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Le Canada a la nostalgie du confinement

Le pays est devenu le laboratoire de l’utopie sécuritaire, le plus grand safe space au monde


Le Covid-19 a accouché de sociétés habitées par un puissant besoin de sécurité. Nous sommes entrés dans un monde où « chaque petit geste compte », où un ensemble de petits rituels sert à nous rassurer en fournissant un cadre à notre vie. Nous sommes tenus d’agir au quotidien pour prévenir des catastrophes, les yeux rivés sur les colonnes de chiffres des « experts » et des gouvernements. Il ne faut plus produire à l’infini, mais prendre conscience des limites qui auraient dû baliser notre existence bien avant la première vague.

Le temps des peurs

Ce « temps des peurs », décrit par le sociologue Michel Maffesoli, nourrit une vision apocalyptique où le moindre phénomène météo est interprété comme le signe de la colère des dieux. L’arrivée de l’automne suffit à provoquer des réflexes d’isolement face à son propre milieu vu comme une menace virale. Il faut se soumettre au pouvoir pour recevoir sa protection en retour, comme un serf vis-à-vis de son seigneur.

C’est l’omniprésence de la santé publique dans une civilisation désenchantée qui ne sait plus sur quoi se rabattre pour donner un sens à la vie des gens, c’est la mise en spectacle d’une planète qui brûle et qu’on doit restaurer pour notre sûreté. On ne défend plus la nature pour elle-même, en tant que valeur en soi méritant notre estime, mais pour nous. Il s’agit souvent moins de protéger les écosystèmes que de prévenir « l’éco-anxiété » et la saturation des hôpitaux. La pollution atmosphérique et les canicules font grimper la mortalité. Le discours ambiant trahit ce lien étroit entre santé et environnement.

Le safe space canadien

Si la plupart des pays occidentaux adhèrent à cette vision du monde à travers leurs institutions, le Canada est à l’avant-garde de cette utopie sécuritaire peut-être encore plus forte que l’idéologie multiculturaliste intégrée à sa constitution. Grande banlieue froide et édulcorée des États-Unis, il fait figure de laboratoire. Par sa nature tranquille et son goût pour les choses bien ordonnées, le Canada était sans doute plus prédisposé que les autres à embrasser cet imaginaire technocratique et aseptisant. De nombreux programmes publics participent au « sacre des pantoufles » analysé en France par Pascal Bruckner.

A relire, du même auteur: Expulsé d’un bar pour mes opinions politiques

Avec les courants « progressistes » en vogue, il s’agit de participer à la construction du safe space global, de ce grand espace capitonné où nous pourrions enfin vivre à l’abri de tous les risques et périls. Le risque zéro devient le nouvel idéal. Il s’agit de prévenir toutes les « micro-agressions » imaginables, des allusions « racistes » ou « transphobes » à la « pollution sonore » en passant par le smog. La notion de safe space est née sur les campus américains dominés par le wokisme. À l’origine, elle désigne un espace idéologiquement pur sans contradicteurs, mais au Canada, elle a été étendue de manière à inclure une grande variété de phénomènes à proscrire.

La nostalgie du confinement

Le but n’est plus seulement d’éliminer le virus de l’Occident colonialiste, mais d’assurer un vivre-ensemble sécuritaire. L’individualisme est exacerbé au point que tout semble tourner autour de l’égo de la personne victime de son environnement, de la société-violence. La nostalgie du confinement nourrit l’intolérance aux autres. Dans cette ambiance de repli sur soi apparaissent chaque semaine dans l’actualité des histoires invraisemblables. Par exemple, en janvier 2023, la ville québécoise de Gatineau a annoncé avoir élaboré un plan d’action pour contrer « l’usage excessif » du parfum, prétextant vouloir protéger les personnes souffrant d’une « hypersensibilité environnementale ».

À l’hiver 2022, l’épisode du convoi de camionneurs opposés aux mesures sanitaires a aussi été révélateur de cet état d’esprit, et par le fait même, du rejet d’une certaine vitalité démocratique parfois quelque peu chaotique. Durant le « siège d’Ottawa », les klaxons des camionneurs rassemblés devant le parlement ont été présentés comme de la violence symbolique, sinon comme une attaque en règle dirigée contre les résidents de la capitale, en majorité fonctionnaires. Il faut vivre loin des tranchées et des canons, dans une société passablement tiède et confortable pour avoir le luxe de présenter le tintamarre produit par des manifestants comme une insupportable atteinte au bien-être de la population.

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Emmanuel Macron est-il jaloux de ses ministres?

Après avoir longtemps jalousé Edouard Philippe, voilà que le président de la République voit d’un mauvais œil la lumière que prend son nouveau ministre de l’Education nationale. Emmanuel Macron est humain, finalement.


L’interrogation de mon titre n’est pas provocatrice. J’ai la faiblesse de considérer qu’elle met en évidence ce qui participe, certes de manière minimaliste, au dérèglement de notre vie républicaine. Pour me résumer, nous avons dorénavant un président de la République pour lequel tous les domaines sont réservés, et plus seulement les relations internationales et la Défense. Ces derniers mois, il était partout, s’occupait de tout, annonçait tout, ayant jeté depuis longtemps au rancart la rareté présidentielle. Depuis son retour de Brégançon, il paraît possédé par une seule envie : montrer qu’il ferait mieux que tous les ministres réunis et que chacun d’entre eux. Même s’il ne s’agissait que d’extérioriser une énergie hors du commun, on pourrait regretter la permanente et déplorable confusion des rôles. La cohérence interdirait pourtant de dénoncer le manque d’efficacité et l’amateurisme de la plupart des ministres, comme le fait régulièrement le président lors des Conseils hebdomadaires, et de les priver pourtant de la parole et de l’action dont ils devraient être exclusivement responsables.

Le président grille sans cesse la politesse à Gabriel Attal

Probablement y a-t-il dans cet impérialisme, le sentiment (qu’il est difficile de formuler explicitement à la suite des polémiques qui ont suivi certains propos présidentiels) d’une supériorité de principe d’Emmanuel Macron sur l’ensemble de tous ceux qui le servent de près ou de loin. Malgré l’évidence de plusieurs erreurs comme, par exemple, le calamiteux choix de Pap Ndiaye heureusement remplacé par Gabriel Attal. S’il convenait d’être irréprochable pour avoir le droit de s’autoriser des critiques, la vie de président ne serait plus tenable ! Les exemples sont multiples de cet investissement par Emmanuel Macron de champs qui, même avec le pouvoir considérable d’un président de la Ve République, devraient demeurer dans le pré carré des ministres. Il y a des épisodes mineurs et d’autres beaucoup plus préoccupants. Quand Emmanuel Macron va encourager l’équipe de France de rugby, il ne fait rien comme tout le monde. À bien écouter son discours, non seulement, même si c’est une tradition, il se substitue à la ministre des Sports (dont le ton est implacablement monotone et doucereux !) mais il s’abandonne à une immixtion presque ridicule quand on sait ceux auxquels il adresse ses pronostics et ses avertissements. En revanche, lorsque systématiquement il grille la politesse à Gabriel Attal au point d’apparaître plus ministre que lui, plus concerné par le sujet et l’Éducation nationale que le titulaire du poste pourtant choisi par lui, il y a un problème qui à la fois fait douter de l’existence d’un président seulement en charge de l’essentiel et de celle d’un ministre exclusivement concentré sur ses tâches.

A lire aussi: Uniforme à l’école? Osons un référendum!

Gérald Darmanin lui-même n’a pas échappé, en certaines circonstances, à ces pulsions de domination du président, d’autant plus vives qu’elles pouvaient sembler pallier, par raccroc, ses faiblesses régaliennes.

Un problème qui relève presque de la psychologie

Ce malaise organique et en même temps démocratique est aggravé par le fait qu’Emmanuel Macron, trop soucieux de lui pour se contenter de répéter tel quel le message ministériel, le complique en le formulant autrement. Par exemple, sur l’expérimentation de l’uniforme. Ou sur l’interdiction de l’abaya (vidéo ci-dessous) : sa comparaison avec Samuel Paty ne m’a pas choqué d’autant plus qu’il avait pris la peine de préciser l’absence de lien mais il n’empêche que sa référence n’était pas utile et créait une controverse alors que l’interdiction de l’abaya et du qamis était très majoritairement approuvée. En résumé, le président se substitue aux ministres et parfois fait moins bien qu’eux.

Osons aller au bout de l’explication psychologique. Depuis 2017 – et sa réélection a accentué cette propension -, on a constaté que le président, en même temps qu’il exige une inconditionnalité absolue, est gangrené par un sentiment de jalousie à l’égard de ceux qui de manière durable sont plus dans la lumière que lui ou ont eu le talent et l’intelligence de proposer des mesures qui les font apprécier très largement. Dans le premier cas, jalousie à l’encontre d’Édouard Philippe. Dans le second, plus subtilement manifestée, à l’égard de Gabriel Attal. Il ne fait pas bon être ministre sous ce président de la République. Bon ou mauvais, il vous relègue ou vous remplace. Remarquable, il vous envie et vous en veut. Emmanuel Macron tellement idolâtré par ses affidés et pourtant humain, trop humain…

Causeur: Gauche Médine contre France Sardou

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Les œillades sirupeuses de l’extrême gauche au rappeur Médine et les âneries proférées par Juliette Armanet contre Michel Sardou : ces deux épisodes sont une parabole de notre situation. Comme le dit Élisabeth Lévy en présentant notre dossier : « ils symbolisent à merveille le face-à-face de deux France qui ne parlent plus le même langage ». Il ne s’agit ni d’un clivage ethno-religieux ni d’un affrontement droite-gauche, mais d’un choc entre deux imaginaires. La France de Médine est certes en partie musulmane et de gauche, mais elle comprend aussi, en plus des militants écolos-insoumis, une partie des élites culturelles qui sont férues de diversité mais n’en sont guère issues. La France de Sardou comprend aussi bien des gens de gauche que de droite et des immigrés qui sont attachés aux traditions laïques et populaires de la nation. Pierre Vermeren voit dans les saillies de Juliette Armanet à l’encontre de Michel Sardou la prolophobie des bobos, leur mépris pour ce qui plaît au peuple. Cette nouvelle querelle des anciens et des modernes oppose les traditions locales à la culture globalisée. David Vallat, interrogé par Céline Pina, est un djihadiste repenti qui combat désormais l’islam politique. Il analyse le double discours employé par Médine dans ses chansons et ses tweets qui lui permet d’envoyer à ses fans des messages racistes et antisémites. Selon Céline Pina, la Nupes, en déroulant le tapis rouge pour Médine, reproduit les méthodes clivantes du FN des années « point de détail ». C’est la meilleure manière de ne jamais gagner les élections. Gilles-William Goldnadel avoue que le mois d’août lui a laissé un mauvais goût amer au fond de la bouche. La raison ? Des crimes atroces occultés par la presse car les victimes étaient trop pâles ; l’hystérie qui a entouré la nomination de Geoffroy Lejeune au JDD ; et bien entendu l’invitation mielleuse de Médine chez EELV. Dominique Labarrière évoque la figure de Michel Sardou : bonhomme, bourru et rouspéteur, véritable Gaulois réfractaire, il est le plus grand vendeur de disques français vivant. Sardou toujours : Marsault nous donne une technique pour démasquer les extrémistes de la gauche wokiste qui se cachent… Et, dans sa chronique, Olivier Dartigolles nous rappelle qu’il y a plusieurs gauches : « Ma gauche peut à la fois chanter Sardou et Ferrat, Ferré et Goldman. Elle n’a jamais éprouvé un mépris de classe pour les gens de peu, n’a jamais parlé de « la France des beaufs » ».

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Emmanuel Macron révèle que sa priorité absolue sera désormais de restaurer l’autorité, que ce soit au sein de la famille, à l’école ou dans l’espace public. Dans son édito, Elisabeth Lévy se permet quelques doutes sur sa capacité à atteindre cet objectif. Concernant l’école, M. Macron tient trop souvent un double langage, prônant tantôt la discipline, tantôt l’école flexible : « Sur une question aussi vitale pour le pays, le président devrait s’interdire le baratin du en même temps ».

Robert Ménard, maire de Béziers et candidat potentiel en 2027, se confiant à Elisabeth Lévy, dresse un bilan d’étape à mi-parcours de son deuxième mandat. Si sa ville est devenue plus dynamique et plus sûre, il reconnaît être désarmé face à la pression islamique. Inquiet pour l’avenir du pays, il déplore que le président, qui a pourtant les mains libres, n’ait pas le courage de prendre les problèmes du pays à bras le corps. Selon lui, « Macron peut faire tout ce qu’il veut, mais il manque d’audace ».

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Pour masquer la consternante baisse du niveau dans les lycées, l’Éducation nationale demande aux correcteurs d’adapter leur grille d’évaluation aux objectifs du ministère. Corinne Berger déplore un procédé stalinoïde contre lequel toute révolte est vaine.

Quittons l’hexagone. Sans maîtrise de ses frontières (maritimes), Mayotte connaît une explosion migratoire et une flambée de violences sans précédent. Pour enrayer ce cycle infernal, Gérald Darmanin a lancé en avril l’opération Wuambushu. Se confiant à Frédéric Magellan, Mansour Kamardine, député LR de ce département français, applaudit mais attend encore plus de fermeté. Selon Loup Viallet, Emmanuel Macron ne doit plus tergiverser entre désengagement et interventionnisme face au récent coup d’État au Niger. Pour éviter les poursuites judiciaires, Benjamin Netanyahu plonge Israël dans une crise constitutionnelle sans précédent, analyse Gil Mihaely. Après des mois de contestation, les institutions, piliers de la démocratie, s’opposent ouvertement au chef du gouvernement.

Côté culture, nous commençons par swinguer… Né en 1941, le batteur français, Michel Denis, a accompagné les plus grands, de Dizzy Gillespie à Memphis Slim. En conversation avec Yannis Ezziadi, il déplore aujourd’hui la perte de ce qui faisait l’essence du jazz : le swing ! En revanche, pour Franz Kafka la solitude était la condition de la création. Le premier tome de sa biographe, monumentale, par l’Allemand, Reiner Stach, vient de paraître en français. Pour François Kasbi, il n’en fallait pas moins pour sonder la vie et l’œuvre du génie de Prague. Georgia Rey a visité l’exposition, « Esclavage, mémoires normandes », étalée sur trois sites, à Rouen, au Havre et à Honfleur. Malheureusement, elle n’a trouvé qu’un nième exemple de la fâcheuse tendance à la contrition mémorielle.

Si Thomas Morales dit du bien du nouveau livre de Jonathan Siksou, Vivre en ville, ce n’est pas parce que ce dernier travaille à Causeur. C’est parce qu’il le mérite ! Avec un humour ravageur, il alterne chroniques, anecdotes vécues et références littéraires pour dresser le foudroyant bilan d’une débandade généralisée : celle de la vie citadine. Afin de satisfaire aux exigences des sponsors des JO, la Ville de Paris souhaite démonter les boîtes des bouquinistes le long de la Seine. Pour le comédien Philippe Caubère, c’est une atteinte inadmissible à l’âme de notre capitale. Et si Martin Pimentel dit du bien du nouveau livre de Thomas Morales, ce n’est pas parce que ce dernier est contributeur à Causeur. Dans Monsieur Nostalgie, notre chroniqueur aime, non sans humour, se remémorer le « bon vieux temps ». Mais il ne s’agit pas que d’un livre de douce mélancolie. L’auteur nous avertit : « La nostalgie n’est pas encore un crime. Elle le deviendra, soyez-en sûr, au train où la modernité avance et gangrène nos existences ».

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Jean Chauvet recommande comme contrepoison à la Barbie barbante du cinéma américain de cet été, le nouveau film décapant et dérangeant de Catherine Breillat, ainsi que les toujours très précieux films de Mocky qui connaissent une nouvelle vie en salles. Emmanuel Tresmontant a visité Chinon. Riche d’un patrimoine historique remarquablement restauré, la cité médiévale n’est pas seulement une ville-musée. Ses vignerons et son centre-ville ressuscité entretiennent un art de vivre qui séduisait déjà l’auteur de Gargantua et Pantagruel. Selon la prière de Panurge à la « dive bouteille » : « O Bouteille / Pleine toute / De mystères, / D’une oreille / Je t’écoute : / Ne diffères ». Rabelais était plutôt du côté de la France de Sardou.

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Rentrée des artistes

L’éditorial de septembre d’Elisabeth Lévy.


Si ça se trouve, on ajoutera bientôt le terme « autorité » à la devise nationale. C’est qu’à défaut de changer les choses, le macronisme se paye volontiers de mots et celui-là fait un tabac. Dans son entretien-fleuve du Point, le président l’emploie treize fois, pour constater qu’elle est en crise et qu’il faut la rétablir. La belle découverte que voilà. La disparition de l’autorité à tous les étages de la vie sociale, beaucoup de Français l’observent tous les jours et pas seulement sur leurs écrans. Les honnêtes gens qui doivent montrer patte blanche à des dealers pour rentrer chez eux ou voient des gamins de douze ans brûler des bâtiments publics, les professeurs sommés de remonter leurs notes (voir l’édifiant article de Corinne Berger, pages 14-17 du magazine) ou de faire profil bas devant des parents hargneux, sans oublier les policiers priés d’endurer sans broncher violences et insultes de sauvageons qu’une juge compassionnelle sermonnera gentiment parce que c’est pas bien, promettez de ne pas recommencer vous voulez un bonbon ?, tous ceux qui subissent, impuissants, sont certainement charmés d’apprendre que le retour de l’Autorité est en tête de l’agenda présidentiel.

Du reste, il paraît que le président cherche des thématiques consensuelles pour causer avec ses opposants –réserver le débat aux sujets sur lesquels on est d’accord, cela résout tous les conflits. Eh bien, il en tient une : de Fabien Roussel à Zemmour, on s’accorde pour penser que tout fout l’camp et qu’il n’y a plus de respect. Seuls les Verts (parti du bordel par atavisme indécrottable) et les Insoumis trouvent qu’il y a encore trop d’autorité, surtout dans la police. Il est vrai que chez ces derniers, il n’est pas question d’autorité, mais d’un pouvoir tyrannique qui se maintient par la coercition et la peur.

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Donc, promis, le président va s’employer à remettre de l’autorité partout : dans la famille, dans les relations avec la police et, bien entendu, à l’école : « Il n’y aura aucune forme d’accommodements avec l’autorité des savoirs et l’autorité des maîtres. » On attend donc que les correcteurs du bac recouvrent leur liberté de notation, quitte à faire chuter à 50 % le taux de réussite.

Ne soyons pas ingrats. À peine arrivé Rue de Grenelle, Gabriel Attal ne s’est pas contenté de belles paroles, il a fait acte d’autorité. L’abaya est désormais interdite dans les établissements publics. Ce n’est pas difficile, il suffit de dire non. Et de laisser les pleureuses mélenchonistes aboyer, vitupérer le racisme du ministre et la police du vêtement avant de se réfugier dans les jupes du Conseil d’État. Si le Conseil d’État n’est pas content, on pourra toujours voter une loi – ou menacer cette éminente institution d’une réforme qui changerait le rapport de forces idéologique en son sein. L’État de droit ne signifie pas qu’une assemblée de technos largement issus du même moule idéologique peut imposer ses fariboles différentialistes au bon peuple.

Le nouveau ministre est aussi le premier à reconnaître explicitement que le niveau baisse, évidence unanimement partagée et presque aussi unanimement niée, sous peine d’être désigné comme réac. Le réel est réac, c’est bien fâcheux. C’est, suppose-t-on, en accord de son patron qu’il va mettre le paquet sur ce terrain, avec la prise en charge des décrocheurs et le retour des maths en 1re.  On se demande d’ailleurs dans quel cerveau fatigué avait germé l’idée de les supprimer. En attendant, à en croire Robert Ménard (pages 32-37), il est prévu en cette rentrée d’offrir aux élèves « une sensibilisation à l’écologie, une initiation au permis de conduire, un apprentissage de la diététique ». Les savoirs fondamentaux, vous dit-on.

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Certes, ces délicieuses innovations sont l’œuvre de Pap Ndiaye. Mais sauf erreur, il avait été choisi par le même président qui employait déjà les mêmes mots. C’est tout le problème : on ne sait jamais de quel côté de son brillant cerveau Emmanuel Macron va pencher. Son surmoi progressiste peut-il assumer l’existence de hiérarchies sans lesquelles il n’est pas d’autorité ? On s’interroge quand on découvre, entre une ode au savoir et un appel à la discipline, qu’il s’est entiché de l’école flexible, testée paraît-il à Marseille. « Les élèves peuvent être debout, assis ou à genoux pendant la classe. » Et pourquoi pas couchés, quelle odieuse discrimination ! Il faudra expliquer comment des élèves suivant le cours debout pourront se lever à l’entrée du professeur comme le souhaite Gabriel Attal. Peut-être le président va-t-il proposer d’instaurer un « Yes Day » à l’école. Cette ânerie qui a déjà des adeptes en France a été inventée par je ne sais quelle psychologue américaine pour que « chacun puisse réinterroger sa place dans la famille ». Il est en effet essentiel que les enfants se demandent s’ils ne seraient pas plutôt les parents. Il s’agit d’une journée au cours de laquelle vous dites oui à tout ce que demandent vos chers bambins (et quand ils veulent coucher avec maman on fait quoi ?).

Je blague, pour l’heure, il n’est pas question de Yes Day à l’école. Reste que le pas de côté présidentiel sur l’école flexible où, comme chez McDo, on vient comme on est, fait quelque peu douter de sa cohérence. Dire Fais ce qu’il te plaît à la génération J’ai le droit n’est peut-être pas le meilleur moyen de rétablir l’autorité. Sur une question aussi vitale pour le pays, le président devrait s’interdire le baratin du en même temps.

Dans le gratin cosmopolite

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Marthe Lahorary n’est pas née dans la crotte. De sang bleu roumain mais Française de cœur bien avant de se voir naturalisée, princesse convolant en justes noces, à 17 ans, avec un descendant de la dynastie Caraman-Chimay, cette aristocrate de haute lignée, déchue au mitan de sa vie par la catastrophe du communisme, aura traversé la tragédie du XXème siècle avec un certain aplomb, infiniment de panache, très peu de modestie et un sacré courage : passant de l’opulence à la ruine, de la célébrité à un relatif oubli, du statut d’éminence grise des ambassades et de la renommée littéraire à la condition de curiosité fossile, spectre fardé d’un grand monde englouti.


L’historienne Aude Terrey – cf. Claude Pompidou (2010) ; Madame Malraux (2013) ; Les Derniers jours de Drieu La Rochelle (2016) – a bien travaillé, encore une fois : plusieurs années de recherche assidue aux quatre coins de l’Europe aboutissent à un livre qui se lit d’une traite, comme un roman. À cela près qu’ici, la réalité dépasse de beaucoup la fiction. Il y a près de trente ans, l’émérite et fort élégant essayiste Ghislain de Diesbach s’était attelé à une monumentale biographie : Marthe, Princesse Bibesco, parue aux éditions Perrin. Depuis lors, comme on s’en doute, quelques boîtes d’archives se sont ouvertes, bien des secrets de famille se sont éventés. De Bucarest à Londres et Paris, Aude Terrey a donc rouvert le dossier. Non sans fascination pour ce destin hors normes.


Il est vrai que cette existence merveilleusement étirée dans le temps (1886-1973) ne manque ni de relief, ni de rebondissements. Vu de l’extérieur, une enfance dorée, entre manoir de Balotesti et villégiatures à Biarritz, entre un père tour à tour diplomate et ministre, qu’elle adore, et une mère acariâtre qui ne l’aime pas. Un mariage d’amour avec Georges, époux qui enchaînera ouvertement jusqu’à sa mort (en 1941) les liaisons extra-conjugales, une jeunesse polyglotte enlisée dans Posada, palais des Carpates au style anglo-normand, à lire Chateaubriand, sa grande passion littéraire, entre la meute des lévriers de chasse et la légion des domestiques… « Etonnante famille que ces Bibesco », dont les cousins germains de Georges, les richissimes, magnétiques et ravissants Emmanuel et Antoine, si chéris de Marcel Proust, deviendront les initiateurs de Marthe à « cet esprit français qui se déploie comme la roue d’un paon, dans un orgueilleux mélange de snobisme et de mordant ».

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Émancipation mondaine et littéraire

Elle n’a pas 20 ans lorsqu’elle se lance dans une traversée de l’Europe centrale en automobile, jusqu’en Perse, avec Georges, flanqués d’une équipe de chauffeurs-mécaniciens. La fièvre d’écrire s’empare de la princesse : coup d’essai, Les Huit paradis font le récit de cette expédition. Fréquentant chez la comtesse Greffulhe (dépeinte comme l’on sait par Proust sous les traits de la duchesse de Guermantes), Marthe tisse sa toile dans le grand monde parisien. Aude Terrey détaille avec art les étapes de cette émancipation mondaine et littéraire, les rivalités naissantes (avec la poétesse Anna de Noailles, par exemple), les amitiés indéfectibles (avec le fameux abbé Mugnier, infatigable confesseur du Tout-Paris)… Délaissée par Georges, pionnier de l’aviation mais aussi conquérant compulsif des dames, Marthe fuit dans l’adultère et le voyage, « tiraillée entre ses rêveries romanesques et sa lucidité, entre le vertige des sens et les aspirations mystiques ». Au point de se retirer, un moment, au carmel d’Alger ! A peu de temps de là, sa sœur Jeanne meurt du choléra. Bientôt convertie au catholicisme, la princesse confie à Fortuny, le fameux décorateur vénitien, les embellissements de Mogosoaia, un palais du XVIIIème siècle sis à 15km de Bucarest, où elle s’installe en 1912 : lui rendre sa splendeur sera le grand-œuvre de sa vie (transformé en musée, il reste en 2023 une des attractions touristiques de Bucarest).

Agitation autour de l’avion de la Princesse en Angleterre, début des années 30 MARY EVANS/SIPA © Numéro de photo : 51080492_000001

Chronique mondaine ? Bien davantage : la force d’attraction de ce récit, c’est qu’il embrasse la dimension tragique propre à ces destins malmenés par l’Histoire. Ainsi, dès le seuil de la Grande guerre, la Roumanie, neutre dans le conflit, est prise dans les feux croisés des puissances belligérantes. Marthe se délecte alors à jouer les éminences grises, passant de l’amour transi que lui voue le Kronprinz austro-hongrois aux inclinations qu’elle a pour Mr Thomson, un colonel anglais à qui elle ouvre ses réseaux sous le soleil de Constantza. Est très bien rendue, sous la plume d’Aude Terray, la densité, la complexité des liens qui assignent les tourments du cœur, les ambitions intellectuelles et les stratégies mondaines à l’aléa des alliances internationales, dans l’aquarium de luxe où nage la princesse, depuis l’hôtel Ritz jusqu’à son palais de Mogosoaia. Ce qui ne l’empêche pas de se faire patronnesse d’un hôpital pour grands blessés de guerre, qu’elle installe dans les locaux de l’Automobile Club. Baptisé n°118 par la Croix-Rouge, l’établissement tombera sous la botte allemande dans Bucarest occupée, à partir de 1916.

Un somptueux pied-à-terre quai de Bourbon

« Oui, la princesse Bibesco est une attraction, victime de sa légende, la beauté des Carpates aux fabuleuses émeraudes, la briseuse des cœurs à Paris, l’envoûteuse du Kronprinz, la femme d’esprit et de lettres. Mais aussi la femme de caractère, une incontrôlable, une indomptable dont les autorités allemandes se méfient », note notre biographe. « Mouche à boche », « l’aventurière », « commère internationale », « la franc-maçonne de Mogosoaia », « sainte Opportune » – les sobriquets ne manqueront pas pour tenter de disqualifier, sa vie durant, la fastueuse héroïne qui prend du repos en compagnie de Rilke, le poète, dans le luxe bohémien du château de Laustschin, chez les von Thurn und Taxis, tandis que la cour de Roumanie s’est réfugiée à Iasi, en bordure de la Moldavie.

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La seconde guerre mondiale viendra balayer d’un coup les années fastes pendant lesquelles Georges, à la tête de la Fédération aéronautique internationale, devient une personnalité incontournable, propulsant dans les airs sa princesse fébrile, laquelle, entre deux vols de New-York à Paris, Londres, Rome, Berlin ou Bucarest, met en scène sa vie dans le magazine Vogue, fraie avec Paul Claudel, rivalise avec la richissime épouse de Paul Morand, publie en français des romans à succès (Katia sera même adapté au cinéma !), tout en s’aménageant un somptueux pied-à-terre parisien sur l’île Saint-Louis, là même où elle s’éteindra, bien plus tard, à l’heure de la France pompidolienne. En attendant, « les fêtes à Mogosoaia (…) alimentent tous les fantasmes », observe Aude Terray : « Tout cela agace en Roumanie. On taxe les Bibesco d’arrogance et de cosmopolitisme ».  

La tourmente se lève à nouveau avec l’invasion allemande, Mogosoaia devenant l’épicentre de tractations dans lesquelles Marthe joue les équilibristes, au cœur d’une Roumanie vassalisée par l’Axe. Pragmatique, ou opportuniste ? Passées les funérailles princières de Georges, son mari infidèle, la veuve à voilette noire adopte son petit-fils et marie somptueusement Cosi de Brancovan, 22 ans, ignorant que c’est la dernière fête au palais rose. La chatelaine aura bien proposé ses bons offices pour tenter de rapprocher la Roumanie des Alliés, mais le « conducator » Antonescu pactise avec les nazis : la féminine diplomatie de l’ombre, ponctuée d’un séjour de neuf mois à Istanbul, ne change pas la donne. Chapitres passionnants, qui montrent comment l’étau se resserre inexorablement autour de la princesse aux « allures de conspiratrices et de diva »… Jusqu’à l’arrivée des colonnes de chars soviétiques sur les boulevards de Bucarest, les ultimes tentatives de la captive pour sauver son pays de l’emprise stalinienne. S’en aller ? Non sans mal, elle réunit les visas nécessaires et monte dans un avion militaire de la Royal Air Force qui atterrit au Bourget. « La princesse Bibesco a 59 ans, la foudre est tombée sur son destin, l’amputant à jamais de sa vie d’avant ». Noblesse de robe n’en célèbrera pas moins le retour à l’élégance parisienne ; les échappées au Ritz ou les invitations chez les Windsor outre-Manche ne se refusent pas…

La biographie d’Aude Terray ouvre alors sa partie la plus glaçante, la plus émouvante, aussi : elle décrit le calvaire de Valentine, la fille de Marthe, en butte à l’hostilité des fonctionnaires, délogée de Mogosoaia, bientôt réduite à la misère et à la famine, enfermée sans recours dans la « souricière » de la Roumanie communiste, puis arrêtée avec son mari Dimitri comme traîtres, condamnée aux travaux forcés, détenue à domicile, jusqu’à ce la princesse aux « tenues de dogaresse », perroquet crocheté à l’épaule, et qui pendant ce temps monnaie son statut de légende vivante en coudoyant les grands de ce monde, parvienne à exfiltrer le couple hors de l’enfer : il aura duré sept ans et demi !

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Longuement méditée, somme tardive et échevelée que la princesse dédie à feu l’abbé Mugnier (1853-1944), La Nymphe Europe, en 1960, ne rencontrera pas le succès escompté. L’amie octogénaire du cinéaste Robert Bresson, la fervente admiratrice de Churchill et du « Grand Charles » (avec qui elle entretient une correspondance épistolaire), trouvera son « bâton de vieillesse » en la personne de son neveu, Mihai de Brancovan. Recluse quai de Bourbon, la princesse Bibesco s’éteint un soir de 1973, fin novembre. Sans rancune contre l’adversité…

De la richesse de cette nouvelle biographie et de l’agrément de son style, cet aperçu suffit-il à faire l’éloge ? Tresser, en esquivant l’écueil hagiographique, les fils mondains, sociaux, politiques, intimes de cette saga dans l’étoffe tout à la fois moelleuse et solide d’un récit aux péripéties improbables n’allait pas de soi. Aude Terray, page après page, parvient à restituer superbement le contexte dans lequel se meuvent en grand nombre les comparses de ce feuilleton terrible et palpitant.     

La Princesse Bibesco. Frondeuse et cosmopolite, par Aude Terray. Tallandier (collection « libre à elles »), 386p.  

La princesse Bibesco: Frondeuse et Cosmopolite

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Climat: le tatouage qui suscite la polémique en Autriche

À Vienne, le ministère du Climat a proposé aux volontaires un an de transport gratuit en échange d’un tatouage définitif. L’initiative suscite évidemment une vaste controverse.


C’est une petite histoire qui mêle écologisme, communication politique et les plus absurdes audaces du marketing. Elle a lieu en Autriche, pays cadenassé de montagnes et où l’on peut manger des saucisses avec une moutarde très piquante dans l’un des cafés qu’ont fréquenté à peu près en même temps Freud, Tito, Staline, Lénine, Hitler et Trotski.

T’as ton klimaticket ?

Pour encourager les Autrichiens à privilégier les transports en commun de ce pays grand comme la région Nouvelle-Aquitaine, l’État a mis en place depuis octobre 2021 le KlimaTicket. À 1095 euros par an, l’abonnement n’est pas donné, mais il permet de prendre le train et de se rendre de Vienne à Salzbourg, d’utiliser le métro de la capitale ou le tramway de la ville natale de Mozart.

Pour donner un coup de pouce à la jeunesse autrichienne et en même temps un coup de pub au KlimaTicket, la ministre fédérale du Climat et de l’Environnement, Leonore Gewessler, a lancé une initiative étonnante : les trois premières personnes à se faire tatouer lors du festival Electric Love qui se tenait, début juillet, à Salzbourg, se voyaient offrir un abonnement d’un an au KlimaTicket. Parmi les tatouages possibles : un train, une langue qui rappelle le logo des Rolling Stones avec le mot « Klima » à l’intérieur, et d’autres clins d’œil à la culture rock. Depuis, la mesure a été étendue à d’autres festivals du pays.

Gare… au point Godwin !

Quand on mêle Autriche, train et tatouage dans une même association d’idées, le risque est grand d’enflammer la twittosphère et les amateurs de point Godwin. La mesure suscite la polémique au sein des médias du pays, de l’opposition et d’une partie des jeunes gens qui considèrent être la cible un peu facile d’une campagne politique jugée cynique. Une députée du parti libéral NEOS, Henrike Brandstötter, s’écrie: « De l’argent pour de la publicité sur la peau – qui plus est de la part d’une ministre – révèle une image de l’être humain qui dépasse l’entendement ». Un peu avant, elle précise: « J’en sais beaucoup sur les tatouages ​​douteux »; voilà qui aiguise notre curiosité…

On peut se demander si la députée libérale n’en fait pas un peu trop. Après tout, si un festivalier accepte de se faire tatouer, c’est bien sa liberté. L’opération a quand même mis en place des conditions: il faut avoir plus de dix-huit ans, et les séances de tatouage se font en plein jour, c’est-à-dire à une heure où l’on est censé ne pas avoir bu au point de commettre un acte irréparable. Sait-on jamais, sous l’effet de la bière Heineken ou de la vodka Absolut (deux des sponsors du festival de Salzbourg), le jeune Autrichien lambda pourrait se laisser aller et accepter de se faire tatouer des logos à la gloire d’une ministre écologiste, geste qu’il regrettera peut-être toute sa vie…

Évidemment, on aura du mal à ne pas voir dans cette affaire cocasse la trace d’un certain cynisme politique. Leonore Gewesseler est d’ailleurs pressentie pour conduire la liste Die Grünen (l’équivalent de notre EELV) aux élections européennes de juin 2024. Quand le scrutin arrivera, la gratuité d’un temps sur le KlimaTicket sera presque arrivée à son terme; les tatouages, eux, seront toujours sur les avant-bras, les pectoraux ou pourquoi pas les fesses de nos jeunes Autrichiens fans de musique électronique. Il est quand même permis de se mettre à rêver qu’une telle opération voit le jour en France: pourquoi ne pas créer un badge qui permette de voyager gratuitement de Biarritz à Calais en échange d’un tatouage à la gloire de René Dumont ou de Sandrine Rousseau ?

Niger: la France maraboutée

Le récent coup d’État au Niger est un nouveau camouflet pour la France au Sahel. Et Paris semble hébété par la contestation de sa présence dans la région. L’enjeu est pourtant trop sérieux, en termes de sécurité pour les Européens et de développement économique côté africain, pour qu’Emmanuel Macron tergiverse entre désengagement et interventionnisme.


En trois ans, la France a perdu trois alliés au Sahel et serait peut-être en passe de perdre un quatrième au Gabon [1]. Au cœur de l’été, le président nigérien Mohamed Bazoum a été renversé par une junte militaire en raison de sa proximité avec la France. Depuis un mois se répète au Niger le scénario qui s’est produit en 2020 au Mali après la chute du président Keïta et en 2022 au Burkina Faso après le départ du président Kaboré : manifestations dans la capitale avec slogans anti-français et pro-russes, rupture des accords de coopération militaire avec la France, demande de départ de l’ambassadeur français, discours anticolonialistes. Tout se passe comme si la France était devenue le bouc émissaire officiel des putschistes des États les plus fragiles au sud du Sahara. La tête de Turc idéale pour justifier un coup de force et se maintenir au pouvoir sans organiser d’élections.

Pour certains analystes, cet ultime coup d’État porte un coup de grâce à la politique de la France dans la région. Moins d’un mois après le putsch, Michael Shurkin, (RAND Corporation) déclarait : « Time’s up for France in Africa », avant de conseiller aux Français de s’occuper de leurs « intérêts vitaux » en Europe et dans l’Indo-Pacifique. Le même jour, Pierre Haroche (Institut Jacques-Delors) proposait de réduire la présence militaire française en Afrique pour la renforcer en Europe. Selon ces derniers, la France ne serait plus capable d’agir comme une puissance en Afrique et n’y aurait plus intérêt.

Mais une succession de revers doit-elle nécessairement se traduire par un tel renoncement ? Et si les conséquences d’un désengagement de la France au Sahel se révélaient plus dangereuses encore pour la stabilité de l’Afrique et la sécurité de l’Europe, plus coûteuses en vies humaines, en moyens financiers et en réputation que la poursuite d’une politique de puissance – même assumée maladroitement ?

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Entre le renoncement à la politique de puissance et la tentation d’intervenir, le gouvernement français louvoie. Depuis que le président Macron a déclaré :« Il n’y a plus de politique africaine de la France », au début de son premier mandat devant le président Kaboré, l’hésitation est devenue sa marque de fabrique. Comme s’il cherchait à maintenir la France sur le devant de la scène africaine tout en refusant de lui faire assumer un rôle de premier plan, au risque de rendre son action illisible.

La présence militaire française est dénoncée par les juntes sahéliennes, stipendiée sur les réseaux sociaux et dans des manifestations ? Le gouvernement diminue les effectifs militaires, prône une « empreinte » plus « légère »,mais ne ferme aucune base permanente. Le franc CFA fait l’objet de campagnes de désinformation par des agents et des médias de la galaxie Wagner ? Le gouvernement propose de changer le nom de la monnaie et modifie à la marge l’organisation de la coopération monétaire.

Face à la montée des soupçons de néocolonialisme autour de la présence militaire française et du fonctionnement du franc CFA, le gouvernement semble avoir accrédité à demi ces attaques visant les symboles d’une Françafrique pourtant révolue, ces piliers d’un système colonial qui n’existe plus que dans les fantasmes et discours de ceux qui le dénoncent. Au lieu de se targuer de soutenir la monnaie la plus stable d’Afrique et de valoriser le bilan de Barkhane, de Sabre et de Takuba comparativement à celui de Wagner et des armées locales, la France n’a pas su utiliser les atouts qu’elle avait dans son jeu.

La France, puissance attentiste

La France dispose encore d’outils puissants, mais paraît ne plus vouloir véritablement s’en servir. Ainsi continue-t-elle de soutenir le franc CFA au Mali, au Burkina et au Niger alors que les juntes ont mis en scène leur rupture à grand renfort de propagande, dénonçant sa présence militaire mais se gardant bien d’adopter une nouvelle monnaie. Suspendre la coopération monétaire aurait pourtant renforcé l’impact des sanctions infligées par l’Uemoa et la Cedeao aux régimes putschistes au lendemain de leur coup d’État.

Cet été, à l’occasion du renversement du président nigérien, les pays frontaliers du Sahel ont de nouveau observé la France se comporter comme une puissance attentiste. Sollicité dans les heures qui ont suivi le coup d’État pour appuyer une intervention de l’armée nigérienne visant à libérer le président Bazoum, le gouvernement français a préféré temporiser, laissant les putschistes s’installer avant de soutenir la solution d’intervention brandie par la Cedeao en cas d’échec des négociations diplomatiques. Pourquoi se lier à une puissance si celle-ci s’illustre par sa passivité au moment où sa protection est vitale ?

Les États ouest-africains qui bénéficient encore de la coopération française ne semblent pourtant pas avoir intérêt à son désengagement au moment où leurs frontières sont mises sous pression par la contagion des putschs, l’expansionnisme djihadiste et le développement d’un chaos migratoire dont ils sont les réceptacles. Mais la France peut-elle encore inspirer confiance dans la région ? Sa politique a manifestement atteint ses limites.

Peut-on encore en changer ou faut-il renoncer à toute politique de puissance en Afrique ?

Le colonel-major Amadou Abdramane annonce, devant les caméras de la télévision nationale nigérienne, avoir renversé le président Mohamed Bazoum, Niamey, 26 juillet 2023. ©ORTN via AP/Sipa

Plutôt que de continuer à subir les événements, la France n’aurait pas d’autre choix que de démanteler ses instruments de coopération et de réviser l’ordre des priorités de sa politique de défense et de sécurité, ainsi que l’y exhortent Michael Shurkin ou Pierre Haroche. Cette solution dégraderait définitivement la réputation de la France en Afrique, mais aurait le bénéfice de l’extirper d’un bourbier où elle serait devenue « radioactive » ; de plus, elle permettrait à la France de mieux servir ses intérêts.

L’option du désengagement aurait l’intérêt de la clarté : en enterrant toute velléité de puissance dans la région, le gouvernement français n’aurait plus à endurer les contrecoups d’une politique erratique. En faisant disparaître les principaux ferments qui nourrissent les soupçons de néocolonialisme, il cesserait enfin de servir de bouc émissaire aux putschistes subsahariens. Cependant, il offrirait aussi une victoire politique éclatante aux populistes africains et à leurs alliés en accréditant leur propagande.

Et si partir était pire que rester ? M. Shurkin appelle la France à renoncer à sa puissance en Afrique pour soutenir ses intérêts économiques dans l’espace Indo-Pacifique. Il est vrai que la France échange six fois plus avec les pays de cette région qu’avec les économies du continent africain. Toutefois, la politique de la France au Sahel ne se fonde pas sur des motivations économiques (le Mali, le Burkina Faso et le Niger représentent entre 0,1 et 0,2 % du commerce extérieur français et moins de 5 % des parts de marché des entreprises françaises en Afrique).

D’un point de vue sécuritaire, les raisons qui ont présidé au maintien de la coopération régalienne de la France dans le voisinage ouest-africain du Sahel sont encore plus cruciales depuis la succession des coups d’État : l’expansionnisme des groupes djihadistes n’a été contenu ni par les éléments de Wagner ni par les armées malienne et burkinabè après le départ des forces de l’opération Barkhane et de l’opération Sabre. Le nombre de réfugiés sahéliens a explosé dans les pays du golfe de Guinée (en Côte d’Ivoire, au Togo, au Bénin), mais aussi sur la rive sud de la Méditerranée : en Tunisie, en Algérie, en Libye, au Maroc…

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D’un point de vue financier, la pandémie de Covid-19 et la guerre de conquête de la Russie en Ukraine ont eu des répercussions désastreuses sur les économies africaines. Dans ce contexte, en finir avec la garantie française sur le franc CFA priverait la majorité des économies ouest-africaines de leur convertibilité illimitée et de leur parité fixe avec l’euro (un drame pour des économies qui dépendent à 40 % du marché européen), les exposerait à des variations de change aussi brutales pour les populations et les entreprises que décourageantes pour les investisseurs, détruirait le socle du marché commun le plus intégré d’Afrique. Il faudrait s’attendre à une dollarisation des économies subsahariennes qui entraverait la diversification de leurs marchés, renforcerait leurs rentes primaires et les maintiendrait dans le piège des matières premières, qui les empêche de sortir du sous-développement depuis la décolonisation.

Virer la France, et après?

Peut-on sérieusement comparer les répercussions de l’instabilité des États situés à la frontière sud de l’Europe sur la sécurité des États du continent européen à celles qui pourraient advenir d’une fragilisation de l’Indonésie, du Pakistan, du Japon ou du Bangladesh – tous situés dans l’Indo-Pacifique ?

S’exfiltrer des affaires africaines, c’est prendre le risque de laisser le voisinage méditerranéen et le grand voisinage africain de l’Europe se (dés)organiser aux dépens des intérêts de la France et des États européens, au profit de puissances rivales (comme les États-Unis) ou hostiles (comme la Russie), dont la stabilité n’est pas menacée par les faiblesses africaines du fait de leur position géographique. Géopolitiquement, l’Afrique est à la France ce que l’Amérique latine est aux États-Unis : un territoire dont la proximité implique le partage de défis et de menaces. De ce point de vue, la France et tous les États européens ont intérêt à concourir à l’établissement des conditions de la sécurité et de la prospérité de l’Afrique. Contribuer à y endiguer la progression des groupes djihadistes y semble aussi nécessaire que d’investir massivement dans la modernisation des économies africaines et d’encourager leur adaptation au réchauffement climatique, phénomène dont les ravages précarisent durablement l’avenir des sociétés africaines.

Le sentiment anti-français est répandu, mais sa force et son sens politique sont difficiles à évaluer tant il a été démontré à quel point des manifestants et journalistes pouvaient être corrompus et instrumentalisés. Surévaluer sa portée et son enracinement pourrait avoir un impact désastreux sur la redéfinition de la politique française et la sécurité des deux continents.

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Trois ans après le premier coup d’État de la série sahélienne, les régimes putschistes inspirent toujours certains acteurs de la sous-région (ainsi le Sénégalais Ousmane Sonko, leader du parti insurrectionnel Pastef, s’est-il démarqué par son soutien à la junte malienne et par ses discours anticolonialistes), mais font aussi de plus en plus office de contre-modèles. Ils ont démontré leur inefficacité et la Russie n’incarne plus un recours aussi attractif après trois ans d’échecs face aux djihadistes au Mali, d’exactions sur les populations civiles– sans oublier la disparition du parrain de Wagner. L’autorité de la France s’est amoindrie, mais les régimes qui ont mis en scène leur rupture avec elle sont moins stables, plus isolés, leurs économies moins prospères et leurs populations moins en sécurité depuis son départ.

Sonner le glas de la politique française en Afrique est sans doute prématuré. Cette issue semble probable, mais pas souhaitable. Si la France continue à se prendre au piège de ses propres hésitations, son influence en Afrique sera marginalisée au détriment de la sécurité des frontières extérieures de l’Europe et de la stabilité des relations entre les deux continents.

Le contexte politique régional du récent coup d’État au Niger donne cependant une occasion à la France de réviser sa politique africaine et de se révéler à nouveau un allié efficace pour les États frontaliers du Sahel. Reprendre l’initiative est possible, à condition de redéfinir une ligne de conduite cohérente et prévisible, d’utiliser les instruments de puissance dont elle dispose sans trembler, d’assumer clairement les intérêts qu’elle partage avec l’Afrique et surtout… de ne plus être paralysée par l’exposition médiatique qu’une telle posture implique.


[1] À l’heure où ce texte est rédigé un coup d’Etat au Gabon est annoncé. Pour le moment il est trop tôt d’en tirer des conclusions et de pointer les liens entre cet évènement et la situation au Sahel, sujet de l’article.

Manhattan-Kaboul

Les lieux de culte musulmans de New York, aux États-Unis, pourront désormais diffuser le bruyant appel à la prière des muezzins du vendredi midi et durant le Ramadan.


À ce stade, l’annoncer le 11 septembre pour le 22ème anniversaire de la destruction des tours jumelles n’aurait pas été tellement plus explicite ! Sous les applaudissements des islamistes du monde entier (et de leurs alliés et idiots utiles habituels), le maire de New York vient de permettre aux communautés musulmanes de sa ville de faire retentir les appels à la prière du muezzin tous les vendredis, et tous les jours de ramadan pour la rupture du jeûne, sans demander d’autorisation préalable et en s’affranchissant des contraintes légales habituelles sur le niveau sonore à ne pas dépasser. Car se faire entendre ne suffit pas, il faut se faire entendre plus fort que les autres…

Eric Adams, un maire ultra-inclusif

Clientélisme électoral vis-à-vis des 275 mosquées du Grand New York et de leurs fidèles ? Pas seulement. Le maire actuel, Eric Adams, semble avoir une vision résolument communautariste de sa ville – selon lui, son expérience de policier afro-américain lui aurait montré que la sécurité n’est possible que si les communautés s’y impliquent directement, et c’est ainsi qu’il explique sa proximité passée avec le mouvement Nation of Islam de Louis Farrakhan, notoirement raciste et antisémite : il n’y aurait vu qu’un service d’ordre efficace pour tenir les quartiers « sensibles ». Si c’est vrai, c’est d’une naïveté confondante.

« Nous voulons que nos frères et sœurs de confession musulmane sachent qu’ils sont libres de vivre leur foi à New York, car désormais en vertu de la loi nous serons tous traités de la même manière. » a-t-il déclaré. Intéressante affirmation, et confusion révélatrice : « nous serons tous traités de la même manière », vraiment ? Je doute que dans l’Amérique de l’après #MeToo une idéologie autre que l’islam qui enseignerait au sujet des femmes ce qu’enseigne la sourate n°4 serait autorisée à diffuser sa publicité dans toute la ville de New York.

Privilège non blanc

Mais l’islam bénéficie d’un privilège exorbitant : partout en Occident les progressistes ferment les yeux sur la réalité de son idéologie, de ses enseignements, et de ce à quoi il conduit le monde musulman. Partout, on fait comme si l’islam n’était qu’une sorte de christianisme exotique, de surcroît innocent de tous les crimes commis au fil des siècles par le christianisme – mais n’ayant évidemment lui-même commis aucun crime, pas d’amalgame, c’est pas ça l’islam, et prétendre juger les actes des musulmans avec les mêmes exigences morales que les actes des chrétiens serait de l’ethnocentrisme, du néo-colonialisme, et une marque de suprémacisme blanc, entre autres horreurs inexpiables.

La Ligue Islamique Mondiale peut donc se féliciter de la décision de la ville de New York et poursuivre sa campagne publicitaire visant à se présenter comme à la pointe de la coexistence pacifique entre communautés, sans que personne ne songe à lui demander pourquoi on peut entendre des muezzins à New York, mais pas de cloches d’églises à Riyad. L’Arabie Saoudite peut condamner un homme à mort pour quelques tweets – et surtout pour faire pression sur certains membres de sa famille, opposants au régime exilés – tout en recevant les hommages de dirigeants occidentaux par ailleurs très prompts à pousser des cris d’orfraie sous n’importe quel prétexte contre des pays comme la Hongrie ou la Pologne. Et bien sûr, autre exemple d’actualité, la gauche française hurle massivement à l’islamophobie au sujet de l’interdiction de l’abaya, qui n’est pas un vêtement musulman mais dont l’interdiction stigmatise les musulmans… N’essayez surtout pas de trouver la moindre logique dans les slogans de la Nupes, ils ne sont que l’habillage de leur haine de notre histoire et de notre identité. Pour être justes, notons que ceux qui soutiennent l’interdiction de ce vêtement ne font pas forcément mieux, en brandissant la laïcité devant les vagues montantes de l’islamisation comme ils brandiraient une gousse d’ail devant une horde de vampires. Le problème de l’islam (du moins de l’islam orthodoxe) n’est pas qu’il soit religieux, mais qu’il œuvre à un projet de société radicalement contraire aux fondements anthropologiques et philosophiques de notre civilisation, et à tout ce qu’un minimum de décence impose en termes de sens moral – si vous en doutez, lisez la sourate 4 et la sourate 9, et rappelez-vous que pour les quatre courants orthodoxes du sunnisme ces textes sont la parole divine « dictée, éternelle et incréée », présentée aux fidèles comme la source normative suprême à laquelle ils doivent se référer pour guider leurs vies. La promotion d’une idéologie qui enseignerait la même chose en se réclamant d’un projet politique plutôt que religieux, du même texte conçu par un penseur humain plutôt que dicté par un « dieu », n’aurait pas davantage sa place dans nos établissements scolaires.

Privilège islamique, dont les islamistes usent à l’envi, et pourquoi s’en priveraient-ils ? L’expansion conquérante de l’islamisme ne peut pourtant s’arrêter que si le reste du monde y met un coup d’arrêt.

Louis de Bourbon sur les traces des martyrs de Vendée

Prétendant au trône de France, le prince Louis-Alphonse de Bourbon s’est rendu en famille au Mont des Alouettes afin de commémorer le 200e anniversaire de la chapelle érigée en mémoire des martyrs des Guerres de Vendée.  Une visite qui a mis en colère les mouvements et syndicats de gauche. Récit.


Durant toute la période de la Révolution française, la Vendée a été le théâtre d’une violente guerre civile qui a opposé les « Bleus » (républicains) aux « Blancs » (royalistes), traînant derrière elle des centaines de milliers de morts. Un conflit qui a également laissé des traces profondes dans le subconscient des Français et dont les responsabilités continuent toujours de diviser les historiens (« génocide » ou « populicide », la question demeure toujours sans réponses aujourd’hui). Afin d’honorer la mémoire de ceux tombés au champ d’honneur « pour le Roy », l’association Jubilé de Vendée a organisé des festivités autour de la chapelle du Mont des Alouettes dont on fête le 200ème anniversaire de la construction. 

Un localité liée au royalisme depuis longtemps

Le lieu est indissociable de l’histoire des Guerres de Vendée et de celle du royalisme. Situé à quelques kilomètres du Puy du Fou, le célèbre parc d’attraction historique du « vicomte » Philippe de Villiers, c’est au Mont des Alouettes que les soldats de l’Armée catholique et royale s’étaient rassemblés après leur brève victoire de Fontenay-le-Comte (1793). Ses moulins caractéristiques ont longtemps indiqué aux royalistes la position de leurs ennemis avant que ceux-ci ne s’en aperçoivent et ne les détruisent tous. Lorsque la monarchie est restaurée, à la chute du Premier Empire (1815), la duchesse d’Angoulême manifeste sa volonté de rendre hommage aux centaines de milliers de Vendéens qui se sont levés en faveur des Lys de France. Fille de l’infortuné Louis XVI, elle va être associée à la construction d’une chapelle de style néo-gothique dont la mission sera de « perpétuer le souvenir d’une époque à jamais mémorable ». Les travaux vont prendre plusieurs années, stoppés par les vicissitudes de l’Histoire, avant d’être repris et terminés définitivement au cours de la seconde moitié du XXe siècle. C’est aussi au Mont des Alouettes que l’Action française de Charles Maurras organisera une grande manifestation, 60 000 personnes, afin de démontrer sa force politique, en 1926.

Un banquier favorable aux gilets jaunes

Invité par diverses associations du souvenir ou militantes, c’est en « guest star » que le prince Louis-Alphonse de Bourbon s’est rendu dans ce lieu prestigieux, accompagné de son épouse et de ses quatre enfants (une première de mémoire de légitimistes, les partisans du duc d’Anjou). Descendant de Louis XIV, il est un des prétendants au trône de France. Si ses visites en France sont rares (il vit à l’année en Espagne) et peu médiatisées, il publie de nombreuses tribunes dans divers magazines et sur ses réseaux sociaux où il est suivi par des milliers de personnes. En 2018, il a créé le buzz en soutenant le mouvement des gilets jaunes. A la tête de plusieurs entreprises, ce banquier est aussi connu pour ses positions conservatrices dont il ne fait pas mystère (il a récemment participé à une marche pro-vie). Arrière-petit-fils du général Francisco Franco (qui a dirigé l’Espagne de 1939 à 1975), dont il assume publiquement l’héritage, l’aîné de la Maison de Bourbon est également proche du mouvement Vox dont le leader Santiago Abascal est un ami personnel. 

Les antifas appelés à venir protester habillés en gueux

Ce 2 septembre, ils étaient quelques centaines à s’être rassemblés autour de « Louis XX ». Durant la messe traditionnelle conduite par le père Louis-Marie de Geyer d’Orth, abbé de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, dont la soutane était ornée du Sacré-cœur, dépôt de gerbe sur la stèle érigée en mémoire de Louis XVI, le prince Louis-Alphonse de Bourbon a été largement acclamé par les participants après avoir déclaré que « la Vendée permettait de comprendre la grandeur d’une région qui a su tout donner pour conserver ses valeurs ». Souhaitant que « son esprit continue à animer les Français pour affronter les combats du futur », sa présence à cette commémoration (où se sont retrouvées toutes les générations) a été selon lui, « l’occasion d’évoquer la mémoire d’un soulèvement et, plus encore, celle de ce que ce soulèvement représentait d’audace et de clairvoyance ». Ce n’est pas la première fois que le prince Louis-Alphonse de Bourbon se rend d’ailleurs en Vendée, cette « terre meurtrie à l’Ouest » de la France comme il l’a rappelé dans son discours, suivant les pas de son père. Se voulant fidèle « à la mémoire des Vendéens de toute condition, qui ont tout sacrifié pour leur foi catholique, leur attachement à la royauté très chrétienne et à sa famille », dans un précédent message rédigé à l’attention des Français, le prince s’est fait l’écho de leurs inquiétudes. « La France a progressivement vu sa souveraineté amoindrie, son rôle diplomatique diminué, ses industries sacrifiées au jeu d’une mondialisation mal comprise, son système éducatif malmené, ses services publics bradés au point de disparaître plus ou moins dans nombre de territoires. Ainsi, l’amoindrissement de sa souveraineté -cet élément essentiel qui a été le cœur de l’action des rois de France, des premiers jusqu’à Charles X- a fait que la voix de la France est de moins en moins audible dans le concert des nations » affirme Louis-Alphonse de Bourbon

Une commémoration qui a irrité les mouvements de l’ultra-gauche et les syndicats qui ont officiellement dénoncé un regroupement « d’ultra droite fasciste », organisé « par des associations et collectifs royalistes, révisionnistes, catholiques intégristes, LGBT+phobes » comme l’écrit le site Actu.fr. Un collectif antifasciste collectif, dans lequel on retrouve la CGT, Attac ou encore les anarchistes de Bast’Yon, a même accusé ce rassemblement de « propager ses idéologies haineuses, discriminatoires, violentes et révisionnistes » tout en appelant ses partisans à venir manifester, « habillés en gueux et gueuses, avec des fausses fourches afin de bouter les seigneurs hors de nos terres, (..) dans le but de tourner en dérision le royalisme et la droite ». Une manifestation qui a toutefois fait un flop selon le quotidien Ouest France qui a évoqué à peine 80 personnes hurlant au loup aux herbiers. Pas de quoi faire trembler Louis-Alphonse de Bourbon qui a terminé cette journée en se prêtant aux habituelles photos de circonstance sous les cris de « Vive le roi !». En France, 17% des français seraient  favorables au retour de la monarchie selon un sondage BVA daté de 2016.

La spirale du désir

Un thriller français dans les airs, avec Diane Kruger et Mathieu Kassovitz.


Être une femme pilote de ligne sur des vols longs courriers assure de bons revenus, surtout quand s’y ajoutent ceux d’un mari chirurgien : dominant la baie de Menton, la maison high-tech avec piscine à débordement du beau couple Diane Kruger-Mathieu Kassovitz est vraiment classe. Madame roule en Porsche, Monsieur en grosse moto Triumph vintage.

Quand la routine se dérègle

Réglée sur le rythme des vols, l’entraînement sportif quotidien, les évaluations par chat virtuel sur son PC et autres exercices sur simulateurs imposés par la compagnie à ses pilotes, la vie d’Estelle est chronométrée. Jusqu’aux minutes consacrées à faire l’amour avec Guillaume sont comptabilisées, car les périodes de fertilité de l’épouse sont mises également sous étroite surveillance, le mari aspirant à faire à sa chérie l’enfant de l’amour qui se fait attendre.

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Ce minutage intégral se dérègle dès l’instant où, dans un aéroport où elle est sur le point d’embarquer, la ravissante commandant de bord retombe sur Ana (Marta Nieto), ancien amour lesbien perdu de vue depuis vingt-cinq ans. Vertige libidinal qui refait surface et finit par s’emparer d’Estelle, habitée par des cauchemars prémonitoires, tandis que les liens se resserrent avec cette artiste photographe érotomane et délurée qui a investi, en bord de plage, une maison de style moderniste, où elle poursuit son travail créatif, consistant à saisir l’acmé du coït (mâle et femelle) dans l’objectif…  


Enveloppé de bout en bout dans le manteau d’une musique tout à la fois lyrique et oppressante, Visions prolonge manifestement l’intérêt très vif que porte le cinéaste Yann Gozlan au monde de l’aéronautique, à ses dérèglements et à ses défaillances, dans le sillage de Boîte noire, film plutôt réussi dans lequel on se souvient que Pierre Niney, il y a trois ans, campait un analyste de sécurité chargé d’enquêter sur une catastrophe aérienne…

Cette critique a été écrite avant l’accident de moto de M. Kassovitz

Thriller oppressant habilement scénarisé, Visions ne se dispense pas de citations cinéphiliques, depuis le chignon blond d’Estelle évoquant irrésistiblement celui de Madeleine, campée par Kim Novak dans Vertigo, le chef-d’œuvre d’Hitchcock, jusqu’à la spirale irrationnelle qui, à l’instar de Naomi Watts et Laura Harring dans Mulholland Drive, le film de David Lynch, se renforce du contraste capillaire entre l’or et le brun de leurs toisons respectives… Entre parenthèses, on se plait à imaginer ce qu’un Almodovar aurait pu faire d’un tel script, transposé avec un pilote gay, mais marié, fantasmant sur son ancien boyfriend au point d’en perdre la raison…

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Au-delà de ses vertus divertissantes, Visions est une mise en appétit particulièrement efficace : on va revoir Diane Kruger l’an prochain dans The Shrouds, de David Cronenberg. Quant au réalisateur de La Haine, et dix ans après son dernier film L’ordre et la morale, Matthieu Kassovitz, qui lâchait élégamment: « j’encule le cinéma français, allez-vous faire baiser avec vos films de merde », signe maintenant, sous le titre Mind Fall, un long métrage de science–fiction parlé en anglais, produit aux États-Unis, et dont l’action se déroule à Londres, avec la photogénique Daisy Ridley dans le premier rôle. On attend de voir.


Mise à jour : Souhaitons à Matthieu Kassovitz déjà un prompt rétablissement après son accident de dimanche. La moto, c’est plus dangereux que le cinéma


Visions. Film de Yann Golzan. Avec Diane Kruger, Mathieu Kassovitz, France, couleur, 2023.  Durée : 2h. En salles le 6 septembre 2023

Le Canada a la nostalgie du confinement

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Un Canadien opposé à la vaccination devant des policiers, arbore une casquette "Fuck Trudeau", Ottawa, 19 février 2022 © Justin Tang/AP/SIPA

Le pays est devenu le laboratoire de l’utopie sécuritaire, le plus grand safe space au monde


Le Covid-19 a accouché de sociétés habitées par un puissant besoin de sécurité. Nous sommes entrés dans un monde où « chaque petit geste compte », où un ensemble de petits rituels sert à nous rassurer en fournissant un cadre à notre vie. Nous sommes tenus d’agir au quotidien pour prévenir des catastrophes, les yeux rivés sur les colonnes de chiffres des « experts » et des gouvernements. Il ne faut plus produire à l’infini, mais prendre conscience des limites qui auraient dû baliser notre existence bien avant la première vague.

Le temps des peurs

Ce « temps des peurs », décrit par le sociologue Michel Maffesoli, nourrit une vision apocalyptique où le moindre phénomène météo est interprété comme le signe de la colère des dieux. L’arrivée de l’automne suffit à provoquer des réflexes d’isolement face à son propre milieu vu comme une menace virale. Il faut se soumettre au pouvoir pour recevoir sa protection en retour, comme un serf vis-à-vis de son seigneur.

C’est l’omniprésence de la santé publique dans une civilisation désenchantée qui ne sait plus sur quoi se rabattre pour donner un sens à la vie des gens, c’est la mise en spectacle d’une planète qui brûle et qu’on doit restaurer pour notre sûreté. On ne défend plus la nature pour elle-même, en tant que valeur en soi méritant notre estime, mais pour nous. Il s’agit souvent moins de protéger les écosystèmes que de prévenir « l’éco-anxiété » et la saturation des hôpitaux. La pollution atmosphérique et les canicules font grimper la mortalité. Le discours ambiant trahit ce lien étroit entre santé et environnement.

Le safe space canadien

Si la plupart des pays occidentaux adhèrent à cette vision du monde à travers leurs institutions, le Canada est à l’avant-garde de cette utopie sécuritaire peut-être encore plus forte que l’idéologie multiculturaliste intégrée à sa constitution. Grande banlieue froide et édulcorée des États-Unis, il fait figure de laboratoire. Par sa nature tranquille et son goût pour les choses bien ordonnées, le Canada était sans doute plus prédisposé que les autres à embrasser cet imaginaire technocratique et aseptisant. De nombreux programmes publics participent au « sacre des pantoufles » analysé en France par Pascal Bruckner.

A relire, du même auteur: Expulsé d’un bar pour mes opinions politiques

Avec les courants « progressistes » en vogue, il s’agit de participer à la construction du safe space global, de ce grand espace capitonné où nous pourrions enfin vivre à l’abri de tous les risques et périls. Le risque zéro devient le nouvel idéal. Il s’agit de prévenir toutes les « micro-agressions » imaginables, des allusions « racistes » ou « transphobes » à la « pollution sonore » en passant par le smog. La notion de safe space est née sur les campus américains dominés par le wokisme. À l’origine, elle désigne un espace idéologiquement pur sans contradicteurs, mais au Canada, elle a été étendue de manière à inclure une grande variété de phénomènes à proscrire.

La nostalgie du confinement

Le but n’est plus seulement d’éliminer le virus de l’Occident colonialiste, mais d’assurer un vivre-ensemble sécuritaire. L’individualisme est exacerbé au point que tout semble tourner autour de l’égo de la personne victime de son environnement, de la société-violence. La nostalgie du confinement nourrit l’intolérance aux autres. Dans cette ambiance de repli sur soi apparaissent chaque semaine dans l’actualité des histoires invraisemblables. Par exemple, en janvier 2023, la ville québécoise de Gatineau a annoncé avoir élaboré un plan d’action pour contrer « l’usage excessif » du parfum, prétextant vouloir protéger les personnes souffrant d’une « hypersensibilité environnementale ».

À l’hiver 2022, l’épisode du convoi de camionneurs opposés aux mesures sanitaires a aussi été révélateur de cet état d’esprit, et par le fait même, du rejet d’une certaine vitalité démocratique parfois quelque peu chaotique. Durant le « siège d’Ottawa », les klaxons des camionneurs rassemblés devant le parlement ont été présentés comme de la violence symbolique, sinon comme une attaque en règle dirigée contre les résidents de la capitale, en majorité fonctionnaires. Il faut vivre loin des tranchées et des canons, dans une société passablement tiède et confortable pour avoir le luxe de présenter le tintamarre produit par des manifestants comme une insupportable atteinte au bien-être de la population.

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Emmanuel Macron est-il jaloux de ses ministres?

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Les propos d'Emmanuel Macron sur l'abaya tenus sur la chaîne "Hugo décrypte", ne sont pas de nature à aider Gabriel Attal. Image: Capture YouTube.

Après avoir longtemps jalousé Edouard Philippe, voilà que le président de la République voit d’un mauvais œil la lumière que prend son nouveau ministre de l’Education nationale. Emmanuel Macron est humain, finalement.


L’interrogation de mon titre n’est pas provocatrice. J’ai la faiblesse de considérer qu’elle met en évidence ce qui participe, certes de manière minimaliste, au dérèglement de notre vie républicaine. Pour me résumer, nous avons dorénavant un président de la République pour lequel tous les domaines sont réservés, et plus seulement les relations internationales et la Défense. Ces derniers mois, il était partout, s’occupait de tout, annonçait tout, ayant jeté depuis longtemps au rancart la rareté présidentielle. Depuis son retour de Brégançon, il paraît possédé par une seule envie : montrer qu’il ferait mieux que tous les ministres réunis et que chacun d’entre eux. Même s’il ne s’agissait que d’extérioriser une énergie hors du commun, on pourrait regretter la permanente et déplorable confusion des rôles. La cohérence interdirait pourtant de dénoncer le manque d’efficacité et l’amateurisme de la plupart des ministres, comme le fait régulièrement le président lors des Conseils hebdomadaires, et de les priver pourtant de la parole et de l’action dont ils devraient être exclusivement responsables.

Le président grille sans cesse la politesse à Gabriel Attal

Probablement y a-t-il dans cet impérialisme, le sentiment (qu’il est difficile de formuler explicitement à la suite des polémiques qui ont suivi certains propos présidentiels) d’une supériorité de principe d’Emmanuel Macron sur l’ensemble de tous ceux qui le servent de près ou de loin. Malgré l’évidence de plusieurs erreurs comme, par exemple, le calamiteux choix de Pap Ndiaye heureusement remplacé par Gabriel Attal. S’il convenait d’être irréprochable pour avoir le droit de s’autoriser des critiques, la vie de président ne serait plus tenable ! Les exemples sont multiples de cet investissement par Emmanuel Macron de champs qui, même avec le pouvoir considérable d’un président de la Ve République, devraient demeurer dans le pré carré des ministres. Il y a des épisodes mineurs et d’autres beaucoup plus préoccupants. Quand Emmanuel Macron va encourager l’équipe de France de rugby, il ne fait rien comme tout le monde. À bien écouter son discours, non seulement, même si c’est une tradition, il se substitue à la ministre des Sports (dont le ton est implacablement monotone et doucereux !) mais il s’abandonne à une immixtion presque ridicule quand on sait ceux auxquels il adresse ses pronostics et ses avertissements. En revanche, lorsque systématiquement il grille la politesse à Gabriel Attal au point d’apparaître plus ministre que lui, plus concerné par le sujet et l’Éducation nationale que le titulaire du poste pourtant choisi par lui, il y a un problème qui à la fois fait douter de l’existence d’un président seulement en charge de l’essentiel et de celle d’un ministre exclusivement concentré sur ses tâches.

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Gérald Darmanin lui-même n’a pas échappé, en certaines circonstances, à ces pulsions de domination du président, d’autant plus vives qu’elles pouvaient sembler pallier, par raccroc, ses faiblesses régaliennes.

Un problème qui relève presque de la psychologie

Ce malaise organique et en même temps démocratique est aggravé par le fait qu’Emmanuel Macron, trop soucieux de lui pour se contenter de répéter tel quel le message ministériel, le complique en le formulant autrement. Par exemple, sur l’expérimentation de l’uniforme. Ou sur l’interdiction de l’abaya (vidéo ci-dessous) : sa comparaison avec Samuel Paty ne m’a pas choqué d’autant plus qu’il avait pris la peine de préciser l’absence de lien mais il n’empêche que sa référence n’était pas utile et créait une controverse alors que l’interdiction de l’abaya et du qamis était très majoritairement approuvée. En résumé, le président se substitue aux ministres et parfois fait moins bien qu’eux.

Osons aller au bout de l’explication psychologique. Depuis 2017 – et sa réélection a accentué cette propension -, on a constaté que le président, en même temps qu’il exige une inconditionnalité absolue, est gangrené par un sentiment de jalousie à l’égard de ceux qui de manière durable sont plus dans la lumière que lui ou ont eu le talent et l’intelligence de proposer des mesures qui les font apprécier très largement. Dans le premier cas, jalousie à l’encontre d’Édouard Philippe. Dans le second, plus subtilement manifestée, à l’égard de Gabriel Attal. Il ne fait pas bon être ministre sous ce président de la République. Bon ou mauvais, il vous relègue ou vous remplace. Remarquable, il vous envie et vous en veut. Emmanuel Macron tellement idolâtré par ses affidés et pourtant humain, trop humain…

Causeur: Gauche Médine contre France Sardou

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© Causeur

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Les œillades sirupeuses de l’extrême gauche au rappeur Médine et les âneries proférées par Juliette Armanet contre Michel Sardou : ces deux épisodes sont une parabole de notre situation. Comme le dit Élisabeth Lévy en présentant notre dossier : « ils symbolisent à merveille le face-à-face de deux France qui ne parlent plus le même langage ». Il ne s’agit ni d’un clivage ethno-religieux ni d’un affrontement droite-gauche, mais d’un choc entre deux imaginaires. La France de Médine est certes en partie musulmane et de gauche, mais elle comprend aussi, en plus des militants écolos-insoumis, une partie des élites culturelles qui sont férues de diversité mais n’en sont guère issues. La France de Sardou comprend aussi bien des gens de gauche que de droite et des immigrés qui sont attachés aux traditions laïques et populaires de la nation. Pierre Vermeren voit dans les saillies de Juliette Armanet à l’encontre de Michel Sardou la prolophobie des bobos, leur mépris pour ce qui plaît au peuple. Cette nouvelle querelle des anciens et des modernes oppose les traditions locales à la culture globalisée. David Vallat, interrogé par Céline Pina, est un djihadiste repenti qui combat désormais l’islam politique. Il analyse le double discours employé par Médine dans ses chansons et ses tweets qui lui permet d’envoyer à ses fans des messages racistes et antisémites. Selon Céline Pina, la Nupes, en déroulant le tapis rouge pour Médine, reproduit les méthodes clivantes du FN des années « point de détail ». C’est la meilleure manière de ne jamais gagner les élections. Gilles-William Goldnadel avoue que le mois d’août lui a laissé un mauvais goût amer au fond de la bouche. La raison ? Des crimes atroces occultés par la presse car les victimes étaient trop pâles ; l’hystérie qui a entouré la nomination de Geoffroy Lejeune au JDD ; et bien entendu l’invitation mielleuse de Médine chez EELV. Dominique Labarrière évoque la figure de Michel Sardou : bonhomme, bourru et rouspéteur, véritable Gaulois réfractaire, il est le plus grand vendeur de disques français vivant. Sardou toujours : Marsault nous donne une technique pour démasquer les extrémistes de la gauche wokiste qui se cachent… Et, dans sa chronique, Olivier Dartigolles nous rappelle qu’il y a plusieurs gauches : « Ma gauche peut à la fois chanter Sardou et Ferrat, Ferré et Goldman. Elle n’a jamais éprouvé un mépris de classe pour les gens de peu, n’a jamais parlé de « la France des beaufs » ».

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Emmanuel Macron révèle que sa priorité absolue sera désormais de restaurer l’autorité, que ce soit au sein de la famille, à l’école ou dans l’espace public. Dans son édito, Elisabeth Lévy se permet quelques doutes sur sa capacité à atteindre cet objectif. Concernant l’école, M. Macron tient trop souvent un double langage, prônant tantôt la discipline, tantôt l’école flexible : « Sur une question aussi vitale pour le pays, le président devrait s’interdire le baratin du en même temps ».

Robert Ménard, maire de Béziers et candidat potentiel en 2027, se confiant à Elisabeth Lévy, dresse un bilan d’étape à mi-parcours de son deuxième mandat. Si sa ville est devenue plus dynamique et plus sûre, il reconnaît être désarmé face à la pression islamique. Inquiet pour l’avenir du pays, il déplore que le président, qui a pourtant les mains libres, n’ait pas le courage de prendre les problèmes du pays à bras le corps. Selon lui, « Macron peut faire tout ce qu’il veut, mais il manque d’audace ».

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Pour masquer la consternante baisse du niveau dans les lycées, l’Éducation nationale demande aux correcteurs d’adapter leur grille d’évaluation aux objectifs du ministère. Corinne Berger déplore un procédé stalinoïde contre lequel toute révolte est vaine.

Quittons l’hexagone. Sans maîtrise de ses frontières (maritimes), Mayotte connaît une explosion migratoire et une flambée de violences sans précédent. Pour enrayer ce cycle infernal, Gérald Darmanin a lancé en avril l’opération Wuambushu. Se confiant à Frédéric Magellan, Mansour Kamardine, député LR de ce département français, applaudit mais attend encore plus de fermeté. Selon Loup Viallet, Emmanuel Macron ne doit plus tergiverser entre désengagement et interventionnisme face au récent coup d’État au Niger. Pour éviter les poursuites judiciaires, Benjamin Netanyahu plonge Israël dans une crise constitutionnelle sans précédent, analyse Gil Mihaely. Après des mois de contestation, les institutions, piliers de la démocratie, s’opposent ouvertement au chef du gouvernement.

Côté culture, nous commençons par swinguer… Né en 1941, le batteur français, Michel Denis, a accompagné les plus grands, de Dizzy Gillespie à Memphis Slim. En conversation avec Yannis Ezziadi, il déplore aujourd’hui la perte de ce qui faisait l’essence du jazz : le swing ! En revanche, pour Franz Kafka la solitude était la condition de la création. Le premier tome de sa biographe, monumentale, par l’Allemand, Reiner Stach, vient de paraître en français. Pour François Kasbi, il n’en fallait pas moins pour sonder la vie et l’œuvre du génie de Prague. Georgia Rey a visité l’exposition, « Esclavage, mémoires normandes », étalée sur trois sites, à Rouen, au Havre et à Honfleur. Malheureusement, elle n’a trouvé qu’un nième exemple de la fâcheuse tendance à la contrition mémorielle.

Si Thomas Morales dit du bien du nouveau livre de Jonathan Siksou, Vivre en ville, ce n’est pas parce que ce dernier travaille à Causeur. C’est parce qu’il le mérite ! Avec un humour ravageur, il alterne chroniques, anecdotes vécues et références littéraires pour dresser le foudroyant bilan d’une débandade généralisée : celle de la vie citadine. Afin de satisfaire aux exigences des sponsors des JO, la Ville de Paris souhaite démonter les boîtes des bouquinistes le long de la Seine. Pour le comédien Philippe Caubère, c’est une atteinte inadmissible à l’âme de notre capitale. Et si Martin Pimentel dit du bien du nouveau livre de Thomas Morales, ce n’est pas parce que ce dernier est contributeur à Causeur. Dans Monsieur Nostalgie, notre chroniqueur aime, non sans humour, se remémorer le « bon vieux temps ». Mais il ne s’agit pas que d’un livre de douce mélancolie. L’auteur nous avertit : « La nostalgie n’est pas encore un crime. Elle le deviendra, soyez-en sûr, au train où la modernité avance et gangrène nos existences ».

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Jean Chauvet recommande comme contrepoison à la Barbie barbante du cinéma américain de cet été, le nouveau film décapant et dérangeant de Catherine Breillat, ainsi que les toujours très précieux films de Mocky qui connaissent une nouvelle vie en salles. Emmanuel Tresmontant a visité Chinon. Riche d’un patrimoine historique remarquablement restauré, la cité médiévale n’est pas seulement une ville-musée. Ses vignerons et son centre-ville ressuscité entretiennent un art de vivre qui séduisait déjà l’auteur de Gargantua et Pantagruel. Selon la prière de Panurge à la « dive bouteille » : « O Bouteille / Pleine toute / De mystères, / D’une oreille / Je t’écoute : / Ne diffères ». Rabelais était plutôt du côté de la France de Sardou.

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Rentrée des artistes

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Elisabeth Lévy © Pierre Olivier

L’éditorial de septembre d’Elisabeth Lévy.


Si ça se trouve, on ajoutera bientôt le terme « autorité » à la devise nationale. C’est qu’à défaut de changer les choses, le macronisme se paye volontiers de mots et celui-là fait un tabac. Dans son entretien-fleuve du Point, le président l’emploie treize fois, pour constater qu’elle est en crise et qu’il faut la rétablir. La belle découverte que voilà. La disparition de l’autorité à tous les étages de la vie sociale, beaucoup de Français l’observent tous les jours et pas seulement sur leurs écrans. Les honnêtes gens qui doivent montrer patte blanche à des dealers pour rentrer chez eux ou voient des gamins de douze ans brûler des bâtiments publics, les professeurs sommés de remonter leurs notes (voir l’édifiant article de Corinne Berger, pages 14-17 du magazine) ou de faire profil bas devant des parents hargneux, sans oublier les policiers priés d’endurer sans broncher violences et insultes de sauvageons qu’une juge compassionnelle sermonnera gentiment parce que c’est pas bien, promettez de ne pas recommencer vous voulez un bonbon ?, tous ceux qui subissent, impuissants, sont certainement charmés d’apprendre que le retour de l’Autorité est en tête de l’agenda présidentiel.

Du reste, il paraît que le président cherche des thématiques consensuelles pour causer avec ses opposants –réserver le débat aux sujets sur lesquels on est d’accord, cela résout tous les conflits. Eh bien, il en tient une : de Fabien Roussel à Zemmour, on s’accorde pour penser que tout fout l’camp et qu’il n’y a plus de respect. Seuls les Verts (parti du bordel par atavisme indécrottable) et les Insoumis trouvent qu’il y a encore trop d’autorité, surtout dans la police. Il est vrai que chez ces derniers, il n’est pas question d’autorité, mais d’un pouvoir tyrannique qui se maintient par la coercition et la peur.

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Donc, promis, le président va s’employer à remettre de l’autorité partout : dans la famille, dans les relations avec la police et, bien entendu, à l’école : « Il n’y aura aucune forme d’accommodements avec l’autorité des savoirs et l’autorité des maîtres. » On attend donc que les correcteurs du bac recouvrent leur liberté de notation, quitte à faire chuter à 50 % le taux de réussite.

Ne soyons pas ingrats. À peine arrivé Rue de Grenelle, Gabriel Attal ne s’est pas contenté de belles paroles, il a fait acte d’autorité. L’abaya est désormais interdite dans les établissements publics. Ce n’est pas difficile, il suffit de dire non. Et de laisser les pleureuses mélenchonistes aboyer, vitupérer le racisme du ministre et la police du vêtement avant de se réfugier dans les jupes du Conseil d’État. Si le Conseil d’État n’est pas content, on pourra toujours voter une loi – ou menacer cette éminente institution d’une réforme qui changerait le rapport de forces idéologique en son sein. L’État de droit ne signifie pas qu’une assemblée de technos largement issus du même moule idéologique peut imposer ses fariboles différentialistes au bon peuple.

Le nouveau ministre est aussi le premier à reconnaître explicitement que le niveau baisse, évidence unanimement partagée et presque aussi unanimement niée, sous peine d’être désigné comme réac. Le réel est réac, c’est bien fâcheux. C’est, suppose-t-on, en accord de son patron qu’il va mettre le paquet sur ce terrain, avec la prise en charge des décrocheurs et le retour des maths en 1re.  On se demande d’ailleurs dans quel cerveau fatigué avait germé l’idée de les supprimer. En attendant, à en croire Robert Ménard (pages 32-37), il est prévu en cette rentrée d’offrir aux élèves « une sensibilisation à l’écologie, une initiation au permis de conduire, un apprentissage de la diététique ». Les savoirs fondamentaux, vous dit-on.

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Certes, ces délicieuses innovations sont l’œuvre de Pap Ndiaye. Mais sauf erreur, il avait été choisi par le même président qui employait déjà les mêmes mots. C’est tout le problème : on ne sait jamais de quel côté de son brillant cerveau Emmanuel Macron va pencher. Son surmoi progressiste peut-il assumer l’existence de hiérarchies sans lesquelles il n’est pas d’autorité ? On s’interroge quand on découvre, entre une ode au savoir et un appel à la discipline, qu’il s’est entiché de l’école flexible, testée paraît-il à Marseille. « Les élèves peuvent être debout, assis ou à genoux pendant la classe. » Et pourquoi pas couchés, quelle odieuse discrimination ! Il faudra expliquer comment des élèves suivant le cours debout pourront se lever à l’entrée du professeur comme le souhaite Gabriel Attal. Peut-être le président va-t-il proposer d’instaurer un « Yes Day » à l’école. Cette ânerie qui a déjà des adeptes en France a été inventée par je ne sais quelle psychologue américaine pour que « chacun puisse réinterroger sa place dans la famille ». Il est en effet essentiel que les enfants se demandent s’ils ne seraient pas plutôt les parents. Il s’agit d’une journée au cours de laquelle vous dites oui à tout ce que demandent vos chers bambins (et quand ils veulent coucher avec maman on fait quoi ?).

Je blague, pour l’heure, il n’est pas question de Yes Day à l’école. Reste que le pas de côté présidentiel sur l’école flexible où, comme chez McDo, on vient comme on est, fait quelque peu douter de sa cohérence. Dire Fais ce qu’il te plaît à la génération J’ai le droit n’est peut-être pas le meilleur moyen de rétablir l’autorité. Sur une question aussi vitale pour le pays, le président devrait s’interdire le baratin du en même temps.

Dans le gratin cosmopolite

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Marthe Bibesco peinte par Giovanni Boldini (1911) D.R.

Marthe Lahorary n’est pas née dans la crotte. De sang bleu roumain mais Française de cœur bien avant de se voir naturalisée, princesse convolant en justes noces, à 17 ans, avec un descendant de la dynastie Caraman-Chimay, cette aristocrate de haute lignée, déchue au mitan de sa vie par la catastrophe du communisme, aura traversé la tragédie du XXème siècle avec un certain aplomb, infiniment de panache, très peu de modestie et un sacré courage : passant de l’opulence à la ruine, de la célébrité à un relatif oubli, du statut d’éminence grise des ambassades et de la renommée littéraire à la condition de curiosité fossile, spectre fardé d’un grand monde englouti.


L’historienne Aude Terrey – cf. Claude Pompidou (2010) ; Madame Malraux (2013) ; Les Derniers jours de Drieu La Rochelle (2016) – a bien travaillé, encore une fois : plusieurs années de recherche assidue aux quatre coins de l’Europe aboutissent à un livre qui se lit d’une traite, comme un roman. À cela près qu’ici, la réalité dépasse de beaucoup la fiction. Il y a près de trente ans, l’émérite et fort élégant essayiste Ghislain de Diesbach s’était attelé à une monumentale biographie : Marthe, Princesse Bibesco, parue aux éditions Perrin. Depuis lors, comme on s’en doute, quelques boîtes d’archives se sont ouvertes, bien des secrets de famille se sont éventés. De Bucarest à Londres et Paris, Aude Terrey a donc rouvert le dossier. Non sans fascination pour ce destin hors normes.


Il est vrai que cette existence merveilleusement étirée dans le temps (1886-1973) ne manque ni de relief, ni de rebondissements. Vu de l’extérieur, une enfance dorée, entre manoir de Balotesti et villégiatures à Biarritz, entre un père tour à tour diplomate et ministre, qu’elle adore, et une mère acariâtre qui ne l’aime pas. Un mariage d’amour avec Georges, époux qui enchaînera ouvertement jusqu’à sa mort (en 1941) les liaisons extra-conjugales, une jeunesse polyglotte enlisée dans Posada, palais des Carpates au style anglo-normand, à lire Chateaubriand, sa grande passion littéraire, entre la meute des lévriers de chasse et la légion des domestiques… « Etonnante famille que ces Bibesco », dont les cousins germains de Georges, les richissimes, magnétiques et ravissants Emmanuel et Antoine, si chéris de Marcel Proust, deviendront les initiateurs de Marthe à « cet esprit français qui se déploie comme la roue d’un paon, dans un orgueilleux mélange de snobisme et de mordant ».

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Émancipation mondaine et littéraire

Elle n’a pas 20 ans lorsqu’elle se lance dans une traversée de l’Europe centrale en automobile, jusqu’en Perse, avec Georges, flanqués d’une équipe de chauffeurs-mécaniciens. La fièvre d’écrire s’empare de la princesse : coup d’essai, Les Huit paradis font le récit de cette expédition. Fréquentant chez la comtesse Greffulhe (dépeinte comme l’on sait par Proust sous les traits de la duchesse de Guermantes), Marthe tisse sa toile dans le grand monde parisien. Aude Terrey détaille avec art les étapes de cette émancipation mondaine et littéraire, les rivalités naissantes (avec la poétesse Anna de Noailles, par exemple), les amitiés indéfectibles (avec le fameux abbé Mugnier, infatigable confesseur du Tout-Paris)… Délaissée par Georges, pionnier de l’aviation mais aussi conquérant compulsif des dames, Marthe fuit dans l’adultère et le voyage, « tiraillée entre ses rêveries romanesques et sa lucidité, entre le vertige des sens et les aspirations mystiques ». Au point de se retirer, un moment, au carmel d’Alger ! A peu de temps de là, sa sœur Jeanne meurt du choléra. Bientôt convertie au catholicisme, la princesse confie à Fortuny, le fameux décorateur vénitien, les embellissements de Mogosoaia, un palais du XVIIIème siècle sis à 15km de Bucarest, où elle s’installe en 1912 : lui rendre sa splendeur sera le grand-œuvre de sa vie (transformé en musée, il reste en 2023 une des attractions touristiques de Bucarest).

Agitation autour de l’avion de la Princesse en Angleterre, début des années 30 MARY EVANS/SIPA © Numéro de photo : 51080492_000001

Chronique mondaine ? Bien davantage : la force d’attraction de ce récit, c’est qu’il embrasse la dimension tragique propre à ces destins malmenés par l’Histoire. Ainsi, dès le seuil de la Grande guerre, la Roumanie, neutre dans le conflit, est prise dans les feux croisés des puissances belligérantes. Marthe se délecte alors à jouer les éminences grises, passant de l’amour transi que lui voue le Kronprinz austro-hongrois aux inclinations qu’elle a pour Mr Thomson, un colonel anglais à qui elle ouvre ses réseaux sous le soleil de Constantza. Est très bien rendue, sous la plume d’Aude Terray, la densité, la complexité des liens qui assignent les tourments du cœur, les ambitions intellectuelles et les stratégies mondaines à l’aléa des alliances internationales, dans l’aquarium de luxe où nage la princesse, depuis l’hôtel Ritz jusqu’à son palais de Mogosoaia. Ce qui ne l’empêche pas de se faire patronnesse d’un hôpital pour grands blessés de guerre, qu’elle installe dans les locaux de l’Automobile Club. Baptisé n°118 par la Croix-Rouge, l’établissement tombera sous la botte allemande dans Bucarest occupée, à partir de 1916.

Un somptueux pied-à-terre quai de Bourbon

« Oui, la princesse Bibesco est une attraction, victime de sa légende, la beauté des Carpates aux fabuleuses émeraudes, la briseuse des cœurs à Paris, l’envoûteuse du Kronprinz, la femme d’esprit et de lettres. Mais aussi la femme de caractère, une incontrôlable, une indomptable dont les autorités allemandes se méfient », note notre biographe. « Mouche à boche », « l’aventurière », « commère internationale », « la franc-maçonne de Mogosoaia », « sainte Opportune » – les sobriquets ne manqueront pas pour tenter de disqualifier, sa vie durant, la fastueuse héroïne qui prend du repos en compagnie de Rilke, le poète, dans le luxe bohémien du château de Laustschin, chez les von Thurn und Taxis, tandis que la cour de Roumanie s’est réfugiée à Iasi, en bordure de la Moldavie.

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La seconde guerre mondiale viendra balayer d’un coup les années fastes pendant lesquelles Georges, à la tête de la Fédération aéronautique internationale, devient une personnalité incontournable, propulsant dans les airs sa princesse fébrile, laquelle, entre deux vols de New-York à Paris, Londres, Rome, Berlin ou Bucarest, met en scène sa vie dans le magazine Vogue, fraie avec Paul Claudel, rivalise avec la richissime épouse de Paul Morand, publie en français des romans à succès (Katia sera même adapté au cinéma !), tout en s’aménageant un somptueux pied-à-terre parisien sur l’île Saint-Louis, là même où elle s’éteindra, bien plus tard, à l’heure de la France pompidolienne. En attendant, « les fêtes à Mogosoaia (…) alimentent tous les fantasmes », observe Aude Terray : « Tout cela agace en Roumanie. On taxe les Bibesco d’arrogance et de cosmopolitisme ».  

La tourmente se lève à nouveau avec l’invasion allemande, Mogosoaia devenant l’épicentre de tractations dans lesquelles Marthe joue les équilibristes, au cœur d’une Roumanie vassalisée par l’Axe. Pragmatique, ou opportuniste ? Passées les funérailles princières de Georges, son mari infidèle, la veuve à voilette noire adopte son petit-fils et marie somptueusement Cosi de Brancovan, 22 ans, ignorant que c’est la dernière fête au palais rose. La chatelaine aura bien proposé ses bons offices pour tenter de rapprocher la Roumanie des Alliés, mais le « conducator » Antonescu pactise avec les nazis : la féminine diplomatie de l’ombre, ponctuée d’un séjour de neuf mois à Istanbul, ne change pas la donne. Chapitres passionnants, qui montrent comment l’étau se resserre inexorablement autour de la princesse aux « allures de conspiratrices et de diva »… Jusqu’à l’arrivée des colonnes de chars soviétiques sur les boulevards de Bucarest, les ultimes tentatives de la captive pour sauver son pays de l’emprise stalinienne. S’en aller ? Non sans mal, elle réunit les visas nécessaires et monte dans un avion militaire de la Royal Air Force qui atterrit au Bourget. « La princesse Bibesco a 59 ans, la foudre est tombée sur son destin, l’amputant à jamais de sa vie d’avant ». Noblesse de robe n’en célèbrera pas moins le retour à l’élégance parisienne ; les échappées au Ritz ou les invitations chez les Windsor outre-Manche ne se refusent pas…

La biographie d’Aude Terray ouvre alors sa partie la plus glaçante, la plus émouvante, aussi : elle décrit le calvaire de Valentine, la fille de Marthe, en butte à l’hostilité des fonctionnaires, délogée de Mogosoaia, bientôt réduite à la misère et à la famine, enfermée sans recours dans la « souricière » de la Roumanie communiste, puis arrêtée avec son mari Dimitri comme traîtres, condamnée aux travaux forcés, détenue à domicile, jusqu’à ce la princesse aux « tenues de dogaresse », perroquet crocheté à l’épaule, et qui pendant ce temps monnaie son statut de légende vivante en coudoyant les grands de ce monde, parvienne à exfiltrer le couple hors de l’enfer : il aura duré sept ans et demi !

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Longuement méditée, somme tardive et échevelée que la princesse dédie à feu l’abbé Mugnier (1853-1944), La Nymphe Europe, en 1960, ne rencontrera pas le succès escompté. L’amie octogénaire du cinéaste Robert Bresson, la fervente admiratrice de Churchill et du « Grand Charles » (avec qui elle entretient une correspondance épistolaire), trouvera son « bâton de vieillesse » en la personne de son neveu, Mihai de Brancovan. Recluse quai de Bourbon, la princesse Bibesco s’éteint un soir de 1973, fin novembre. Sans rancune contre l’adversité…

De la richesse de cette nouvelle biographie et de l’agrément de son style, cet aperçu suffit-il à faire l’éloge ? Tresser, en esquivant l’écueil hagiographique, les fils mondains, sociaux, politiques, intimes de cette saga dans l’étoffe tout à la fois moelleuse et solide d’un récit aux péripéties improbables n’allait pas de soi. Aude Terray, page après page, parvient à restituer superbement le contexte dans lequel se meuvent en grand nombre les comparses de ce feuilleton terrible et palpitant.     

La Princesse Bibesco. Frondeuse et cosmopolite, par Aude Terray. Tallandier (collection « libre à elles »), 386p.  

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Climat: le tatouage qui suscite la polémique en Autriche

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L'initiative de Leonore Gewessler (notre photo) ne fait pas l'unanimité © Henrik Montgomery/AP/SIPA

À Vienne, le ministère du Climat a proposé aux volontaires un an de transport gratuit en échange d’un tatouage définitif. L’initiative suscite évidemment une vaste controverse.


C’est une petite histoire qui mêle écologisme, communication politique et les plus absurdes audaces du marketing. Elle a lieu en Autriche, pays cadenassé de montagnes et où l’on peut manger des saucisses avec une moutarde très piquante dans l’un des cafés qu’ont fréquenté à peu près en même temps Freud, Tito, Staline, Lénine, Hitler et Trotski.

T’as ton klimaticket ?

Pour encourager les Autrichiens à privilégier les transports en commun de ce pays grand comme la région Nouvelle-Aquitaine, l’État a mis en place depuis octobre 2021 le KlimaTicket. À 1095 euros par an, l’abonnement n’est pas donné, mais il permet de prendre le train et de se rendre de Vienne à Salzbourg, d’utiliser le métro de la capitale ou le tramway de la ville natale de Mozart.

Pour donner un coup de pouce à la jeunesse autrichienne et en même temps un coup de pub au KlimaTicket, la ministre fédérale du Climat et de l’Environnement, Leonore Gewessler, a lancé une initiative étonnante : les trois premières personnes à se faire tatouer lors du festival Electric Love qui se tenait, début juillet, à Salzbourg, se voyaient offrir un abonnement d’un an au KlimaTicket. Parmi les tatouages possibles : un train, une langue qui rappelle le logo des Rolling Stones avec le mot « Klima » à l’intérieur, et d’autres clins d’œil à la culture rock. Depuis, la mesure a été étendue à d’autres festivals du pays.

Gare… au point Godwin !

Quand on mêle Autriche, train et tatouage dans une même association d’idées, le risque est grand d’enflammer la twittosphère et les amateurs de point Godwin. La mesure suscite la polémique au sein des médias du pays, de l’opposition et d’une partie des jeunes gens qui considèrent être la cible un peu facile d’une campagne politique jugée cynique. Une députée du parti libéral NEOS, Henrike Brandstötter, s’écrie: « De l’argent pour de la publicité sur la peau – qui plus est de la part d’une ministre – révèle une image de l’être humain qui dépasse l’entendement ». Un peu avant, elle précise: « J’en sais beaucoup sur les tatouages ​​douteux »; voilà qui aiguise notre curiosité…

On peut se demander si la députée libérale n’en fait pas un peu trop. Après tout, si un festivalier accepte de se faire tatouer, c’est bien sa liberté. L’opération a quand même mis en place des conditions: il faut avoir plus de dix-huit ans, et les séances de tatouage se font en plein jour, c’est-à-dire à une heure où l’on est censé ne pas avoir bu au point de commettre un acte irréparable. Sait-on jamais, sous l’effet de la bière Heineken ou de la vodka Absolut (deux des sponsors du festival de Salzbourg), le jeune Autrichien lambda pourrait se laisser aller et accepter de se faire tatouer des logos à la gloire d’une ministre écologiste, geste qu’il regrettera peut-être toute sa vie…

Évidemment, on aura du mal à ne pas voir dans cette affaire cocasse la trace d’un certain cynisme politique. Leonore Gewesseler est d’ailleurs pressentie pour conduire la liste Die Grünen (l’équivalent de notre EELV) aux élections européennes de juin 2024. Quand le scrutin arrivera, la gratuité d’un temps sur le KlimaTicket sera presque arrivée à son terme; les tatouages, eux, seront toujours sur les avant-bras, les pectoraux ou pourquoi pas les fesses de nos jeunes Autrichiens fans de musique électronique. Il est quand même permis de se mettre à rêver qu’une telle opération voit le jour en France: pourquoi ne pas créer un badge qui permette de voyager gratuitement de Biarritz à Calais en échange d’un tatouage à la gloire de René Dumont ou de Sandrine Rousseau ?

Niger: la France maraboutée

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Coup d'Etat au Niger : des milliers de personnes manifestent devant l'ambassade de France à Niamey, 30 juillet 2023. © AP Photo /Sam Mednick/Sipa

Le récent coup d’État au Niger est un nouveau camouflet pour la France au Sahel. Et Paris semble hébété par la contestation de sa présence dans la région. L’enjeu est pourtant trop sérieux, en termes de sécurité pour les Européens et de développement économique côté africain, pour qu’Emmanuel Macron tergiverse entre désengagement et interventionnisme.


En trois ans, la France a perdu trois alliés au Sahel et serait peut-être en passe de perdre un quatrième au Gabon [1]. Au cœur de l’été, le président nigérien Mohamed Bazoum a été renversé par une junte militaire en raison de sa proximité avec la France. Depuis un mois se répète au Niger le scénario qui s’est produit en 2020 au Mali après la chute du président Keïta et en 2022 au Burkina Faso après le départ du président Kaboré : manifestations dans la capitale avec slogans anti-français et pro-russes, rupture des accords de coopération militaire avec la France, demande de départ de l’ambassadeur français, discours anticolonialistes. Tout se passe comme si la France était devenue le bouc émissaire officiel des putschistes des États les plus fragiles au sud du Sahara. La tête de Turc idéale pour justifier un coup de force et se maintenir au pouvoir sans organiser d’élections.

Pour certains analystes, cet ultime coup d’État porte un coup de grâce à la politique de la France dans la région. Moins d’un mois après le putsch, Michael Shurkin, (RAND Corporation) déclarait : « Time’s up for France in Africa », avant de conseiller aux Français de s’occuper de leurs « intérêts vitaux » en Europe et dans l’Indo-Pacifique. Le même jour, Pierre Haroche (Institut Jacques-Delors) proposait de réduire la présence militaire française en Afrique pour la renforcer en Europe. Selon ces derniers, la France ne serait plus capable d’agir comme une puissance en Afrique et n’y aurait plus intérêt.

Mais une succession de revers doit-elle nécessairement se traduire par un tel renoncement ? Et si les conséquences d’un désengagement de la France au Sahel se révélaient plus dangereuses encore pour la stabilité de l’Afrique et la sécurité de l’Europe, plus coûteuses en vies humaines, en moyens financiers et en réputation que la poursuite d’une politique de puissance – même assumée maladroitement ?

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Entre le renoncement à la politique de puissance et la tentation d’intervenir, le gouvernement français louvoie. Depuis que le président Macron a déclaré :« Il n’y a plus de politique africaine de la France », au début de son premier mandat devant le président Kaboré, l’hésitation est devenue sa marque de fabrique. Comme s’il cherchait à maintenir la France sur le devant de la scène africaine tout en refusant de lui faire assumer un rôle de premier plan, au risque de rendre son action illisible.

La présence militaire française est dénoncée par les juntes sahéliennes, stipendiée sur les réseaux sociaux et dans des manifestations ? Le gouvernement diminue les effectifs militaires, prône une « empreinte » plus « légère »,mais ne ferme aucune base permanente. Le franc CFA fait l’objet de campagnes de désinformation par des agents et des médias de la galaxie Wagner ? Le gouvernement propose de changer le nom de la monnaie et modifie à la marge l’organisation de la coopération monétaire.

Face à la montée des soupçons de néocolonialisme autour de la présence militaire française et du fonctionnement du franc CFA, le gouvernement semble avoir accrédité à demi ces attaques visant les symboles d’une Françafrique pourtant révolue, ces piliers d’un système colonial qui n’existe plus que dans les fantasmes et discours de ceux qui le dénoncent. Au lieu de se targuer de soutenir la monnaie la plus stable d’Afrique et de valoriser le bilan de Barkhane, de Sabre et de Takuba comparativement à celui de Wagner et des armées locales, la France n’a pas su utiliser les atouts qu’elle avait dans son jeu.

La France, puissance attentiste

La France dispose encore d’outils puissants, mais paraît ne plus vouloir véritablement s’en servir. Ainsi continue-t-elle de soutenir le franc CFA au Mali, au Burkina et au Niger alors que les juntes ont mis en scène leur rupture à grand renfort de propagande, dénonçant sa présence militaire mais se gardant bien d’adopter une nouvelle monnaie. Suspendre la coopération monétaire aurait pourtant renforcé l’impact des sanctions infligées par l’Uemoa et la Cedeao aux régimes putschistes au lendemain de leur coup d’État.

Cet été, à l’occasion du renversement du président nigérien, les pays frontaliers du Sahel ont de nouveau observé la France se comporter comme une puissance attentiste. Sollicité dans les heures qui ont suivi le coup d’État pour appuyer une intervention de l’armée nigérienne visant à libérer le président Bazoum, le gouvernement français a préféré temporiser, laissant les putschistes s’installer avant de soutenir la solution d’intervention brandie par la Cedeao en cas d’échec des négociations diplomatiques. Pourquoi se lier à une puissance si celle-ci s’illustre par sa passivité au moment où sa protection est vitale ?

Les États ouest-africains qui bénéficient encore de la coopération française ne semblent pourtant pas avoir intérêt à son désengagement au moment où leurs frontières sont mises sous pression par la contagion des putschs, l’expansionnisme djihadiste et le développement d’un chaos migratoire dont ils sont les réceptacles. Mais la France peut-elle encore inspirer confiance dans la région ? Sa politique a manifestement atteint ses limites.

Peut-on encore en changer ou faut-il renoncer à toute politique de puissance en Afrique ?

Le colonel-major Amadou Abdramane annonce, devant les caméras de la télévision nationale nigérienne, avoir renversé le président Mohamed Bazoum, Niamey, 26 juillet 2023. ©ORTN via AP/Sipa

Plutôt que de continuer à subir les événements, la France n’aurait pas d’autre choix que de démanteler ses instruments de coopération et de réviser l’ordre des priorités de sa politique de défense et de sécurité, ainsi que l’y exhortent Michael Shurkin ou Pierre Haroche. Cette solution dégraderait définitivement la réputation de la France en Afrique, mais aurait le bénéfice de l’extirper d’un bourbier où elle serait devenue « radioactive » ; de plus, elle permettrait à la France de mieux servir ses intérêts.

L’option du désengagement aurait l’intérêt de la clarté : en enterrant toute velléité de puissance dans la région, le gouvernement français n’aurait plus à endurer les contrecoups d’une politique erratique. En faisant disparaître les principaux ferments qui nourrissent les soupçons de néocolonialisme, il cesserait enfin de servir de bouc émissaire aux putschistes subsahariens. Cependant, il offrirait aussi une victoire politique éclatante aux populistes africains et à leurs alliés en accréditant leur propagande.

Et si partir était pire que rester ? M. Shurkin appelle la France à renoncer à sa puissance en Afrique pour soutenir ses intérêts économiques dans l’espace Indo-Pacifique. Il est vrai que la France échange six fois plus avec les pays de cette région qu’avec les économies du continent africain. Toutefois, la politique de la France au Sahel ne se fonde pas sur des motivations économiques (le Mali, le Burkina Faso et le Niger représentent entre 0,1 et 0,2 % du commerce extérieur français et moins de 5 % des parts de marché des entreprises françaises en Afrique).

D’un point de vue sécuritaire, les raisons qui ont présidé au maintien de la coopération régalienne de la France dans le voisinage ouest-africain du Sahel sont encore plus cruciales depuis la succession des coups d’État : l’expansionnisme des groupes djihadistes n’a été contenu ni par les éléments de Wagner ni par les armées malienne et burkinabè après le départ des forces de l’opération Barkhane et de l’opération Sabre. Le nombre de réfugiés sahéliens a explosé dans les pays du golfe de Guinée (en Côte d’Ivoire, au Togo, au Bénin), mais aussi sur la rive sud de la Méditerranée : en Tunisie, en Algérie, en Libye, au Maroc…

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D’un point de vue financier, la pandémie de Covid-19 et la guerre de conquête de la Russie en Ukraine ont eu des répercussions désastreuses sur les économies africaines. Dans ce contexte, en finir avec la garantie française sur le franc CFA priverait la majorité des économies ouest-africaines de leur convertibilité illimitée et de leur parité fixe avec l’euro (un drame pour des économies qui dépendent à 40 % du marché européen), les exposerait à des variations de change aussi brutales pour les populations et les entreprises que décourageantes pour les investisseurs, détruirait le socle du marché commun le plus intégré d’Afrique. Il faudrait s’attendre à une dollarisation des économies subsahariennes qui entraverait la diversification de leurs marchés, renforcerait leurs rentes primaires et les maintiendrait dans le piège des matières premières, qui les empêche de sortir du sous-développement depuis la décolonisation.

Virer la France, et après?

Peut-on sérieusement comparer les répercussions de l’instabilité des États situés à la frontière sud de l’Europe sur la sécurité des États du continent européen à celles qui pourraient advenir d’une fragilisation de l’Indonésie, du Pakistan, du Japon ou du Bangladesh – tous situés dans l’Indo-Pacifique ?

S’exfiltrer des affaires africaines, c’est prendre le risque de laisser le voisinage méditerranéen et le grand voisinage africain de l’Europe se (dés)organiser aux dépens des intérêts de la France et des États européens, au profit de puissances rivales (comme les États-Unis) ou hostiles (comme la Russie), dont la stabilité n’est pas menacée par les faiblesses africaines du fait de leur position géographique. Géopolitiquement, l’Afrique est à la France ce que l’Amérique latine est aux États-Unis : un territoire dont la proximité implique le partage de défis et de menaces. De ce point de vue, la France et tous les États européens ont intérêt à concourir à l’établissement des conditions de la sécurité et de la prospérité de l’Afrique. Contribuer à y endiguer la progression des groupes djihadistes y semble aussi nécessaire que d’investir massivement dans la modernisation des économies africaines et d’encourager leur adaptation au réchauffement climatique, phénomène dont les ravages précarisent durablement l’avenir des sociétés africaines.

Le sentiment anti-français est répandu, mais sa force et son sens politique sont difficiles à évaluer tant il a été démontré à quel point des manifestants et journalistes pouvaient être corrompus et instrumentalisés. Surévaluer sa portée et son enracinement pourrait avoir un impact désastreux sur la redéfinition de la politique française et la sécurité des deux continents.

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Trois ans après le premier coup d’État de la série sahélienne, les régimes putschistes inspirent toujours certains acteurs de la sous-région (ainsi le Sénégalais Ousmane Sonko, leader du parti insurrectionnel Pastef, s’est-il démarqué par son soutien à la junte malienne et par ses discours anticolonialistes), mais font aussi de plus en plus office de contre-modèles. Ils ont démontré leur inefficacité et la Russie n’incarne plus un recours aussi attractif après trois ans d’échecs face aux djihadistes au Mali, d’exactions sur les populations civiles– sans oublier la disparition du parrain de Wagner. L’autorité de la France s’est amoindrie, mais les régimes qui ont mis en scène leur rupture avec elle sont moins stables, plus isolés, leurs économies moins prospères et leurs populations moins en sécurité depuis son départ.

Sonner le glas de la politique française en Afrique est sans doute prématuré. Cette issue semble probable, mais pas souhaitable. Si la France continue à se prendre au piège de ses propres hésitations, son influence en Afrique sera marginalisée au détriment de la sécurité des frontières extérieures de l’Europe et de la stabilité des relations entre les deux continents.

Le contexte politique régional du récent coup d’État au Niger donne cependant une occasion à la France de réviser sa politique africaine et de se révéler à nouveau un allié efficace pour les États frontaliers du Sahel. Reprendre l’initiative est possible, à condition de redéfinir une ligne de conduite cohérente et prévisible, d’utiliser les instruments de puissance dont elle dispose sans trembler, d’assumer clairement les intérêts qu’elle partage avec l’Afrique et surtout… de ne plus être paralysée par l’exposition médiatique qu’une telle posture implique.


[1] À l’heure où ce texte est rédigé un coup d’Etat au Gabon est annoncé. Pour le moment il est trop tôt d’en tirer des conclusions et de pointer les liens entre cet évènement et la situation au Sahel, sujet de l’article.

Manhattan-Kaboul

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D.R.

Les lieux de culte musulmans de New York, aux États-Unis, pourront désormais diffuser le bruyant appel à la prière des muezzins du vendredi midi et durant le Ramadan.


À ce stade, l’annoncer le 11 septembre pour le 22ème anniversaire de la destruction des tours jumelles n’aurait pas été tellement plus explicite ! Sous les applaudissements des islamistes du monde entier (et de leurs alliés et idiots utiles habituels), le maire de New York vient de permettre aux communautés musulmanes de sa ville de faire retentir les appels à la prière du muezzin tous les vendredis, et tous les jours de ramadan pour la rupture du jeûne, sans demander d’autorisation préalable et en s’affranchissant des contraintes légales habituelles sur le niveau sonore à ne pas dépasser. Car se faire entendre ne suffit pas, il faut se faire entendre plus fort que les autres…

Eric Adams, un maire ultra-inclusif

Clientélisme électoral vis-à-vis des 275 mosquées du Grand New York et de leurs fidèles ? Pas seulement. Le maire actuel, Eric Adams, semble avoir une vision résolument communautariste de sa ville – selon lui, son expérience de policier afro-américain lui aurait montré que la sécurité n’est possible que si les communautés s’y impliquent directement, et c’est ainsi qu’il explique sa proximité passée avec le mouvement Nation of Islam de Louis Farrakhan, notoirement raciste et antisémite : il n’y aurait vu qu’un service d’ordre efficace pour tenir les quartiers « sensibles ». Si c’est vrai, c’est d’une naïveté confondante.

« Nous voulons que nos frères et sœurs de confession musulmane sachent qu’ils sont libres de vivre leur foi à New York, car désormais en vertu de la loi nous serons tous traités de la même manière. » a-t-il déclaré. Intéressante affirmation, et confusion révélatrice : « nous serons tous traités de la même manière », vraiment ? Je doute que dans l’Amérique de l’après #MeToo une idéologie autre que l’islam qui enseignerait au sujet des femmes ce qu’enseigne la sourate n°4 serait autorisée à diffuser sa publicité dans toute la ville de New York.

Privilège non blanc

Mais l’islam bénéficie d’un privilège exorbitant : partout en Occident les progressistes ferment les yeux sur la réalité de son idéologie, de ses enseignements, et de ce à quoi il conduit le monde musulman. Partout, on fait comme si l’islam n’était qu’une sorte de christianisme exotique, de surcroît innocent de tous les crimes commis au fil des siècles par le christianisme – mais n’ayant évidemment lui-même commis aucun crime, pas d’amalgame, c’est pas ça l’islam, et prétendre juger les actes des musulmans avec les mêmes exigences morales que les actes des chrétiens serait de l’ethnocentrisme, du néo-colonialisme, et une marque de suprémacisme blanc, entre autres horreurs inexpiables.

La Ligue Islamique Mondiale peut donc se féliciter de la décision de la ville de New York et poursuivre sa campagne publicitaire visant à se présenter comme à la pointe de la coexistence pacifique entre communautés, sans que personne ne songe à lui demander pourquoi on peut entendre des muezzins à New York, mais pas de cloches d’églises à Riyad. L’Arabie Saoudite peut condamner un homme à mort pour quelques tweets – et surtout pour faire pression sur certains membres de sa famille, opposants au régime exilés – tout en recevant les hommages de dirigeants occidentaux par ailleurs très prompts à pousser des cris d’orfraie sous n’importe quel prétexte contre des pays comme la Hongrie ou la Pologne. Et bien sûr, autre exemple d’actualité, la gauche française hurle massivement à l’islamophobie au sujet de l’interdiction de l’abaya, qui n’est pas un vêtement musulman mais dont l’interdiction stigmatise les musulmans… N’essayez surtout pas de trouver la moindre logique dans les slogans de la Nupes, ils ne sont que l’habillage de leur haine de notre histoire et de notre identité. Pour être justes, notons que ceux qui soutiennent l’interdiction de ce vêtement ne font pas forcément mieux, en brandissant la laïcité devant les vagues montantes de l’islamisation comme ils brandiraient une gousse d’ail devant une horde de vampires. Le problème de l’islam (du moins de l’islam orthodoxe) n’est pas qu’il soit religieux, mais qu’il œuvre à un projet de société radicalement contraire aux fondements anthropologiques et philosophiques de notre civilisation, et à tout ce qu’un minimum de décence impose en termes de sens moral – si vous en doutez, lisez la sourate 4 et la sourate 9, et rappelez-vous que pour les quatre courants orthodoxes du sunnisme ces textes sont la parole divine « dictée, éternelle et incréée », présentée aux fidèles comme la source normative suprême à laquelle ils doivent se référer pour guider leurs vies. La promotion d’une idéologie qui enseignerait la même chose en se réclamant d’un projet politique plutôt que religieux, du même texte conçu par un penseur humain plutôt que dicté par un « dieu », n’aurait pas davantage sa place dans nos établissements scolaires.

Privilège islamique, dont les islamistes usent à l’envi, et pourquoi s’en priveraient-ils ? L’expansion conquérante de l’islamisme ne peut pourtant s’arrêter que si le reste du monde y met un coup d’arrêt.

Louis de Bourbon sur les traces des martyrs de Vendée

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Le prince Louis de Bourbon, Chef de la Maison de Bourbon (Louis XX), 2 septembre 2023, Vendée D.R.

Prétendant au trône de France, le prince Louis-Alphonse de Bourbon s’est rendu en famille au Mont des Alouettes afin de commémorer le 200e anniversaire de la chapelle érigée en mémoire des martyrs des Guerres de Vendée.  Une visite qui a mis en colère les mouvements et syndicats de gauche. Récit.


Durant toute la période de la Révolution française, la Vendée a été le théâtre d’une violente guerre civile qui a opposé les « Bleus » (républicains) aux « Blancs » (royalistes), traînant derrière elle des centaines de milliers de morts. Un conflit qui a également laissé des traces profondes dans le subconscient des Français et dont les responsabilités continuent toujours de diviser les historiens (« génocide » ou « populicide », la question demeure toujours sans réponses aujourd’hui). Afin d’honorer la mémoire de ceux tombés au champ d’honneur « pour le Roy », l’association Jubilé de Vendée a organisé des festivités autour de la chapelle du Mont des Alouettes dont on fête le 200ème anniversaire de la construction. 

Un localité liée au royalisme depuis longtemps

Le lieu est indissociable de l’histoire des Guerres de Vendée et de celle du royalisme. Situé à quelques kilomètres du Puy du Fou, le célèbre parc d’attraction historique du « vicomte » Philippe de Villiers, c’est au Mont des Alouettes que les soldats de l’Armée catholique et royale s’étaient rassemblés après leur brève victoire de Fontenay-le-Comte (1793). Ses moulins caractéristiques ont longtemps indiqué aux royalistes la position de leurs ennemis avant que ceux-ci ne s’en aperçoivent et ne les détruisent tous. Lorsque la monarchie est restaurée, à la chute du Premier Empire (1815), la duchesse d’Angoulême manifeste sa volonté de rendre hommage aux centaines de milliers de Vendéens qui se sont levés en faveur des Lys de France. Fille de l’infortuné Louis XVI, elle va être associée à la construction d’une chapelle de style néo-gothique dont la mission sera de « perpétuer le souvenir d’une époque à jamais mémorable ». Les travaux vont prendre plusieurs années, stoppés par les vicissitudes de l’Histoire, avant d’être repris et terminés définitivement au cours de la seconde moitié du XXe siècle. C’est aussi au Mont des Alouettes que l’Action française de Charles Maurras organisera une grande manifestation, 60 000 personnes, afin de démontrer sa force politique, en 1926.

Un banquier favorable aux gilets jaunes

Invité par diverses associations du souvenir ou militantes, c’est en « guest star » que le prince Louis-Alphonse de Bourbon s’est rendu dans ce lieu prestigieux, accompagné de son épouse et de ses quatre enfants (une première de mémoire de légitimistes, les partisans du duc d’Anjou). Descendant de Louis XIV, il est un des prétendants au trône de France. Si ses visites en France sont rares (il vit à l’année en Espagne) et peu médiatisées, il publie de nombreuses tribunes dans divers magazines et sur ses réseaux sociaux où il est suivi par des milliers de personnes. En 2018, il a créé le buzz en soutenant le mouvement des gilets jaunes. A la tête de plusieurs entreprises, ce banquier est aussi connu pour ses positions conservatrices dont il ne fait pas mystère (il a récemment participé à une marche pro-vie). Arrière-petit-fils du général Francisco Franco (qui a dirigé l’Espagne de 1939 à 1975), dont il assume publiquement l’héritage, l’aîné de la Maison de Bourbon est également proche du mouvement Vox dont le leader Santiago Abascal est un ami personnel. 

Les antifas appelés à venir protester habillés en gueux

Ce 2 septembre, ils étaient quelques centaines à s’être rassemblés autour de « Louis XX ». Durant la messe traditionnelle conduite par le père Louis-Marie de Geyer d’Orth, abbé de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, dont la soutane était ornée du Sacré-cœur, dépôt de gerbe sur la stèle érigée en mémoire de Louis XVI, le prince Louis-Alphonse de Bourbon a été largement acclamé par les participants après avoir déclaré que « la Vendée permettait de comprendre la grandeur d’une région qui a su tout donner pour conserver ses valeurs ». Souhaitant que « son esprit continue à animer les Français pour affronter les combats du futur », sa présence à cette commémoration (où se sont retrouvées toutes les générations) a été selon lui, « l’occasion d’évoquer la mémoire d’un soulèvement et, plus encore, celle de ce que ce soulèvement représentait d’audace et de clairvoyance ». Ce n’est pas la première fois que le prince Louis-Alphonse de Bourbon se rend d’ailleurs en Vendée, cette « terre meurtrie à l’Ouest » de la France comme il l’a rappelé dans son discours, suivant les pas de son père. Se voulant fidèle « à la mémoire des Vendéens de toute condition, qui ont tout sacrifié pour leur foi catholique, leur attachement à la royauté très chrétienne et à sa famille », dans un précédent message rédigé à l’attention des Français, le prince s’est fait l’écho de leurs inquiétudes. « La France a progressivement vu sa souveraineté amoindrie, son rôle diplomatique diminué, ses industries sacrifiées au jeu d’une mondialisation mal comprise, son système éducatif malmené, ses services publics bradés au point de disparaître plus ou moins dans nombre de territoires. Ainsi, l’amoindrissement de sa souveraineté -cet élément essentiel qui a été le cœur de l’action des rois de France, des premiers jusqu’à Charles X- a fait que la voix de la France est de moins en moins audible dans le concert des nations » affirme Louis-Alphonse de Bourbon

Une commémoration qui a irrité les mouvements de l’ultra-gauche et les syndicats qui ont officiellement dénoncé un regroupement « d’ultra droite fasciste », organisé « par des associations et collectifs royalistes, révisionnistes, catholiques intégristes, LGBT+phobes » comme l’écrit le site Actu.fr. Un collectif antifasciste collectif, dans lequel on retrouve la CGT, Attac ou encore les anarchistes de Bast’Yon, a même accusé ce rassemblement de « propager ses idéologies haineuses, discriminatoires, violentes et révisionnistes » tout en appelant ses partisans à venir manifester, « habillés en gueux et gueuses, avec des fausses fourches afin de bouter les seigneurs hors de nos terres, (..) dans le but de tourner en dérision le royalisme et la droite ». Une manifestation qui a toutefois fait un flop selon le quotidien Ouest France qui a évoqué à peine 80 personnes hurlant au loup aux herbiers. Pas de quoi faire trembler Louis-Alphonse de Bourbon qui a terminé cette journée en se prêtant aux habituelles photos de circonstance sous les cris de « Vive le roi !». En France, 17% des français seraient  favorables au retour de la monarchie selon un sondage BVA daté de 2016.

La spirale du désir

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Diane Kruger dans "Visions" (2023) de Yann Gozlan © SND

Un thriller français dans les airs, avec Diane Kruger et Mathieu Kassovitz.


Être une femme pilote de ligne sur des vols longs courriers assure de bons revenus, surtout quand s’y ajoutent ceux d’un mari chirurgien : dominant la baie de Menton, la maison high-tech avec piscine à débordement du beau couple Diane Kruger-Mathieu Kassovitz est vraiment classe. Madame roule en Porsche, Monsieur en grosse moto Triumph vintage.

Quand la routine se dérègle

Réglée sur le rythme des vols, l’entraînement sportif quotidien, les évaluations par chat virtuel sur son PC et autres exercices sur simulateurs imposés par la compagnie à ses pilotes, la vie d’Estelle est chronométrée. Jusqu’aux minutes consacrées à faire l’amour avec Guillaume sont comptabilisées, car les périodes de fertilité de l’épouse sont mises également sous étroite surveillance, le mari aspirant à faire à sa chérie l’enfant de l’amour qui se fait attendre.

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Ce minutage intégral se dérègle dès l’instant où, dans un aéroport où elle est sur le point d’embarquer, la ravissante commandant de bord retombe sur Ana (Marta Nieto), ancien amour lesbien perdu de vue depuis vingt-cinq ans. Vertige libidinal qui refait surface et finit par s’emparer d’Estelle, habitée par des cauchemars prémonitoires, tandis que les liens se resserrent avec cette artiste photographe érotomane et délurée qui a investi, en bord de plage, une maison de style moderniste, où elle poursuit son travail créatif, consistant à saisir l’acmé du coït (mâle et femelle) dans l’objectif…  


Enveloppé de bout en bout dans le manteau d’une musique tout à la fois lyrique et oppressante, Visions prolonge manifestement l’intérêt très vif que porte le cinéaste Yann Gozlan au monde de l’aéronautique, à ses dérèglements et à ses défaillances, dans le sillage de Boîte noire, film plutôt réussi dans lequel on se souvient que Pierre Niney, il y a trois ans, campait un analyste de sécurité chargé d’enquêter sur une catastrophe aérienne…

Cette critique a été écrite avant l’accident de moto de M. Kassovitz

Thriller oppressant habilement scénarisé, Visions ne se dispense pas de citations cinéphiliques, depuis le chignon blond d’Estelle évoquant irrésistiblement celui de Madeleine, campée par Kim Novak dans Vertigo, le chef-d’œuvre d’Hitchcock, jusqu’à la spirale irrationnelle qui, à l’instar de Naomi Watts et Laura Harring dans Mulholland Drive, le film de David Lynch, se renforce du contraste capillaire entre l’or et le brun de leurs toisons respectives… Entre parenthèses, on se plait à imaginer ce qu’un Almodovar aurait pu faire d’un tel script, transposé avec un pilote gay, mais marié, fantasmant sur son ancien boyfriend au point d’en perdre la raison…

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Au-delà de ses vertus divertissantes, Visions est une mise en appétit particulièrement efficace : on va revoir Diane Kruger l’an prochain dans The Shrouds, de David Cronenberg. Quant au réalisateur de La Haine, et dix ans après son dernier film L’ordre et la morale, Matthieu Kassovitz, qui lâchait élégamment: « j’encule le cinéma français, allez-vous faire baiser avec vos films de merde », signe maintenant, sous le titre Mind Fall, un long métrage de science–fiction parlé en anglais, produit aux États-Unis, et dont l’action se déroule à Londres, avec la photogénique Daisy Ridley dans le premier rôle. On attend de voir.


Mise à jour : Souhaitons à Matthieu Kassovitz déjà un prompt rétablissement après son accident de dimanche. La moto, c’est plus dangereux que le cinéma


Visions. Film de Yann Golzan. Avec Diane Kruger, Mathieu Kassovitz, France, couleur, 2023.  Durée : 2h. En salles le 6 septembre 2023