercier le front républicain qu’un tel désordre règne dans l’extrême droite.  

La surprise et l’émotion retombées, nous devons nous en tenir aux faits. Le front républicain n’a jamais aussi bien fonctionné. Cette manœuvre électorale a tant de vertus, et n’a aucun vice. Les élections législatives de 2024 ont été l’occasion d’un phénomène remarquable : le fameux barrage républicain s’est métamorphosé en dos d’âne. Le grand stratagème qui devait arrêter « l’extrême droite » s’est révélé si prodigieux qu’il parvient à gonfler ses rangs et remplir ses caisses. Hi-han, la République est sauvée.     

Coups de soleil

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Jean-Paul Brighelli © Hannah Assouline

Le roman de Jean-Paul Brighelli est un vrai roman de cape et d’épée avec duels, bassesses de cour et belles âmes. Mais notre ami va plus loin en offrant une vision impitoyable de la France de Louis XIV.


Le climat est rude, les mœurs tout autant. Et plus encore l’intolérance religieuse depuis que Louis XIV a cru bon, dans l’intérêt supposé de son âme et de son royaume, de révoquer l’édit de Nantes qui, quatre-vingts ans plus tôt, a accordé aux protestants la liberté de culte et quelques places de sûreté. La chasse aux huguenots, aux parpaillots est donc ouverte. C’est le temps des dragonnades. Bains de sang, tortures, viols sont au programme de cette rédemption forcée. Dans l’âpre contrée des Cévennes, l’incertain marquis de Souvré y excelle tout particulièrement. Bâtard frustré, il pense que la barbarie sanctifiée à laquelle il se livre avec froideur lui vaudra les lettres de noblesse qui lui font défaut. Le pire est que, en effet, ce sera le cas ! Face à lui et à ce déferlement de massacres se trouvent deux hommes de bien, Pierre d’Aumelas, aristocrate désargenté, et son frère de lait, Balthazar Herrero, alias Balthus, médecin éclairé – magnifique fraternité qui, en l’occurrence, vaut bien celle du sang. Ils se rendent à Versailles pour plaider la cause des populations martyres auprès du roi.

À lire aussi : Louis XVIII et les femmes

Dire cela du livre de Jean-Paul Brighelli, c’est à peu près n’en rien dire. Car, chose assez rare par les temps littéraires qui sont les nôtres, Soleil noir est un vrai roman. Un roman qui raconte une histoire, une histoire charpentée, avec un début, un milieu, une fin, menée qui plus est avec un art consommé. Celui qu’exige la grande et belle tradition du roman français de cape et d’épée. On se pèle de froid à certaines pages, on s’échauffe autant lors de duels que dans des alcôves, on se révolte devant le crime béni des hordes fanatiques, on frise la nausée devant la bassesse des manœuvres de cour de Souvré. « La France du Grand Règne, la France classique de Racine et de Madame de Sévigné, écrit l’auteur, était un pays où il ne faisait pas bon vivre, un pays d’une dureté extrême. » Deux fléaux se disputent ce monde-là : la misère et la faim pour le plus grand nombre, la goutte et la mangeaille ad nauseam pour les autres. Ainsi ce prélat fort gras dispensé de faire carême, mais bloqué à Lodève. « Jeûner à Lodève, c’eût été jeûner deux fois », ironise Brighelli, bretteur de mots comme son héros l’est d’épée. Sa plume nous fait aussi voyager, d’un harem d’Alger aux murs parfumés de jasmin, de rose et de vanille, à la Bastille, où, entre ses murs d’un remugle moins plaisant, Pierre d’Aumelas a le désagrément de séjourner un temps.

Enfin, le rendez-vous qui attend les deux amis à Versailles s’avère d’une royale importance, d’une royale urgence : la célébrissime fistule qui menace la vie du Grand Roi. Ce duel-là sera gagné par Balthus, rompu aux médecines d’ici et du Levant, et préparé à la délicate opération par quelques répétitions sur des prisonniers du Châtelet. Son ami Pierre d’Aumelas aura lui aussi son duel, au jeu et en amour ; car l’amour a bien sûr son mot à dire dans cette foisonnante aventure.

Jean-Paul Brighelli, Soleil noir, L’Archipel, 2024.

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Jean Cau, résistant

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Le journaliste et écrivain Jean Cau, 1985 © ANDERSEN ULF/SIPA

Dans Croquis de Mémoire, Jean Cau offrait avec un style incomparable les portraits de Sartre, Mitterrand, de Gaulle, VGE, Gaston Gallimard et beaucoup d’autres…


En ces temps fuligineux, le maquis s’impose. Ici, il s’agit d’un vrai maquis, celui qui résista, les armes à la main, au nazisme qui avait alors les dents du loup enragé. On peut entendre, dans le crépuscule où flottent les parfums d’été, le cliquetis des fusils qu’on nettoie en attendant la bataille. Les chênes qui abritaient les jeunes maquisards n’ont pas grandi puisque ce sont des chênes nains.

Un livre sous les yeux : Croquis de mémoire, de Jean Cau, dans la précieuse collection « la petite vermillon » des Éditions de la Table Ronde. Jean Cau (1925-1993), comme beaucoup d’autres écrivains, est tombé dans l’oubli. Mais il vient d’avoir droit à sa biographie[1], ce qui redonne un peu de verdeur à son œuvre. Jean Cau fut longtemps le secrétaire de Jean-Paul Sartre. Il est à gauche dans le Saint-Germain-des-Prés très à gauche. Ce fils de prolétaire occitan, khâgneux, a le goût des voyages. Il devient grand reporter à L’Express, puis au Figaro et à Paris-Match. Il écrit des romans et obtient le Goncourt, en 1961, pour La pitié de Dieu. Puis il franchit le Rubicon à la fin de de la guerre d’Algérie. Il épouse la cause du général de Gaulle, c’est-à-dire celle de la France. Il voit venir le dynamitage des valeurs de l’Occident, l’effondrement de la verticalité au profit de l’horizontalité faite de mensonges, de lâchetés et d’imposture. Il devient résistant quand Satan étend son ombre.

A lire aussi, Christopher Gérard: Jean Cau, l’aristo-païen

Croquis de mémoire, donc, pour retrouver le style caustique de Jean Cau. On y croise quelques figures qui comptèrent au siècle dernier. À commencer par François Mitterrand, le Machiavel de Jarnac, éternel adversaire du général de Gaulle. « Je verrai son crâne se déplumer, note Cau, son teint blanc tourné à l’ivoire, sa taille s’épaissir, sa démarche se faire plus lente et lourde et son menton se tendre, comme pour effacer les plis du cou et respirer, au-dessus des ambitions, l’air rare du pouvoir. » Rien de commun avec Pompidou, l’homme qui transforma les rêves de grandeur en désir de posséder un réfrigérateur et une télévision. Pompidou, « génial ébéniste de soi-même », écrit encore Jean Cau. VGE ne trouve pas grâce à ses yeux, cela va sans dire. Il y avait de Gaulle. C’est tout. Cau : « Cet animal ne ressemblait à aucun autre exemplaire de sa race et tout de lui, tête, corps, allure, voix, gestes, était singulier. L’homme rit, on le sait. Or, de Gaulle, l’imaginez-vous riant ? Et, allons plus loin dans l’inimaginable, riant aux éclats ? »

De la fenêtre de son bureau, Gaston Gallimard, quatre-vingt-douze ans, regarde l’automne tomber sur le jardin. Jean Cau lui demande pourquoi il n’écrit pas ses mémoires. Réponse de l’éditeur : « Parce que je ne veux pas ruiner ma maison en disant tout ce que j’ai vu, tout ce que je sais. » Puis il « massacre » quelques-uns des écrivains qui ont rempli les coffres de la « banque centrale ». Drieu la Rochelle, qui restera au guichet durant la Collaboration, conserve l’affection du vieil homme. « Il n’a écrit aucun livre qui soit achevé mais il était généreux. Il aimait. » À propos de la gauche, Jean Cau lâche ses coups. Exemple : « Nous assistâmes, en ces temps (guerre d’Algérie et du Viet-nam, premières années du règne de De Gaulle) à la fabrication à la chaîne, sur un modèle-type qui pourrait être, en sa perfection, le journaliste Jean Daniel, du ‘’crucifié de Gauche’’ ». Quant à Sartre, il lui apprit « à résister, casqué de je ne sais quel acier, aux coups les plus durs de son influence. En somme, à jeter les roses par la fenêtre. »

Ces portraits, lus sous le noisetier planté par André, mon grand-père, sont rafraîchissants comme une menthe à l’eau. Cau mourut le 18 juin 1993. Le destin aime les signes forts.

Jean Cau, Croquis de mémoire, collection « la petite vermillon », La Table ronde.

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[1] Ludovic Marino et Louis Michaud, Jean Cau l’indocile, Gallimard.

Quel « VP » pour Donald Trump?

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Donald Trump à Doral en Floride, 10 juillet 2024 © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Alors que Joe Biden accumule les lapsus, nous passons ici en revue six candidats qui pourraient être désignés comme co-listiers, la semaine prochaine, par Donald Trump. La décision est importante, car Trump est désormais favori, et ne pourra pas se présenter une troisième fois…


Tandis que l’Amérique observe le président Biden tenter désespérément de s’accrocher au pouvoir en maintenant sa candidature à un second mandat, alors qu’il n’a même plus les facultés nécessaires à gouverner aujourd’hui, Donald Trump se prépare à désigner son vice-président. A l’entendre, son  choix est fait. Il attend la convention nationale républicaine, qui s’ouvre ce lundi 15 juillet à Milwaukee dans le Wisconsin, pour l’annoncer. Typiquement la désignation d’un vice-président est la première décision majeure d’un futur président. Elle est  minutieusement scrutée par les médias.

Plus d’une douzaine de personnalités ont été évoquées. Parmi celles-ci : Ron De Santis, gouverneur de Floride, Marco Rubio, sénateur républicain de Floride, Gregg Abbot, gouverneur du Texas, Ben Carson, ancien candidat présidentiel républicain, Sarah Hucakbee Sanders, gouverneur de l’Arkansas, Kristie Noem, gouverneur du Dakota du Sud et d’autres. La fonction revêt un intérêt tout particulier cette année. Car Donald Trump postule à un second mandat et, s’il est élu, il ne pourra pas se présenter à nouveau. Son colistier sera  inévitablement en position de force pour la nomination républicaine de 2028.

Traditionnellement deux principes guident le choix d’un « VP ». Un, si l’élection s’annonce serrée, ce colistier doit l’aider à gagner. Lui apporter un Etat, comme Lyndon Johnson apporta le Texas à John Kennedy en 1960 ou bien le conforter auprès d’un groupe d’électeurs, comme Mike Pence garantit les Américains Evangéliques à Donald Trump en 2016, ou comme George Bush père rallia l’establishment républicain à l’outsider Ronald Reagan en 1980, ou encore comme Kamala Harris devait conforter la position de Joe Biden auprès des femmes et des Noirs en 2020…. Deux, si l’élection s’annonce gagnée d’avance, le vice-président est choisi en fonction de sa capacité à aider le président à gouverner. C’est-à-dire l’aider sur certains sujets sans lui faire de l’ombre. Barack Obama largement favori pour l’emporter en 2008 choisit Joe Biden parce qu’il représentait l’ancienne garde démocrate et pour son expérience en politique étrangère, permettant au président de se délester de cette question au profit des réformes intérieures envisagées, dont celle de l’assurance santé.

L’élection de 2024 s’annonçait très serrée. Les difficultés cognitives aggravées de Joe Biden, son bilan économique médiocre, et l’échec de la stratégie démocrate de disqualification de Trump par les tribunaux, ont bouleversé la campagne et les pronostics. Donald Trump se dirige vers un triomphe annoncé. Sans aller trop vite en besogne, cela signifie qu’il a plus de latitude quant au choix de son ou sa partenaire. Lui-même insiste, en ligne avec son caractère, et sa volonté d’accaparer toute la lumière, qu’il n’a besoin de personne pour l’emporter. Il n’empêche. Certaines personnalités présentent des atouts que lui et les Républicains doivent nécessairement prendre en compte.

Nikki Haley, Elise Stefanik et Tulsi Gabbard

Voici six candidats qui feraient un excellent numéro deux sur le ticket républicain. Ce n’est pas un pronostic. Plutôt une revue des qualités nécessaires à la fonction et de ce que ce choix nous apprendrait des ambitions de Donald Trump pour son second et dernier mandat.
Equité oblige, il s’agit de trois femmes – Nikki Haley, Elise Stefanik, Tulsi Gabbard – et trois hommes – Tim Scott,  J.D. Vance et Doug Burgum.

Nikki Haley a 52 ans, elle fut gouverneur de la Caroline du Sud et ambassadrice à l’ONU de Donald Trump durant son premier mandat. Elle fut aussi sa plus tenace adversaire durant les récentes primaires du parti Républicain, réunissant près de 20% des votants derrière son nom.

Nikki Haley

Le premier atout de Nikki Haley est donc sa capacité à permettre à Donald Trump de faire le plein des voix de son propre camp. Actuellement il existe toujours, même chez les Républicains,  des anti-Trump irréductibles (on les appelle en anglais les « never-trumpers »). Ce sont des Américains qui ont juré de ne jamais voter pour lui mais qui pourraient changer d’avis si Nikki Haley était sa colistière. Son second atout est son expérience. Trump a souligné qu’il souhaitait une personne capable de gouverner. Haley a l’expérience pour le faire. Son troisième aout est d’être une femme. Le droit à l’avortement sera un thème dominant de la campagne présidentielle. Les Républicains sont sur la défensive sur cette question du fait de l’annulation par la Cour Suprême en 2022, de la décision de 1973 qui en avait légalisé la pratique, avec pour conséquence de renvoyer la question aux autorités de chaque Etat. Même si elle était juridiquement justifiée – quoiqu’en disent les progressistes, il n’existe pas de droit à l’avortement inscrit ou même évoqué dans la Constitution des Etats-Unis – cette décision a été mise en avant par les médias et les Démocrates comme un assaut des Républicains contre les femmes, leur liberté, et leur droit « à disposer de leur corps ». Parce que cette question touche d’abord les femmes, en être une, est un atout pour débattre et contrer les Démocrates qui vont en faire un argument électoral central. Par contre Nikki Haley ne voit pas le monde, ni le rôle de l’Amérique dans le monde comme Donald Trump. Lui défend une Amérique forte mais qui reste en dehors des conflits internationaux. Au contraire Haley souhaite une Amérique pro-active et engagée dans la défense voire la propagation de la démocratie dans le monde. Elle a été soutenue durant sa campagne par le camp néo-conservateur, l’aile droite interventionniste du parti républicain. Autre point négatif, Nikki Haley et Donald Trump ne s’apprécient guère. Leur relation n’a jamais été bonne et s’est envenimée depuis les incidents du 6 janvier 2021. Nikki Haley a eu des mots très durs contre Trump durant les primaires soulignant que les Américains ne voteront pas pour un « criminel condamné ». Elle a annoncé depuis son retrait de la campagne qu’elle voterait personnellement pour lui en novembre, sans aller jusqu’à encourager ses partisans à faire de même.

Enfin, Trump a laissé entendre qu’elle n’est pas en considération pour le poste, parce qu’elle n’a pas la qualité incontournable qu’il attend d’un vice-président, une loyauté sans faille.

Elise Stefanik, au contraire, est régulièrement citée dans les médias comme la personnification de cette loyauté indéfectible. Mme Stefanik représente le 21e district de l’Etat de New York au Congrès. Elle a été élue en 2014, alors qu’elle avait tout juste trente ans, devenant la plus jeune femme jamais élue au Congrès. C’est une républicaine conservatrice qui a toujours soutenu et défendu Donald Trump. Durant sa présidence et après le scrutin de 2020 dont elle a contesté les résultats même après les événements du 6 janvier.

Elise Stefanik

Elle vient d’avoir 40 ans et arbore une personnalité bien trempée et pleine d’énergie. Elle est à la fois diplômée de Harvard et selon ses propres termes une « fière MAGA », c’est-à-dire une partisane du mouvement populiste lancé par Donald Trump « Make America Great Again ». C’est aussi une mère de famille, dont les préoccupations quotidiennes recoupent celles de millions d’Américaines qu’elle serait peut-être en mesure d’attirer dans le camp Trump. En revanche, à l’inverse de Trump,  elle n’a connu aucune carrière mis à part la politique. Tout juste diplômée elle a été recrutée par l’administration Bush fils et n’a jamais vraiment quitté Washington depuis… Son autre point faible est inévitablement son manque d’expérience. Cinq mandats au Congrès ne lui ont pas permis d’imprimer sa marque et elle est totalement inexpérimentée en relations internationales.

L’expérience internationale est au contraire le point fort d’une troisième femme susceptible de rejoindre le ticket Trump, Tulsi Gabbard.

Tulsi Gabbard

Ses chances d’être sollicitée sont faibles. Les médias ont cessé de s’intéresser à elle. Elle n’en conserve pas moins des atouts importants et sa désignation serait un message très fort sur la nature d’un second mandat Trump. Tulsi Gabbard a servi au Congrès comme représentante d’Hawaï de 2013 à 2021. Elle a 45 ans et possède le grade de lieutenant-colonel dans l’armée des Etats-Unis. Elle est réserviste et a été déployée en Irak et au Koweït en 2004 et 2008. Entrée en politique sous l’étiquette démocrate, elle a été candidate à la nomination présidentielle de 2020. Contre Joe Biden et contre Kamala Harris. Très critique de l’interventionnisme américain, et du dédain de son parti pour l’Amérique rurale, elle a fini par quitter le parti Démocrate en octobre 2022. « Je ne me reconnais plus dans ce parti tombé sous l’emprise d’une cabale élitiste de va-t’en guerre acquis à une lâche idéologie « woke » qui divise les Américains en racialisant toutes les questions et en agitant sans cesse le racisme antiblanc » déclarait-elle alors. Depuis cette démission spectaculaire, Tulsi Gabbard s’est rapprochée des milieux conservateurs. Elle a souvent été interviewée par le chroniqueur Tucker Carlson et elle est apparue à deux reprises, y compris en 2024, à la conférence du CPAC, le « Conservative Political Action Committee », première réunion annuelle du mouvement conservateur aux Etats-Unis.

Le premier atout de Tulsi Gabbard est bien évidemment sa capacité à étendre la portée du parti républicain en attirant des électeurs indépendants, voire des démocrates déçus comme elle de l’évolution du parti. Son second atout est sa position non-interventionniste en relations internationales qui colle parfaitement avec celle de Donald Trump. De par son expérience militaire, elle a vécu les conséquences de l’aventurisme américain des années 2000 et pu en mesurer les conséquences tragiques pour les Américains et pour le monde. Son troisième atout est sa dénonciation de la corruption régnant à Washington et de l’emprise de « l’Etat profond » sur la vie politique de la nation. Là encore, ses positions épousent parfaitement celle de Donald Trump. Idem sur la question de l’avortement. Avant même la décision Dobbs de juin 2022, elle avait critiqué la volonté des radicaux de retirer toute restriction possible à cette pratique, notamment en lien avec l’avancée de la grossesse.

Contre elle, bien évidemment, le fait qu’elle n’appartient pas au parti Républicain et que ses allégeances passées pourraient surprendre certains au sein du mouvement conservateur, particulièrement parmi les Evangéliques. Donald Trump lui-même n’a pas toujours été un Républicain, il est d’ailleurs critiqué pour cela par les conservateurs de la première heure (« paléo-conservateurs ») qui ne verraient pas d’un bon œil une autre « convertie » placée si près de la Maison Blanche. Si elle n’est pas prise en considération pour le poste de VP, il est possible que Tulsi Gabbard soit sollicitée pour une fonction au sein d’une future administration Trump. Elle ferait une excellente ambassadrice à l’ONU.

Tim Scott, J.D. Vance, Doug Burgum

Tim Scott fait également partie de ceux à qui l’on promet une fonction au sein d’un futur cabinet Trump.

Tim Scott

Tim Scott est sénateur de Caroline du Sud. C’est un Noir, tout récemment fiancée à une femme blanche. Il a 59 ans et en paraît dix de moins. Il arbore invariablement un large sourire et chacun dit de lui qu’il est la gentillesse personnifiée. « Trop bon pour réussir en politique », disent-ils. Et pourtant il s’est fait une place de choix à Washington. Elu à la Chambre en 2012, il est entré au Sénat en 2014 avant d’être formellement élu en 2016 et réélu en 2022. Tim Scott est une « success story » à l’américaine. Elevé par une mère seule (elle a quitté un mari abusif) et par ses grands-parents, il a fait des études grâce à une bourse de sports avant de monter sa société d’assurance. Scott affirme que sa vie a été changée par sa foi chrétienne. C’était après un grave accident de voiture qui l’obligea à abandonner ses ambitions sportives. « Le premier amendement a été rédigé pour protéger l’église de l’Etat, pas l’Etat de l’église » aime-t-il dire. Et d’ajouter : « Les dix commandements sont universels. » Il a aussi été en 2024 brièvement candidat à la nomination républicaine, participant à plusieurs débats avant de se retirer pour soutenir Donald Trump.

Sa désignation comme vice-président serait un plus indéniable quant au vote Noir, traditionnellement très favorable aux Démocrates, mais auprès duquel les Républicains ne cessent de progresser. Elle rassurerait aussi les milieux évangéliques, déçus par la rupture avec Mike Pence, même si ce vote est déjà très largement acquis à Trump. En revanche, Tim Scott n’a aucune expérience internationale et sa loyauté vis-à-vis de Trump n’a pas encore été mise à l’épreuve… Comme Mike Pence c’est une personne de principe, mue par un sens inné de la justice, qui n’acceptera pas forcément de couvrir le président quoi qu’il arrive.

J.D. Vance est également un personnage politique indépendant et hors norme, dont la loyauté va d’abord à la cause conservatrice, pas à l’homme Donald Trump. Vance est une star montante au sein du parti républicain. Qu’il soit ou non le colistier de Donald Trump, son avenir est tracé et il jouera les premiers rôles dans les années à venir, comme héritier naturel du trumpisme. Et pourtant, tout n’avait pas bien commencé entre eux…

James David Vance

Vance, qui n’a pas encore 40 ans, est le jeune sénateur de l’Ohio, un Etat du Midwest essentiel à toute quête présidentielle aux Etats-Unis. Remporté par Bush en 2000 et 2004, puis par Obama en 2008 et 2012, puis par Trump en 2016 et 2020, c’était la définition même d’un « swing state ». Aujourd’hui l’Ohio est fermement dans le camp républicain. Vance est né à Middletown, une bourgade des montagnes Appalaches, dans l’Ohio. Il a raconté sa jeunesse dans un livre devenu un best-seller aux Etats-Unis « Hillbilly Elegy », une ode à cette Amérique blanche, provinciale et pauvre à laquelle les élites démocrates ont tourné le dos et qui explique la montée et le succès d’un Donald Trump. Vance s’en est sorti. Il est diplômé en droit de Yale, passé par les Marines, déployé en Irak, puis entré en affaires à la tête de sa propre compagnie d’investissement. Son livre lui vaut aussi une reconnaissance nationale.

Toutefois Vance n’a pas toujours vu Trump d’un bon œil. Comme de nombreux conservateurs il a jugé le magnat de l’immobilier peu fiable et peu recommandable. « Il n’est pas digne d’occuper la plus haute fonction » avait-t-il écrit en 2016, confiant en privé à un de ses anciens camarades d’école que Trump  pourrait même être un « Hitler Américain ». Vance n’a d’ailleurs pas voté pour Trump en 2016. Il ne pensait pas qu’il ferait un bon président. Mais comme beaucoup, il n’a pu s’empêcher de constater le contraire. A la Maison Blanche de 2017 à 2021, Donald Trump a mené une politique efficace et prospère pour quiconque croit aux principes du républicanisme et veut rétablir le lien cassé entre les élites de Washington et le pays profond. S’il était choisi comme vice-président Vance serait inévitablement interrogé sur ses déclarations passées et elles seraient inévitablement exploitées et manipulées par le camp adverse. C’est la faiblesse de sa candidature. Il porte également une barbe. C’est sa deuxième faiblesse, car Trump n’a jamais caché qu’il n’aime pas cette mode… Ce qui est sûr, Vance sera une tête d’affiche du parti Républicain, dans les années à venir.

Doug Burgum

Doug Burgum ne peut pas en dire autant. Parce qu’il n’est pas de cette génération. C’est un sexagénaire qui sera septuagénaire en 2028 et qui représente une génération finissante. C’est une simple question d’âge. Burgum a 68 ans et occupe le siège de gouverneur du Dakota du Nord depuis 2016. Il possède un MBA (Master of Business Administration) de la prestigieuse université de Stanford et a gagné une petite fortune dans les affaires notamment au sein de l’entreprise Microsoft. C’est un conservateur avec une mentalité ancrée dans son Midwest natal.

En tant que gouverneur il s’est fixé le double objectif de faire du Dakota du Nord un Etat « neutre en carbone », sans abandonner les fuels fossiles abondants dans le sous-sol. Cette approche a provoqué un boom sans précédent d’investissements énergétiques dans son Etat. Sa désignation comme vice-président serait une indication forte de la volonté exprimée par Trump et confirmée par le programme du parti Républicain de refaire des Etats-Unis un pays indépendant en énergie – c’est-à-dire dont la production dépasse la consommation. Doug Burgum est très respecté au sein de « l’establishment » républicain, mais peu connu du grand public, même aux Etats-Unis. Etonnement, cela peut le servir. Burgum est, de tous les candidats VP, celui qui ferait le moins d’ombre à Donald Trump. Les deux hommes se connaissent et s’apprécient. Leur expérience commune d’hommes d’affaires fait qu’ils se comprennent. Par contre son apport au ticket serait limité. Le Dakota du Nord ne compte que sept cent mille habitants et il est déjà acquis aux Républicains. Burgum n’apporte pas de groupe d’électeurs particuliers. Au contraire, ses positions très restrictives sur l’avortement en feraient une cible des Démocrates durant la campagne. Si Burgum n’est pas désigné VP, il pourrait devenir secrétaire à l’énergie dans une administration Trump 2…

Le vice-président de Trump est peut-être parmi ces six personnages, ou parmi les six autres citées en tête. Ou peut-être ailleurs. Une chose est sûre. Ce sera le choix de Donald Trump, pas celui du parti.

Message aux Français qui ont peur et qui pourraient faire une bêtise

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Débordements à Paris le soir du premier tour des élections législatives, 30 juin 2024 © ANTON KARLINER/SIPA

Les « antifas » et les manifestants de gauche violents étaient de sortie, le soir du premier tour des législatives. Le front républicain anti-RN, la polémique sur la binationalité et la 3e place dans les urnes du Rassemblement national ont ensuite calmé les esprits au second tour. Mais, si Emmanuel Macron tarde encore longtemps à nommer un homme de gauche à Matignon, il n’est pas exclu que la violence regagne les rues.


Ainsi donc, la catastrophe nous sera épargnée. Je ne veux pas parler de la victoire du RN aux législatives, mais des nuits d’émeutes qu’un tel événement n’aurait pas manqué de provoquer, comme le laissaient augurer les résultats du premier tour. Mais qui sont ces gens qui sont prêts à tout détruire à l’idée que ce parti se hisse à Matignon, et que la conjuration de cette perspective rend à peine moins violents ? Qui sont ces gens qui passent en quelques jours du désespoir de juin 40 à la liesse d’août 44 ? Et qui pourraient fort bien faire le chemin inverse si jamais le président trouvait une coalition pour barrer la route à leur propre champion ?

Crédulité, angoisse, agression

Faut-il avoir vécu dans un univers parallèle, notamment depuis le 7 octobre dernier, pour croire à la menace du retour des « heures sombres » de ce côté-ci de l’échiquier politique ? La tentation est grande, de se moquer de ces foules politiquement crédules, psychologiquement instables, socialement agressives, tout ce qu’on voudra. Mais les moqueurs doivent comprendre que ces trois dispositions d’esprit sont peut-être liées, et dans cet ordre : crédulité – angoisse – agression. Qu’attendre de gens à qui des générations d’enseignants, de journalistes, de célébrités et de politiciens ont expliqué que le fascisme était à nos portes, et que cette perspective rend sincèrement, physiquement, malades ? Quand un acteur en vogue menace de « quitter la France si Le Pen arrive au pouvoir », on peut être sûr qu’il s’agit d’une posture, d’un « acte de résistance » facile qui le fera se sentir un « type bien » à peu de frais. Mais quand un métis des îles du Pacifique ou une binationale franco-italienne que vous connaissez personnellement vous disent craindre pour leur avenir et leur sécurité à l’annonce de la possible arrivée au pouvoir du RN, vous devez les prendre au sérieux. Ils n’ont pas besoin de moqueries ; ils ont besoin de vérité – et d’un peu de charité.

Pour comprendre comment on en est arrivé là, méditons une leçon, donnée bien malgré lui par le journaliste Laurent Joffrin le 3 avril 2016.

Ce jour-là, le directeur de la rédaction de Libération publiait un éditorial lucide dans lequel il dénonçait le « piège grossier » des procès en « islamophobie ». Joffrin se plaignait que son journal « qui a toujours soutenu la cause antiraciste, [soit] traité de raciste par un exalté du Net, ancien porte-parole du CCIF[1] », pour avoir critiqué le communautarisme islamiste au nom des « valeurs universalistes ». Qu’un homme qui avait fait son fond de commerce de ce genre d’accusations se retrouve accusé à son tour ne manquait pas d’ironie. On se souviendra de son portrait peu flatteur des Sarkozy, Finkielkraut, Tillinac et autre Bruckner en « prêcheurs de haine » motivés par une « hostilité primitive envers l’islam » ; de celui de Jean Raspail en « plume décatie et fascistoïde » ; ou d’Eric Zemmour en « héraut mal camouflé des idées frontistes[2] ».

Mais Laurence Rossignol, Elisabeth Badinter et Joffrin en personne tombant sous le coup des mêmes incriminations ? « Halte-là ! répliquait en substance l’intéressé. Ce sont les autres, les réacs et les islamophobes. Pas nous ! » On pourrait se réjouir de ce retour de boomerang bien mérité. A force d’attiser les peurs, il n’était que temps que l’arroseur fût arrosé. Pensez-vous que ce coup de semonce ait fait réfléchir le parangon de la gauche demi-molle ? Pas le moins du monde. Sitôt son démenti martelé, il reprenait de plus belle ses paresseuses antiennes[3]. Aucune introspection, aucune remise en cause, aucun remords.

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Pourtant, je suis tout prêt à croire qu’il y a un monde entre ce que Joffrin dit et ce que ses ennemis disent qu’il dit ; en somme : que Joffrin n’est pas Marine Le Pen ; qu’Elisabeth Badinter n’est pas Marine Le Pen, que Laurence Rossignol n’est pas Marine Le Pen, etc. Mais alors, une question vient immédiatement à l’esprit : en quoi les autres méritent-ils cet amalgame ? Alain Finkielkraut est-il Marine Le Pen ? Et d’ailleurs : Marine Le Pen est-elle Marine Le Pen ? On peut se le demander quand on écoute le programme du FN tel que se le représentait à l’époque Christiane Taubira : « les Noirs dans les branches des arbres, les Arabes à la mer, les homosexuels dans la Seine, les Juifs au four et ainsi de suite[4] ». Ne constatons-nous pas le même monde entre ce que Marine Le Pen dit et ce que ses ennemis disent qu’elle dit ? Si Joffrin veut nous convaincre que toute remise en cause de l’immigration de masse ne peut être que motivée par la haine essentialisante de l’étranger, et non par l’hostilité aux politiques migratoires néo-libérales qui déplacent les peuples comme des marchandises, pourquoi devrions-nous le croire quand il nous explique que sa propre critique de l’islam n’est pas motivée par la haine essentialisante du musulman, mais par l’hostilité aux dogmes de cette religion ?

J’ignore si Joffrin et Taubira croient ce qu’ils racontent. Ce que je sais, c’est que leur manière de raisonner, appuyée par la toute-puissance des médias pour le premier, celle de la parole publique pour la seconde, mène droit à la paranoïa. Devons-nous nous étonner de voir tant de nos compatriotes souffrir de cette affection aujourd’hui ? Gardons-nous toutefois de le leur reprocher.

Un mystérieux envoûtement

Pour des raisons encore à éclaircir, beaucoup de gens font confiance aux Joffrin et aux Taubira, et écoutent ce qu’ils ont à dire. On peut le déplorer – il faut le déplorer, et il faut sérieusement réfléchir au moyen de briser cet envoûtement. En attendant, reconnaissons qu’entendre « les Noirs dans les branches des arbres, les Arabes à la mer, les homosexuels dans la Seine, les Juifs au four et ainsi de suite » n’a rien de rassurant pour quelqu’un qui prend ce discours au sérieux. Si vous-même, vous vous sentiez menacé d’un tel sort, ne seriez-vous pas prêt à faire n’importe quoi pour empêcher que cela arrive ? A frapper avant qu’on vous frappe ? A tuer avant qu’on vous tue ? Et une fois votre crime commis, comment sauriez-vous qu’en fait, vous avez tué un innocent ?

Peut-être n’êtes-vous pas inquiet pour vous-même, mais pour votre voisin métis ou binational ? Soit. Mais la sollicitude pour les autres n’est pas moins dangereuse, car elle peut tout permettre au nom d’un alibi invincible : le désintéressement. Comme nous l’a appris autrefois C.S. Lewis dans une page de sagesse éternelle, « [m]ême un bon sentiment comme la pitié, s’il n’est pas contrôlé par la charité et la justice, mène, par la colère, à la cruauté. La plupart des atrocités sont provoquées par le récit de celles commises par l’ennemi, et la pitié pour les classes opprimées, quand on l’isole de la loi morale dans son ensemble, mène, par un processus très naturel, aux brutalités implacables d’un régime de terreur[5] ».

Ne nous méprenons pas : le mal pur existe, et contre lui, chacun devrait avoir le droit de se défendre. Parfois, l’ennemi commet réellement les crimes dont on l’accuse. Il y a peut-être quelque part des gens qui n’attendent qu’une occasion d’en découdre physiquement avec des étrangers parce qu’ils sont étrangers. Et à force d’entendre que le RN est le parti des « ratonnades », ces gens pourraient bien commencer à y croire eux aussi – et en conclure que l’accession du RN au pouvoir constitue précisément l’occasion rêvée. Aussi, répétons-le : le mal pur existe. Mais le diable existe aussi, qui exploite cette vérité pour la pervertir ; qui dresse le voisin contre le voisin, le frère contre le frère ; qui les transforme en ennemis les uns pour les autres en faisant le récit de crimes imaginaires, semant dans les esprits le même doute paranoïaque que certains de nos contemporains irresponsables.

Irresponsables ? Peut-on tout mettre sur le dos du malentendu ? Pour soulever la violence homicide des foules avec quelque chance d’avoir l’air d’un bienfaiteur de l’humanité, pas de meilleur moyen que d’invoquer l’existence d’un complot ou l’imminence d’un génocide. Mais cela implique un certain profil psychologique, une certaine disposition à la malveillance.

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George Orwell connaissait très bien ce genre de profil. Une page de son roman Un peu d’air frais, publié quelques mois avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, dresse un portrait si saisissant, si pertinent pour notre temps, de « l’intellectuel antifasciste », qu’il me semble nécessaire d’en reproduire ici un large extrait. Dans un épisode de ce texte pénétrant, le protagoniste, un Anglais moyen, se laisse entraîner par son épouse à une réunion du « Club du livre de gauche » où le conférencier s’en prend aux fascistes :

« “Atrocités bestiales… hideuses explosions de sadisme… matraques… camps de concentration… inique persécution des juifs… retour à l’obscurantisme… civilisation européenne… agir pendant qu’il en est temps… indignation de tous les peuples qui se respectent… alliance des nations démocratiques… résister fermement… défense de la démocratie… démocratie… fascisme… démocratie… fascisme… démocratie…” »

Et voici les réflexions que ce galimatias inspire à Orwell au travers de son narrateur – en gardant à l’esprit que le futur auteur de 1984, qui avait alors face à lui de vrais fascistes, comprenait déjà parfaitement comment on peut en inventer de faux :

« Vous connaissez le refrain. Ces types-là peuvent vous le moudre pendant des heures, comme un gramophone. Tournez la manivelle, pressez le bouton, et ça y est. Démocratie, fascisme, démocratie. Je trouvais quand même un certain intérêt à l’observer. Un petit type assez minable (…). Qu’est-ce qu’il fait là ? Ouvertement, d’une façon délibérée, il attise la haine. Il y va de son foutu mieux pour vous faire haïr certains étrangers qu’il appelle fascistes. Drôle de chose, je me disais, être “Untel, l’antifasciste bien connu”. Drôle de truc, l’antifascisme. (…) Chaque slogan est vérité d’Évangile à ses yeux. Si vous le mettiez en morceaux pour voir ce qu’il y a à l’intérieur, vous trouveriez démocratie – fascisme – démocratie. (…)

Ce qu’il disait, c’était seulement qu’Hitler en a après nous et que nous devons nous rassembler, et avoir une bonne séance de haine. Glissons sur les détails, restons entre gens de bonne compagnie. Mais ce qu’il voyait, c’était tout à fait autre chose. C’était une image de lui-même armé d’une clé anglaise, frappant les visages des gens. Des visages fascistes, bien entendu. Je sais que c’est ce qu’il était en train de voir. (…) C’est ce qu’il a en tête, qu’il dorme ou qu’il veille, et plus il y pense, plus ça le tente. Et tout est très bien, du moment que les visages écrabouillés sont des visages fascistes[6]. »

Voilà le genre de personnage qui dressait les esprits hier, et qui les dresse aujourd’hui. Le reconnaissez-vous ? La violence est inhérente à ce mode de pensée. Pourtant, rien ne nous condamne à revivre les horreurs qu’Orwell et sa génération ont vécues. Mais pour que cela ne se reproduise plus, nous avons besoin d’une chose, une seule : que tout le monde se calme.

Un peu d'air frais

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[1] http://www.liberation.fr/france/2016/04/03/piege-grossier_1443734.

[2] https://www.liberation.fr/societe/2015/07/09/des-mosquees-dans-les-eglises-n-en-deplaise-aux-precheurs-de-haine_1345470.

[3] Voir https://www.liberation.fr/politiques/2018/09/19/salut-les-racistes_1679794 ; https://www.liberation.fr/debats/2019/05/29/la-nouvelle-star-de-la-reac-academie_1730461 ; et même : https://www.liberation.fr/france/2019/02/18/le-retour-de-la-peste_1710172.

[4] https://www.liberation.fr/france/2015/04/08/front-national-l-obsession-judiciaire_1236184.

[5] C.S. Lewis, Le Problème de la souffrance [1940], trad. Denis Ducatel, Le Mont-Pèlerin, Raphaël, 2005, p. 90. Je souligne.

[6] George Orwell, Un peu d’air frais [1939], trad. Richard Prêtre [1983], Paris, 10/18, 2000, p. 193-198.

Manu-la-grenade

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Le Touquet, 7 juillet 2024 © Mohammed Badra/AP/SIPA

Dans sa dernière lettre aux Français, le chef de l’État a contesté la victoire de la gauche aux législatives (« Personne ne l’a emporté ») avant de défendre un « large rassemblement » sans RN ni LFI.


Dans la fable Les Animaux malades de la Peste, La Fontaine raconte une maladie terrible, protéiforme, la peste « qui fait aux animaux la guerre ». Pour en venir à bout, rien de tel, politiquement, qu’un bouc émissaire : cet ennemi fictif désigné comme victime expiatoire. Manu-la-Grenade, comme dit Onfray, aurait tort de se priver —ça marche à fond la caisse— qui donne du temps au temps pour « répondre » —quel cynisme ! — « aux angoisses des Français » ainsi qu’aux forces républicaines. Oui, a dit le petit prince, machiavélique, je vous laisse le temps de « refléchir » comme disait Escartefigue dans Pagnol. « Refléchir » pour faire, d’une folie politique d’un soir, un bijou républicain. Et c’est reparti ! Plus que jamais, haro sur le baudet ! Belle continuité, soit dit en passant, que ce haro, cette vieille coutume juridico-politique qui, venue de Normandie, et désignant un ennemi fictif, dispense de désigner des coupables et de remédier au mal lui-même.

Et rebelote, après les élections ! Sus, donc, au RN en vue de 2027, ce pelé, ce galeux d’où vient tout notre mal ! Depuis A jusqu’à Z, analphabétisme, immigration, insécurité, islamisme, misère, c’est la faute au RN ! Fanatisme, homophobie, viols en veux-tu en voilà, tout ça, c’est le RN. Le dérèglement climatique ? Le RN. Sus à la bête tapie ! Un fiché S entre à l’Assemblée aux côtés d’un ancien président de la République recalé aux élections présidentielles.

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Macron est un disciple de Machiavel. Il a l’art, y a pas à dire. De ce vote historique, il a fait un vote hystérique. On sait que l’hystérie est dans nos gènes depuis les lois sociétales. Ceux qui s’opposaient aux lois étaient des hystériques. D’où l’absence de débats pour ne pas « hystériser les débats ». À mots couverts —des oreilles sont partout— entre amis, entre voisins, secret défense oblige —on évoque, avec un sourire entendu, d’un clin d’œil complice, le mal auquel on a échappé. Antiparlementaire, antiflic, antisémite, elle était bien là, tapie, la bête immonde, la mangouste du Livre de la jungle. Une députée inspirée, Manon Aubry, a dit qu’on n’avait pas le choix : « C’est Hitler ou le  (Nouveau) Front populaire ». Manon Aubry parle d’or.

Ca tiendra, le temps que ça tiendra. C’est toujours ça de pris, pense Manu-la-Grenade. Je suis le maître des horloges. Sont-ils facilement manipulables, ces Français, avec leurs idéologies et leurs disputes stériles, leur ignorance et leur sang chaud ! Et ces Républicains qui, noyés au fond de la piscine, croient ressusciter en sirènes, sous l’onction d’un nouveau maître-nageur ! Peu me chaut leurs indignations, les analyses qui n’en finissent pas ! Peut me chaut également la colère de mes proches. Je parle, on commente : j’ai du temps devant moi. Et j’ai encore, que je sache, le pouvoir de censurer, de faire et de défaire. Quia ego nominor Leo.

Alors, j’ai pensé — il faut toujours penser à nos Anciens— à la colère de Démosthène  dans les Philippiques, haranguant les Athéniens, au moment où le roi de Macédoine, Philippe, est aux portes d’Athènes. Les Athéniens —ce peuple ultra démocratique— beaux parleurs, chicaneurs et inconstants, à l’esprit civique affaibli —qui aimait se bercer d’illusions, prêtait l’oreille à une histoire sans intérêt, au lieu d’écouter l’orateur lui montrant le danger. On connaît la fin. La faute à qui ? Au RN bien sûr !

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Se mettre à table, une honte?

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DR.

Se mettre à table, au propre comme au figuré.


Aurélien Rousseau, député socialiste et ancien ministre de la Santé, a vendu la mèche quand il a remercié les médias complaisants qui, durant la campagne entre les deux tours des élections législatives, ont favorisé la gauche et le Nouveau Front populaire. Voilà une personnalité qui avec une sincérité reconnaissante révèle ce qui serait demeuré ignoré de la plupart des citoyens, persuadés que dans notre démocratie tous les candidats sont traités avec équité ! Il faut reconnaître que sa gratitude ne se trompe pas de cibles puisqu’elle rend grâce au Monde, à La Croix, à Libération et à France Bleu. Ce que nous étions quelques-uns à percevoir – une partialité médiatique contre le Rassemblement national, battant en brèche les exigences d’une information honnête – prend toute son importance quand l’un des bénéficiaires de cette discrimination délibérée l’avoue avec candeur. Je ne doute pas que le fait de n’avoir jamais été mis en cause pour sa volte politique et sur le fond a rendu ses remerciements encore plus authentiques. Passant d’Emmanuel Macron au NFP, d’une réforme des retraites à sa possible suppression, il aurait pu trembler mais ces quatre médias ont été aimables avec lui ! Il s’est mis à table au figuré.

Édouard Philippe, lui, s’est vu reprocher de s’être attablé au propre au mois de décembre 2023 avec Marine Le Pen à l’initiative de Thierry Solère – dont apparemment personne n’est gêné par ses multiples mises en examen. Ce dîner aurait dû demeurer secret. L’ancien Premier ministre a été questionné comme s’il s’agissait d’une honte, d’un scandale. Marine Le Pen estimant, elle, que « c’était tout à fait normal ». Il a assumé cette rencontre en soulignant d’abord qu’il dînait avec qui il voulait et qu’ensuite, si leurs échanges avaient été cordiaux, il en avait profité pour lui faire part de ses nombreux désaccords. Il n’aurait pas davantage refusé de s’attabler avec Jean-Luc Mélenchon, exactement dans les mêmes conditions.

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Je conçois que l’interrogation puisse s’attacher au caractère longtemps maintenu secret de ce repas comme si les deux convives avaient eu eux-mêmes conscience de sa particularité. Je comprends bien qu’une transparence absolue est impossible et que de fait elle rendrait invivable la vie politique qui parfois impose des échanges discrets. Mais il est navrant qu’au-delà de cette évidence, une sorte de retenue continue à peser sur les relations qu’on n’ose pas avouer cordiales avec Marine Le Pen ou Jordan Bardella. Comme s’il y avait une obligation morale à détester l’une ou l’autre et que la simple discussion ou dénonciation de leur programme ne suffisait pas. Il faut pousser encore plus loin l’hostilité.

Bien sûr, au sein de son camp, tous les bons apôtres, les âmes pures ont protesté en affirmant qu’ils n’auraient jamais accepté de dîner avec Marine Le Pen, ce qui est se moquer du monde ! Cet épisode n’est pas dérisoire qui montre la manière dont un homme politique qui a de hautes ambitions pour 2027 sait ou non affronter des polémiques à la fois insignifiantes mais tellement révélatrices de notre médiocre climat républicain. Imaginons que demain on apprenne que Gérald Darmanin a dîné en secret avec Marine Le Pen : il y aurait le même type de controverse. Aussi aberrante. Sans doute réservé à la seule famille Le Pen ou Marion Maréchal ou Éric Zemmour. Comme si nous étions, avec eux, en guerre humaine et pas seulement en contradiction politique. La haine que ses ennemis reprochent au RN de diffuser, est en réalité partout dans le monde politique. On a peur de se mettre à table pour n’être pas tenté d’écouter, de comprendre ou, qui sait, d’approuver ?

Touche pas à mon vote

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Réactions de Gabriel Attal et Jordan Bardella après l’annonce des résultats du premier tour des élections législatives, Paris, 30 juin 2024 © Gabrielle CEZARD/SIPA – NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Face aux victoires électorales à répétition du RN, les élites parisiennes ont mis en place un « quoi qu’il en coûte » politique doublé d’un confinement des doléances françaises. Tout sauf Bardella ! À coups d’âneries antifascistes et de chantage aux heures les plus sombres, l’alliance improbable du camp du Bien (la gauche) et du Cercle de la raison (la Macronie) a-t-elle réussi ? Jusqu’à la prochaine fois.


Le peuple a parlé, comme le voulait le président. Mais vu qu’il dit des âneries, il est urgent de le faire taire. Les 9 et 30 juin, les Français ont massivement voté pour une politique de droite, c’est-à-dire d’autorité et de retour à l’ordre public. Et ils pourraient se retrouver avec un gouvernement de gauche. Au moment où vous lirez ce journal, on saura si ce prodige démocratique – la transformation du plomb populiste en or macrono-socialiste – s’est réalisé. Ce serait la première fois, sous la Ve République, qu’un parti ayant dépassé (en l’occurrence largement) 30 % à un premier tour des législatives échoue à obtenir la majorité au second. Dans ce scénario, le RN et ses alliés ciottistes seront l’opposition d’une coalition de carpes et de lapins dont le seul point d’accord, après trois semaines à s’invectiver, est de se débarrasser du trublion. Tous contre un ! Dans leur langue étrange, ils appellent ça « faire barrage à l’extrême droite ». En bon français, cela signifie « congédier le réel ».

Réalités parallèles

Quelle que soit son issue, le spectacle joué pendant trois semaines mérite qu’on y revienne. « Une tragédie française », selon Alexis Brezet. Ou une comédie de boulevard. Au premier acte, Ciotti quitte le foyer conjugal avec pertes, fracas et la clef du coffre pour vivre au grand jour son idylle avec Bardella. « Le grand méchant loup arrive pour manger les petits enfants ! » hurle le chœur. Affolés, le cercle de la Raison (la Macronie) et le camp du Bien (la gauche) se précipitent dans les bras l’un de l’autre. Il y a d’abord des baisers furtifs, des œillades appuyées, des étreintes un peu forcées. On essaye de faire taire le grand-père gaffeur, celui qui fait des blagues antisémites. À la fin, tout est pardonné. Contre Hitler, il fallait bien s’allier avec Staline (qui n’était pas franchement innocent en matière d’antisémitisme). On a donc besoin d’un Hitler dans le tableau.

Beaucoup de Français, insensibles à la drôlerie du carnaval antifasciste, ont plutôt eu le sentiment de regarder un film de science-fiction mettant aux prises deux réalités parallèles. Le 30 juin, pendant que Bardella promet d’être le Premier ministre de tous et de respecter les institutions, sur les plateaux de télévision ses adversaires sont en mode « fascisme à nos portes – aux armes citoyens ». « Pas une voix au RN », affirme la voix tremblante un Attal redevenu en un tournemain un militant socialiste. Le déconomètre s’emballe : s’ils prennent le pouvoir, ils ne le rendront pas, assène l’un. C’en sera fini de nos libertés, renchérit l’autre. « La lutte contre l’extrême droite, c’est notre ADN », répètent des gens sincères, reconnaissant implicitement que le nom Le Pen les empêche de penser – puisqu’il s’agit d’hérédité. Ce qu’ils reprochent au RN, c’est son passé, à leurs yeux bien plus encombrant que le présent de leurs amis. Et puis, ils ont l’air respectables, mais en vrai, ils n’ont pas changé. En somme, ce que ne disent pas ces fourbes du RN est beaucoup plus grave que ce que disent ouvertement certains élus de gauche. Perso, je préfère les gens qui cachent leurs mauvais sentiments à ceux qui les clament sur les toits.

Quinzaine anti-Le Pen

Sans surprise pour ceux qui ont connu les précédentes « quinzaines anti-Le Pen » (Muray en 2002), en trois semaines, tous les bataillons de grands esprits et belles âmes ont défilé en rangs serrés : intermittents du spectacle, avocats, juges, rappeurs, médecins, historiens, marchands de pianos et abonnés au gaz, sans oublier, ce qui est scandaleux, des diplomates et des présidents d’université, pas une corporation n’a manqué cette occasion de sermonner le populo. L’électeur RN est au choix un salaud insensible aux joies de la diversité, un idiot manipulé par les Russes ou CNews, ou encore un malade égaré par la souffrance qu’il convient d’isoler derrière un cordon sanitaire pour éviter la contamination. Contre tous les principes du syndicalisme, madame Binet demande aux sympathisants RN de dégager de la CGT. Ils puent – c’est leurs idées nauséabondes. La même, qui n’en est pas à une infamie près, félicite une foule haineuse d’avoir « résisté à une agression fasciste » en tabassant dix jeunes filles munies de pancartes. La lâcheté, c’est le courage – c’est beau comme du Orwell.

Tout ce tintamarre a l’avantage de couvrir le message des urnes. Comme l’observe Fourquet, l’électorat RN, c’est le peuple de la bagnole. Dans la France de Bardella, on se chauffe au fioul, toute hausse du prix de l’essence est synonyme d’un petit plaisir en moins, accoucher est problématique et on fait des kilomètres pour aller chez le dentiste. Sinon, on prend du Doliprane et on serre les dents. Maurras opposait le pays réel au pays légal. Brighelli oppose « Paris, ville irréelle » à la vraie France « qui roule au diésel parce que c’est moins cher et fait des barbecues parce que c’est meilleur[1] ». Ce désarroi de la France oubliée n’explique pas qu’entre deux premiers tours (2022 et 2024), le RN soit passé de 18 à 32 % des suffrages et de 4,2 millions à 11 millions de voix. C’est que l’homme ne se nourrit pas seulementde pain. Les émeutes consécutives à la mort de Nahel et le meurtre de Thomas à Crépol, pour ne citer que deux événements dramatiques, nourrissent le sentiment de dépossession. Les électeurs RN veulent bien accueillir, pas devenir culturellement minoritaires chez eux. Ils ont tort, c’est Mélenchon qui le dit : « Ceux qui s’appellent Français de souche posent un problème sérieux à la cohésion de la société. » Vous êtes tous des immigrés, arrêtez de nous enquiquiner avec votre vieille culture et vos mœurs libérales, si offensantes pour les nouveaux arrivés. Prière de laisser la place à la nouvelle France et de disparaître en silence.

On dira que les électeurs ont pu faire leur choix et que la démocratie a parlé. Sauf que la démocratie suppose un débat loyal et pluraliste. Il est parfaitement légitime de critiquer le RN et ses projets, mais quand toutes les voix autorisées font chorus dans le chantage au nazisme, l’électeur est-il libre de son choix – ne peut-on pas parler d’emprise ? Pendant trois semaines, les vierges effarouchées ont martelé que, même s’il gagnait les élections, le RN serait illégitime pour gouverner. Les Soulèvements de la terre, qu’une partie de la gauche couve d’un œil énamouré, ont annoncé qu’ils s’opposeraient physiquement à son accession au pouvoir. Autant dire que, même si Jordan Bardella est à Matignon demain, il devra affronter moult chausse-trappes et empêchements. Pour sauver la démocratie, il faut savoir la mettre en veilleuse.


[1] Jean-Paul Brighelli, « La revanche de la France périphérique », causeur.fr, 2 juillet 2024.

Les aventuriers de l’arc perdu

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Les députés LFI Clemence Guetté et Manuel Bompard devant l'Assemblée nationale, Paris, 9 juillet 2024 © ISA HARSIN/SIPA

« Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire… » Bibi fricoteur s’est fait piquer les clés de la République par les Pieds Nickelés du NFP


Le Nouveau Front populaire est en ébullition. Depuis le 7 juillet et le miracle du poteau rentrant dans les arrêts de jeu de la 2e mi-temps des législatives, les deals, la guerre de course, aux fromages, vers Matignon, s’emballent. Mon soutien contre un maroquin, deux agates et un calot… L’Éducation nationale, c’est trop fatiguant, la Culture aussi… Je veux l’Écologie ou la Villa Médicis ! Les cadors se marquent à la culotte, se méfient du contre-la-montre, préparent le sprint final. Rien n’est jamais acquis… Jupiter des hommes de bonne volonté danse avec les loups, explore une troisième voie centralo-citoyenno-républicaine, sur tapis vert, des pactes Lustucru. LFI menace de lâcher ses Fedayins-Antifas sur Matignon-Sigmaringen. Bientôt un 6 février 34 de gauche, festif, Septembre noir participatif, 18 Brumaire brûlant… Le combat continue.

Les aventures de Manu Lambert…

« Dans la banlieue où qui fait nuit ; La petite route est déserte ; Manu Lambert rentre chez lui ; Dans le lointain les insoumis poussent des cris ; Ça y est j’ai planté le décor ; Créé l’climat de ma chanson ; Ça sent la peur, ça pue la mort ; J’aime bien c’t’ambiance pas vous ? Ah bon. Plus y s’angoisse moins ça va mieux ; Quand soudain lui surgit une idée ; J’vais siphonner un vote ou deux ; Faut bien que j’me défoule un p’tit peu ; J’suis énervé (…) T’aurais pas dû, Manu Lambert ; Dissoudre et lancer les Légis ; T’aurais dû rester chez ta mère ; Comme un bon fils… Ta ta ta ! » (D’après Renaud).

Pierrot le Fou-président a dégoupillé la grenade de la dissolution, pris son risque, ses pieds dans le tapis et les mèches des bâtons de dynamite.  « Ce que… je voulais dire… oh … pourquoi… Après tout, je suis idiot Merde… Merde… BOUMMM !!! ». La jeunesse est un naufrage. Bibi fricoteur s’est fait piquer les clés de la République par les Pieds Nickelés du NFP, ivres de probité candide et de vin rouge. Les mouches ont changé d’ânes, les louches ont changé d’âme. Le naufrageur ne regrette rien, s’autoproclame garant de la démocratie. Sa force et liberté de manœuvre, c’est d’ignorer ce qu’il veut, où il va. « Qu’est-ce que je peux faire ? J’sais pas quoi faire… ». Ferdinand Macron n’a jamais su y faire avec Marianne. Pour clarifier la clarification, sortir du bourbier, après la foudre, Jupiter se prend pour Polnareff, écrit des Lettres à la France. Va-t-il nous montrer ses fesses sur la plage de Brégançon ?

Le Cercle des prophètes disparus

On les connait, on les reconnait, ils osent tout. Ils sont dangereux parce qu’ils n’ont rien à perdre. Les Tartuffe du pourtousisme, révolutionnaires en peau de lapin, ont des visions, vivent de slogans, de subventions, s’exilent à Dubaï, au Réal, posent pour les magazines, au Festival de Cannes, à Saint-Vincent-de-Paul de Vence. Peu leur importe la paix civile, la concorde, la prospérité nationale, les déficits abyssaux. Tant pis ou tant mieux si tout explose. Viva Zapata ; Familles, je vous hais ; Ni Dieu (sauf Allah) ni maitre ; Société, tu m’auras pas ! Sus à la panique morale, pas de crispations, We are the world, Non au nauséabond, No Pasaran ! Les rappeurs, sauvageons sympathiques souvent sanguins, sont des artistes. La muse les habite. Leurs complotisme, antisémitisme, appels aux viols et aux meurtres, font bouger les lignes (de coke), « font partie du code » (dixit, Marine Tondelier)… du code pénal. « À force de n’être chez eux nulle part, ils ont fini par prendre le mauvais genre de s’y croire partout » (Anouilh).

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Le peuple, méfiant, ne croit plus aux romans sur la vie, grand désert où luit Ferré, Ferrat, Potemkine, la Liberté ravie. Les culs-terreux et prolos ont beaucoup déçu France Info, les progressistes, les écolos, les sociologues. Après les OS, les OQTF. Après la grosse caisse des grands soirs prolétariens, place aux concertos « citoyens » avec Tam-Tam inclusif et flute de paon humaniste. Du vent, de la volupté, des remords et le courage du bon. Les crieuses de vieux chapeaux, damnés de la chaire, pétroleuses du génie lesbien, Laure Adler, Rokhaya Diallo, Alice Coffin prospèrent dans le woke business, la diversitéocratie, les dominés, les races, l’invisible. Touche-pas à ma rage, mes stages de rééducation, mon buzz, mes sponsors, mon Nobel. Nous sommes riches de nos différences.

À venir avec le NFP à Matignon : un ministère du blocage de la misère, un 666e plan de redressement de l’École des fans, garanti boulgour sans gluten à la cantine, kit républicain sur la laïcité coranique et abaya pas de quoi en faire tout un plat. Les faits, comme les fanatiques, sont impitoyables. Socialisme et Berbérie. Deux générations de gauchisme, d’idiots inutiles, Bourdieuserie, culture de l’excuse et lâcheté politique, auront eu la peau de notre civilisation ; le pays implose.

La recette du cake d’amour

Tout le monde fait semblant d’avoir entendu le dernier avertissement de la dernière chance, avant le début du futur compte à rebours de la prochaine élection. Guignol’s band et Fééries pour une autre fois. Depuis quarante ans, la même rengaine, la méthode couarde, les mots creux qu’on dit avec les bleus. Il est minuit au clocher de l’église. Le mantra magique pour fédérer, rassembler, c’est le « progressisme ». Comme les spaghettis, consensuel, nourrissant, le progressisme se cuisine à toutes les sauces : bolognaise prolo, arrabiata insoumis, pesto rouge bio, basilic écolo, puttanesca avec pulpe féministe… « L’avenir est un lieu commode pour y mettre des songes » (Anatole France).

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La mode est à l’architecture, aux ponts, barrages, arcs, républicains. Barrage de Malpasset ou contre le Pacifique ? Arc Tudor, Mozarabe, surbaissé, rampant, en anse de panier ? Le plus élégant est en plein centre ! Les triomphes, c’est fini… Les voussoirs et contreforts du « vivre ensemble » ont du mou. Le psittacisme antifasciste fait pschitt. Les châteaux en Espagne (républicaine) de Numérobis se construisent en sophismes et palinodies. Si le Rassemblement National, baudet pelé, galeux d’où vient tout le mal, n’est pas dans « l’arc républicain », où est-il ? De quoi est-il le nom ? Royaliste, fasciste, factieux, dangereux pour la démocratie ? Qu’attend Gérald Darmanin pour le dissoudre en application du code de la sécurité intérieure ?

Bonnes à tout (faire) avaler, les forces obscures, maléfiques, magiques, menacent et cimentent. Réaction, néo-libéralisme, illibéralisme, populisme, autoritarisme, masculinisme… Les journalistes angoissés, politologues chevronnés, chercheurs imminents, peinent à définir ces nuisibles dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Deux certitudes : ils ne votent pas à gauche et sont un danger pour la démocratie. Hors compétition, indétrônable mamba noir, plus dangereuse que le scorpion (gilet) jaune à queue large ou la pieuvre à anneaux bleus (blanc, rouge), « l’extrême droite » reste ballon d’or toutes catégories de la Champions League du camp du mal.

Crier au loup ad nauseam, manipuler les peurs, multiplier les leçons de morale à géométrie variable, les concours de poutre et de paille, chantages aux « extrêmes », rajoutent de la confusion à l’hypocrisie. Le salaire de la peur nous le payons cash. La démonétisation de la classe politique et l’exaspération d’une frange grandissante de l’électorat, stigmatisée et marginalisée. L’instrumentalisation de l’indignation annihile les défenses immunitaires démocratiques qui manqueront lorsque les vrais fascistes seront aux portes du pouvoir.

« Les hommes sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées, d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances » (Fustel de Coulanges).

Contre-Poison: un nouvel antidote contre la Pravda de gauche

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Nina Pravda et Loup Viallet © D.R

Interview avec Loup Viallet, spécialiste de l’Afrique et créateur du nouveau journal indépendant, Contre-Poison.


Causeur. Contre-Poison : pourquoi ce titre?

Loup Viallet. Avec ma compagne Nina Pravda et quelques bonnes plumes, nous souhaitions créer un nouveau journal indépendant de droite nationale, pro occidental, gratuit et en accès libre.
C’est en écumant les titres de vieux journaux que l’on a compris qu’il nous fallait un titre neuf, loin des clivages d’autrefois. C’est ainsi qu’on a pris la décision de ressusciter une publication de 1791 qui n’a duré que quelques mois, Contre-Poison. Un titre incisif pour un journal indépendant qui nous paraît trouver parfaitement sa place dans cette période d’instabilité politique tout à fait inédite.

De quels sujets traite Contre-Poison ?

L’extension de l’empire du wokisme au sein de nos universités, la démultiplication des cyberattaques contre nos hôpitaux et nos services publics, la montée de l’islamisme dans toutes les strates de la société nous inquiètent particulièrement. La banalisation de l’antisémitisme dans les mouvements gauchistes politico-estudiantins nous alerte fortement. À ce sujet, nous avons récemment interviewé maître Gilles-William Goldnadel et lancé une pétition pour la fermeture de Sciences Po Menton, creuset antisémite en roue libre formant nos futurs diplomates. Je vous invite à la soutenir !

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Notre journal est un espace généraliste, la rédaction de Contre-Poison traite de tous les thèmes qui concernent la France, de la sécurité à l’économie, en passant par le patrimoine avec Stéphane Bern, à la culture indé, on ne s’interdit aucun sujet.
Enfin, nous pensons que certains sujets, ne doivent plus être monopolisés par la gauche médiatique. Le réchauffement climatique, par exemple, qui a des conséquences catastrophiques sur notre économie et contribue à attirer de plus en plus de migrants sur notre sol, est une thématique qui a sa place dans nos colonnes. 
Nous travaillons actuellement sur l’impact de l’immigration sur la Côte d’Azur, et publierons prochainement une série d’enquêtes, ville par ville.

On remarque un intérêt pour les questions géopolitiques. Qui est la cible de ces articles ? S’agit-il d’influer sur les décideurs, politiques et économiques ? Ou tout simplement d’informer le public ?

Avec la guerre à nos portes, la cyberguerre au quotidien, les défis climatiques et migratoires plus pressants que jamais, les relents de l’antisémitisme et le décrochage technologique de l’Europe, cela fait un bout de temps que les questions géopolitiques font irruption dans notre actualité nationale. Une militante pro-Palestine a même récemment été élue au Parlement européen sans mentionner une seule mesure pour notre pays au cours de sa campagne électorale ! Je suis certain que vous savez de qui je parle…
Nous avons plus que jamais besoin de clarté sur les questions géopolitiques : cela nous paraît indispensable pour comprendre et résoudre nos problèmes intérieurs. Ainsi, nous avons longuement donné la parole à des experts comme Alexandre Melnik, un ancien diplomate soviétique et ex-plume de Gorbatchev ou à Yosuke Shimono, ancien diplomate japonais en poste à Paris.

A lire aussi : Causeur: En première ligne dans la guerre des idées, Notre jeunesse

On sait que vous vous occupez de questions concernant l’Afrique. Quelle est la doctrine française actuelle par rapport aux relations avec les pays africains ? A-t-elle besoin d’évoluer radicalement ? 

Aucune OQTF ne peut être appliquée sans l’accord des pays d’origine des migrants. Tourner le dos aux réalités africaines est la pire méthode pour maîtriser les flux d’immigration clandestine dans notre pays. La dernière enquête que nous avons publiée documente, avec des informations exclusives, le nouvel axe migratoire qui relie le Sahel aux Pyrénées.
En Afrique, la France est comme un canard sans tête. Elle court partout sans savoir où aller. Une chose est certaine : les faiblesses africaines sont le meilleur terreau pour déstabiliser l’Europe. La Turquie, la Chine et la Russie l’ont très bien compris.

Quel est le modèle économique de Contre-Poison ?

Le bénévolat ! Notre journal étant gratuit et en accès libre, nous parions sur la générosité de nos lecteurs pour continuer à travailler et produire des articles et des enquêtes de qualité.

Le grand hi-han républicain

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Jean-Marie Le Pen qualifié au second tour de l'élection présidentielle, 21 avril 2002 © CHAMUSSY/JOBARD/SIPA

Des candidats se sont désistés dans 215 circonscriptions pour faire barrage au RN, rendant le souhait de Mélenchon de voir le programme du Nouveau Front populaire appliqué gaguesque, rappelle le politologue Renaud-Philippe Garner. Pendant que le « front républicain » permet au RN de se victimiser, et de dénoncer un système qui se liguerait contre lui de manière injuste, les caisses du parti de la droite populiste se remplissent.


Le soir du 7 juillet, face aux résultats du second tour des élections législatives, nous apprenions que le « front républicain » avait très bien fonctionné. Rappelons que ce pacte électoral a pour but de battre un ennemi désigné, en l’occurrence un ennemi de la République. Lorsqu’un parti dit non républicain risque de l’emporter, tous les partis républicains doivent se désister afin de soutenir le candidat républicain le mieux placé pour l’emporter. Le cas d’école est l’élection présidentielle de 2002. Nombre d’électeurs se pincèrent le nez et votèrent pour Chirac afin de « faire barrage » à Jean-Marie Le Pen.

Êtes-vous vraiment certains que le RN ait perdu, et que Mélenchon ait gagné ?

Plus de deux décennies plus tard, nous découvrons que malgré l’efficacité incontestable et la cohérence exemplaire de cette manœuvre électorale, la République serait encore et toujours en danger. Hannibal ad portas! Sur l’autel de la République, on se sacrifia sans mesure. Dans 215 circonscriptions, des candidats se sont désistés afin de « faire barrage » au Rassemblement national. Comme le candidat cauchemardesque a été défait 173 fois sur 215, nous avons la preuve indiscutable que le front républicain est une merveille stratégique.

Les chiffres ne mentent pas et par conséquent le triomphalisme des uns et des autres est parfaitement justifié:

Il est donc inutile, voire pervers, de rappeler que le Rassemblement national est désormais le parti avec le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale. Certes, la plus grande coalition est celle formée par le Nouveau Front populaire avec 182 députés, mais cela représente l’addition de sept étiquettes/partis. La coalition du gouvernement, composée de huit étiquettes/partis, enverra 168 députés au palais Bourbon. Piteusement, le Rassemblement national et sa seule formation alliée (Les Républicains à droite) n’enverront qu’un rachitique cheptel de 143 députés. Manifestement, ce sont les seuls chiffres qui comptent. Inutile de rappeler qu’avec 126 députés, le Rassemblement national est le parti qui dispose du plus grand nombre de députés, suivis par Renaissance avec 102 et la France Insoumise avec 74. Comme les coalitions sont toujours plus stables et durables que les partis, il faut uniquement considérer les premières et ignorer les seconds. Forcément…

À lire aussi, Elisabeth Lévy: Touche pas à mon vote

D’ailleurs, il serait d’une maladresse inouïe de souligner qu’en 2017, le Rassemblement national ne disposait que de huit députés, lui qui longtemps n’en avait pas du tout. Grâce au front républicain, le Rassemblement national endura une humiliation supplémentaire: il décupla ce chiffre et n’envoya que 89 députés à l’Assemblée nationale en 2022. Aujourd’hui, le triomphe du front républicain est sans appel: le Rassemblement national devient le premier parti de France au palais Bourbon.
Oublions les électeurs, car en démocratie représentative l’essentiel, ce sont toujours les élus. Il est mesquin de rappeler qu’au premier tour des législatives de 2022, le parti à la flamme avait récolté un peu plus de 4 200 000 voix. Cette fois-ci, il ne reste à ses dirigeants que leurs yeux pour pleurer, car le premier tour des élections législatives leur rapporte, à eux et leurs alliés, un peu plus de 10 600 000 voix. Osons dire qu’un parti qui ne parvient à rallier que 6 000 000 d’électeurs de plus en deux ans est un parti usé et en perte de vitesse. Ce revers est sans doute attribuable au front républicain.

Les problèmes d’argent de Marine Le Pen sont loin

Évidemment, il serait hors sujet de rappeler qu’en France le financement public des partis politiques dépend à la fois des résultats du premier tour, et du nombre d’élus. Comme chaque électeur du Rassemblement national lui rapportera 1,6 euro, le parti à la flamme peut s’attendre à pas moins de 17 millions. Une fois qu’on aura ajouté la tranche versée en fonction des élus, le parti nationaliste ne pourra que crier famine… Si les caisses de la droite nationale sont bientôt vides, c’est donc aussi grâce au front républicain…

Évitons toute réflexion qualitative, car la démocratie c’est le suffrage et ce dernier est quantitatif. Conséquemment, il est extravagant de réfléchir à l’unité des coalitions politiques. Nous ne gagnons rien à noter que le Nouveau Front populaire qui nous assure être uni et fraternel n’arrive toujours pas à identifier son candidat pour Matignon un mois après la dissolution de l’Assemblée nationale. Il est vain de noter que les populistes de droite ont eux identifié leur potentiel Premier ministre sans problème. Tout cela est sans intérêt, mais même si c’était pertinent, nous pourrions remercier le front républicain qu’un tel désordre règne dans l’extrême droite.  

La surprise et l’émotion retombées, nous devons nous en tenir aux faits. Le front républicain n’a jamais aussi bien fonctionné. Cette manœuvre électorale a tant de vertus, et n’a aucun vice. Les élections législatives de 2024 ont été l’occasion d’un phénomène remarquable : le fameux barrage républicain s’est métamorphosé en dos d’âne. Le grand stratagème qui devait arrêter « l’extrême droite » s’est révélé si prodigieux qu’il parvient à gonfler ses rangs et remplir ses caisses. Hi-han, la République est sauvée.