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Albert Speer, architecte de Hitler et mémorialiste caméléon

Dans son nouveau livre au titre prometteur, Vous êtes l’amour malheureux du Führer, Jean-Noël Orengo revient sur le cas fascinant d’Albert Speer, l’architecte de Hitler.


Albert Speer durant le procès de Nuremberg, en 1946. DR.

Beaucoup de lecteurs ont lu les Mémoires de Speer, commencés en prison et publiés à la fin des années soixante. Un gros ouvrage, à vrai dire passionnant (je l’ai lu lorsque j’étais lycéen), qui devint immédiatement un best-seller, avant d’être l’objet de vives controverses de la part des historiens.

Speer avait en effet tendance à se trouver beaucoup trop de circonstances atténuantes, afin de se réhabiliter lui-même dans le monde de l’après-guerre et de se présenter comme… un honnête homme embarqué dans une aventure qui l’aurait dépassé !

La voix de la conscience

Le roman de Jean-Noël Orengo reprend les éléments du dossier, les hiérarchise, pour essayer d’y voir plus clair. Il ne se contente pas d’aborder les principaux aspects de la vie de Speer qui fâchent, en les replaçant dans leur contexte historique. Il va plus loin, il fait s’exprimer, tout du long, la conscience intime du dignitaire nazi, grâce à une sorte d’oralité intérieure que permet le roman, et qui fait affleurer toute la subjectivité maladive de Speer. Pour ce faire, il emploie de manière très pertinente le style indirect libre, plaçant ainsi la voix de Speer au premier plan, de manière à créer un effet de vérité qui démontre la duplicité de l’architecte dans sa tentative de jugement sur lui-même.

Se disculper de la Shoah

Le chapitre sur le génocide des Juifs est, à cet égard, particulièrement caractéristique. Speer a essayé de faire croire qu’il ne savait rien de la Shoah, et que d’ailleurs il n’était pas antisémite. Il ne serait donc pas tombé dans une telle ignominie, que son éducation privilégiée lui aurait épargnée. Orengo déconstruit progressivement une telle assertion. D’abord, il note : « L’architecte écoute. Il n’éprouve rien pour ou contre les Juifs. » Il faut cependant être plus précis, si possible, et cela donne : « si le guide [c’est-à-dire le Führer] est à ce point obsédé par les Juifs, il doit avoir ses raisons […] même si ça devient lassant et gênant pour lui, l’architecte, d’écouter ses brusques harangues vulgaires sorties de nulle part à l’égard des Juifs ». La prose d’Orengo rend bien compte de cette hypocrisie d’un Speer qui ne veut pas se salir les mains, et cherche à se dédouaner, en dépit de l’évidence. À Nuremberg, lors de son procès, le ministre de l’Armement de Hitler plaidera « non coupable à titre individuel, coupable à titre collectif », une ambivalence qui rend très bien compte de sa manière de se disculper : « Il est très doué pour l’autocritique, note Orengo, et donner l’impression de siéger avec ses juges devant lui-même, et se condamner jusqu’à un certain point. »

Une déclaration d’amour au Führer

Sa relation avec Hitler, elle aussi, du moins telle qu’il la relate dans son livre, est ambivalente. Speer doit sa carrière fulgurante au seul Hitler. Il ne peut cependant pas s’empêcher de le mépriser, tout en reconnaissant qu’il est fasciné par le personnage.

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« Il est envoûté, écrit Orengo, c’est le mot qu’il utilisera toujours, quand on le pressera de s’expliquer sur sa relation avec le guide. Il leur répondra toujours par une question : qui n’aurait pas été envoûté ? Qui ne l’était pas ? » Speer a partagé la passion de Hitler pour l’architecture. Les projets des deux hommes pour Berlin, décrits avec force détails par Orengo, paraissent stupéfiants, et même démentiels. Speer, en tant qu’homme de confiance, concevait également les grandes parades. Il eut l’idée d’organiser un défilé de nuit. « L’effet dépasse toutes les attentes », indique Orengo, qui ajoute : « C’est la mise en scène du cosmos et de la météo sous les auspices du guide discourant de la grandeur retrouvée de l’Allemagne. » C’est, nous dit Orengo, « une déclaration d’amour au Führer ».

Imposture contemporaine

Dans la dernière partie de son livre, Jean-Noël Orengo revient sur ce qui l’a lui-même intéressé dans le cas de Speer et de ses Mémoires, et qui lui semble très actuel. Il qualifie Au cœur du IIIe Reich de « fiction décisive », c’est-à-dire d’imposture. C’est un livre qui ment. « Dès lors, écrit Jean-Noël Orengo, j’ai distingué en Speer un phénomène plus vaste et très contemporain que nous vivons tous les jours en ouvrant les journaux et les réseaux sociaux. Fake news, complots, interprétations de faits, guerre de récits, sublimation du pire, apitoiement sur soi-même, glamour de la colère, déstabilisation du sens… »

Aujourd’hui, il n’est plus possible de douter de cette habile imposture, même si Au cœur du troisième Reich reste un livre extraordinaire qu’on peut relire, mais avec de grandes précautions. Comme nous le confirme encore une fois Orengo, Speer a pris une part active au nazisme, impossible de le nier, y compris dans le déroulement de la Shoah : « Il savait pour l’extermination des Juifs d’Europe, écrit l’auteur. Il y avait même participé en tant que ministre de l’Armement. » Si le Reich avait survécu, Speer aurait probablement pu succéder à Hitler. On voit ainsi l’exploit phénoménal qui a été le sien de se refaire une virginité, après le cataclysme provoqué par la guerre. Et justement, Jean-Noël Orengo contribue à nous détromper sur Albert Speer et à nous éclairer sur son véritable rôle. Son excellent livre a donc un grand mérite à mes yeux.

Jean-Noël Orengo, « Vous êtes l’amour malheureux du Führer ». Éd. Grasset. 272 pages

« Vous êtes l'amour malheureux du Führer »: Roman

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Albert Speer, Au cœur du troisième Reich. Traduit de l’allemand par Michel Brottier. Éd. Fayard, 1971. Disponible aujourd’hui chez cet éditeur au format poche dans la collection « Pluriel ».

Au coeur du Troisième Reich

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Trois très bons livres sinon rien !

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Eminent critique littéraire, notre chroniqueur s’enthousiasme pour trois romans de la « rentrée littéraire » qu’il a particulièrement aimés, en lecteur perspicace qu’il est.


Patrice Jean, La Vie des spectres : vous reprendrez bien un de nausée ?

Imaginez que Corentin, l’anti-héros de La Nausée, se mette en tête d’écrire un livre drôle — et vous aurez en main La Vie des spectres, le dernier roman de Patrice Jean, que Causeur a salué dès sa sortie fin août sous la plume de Thomas Desmond. Le narrateur, Jean Dulac, y est la proie d’une crise inexistentielle : son épouse le rembarre à la première occasion avec des arguments tirés des œuvres croisées de Caroline De Haas et de Judith Butler, son fils, en première, tempête dans une langue « jeune » contre les œuvres qu’on leur fait étudier au lycée — rien que des White Dead Males : « De toute façon, assène ce charmant bambin, je veux faire Maths Sup ou Sciences Po, alors je m’en fous du bac de français ». Encore un qui doit se satisfaire de la suppression récente de l’épreuve de langue française au concours commun de 18 écoles d’ingénieurs, jugée « anxiogène ». C’est sûr que demander (en QCM) si l’adjectif s’accorde ou non avec le nom crée une pression intolérable sur des cervelles soigneusement évidées par les pédagogies de la bienveillance.

Ajoutez à ces tracas domestiques le fait que les habitants de sa ville — Nantes — lui paraissent autant d’ectoplasmes appartenant à une forme de vie majoritaire et déprimante, et que les « personnalités » que son rédac-chef l’envoie interviewer sont des monuments de prétention (j’ai cru reconnaître Bégaudeau, ce degré zéro qui vous donne l’échelle de ces grandes inintelligences), et vous aurez le tableau complet d’une déprime lente. Heureusement qu’il s’entretient, de ci de là, avec un vieux copain mort depuis vingt ans — tôt réclamé par la Grande Faucheuse, et qu’il écrit un livre à jamais inachevé intitulé — ça va de soi — Les Fantômes.

La nouvelle prof de Lettres de l’heureux bambin — scotché dès qu’il est chez lui à sa console de jeux, occupant ses soirées à chasser les Dragons et les Amphibiens de Monster Hunter — finira virée par l’administration, parce qu’elle a refusé de jouer dans un clip tourné par une racaille qui a toute la sollicitude du proviseur et de l’Inspecteur. Jean Dulac la trouvait mignonne et passionnante — mais il ne couchera pas avec elle, il a d’ailleurs une sexualité quelque peu en berne — extension du domaine du syndrome houellebecquien.

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Le vrai sujet de ce roman (très drôle), c’est le couple lecture / écriture. Du côté des spectres, on méprise ces objets hostiles, conçus avec du papier et des mots, qu’on appelle des livres : « Laisse-le jouer, dit l’épouse en voie de libération, c’est de son âge, il a bien le temps de s’intéresser à Balzac ou à Schubert. Et puis, lire n’a jamais rendu qui que ce soit plus généreux ». Et l’époux-narrateur de philosopher : « J’aurais pu la contredire, en rappelant qu’un esprit privé de livres finit par s’étioler aussi sûrement qu’une plante meurt de n’être pas régulièrement arrosée, mais à quoi bon ? L’époque est plus forte que moi. Lire exige un effort que beaucoup entendent éviter. » L’époque est effectivement en reddition totale : « J’avais écrit un article qui développait cette idée, mais Le Progrès m’a répondu que ces considérations déclinistes n’avaient pas leur place dans le journal. « Essaie au Figaro ou à Minute ! » .
J’ai maintes fois expliqué que nous vivons un moment orwellien, où tout s’est inversé, comme les sentences de la sagesse de Big Brother (« L’ignorance, c’est la force »). La gauche est antisémite, la capacité d’analyse s’est réfugiée au Figaro ou chez Causeur — l’un et l’autre des suppôts supposés de la pensée fasciste et des considérations inactuelles. La presse bien-pensante, elle, meuble ses colonnes avec des articles d’actualité — entendons par là tout ce qui nie l’histoire, le temps et l’intelligence.

À la fin du livre, Dulac précise ce qu’il faut entendre par lecture :
« L’unique moyen, pensai-je, de débiliter le triomphe des stéréotypes n’était pas la lecture en soi, mais la lecture, attentive et passionnée, des œuvres refusant de flatter l’espèce humaine. »

(C’est ce qui rend de plus en plus difficile la vraie pratique de l’explication de texte, en classe. Demandez à trente ados endormis ce qu’ils pensent d’une scène de Marivaux, eh bien, ils n’en pensent rien, parce que pour eux la lecture ânonnée du texte épuise sa signification. L’idée qu’il puisse y avoir, dans le langage, des mots sous les mots, des intentions secondes, des effets camouflés et d’autant plus efficaces, leur échappe complètement. Ils vivent dans l’immédiateté de la consommation, et mourront de même.)

C’est un très beau livre, merveilleusement déprimant. Après L’Homme surnuméraire, où le héros (?) était payé à supprimer des œuvres littéraires tout ce qui peut choquer tel ou tel segment de la population (ramenant ainsi le Voyage au bout de la nuit à 26 pages), La Vie des spectres rajoute une couche de décapant sur notre fin de civilisation, toute gonflée de son importance comme la grenouille de la fable. De quoi vous donner envie de vous balader avec une dague à dégonfler les baudruches.

Arturo Pérez-Reverte, l’Italien : mais oui, il y eut des héros italiens pendant la Seconde Guerre mondiale !

Il traîne sur les Italiens une rumeur de paresse, de farniente et de trouillardise que le souvenir lointain de l’Empire romain ne parvient pas à dissiper. Des guerriers d’opérette, disent nos militaires, si persuadés d’être les meilleurs, au Mali et ailleurs.

Arturo Pérez-Reverte, qu’on ne présente plus, s’est amusé, en Espagnol impartial qu’il est, à retracer les hauts faits d’arme de la Xème Flotte MAS, une unité de scaphandriers qui causa bien des tourments à la flotte britannique, à Alexandrie (en 1941) et ailleurs.
Par exemple à Algésiras : les Anglais mouillaient à Gibraltar, juste de l’autre côté de la baie. Les Italiens se mettaient à l’eau de nuit, chevauchant des torpilles à hélice, avec lesquelles ils franchissaient les barrages de filets d’acier, affrontaient les grenades régulièrement envoyées par les marins britanniques pour secouer les téméraires qui se risqueraient dans leurs eaux, et poser des mines sur le flanc des vaisseaux de guerre stationnés là. Dans le noir, après une heure et demie de traversée, sans garantie de pouvoir rentrer. En tout, la Xème flotte MAS a coulé une vingtaine de vaisseaux anglais.

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Pérez-Reverte est au sommet de son art — et c’est beau de voir un romancier utiliser tous les modes de récit, passer du présent au passé, entrer lui-même dans son récit, redevenir grand reporter (il l’a été pendant vingt ans sur tous les terrains d’opérations, il s’y connaît assez en héros et en demi-pointures), mêler une belle histoire d’amour à un récit guerrier, et face à ces scaphandriers audacieux construire un portrait de femme (espagnole, celle-là) d’une grande finesse. Une héroïne aussi, dans son genre — le genre qui ne parle pas sous la torture.

C’est un épisode fort peu connu de la Seconde Guerre mondiale. Peu de bons, peu de vrais méchants — en un mot, des hommes.

Abel Quentin, Cabane — ou l’éradication de l’homme par l’homme

Cabane est la narration la plus exacte que j’aie lue à ce jour des 50 dernières années, depuis les utopies grinçantes des années 1970 aux délires new age des années 2000. Abel Quentin (j’avais parlé ici de son remarquable roman, Le Voyant d’Etampes) est un chroniqueur des temps de déconfiture. Hier la culture woke, ici les délires écolos.
Encore que délire ne soit pas le terme exact. Le roman met en scène quatre scientifiques de très haut vol, qui en 1973 pondent un rapport sur l’état du monde et la projection prospective sur le siècle à venir : à les en croire (et pourquoi ne pas les croire ?), c’est foutu dans tous les sens, sauf si l’on impose à la population mondiale une cure radicale d’austérité et de décroissance, couplée avec une politique malthusienne qui classerait Alexis Carrel dans le quarteron des optimistes béats.

Immense succès immédiat de ce « rapport 21 » — mais aussitôt les grincheux — ceux qui croient que le Marché rééquilibrera toujours les excès — se mobilisent pour tirer à boulets rouges sur ces hurluberlus soupçonnés d’être trop intelligents.

Quentin joue avec virtuosité sur le registre de la science-fiction catastrophiste : il ne cite pas pour rien Soleil vert, le film de Richard Fleischer (1973 aussi !) inspiré d’un roman paru en 1966, où, rappelez-vous, on soignait la surpopulation en transformant les morts — décédés par euthanasie de masse — en biscuits protéinés à l’usage des survivants.

Nos quatre chercheurs ne restent pas longtemps unis. L’un se vend au Capital et aux compagnies pétrolières, deux autres élèvent des cochons bio dans une ferme de l’Utah — ça ne leur portera pas bonheur, croyez-moi, vous regarderez désormais votre saucisson pur porc avec méfiance —, et le dernier… mais à propos, où diable est-il caché, le dernier ?

C’est là que le titre du roman peu à peu s’éclaircit, tandis que l’atmosphère s’enténèbre.

C’est impitoyable — comme le sont tous les grands récits scientifiques. Ça ressemble aux œuvres de maturité de Jules Verne, à partir de 1886, quand l’écrivain heureux du Voyage au centre de la Terre et de De la Terre à la Lune laisse place au romancier grinçant de Robur le conquérant puis Maître du monde ou de Sans dessus dessous — les romans que l’on ne fait pas lire aux enfants.
Et certes, Cabane n’est pas à mettre entre les mains de nos écolos enfantins et / ou infantiles. C’est écrit avec une suavité qui témoigne d’une extrême maîtrise (ou d’un grand travail), et ça éparpille ce qui restait en nous d’optimisme, de foi en l’homme et de persistance à voter Éric Piolle ou Sandrine Rousseau : après Soleil vert, c’est Midsommar qui vous guette.

Patrice Jean, La Vie des spectres, Le Cherche Midi, 2024, 452 p.

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Arturo Pérez-Reverte, L’Italien, Gallimard, 2024, 440 p.

L'Italien

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Abel Quentin, Cabane, Les Editions de l’Observatoire, 2024, 480 p.

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Causons! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Ceux par qui le scandale arrive: Kerbrat et Boniface; Sexe, cyclisme et immigration; le procès de Roman Polanski. Avec Céline Pina, Martin Pimentel et Jeremy Stubbs.


Andy Kerblat, député LFI, s’est fait interpeller en possession d’une drogue de synthèse, la 3MMC, souvent utilisée par ceux qui pratiquent le « chemsex » (voir Wikipédia). Parmi les effets négatifs de cette substance : la dépression, l’agressivité, la confusion, le délire, les hallucinations, sans parler de la verbosité – ce qui fait beaucoup pour un élu de la République. L’homme politique se défend, se prétendant victime des médias d’extrême-droite. Pourtant, l’idée ne lui est pas venue de démissionner. Pascal Boniface, géopolitologue et fondateur de l’IRIS, a traité le maire de Saint-Ouen de « muslim d’apparence » parce qu’il ne donne pas assez de signes de haïr Israël. La liste s’allonge des termes utilisés par la gauche pour disqualifier les personnes appartenant à des minorités qui ne pensent pas exactement comme il faut. L’analyse politique de Céline Pina.

Nicolas Bedos victime d’une punition « exemplaire » dont la sévérité est destinée surtout à mettre en garde tous les beaux gosses hâbleurs… Récupération politique par la gauche de la mort d’un cycliste à Paris… Rencontre entre Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur déterminé à prendre en main la question de l’immigration, et Emmanuel Macron, un président plutôt mou sur cette question jusqu’ici – ou a-t-il finalement changé d’avis? Martin Pimentel passe en revue les actualités de la semaine.

Enfin, Jeremy Stubbs s’est rendu mercredi à la Cour d’appel pour assister à une audience, en l’occurrence celle qui représente la dernière étape dans le procès pour diffamation intenté par l’actrice anglaise, Charlotte Lewis, au réalisateur Roman Polanski. Le réalisateur étant relaxé en première instance le 14 mai, l’actrice a fait appel. La défense a souligné le paradoxe : l’actrice accuse le réalisateur de diffamation parce qu’il a nié les paroles diffamatoires qu’elle a eues à son égard. Le procès est un triste exemple de ce qu’on peut appeler aujourd’hui la « jurisprudence genrée » : la loi médiatique donne un crédit au témoignage des femmes qui est refusé à celui des hommes. Le jugement de la Cour sera rendu le 4 décembre.

Visite d’État d’Emmanuel Macron: vers un tournant stratégique dans les relations franco-marocaines ?

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Le président Macron sera en visite d’État au Royaume du Maroc à partir de lundi, pour trois jours. Analyse des enjeux diplomatiques


Six ans après sa dernière visite officielle et à la suite d’une période marquée par de vives tensions diplomatiques, Emmanuel Macron se prépare à effectuer une visite d’État au Maroc du 28 au 30 octobre. Ce déplacement intervient après l’échec patent de son « pari algérien » et a pour but de réchauffer et de relancer dialogue et coopération avec Rabat, seul partenaire stable dans une région en pleine mutation. Les discussions avec le roi Mohammed VI s’annoncent substantielles, qu’il s’agisse d’immigration, de sécurité, de coopération industrielle ou de dossiers internationaux brûlants. Cependant, c’est avant tout la méthode que saura adopter ou pas le président de la République qui déterminera si elles marquent un tournant véritablement stratégique pour les deux nations.

Macron a maintenant tout le temps pour travailler sur sa politique diplomatique

La première condition sera de rompre avec l’approche arrogante qui a caractérisé la diplomatie d’Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Son échec politique cinglant sur la scène nationale devrait l’inciter à faire preuve de retenue et d’introspection sur la scène diplomatique. Un exercice d’humilité rendu nécessaire au vu des erreurs accumulées depuis sept ans dans sa politique extérieure : sur l’OTAN, sur la Russie, sur la Chine, en Afrique comme au Moyen-Orient.

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Son « pari algérien » a été l’un des exemples les plus marquants de cette diplomatie pour le moins hasardeuse. Pendant trois ans, le président de la République a espéré, contre l’avis de nombre de diplomates et d’experts, réconcilier la France avec un régime algérien dont la stabilité repose pourtant depuis des décennies sur l’hostilité vis-à-vis de Paris. À travers un geste solennel, son projet était d’effacer les blessures du passé colonial et construire une nouvelle relation – sur le modèle de la réconciliation franco-allemande après la Seconde Guerre mondiale. Mais malgré de nombreux gestes, en particulier dans le champ mémoriel, Alger n’a jamais répondu que par des exigences accrues et des critiques répétées.

Cette illusion a finalement pris fin le 30 juillet dernier, lorsque Emmanuel Macron a franchi un pas décisif en reconnaissant le plan d’autonomie proposé par le Maroc comme la seule base crédible pour une solution politique au Sahara occidental. Ce revirement, tardif mais salutaire, est un signal de lucidité et de pragmatisme, permettant de rétablir des ponts avec Rabat.

La deuxième condition, pour faire de cette visite un succès pérenne, sera de reconnaître le Maroc pour ce qu’il est devenu: une authentique puissance régionale. Le royaume n’est plus simplement ce « bon élève » que la France et l’Europe félicitaient à l’occasion. Dans un Maghreb en crise, où la Tunisie s’enlise dans un autoritarisme latent et où l’Algérie reste figée dans un statu quo dépassé, le Maroc fait figure de seul partenaire stable et fiable. Ce statut doit être reconnu, non seulement par la France mais aussi à l’échelle internationale.

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Enfin, troisième condition, Emmanuel Macron devra arriver à Rabat avec des propositions concrètes et substantielles propres à donner sens et direction à cette alliance renouvelée. Il ne s’agit plus de dicter des conditions mais de traiter de puissance à puissance. Sur la question migratoire, par exemple, un accord profitable aux deux parties sera difficile à obtenir mais pas impossible à atteindre : la France rencontre des difficultés à expulser les migrants en situation irrégulière tandis que le Maroc souhaite plus de visas pour ses citoyens qualifiés. Laissez-passer consulaires (nécessaires à l’exécution des OQTF) contre visas accordés à des profils de jeunes diplômés utiles à l’économie française. La récente reconnaissance du plan marocain sur le Sahara occidental offre un terrain favorable pour ces négociations.

Des annonces majeures attendues

Autre dossier : dans le Sahel, où les menaces pour les deux pays se multiplient, la coopération antiterroriste entre Paris et Rabat, déjà solide, pourrait être intensifiée. Sur le plan industriel enfin, des annonces majeures sont attendues, notamment concernant Airbus, avec le renouvellement de la flotte de Royal Air Maroc (RAM) et l’achat d’hélicoptères de transport militaire H225M Caracal. Si la RAM choisit Airbus plutôt que Boeing, cela constituera un signal fort de son attachement au partenariat avec la France.

La visite d’Emmanuel Macron au Maroc représente une occasion unique de refonder la relation franco-marocaine. Mais pour réussir, il devra s’armer de pragmatisme et d’humilité. La France, fragilisée sur plusieurs fronts géopolitiques, a plus que jamais besoin de partenaires solides. Le Maroc pourrait bien être celui sur lequel Paris pourra compter pour consolider sa position en Méditerranée.

Les députés ne donnent plus le bon exemple!

Le député d’extrême gauche Andy Kerbrat défraie la chronique. Il a été interpellé le 17 octobre par la police en train d’acheter à un mineur de la 3-MMC (drogue de synthèse), à Paris. Le monde politique se divise sur la question de l’exemplarité. Autre temps, autres mœurs ? Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et la droite nantaise appellent à une démission qui n’interviendra pas.


C’est une facilité que je m’octroie en évoquant « les députés » pour me faire mieux comprendre alors que je songe précisément au député LFI Andy Kerbrat qui a été interpellé en flagrant délit d’achat d’une drogue de synthèse dans le métro parisien. Il a fait état de « problèmes personnels » et a annoncé « un protocole de soins ».

Je relève que la drogue en question est celle dont avait usé Pierre Palmade et qu’apparemment elle n’est pas destinée à apaiser une difficulté d’être mais à amplifier et décupler dans le temps la puissance sexuelle.

Députés devenus ordinaires

Comme ceci a été souligné à l’Heure des pros le 22 octobre sur CNews, notamment par Gilles-William Goldnadel, la transgression de cet élu est d’autant plus répréhensible qu’il avait dénoncé dans le passé le trafic de drogue et alerté sur la multiplication des consommateurs. Contradiction en elle-même très choquante.

Ces éléments n’ont pas empêché le soutien, que je juge honteux (en particulier un tweet indécent de Sandrine Rousseau), de LFI à ce député.

Plus globalement, malgré un émoi conjoncturel vite dissipé, l’indignation n’est pas à la hauteur de ce qu’on aurait pu espérer en démocratie représentative. On a entendu qu’Andy Kerbrat n’était pas le premier député ou sénateur à être tombé dans une telle dérive, comme si cela constituait une excuse ou une justification. On se rappelle que le député Louis Boyard n’avait pas hésité, lui, à avouer dans l’émission de Cyril Hanouna qu’il avait payé ses études en se livrant au trafic de drogue. On a plaidé aussi que l’univers parlementaire avait perdu de sa qualité et de son intégrité et que nous n’avions plus des députés remarquables mais d’une certaine façon ordinaires ; et qu’au fond nous ne devions pas nous en étonner, nous citoyens.

Je ne parviens pas à m’habituer à cette sorte de résignation démocratique. En quelque sorte, dépassés par le pire, on finit par le tolérer, l’accepter, l’administrer. En matière judiciaire par exemple, il y a eu tellement de vols à l’étalage que les parquets ont décidé de ne poursuivre qu’à partir d’un certain montant. Comme nous ne pouvons plus estimer ni a fortiori admirer nos députés, on a réduit nos prétentions et on n’exige plus rien d’eux. L’exemplarité est une exigence qui n’a plus cours.

La décadence, dans les petites comme dans les grandes choses, nous menace ou, pire, nous accable : elle nous est devenue sombrement si familière que nous la percevons comme irrésistible. Ce qui est le début de la fin et d’une irrémédiable défaite.

Le député ne partira pas

Pourtant il n’y a pas d’autre solution pour entraver le délitement moral et républicain que de se dresser contre cet abandon, cette médiocrité qui fait que certains députés eux-mêmes ne sont pas gênés de tomber dans des délits, de n’être plus des modèles, de s’en féliciter même. Le citoyen a une responsabilité dans ce désastre démocratique s’il se contente, le temps volatil d’une information, d’en prendre acte et de considérer l’attitude d’un Andy Kerbrat comme une manifestation normale de cet adage « autre temps, autres mœurs », telle une inévitable plongée dans le pire.

D’autant plus qu’il y a un insupportable hiatus entre la prise de conscience de l’extrême danger social et civilisationnel du narcotrafic et des attitudes singulières d’élus, qui en effet, au moins indirectement, ont « du sang sur les mains ».

Dans un monde qui s’accepte imparfait et fuit la rectitude comme la peste puisqu’elle est tension, souffrance, dépassement de soi et volonté d’exemplarité, ce député ne démissionnera pas. On entendra cette antienne que ce sera à l’électeur de décider. Ce serait du citoyen que son sort devrait dépendre. Pourtant on l’oublie quand on se comporte mal.

Andy Kerbrat qui a perdu sa légitimité – l’élection n’est rien sans l’éthique qui doit s’accorder avec elle – ne jettera pas l’éponge. Le ministre de l’Intérieur lui a demandé « de tirer les conséquences de ses actes car un député a un devoir d’exemplarité ».

Le député trop soutenu demeurera évidemment là où il est.

La librairie Filigranes ou l’anatomie d’une chute

Si tout le monde veut croire qu’il est encore possible de trouver un repreneur, l’institution bruxelloise risque en réalité de fermer dans les prochains jours. Tout un symbole. En Belgique, au-delà d’une conjoncture économique défavorable au livre, notre correspondant déplore le grand remplacement de Victor Hugo par TikTok…


L’époque a souvent bon dos lorsqu’il s’agit de trouver des explications : c’est néanmoins elle, et son cortège de phénomènes allant de la baisse du niveau à la numérisation, qui fragilise nombre de librairies. Parmi celles-ci, Filigranes, institution nichée à deux pas du cœur historique de Bruxelles, est le lieu où tout le milieu du livre s’est pendant longtemps rué : auteurs à succès venus dédicacer leur dernier ouvrage, passionnés de lecture, badauds et stars du showbiz, y compris celles dont on doutait qu’elles eussent un jour ouvert un bouquin.

Longtemps la plus vaste librairie en Europe

Depuis quelques années néanmoins, les comptes n’ont cessé de plonger et il fallut réduire la voilure, en diminuant le personnel, les stocks et une surface commerciale qui fut la plus grande de plain-pied pour une librairie en Europe. La situation est aujourd’hui catastrophique et il reste trois semaines pour trouver un repreneur. C’est en amoureux du livre et client régulier, sans autre intérêt que ceux-là, que je soutiens donc l’appel lancé par Marc Filipson, son patron historique, pour sauver l’enseigne.  

On ne pourrait être naïfs pour autant. Tenir une librairie à l’heure où la consultation compulsive des réseaux sociaux a remplacé la lecture des classiques de la littérature, soit le grand remplacement de Victor Hugo par TikTok, relève de la gageure. Et quand les chroniqueurs de Cyril Hanouna donnent le la de la pensée, il devient moins évident d’acheter le pourtant passionnant dernier ouvrage de Peter Frankopan sur l’histoire du monde à l’aune des changements climatiques ou Nexus de Yuval Noah Harari sur l’histoire des réseaux humains d’information.

La fin de la grande librairie populaire

Aux confins des considérations touchant à nos habitudes de consommation et à la complexe économie du livre, d’autres questions affleurent quant à l’avenir des librairies indépendantes. Que faire quand l’exaspérant droit à la paresse, dont se prévaut une part grandissante de la population, incite à acheter sur Amazon plutôt qu’en rayon ? Comment lutter contre les conséquences de l’inflation et la baisse des marges à l’heure du prix unique du livre ? Est-il possible, à la façon de Bernard Pivot, de ressusciter une authentique émission culturelle et populaire, plutôt qu’élitiste et bien-pensante, afin de doper les ventes ?

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Forcément, la fermeture des commerces durant le Covid et leur nécessaire adaptation a aggravé la situation ; le temps de se demander si le livre est un « bien de première nécessité », les dégâts furent presque irréversibles. Ajoutez-y le contexte bruxellois de l’insécurité, allant de la petite délinquance au terrorisme, et de la mobilité entravée par la folie des écologistes – rendant Filigranes plus difficilement accessible en voiture – et l’équation devient complexe.

De surcroît, le patron de la librairie bruxelloise fut accusé de harcèlement moral par une cinquantaine de collaborateurs. Lui-même ne balaie pas les soupçons portés sur son caractère exigeant, voire irascible, connu du tout-Bruxelles. Mais après tout, on pourra également cibler les quelques employés qui, ayant pour certains la dégaine de fêtards semblant tout droit sortis des boîtes de nuit de la capitale et pour d’autres tenant de façon audible des propos woke, n’auront pas contribué à restaurer le lien indéfectible entre un libraire et un lecteur. Il reste heureusement de vrais passionnés qui font vivre le livre, et rien que le livre, chez Filigranes.

Auteurs de droite blacklistés

Il est une cause finalement trop peu entendue : la qualité des ouvrages elle-même. Entrer dans une librairie, c’est aujourd’hui être confronté prioritairement à des romans présentant des carences en style ou des essais vantant toutes les lubies de l’époque. En revanche, il est plus difficile de trouver les auteurs à succès que l’on qualifiera pudiquement d’incorrects, phénomène accentué en Belgique où la gauche exerce une terreur morale et intellectuelle plus forte encore qu’en France. Je dus ainsi profiter d’un passage dans l’Hexagone pour trouver le dernier opus de Laurent Obertone ; chez Filigranes, aucune trace de Transmania de Dora Moutot et de Marguerite Stern non plus ; aucun de ces auteurs n’y a évidemment été invité pour une séance de dédicace.

Espérons une issue favorable pour la librairie bruxelloise et toutes celles qui sont en période de souffrance. Elles ne doivent pas ignorer que cela passera aussi par une refonte de leur modèle et une meilleure compréhension des attentes des lecteurs.

Non mais c’est quoi ce travail ?

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On sait depuis longtemps qu’il ne faut plus parler de «travail d’Arabe». Désormais, on veut proscrire l’expression «travail au noir». Le député Frédéric Maillot a en effet demandé à l’Assemblée nationale de ne plus utiliser la formule, qu’il estime négative. Le problème avec les racisé(e)s, c’est qu’ils croient que le monde est centré autour de leur petite personne et de leur couleur de peau!


L’élu de La Réunion Frédéric Maillot oublie que l’expression « travail au noir » est née au Moyen-Âge. À cette époque, la réglementation en vigueur interdisait le travail après la tombée de la nuit. Malgré tout, certaines personnes détournaient cette interdiction et faisaient travailler leurs employés à la lueur des bougies. Comme ils travaillaient alors qu’il faisait noir, de là nous vient l’expression «travailler au noir». Si l’expression est péjorative, ce n’est donc pas du tout en relation avec une quelconque couleur de peau, mais parce que cela s’apparente à du travail dissimulé.

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Quand la police des mots, ignorante de l’histoire du vocabulaire et de la richesse de la langue française, veut tout régenter, aura-t-on encore le droit d’utiliser nos expressions de la vie courante ?

« Un p’tit noir» ou «un p’tit blanc» ?

Aura-t-on encore le droit d’aller boire dès potron-minet «un p’tit noir» au zinc du bistrot au coin de la rue ? Remarquez, certains lui préféreront « un p’tit blanc », histoire d’être complètement noir même en plein jour. Ou alors un demi « bien blanc » ? Pourra-t-on encore choisir de prendre les blancs ? D’ailleurs, pourquoi sont-ce les blancs qui commencent ? Ces blancs, qui ne sont pas toujours des trous de mémoire, pourra-t-on encore les monter en neige à défaut d’être blanc comme neige ? Et à la nuit tombée, aura-t-on encore le droit de se faire du cinéma sur l’écran noir de nos nuits blanches ? Pourquoi l’écran serait noir et la nuit serait blanche ? Que donnerait une nuit noire sur un écran blanc ? Et ces lunettes noires qui cachent les yeux, n’est-ce pas suspect ? Ou serait-ce qu’elles cachent un œil au beurre noir ? Encore un coup des blousons noirs, qui n’ont pas apprécié leur sole au beurre blanc ? Ou ont-ils préféré une galette au blé noir à la crèpe au froment ? On peut continuer longtemps comme ça…

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Pourra-t-on demain toujours retirer ses points noirs ? Marcher dans la nuit noire ? Donner de l’argent à la caisse noire du syndicat, ou blanchir quelque argent ? Jeter un regard noir ? Lire une série noire pour chasser ses idées noires ? S’essayer à l’humour noir ? Et pourquoi les nuages chargés de pluie sont dits bien noirs quand il y a tant de nuances de gris ?

«Noir ou blanc de peau, on n’est que des os»

Il y a donc des députés de gauche payés des milliers d’euros qui pensent que le mot « noir » se réfère à la couleur de peau. N’est-ce pas là de l’appropriation verbale ? À force de vouloir tout passer au tamis de la racialisation, les auto-proclamés «racisés», avec leur lecture autocentrée, sont en train de diviser la communauté française, pourtant une et indivisible au regard de la Constitution… Fort heureusement, la nuit, tous les chats sont gris, paraît-il, cela nous évitera de broyer du noir en entendant autant d’inepties. On préférera réécouter Claude Nougaro en sirotant… un p’tit blanc bien frais :

La vie, quelle histoire?
C’est pas très marrant
Qu’on l’écrive blanc sur noir
Ou bien noir sur blanc
On voit surtout du rouge, du rouge
Sang, sang, sans trêve ni repos
Qu’on soit, ma foi
Noir ou blanc de peau
Armstrong, un jour, tôt ou tard
On n’est que des os
Est-ce que les tiens seront noirs?
Ce serait rigolo
Allez Louis, alléluia
Au-delà de nos oripeaux
Noir et blanc sont ressemblants
Comme deux gouttes d’eau.

La Révolution racialiste: et autres virus idéologiques

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Féfé: loin, si loin du gangsta rap

Le célèbre rappeur de Seine-Saint-Denis vient de sortir un nouvel album, Hélicoptère, et effectue actuellement une grande tournée. Rencontre avec ce chanteur très attachant, agréablement éloigné du gangsta rap.


De son vrai nom Samuël Adebiyi, le rappeur, producteur et compositeur Féfé, né en 1976 à Clichy-la-Garenne, dans le 9-3, vient de sortir un album épatant intitulé Hélicoptère, et il est en tournée en France jusqu’à l’été prochain. Quand on lui demande de qualifier sa musique, il explique qu’en dehors du rap, il adore la chanson en général : « Je n’ai aucun problème à l’admettre ; j’ai eu l’occasion de découvrir de très belles chansons françaises », confie-t-il. « J’ai été élevé avec de la soul américaine, de la musique nigériane. J’essaie de mettre tout ça dans ma musique. » Il apprécie aussi le blues, le reggae et la pop : « Ces musiques représentent pour moi beaucoup de madeleines de Proust. Mon père était mélomane ; il possédait beaucoup de vinyles et était très éclectique dans ses goûts, il aimait jusqu’à la country ! Ces musiques représentent tout ça pour moi. C’est en quelque sorte l’héritage de mon père. »

Le gangsta rap, ce n’est pas mon délire !

Son dernier album, Hélicoptère, connaît un beau succès. Il explique qu’il l’a écrit pour sortir de la grave dépression qui le minait : « C’est dans ce contexte que sont nés les premiers textes. Beaucoup des chansons de ce disque ont été réalisées chez moi, à la maison. J’ai l’ai produit avec un ordinateur, ma guitare ; en home-studio en quelque sorte. On a rejoué et arrangé ces morceaux avec Bastien Dorémus, (Clara Luciani, Christine & The Queen), Lazy Flow (Meryl) et Felipe Saldivia (Idir, Orelsan) ; chacun d’eux a sa touche ; chacun a apporté sa touche à la musique que j’essaie de faire. » Pourquoi a-t-il choisi d’intituler son album Hélicoptère ? « À cause de la dépression, encore. L’hélicoptère permet de redécoller. Tout simplement. Dans le morceau éponyme, il y a cette phrase : « Si le game est une course, j’arrive en hélicoptère. » Le game ? C’est-à-dire le jeu du hip-hop, du rap ; c’est comme si je regardais le peloton de tous ces gens en train de se battre ; moi je suis dans mon hélico. Je regarde le paysage ; je suis dans une autre course en fait, en tout cas pas dans la même course que toutes ces personnes-là. »

Les raisons de cette dépression étaient à la fois conjoncturelles, familiales, affectives et professionnelles : « Tout cela à la fois ; tout ce que j’avais enfoui en moi notamment depuis l’enfance ; au bout d’un moment tout ça ressort. Oui, c’était à la fois affectif, familial, conjoncturel ; le Covid aussi. Cette dépression a produit beaucoup de dégâts sur moi. Elle a duré plusieurs mois. Lorsqu’on souffre de grave dépression, on souffre d’apathie ; on ne peut plus rien faire. On ne peut même pas se lever. Donc, juste le fait de pouvoir reprendre un stylo, même si l’objet est léger, c’est du lourd. (Rires.) »   

Féfé, c’est 25 ans de carrière. Des succès magnifiques et surtout une démarche singulière dans le monde du hip-hop puisqu’il a joué et/ou enregistré avec Orelsan, Tété, Matthieu Chédid ; il a également joué pour le trentième anniversaire de la mort de Daniel Balavoine. On le comprend, il se situe bien loin d’un certain gangsta rap… : « Je n’ai jamais été dans la mouvance gangsta rap. Je ne suis pas connu pour ça ; ça ne m’a jamais intéressé. J’ai vécu dans une cité ; je n’avais pas les moyens ; c’était compliqué. Il y a énormément de gens comme moi dans les cités, mais ce n’est pas ce qui intéresse le plus les médias. Ce n’est pas assez piquant. Je souffre beaucoup que cette majorité silencieuse ne soit pas assez représentée. Je tente de la représenter du mieux que je le peux. La plupart des gens qui vivent dans les cités, sont des personnes qui vont au travail, se débrouillent le mieux qu’elles le peuvent, dans la légalité. Or, on ne parle jamais de cette majorité-là. Dans ma jeunesse, j’ai vécu avec des dealers. Je n’étais pourtant pas un bandit mais je connais ces gens-là qui, parfois, se sont retrouvés là malgré eux car ils ont fait de mauvais choix. Il y a effectivement des types dégueulasses que je n’aime pas. D’autres sont des chics types qui ont fait de mauvais choix… En cela, j’aurais toujours une tendresse pour ces derniers, car, comme je le disais, j’ai vécu auprès d’eux dans les cités. Donc, ce n’est pas mon délire de promouvoir une vie que je n’ai pas eue. J’ai toujours milité pour que les gens qui vivent là s’élèvent. Je ne juge pas car je n’ai pas l’avis des gens qui racontent ça, le gangsta rap, mais ce n’est pas mon délire. »

L’abbé Pierre

Autre élément singulier de sa carrière : en 2014, il a joué lors de la première édition de l’Abbé Road, concert caritatif de la fondation Abbé-Pierre : « Je n’ai jamais rencontré le célèbre abbé », avoue-t-il. « Concernant la polémique actuelle, c’est compliqué. A l’école, j’ai eu l’occasion de lire l’écrivain Louis-Ferdinand Céline qui n’était pas le meilleur des types ! Il avait quelques casseroles, c’est le moins qu’on puisse dire. Si son œuvre est magnifique, lui ne l’était pas du tout. Il peut y avoir des types odieux qui font de belles œuvres. Cela ne veut pas dire que j’adoube l’abbé Pierre, ou R. Kelly, ou P. Diddy… mais il peut y avoir des types odieux qui font de belles créations ; il faut qu’on comprenne ça ; il est temps qu’on grandisse. Il n’y a pas d’anges sur terre ; il n’y a pas de démons sur terre. Il n’y a que des hommes. »

Plus logique, Akhenaton a participé à l’enregistrement de son album : « J’avais fait la première partie de IAM il y a une dizaine d’années. Pour moi, Akhenaton est un grand frère ; il était là avant moi. Quand j’étais jeune, il me faisait rêver ; il a toujours été très ouvert pour collaborer musicalement. Je l’ai contacté car le texte « Baladeur » correspond à son univers. Nous partageons bon nombre de valeurs. Il n’a jamais été dans le gangsta rap et, pourtant, je suis certain qu’il a connu des gangsters. »

C’est indéniable : Féfé figure une manière d’Ovni dans le milieu du rap français. Pas étonnant quand on l’interroge sur les auteurs qui l’ont influencé, il cite tout de go Gainsbourg, Marley et Dylan qu’il a découvert sur le tard. Un Ovni nourri devaleurs fraternelles et d’intégration. On est en droit de l’en féliciter.


Cycliste écrasé à Paris: et si c’était Anne Hidalgo, la vraie responsable ?


Un 4×4 Mercedes ML d’un côté, un cycliste militant de l’autre, le deuxième finissant écrasé sous les roues du premier, après une altercation. En plein 8e arrondissement, boulevard Malesherbes, à deux pas de la Madeleine. Le chauffeur du 4×4 aurait roulé pendant plusieurs centaines de mètres sur la piste cyclable, provoquant la colère de Paul Varry, le cycliste, qui s’est rebellé d’un coup de poing sur le capot du chauffard. Désormais meurtrier présumé. On dit que les pompiers, qui n’ont pas pu réanimer le pauvre malheureux, ont été choqués par l’état de la victime, ses blessures. Le tronc coincé entre le vélo, la chaussée, et les pneus du gros 4×4, ses chances d’en réchapper étaient limitées. Et le chauffard, Ariel M. aux nombreux antécédents judiciaires, le savait certainement. Il plaide pourtant l’accident. Les juges comme le procureur n’ont pas retenu sa version des faits, et ordonné son incarcération en préventive pour meurtre. Voilà pour les faits. Manque cependant dans l’intégralité des articles et reportages qui ont relaté ce drame, pardon, ce fait divers, des éléments de contexte qui me semblent pourtant essentiels à sa bonne compréhension. Il se trouve que j’étais mardi 15 octobre, une fois de plus, une fois de trop, piégé dans les embarras de Paris. Après un rendez-vous boulevard des Capucines, je devais me rendre à l’Assemblée nationale. J’étais donc à moins de 200 mètres de l’endroit où s’est joué le drame. Banlieusard, je confesse ma très grande faute de privilégier encore le plus souvent la voiture pour sillonner Paris, et rentrer ensuite chez moi sans subir les aléas quotidiens des transports en commun, quand on n’y croise pas un forcené avec un couteau à la main. Qui sort plus vite de garde-à-vue et du commissariat que ses victimes, choquées à vie. Ce jour-là, le centre de Paris n’était plus qu’un immense embouteillage. Automobiliste depuis 35 ans, Parisien de toujours, je pense disposer des référentiels pour dire que nous avions crevé tous les plafonds. J’ai mis 1h45 pour aller du boulevard des Capucines jusqu’à l’Assemblée, en faisant un énorme détour, allant jusqu’à passer par… la place Beauvau et les Champs-Elysées pour enfin parvenir à traverser la Seine et aller à l’Assemblée. Sur l’écran de mon GPS, c’est bien simple, tout était rouge vif, avec en prime, de jolis panneaux « sens interdit », alertant des interdictions de circuler provisoires et de plus en plus permanentes. En arrivant à l’Assemblée, tentant de justifier mon retard, j’ai partagé avec le parlementaire qui me recevait et avait réorganisé son emploi du temps pour moi ce que j’avais vu. Jamais, de ma vie, je n’avais constaté de mes propres yeux autant d’infractions au Code de la Route ! C’est bien simple : ce mardi 15 octobre, je n’ai pas croisé un seul policier, sauf aux abords immédiats de Beauvau (ministère de l’Intérieur) et de l’Élysée. En revanche, j’ai vu des cyclistes (oui, je commence par eux), des trottinettistes, des piétons par centaines, faire strictement absolument tout et n’importe quoi sur la chaussée, à tous les carrefours, sans se préoccuper aucunement ni des marquages au sol, ni des feux de circulation, non plus bien entendu des sens de circulation, le tout au milieu de milliers de voitures, utilitaires, bus, pris au piège dans un embouteillage sans queue ni tête ! Entendons-nous bien : je ne pointe pas du doigt ici une quelconque responsabilité des piétons, cyclistes et autres chauffeurs de trottinettes. Je constate simplement que ce jour-là, dans le triangle formé par la Madeleine, l’Opéra, et Saint Augustin, point à partir duquel j’ai pu m’échapper et rouler relativement correctement, tout était parfaitement bloqué, figé, sans que rien n’y personne, du côté des autorités, ne tente d’y remédier ! Nous étions tous pris au piège, un piège sciemment tendu par Anne Hidalgo et ses nervis écologistes, déterminés à chasser pour de bon les voitures de Paris. Comment ? En fermant en catimini des voies de circulation, provoquant ces immenses bouchons censés dégouter les automobilistes, fussent-ils plombiers ou livreurs de sang, mais aussi les usagers des bus de la RATP, de circuler dans Paris. La veille, je découvrais ainsi que la place du Trocadéro était en partie interdite à la circulation, le rond-point étant transformé en U à double-sens. Bouchons à la clef. Ce dramatique mardi 15 octobre, moi, comme des milliers d’autres automobilistes, découvrions qu’il était impossible désormais de faire le tour de la place de la Madeleine en provenance de l’Opéra, par le boulevard des Capucines, obligés de se faufiler dans la rue de Sèze, à voie et à sens unique, pour tenter de rallier… le boulevard Malesherbes. Ou Paul Varry est mort écrasé par un 4×4 mardi 15 octobre. Le piège n’est signalé que par un petit panneau incompréhensible au bout du boulevard des Capucines, obligeant des dizaines d’automobilistes à faire demi-tour, non sans franchir allégrement une ligne blanche, pour repartir dans l’autre direction, et se faufiler dans la rue de Sèze totalement bloquée, provoquant un bouchon de plusieurs centaines de mètres dans le boulevard des Capucines, ou tenter de contourner en passant derrière l’Opéra. Mon choix. Une heure ½ pour en sortir, et parcourir 800 mètres. Pour sa défense, Ariel M. a expliqué qu’il emmenait sa fille de 17 ans chez l’ophtalmologiste. Que le rendez-vous était pris depuis des mois. Banlieusard, il voulait la déposer devant le cabinet médical. Quand on sait qu’il faut parfois deux ans d’attente pour voir un ophtalmo dans certains coins du pays… Il aurait mieux fait de prendre le RER. Mais peut-être que sa ligne était en travaux, ou en panne. Le lot quotidien des Franciliens. Ce jour-là, Ariel M. a tué un cycliste. « Involontairement » plaide son avocat. C’est un « récidiviste dangereux » dixit le procureur, qui a obtenu gain de cause et son placement en détention provisoire. Mais à la barre, ni Anne Hidalgo, ni David Belliard, son adjoint à la circulation, n’étaient cités à comparaître. Pourtant, en organisant la prise en otage des automobilistes dans Paris pour les en chasser, ils sont co-responsables des dizaines de milliers d’infractions au Code de la Route que les caméras de surveillance et les opérateurs qui les pilotent ont pu constater ce jour-là. Ce jour où Paul Vary est mort écrasé par un 4×4, que David Belliard veut désormais interdire, en réaction. Et si on interdisait plutôt les oukazes comme l’abaissement de la vitesse de circulation sur le Périph à 50 km/h, contre l’avis du ministre des Transports, contre le préfet de Police ? Contre Valérie Pécresse, présidente de Région ? Si l’on interdisait aussi les chantiers qui bloquent les voies de circulation pendant des mois sans un seul ouvrier pour y travailler ? Et les voies de circulation fermées en douce, les plans de circulation tellement absurdes que parfois, on se retrouve pris au piège, face à des carrefours où toutes les voies sont interdites (Le Parisien, 7 octobre 2024) ? Ce qui a tué Paul Varry le 15 octobre, c’est aussi l’idéologie, l’automobile bashing permanent, qui rend les automobilistes fous (Le Figaro, 10 octobre 2024), et en particulier Ariel M., un père de quatre enfants, qui a transformé son véhicule (4×4 ou pas), en arme, parce qu’il n’en pouvait plus d’être à l’arrêt depuis des heures alors qu’il emmenait sa fille chez l’ophtalmo. Seulement, il y a gros à parier que le jour de son procès, il sera seul sur le banc des accusés pour assumer les conséquences des faits gravissimes qui lui sont reprochés. Quand bien même le fait générateur initial est connu, et les responsables, parfaitement identifiés.

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Boniface: géopolitologue d’apparence?

Le géopolitologue a suscité un tollé en traitant sur Twitter le maire de Saint-Ouen, Karim Bouamrane, de « muslim d’apparence ». S’il a depuis retiré ces propos, il a en revanche maintenu sa critique des médias français qui organiseraient selon lui une « grosse promo » pour les élus faisant silence sur Netanyahou.


« Muslim d’apparence » est le nouvel « arabe de service ». C’est en tout cas comme cela qu’a été compris, dans le microcosme politique, l’expression que Pascal Boniface, fondateur de l’IRIS, a employée pour qualifier le maire de Saint-Ouen (93), Karim Bouamrane.

Cette insulte, énoncée tranquillement sur Twitter par un ancien du PS, montre à quel point l’idéologie dite racialiste réveille et révèle le racisme le plus crasse à gauche. Ainsi, selon Pascal Boniface, les musulmans pensent tous pareil et un musulman qui aurait une pensée personnelle, originale, serait traître à son identité. Le problème, c’est que traiter quelqu’un de « muslim d’apparence » en dit beaucoup plus sur celui qui insulte que sur celui qui est visé.

Parce que, que signifie ce terme ? Que lorsqu’on ressemble à un arabe, on est forcément musulman, donc que l’on hérite d’une identité communautaire à laquelle on doit se conformer ? Sous peine de quoi ? D’être traître à sa race, à sa famille, à sa tribu ? Et d’ailleurs, quel est le comportement que devrait adopter un musulman pour ne pas être un « muslim d’apparence » ? Comment donc doit-il se réislamiser ? Et dans quel but ? Pour répondre à une partie de ces questions, il faut regarder précisément ce qui a valu à Karim Bouamrane une telle volée de bois vert. C’est là que l’histoire prend toute sa dimension.

Rétropédalage raté

En effet, le problème, avec l’inconscient, c’est que lorsqu’il s’exprime et vous fait dire une énorme bêtise, si vous la pensez profondément, il y a des chances qu’en essayant de vous désembourber, vous vous enfonciez encore plus. C’est justement ce qui est arrivé à Pascal Boniface. L’expression « muslim d’apparence » a déclenché un tollé, sa dimension raciste et méprisante ne pouvant être ignorée. L’homme a donc tenté un rétropédalage en direct. Mais quand on se prend les pieds dans le tapis, mieux vaut ne pas tenter le rétablissement en s’agrippant à la nappe. Sauf si on n’aime pas le plat du jour.

C’est ainsi que Pascal Boniface a voulu s’excuser, reconnaissant une maladresse dans l’usage de l’expression « muslim d’apparence ». On apprend au passage qu’une insulte à connotation raciste a été rétrogradée au rang d’indélicatesse. On a connu M. Boniface plus sourcilleux ! Mais, on ne sait pas encore si la jurisprudence fonctionnera demain si la personne « maladroite » est de droite… Le tweet a donc été retiré, mais l’homme a trop d’ego pour admettre véritablement son erreur, alors il faut un dernier baroud d’honneur. Il termine donc ses fausses excuses en renfonçant le clou. Pourquoi selon lui Karim Bouamrane est un « muslim d’apparence » ? Parce qu’il n’est pas assez critique à l’égard d’Israël et ne place pas de fausses accusations de génocide et d’apartheid contre l’État hébreu dès qu’il en a l’occasion. Le chercheur miserait-il sur une détestation culturelle des juifs et d’Israël, détestation qui ferait partie d’une identité musulmane ? On n’ose le penser, mais la piste pourrait-être la bonne.

Un sacré historique

D’autant que l’homme a rompu avec le PS avec pertes et fracas au début des années 2000. En cause ? Son positionnement à l’égard d’Israël et des juifs, déjà. Dans une note datée de 2001, il se positionnait sur le registre de l’efficacité électorale pour enjoindre les socialistes à quitter des positions jugées trop favorables à Israël alors que l’électorat à cibler serait plutôt, au vu du nombre, l’électorat musulman. C’était cynique, froid et arithmétiquement exact. Pourtant, aimer nager « dans les eaux glacées du calcul égoïste », c’est censé être de droite ça aussi… Visiblement, à gauche, on pratique fort bien la natation aussi. Mais ce qui est intéressant, c’était déjà l’argumentation de l’époque de M. Boniface: « Peut-on diaboliser Haider, et traiter normalement Sharon ? », écrivait-il. À l’époque, M. Haider était le dirigeant de l’extrême-droite autrichienne et ses sympathies pour le nazisme n’étaient pas ignorées. Un chercheur, censé donc avoir du recul sur ces questions, mettait sur le même plan le leader israélien et un Autrichien connu pour ses ambiguïtés envers le national-socialisme.

Une position que diffusent aujourd’hui les éléments de langage de LFI ou des islamistes, prompts à traiter de nazis les juifs, pour leur contester la création de l’État d’Israël. Pascal Boniface, de son côté, proposait même, dans le journal suisse Le Temps en 2002, d’inscrire Israël dans la liste des pays de « l’axe du Mal ». Le ton était alors ironique, mais visiblement l’obsession déjà là. Et 22 ans après, elle est toujours là. Au point que pour n’être pas assez agressif envers Israël, le maire de Saint-Ouen est accusé par Pascal Boniface d’être un mauvais musulman. Le fondateur de l’IRIS donne ainsi raison en creux à tous ceux qui notent que la recrudescence des actes et des paroles antisémites n’est pas liée à l’extrême-droite, mais à l’expression décomplexée d’un antisémitisme culturel arabo-musulman. Visiblement, il déplore même qu’il ne s’exprime pas plus.

Albert Speer, architecte de Hitler et mémorialiste caméléon

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Jean-Noël Orengo publie « Vous êtes l’amour malheureux du Führer » (Grasset, 2024) © BALKAR/FREGE MARC/SIPA

Dans son nouveau livre au titre prometteur, Vous êtes l’amour malheureux du Führer, Jean-Noël Orengo revient sur le cas fascinant d’Albert Speer, l’architecte de Hitler.


Albert Speer durant le procès de Nuremberg, en 1946. DR.

Beaucoup de lecteurs ont lu les Mémoires de Speer, commencés en prison et publiés à la fin des années soixante. Un gros ouvrage, à vrai dire passionnant (je l’ai lu lorsque j’étais lycéen), qui devint immédiatement un best-seller, avant d’être l’objet de vives controverses de la part des historiens.

Speer avait en effet tendance à se trouver beaucoup trop de circonstances atténuantes, afin de se réhabiliter lui-même dans le monde de l’après-guerre et de se présenter comme… un honnête homme embarqué dans une aventure qui l’aurait dépassé !

La voix de la conscience

Le roman de Jean-Noël Orengo reprend les éléments du dossier, les hiérarchise, pour essayer d’y voir plus clair. Il ne se contente pas d’aborder les principaux aspects de la vie de Speer qui fâchent, en les replaçant dans leur contexte historique. Il va plus loin, il fait s’exprimer, tout du long, la conscience intime du dignitaire nazi, grâce à une sorte d’oralité intérieure que permet le roman, et qui fait affleurer toute la subjectivité maladive de Speer. Pour ce faire, il emploie de manière très pertinente le style indirect libre, plaçant ainsi la voix de Speer au premier plan, de manière à créer un effet de vérité qui démontre la duplicité de l’architecte dans sa tentative de jugement sur lui-même.

Se disculper de la Shoah

Le chapitre sur le génocide des Juifs est, à cet égard, particulièrement caractéristique. Speer a essayé de faire croire qu’il ne savait rien de la Shoah, et que d’ailleurs il n’était pas antisémite. Il ne serait donc pas tombé dans une telle ignominie, que son éducation privilégiée lui aurait épargnée. Orengo déconstruit progressivement une telle assertion. D’abord, il note : « L’architecte écoute. Il n’éprouve rien pour ou contre les Juifs. » Il faut cependant être plus précis, si possible, et cela donne : « si le guide [c’est-à-dire le Führer] est à ce point obsédé par les Juifs, il doit avoir ses raisons […] même si ça devient lassant et gênant pour lui, l’architecte, d’écouter ses brusques harangues vulgaires sorties de nulle part à l’égard des Juifs ». La prose d’Orengo rend bien compte de cette hypocrisie d’un Speer qui ne veut pas se salir les mains, et cherche à se dédouaner, en dépit de l’évidence. À Nuremberg, lors de son procès, le ministre de l’Armement de Hitler plaidera « non coupable à titre individuel, coupable à titre collectif », une ambivalence qui rend très bien compte de sa manière de se disculper : « Il est très doué pour l’autocritique, note Orengo, et donner l’impression de siéger avec ses juges devant lui-même, et se condamner jusqu’à un certain point. »

Une déclaration d’amour au Führer

Sa relation avec Hitler, elle aussi, du moins telle qu’il la relate dans son livre, est ambivalente. Speer doit sa carrière fulgurante au seul Hitler. Il ne peut cependant pas s’empêcher de le mépriser, tout en reconnaissant qu’il est fasciné par le personnage.

A lire aussi, Jonathan Siksou: Rentrée littéraire: le bel avenir du passé

« Il est envoûté, écrit Orengo, c’est le mot qu’il utilisera toujours, quand on le pressera de s’expliquer sur sa relation avec le guide. Il leur répondra toujours par une question : qui n’aurait pas été envoûté ? Qui ne l’était pas ? » Speer a partagé la passion de Hitler pour l’architecture. Les projets des deux hommes pour Berlin, décrits avec force détails par Orengo, paraissent stupéfiants, et même démentiels. Speer, en tant qu’homme de confiance, concevait également les grandes parades. Il eut l’idée d’organiser un défilé de nuit. « L’effet dépasse toutes les attentes », indique Orengo, qui ajoute : « C’est la mise en scène du cosmos et de la météo sous les auspices du guide discourant de la grandeur retrouvée de l’Allemagne. » C’est, nous dit Orengo, « une déclaration d’amour au Führer ».

Imposture contemporaine

Dans la dernière partie de son livre, Jean-Noël Orengo revient sur ce qui l’a lui-même intéressé dans le cas de Speer et de ses Mémoires, et qui lui semble très actuel. Il qualifie Au cœur du IIIe Reich de « fiction décisive », c’est-à-dire d’imposture. C’est un livre qui ment. « Dès lors, écrit Jean-Noël Orengo, j’ai distingué en Speer un phénomène plus vaste et très contemporain que nous vivons tous les jours en ouvrant les journaux et les réseaux sociaux. Fake news, complots, interprétations de faits, guerre de récits, sublimation du pire, apitoiement sur soi-même, glamour de la colère, déstabilisation du sens… »

Aujourd’hui, il n’est plus possible de douter de cette habile imposture, même si Au cœur du troisième Reich reste un livre extraordinaire qu’on peut relire, mais avec de grandes précautions. Comme nous le confirme encore une fois Orengo, Speer a pris une part active au nazisme, impossible de le nier, y compris dans le déroulement de la Shoah : « Il savait pour l’extermination des Juifs d’Europe, écrit l’auteur. Il y avait même participé en tant que ministre de l’Armement. » Si le Reich avait survécu, Speer aurait probablement pu succéder à Hitler. On voit ainsi l’exploit phénoménal qui a été le sien de se refaire une virginité, après le cataclysme provoqué par la guerre. Et justement, Jean-Noël Orengo contribue à nous détromper sur Albert Speer et à nous éclairer sur son véritable rôle. Son excellent livre a donc un grand mérite à mes yeux.

Jean-Noël Orengo, « Vous êtes l’amour malheureux du Führer ». Éd. Grasset. 272 pages

« Vous êtes l'amour malheureux du Führer »: Roman

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Albert Speer, Au cœur du troisième Reich. Traduit de l’allemand par Michel Brottier. Éd. Fayard, 1971. Disponible aujourd’hui chez cet éditeur au format poche dans la collection « Pluriel ».

Au coeur du Troisième Reich

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Trois très bons livres sinon rien !

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Eminent critique littéraire, notre chroniqueur s’enthousiasme pour trois romans de la « rentrée littéraire » qu’il a particulièrement aimés, en lecteur perspicace qu’il est.


Patrice Jean, La Vie des spectres : vous reprendrez bien un de nausée ?

Imaginez que Corentin, l’anti-héros de La Nausée, se mette en tête d’écrire un livre drôle — et vous aurez en main La Vie des spectres, le dernier roman de Patrice Jean, que Causeur a salué dès sa sortie fin août sous la plume de Thomas Desmond. Le narrateur, Jean Dulac, y est la proie d’une crise inexistentielle : son épouse le rembarre à la première occasion avec des arguments tirés des œuvres croisées de Caroline De Haas et de Judith Butler, son fils, en première, tempête dans une langue « jeune » contre les œuvres qu’on leur fait étudier au lycée — rien que des White Dead Males : « De toute façon, assène ce charmant bambin, je veux faire Maths Sup ou Sciences Po, alors je m’en fous du bac de français ». Encore un qui doit se satisfaire de la suppression récente de l’épreuve de langue française au concours commun de 18 écoles d’ingénieurs, jugée « anxiogène ». C’est sûr que demander (en QCM) si l’adjectif s’accorde ou non avec le nom crée une pression intolérable sur des cervelles soigneusement évidées par les pédagogies de la bienveillance.

Ajoutez à ces tracas domestiques le fait que les habitants de sa ville — Nantes — lui paraissent autant d’ectoplasmes appartenant à une forme de vie majoritaire et déprimante, et que les « personnalités » que son rédac-chef l’envoie interviewer sont des monuments de prétention (j’ai cru reconnaître Bégaudeau, ce degré zéro qui vous donne l’échelle de ces grandes inintelligences), et vous aurez le tableau complet d’une déprime lente. Heureusement qu’il s’entretient, de ci de là, avec un vieux copain mort depuis vingt ans — tôt réclamé par la Grande Faucheuse, et qu’il écrit un livre à jamais inachevé intitulé — ça va de soi — Les Fantômes.

La nouvelle prof de Lettres de l’heureux bambin — scotché dès qu’il est chez lui à sa console de jeux, occupant ses soirées à chasser les Dragons et les Amphibiens de Monster Hunter — finira virée par l’administration, parce qu’elle a refusé de jouer dans un clip tourné par une racaille qui a toute la sollicitude du proviseur et de l’Inspecteur. Jean Dulac la trouvait mignonne et passionnante — mais il ne couchera pas avec elle, il a d’ailleurs une sexualité quelque peu en berne — extension du domaine du syndrome houellebecquien.

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Le vrai sujet de ce roman (très drôle), c’est le couple lecture / écriture. Du côté des spectres, on méprise ces objets hostiles, conçus avec du papier et des mots, qu’on appelle des livres : « Laisse-le jouer, dit l’épouse en voie de libération, c’est de son âge, il a bien le temps de s’intéresser à Balzac ou à Schubert. Et puis, lire n’a jamais rendu qui que ce soit plus généreux ». Et l’époux-narrateur de philosopher : « J’aurais pu la contredire, en rappelant qu’un esprit privé de livres finit par s’étioler aussi sûrement qu’une plante meurt de n’être pas régulièrement arrosée, mais à quoi bon ? L’époque est plus forte que moi. Lire exige un effort que beaucoup entendent éviter. » L’époque est effectivement en reddition totale : « J’avais écrit un article qui développait cette idée, mais Le Progrès m’a répondu que ces considérations déclinistes n’avaient pas leur place dans le journal. « Essaie au Figaro ou à Minute ! » .
J’ai maintes fois expliqué que nous vivons un moment orwellien, où tout s’est inversé, comme les sentences de la sagesse de Big Brother (« L’ignorance, c’est la force »). La gauche est antisémite, la capacité d’analyse s’est réfugiée au Figaro ou chez Causeur — l’un et l’autre des suppôts supposés de la pensée fasciste et des considérations inactuelles. La presse bien-pensante, elle, meuble ses colonnes avec des articles d’actualité — entendons par là tout ce qui nie l’histoire, le temps et l’intelligence.

À la fin du livre, Dulac précise ce qu’il faut entendre par lecture :
« L’unique moyen, pensai-je, de débiliter le triomphe des stéréotypes n’était pas la lecture en soi, mais la lecture, attentive et passionnée, des œuvres refusant de flatter l’espèce humaine. »

(C’est ce qui rend de plus en plus difficile la vraie pratique de l’explication de texte, en classe. Demandez à trente ados endormis ce qu’ils pensent d’une scène de Marivaux, eh bien, ils n’en pensent rien, parce que pour eux la lecture ânonnée du texte épuise sa signification. L’idée qu’il puisse y avoir, dans le langage, des mots sous les mots, des intentions secondes, des effets camouflés et d’autant plus efficaces, leur échappe complètement. Ils vivent dans l’immédiateté de la consommation, et mourront de même.)

C’est un très beau livre, merveilleusement déprimant. Après L’Homme surnuméraire, où le héros (?) était payé à supprimer des œuvres littéraires tout ce qui peut choquer tel ou tel segment de la population (ramenant ainsi le Voyage au bout de la nuit à 26 pages), La Vie des spectres rajoute une couche de décapant sur notre fin de civilisation, toute gonflée de son importance comme la grenouille de la fable. De quoi vous donner envie de vous balader avec une dague à dégonfler les baudruches.

Arturo Pérez-Reverte, l’Italien : mais oui, il y eut des héros italiens pendant la Seconde Guerre mondiale !

Il traîne sur les Italiens une rumeur de paresse, de farniente et de trouillardise que le souvenir lointain de l’Empire romain ne parvient pas à dissiper. Des guerriers d’opérette, disent nos militaires, si persuadés d’être les meilleurs, au Mali et ailleurs.

Arturo Pérez-Reverte, qu’on ne présente plus, s’est amusé, en Espagnol impartial qu’il est, à retracer les hauts faits d’arme de la Xème Flotte MAS, une unité de scaphandriers qui causa bien des tourments à la flotte britannique, à Alexandrie (en 1941) et ailleurs.
Par exemple à Algésiras : les Anglais mouillaient à Gibraltar, juste de l’autre côté de la baie. Les Italiens se mettaient à l’eau de nuit, chevauchant des torpilles à hélice, avec lesquelles ils franchissaient les barrages de filets d’acier, affrontaient les grenades régulièrement envoyées par les marins britanniques pour secouer les téméraires qui se risqueraient dans leurs eaux, et poser des mines sur le flanc des vaisseaux de guerre stationnés là. Dans le noir, après une heure et demie de traversée, sans garantie de pouvoir rentrer. En tout, la Xème flotte MAS a coulé une vingtaine de vaisseaux anglais.

A lire aussi: Promenade magistrale sur les chemins de la littérature

Pérez-Reverte est au sommet de son art — et c’est beau de voir un romancier utiliser tous les modes de récit, passer du présent au passé, entrer lui-même dans son récit, redevenir grand reporter (il l’a été pendant vingt ans sur tous les terrains d’opérations, il s’y connaît assez en héros et en demi-pointures), mêler une belle histoire d’amour à un récit guerrier, et face à ces scaphandriers audacieux construire un portrait de femme (espagnole, celle-là) d’une grande finesse. Une héroïne aussi, dans son genre — le genre qui ne parle pas sous la torture.

C’est un épisode fort peu connu de la Seconde Guerre mondiale. Peu de bons, peu de vrais méchants — en un mot, des hommes.

Abel Quentin, Cabane — ou l’éradication de l’homme par l’homme

Cabane est la narration la plus exacte que j’aie lue à ce jour des 50 dernières années, depuis les utopies grinçantes des années 1970 aux délires new age des années 2000. Abel Quentin (j’avais parlé ici de son remarquable roman, Le Voyant d’Etampes) est un chroniqueur des temps de déconfiture. Hier la culture woke, ici les délires écolos.
Encore que délire ne soit pas le terme exact. Le roman met en scène quatre scientifiques de très haut vol, qui en 1973 pondent un rapport sur l’état du monde et la projection prospective sur le siècle à venir : à les en croire (et pourquoi ne pas les croire ?), c’est foutu dans tous les sens, sauf si l’on impose à la population mondiale une cure radicale d’austérité et de décroissance, couplée avec une politique malthusienne qui classerait Alexis Carrel dans le quarteron des optimistes béats.

Immense succès immédiat de ce « rapport 21 » — mais aussitôt les grincheux — ceux qui croient que le Marché rééquilibrera toujours les excès — se mobilisent pour tirer à boulets rouges sur ces hurluberlus soupçonnés d’être trop intelligents.

Quentin joue avec virtuosité sur le registre de la science-fiction catastrophiste : il ne cite pas pour rien Soleil vert, le film de Richard Fleischer (1973 aussi !) inspiré d’un roman paru en 1966, où, rappelez-vous, on soignait la surpopulation en transformant les morts — décédés par euthanasie de masse — en biscuits protéinés à l’usage des survivants.

Nos quatre chercheurs ne restent pas longtemps unis. L’un se vend au Capital et aux compagnies pétrolières, deux autres élèvent des cochons bio dans une ferme de l’Utah — ça ne leur portera pas bonheur, croyez-moi, vous regarderez désormais votre saucisson pur porc avec méfiance —, et le dernier… mais à propos, où diable est-il caché, le dernier ?

C’est là que le titre du roman peu à peu s’éclaircit, tandis que l’atmosphère s’enténèbre.

C’est impitoyable — comme le sont tous les grands récits scientifiques. Ça ressemble aux œuvres de maturité de Jules Verne, à partir de 1886, quand l’écrivain heureux du Voyage au centre de la Terre et de De la Terre à la Lune laisse place au romancier grinçant de Robur le conquérant puis Maître du monde ou de Sans dessus dessous — les romans que l’on ne fait pas lire aux enfants.
Et certes, Cabane n’est pas à mettre entre les mains de nos écolos enfantins et / ou infantiles. C’est écrit avec une suavité qui témoigne d’une extrême maîtrise (ou d’un grand travail), et ça éparpille ce qui restait en nous d’optimisme, de foi en l’homme et de persistance à voter Éric Piolle ou Sandrine Rousseau : après Soleil vert, c’est Midsommar qui vous guette.

Patrice Jean, La Vie des spectres, Le Cherche Midi, 2024, 452 p.

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Arturo Pérez-Reverte, L’Italien, Gallimard, 2024, 440 p.

L'Italien

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Abel Quentin, Cabane, Les Editions de l’Observatoire, 2024, 480 p.

Cabane - Prix des Libraires de Nancy Le Point 2024

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Causons! Le podcast hebdomadaire de Causeur

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Michel Barnier, Premier ministre, et Bruno Retailleau, ministre de l'Interieur, à Menton, le 18/10/2024

Ceux par qui le scandale arrive: Kerbrat et Boniface; Sexe, cyclisme et immigration; le procès de Roman Polanski. Avec Céline Pina, Martin Pimentel et Jeremy Stubbs.


Andy Kerblat, député LFI, s’est fait interpeller en possession d’une drogue de synthèse, la 3MMC, souvent utilisée par ceux qui pratiquent le « chemsex » (voir Wikipédia). Parmi les effets négatifs de cette substance : la dépression, l’agressivité, la confusion, le délire, les hallucinations, sans parler de la verbosité – ce qui fait beaucoup pour un élu de la République. L’homme politique se défend, se prétendant victime des médias d’extrême-droite. Pourtant, l’idée ne lui est pas venue de démissionner. Pascal Boniface, géopolitologue et fondateur de l’IRIS, a traité le maire de Saint-Ouen de « muslim d’apparence » parce qu’il ne donne pas assez de signes de haïr Israël. La liste s’allonge des termes utilisés par la gauche pour disqualifier les personnes appartenant à des minorités qui ne pensent pas exactement comme il faut. L’analyse politique de Céline Pina.

Nicolas Bedos victime d’une punition « exemplaire » dont la sévérité est destinée surtout à mettre en garde tous les beaux gosses hâbleurs… Récupération politique par la gauche de la mort d’un cycliste à Paris… Rencontre entre Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur déterminé à prendre en main la question de l’immigration, et Emmanuel Macron, un président plutôt mou sur cette question jusqu’ici – ou a-t-il finalement changé d’avis? Martin Pimentel passe en revue les actualités de la semaine.

Enfin, Jeremy Stubbs s’est rendu mercredi à la Cour d’appel pour assister à une audience, en l’occurrence celle qui représente la dernière étape dans le procès pour diffamation intenté par l’actrice anglaise, Charlotte Lewis, au réalisateur Roman Polanski. Le réalisateur étant relaxé en première instance le 14 mai, l’actrice a fait appel. La défense a souligné le paradoxe : l’actrice accuse le réalisateur de diffamation parce qu’il a nié les paroles diffamatoires qu’elle a eues à son égard. Le procès est un triste exemple de ce qu’on peut appeler aujourd’hui la « jurisprudence genrée » : la loi médiatique donne un crédit au témoignage des femmes qui est refusé à celui des hommes. Le jugement de la Cour sera rendu le 4 décembre.

Visite d’État d’Emmanuel Macron: vers un tournant stratégique dans les relations franco-marocaines ?

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Le président Macron à Rabat, Maroc, 14 juin 2017 © Alain Jocard/AP/SIPA

Le président Macron sera en visite d’État au Royaume du Maroc à partir de lundi, pour trois jours. Analyse des enjeux diplomatiques


Six ans après sa dernière visite officielle et à la suite d’une période marquée par de vives tensions diplomatiques, Emmanuel Macron se prépare à effectuer une visite d’État au Maroc du 28 au 30 octobre. Ce déplacement intervient après l’échec patent de son « pari algérien » et a pour but de réchauffer et de relancer dialogue et coopération avec Rabat, seul partenaire stable dans une région en pleine mutation. Les discussions avec le roi Mohammed VI s’annoncent substantielles, qu’il s’agisse d’immigration, de sécurité, de coopération industrielle ou de dossiers internationaux brûlants. Cependant, c’est avant tout la méthode que saura adopter ou pas le président de la République qui déterminera si elles marquent un tournant véritablement stratégique pour les deux nations.

Macron a maintenant tout le temps pour travailler sur sa politique diplomatique

La première condition sera de rompre avec l’approche arrogante qui a caractérisé la diplomatie d’Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Son échec politique cinglant sur la scène nationale devrait l’inciter à faire preuve de retenue et d’introspection sur la scène diplomatique. Un exercice d’humilité rendu nécessaire au vu des erreurs accumulées depuis sept ans dans sa politique extérieure : sur l’OTAN, sur la Russie, sur la Chine, en Afrique comme au Moyen-Orient.

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Son « pari algérien » a été l’un des exemples les plus marquants de cette diplomatie pour le moins hasardeuse. Pendant trois ans, le président de la République a espéré, contre l’avis de nombre de diplomates et d’experts, réconcilier la France avec un régime algérien dont la stabilité repose pourtant depuis des décennies sur l’hostilité vis-à-vis de Paris. À travers un geste solennel, son projet était d’effacer les blessures du passé colonial et construire une nouvelle relation – sur le modèle de la réconciliation franco-allemande après la Seconde Guerre mondiale. Mais malgré de nombreux gestes, en particulier dans le champ mémoriel, Alger n’a jamais répondu que par des exigences accrues et des critiques répétées.

Cette illusion a finalement pris fin le 30 juillet dernier, lorsque Emmanuel Macron a franchi un pas décisif en reconnaissant le plan d’autonomie proposé par le Maroc comme la seule base crédible pour une solution politique au Sahara occidental. Ce revirement, tardif mais salutaire, est un signal de lucidité et de pragmatisme, permettant de rétablir des ponts avec Rabat.

La deuxième condition, pour faire de cette visite un succès pérenne, sera de reconnaître le Maroc pour ce qu’il est devenu: une authentique puissance régionale. Le royaume n’est plus simplement ce « bon élève » que la France et l’Europe félicitaient à l’occasion. Dans un Maghreb en crise, où la Tunisie s’enlise dans un autoritarisme latent et où l’Algérie reste figée dans un statu quo dépassé, le Maroc fait figure de seul partenaire stable et fiable. Ce statut doit être reconnu, non seulement par la France mais aussi à l’échelle internationale.

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Enfin, troisième condition, Emmanuel Macron devra arriver à Rabat avec des propositions concrètes et substantielles propres à donner sens et direction à cette alliance renouvelée. Il ne s’agit plus de dicter des conditions mais de traiter de puissance à puissance. Sur la question migratoire, par exemple, un accord profitable aux deux parties sera difficile à obtenir mais pas impossible à atteindre : la France rencontre des difficultés à expulser les migrants en situation irrégulière tandis que le Maroc souhaite plus de visas pour ses citoyens qualifiés. Laissez-passer consulaires (nécessaires à l’exécution des OQTF) contre visas accordés à des profils de jeunes diplômés utiles à l’économie française. La récente reconnaissance du plan marocain sur le Sahara occidental offre un terrain favorable pour ces négociations.

Des annonces majeures attendues

Autre dossier : dans le Sahel, où les menaces pour les deux pays se multiplient, la coopération antiterroriste entre Paris et Rabat, déjà solide, pourrait être intensifiée. Sur le plan industriel enfin, des annonces majeures sont attendues, notamment concernant Airbus, avec le renouvellement de la flotte de Royal Air Maroc (RAM) et l’achat d’hélicoptères de transport militaire H225M Caracal. Si la RAM choisit Airbus plutôt que Boeing, cela constituera un signal fort de son attachement au partenariat avec la France.

La visite d’Emmanuel Macron au Maroc représente une occasion unique de refonder la relation franco-marocaine. Mais pour réussir, il devra s’armer de pragmatisme et d’humilité. La France, fragilisée sur plusieurs fronts géopolitiques, a plus que jamais besoin de partenaires solides. Le Maroc pourrait bien être celui sur lequel Paris pourra compter pour consolider sa position en Méditerranée.

Les députés ne donnent plus le bon exemple!

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Le député LFI Louis Boyard, novembre 2022 © NICOLAS NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Le député d’extrême gauche Andy Kerbrat défraie la chronique. Il a été interpellé le 17 octobre par la police en train d’acheter à un mineur de la 3-MMC (drogue de synthèse), à Paris. Le monde politique se divise sur la question de l’exemplarité. Autre temps, autres mœurs ? Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et la droite nantaise appellent à une démission qui n’interviendra pas.


C’est une facilité que je m’octroie en évoquant « les députés » pour me faire mieux comprendre alors que je songe précisément au député LFI Andy Kerbrat qui a été interpellé en flagrant délit d’achat d’une drogue de synthèse dans le métro parisien. Il a fait état de « problèmes personnels » et a annoncé « un protocole de soins ».

Je relève que la drogue en question est celle dont avait usé Pierre Palmade et qu’apparemment elle n’est pas destinée à apaiser une difficulté d’être mais à amplifier et décupler dans le temps la puissance sexuelle.

Députés devenus ordinaires

Comme ceci a été souligné à l’Heure des pros le 22 octobre sur CNews, notamment par Gilles-William Goldnadel, la transgression de cet élu est d’autant plus répréhensible qu’il avait dénoncé dans le passé le trafic de drogue et alerté sur la multiplication des consommateurs. Contradiction en elle-même très choquante.

Ces éléments n’ont pas empêché le soutien, que je juge honteux (en particulier un tweet indécent de Sandrine Rousseau), de LFI à ce député.

Plus globalement, malgré un émoi conjoncturel vite dissipé, l’indignation n’est pas à la hauteur de ce qu’on aurait pu espérer en démocratie représentative. On a entendu qu’Andy Kerbrat n’était pas le premier député ou sénateur à être tombé dans une telle dérive, comme si cela constituait une excuse ou une justification. On se rappelle que le député Louis Boyard n’avait pas hésité, lui, à avouer dans l’émission de Cyril Hanouna qu’il avait payé ses études en se livrant au trafic de drogue. On a plaidé aussi que l’univers parlementaire avait perdu de sa qualité et de son intégrité et que nous n’avions plus des députés remarquables mais d’une certaine façon ordinaires ; et qu’au fond nous ne devions pas nous en étonner, nous citoyens.

Je ne parviens pas à m’habituer à cette sorte de résignation démocratique. En quelque sorte, dépassés par le pire, on finit par le tolérer, l’accepter, l’administrer. En matière judiciaire par exemple, il y a eu tellement de vols à l’étalage que les parquets ont décidé de ne poursuivre qu’à partir d’un certain montant. Comme nous ne pouvons plus estimer ni a fortiori admirer nos députés, on a réduit nos prétentions et on n’exige plus rien d’eux. L’exemplarité est une exigence qui n’a plus cours.

La décadence, dans les petites comme dans les grandes choses, nous menace ou, pire, nous accable : elle nous est devenue sombrement si familière que nous la percevons comme irrésistible. Ce qui est le début de la fin et d’une irrémédiable défaite.

Le député ne partira pas

Pourtant il n’y a pas d’autre solution pour entraver le délitement moral et républicain que de se dresser contre cet abandon, cette médiocrité qui fait que certains députés eux-mêmes ne sont pas gênés de tomber dans des délits, de n’être plus des modèles, de s’en féliciter même. Le citoyen a une responsabilité dans ce désastre démocratique s’il se contente, le temps volatil d’une information, d’en prendre acte et de considérer l’attitude d’un Andy Kerbrat comme une manifestation normale de cet adage « autre temps, autres mœurs », telle une inévitable plongée dans le pire.

D’autant plus qu’il y a un insupportable hiatus entre la prise de conscience de l’extrême danger social et civilisationnel du narcotrafic et des attitudes singulières d’élus, qui en effet, au moins indirectement, ont « du sang sur les mains ».

Dans un monde qui s’accepte imparfait et fuit la rectitude comme la peste puisqu’elle est tension, souffrance, dépassement de soi et volonté d’exemplarité, ce député ne démissionnera pas. On entendra cette antienne que ce sera à l’électeur de décider. Ce serait du citoyen que son sort devrait dépendre. Pourtant on l’oublie quand on se comporte mal.

Andy Kerbrat qui a perdu sa légitimité – l’élection n’est rien sans l’éthique qui doit s’accorder avec elle – ne jettera pas l’éponge. Le ministre de l’Intérieur lui a demandé « de tirer les conséquences de ses actes car un député a un devoir d’exemplarité ».

Le député trop soutenu demeurera évidemment là où il est.

La librairie Filigranes ou l’anatomie d’une chute

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© Shutterstock/SIPA

Si tout le monde veut croire qu’il est encore possible de trouver un repreneur, l’institution bruxelloise risque en réalité de fermer dans les prochains jours. Tout un symbole. En Belgique, au-delà d’une conjoncture économique défavorable au livre, notre correspondant déplore le grand remplacement de Victor Hugo par TikTok…


L’époque a souvent bon dos lorsqu’il s’agit de trouver des explications : c’est néanmoins elle, et son cortège de phénomènes allant de la baisse du niveau à la numérisation, qui fragilise nombre de librairies. Parmi celles-ci, Filigranes, institution nichée à deux pas du cœur historique de Bruxelles, est le lieu où tout le milieu du livre s’est pendant longtemps rué : auteurs à succès venus dédicacer leur dernier ouvrage, passionnés de lecture, badauds et stars du showbiz, y compris celles dont on doutait qu’elles eussent un jour ouvert un bouquin.

Longtemps la plus vaste librairie en Europe

Depuis quelques années néanmoins, les comptes n’ont cessé de plonger et il fallut réduire la voilure, en diminuant le personnel, les stocks et une surface commerciale qui fut la plus grande de plain-pied pour une librairie en Europe. La situation est aujourd’hui catastrophique et il reste trois semaines pour trouver un repreneur. C’est en amoureux du livre et client régulier, sans autre intérêt que ceux-là, que je soutiens donc l’appel lancé par Marc Filipson, son patron historique, pour sauver l’enseigne.  

On ne pourrait être naïfs pour autant. Tenir une librairie à l’heure où la consultation compulsive des réseaux sociaux a remplacé la lecture des classiques de la littérature, soit le grand remplacement de Victor Hugo par TikTok, relève de la gageure. Et quand les chroniqueurs de Cyril Hanouna donnent le la de la pensée, il devient moins évident d’acheter le pourtant passionnant dernier ouvrage de Peter Frankopan sur l’histoire du monde à l’aune des changements climatiques ou Nexus de Yuval Noah Harari sur l’histoire des réseaux humains d’information.

La fin de la grande librairie populaire

Aux confins des considérations touchant à nos habitudes de consommation et à la complexe économie du livre, d’autres questions affleurent quant à l’avenir des librairies indépendantes. Que faire quand l’exaspérant droit à la paresse, dont se prévaut une part grandissante de la population, incite à acheter sur Amazon plutôt qu’en rayon ? Comment lutter contre les conséquences de l’inflation et la baisse des marges à l’heure du prix unique du livre ? Est-il possible, à la façon de Bernard Pivot, de ressusciter une authentique émission culturelle et populaire, plutôt qu’élitiste et bien-pensante, afin de doper les ventes ?

A lire aussi: Quand le vote communautaire commence à se retourner contre les partis traditionnels à Bruxelles

Forcément, la fermeture des commerces durant le Covid et leur nécessaire adaptation a aggravé la situation ; le temps de se demander si le livre est un « bien de première nécessité », les dégâts furent presque irréversibles. Ajoutez-y le contexte bruxellois de l’insécurité, allant de la petite délinquance au terrorisme, et de la mobilité entravée par la folie des écologistes – rendant Filigranes plus difficilement accessible en voiture – et l’équation devient complexe.

De surcroît, le patron de la librairie bruxelloise fut accusé de harcèlement moral par une cinquantaine de collaborateurs. Lui-même ne balaie pas les soupçons portés sur son caractère exigeant, voire irascible, connu du tout-Bruxelles. Mais après tout, on pourra également cibler les quelques employés qui, ayant pour certains la dégaine de fêtards semblant tout droit sortis des boîtes de nuit de la capitale et pour d’autres tenant de façon audible des propos woke, n’auront pas contribué à restaurer le lien indéfectible entre un libraire et un lecteur. Il reste heureusement de vrais passionnés qui font vivre le livre, et rien que le livre, chez Filigranes.

Auteurs de droite blacklistés

Il est une cause finalement trop peu entendue : la qualité des ouvrages elle-même. Entrer dans une librairie, c’est aujourd’hui être confronté prioritairement à des romans présentant des carences en style ou des essais vantant toutes les lubies de l’époque. En revanche, il est plus difficile de trouver les auteurs à succès que l’on qualifiera pudiquement d’incorrects, phénomène accentué en Belgique où la gauche exerce une terreur morale et intellectuelle plus forte encore qu’en France. Je dus ainsi profiter d’un passage dans l’Hexagone pour trouver le dernier opus de Laurent Obertone ; chez Filigranes, aucune trace de Transmania de Dora Moutot et de Marguerite Stern non plus ; aucun de ces auteurs n’y a évidemment été invité pour une séance de dédicace.

Espérons une issue favorable pour la librairie bruxelloise et toutes celles qui sont en période de souffrance. Elles ne doivent pas ignorer que cela passera aussi par une refonte de leur modèle et une meilleure compréhension des attentes des lecteurs.

Non mais c’est quoi ce travail ?

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La députée Nadège Abomangoli présidant les débats à l'Assemblée nationale, 23 octobre 2024 © ISA HARSIN/SIPA

On sait depuis longtemps qu’il ne faut plus parler de «travail d’Arabe». Désormais, on veut proscrire l’expression «travail au noir». Le député Frédéric Maillot a en effet demandé à l’Assemblée nationale de ne plus utiliser la formule, qu’il estime négative. Le problème avec les racisé(e)s, c’est qu’ils croient que le monde est centré autour de leur petite personne et de leur couleur de peau!


L’élu de La Réunion Frédéric Maillot oublie que l’expression « travail au noir » est née au Moyen-Âge. À cette époque, la réglementation en vigueur interdisait le travail après la tombée de la nuit. Malgré tout, certaines personnes détournaient cette interdiction et faisaient travailler leurs employés à la lueur des bougies. Comme ils travaillaient alors qu’il faisait noir, de là nous vient l’expression «travailler au noir». Si l’expression est péjorative, ce n’est donc pas du tout en relation avec une quelconque couleur de peau, mais parce que cela s’apparente à du travail dissimulé.

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Quand la police des mots, ignorante de l’histoire du vocabulaire et de la richesse de la langue française, veut tout régenter, aura-t-on encore le droit d’utiliser nos expressions de la vie courante ?

« Un p’tit noir» ou «un p’tit blanc» ?

Aura-t-on encore le droit d’aller boire dès potron-minet «un p’tit noir» au zinc du bistrot au coin de la rue ? Remarquez, certains lui préféreront « un p’tit blanc », histoire d’être complètement noir même en plein jour. Ou alors un demi « bien blanc » ? Pourra-t-on encore choisir de prendre les blancs ? D’ailleurs, pourquoi sont-ce les blancs qui commencent ? Ces blancs, qui ne sont pas toujours des trous de mémoire, pourra-t-on encore les monter en neige à défaut d’être blanc comme neige ? Et à la nuit tombée, aura-t-on encore le droit de se faire du cinéma sur l’écran noir de nos nuits blanches ? Pourquoi l’écran serait noir et la nuit serait blanche ? Que donnerait une nuit noire sur un écran blanc ? Et ces lunettes noires qui cachent les yeux, n’est-ce pas suspect ? Ou serait-ce qu’elles cachent un œil au beurre noir ? Encore un coup des blousons noirs, qui n’ont pas apprécié leur sole au beurre blanc ? Ou ont-ils préféré une galette au blé noir à la crèpe au froment ? On peut continuer longtemps comme ça…

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Pourra-t-on demain toujours retirer ses points noirs ? Marcher dans la nuit noire ? Donner de l’argent à la caisse noire du syndicat, ou blanchir quelque argent ? Jeter un regard noir ? Lire une série noire pour chasser ses idées noires ? S’essayer à l’humour noir ? Et pourquoi les nuages chargés de pluie sont dits bien noirs quand il y a tant de nuances de gris ?

«Noir ou blanc de peau, on n’est que des os»

Il y a donc des députés de gauche payés des milliers d’euros qui pensent que le mot « noir » se réfère à la couleur de peau. N’est-ce pas là de l’appropriation verbale ? À force de vouloir tout passer au tamis de la racialisation, les auto-proclamés «racisés», avec leur lecture autocentrée, sont en train de diviser la communauté française, pourtant une et indivisible au regard de la Constitution… Fort heureusement, la nuit, tous les chats sont gris, paraît-il, cela nous évitera de broyer du noir en entendant autant d’inepties. On préférera réécouter Claude Nougaro en sirotant… un p’tit blanc bien frais :

La vie, quelle histoire?
C’est pas très marrant
Qu’on l’écrive blanc sur noir
Ou bien noir sur blanc
On voit surtout du rouge, du rouge
Sang, sang, sans trêve ni repos
Qu’on soit, ma foi
Noir ou blanc de peau
Armstrong, un jour, tôt ou tard
On n’est que des os
Est-ce que les tiens seront noirs?
Ce serait rigolo
Allez Louis, alléluia
Au-delà de nos oripeaux
Noir et blanc sont ressemblants
Comme deux gouttes d’eau.

La Révolution racialiste: et autres virus idéologiques

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Féfé: loin, si loin du gangsta rap

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DR.

Le célèbre rappeur de Seine-Saint-Denis vient de sortir un nouvel album, Hélicoptère, et effectue actuellement une grande tournée. Rencontre avec ce chanteur très attachant, agréablement éloigné du gangsta rap.


De son vrai nom Samuël Adebiyi, le rappeur, producteur et compositeur Féfé, né en 1976 à Clichy-la-Garenne, dans le 9-3, vient de sortir un album épatant intitulé Hélicoptère, et il est en tournée en France jusqu’à l’été prochain. Quand on lui demande de qualifier sa musique, il explique qu’en dehors du rap, il adore la chanson en général : « Je n’ai aucun problème à l’admettre ; j’ai eu l’occasion de découvrir de très belles chansons françaises », confie-t-il. « J’ai été élevé avec de la soul américaine, de la musique nigériane. J’essaie de mettre tout ça dans ma musique. » Il apprécie aussi le blues, le reggae et la pop : « Ces musiques représentent pour moi beaucoup de madeleines de Proust. Mon père était mélomane ; il possédait beaucoup de vinyles et était très éclectique dans ses goûts, il aimait jusqu’à la country ! Ces musiques représentent tout ça pour moi. C’est en quelque sorte l’héritage de mon père. »

Le gangsta rap, ce n’est pas mon délire !

Son dernier album, Hélicoptère, connaît un beau succès. Il explique qu’il l’a écrit pour sortir de la grave dépression qui le minait : « C’est dans ce contexte que sont nés les premiers textes. Beaucoup des chansons de ce disque ont été réalisées chez moi, à la maison. J’ai l’ai produit avec un ordinateur, ma guitare ; en home-studio en quelque sorte. On a rejoué et arrangé ces morceaux avec Bastien Dorémus, (Clara Luciani, Christine & The Queen), Lazy Flow (Meryl) et Felipe Saldivia (Idir, Orelsan) ; chacun d’eux a sa touche ; chacun a apporté sa touche à la musique que j’essaie de faire. » Pourquoi a-t-il choisi d’intituler son album Hélicoptère ? « À cause de la dépression, encore. L’hélicoptère permet de redécoller. Tout simplement. Dans le morceau éponyme, il y a cette phrase : « Si le game est une course, j’arrive en hélicoptère. » Le game ? C’est-à-dire le jeu du hip-hop, du rap ; c’est comme si je regardais le peloton de tous ces gens en train de se battre ; moi je suis dans mon hélico. Je regarde le paysage ; je suis dans une autre course en fait, en tout cas pas dans la même course que toutes ces personnes-là. »

Les raisons de cette dépression étaient à la fois conjoncturelles, familiales, affectives et professionnelles : « Tout cela à la fois ; tout ce que j’avais enfoui en moi notamment depuis l’enfance ; au bout d’un moment tout ça ressort. Oui, c’était à la fois affectif, familial, conjoncturel ; le Covid aussi. Cette dépression a produit beaucoup de dégâts sur moi. Elle a duré plusieurs mois. Lorsqu’on souffre de grave dépression, on souffre d’apathie ; on ne peut plus rien faire. On ne peut même pas se lever. Donc, juste le fait de pouvoir reprendre un stylo, même si l’objet est léger, c’est du lourd. (Rires.) »   

Féfé, c’est 25 ans de carrière. Des succès magnifiques et surtout une démarche singulière dans le monde du hip-hop puisqu’il a joué et/ou enregistré avec Orelsan, Tété, Matthieu Chédid ; il a également joué pour le trentième anniversaire de la mort de Daniel Balavoine. On le comprend, il se situe bien loin d’un certain gangsta rap… : « Je n’ai jamais été dans la mouvance gangsta rap. Je ne suis pas connu pour ça ; ça ne m’a jamais intéressé. J’ai vécu dans une cité ; je n’avais pas les moyens ; c’était compliqué. Il y a énormément de gens comme moi dans les cités, mais ce n’est pas ce qui intéresse le plus les médias. Ce n’est pas assez piquant. Je souffre beaucoup que cette majorité silencieuse ne soit pas assez représentée. Je tente de la représenter du mieux que je le peux. La plupart des gens qui vivent dans les cités, sont des personnes qui vont au travail, se débrouillent le mieux qu’elles le peuvent, dans la légalité. Or, on ne parle jamais de cette majorité-là. Dans ma jeunesse, j’ai vécu avec des dealers. Je n’étais pourtant pas un bandit mais je connais ces gens-là qui, parfois, se sont retrouvés là malgré eux car ils ont fait de mauvais choix. Il y a effectivement des types dégueulasses que je n’aime pas. D’autres sont des chics types qui ont fait de mauvais choix… En cela, j’aurais toujours une tendresse pour ces derniers, car, comme je le disais, j’ai vécu auprès d’eux dans les cités. Donc, ce n’est pas mon délire de promouvoir une vie que je n’ai pas eue. J’ai toujours milité pour que les gens qui vivent là s’élèvent. Je ne juge pas car je n’ai pas l’avis des gens qui racontent ça, le gangsta rap, mais ce n’est pas mon délire. »

L’abbé Pierre

Autre élément singulier de sa carrière : en 2014, il a joué lors de la première édition de l’Abbé Road, concert caritatif de la fondation Abbé-Pierre : « Je n’ai jamais rencontré le célèbre abbé », avoue-t-il. « Concernant la polémique actuelle, c’est compliqué. A l’école, j’ai eu l’occasion de lire l’écrivain Louis-Ferdinand Céline qui n’était pas le meilleur des types ! Il avait quelques casseroles, c’est le moins qu’on puisse dire. Si son œuvre est magnifique, lui ne l’était pas du tout. Il peut y avoir des types odieux qui font de belles œuvres. Cela ne veut pas dire que j’adoube l’abbé Pierre, ou R. Kelly, ou P. Diddy… mais il peut y avoir des types odieux qui font de belles créations ; il faut qu’on comprenne ça ; il est temps qu’on grandisse. Il n’y a pas d’anges sur terre ; il n’y a pas de démons sur terre. Il n’y a que des hommes. »

Plus logique, Akhenaton a participé à l’enregistrement de son album : « J’avais fait la première partie de IAM il y a une dizaine d’années. Pour moi, Akhenaton est un grand frère ; il était là avant moi. Quand j’étais jeune, il me faisait rêver ; il a toujours été très ouvert pour collaborer musicalement. Je l’ai contacté car le texte « Baladeur » correspond à son univers. Nous partageons bon nombre de valeurs. Il n’a jamais été dans le gangsta rap et, pourtant, je suis certain qu’il a connu des gangsters. »

C’est indéniable : Féfé figure une manière d’Ovni dans le milieu du rap français. Pas étonnant quand on l’interroge sur les auteurs qui l’ont influencé, il cite tout de go Gainsbourg, Marley et Dylan qu’il a découvert sur le tard. Un Ovni nourri devaleurs fraternelles et d’intégration. On est en droit de l’en féliciter.


Cycliste écrasé à Paris: et si c’était Anne Hidalgo, la vraie responsable ?

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Image d'illustration

Un 4×4 Mercedes ML d’un côté, un cycliste militant de l’autre, le deuxième finissant écrasé sous les roues du premier, après une altercation. En plein 8e arrondissement, boulevard Malesherbes, à deux pas de la Madeleine. Le chauffeur du 4×4 aurait roulé pendant plusieurs centaines de mètres sur la piste cyclable, provoquant la colère de Paul Varry, le cycliste, qui s’est rebellé d’un coup de poing sur le capot du chauffard. Désormais meurtrier présumé. On dit que les pompiers, qui n’ont pas pu réanimer le pauvre malheureux, ont été choqués par l’état de la victime, ses blessures. Le tronc coincé entre le vélo, la chaussée, et les pneus du gros 4×4, ses chances d’en réchapper étaient limitées. Et le chauffard, Ariel M. aux nombreux antécédents judiciaires, le savait certainement. Il plaide pourtant l’accident. Les juges comme le procureur n’ont pas retenu sa version des faits, et ordonné son incarcération en préventive pour meurtre. Voilà pour les faits. Manque cependant dans l’intégralité des articles et reportages qui ont relaté ce drame, pardon, ce fait divers, des éléments de contexte qui me semblent pourtant essentiels à sa bonne compréhension. Il se trouve que j’étais mardi 15 octobre, une fois de plus, une fois de trop, piégé dans les embarras de Paris. Après un rendez-vous boulevard des Capucines, je devais me rendre à l’Assemblée nationale. J’étais donc à moins de 200 mètres de l’endroit où s’est joué le drame. Banlieusard, je confesse ma très grande faute de privilégier encore le plus souvent la voiture pour sillonner Paris, et rentrer ensuite chez moi sans subir les aléas quotidiens des transports en commun, quand on n’y croise pas un forcené avec un couteau à la main. Qui sort plus vite de garde-à-vue et du commissariat que ses victimes, choquées à vie. Ce jour-là, le centre de Paris n’était plus qu’un immense embouteillage. Automobiliste depuis 35 ans, Parisien de toujours, je pense disposer des référentiels pour dire que nous avions crevé tous les plafonds. J’ai mis 1h45 pour aller du boulevard des Capucines jusqu’à l’Assemblée, en faisant un énorme détour, allant jusqu’à passer par… la place Beauvau et les Champs-Elysées pour enfin parvenir à traverser la Seine et aller à l’Assemblée. Sur l’écran de mon GPS, c’est bien simple, tout était rouge vif, avec en prime, de jolis panneaux « sens interdit », alertant des interdictions de circuler provisoires et de plus en plus permanentes. En arrivant à l’Assemblée, tentant de justifier mon retard, j’ai partagé avec le parlementaire qui me recevait et avait réorganisé son emploi du temps pour moi ce que j’avais vu. Jamais, de ma vie, je n’avais constaté de mes propres yeux autant d’infractions au Code de la Route ! C’est bien simple : ce mardi 15 octobre, je n’ai pas croisé un seul policier, sauf aux abords immédiats de Beauvau (ministère de l’Intérieur) et de l’Élysée. En revanche, j’ai vu des cyclistes (oui, je commence par eux), des trottinettistes, des piétons par centaines, faire strictement absolument tout et n’importe quoi sur la chaussée, à tous les carrefours, sans se préoccuper aucunement ni des marquages au sol, ni des feux de circulation, non plus bien entendu des sens de circulation, le tout au milieu de milliers de voitures, utilitaires, bus, pris au piège dans un embouteillage sans queue ni tête ! Entendons-nous bien : je ne pointe pas du doigt ici une quelconque responsabilité des piétons, cyclistes et autres chauffeurs de trottinettes. Je constate simplement que ce jour-là, dans le triangle formé par la Madeleine, l’Opéra, et Saint Augustin, point à partir duquel j’ai pu m’échapper et rouler relativement correctement, tout était parfaitement bloqué, figé, sans que rien n’y personne, du côté des autorités, ne tente d’y remédier ! Nous étions tous pris au piège, un piège sciemment tendu par Anne Hidalgo et ses nervis écologistes, déterminés à chasser pour de bon les voitures de Paris. Comment ? En fermant en catimini des voies de circulation, provoquant ces immenses bouchons censés dégouter les automobilistes, fussent-ils plombiers ou livreurs de sang, mais aussi les usagers des bus de la RATP, de circuler dans Paris. La veille, je découvrais ainsi que la place du Trocadéro était en partie interdite à la circulation, le rond-point étant transformé en U à double-sens. Bouchons à la clef. Ce dramatique mardi 15 octobre, moi, comme des milliers d’autres automobilistes, découvrions qu’il était impossible désormais de faire le tour de la place de la Madeleine en provenance de l’Opéra, par le boulevard des Capucines, obligés de se faufiler dans la rue de Sèze, à voie et à sens unique, pour tenter de rallier… le boulevard Malesherbes. Ou Paul Varry est mort écrasé par un 4×4 mardi 15 octobre. Le piège n’est signalé que par un petit panneau incompréhensible au bout du boulevard des Capucines, obligeant des dizaines d’automobilistes à faire demi-tour, non sans franchir allégrement une ligne blanche, pour repartir dans l’autre direction, et se faufiler dans la rue de Sèze totalement bloquée, provoquant un bouchon de plusieurs centaines de mètres dans le boulevard des Capucines, ou tenter de contourner en passant derrière l’Opéra. Mon choix. Une heure ½ pour en sortir, et parcourir 800 mètres. Pour sa défense, Ariel M. a expliqué qu’il emmenait sa fille de 17 ans chez l’ophtalmologiste. Que le rendez-vous était pris depuis des mois. Banlieusard, il voulait la déposer devant le cabinet médical. Quand on sait qu’il faut parfois deux ans d’attente pour voir un ophtalmo dans certains coins du pays… Il aurait mieux fait de prendre le RER. Mais peut-être que sa ligne était en travaux, ou en panne. Le lot quotidien des Franciliens. Ce jour-là, Ariel M. a tué un cycliste. « Involontairement » plaide son avocat. C’est un « récidiviste dangereux » dixit le procureur, qui a obtenu gain de cause et son placement en détention provisoire. Mais à la barre, ni Anne Hidalgo, ni David Belliard, son adjoint à la circulation, n’étaient cités à comparaître. Pourtant, en organisant la prise en otage des automobilistes dans Paris pour les en chasser, ils sont co-responsables des dizaines de milliers d’infractions au Code de la Route que les caméras de surveillance et les opérateurs qui les pilotent ont pu constater ce jour-là. Ce jour où Paul Vary est mort écrasé par un 4×4, que David Belliard veut désormais interdire, en réaction. Et si on interdisait plutôt les oukazes comme l’abaissement de la vitesse de circulation sur le Périph à 50 km/h, contre l’avis du ministre des Transports, contre le préfet de Police ? Contre Valérie Pécresse, présidente de Région ? Si l’on interdisait aussi les chantiers qui bloquent les voies de circulation pendant des mois sans un seul ouvrier pour y travailler ? Et les voies de circulation fermées en douce, les plans de circulation tellement absurdes que parfois, on se retrouve pris au piège, face à des carrefours où toutes les voies sont interdites (Le Parisien, 7 octobre 2024) ? Ce qui a tué Paul Varry le 15 octobre, c’est aussi l’idéologie, l’automobile bashing permanent, qui rend les automobilistes fous (Le Figaro, 10 octobre 2024), et en particulier Ariel M., un père de quatre enfants, qui a transformé son véhicule (4×4 ou pas), en arme, parce qu’il n’en pouvait plus d’être à l’arrêt depuis des heures alors qu’il emmenait sa fille chez l’ophtalmo. Seulement, il y a gros à parier que le jour de son procès, il sera seul sur le banc des accusés pour assumer les conséquences des faits gravissimes qui lui sont reprochés. Quand bien même le fait générateur initial est connu, et les responsables, parfaitement identifiés.

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Boniface: géopolitologue d’apparence?

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© BALTEL/SIPA

Le géopolitologue a suscité un tollé en traitant sur Twitter le maire de Saint-Ouen, Karim Bouamrane, de « muslim d’apparence ». S’il a depuis retiré ces propos, il a en revanche maintenu sa critique des médias français qui organiseraient selon lui une « grosse promo » pour les élus faisant silence sur Netanyahou.


« Muslim d’apparence » est le nouvel « arabe de service ». C’est en tout cas comme cela qu’a été compris, dans le microcosme politique, l’expression que Pascal Boniface, fondateur de l’IRIS, a employée pour qualifier le maire de Saint-Ouen (93), Karim Bouamrane.

Cette insulte, énoncée tranquillement sur Twitter par un ancien du PS, montre à quel point l’idéologie dite racialiste réveille et révèle le racisme le plus crasse à gauche. Ainsi, selon Pascal Boniface, les musulmans pensent tous pareil et un musulman qui aurait une pensée personnelle, originale, serait traître à son identité. Le problème, c’est que traiter quelqu’un de « muslim d’apparence » en dit beaucoup plus sur celui qui insulte que sur celui qui est visé.

Parce que, que signifie ce terme ? Que lorsqu’on ressemble à un arabe, on est forcément musulman, donc que l’on hérite d’une identité communautaire à laquelle on doit se conformer ? Sous peine de quoi ? D’être traître à sa race, à sa famille, à sa tribu ? Et d’ailleurs, quel est le comportement que devrait adopter un musulman pour ne pas être un « muslim d’apparence » ? Comment donc doit-il se réislamiser ? Et dans quel but ? Pour répondre à une partie de ces questions, il faut regarder précisément ce qui a valu à Karim Bouamrane une telle volée de bois vert. C’est là que l’histoire prend toute sa dimension.

Rétropédalage raté

En effet, le problème, avec l’inconscient, c’est que lorsqu’il s’exprime et vous fait dire une énorme bêtise, si vous la pensez profondément, il y a des chances qu’en essayant de vous désembourber, vous vous enfonciez encore plus. C’est justement ce qui est arrivé à Pascal Boniface. L’expression « muslim d’apparence » a déclenché un tollé, sa dimension raciste et méprisante ne pouvant être ignorée. L’homme a donc tenté un rétropédalage en direct. Mais quand on se prend les pieds dans le tapis, mieux vaut ne pas tenter le rétablissement en s’agrippant à la nappe. Sauf si on n’aime pas le plat du jour.

C’est ainsi que Pascal Boniface a voulu s’excuser, reconnaissant une maladresse dans l’usage de l’expression « muslim d’apparence ». On apprend au passage qu’une insulte à connotation raciste a été rétrogradée au rang d’indélicatesse. On a connu M. Boniface plus sourcilleux ! Mais, on ne sait pas encore si la jurisprudence fonctionnera demain si la personne « maladroite » est de droite… Le tweet a donc été retiré, mais l’homme a trop d’ego pour admettre véritablement son erreur, alors il faut un dernier baroud d’honneur. Il termine donc ses fausses excuses en renfonçant le clou. Pourquoi selon lui Karim Bouamrane est un « muslim d’apparence » ? Parce qu’il n’est pas assez critique à l’égard d’Israël et ne place pas de fausses accusations de génocide et d’apartheid contre l’État hébreu dès qu’il en a l’occasion. Le chercheur miserait-il sur une détestation culturelle des juifs et d’Israël, détestation qui ferait partie d’une identité musulmane ? On n’ose le penser, mais la piste pourrait-être la bonne.

Un sacré historique

D’autant que l’homme a rompu avec le PS avec pertes et fracas au début des années 2000. En cause ? Son positionnement à l’égard d’Israël et des juifs, déjà. Dans une note datée de 2001, il se positionnait sur le registre de l’efficacité électorale pour enjoindre les socialistes à quitter des positions jugées trop favorables à Israël alors que l’électorat à cibler serait plutôt, au vu du nombre, l’électorat musulman. C’était cynique, froid et arithmétiquement exact. Pourtant, aimer nager « dans les eaux glacées du calcul égoïste », c’est censé être de droite ça aussi… Visiblement, à gauche, on pratique fort bien la natation aussi. Mais ce qui est intéressant, c’était déjà l’argumentation de l’époque de M. Boniface: « Peut-on diaboliser Haider, et traiter normalement Sharon ? », écrivait-il. À l’époque, M. Haider était le dirigeant de l’extrême-droite autrichienne et ses sympathies pour le nazisme n’étaient pas ignorées. Un chercheur, censé donc avoir du recul sur ces questions, mettait sur le même plan le leader israélien et un Autrichien connu pour ses ambiguïtés envers le national-socialisme.

Une position que diffusent aujourd’hui les éléments de langage de LFI ou des islamistes, prompts à traiter de nazis les juifs, pour leur contester la création de l’État d’Israël. Pascal Boniface, de son côté, proposait même, dans le journal suisse Le Temps en 2002, d’inscrire Israël dans la liste des pays de « l’axe du Mal ». Le ton était alors ironique, mais visiblement l’obsession déjà là. Et 22 ans après, elle est toujours là. Au point que pour n’être pas assez agressif envers Israël, le maire de Saint-Ouen est accusé par Pascal Boniface d’être un mauvais musulman. Le fondateur de l’IRIS donne ainsi raison en creux à tous ceux qui notent que la recrudescence des actes et des paroles antisémites n’est pas liée à l’extrême-droite, mais à l’expression décomplexée d’un antisémitisme culturel arabo-musulman. Visiblement, il déplore même qu’il ne s’exprime pas plus.