Le député d’extrême gauche de Haute-Garonne a qualifié le ministre de l’Intérieur et certains journalistes de « petites frappes fascistes ». Son message visait à soutenir Marie Mesmeur, sa consœur d’Ille-et-Vilaine qui avait elle-même minimisé les incidents survenus aux Pays-Bas lors du match de football entre l’Ajax d’Amsterdam et le Maccabi Tel-Aviv. Au-delà du caractère outrancier de la saillie, la déclaration étonne surtout par sa paresse intellectuelle ou politique. M. Retailleau ayant signalé le tweet à la justice, il pourrait avoir à en répondre devant un tribunal. Analyse.
Il me prend assez souvent l’envie d’analyser, de disséquer des inepties politiques et médiatiques. Selon moi, évidemment, et mes convictions. Et ma conception du langage. Parce que cette habitude me permet de me replonger, toutes proportions gardées, dans l’exercice du commentaire de texte, que je prisais particulièrement durant mes études de lettres supérieures. C’est le député LFI Hadrien Clouet qui s’est fait remarquer par ce tweet inepte : « Le ministre de l’Intérieur et ses journalistes de préfecture sont de petites frappes fascistes ». Bruno Retailleau qui ne laisse plus rien passer dès lors qu’une qualification pénale est possible, a évidemment signalé ce tweet à la justice.
Saillie infecte
Pour qui le lit et est de bonne foi, pourvu en même temps d’une culture historique élémentaire, le premier sentiment qu’il inspire est l’indignation même s’il faut économiser cette dernière en ces temps où on n’a que trop d’opportunités pour l’éprouver.
Mais il faut aller au-delà et se demander comment une telle absurdité a pu germer dans la tête d’un député dont les citoyens qui l’ont honoré par son élection attendaient sans doute autre chose que cette saillie infecte.
Je devine le genre d’argumentation qui pourrait être développé par ses soutiens et par lui-même. On est dans un combat politique et celui-ci justifie tout… Bien sûr que non. L’esprit partisan devient une honte quand il va jusqu’à de telles extrémités. On a le droit de ne pas aimer l’action de Bruno Retailleau mais le devoir d’exprimer autrement son opposition. On est sur un réseau social où insultes et grossièretés remplacent réflexion et courtoisie. Ce n’est pas une raison pour participer à ce délitement et, comme député, ne pas donner l’exemple.
Les outrances de LFI sont quotidiennes
Le groupe LFI s’est fait une spécialité de ces violences par tous moyens. Ce qui compte est de faire parler de soi. Mais je ne crois pas qu’on puisse excuser les insanités de quelques-uns parce que tous les profèrent – ou seraient capables de le faire. Ce n’est pas exact et pour ma part je refuserai toujours de mêler tous les députés LFI dans le même opprobre. Hadrien Clouet, tweetant ainsi, imite les pires de ses collègues. Mais il en est d’autres dont le comportement plus retenu, au moins dans la forme, aurait dû l’inspirer.
Ces justifications périphériques écartées, cherchons en et chez Hadrien Clouet lui-même les motifs allégués de ce tweet bête et odieux.
Questionné par Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio, il a affirmé que Bruno Retailleau, en ayant dénoncé « les Français de papier », nous avait renvoyé aux années 30 en même temps que son mépris de l’État de droit, selon lui, était scandaleux. Lamentables arguties qui n’atténuent en rien la portée de son tweet infâme! Je ne peux pas croire que, dans son for intérieur, il n’ait pas perçu la sottise de « ses journalistes » et le délire à la fois historique et gravement offensant de « petites frappes fascistes ». S’il n’en était pas conscient, ce serait inquiétant. À partir de quel élément ce député a-t-il osé qualifier de « petites frappes » Bruno Retailleau et ces journalistes ? « Petites frappes » signifiant « délinquant ordinaire, occasionnel (…) jeune voyou, pas trop dangereux », il n’y a rigoureusement aucun lien entre cette disqualification et les personnes ciblées. Convient-il d’admettre que ce député se laisse dériver et que sa jouissance serait d’insulter de la manière la plus aberrante qui soit ? On peut le craindre quand pour faire bonne mesure, il ajoute « fascistes » à petites frappes !
Un propos paresseux
Avec cet adjectif tout est dit, il se substitue paresseusement à une contradiction républicaine : le ministre et les journalistes sont à la fois des délinquants et des partisans du fascisme. L’injure suprême est lancée et Hadrien Clouet n’a plus qu’à constater le résultat de sa totale inculture historique : il a fait le « buzz » et, plus gravement, employé un terme qui à force d’être galvaudé, atténue l’horreur du passé et n’éclaire pas le présent.
Je répugne à m’abandonner à une explication ultime qui s’accorderait avec mon pessimisme sur la nature humaine : Hadrien Clouet ne serait-il pas, en l’occurrence, tout simplement « mauvais », par cette dilection qui nous pousse parfois à franchir voluptueusement les limites de son propre humanisme ?
Ce tweet, en tout cas, est une honte à plus d’un titre. Si j’ai pris la peine de lui consacrer un billet, c’est pour prévenir cette attitude qui consiste à se flatter des insanités qu’on prononce et, dans leur dénonciation, à les noyer dans une sorte de vague réprobation au lieu de s’attacher aux détails de leur ignominie. J’espère que la Justice fera de ce tweet à la fois bête et abject une analyse pertinente.
Même si de nombreuses études ont tenté de démontrer le contraire, il est vain de faire appel à l’immigration pour pallier au déficit des retraites dans les pays développés. Une analyse d’André-Victor Robert, auteur de La France au bord de l’abîme – les chiffres officiels et les comparaisons internationales (éd. L’Artilleur, 2024)
En dépit de ses effets délétères sur la cohésion nationale, l’immigration est présentée par certains comme un mal nécessaire, pour rééquilibrer la pyramide des âges de la population et ainsi assurer le financement des régimes de retraite.
La possibilité de réguler ou de redresser la structure par âge d’une population a été étudiée en détail, de manière mathématique, par Didier Blanchet, un éminent démographe de l’Ined, en 1988[1]. Dès l’introduction à son article, l’auteur indique que – sauf à envisager un flux d’immigration extrêmement élevé – les effets attendus seront au mieux du second ordre : « Un afflux de migrants dans les tranches d’âges actives à un instant donné peut certes résoudre temporairement un problème de déséquilibre entre population active et retraitée, mais lorsque ces migrants arrivent à l’âge de la retraite, le problème se pose à nouveau et risque de se reposer de façon aggravée. Le but de cet article est de montrer qu’il en est effectivement ainsi, que ce type de politique conduit en effet, de façon générale, à des cycles de flux migratoires de forte amplitude. » L’auteur montre même que pour des valeurs assez plausibles des paramètres de son modèle, un flux toujours plus important d’immigrés, qui tend vers l’infini, est nécessaire pour obtenir le résultat d’une structure par âge stable : cela s’apparente à vouloir remplir le tonneau des Danaïdes.
Preuves par l’absurde
Une autre méthode, pour étudier la possibilité de recourir à l’immigration pour contrer la tendance spontanée au vieillissement de la population d’un pays, consiste à projeter les évolutions futures de la population de ce pays, sous des hypothèses raisonnables de fécondité et de mortalité, et à calculer le nombre d’entrées de migrants – avec une répartition par âge des immigrants au moment de leur entrée supposée stable dans la durée – qui serait nécessaire pour stabiliser la structure par âge du pays. Les Nations Unies se sont livrées à un exercice de projections démographiques de ce style en 2000. Pour la France, le flux migratoire alors estimé nécessaire pour stabiliser le rapport entre la population d’âge actif et la population de plus de 65 ans était de 1,3 million de personnes (!) chaque année de 2010 à 2025 puis 2,4 millions de 2025 à 2050, ce qui est évidemment irréaliste (Michèle Tribalat, 2010). Accessoirement, ce scénario conduirait à un triplement de la population totale de la France d’ici 2050 ! Des flux migratoires encore plus importants seraient nécessaires dans les pays à fécondité faible comme l’Italie ou l’Allemagne. Le cas extrême était celui de la Corée du sud, pays à fécondité extrêmement faible (0,72 enfant par femme en 2023), qui ne réussirait à stabiliser ce ratio qu’en important sur l’ensemble de la période de projection l’équivalent de la population mondiale ! Ajoutons qu’il ne suffit pas de maintenir constant le rapport entre la population des 15-64 ans et celle des plus de 65 ans pour assurer l’équilibre des régimes de retraite : dans cette perspective, le taux d’emploi, c’est-à-dire la part de la population qui est en emploi, au sein des 15-64 ans, est tout aussi important. Or, en France, au sein de la population immigrée d’âge actif, le taux d’emploi des femmes est traditionnellement très faible, et le taux d’emploi des hommes est significativement en deçà du taux d’emploi des hommes autochtones.
Les projections des Nations Unies constituent donc une « preuve par l’absurde » de l’intuition exposée et développée mathématiquement par Blanchet (1988). Il est cocasse (ou triste) que certains responsables politiques (cela a été le cas – entre autres – de François Bayrou et de Jean-Paul Delevoye) aient retenu une lecture au premier degré des projections de l’ONU et en aient tiré argument pour prôner un recours accru à l’immigration, puisque ces projections montrent précisément en quoi la démarche est vaine.
Xavier Chojnicki et Lionel Ragot ont tenté en 2012 de chiffrer l’impact sur le déficit des retraites de volumes d’immigration plus raisonnables. L’impact en est évidemment modeste, légèrement positif en l’occurrence, mais de manière transitoire, et instable à long terme, à l’horizon du départ en retraite des immigrés – ce qui là aussi est cohérent avec les travaux séminaux de Blanchet sur la question[2].
On peut aussi s’intéresser plus largement à l’impact des immigrés sur nos finances publiques, avec une approche comptable de la question, c’est-à-dire en tentant d’identifier ce que coûtent les immigrés et ce qu’ils rapportent. De nombreux travaux de chiffrage ont été menés sur cette question, sans jamais aboutir à un résultat solide, comme nous allons le voir, car le nombre d’hypothèses à émettre pour mener l’exercice est élevé et certaines de ces hypothèses ont un impact considérable sur les résultats. On peut ainsi arriver à peu près à n’importe quel résultat, fortement positif ou fortement négatif (entre -100 et +100 Md€ par an pour la France), en sélectionnant ses hypothèses de manière astucieuse.
Tout d’abord, quelles recettes / dépenses intégrer au calcul ? La prise en compte de l’impôt sur le revenu, des prestations sociales, des retraites et des dépenses d’éducation va de soi, toutes les études que nous avons pu consulter en tiennent compte, de manière plus ou moins précise. Mais faut-il aller au-delà et prendre en compte des dépenses telles que les effectifs de police et de justice nécessaires pour juguler ou traiter le surcroît de criminalité des immigrés, ou encore les subventions au logement social versées aux immigrés sous la forme de loyers inférieurs à ceux du marché locatif privé ? On rappelle que, au vu des statistiques régulièrement diffusées par les ministères de l’Intérieur et de la Justice, le pourcentage de personnes mises en cause dans des affaires délictuelles ou criminelles, ainsi que le pourcentage de personnes incarcérées, sont environ trois fois plus élevés pour les personnes de nationalité étrangère que pour celles de nationalité française (dont une partie est immigrée!). On rappelle aussi que la moitié des ménages d’origine maghrébine sont logés dans le parc social, alors que c’est le cas de « seulement » 15 % des ménages autochtones. Pourtant certaines études les excluent de leur champ d’investigation.
Certaines dépenses, comme la défense nationale ou les chaînes audiovisuelles de service public, ont le caractère de « bien public pur » au sens où leur montant dépend relativement peu du niveau de la population. Pour de telles dépenses, on peut soit en affecter la même quote-part à tout individu, qu’il soit autochtone ou immigré, soit les répartir entre les seuls autochtones au motif que les immigrés, quel que soit leur nombre, en bénéficient sans devoir faire subir un surcoût à la collectivité. Néanmoins, dans un pays comme la France où la majeure partie des immigrés qui arrivent – en dehors de ceux qui transitent vers d’autres pays – le font avec l’intention de s’établir durablement en France, et dont les enfants sont appelés à bénéficier de la nationalité française en vertu du droit du sol, est-il encore justifié de ne pas leur imputer une partie des dépenses relatives à la défense ?
Enfin et surtout, le calcul peut être réalisé sur une année donnée, ou sur une période de temps sensiblement plus longue, pouvant atteindre 50 ou 100 ans. Lorsque l’on raisonne à un instant donné, et si à ce moment-là le nombre d’immigrés est en croissance et que les migrants sont majoritairement d’âge actif (ce qui est le cas pour la France à présent), on néglige dans les calculs le fait qu’il faudra plus tard payer des retraites à ceux d’entre eux qui travaillent. Si l’on raisonne sur une période de long terme, il faut retenir un taux d’actualisation pour comparer les flux de recettes et de dépenses aujourd’hui et ceux à une date future, et le choix du taux d’actualisation (en général : le taux d’intérêt, mais lequel ?) a un impact considérable sur les résultats.
L’immigration : chaudement recommandée par l’OCDE
Les études qui tendent à faire apparaître un bénéfice comptable de l’immigration sont en général celles qui retiennent un périmètre relativement restreint de recettes et dépenses, et qui raisonnent sur un horizon de court terme plutôt qu’un horizon de long terme. Ainsi, l’étude de l’OCDE de 2021, largement commentée – mais de manière biaisée – dans les médias mainstream à l’occasion de sa sortie, qui raisonne uniquement en instantané, dégage-t-elle pour la France un solde très légèrement positif (+0,25 % du PIB) lorsque les biens publics ne sont pas pris en compte dans les calculs, mais sensiblement plus négatif (-0,85 % du PIB) lorsque ceux-ci sont pris en compte. Encore convient-il de signaler que l’étude de l’OCDE, par exemple, n’intègre : ni la sur-criminalité des immigrés, ni les subventions dont bénéficient ceux d’entre eux (nombreux) qui résident dans le logement social sous forme de loyers inférieurs à ceux du marché, ni les surcoûts en matière d’éducation que la France subit à devoir scolariser dans un dispositif spécifique les élèves immigrés allophones (dispositif qui concerne pas moins de 70 000 élèves d’origine étrangère), ni les aides sociales locales dont le décompte est – il est vrai – difficile !
Par ailleurs, les études de sensibilité aux paramètres présentent l’intérêt de montrer que le solde recettes / dépenses pour la collectivité induit par la présence des immigrés dépend fortement (en instantané mais aussi à long terme) de leur niveau de qualification, ce qui est assez intuitif puisque ceux d’entre eux qui sont très qualifiés sont moins exposés au chômage et perçoivent des salaires plus élevés que ceux qui sont peu qualifiés : les premiers paient donc en règle générale davantage d’impôts et sont moins susceptibles de dépendre des aides sociales que les seconds. L’immigration de main d’œuvre est aussi a priori plus bénéfique du point de vue des finances publiques que l’immigration de regroupement familial, car dans le second cas la France doit supporter les dépenses d’éducation des enfants du foyer. En outre, si le conjoint est inactif, la famille est davantage exposée au risque de dépendre des aides sociales versées sous conditions de ressources. Or, la France, depuis soixante ans, n’est pas très regardante sur le niveau de qualification de ses immigrés, et son immigration est très majoritairement une immigration familiale plutôt qu’une immigration de main d’œuvre, de sorte qu’on peut penser que notre pays n’a pas retenu les options migratoires les plus à même de contribuer le plus positivement – ou le moins négativement – au solde des finances publiques.
En outre, le système de protection sociale français est relativement généreux en comparaison de celui d’autres pays européens, le risque existe en conséquence que les migrants peu employables et / ou peu désireux de contribuer à l’effort productif se dirigent préférentiellement vers la France plutôt que vers d’autres pays moins généreux. L’économiste américain George Borjas (1999) a mis en évidence l’existence d’un tel phénomène d’« anti-sélection » en matière migratoire dans le cas des états-Unis (entre Etats et comtés), il y a peu de chances qu’un tel effet n’existe pas aussi entre pays européens.
Pessoa-Since I’ve been me, mise en scène par Robert Wilson au Théâtre de la Ville, est une production aussi esthétique qu’aimablement inutile…
Ce n’est pas Robert Wilson qui est allé à Fernando Pessoa. C’est Pessoa qui est allé à Wilson ! Et sans doute à l’instigation d’Emmanuel Demarcy-Mota, Portugais par sa mère, directeur du Théâtre de la Ville et du Festival d’Automne, et coproducteur de ce spectacle intitulé Pessoa-Since I’ve been me. Mais comment Wilson, entouré, servi par ses lieutenants, a-t-il répondu à cette proposition aussi séduisante que périlleuse ? En usant de son savoir-faire, de la magnificence de ses lumières, de la beauté de sa scénographie, de l’éclat de ses couleurs, en peaufinant des images impeccables. Bref, en déployant la panoplie d’une esthétique généralement irréprochable appliquée à tous les genres qu’il aborde, que ce soit de l’opéra ou du théâtre, avec la ferme constance d’une maison de luxe qui tient à sa réputation et à la bonne tenue de ses produits manufacturés.
Qu’a-t-on appris cependant sur Pessoa avec ce spectacle ? Rien ou pas grand-chose. Et ce n’est pas en lançant à la volée de multiples citations puisées dans les textes du poète et de ses doubles, ses « hétéronymes », et répétées à l’envi par les interprètes en portugais, en français, en anglais ou même en italien, qu’on en dit long sur le personnage ou sur l’auteur.
Le premier tableau avec ses six levers de soleil successifs est assurément très beau. Et les six acteurs, danseurs ou chanteurs (Aline Belibi, Rodrigo Ferreira, Klaus Martini, Sofia Menci, Gianfranco Poddighe, Janaïna Suaudeau) incarnant sous les traits de Groucho Marx, d’une hétaïre de film d’avant-guerre ou d’un facétieux pantin les divers « moi » de l’écrivain, apparaissent dans la foulée comme dans une parade de foire ou sur une scène de Broadway. Ils entourent avec une folle énergie la frêle Maria de Medeiros grimée en Pessoa lui-même… dans un travestissement qui fait tout de même un peu fête de patronage.
Et quoi ? Que reste-t-il de ce spectacle qui parvient à n’être qu’un aimable divertissement balançant entre la comédie musicale et la parade de cirque ? Rien ou presque. C’est le type-même de production parfaitement inutile, au fond illisible, ne faisant rien que de fournir du travail à des artistes de qualité et à faire quelque effet sur le programme de la saison d’un théâtre, avec les noms d’un poète aujourd’hui légendaire et de ce Bob Wilson qui révolutionna le monde théâtral au siècle dernier et tente aujourd’hui de survivre à sa gloire d’hier.
Nous recevrons demain l’équipe d’Israël au Stade de France. Un important dispositif de sécurité sera déployé. Nos voisins belges, eux, ont renoncé à organiser pareille rencontre sur leur sol.
Tandis que la France s’apprête à affronter Israël, ce jeudi au Stade de France, en espérant que l’on retienne uniquement le volet sportif de la confrontation, une rencontre récente entre la Belgique et Israël avait dû être délocalisée en… Hongrie.
Soumission
Dans le cadre de la Ligue des Nations, compétition par ailleurs hautement inutile et obéissant aux impératifs du foot business, la Belgique évoluait donc à domicile, le 6 septembre dernier, au Nagyerdei Stadion de Debrecen, à 200 kilomètres à l’est de Budapest. Les autorités belges s’étaient alors montrées incapables d’assurer la sécurité de la délégation israélienne. Comment s’en étonner dans un pays où un parti islamiste progresse (jusqu’à 10% des voix à Bruxelles), où les communistes entrent dans les majorités communales et où les manifestations de soutien à la Palestine sont le théâtre de slogans antisémites ?
Le délitement de la Belgique et de sa capitale, en même temps que sa soumission à l’islamisme, apparaissait au grand jour, mais ce qui aurait dû provoquer un scandale national fut effacé par l’indifférence générale, comme si le pays était déjà habitué à ne plus être chez lui sur son propre sol. Tel un symbole, la rencontre eut lieu dans la Hongrie de Viktor Orbán, honni par les responsables politiques qui ont permis l’islamisation de la capitale belge. Les événements donnent pourtant, chaque jour, raison au Premier ministre magyar et tort aux édiles bruxellois.
Si les partis, organisations et autres groupuscules de gauche et de son extrême se sont réjouis, pour des raisons que l’on devine, de l’annulation du match en terres bruxelloises, la Belgique avait créé un dangereux précédent. Deux mois plus tard, un peu plus au nord, à Amsterdam, les supporters du Maccabi Tel-Aviv furent lynchés au cours d’une « chasse aux juifs » dont tout indique qu’elle fut préméditée. Il s’est pourtant trouvé des personnes pour « justifier », « remettre dans le contexte » voire « soutenir » les auteurs des ratonnades, comme si, finalement, les victimes l’avaient bien cherché. Nous ne sommes pas des habitués de la reductio ad hitlerum, mais l’air du temps rappelle de plus en plus l’air pestilentiel de l’Allemagne de la fin des années 1930.
Les Diables rouges et les Bleus ne prennent pas position
Le sport est désormais un contexte comme un autre pour s’attaquer aux juifs dans une haine que peine à camoufler la double pirouette verbale que sont l’antisionisme et l’appel à la paix – rhétorique utilisée par les supporters du néo-PSG, c’est-à-dire qatari, pour justifier leur tifo représentant un combattant palestinien et une carte du Proche-Orient sans Israël. En remontant dans le temps, on se souvient, de façon plus dramatique encore, que onze athlètes israéliens furent assassinés lors d’une prise d’otage en plein cours des Jeux olympiques de 1972 à Munich. On n’a pas le souvenir qu’un Diable rouge – surnom donné aux joueurs de l’équipe nationale belge de football – ait eu, il y a deux mois, un mot de solidarité pour ses confrères israéliens. À ce stade, aucun Français n’a exprimé de soutien envers ses homologues qui sont avant tout des sportifs et que l’on devine perturbés par le contexte. Mais les Bleus d’ordinaire fort diserts avaient probablement mieux à faire: trouver une tenue excentrique pour leur arrivée au centre d’entraînement de Clairefontaine.
Créer de nouveaux pays où l’administration sera entièrement gérée par l’intelligence artificielle, c’est le grand projet de l’entrepreneur Balaji Srinivasan. Vivement demain ?
Alors que le libéralisme peut être défini comme le projet de limiter l’emprise des pouvoirs publics sur la vie des citoyens, le rêve des libertariens, lui, consiste à carrément se passer d’État. Pour ce faire, certains milliardaires de la Silicon Valley ambitionnent sérieusement de créer des « cyber-pays ».
Le principe : racheter de vastes territoires et y établir des républiques autonomes dont les lois seraient entièrement privées et l’administration gérée par intelligence artificielle. Quant aux demandes de naturalisation, elles se feraient en quelques clics et moyennant finances, aussi simplement qu’on s’abonne à Netflix. Fantasme de geek ? Pas si sûr. L’entrepreneur américain Balaji Srinivasan, star mondiale des cryptotechnologies, que ses fans appellent tout simplement « Balaji », vient d’ouvrir en Malaisie The Network School, une école censée former les futurs dirigeants des cyber-pays. Qu’on se rassure : d’après la BBC, il est demandé aux étudiants de souscrire aux valeurs occidentales… Les cours sont dispensés à Forest City, une ville nouvelle située au bord du détroit de Johor, à seulement trois kilomètres des côtes de Singapour. La première promotion de l’école compte 150 élèves. « On a créé de nouvelles communautés comme Facebook, de nouvelles monnaies comme le bitcoin ; on peut donc créer de nouveaux pays », s’est enthousiasmé Balaji lors de la conférence de lancement de l’école à Amsterdam. Reste toutefois une question : où est-il possible de créer un cyber-pays ? Pour certains, Donald Trump a peut-être donné la réponse. Le 14 septembre, lors d’un meeting à Las Vegas, le candidat républicain à la Maison-Blanche a promis que, s’il était élu, il libérerait des terres fédérales au Nevada afin d’y « créer de nouvelles zones spéciales avec des impôts et une réglementation ultra-faibles ».
Ce plan, a-t-il déclaré, s’inscrit dans la tradition de « l’esprit pionnier et du rêve américain ». Les mauvaises langues parleront plutôt d’une autre tradition yankee : les républiques bananières.
Le Front national, bastion anti-écologique ? Maître de conférences en science politique à l’université de Perpignan, Jean Jacob tord le cou à cette fake news institutionnelle.
Le 25 juin dernier, dans un entretien accordé au site universitaire en ligne The Conversation, l’historien Stéphane François faisait une assertion pour le moins curieuse : « le Front national (FN), sous la présidence de Jean-Marie Le Pen, n’a jamais eu d’intérêt marqué pour l’écologie ». Déjà dans Le Monde, le 25 mars 2021, il affirmait : « Jean-Marie Le Pen ne s’y est jamais intéressé et considérait l’écologie comme une préoccupation de “bobo” ». Toujours dans Le Monde d’ailleurs, l’essayiste Pierre Madelin abondait dans le même sens en prétendant, le 6 juin 2023, que Jean-Marie Le Pen avait été « généralement hostile à la protection de l’environnement (…) ».
Une enquête et une lecture sérieuses des textes publiés par le parti à la flamme et son leader auraient pourtant évité la propagation de ces fausses informations. Jean-Marie Le Pen a souvent emprunté une démarche proche de l’écologie – une science centrée sur les relations réciproques entre un ou des êtres vivants et leur environnement – pour conforter ses propres convictions politiques. Souvent de façon subliminale – l’intérêt du FN pour le monde animal n’étant pas innocent, des leçons souvent rudes transpirant de son observation… – et parfois de façon explicite.
Ordre naturel
La parution en 1984 de l’ouvrage Les Français d’abord, signé par Jean-Marie Le Pen aux éditions Carrère-Michel Lafon l’illustre. Pour légitimer sa vision du monde, le fondateur du FN y rappelait que la droite s’est de longue date montrée attentive à « l’ordre naturel » (p. 71). Pour Jean-Marie Le Pen, celui-ci est rude, car les hommes et les peuples sont, écrit-il, « soumis à la dure loi pour la vie et l’espace » (p. 75). Partout, l’homme doit travailler une nature qui n’est pas toujours bienveillante. L’Europe y aurait, sur ce point, excellé, mais jusqu’à verser dans une forme de scientisme et de vanité (p. 159), lui faisant oublier Dieu.
Pour Jean-Marie Le Pen, il faudrait davantage veiller à pérenniser désormais les équilibres subtils dégagés au fil du temps, qui ont abouti à différentes modalités de vivre-ensemble. « Toute la civilisation a consisté à affiner, à améliorer, à sauver la diversité du monde vivant » (p. 185), et non pas à trop se mélanger. C’est que Jean-Marie Le Pen restait convaincu de l’existence de races, ethnies et cultures différentes (p. 167). Il faut donc selon lui veiller à ne pas subir une « submersion » migratoire (p. 99). Contre le jacobinisme, Jean-Marie Le Pen valorise le régionalisme (p. 194), les communautés hiérarchisées.
Paul Carton et Alexis Carrel, deux médecins un peu oubliés
Pour asseoir scientifiquement son propos – qui élude très largement la dimension coopérative de monde vivant – Jean-Marie Le Pen se référait en 1984 (p. 90) à deux… médecins – Paul Carton et Alexis Carrel – qui s’étaient l’un et l’autre caractérisés par leurs positions politiques radicales.
Paul Carton (1875-1947) a été un grand contempteur de la médecine contemporaine, trop analytique à ses yeux. Il a multiplié livres et brochures vantant les mérites d’une vie plus saine loin de la surconsommation, en adéquation avec un ordre naturel créé par Dieu. En 1944, il a eu l’occasion de fustiger sur plus de 200 pages Le Faux Naturisme de Jean-Jacques Rousseau, en revalorisant pour sa part une base chrétienne, loin du paganisme allemand.
Alexis Carrel (1873-1944), récipiendaire en 1912 du prix Nobel de médecine, a pour sa part défrayé la chronique pour ses propos pugnaces et eugénistes. En 1935, dans un ouvrage fameux, L’homme, cet inconnu publié chez Plon, il s’émouvait des travers de l’homo oeconomicus (p. 3), de l’avachissement contemporain et – scientifiquement – des ravages d’un dualisme cartésien. Convaincu de la supériorité de l’homme sur la femme (p. 104) et des succès de la « race blanche » (p. 128), il se proposera dans l’urgence d’œuvrer pour la perpétuation d’une élite (p. 363). Au besoin par une forme d’eugénisme en faveur d’une « aristocratie biologique héréditaire » (p. 367) voire une euthanasie par gaz pour les plus criminels (p. 388).
Hostile au nucléaire
La brochure d’une vingtaine de pages La vraie opposition : le Front national éditée au milieu des années 1980 est moins catégorique mais tout aussi soucieuse d’écologie. Le parti frontiste s’y montre tout particulièrement inquiet de l’essor tant de l’arme atomique que de l’énergie nucléaire. « Face au terrible danger nucléaire » (p. 16) qui pourrait se traduire par une « vitrification du territoire national », le FN prône alors une politique publique de construction d’abris. Quant au nucléaire civil, le Front National « ne manifeste aucune gêne à dénoncer les graves dangers et incertitudes liés à l’utilisation comme à l’avenir des centrales nucléaires. Opposé au tout nucléaire, il considère que l’accent doit prioritairement être mis sur les énergies nouvelles pour garantir à la France son indépendance énergétique » (p. 29).
Dans un long entretien accordé à Présent du 18 août 1989, Jean-Marie Le Pen évoque en outre le risque provoqué par « le déversement calorique des centrales nucléaires, en particulier, (qui) a pour conséquence de modifier les constitutifs des fleuves et d’aider au réchauffement ». Il y perçoit aussi plus globalement la probabilité de voir se multiplier les réfugiés climatiques, environnementaux. « C’est la pauvreté, la sécheresse, la désertification qui provoquent les grandes migrations. »
En 1990, l’organisation d’un colloque du FN à Nice sur l’écologie puis la parution d’un numéro d’Identité Revue d’études nationales consacré à « Repenser l’écologie » ne font ainsi qu’amplifier une réflexion latente. Dans son éditorial, Jean-Marie Le Pen s’y propose désormais de « dépolluer les têtes ». Jean-Jacques Rousseau y est d’emblée stigmatisé, pour avoir prétendument oublié les obligations morales et sociales. Pour Jean-Marie Le Pen, il faut défendre une véritable « politique de la vie ».
Dans un discours prononcé le 11 février 2007, le candidat à la présidence Jean-Marie Le Pen réitère longuement sa foi écologiste, en plaidant à nouveau pour le respect de l’ordre naturel tout en fustigeant le productivisme et le matérialisme d’autres courants politiques. Mais la perspective de voir la France devoir se soumettre à des contraintes climatiques internationales le pousse aussi à y adjoindre des réserves proches du climato-scepticisme. Sa crainte du nucléaire s’y est également singulièrement émoussée. Toutefois, d’autres trouvailles technologiques (éoliennes…) pourraient pareillement améliorer l’environnement.
Un localisme technophile…
Avec Marine Le Pen, le FN devenu RN semble perdre sa boussole au gré des ralliements. En 2011, l’écologie enracinée chère à la Nouvelle droite néo-païenne y fait une apparition aussi fracassante qu’éphémère, à l’image de son porte-parole Laurent Ozon, chantre du localisme. Des figures plus nuancées suppléeront à son éviction. Avec le poids croissant de Florian Philippot – venu des rangs du scientisme chevènementiste – les nostalgies ruralistes d’un Jean-Marie Le Pen semblent ensuite passer de mode. Mais c’était compter sans l’apparition d’un essayiste mondain publié dans Le Monde et chez Gallimard, le consultant Hervé Juvin. Féru d’ethnologie et d’écologie enracinée, détracteur d’un capitalisme prédateur, devenu collaborateur de la revue Eléments, c’est cet autre défenseur du « localisme » que Jordan Bardella fera élire député européen en 2019.
Le volet écologique du « projet pour la France de Marine Le Pen » offrira ainsi un mélange déconcertant de considérations philosophiques sur les mérites du « localisme » et les méfaits d’une « croissance » illimitée (p. 17) mâtinées d’un scientisme euphorique (« inventer, innover, transformer ! » (p. 7) qui ne froissera pas son électorat. Hervé Juvin évincé à son tour, le RN changera à nouveau son fusil d’épaule. Ainsi, Jordan Bardella tentera de rassurer le patronat le 18 avril 2024, en se prononçant pour « la croissance, la croissance et la croissance ». Illimitée ?
Dernier ouvrage paru : Figures de l’écologisme, éditions du Cavalier Bleu, 2024
Lors de son dernier interrogatoire devant les juges, la semaine dernière, Madame Le Pen a confirmé qu’elle était candidate à l’élection présidentielle de 2027. A la barre, elle a démonté point par point et de façon convaincante toute idée de “système” de détournement des fonds européens. Elle semble en revanche penser qu’un système s’est mis en branle contre son mouvement, dès que ce dernier a commencé à prendre trop d’importance dans les urnes… Elle risque une peine d’inéligibilité (loi Sapin de 2016) voire de prison, et une amende d’un million d’euros.
Après six semaines de procès, Marine Le Pen était de nouveau appelée à la barre la semaine dernière, mais cette fois-ci sous le chef d’accusation de complicité de détournement de fonds publics en tant qu’ex-présidente du Front national, personne morale mise en cause pour la période de la prévention allant du 16 janvier 2011 au 31 décembre 2016. La magistrate Bénédicte de Perthuis a annoncé que « la question que l’on aura à se poser pour la complicité est : est-ce qu’il y avait un système de gestion centralisée des enveloppes d’assistants parlementaires qui auraient travaillé pour le Front national, et non pas pour les eurodéputés ? Et qui supervisait cette gestion centralisée des enveloppes ? » À la barre, l’ancienne avocate, vêtue d’un tailleur pantalon et juchée sur de hauts talons, dénonce en propos liminaire une instruction faite uniquement à charge, ayant permis que « des dizaines de milliers de messages de dizaines de personnes soient aspirés ». C’est « la pêche au chalut », raille l’élue du Pas-de-Calais. « Depuis un mois et demi, j’ai quand même le sentiment que l’on tourne autour d’une dizaine de mails ou de SMS que l’on considère mal rédigés ou maladroits, mais que cela ne reste qu’une dizaine de mails sur des dizaines de milliers ». On racle les fonds, et on voit ce que l’on a pris dans le filet judiciaire, et l’on ne présente bien sûr que les pièces à charge. Pugnace, la chef des députés RN à l’Assemblée nationale s’attache pendant plusieurs heures à démonter chaque chef d’accusation.
« La centralisation est dans la culture du Front national »
Concernant la mutualisation du travail des assistants parlementaires des eurodéputés, Marine Le Pen justifie cette mutualisation indispensable à l’exercice des mandats alors qu’ils n’étaient que trois lors de la 7è législature (2009/2014) : Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch et elle. Pour la 8è législature (2014/2019), la chef de l’opposition tient à rappeler le contexte particulier de l’élection. « C’est une situation périlleuse d’arriver avec vingt députés novices sur vingt-trois, sans le support technique d’un groupe. Un groupe, cela permet d’avoir une cinquantaine de salariés qui sont chargés intrinsèquement du travail mutualisé… Quand on est non-inscrits (et donc sans groupe), on ne peut pas faire autrement que de mettre en place cette mutualisation du travail. » Concernant les transferts d’assistants sur les différents eurodéputés, cela s’explique par le travail en pool, les campagnes électorales ou encore par la vie politique elle-même, faite d’égos mais aussi parfois d’inimitiés. La vie politique est un sport de combat, fait d’espoirs, d’échecs, de victoires, de trahisons, et aussi de fidélité, raconte Mme Le Pen. L’ancienne avocate démonte cette idée de “système”, à partir du moment où la totalité des contrats ne se retrouvent pas dans l’ordonnance de renvoi. « Peut-il y avoir “système” pour l’un, et pas par pour l’autre ? Ce serait là un drôle de “système”! » Jamais le Parlement européen n’est venu dire à la délégation française frontiste que Charles Van Houtte avait trop de procurations à son nom. « Encore aujourd’hui, nous avons 30 députés (au Parlement européen), qui ont tous donné une procuration à une jeune assistante », déclare Marine Le Pen pour preuve de bonne foi. Quant à « la centralisation, (elle) est dans la culture du Front national. De force, car trouver un prestataire qui accepte de travailler avec le Front national est compliqué », avoue Marine Le Pen. Mais aussi « de gré », car « c’est performant ». «On centralise les candidatures, on centralise la maquette des documents, on centralise le choix des imprimeurs (…), car nous sommes les réassureurs de nos candidats et de nos élus, et parfois ça fait mal (…).Quand les candidats font moins de 5%, le parti prend en charge, et nous sommes les seuls à faire cela. Car nous avons des candidats souvent d’origine modeste qui n’ont pas les moyens de faire face à une perte ».
« Il y a autant de tâches possibles que d’assistants parlementaires »
Concernant la localisation reprochée d’assistants européens au siège du FN, il faut noter qu’aujourd’hui encore des collaborateurs d’eurodéputés ont leurs bureaux au siège du parti. Le Parlement européen demande simplement la rédaction d’une convention de mise à disposition dudit bureau. Il n’y a donc rien de suspect, insiste Marine Le Pen. De fait, rien ne prouve que les assistants aient travaillé directement pour le parti. L’audit des comptes du FN – tous validés par les commissaires aux comptes et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques – montre que la masse salariale du parti n’a pas baissé, mais au contraire n’a cessé d’augmenter lors de la période de la prévention. Concernant les employés eux-mêmes, seuls quatre salariés du FN, dont un à mi-temps, sont devenus assistants parlementaires sur toute la période. L’accusation de « vases communicants » entre des salariés du parti sur des postes d’assistants d’eurodéputés se réduit donc à peau de chagrin. Marine Le Pen assume ensuite que le graphiste du mouvement soit assistant parlementaire. « Il met en forme les images, les visuels, pour faire la promotion de l’ensemble des députés (…) Cela n’a rien d’extraordinaire.» La cheffe de la droite nationale rappelle qu’être assistant parlementaire est un statut qui ne dit rien du contenu du travail. « Il y a autant de tâches possibles que d’assistants parlementaires. Cela va de la secrétaire au rédacteur de discours, du juriste au graphiste, du garde du corps à celui qui tient la permanence. À l’Assemblée nationale, j’ai un assistant parlementaire qui est photographe. Il prend des photographies de l’ensemble des députés pour nourrir les réseaux sociaux » témoigne encore la députée.Le Parlement européen voudrait-il limiter le travail des députés et de ses collaborateurs ?
« Le député fait de la politique, et l’assistant l’assiste dans cette activité politique »
« Le député est-il seulement un législateur, ou aussi un politique ? » Pour appuyer sa démonstration sur l’indissociabilité du travail parlementaire du travail politique, la présidente du groupe RN joint aux débats une lettre du déontologue de l’Assemblée nationale, laquelle confirme que les frais des assistants pour un congrès politique sont bien pris en charge par l’enveloppe parlementaire. « Le député fait de la politique etl’assistant l’assiste dans cette activité politique », martèle Marine Le Pen. S’il n’en était pas de même pour les eurodéputés, l’ancienne avocate estime que « cela poserait un vrai problème de droit, car cela voudrait donc dire que le député européen a moins de droits que le député national (…) Ne peut-on pas avoir une fonction politique, lorsque l’on est assistant parlementaire ?Quel conflit d’intérêt peut-il exister entre un député et son parti, ou un assistant parlementaire et son parti? Ils œuvrent pour les mêmes idées, ils ont fait campagne ensemble. » L’élu, l’assistant, sont des politiques où qu’ils se trouvent, a argumenté la défense pendant tout ce procès. À Bruxelles ou Paris, les assistants parlementaires ont travaillé pour la France, même lorsqu’ils vont « au fin fond de la cambrousse », selon l’expression dédaigneuse employée par la présidente du tribunal.
« Où sont mes instructions?… Il n’y en a pas »
Accusée d’avoir imposé le recrutement de certains assistants parlementaires, la chef de file de l’opposition renvoie le tribunal dans les cordes : « Où sont mes instructions?… Il n’y en a pas. » Au contraire, l’élue du Pas-de-Calais cite un mail où elle répondait à la demande d’embauche de Loup Viallet par l’eurodéputé Dominique Bilde : « C’est qui ?» interrogeait-elle alors. Néanmoins, Marine Le Pen assume son rôle de dirigeante politique qui exerce parfois « un droit de veto », pour éviter le recrutement de « personnes politiquement toxiques » ou « apparaissant nuisibles au mouvement ». La candidate à la présidentielle fixe sa ligne : « Je ne veux pas de gens issus d’un groupuscule, je ne veux pas de gens qui expriment une radicalité, je ne veux pas de gens qui ont tenu des propos absolument contraires à la vision que défend le Rassemblement national. Je ne veux pas d’incompétents, certains sont notoires ». Reproche-t-on aux chefs de cheffer ?
Le tribunal évoque la réunion de juin 2014 durant laquelle Marine Le Pen aurait demandé aux eurodéputés de ne choisir qu’un seul assistant, les autres étant dédiés au mouvement. L’accusation s’appuie entre autres sur le témoignage d’Aymeric Chauprade, mais celui-ci est revenu, dans un communiqué de presse, sur ses premières déclarations qu’il dit avoir faites sous la pression judiciaire et dans un esprit de vengeance. Marine Le Pen dénonce, là encore, une instruction faite uniquement à charge. Ils étaient vingt-trois eurodéputés, et on ne présente que deux témoignages à charge de personnes qui ont été en conflit et ont été exclues de la délégation française. A contrario, pourquoi le tribunal ne retient-il pas les témoignages de Rachida Dati, Brice Hortefeux et d’autres eurodéputés qui confirment la présence des assistants frontistes au Parlement ?
Mais vous êtes fous !
Marine Le Pen s’étonne d’une « instruction déloyale ». Avec le peu d’éléments présentés, qu’on « puisse tirer de cela (sa) culpabilité (…) je trouve cela fou ». La voix grave, enfin, l’élue s’enflamme : « Je risque dix ans de prison, un million d’euros d’amende si ce n’est plus avec cette prévention à géométrie variable. Je suis une dirigeante politique. J’ai donné ma vie à la vie politique. Je demande un acte d’instruction, d’une simplicité absolue, on me le refuse. Et on me confronte à une dizaine de mails sur plus de 10 000.Où sont mes instructions ?» La candidate à l’élection présidentielle de 2027 pointe le risque inouï que fait encourir la pénalisation de ces contrats d’assistants parlementaires qui, au demeurant, ont tous été effectués. Si, conformément à la loi du 11 décembre 2016, l’obligation d’une peine d’inéligibilité devait s’appliquer, cela aurait une conséquence retentissante sur la vie politique française alors que Marine le Pen est aujourd’hui donnée en tête de toutes les enquêtes d’opinions.
Le nouvel Éric Zemmour, avec son ton apaisé vis-à-vis de ses concurrents et ses analyses politiques moins brutales, a tout pour plaire !
Compulsivement attaché à écouter la plupart des émissions politiques, j’apprécie tout particulièrement les invités qualifiés absurdement d’extrême droite, Marion Maréchal, Sarah Knafo ou Éric Zemmour. Parce que, contrairement à tant d’autres, ils ne parlent jamais pour ne rien dire. Ils ne sont jamais ennuyeux parce qu’ils ne sont jamais insincères ni lourdement prévisibles ! Éric Zemmour était convié à s’exprimer le dimanche 10 novembre au Grand Jury1 animé par Olivier Bost. Je ne l’ai trouvé ni tout à fait le même ni tout à fait un autre.
Idées fixes
D’abord le talent et l’intelligence, toujours telles des évidences. Ils ont eu d’autant moins de mal à s’exprimer que le climat général de l’émission était serein et courtois et que des réponses étaient possibles. Les questions le permettaient. En effet, si on est de bonne foi, on peut tout dire d’Eric Zemmour sauf que la bêtise, l’hypocrisie et la pauvreté du langage seraient son fort !
Ensuite, sur plusieurs des thèmes qui étaient abordés, on remarquait une constance dans l’affirmation de ses convictions, une focalisation entêtée sur ses idées fixes – par exemple, sur la culpabilité et la domination exclusives de l’Allemagne en Europe ou, pour les problèmes de sécurité, de narcotrafic et d’ensauvagement, sur la seule responsabilité de la magistrature pour expliquer l’accroissement de la délinquance et de la criminalité – qui pourraient lasser mais les défis qui nous menacent sont trop graves pour susciter cela. Éric Zemmour campe imperturbablement sur quelques positions dont l’une en particulier quand j’avais eu le bonheur de débattre avec lui sur CNews : la justice, pour lui, s’est arrêtée à la harangue d’Oswald Baudot en 1968 et, depuis, n’aurait pas bougé, ce qui est absurde.
Moins brutal
On remarquait toutefois une nouveauté dans le ton d’Éric Zemmour, qui avait de l’incidence sur le fond moins brutalement asséné qu’à l’ordinaire, moins péremptoire et donc sommaire. Le caractère moins abrupt de ses opinions, moins provocateur, parfois glissait vers une ironie résignée, presque un soulagement, comme si, fatigué, il répugnait dorénavant à se battre sur tout et n’importe quoi.
Ces dispositions me sont surtout apparues quand il était questionné sur Marine Le Pen et sur Jordan Bardella. Certes il ne les a pas épargnés, notamment le second auquel il déniait toute indépendance et liberté d’esprit par rapport à la présidente du RN, mais quand on songe à ses attaques virulentes d’avant, ses critiques étaient à fleurets mouchetés. Peut-être comme s’il avait pris acte de sa défaite politique, au regard des critères traditionnels, par rapport au Rassemblement national ? Ou comme – psychanalyse de bazar ? – s’il avait chargé sa compagne Sarah Knafo du lest vigoureux, polémique, extrême, épuisant, brillant, qu’il n’avait plus vraiment envie d’assumer ?
Cet Éric Zemmour partiellement nouveau n’était pas loin, par son argumentation plus apaisée, de persuader mieux qu’hier de la validité de quelques-unes de ses analyses. J’irai jusqu’à soutenir que le formidable débatteur et analyste médiatiques était revenu et qu’il avait repris sa place. Je continue à penser que l’homme politique a apporté beaucoup mais qu’il s’est aussi un peu trompé de voix, de voie. Il ne m’a pas semblé d’une parfaite bonne foi quand, pour contredire Jordan Bardella, il a déclaré qu’il n’avait pas changé du tout et que le partisan était la continuation du débatteur. J’ai perçu comme une restauration de ce dernier, indépassable, irremplaçable, et le constat doucement amer d’un quasi-échec de l’option politique.
Ce ne sont pas les insanités et les calomnies qu’on profère trop souvent sur son compte qui vont me détourner de la défense humaine et de la distance critique face à cet ami. Si je me suis trompé dans mes analyses, puis-je dire, en conclusion, que j’aurais beaucoup aimé avoir raison. Car ce Z ni tout à fait le même ni tout à fait un autre me plaît bien.
Pour rembourser la dette publique, le 11-novembre doit-il cesser d’être férié ? C’est ce que propose le LR Jean-François Copé, et c’est ce qui fait débat…
Ce qui ne fait pas débat, c’est qu’il faut trouver des économies et/ou produire plus de richesses. Et que la France est l’un des pays qui travaille le moins en Europe. Si on veut revenir sur les 35 heures ou retarder l’âge de la retraite, c’est tout de suite l’émeute ; en revanche travailler un jour de plus dans l’année (ou avoir un jour de vacances en moins) ne semble pas idiot, c’est plus indolore.
Deux pistes sont donc à l’étude :
La suppression d’un jour férié, ce qui représenterait une aide directe à la production (pour le même coût salarial, un jour de travail de plus équivaut à environ + 0,3% de production) ;
La transformation en journée de solidarité d’un jour férié, c’est-à-dire une journée travaillée et non payée, c’est-à-dire payée à l’Etat, ce qui revient à un impôt de plus pour les seuls salariés (on ne va évidemment pas faire travailler les chômeurs un jour de plus…).
Dans les deux cas, reste à savoir quel jour sacrifier. Les catholiques ont déjà sacrifié le lundi de Pentecôte (dont peu connaissent la signification). Idée sortie du chapeau de Jean-François Copé, hier : supprimer le 11-novembre. « On n’a pas besoin d’un jour férié pour commémorer le 11-Novembre, ou alors ça voudrait dire qu’on a 65 millions de Français au pied des monuments aux morts, ça se saurait », avance-t-il. Pardon pour le maire de Meaux, mais il s’agit d’un argument un peu inepte. Car dans ce cas, il ne reste plus qu’à supprimer aussi le 25 décembre, puisque peu de gens vont à la messe. D’ailleurs, le Premier ministre Michel Barnier a opposé une fin de non-recevoir à M. Copé.
Philippe Guibert, ancien secrétaire général du Service d’Information du Gouvernement, a lancé hier une idée assez pragmatique : le 15 août. La plupart des gens sont en vacances, et la messe mariale ne semble pas incompatible avec le travail.
Mais pourquoi pas le 11-novembre, alors ? Précisément pour les raisons invoquées pour le supprimer. On nous dit que le 11-novembre, c’est loin, et que le monde a bien changé. Un jour sûrement, pour nos descendants, la Grande Guerre sera ce qu’est pour nous désormais la guerre de trente ans : une guerre abstraite, lointaine… Mais nous vivons encore dans le monde que 14-18 nous a légué. La France ne s’est jamais complètement remise de cette saignée, nous disent les historiens et les démographes. Autre raison invoquée : tous les poilus sont morts. Mais c’est précisément parce qu’il n’y a plus de témoins vivants qu’il faut le commémorer et avec ferveur. Pendant la Première Guerre mondiale, 900 jeunes Français sont morts chaque jour. Novembre 18 est une victoire sans joie. Cette guerre est inscrite dans tous les villages et toutes les familles de France. Or, s’il n’y a plus de survivants pour parler dans les écoles ou à la télévision, ces morts n’ont plus que nous. Les oublier serait les trahir. Et nous trahir.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin
Plus féministe que notre chroniqueur Jean-Paul Brighelli, tu meurs ! Encore faut-il s’accorder désormais sur ce que l’on appelle « féminisme », parce qu’au féminisme universaliste et républicain est venu s’opposer le féminisme revendicatif, anti-mâle et tue-l’amour de la génération #MeToo, qui récuse les hommes dans l’univers patriarcal et prétend instaurer une scission définitive entre les sexes. Grand bien leur fasse.
On se rappelle la formule de Vigny, dans « La Colère de Samson » : « Les deux sexes mourront chacun de son côté ». Après quelques centaines de milliers d’années à s’être échinés à peupler une terre hostile, les hominidés semblent avoir décidés d’en finir avec la reproduction, et tout ce qui y amenait : la galanterie, l’amour et les relations humaines. Telle est la thèse de Frederika Abbate, dans un stimulant petit livre intitulé La Femme est une île, et dont le sous-titre est celui que j’ai choisi pour cette chronique.
Un coupable presque parfait : la construction du bouc émissaire blanc
La Femme est une île… Certains peut-être ici sont assez vieux pour se souvenir de cette pub des années 1970-1980 pour le dernier-né des parfums Guy Laroche, où une femme nue, agenouillée à la limite des vagues sur une plage supposée paradisiaque, câlinait un grand flacon du dernier « jus » (c’est comme ça que l’on dit) du parfumeur. Une image qui ne passerait plus aujourd’hui, étant entendu que les femmes ne se promènent pas toutes nues aux Fidji ni ailleurs, sont poilues comme des gorilles et vêtues de l’éternelle combinaison des chauffeurs-routiers, dernier accessoire de mode chez les émules de Virginie Despentes ou Alice Coffin.
La République exaltait la fraternité. Les chiennes de garde prônent la sororité, de façon à évacuer tout élément mâle. Mais attention : « La cible des néo-féministes ne concerne pas tous les hommes, mais les Occidentaux seulement, les Blancs, et en priorité de plus de cinquante ans (…) Les plus jeunes, avec une instruction publique dégradée et une entreprise de « déconstruction » masculine en bonne et due règle, sont moins dominants que les hommes plus âgés. » Elle est loin l’époque où Albert Cohen (un sale type, Juif de surcroît) expliquait dans Belle du seigneur que les femmes vénèrent les gorilles. Après avoir transformé leurs ultimes rejetons mâles en ouistitis, elles lâchent leurs coups : « L’accent qui est mis sur l’homme blanc marque bien sûr la volonté de séparer les humains en deux camps distincts : les opprimés et les oppresseurs. Et le Blanc se situe à la cime de la liste des oppresseurs. »
Inversion générale
C’est la raison pour laquelle un viol commis par un migrant est plus supportable, au nom de l’inter-sectionnalité des luttes, que celui tenté par un Gaulois. Une tentative de baiser sera donc punie par la justice comme s’il s’agissait d’un crime — voir ce qui vient d’arriver à Nicolas Bedos, qu’Elisabeth Lévy analyse en détail, pour s’en effarer, dans le dernier numéro de Causeur. Pendant ce temps, les racailles basanées sont condamnées à des stages-poney.
Revenons à la publicité Guy Laroche. Au premier degré, l’instrumentalisation érotique du corps féminin est évidente. Mais l’aspect subliminal, parfaitement décrypté par Frederika Abbate, suggère que la bouteille bercée dans les bras de la créature du lagon bleu est un substitut d’enfant — et que la destination finale de la femme est évidemment d’enfanter : des mioches ou des fioles de parfum. Cette essentialisation « naturelle » est aujourd’hui inacceptable, pensez, il y a lurette que Beauvoir a expliqué qu’on ne naît pas femme, on le devient.
(Parenthèse : Abbate note assez perfidement que l’autrice du Deuxième sexe a conservé à son doigt, jusque dans la tombe qu’elle partage avec Sartre à Montparnasse, la bague de fantaisie que lui avait donnée Nelson Algren, son amant américain. Dans une biographie fort documentée (Beauvoir in love, 2012), Irène Frain raconte d’ailleurs, en large, en travers et en profondeur, combien la co-papesse de l’existentialisme adorait se faire démonter par ce robuste écrivain prolétarien, et gésir comme une méduse échouée sur leur lit défoncé d’amour à Chicago).
Dans l’inversion générale des valeurs qui caractérise le féminisme nouveau et toute la société occidentale moderne, on comprend bien que la reproduction — l’extraordinaire pouvoir de la reproduction — soit le dernier souci des féministes, qui viennent de lancer le mouvement 4B (no marriage, no childbirth, no dating men, no sex with men) afin de contrer les résultats présumés catastrophiques de l’élection de Trump. Cela rejoint le primat du lesbianisme, le « trouble dans le genre » selon sainte Judith Butler, ou les menaces transhumanistes qui promettent l’identité sexuelle de votre choix.
Évidemment, cela ne concerne que le monde occidental. Les autres, les anciens dominés du système patriarcal-colonisateur, peuvent bien assigner les femmes à une inexistence de fait — jusqu’à les couvrir de voiles noirs, en Arabie Saoudite, ou leur interdire de parler entre elles, en Afghanistan. Danielle Mitterrand, qui légitimait l’excision, fut la grand-mère des toutes ces cinglées qui occupent les médias et les tribunaux.
Les garçons sont d’ores et déjà déconstruits, et se satisfont d’un corps d’endive cuite. Les compagnons de nos viragos, quand elles en ont encore, restent à la maison, abonnés exclusifs aux tâches ménagères et à la culpabilisation. Les enseignants font des cours sur le transgenrisme, incitant les jeunes indécis à s’interroger sur ce qu’ils sont, de façon à ce qu’ils ne soient plus rien. Il est bon que de temps en temps des femmes intelligentes s’insurgent contre la pensée magique de leurs consœurs, si désireuses d’instaurer cette « société liquide » où vous passerez d’un genre à l’autre — jusqu’à vous dissoudre.
Le député d’extrême gauche de Haute-Garonne a qualifié le ministre de l’Intérieur et certains journalistes de « petites frappes fascistes ». Son message visait à soutenir Marie Mesmeur, sa consœur d’Ille-et-Vilaine qui avait elle-même minimisé les incidents survenus aux Pays-Bas lors du match de football entre l’Ajax d’Amsterdam et le Maccabi Tel-Aviv. Au-delà du caractère outrancier de la saillie, la déclaration étonne surtout par sa paresse intellectuelle ou politique. M. Retailleau ayant signalé le tweet à la justice, il pourrait avoir à en répondre devant un tribunal. Analyse.
Il me prend assez souvent l’envie d’analyser, de disséquer des inepties politiques et médiatiques. Selon moi, évidemment, et mes convictions. Et ma conception du langage. Parce que cette habitude me permet de me replonger, toutes proportions gardées, dans l’exercice du commentaire de texte, que je prisais particulièrement durant mes études de lettres supérieures. C’est le député LFI Hadrien Clouet qui s’est fait remarquer par ce tweet inepte : « Le ministre de l’Intérieur et ses journalistes de préfecture sont de petites frappes fascistes ». Bruno Retailleau qui ne laisse plus rien passer dès lors qu’une qualification pénale est possible, a évidemment signalé ce tweet à la justice.
Saillie infecte
Pour qui le lit et est de bonne foi, pourvu en même temps d’une culture historique élémentaire, le premier sentiment qu’il inspire est l’indignation même s’il faut économiser cette dernière en ces temps où on n’a que trop d’opportunités pour l’éprouver.
Mais il faut aller au-delà et se demander comment une telle absurdité a pu germer dans la tête d’un député dont les citoyens qui l’ont honoré par son élection attendaient sans doute autre chose que cette saillie infecte.
Je devine le genre d’argumentation qui pourrait être développé par ses soutiens et par lui-même. On est dans un combat politique et celui-ci justifie tout… Bien sûr que non. L’esprit partisan devient une honte quand il va jusqu’à de telles extrémités. On a le droit de ne pas aimer l’action de Bruno Retailleau mais le devoir d’exprimer autrement son opposition. On est sur un réseau social où insultes et grossièretés remplacent réflexion et courtoisie. Ce n’est pas une raison pour participer à ce délitement et, comme député, ne pas donner l’exemple.
Les outrances de LFI sont quotidiennes
Le groupe LFI s’est fait une spécialité de ces violences par tous moyens. Ce qui compte est de faire parler de soi. Mais je ne crois pas qu’on puisse excuser les insanités de quelques-uns parce que tous les profèrent – ou seraient capables de le faire. Ce n’est pas exact et pour ma part je refuserai toujours de mêler tous les députés LFI dans le même opprobre. Hadrien Clouet, tweetant ainsi, imite les pires de ses collègues. Mais il en est d’autres dont le comportement plus retenu, au moins dans la forme, aurait dû l’inspirer.
Ces justifications périphériques écartées, cherchons en et chez Hadrien Clouet lui-même les motifs allégués de ce tweet bête et odieux.
Questionné par Jean-Jacques Bourdin sur Sud Radio, il a affirmé que Bruno Retailleau, en ayant dénoncé « les Français de papier », nous avait renvoyé aux années 30 en même temps que son mépris de l’État de droit, selon lui, était scandaleux. Lamentables arguties qui n’atténuent en rien la portée de son tweet infâme! Je ne peux pas croire que, dans son for intérieur, il n’ait pas perçu la sottise de « ses journalistes » et le délire à la fois historique et gravement offensant de « petites frappes fascistes ». S’il n’en était pas conscient, ce serait inquiétant. À partir de quel élément ce député a-t-il osé qualifier de « petites frappes » Bruno Retailleau et ces journalistes ? « Petites frappes » signifiant « délinquant ordinaire, occasionnel (…) jeune voyou, pas trop dangereux », il n’y a rigoureusement aucun lien entre cette disqualification et les personnes ciblées. Convient-il d’admettre que ce député se laisse dériver et que sa jouissance serait d’insulter de la manière la plus aberrante qui soit ? On peut le craindre quand pour faire bonne mesure, il ajoute « fascistes » à petites frappes !
Un propos paresseux
Avec cet adjectif tout est dit, il se substitue paresseusement à une contradiction républicaine : le ministre et les journalistes sont à la fois des délinquants et des partisans du fascisme. L’injure suprême est lancée et Hadrien Clouet n’a plus qu’à constater le résultat de sa totale inculture historique : il a fait le « buzz » et, plus gravement, employé un terme qui à force d’être galvaudé, atténue l’horreur du passé et n’éclaire pas le présent.
Je répugne à m’abandonner à une explication ultime qui s’accorderait avec mon pessimisme sur la nature humaine : Hadrien Clouet ne serait-il pas, en l’occurrence, tout simplement « mauvais », par cette dilection qui nous pousse parfois à franchir voluptueusement les limites de son propre humanisme ?
Ce tweet, en tout cas, est une honte à plus d’un titre. Si j’ai pris la peine de lui consacrer un billet, c’est pour prévenir cette attitude qui consiste à se flatter des insanités qu’on prononce et, dans leur dénonciation, à les noyer dans une sorte de vague réprobation au lieu de s’attacher aux détails de leur ignominie. J’espère que la Justice fera de ce tweet à la fois bête et abject une analyse pertinente.
Même si de nombreuses études ont tenté de démontrer le contraire, il est vain de faire appel à l’immigration pour pallier au déficit des retraites dans les pays développés. Une analyse d’André-Victor Robert, auteur de La France au bord de l’abîme – les chiffres officiels et les comparaisons internationales (éd. L’Artilleur, 2024)
En dépit de ses effets délétères sur la cohésion nationale, l’immigration est présentée par certains comme un mal nécessaire, pour rééquilibrer la pyramide des âges de la population et ainsi assurer le financement des régimes de retraite.
La possibilité de réguler ou de redresser la structure par âge d’une population a été étudiée en détail, de manière mathématique, par Didier Blanchet, un éminent démographe de l’Ined, en 1988[1]. Dès l’introduction à son article, l’auteur indique que – sauf à envisager un flux d’immigration extrêmement élevé – les effets attendus seront au mieux du second ordre : « Un afflux de migrants dans les tranches d’âges actives à un instant donné peut certes résoudre temporairement un problème de déséquilibre entre population active et retraitée, mais lorsque ces migrants arrivent à l’âge de la retraite, le problème se pose à nouveau et risque de se reposer de façon aggravée. Le but de cet article est de montrer qu’il en est effectivement ainsi, que ce type de politique conduit en effet, de façon générale, à des cycles de flux migratoires de forte amplitude. » L’auteur montre même que pour des valeurs assez plausibles des paramètres de son modèle, un flux toujours plus important d’immigrés, qui tend vers l’infini, est nécessaire pour obtenir le résultat d’une structure par âge stable : cela s’apparente à vouloir remplir le tonneau des Danaïdes.
Preuves par l’absurde
Une autre méthode, pour étudier la possibilité de recourir à l’immigration pour contrer la tendance spontanée au vieillissement de la population d’un pays, consiste à projeter les évolutions futures de la population de ce pays, sous des hypothèses raisonnables de fécondité et de mortalité, et à calculer le nombre d’entrées de migrants – avec une répartition par âge des immigrants au moment de leur entrée supposée stable dans la durée – qui serait nécessaire pour stabiliser la structure par âge du pays. Les Nations Unies se sont livrées à un exercice de projections démographiques de ce style en 2000. Pour la France, le flux migratoire alors estimé nécessaire pour stabiliser le rapport entre la population d’âge actif et la population de plus de 65 ans était de 1,3 million de personnes (!) chaque année de 2010 à 2025 puis 2,4 millions de 2025 à 2050, ce qui est évidemment irréaliste (Michèle Tribalat, 2010). Accessoirement, ce scénario conduirait à un triplement de la population totale de la France d’ici 2050 ! Des flux migratoires encore plus importants seraient nécessaires dans les pays à fécondité faible comme l’Italie ou l’Allemagne. Le cas extrême était celui de la Corée du sud, pays à fécondité extrêmement faible (0,72 enfant par femme en 2023), qui ne réussirait à stabiliser ce ratio qu’en important sur l’ensemble de la période de projection l’équivalent de la population mondiale ! Ajoutons qu’il ne suffit pas de maintenir constant le rapport entre la population des 15-64 ans et celle des plus de 65 ans pour assurer l’équilibre des régimes de retraite : dans cette perspective, le taux d’emploi, c’est-à-dire la part de la population qui est en emploi, au sein des 15-64 ans, est tout aussi important. Or, en France, au sein de la population immigrée d’âge actif, le taux d’emploi des femmes est traditionnellement très faible, et le taux d’emploi des hommes est significativement en deçà du taux d’emploi des hommes autochtones.
Les projections des Nations Unies constituent donc une « preuve par l’absurde » de l’intuition exposée et développée mathématiquement par Blanchet (1988). Il est cocasse (ou triste) que certains responsables politiques (cela a été le cas – entre autres – de François Bayrou et de Jean-Paul Delevoye) aient retenu une lecture au premier degré des projections de l’ONU et en aient tiré argument pour prôner un recours accru à l’immigration, puisque ces projections montrent précisément en quoi la démarche est vaine.
Xavier Chojnicki et Lionel Ragot ont tenté en 2012 de chiffrer l’impact sur le déficit des retraites de volumes d’immigration plus raisonnables. L’impact en est évidemment modeste, légèrement positif en l’occurrence, mais de manière transitoire, et instable à long terme, à l’horizon du départ en retraite des immigrés – ce qui là aussi est cohérent avec les travaux séminaux de Blanchet sur la question[2].
On peut aussi s’intéresser plus largement à l’impact des immigrés sur nos finances publiques, avec une approche comptable de la question, c’est-à-dire en tentant d’identifier ce que coûtent les immigrés et ce qu’ils rapportent. De nombreux travaux de chiffrage ont été menés sur cette question, sans jamais aboutir à un résultat solide, comme nous allons le voir, car le nombre d’hypothèses à émettre pour mener l’exercice est élevé et certaines de ces hypothèses ont un impact considérable sur les résultats. On peut ainsi arriver à peu près à n’importe quel résultat, fortement positif ou fortement négatif (entre -100 et +100 Md€ par an pour la France), en sélectionnant ses hypothèses de manière astucieuse.
Tout d’abord, quelles recettes / dépenses intégrer au calcul ? La prise en compte de l’impôt sur le revenu, des prestations sociales, des retraites et des dépenses d’éducation va de soi, toutes les études que nous avons pu consulter en tiennent compte, de manière plus ou moins précise. Mais faut-il aller au-delà et prendre en compte des dépenses telles que les effectifs de police et de justice nécessaires pour juguler ou traiter le surcroît de criminalité des immigrés, ou encore les subventions au logement social versées aux immigrés sous la forme de loyers inférieurs à ceux du marché locatif privé ? On rappelle que, au vu des statistiques régulièrement diffusées par les ministères de l’Intérieur et de la Justice, le pourcentage de personnes mises en cause dans des affaires délictuelles ou criminelles, ainsi que le pourcentage de personnes incarcérées, sont environ trois fois plus élevés pour les personnes de nationalité étrangère que pour celles de nationalité française (dont une partie est immigrée!). On rappelle aussi que la moitié des ménages d’origine maghrébine sont logés dans le parc social, alors que c’est le cas de « seulement » 15 % des ménages autochtones. Pourtant certaines études les excluent de leur champ d’investigation.
Certaines dépenses, comme la défense nationale ou les chaînes audiovisuelles de service public, ont le caractère de « bien public pur » au sens où leur montant dépend relativement peu du niveau de la population. Pour de telles dépenses, on peut soit en affecter la même quote-part à tout individu, qu’il soit autochtone ou immigré, soit les répartir entre les seuls autochtones au motif que les immigrés, quel que soit leur nombre, en bénéficient sans devoir faire subir un surcoût à la collectivité. Néanmoins, dans un pays comme la France où la majeure partie des immigrés qui arrivent – en dehors de ceux qui transitent vers d’autres pays – le font avec l’intention de s’établir durablement en France, et dont les enfants sont appelés à bénéficier de la nationalité française en vertu du droit du sol, est-il encore justifié de ne pas leur imputer une partie des dépenses relatives à la défense ?
Enfin et surtout, le calcul peut être réalisé sur une année donnée, ou sur une période de temps sensiblement plus longue, pouvant atteindre 50 ou 100 ans. Lorsque l’on raisonne à un instant donné, et si à ce moment-là le nombre d’immigrés est en croissance et que les migrants sont majoritairement d’âge actif (ce qui est le cas pour la France à présent), on néglige dans les calculs le fait qu’il faudra plus tard payer des retraites à ceux d’entre eux qui travaillent. Si l’on raisonne sur une période de long terme, il faut retenir un taux d’actualisation pour comparer les flux de recettes et de dépenses aujourd’hui et ceux à une date future, et le choix du taux d’actualisation (en général : le taux d’intérêt, mais lequel ?) a un impact considérable sur les résultats.
L’immigration : chaudement recommandée par l’OCDE
Les études qui tendent à faire apparaître un bénéfice comptable de l’immigration sont en général celles qui retiennent un périmètre relativement restreint de recettes et dépenses, et qui raisonnent sur un horizon de court terme plutôt qu’un horizon de long terme. Ainsi, l’étude de l’OCDE de 2021, largement commentée – mais de manière biaisée – dans les médias mainstream à l’occasion de sa sortie, qui raisonne uniquement en instantané, dégage-t-elle pour la France un solde très légèrement positif (+0,25 % du PIB) lorsque les biens publics ne sont pas pris en compte dans les calculs, mais sensiblement plus négatif (-0,85 % du PIB) lorsque ceux-ci sont pris en compte. Encore convient-il de signaler que l’étude de l’OCDE, par exemple, n’intègre : ni la sur-criminalité des immigrés, ni les subventions dont bénéficient ceux d’entre eux (nombreux) qui résident dans le logement social sous forme de loyers inférieurs à ceux du marché, ni les surcoûts en matière d’éducation que la France subit à devoir scolariser dans un dispositif spécifique les élèves immigrés allophones (dispositif qui concerne pas moins de 70 000 élèves d’origine étrangère), ni les aides sociales locales dont le décompte est – il est vrai – difficile !
Par ailleurs, les études de sensibilité aux paramètres présentent l’intérêt de montrer que le solde recettes / dépenses pour la collectivité induit par la présence des immigrés dépend fortement (en instantané mais aussi à long terme) de leur niveau de qualification, ce qui est assez intuitif puisque ceux d’entre eux qui sont très qualifiés sont moins exposés au chômage et perçoivent des salaires plus élevés que ceux qui sont peu qualifiés : les premiers paient donc en règle générale davantage d’impôts et sont moins susceptibles de dépendre des aides sociales que les seconds. L’immigration de main d’œuvre est aussi a priori plus bénéfique du point de vue des finances publiques que l’immigration de regroupement familial, car dans le second cas la France doit supporter les dépenses d’éducation des enfants du foyer. En outre, si le conjoint est inactif, la famille est davantage exposée au risque de dépendre des aides sociales versées sous conditions de ressources. Or, la France, depuis soixante ans, n’est pas très regardante sur le niveau de qualification de ses immigrés, et son immigration est très majoritairement une immigration familiale plutôt qu’une immigration de main d’œuvre, de sorte qu’on peut penser que notre pays n’a pas retenu les options migratoires les plus à même de contribuer le plus positivement – ou le moins négativement – au solde des finances publiques.
En outre, le système de protection sociale français est relativement généreux en comparaison de celui d’autres pays européens, le risque existe en conséquence que les migrants peu employables et / ou peu désireux de contribuer à l’effort productif se dirigent préférentiellement vers la France plutôt que vers d’autres pays moins généreux. L’économiste américain George Borjas (1999) a mis en évidence l’existence d’un tel phénomène d’« anti-sélection » en matière migratoire dans le cas des états-Unis (entre Etats et comtés), il y a peu de chances qu’un tel effet n’existe pas aussi entre pays européens.
Pessoa-Since I’ve been me, mise en scène par Robert Wilson au Théâtre de la Ville, est une production aussi esthétique qu’aimablement inutile…
Ce n’est pas Robert Wilson qui est allé à Fernando Pessoa. C’est Pessoa qui est allé à Wilson ! Et sans doute à l’instigation d’Emmanuel Demarcy-Mota, Portugais par sa mère, directeur du Théâtre de la Ville et du Festival d’Automne, et coproducteur de ce spectacle intitulé Pessoa-Since I’ve been me. Mais comment Wilson, entouré, servi par ses lieutenants, a-t-il répondu à cette proposition aussi séduisante que périlleuse ? En usant de son savoir-faire, de la magnificence de ses lumières, de la beauté de sa scénographie, de l’éclat de ses couleurs, en peaufinant des images impeccables. Bref, en déployant la panoplie d’une esthétique généralement irréprochable appliquée à tous les genres qu’il aborde, que ce soit de l’opéra ou du théâtre, avec la ferme constance d’une maison de luxe qui tient à sa réputation et à la bonne tenue de ses produits manufacturés.
Qu’a-t-on appris cependant sur Pessoa avec ce spectacle ? Rien ou pas grand-chose. Et ce n’est pas en lançant à la volée de multiples citations puisées dans les textes du poète et de ses doubles, ses « hétéronymes », et répétées à l’envi par les interprètes en portugais, en français, en anglais ou même en italien, qu’on en dit long sur le personnage ou sur l’auteur.
Le premier tableau avec ses six levers de soleil successifs est assurément très beau. Et les six acteurs, danseurs ou chanteurs (Aline Belibi, Rodrigo Ferreira, Klaus Martini, Sofia Menci, Gianfranco Poddighe, Janaïna Suaudeau) incarnant sous les traits de Groucho Marx, d’une hétaïre de film d’avant-guerre ou d’un facétieux pantin les divers « moi » de l’écrivain, apparaissent dans la foulée comme dans une parade de foire ou sur une scène de Broadway. Ils entourent avec une folle énergie la frêle Maria de Medeiros grimée en Pessoa lui-même… dans un travestissement qui fait tout de même un peu fête de patronage.
Et quoi ? Que reste-t-il de ce spectacle qui parvient à n’être qu’un aimable divertissement balançant entre la comédie musicale et la parade de cirque ? Rien ou presque. C’est le type-même de production parfaitement inutile, au fond illisible, ne faisant rien que de fournir du travail à des artistes de qualité et à faire quelque effet sur le programme de la saison d’un théâtre, avec les noms d’un poète aujourd’hui légendaire et de ce Bob Wilson qui révolutionna le monde théâtral au siècle dernier et tente aujourd’hui de survivre à sa gloire d’hier.
Nous recevrons demain l’équipe d’Israël au Stade de France. Un important dispositif de sécurité sera déployé. Nos voisins belges, eux, ont renoncé à organiser pareille rencontre sur leur sol.
Tandis que la France s’apprête à affronter Israël, ce jeudi au Stade de France, en espérant que l’on retienne uniquement le volet sportif de la confrontation, une rencontre récente entre la Belgique et Israël avait dû être délocalisée en… Hongrie.
Soumission
Dans le cadre de la Ligue des Nations, compétition par ailleurs hautement inutile et obéissant aux impératifs du foot business, la Belgique évoluait donc à domicile, le 6 septembre dernier, au Nagyerdei Stadion de Debrecen, à 200 kilomètres à l’est de Budapest. Les autorités belges s’étaient alors montrées incapables d’assurer la sécurité de la délégation israélienne. Comment s’en étonner dans un pays où un parti islamiste progresse (jusqu’à 10% des voix à Bruxelles), où les communistes entrent dans les majorités communales et où les manifestations de soutien à la Palestine sont le théâtre de slogans antisémites ?
Le délitement de la Belgique et de sa capitale, en même temps que sa soumission à l’islamisme, apparaissait au grand jour, mais ce qui aurait dû provoquer un scandale national fut effacé par l’indifférence générale, comme si le pays était déjà habitué à ne plus être chez lui sur son propre sol. Tel un symbole, la rencontre eut lieu dans la Hongrie de Viktor Orbán, honni par les responsables politiques qui ont permis l’islamisation de la capitale belge. Les événements donnent pourtant, chaque jour, raison au Premier ministre magyar et tort aux édiles bruxellois.
Si les partis, organisations et autres groupuscules de gauche et de son extrême se sont réjouis, pour des raisons que l’on devine, de l’annulation du match en terres bruxelloises, la Belgique avait créé un dangereux précédent. Deux mois plus tard, un peu plus au nord, à Amsterdam, les supporters du Maccabi Tel-Aviv furent lynchés au cours d’une « chasse aux juifs » dont tout indique qu’elle fut préméditée. Il s’est pourtant trouvé des personnes pour « justifier », « remettre dans le contexte » voire « soutenir » les auteurs des ratonnades, comme si, finalement, les victimes l’avaient bien cherché. Nous ne sommes pas des habitués de la reductio ad hitlerum, mais l’air du temps rappelle de plus en plus l’air pestilentiel de l’Allemagne de la fin des années 1930.
Les Diables rouges et les Bleus ne prennent pas position
Le sport est désormais un contexte comme un autre pour s’attaquer aux juifs dans une haine que peine à camoufler la double pirouette verbale que sont l’antisionisme et l’appel à la paix – rhétorique utilisée par les supporters du néo-PSG, c’est-à-dire qatari, pour justifier leur tifo représentant un combattant palestinien et une carte du Proche-Orient sans Israël. En remontant dans le temps, on se souvient, de façon plus dramatique encore, que onze athlètes israéliens furent assassinés lors d’une prise d’otage en plein cours des Jeux olympiques de 1972 à Munich. On n’a pas le souvenir qu’un Diable rouge – surnom donné aux joueurs de l’équipe nationale belge de football – ait eu, il y a deux mois, un mot de solidarité pour ses confrères israéliens. À ce stade, aucun Français n’a exprimé de soutien envers ses homologues qui sont avant tout des sportifs et que l’on devine perturbés par le contexte. Mais les Bleus d’ordinaire fort diserts avaient probablement mieux à faire: trouver une tenue excentrique pour leur arrivée au centre d’entraînement de Clairefontaine.
Créer de nouveaux pays où l’administration sera entièrement gérée par l’intelligence artificielle, c’est le grand projet de l’entrepreneur Balaji Srinivasan. Vivement demain ?
Alors que le libéralisme peut être défini comme le projet de limiter l’emprise des pouvoirs publics sur la vie des citoyens, le rêve des libertariens, lui, consiste à carrément se passer d’État. Pour ce faire, certains milliardaires de la Silicon Valley ambitionnent sérieusement de créer des « cyber-pays ».
Le principe : racheter de vastes territoires et y établir des républiques autonomes dont les lois seraient entièrement privées et l’administration gérée par intelligence artificielle. Quant aux demandes de naturalisation, elles se feraient en quelques clics et moyennant finances, aussi simplement qu’on s’abonne à Netflix. Fantasme de geek ? Pas si sûr. L’entrepreneur américain Balaji Srinivasan, star mondiale des cryptotechnologies, que ses fans appellent tout simplement « Balaji », vient d’ouvrir en Malaisie The Network School, une école censée former les futurs dirigeants des cyber-pays. Qu’on se rassure : d’après la BBC, il est demandé aux étudiants de souscrire aux valeurs occidentales… Les cours sont dispensés à Forest City, une ville nouvelle située au bord du détroit de Johor, à seulement trois kilomètres des côtes de Singapour. La première promotion de l’école compte 150 élèves. « On a créé de nouvelles communautés comme Facebook, de nouvelles monnaies comme le bitcoin ; on peut donc créer de nouveaux pays », s’est enthousiasmé Balaji lors de la conférence de lancement de l’école à Amsterdam. Reste toutefois une question : où est-il possible de créer un cyber-pays ? Pour certains, Donald Trump a peut-être donné la réponse. Le 14 septembre, lors d’un meeting à Las Vegas, le candidat républicain à la Maison-Blanche a promis que, s’il était élu, il libérerait des terres fédérales au Nevada afin d’y « créer de nouvelles zones spéciales avec des impôts et une réglementation ultra-faibles ».
Ce plan, a-t-il déclaré, s’inscrit dans la tradition de « l’esprit pionnier et du rêve américain ». Les mauvaises langues parleront plutôt d’une autre tradition yankee : les républiques bananières.
Le Front national, bastion anti-écologique ? Maître de conférences en science politique à l’université de Perpignan, Jean Jacob tord le cou à cette fake news institutionnelle.
Le 25 juin dernier, dans un entretien accordé au site universitaire en ligne The Conversation, l’historien Stéphane François faisait une assertion pour le moins curieuse : « le Front national (FN), sous la présidence de Jean-Marie Le Pen, n’a jamais eu d’intérêt marqué pour l’écologie ». Déjà dans Le Monde, le 25 mars 2021, il affirmait : « Jean-Marie Le Pen ne s’y est jamais intéressé et considérait l’écologie comme une préoccupation de “bobo” ». Toujours dans Le Monde d’ailleurs, l’essayiste Pierre Madelin abondait dans le même sens en prétendant, le 6 juin 2023, que Jean-Marie Le Pen avait été « généralement hostile à la protection de l’environnement (…) ».
Une enquête et une lecture sérieuses des textes publiés par le parti à la flamme et son leader auraient pourtant évité la propagation de ces fausses informations. Jean-Marie Le Pen a souvent emprunté une démarche proche de l’écologie – une science centrée sur les relations réciproques entre un ou des êtres vivants et leur environnement – pour conforter ses propres convictions politiques. Souvent de façon subliminale – l’intérêt du FN pour le monde animal n’étant pas innocent, des leçons souvent rudes transpirant de son observation… – et parfois de façon explicite.
Ordre naturel
La parution en 1984 de l’ouvrage Les Français d’abord, signé par Jean-Marie Le Pen aux éditions Carrère-Michel Lafon l’illustre. Pour légitimer sa vision du monde, le fondateur du FN y rappelait que la droite s’est de longue date montrée attentive à « l’ordre naturel » (p. 71). Pour Jean-Marie Le Pen, celui-ci est rude, car les hommes et les peuples sont, écrit-il, « soumis à la dure loi pour la vie et l’espace » (p. 75). Partout, l’homme doit travailler une nature qui n’est pas toujours bienveillante. L’Europe y aurait, sur ce point, excellé, mais jusqu’à verser dans une forme de scientisme et de vanité (p. 159), lui faisant oublier Dieu.
Pour Jean-Marie Le Pen, il faudrait davantage veiller à pérenniser désormais les équilibres subtils dégagés au fil du temps, qui ont abouti à différentes modalités de vivre-ensemble. « Toute la civilisation a consisté à affiner, à améliorer, à sauver la diversité du monde vivant » (p. 185), et non pas à trop se mélanger. C’est que Jean-Marie Le Pen restait convaincu de l’existence de races, ethnies et cultures différentes (p. 167). Il faut donc selon lui veiller à ne pas subir une « submersion » migratoire (p. 99). Contre le jacobinisme, Jean-Marie Le Pen valorise le régionalisme (p. 194), les communautés hiérarchisées.
Paul Carton et Alexis Carrel, deux médecins un peu oubliés
Pour asseoir scientifiquement son propos – qui élude très largement la dimension coopérative de monde vivant – Jean-Marie Le Pen se référait en 1984 (p. 90) à deux… médecins – Paul Carton et Alexis Carrel – qui s’étaient l’un et l’autre caractérisés par leurs positions politiques radicales.
Paul Carton (1875-1947) a été un grand contempteur de la médecine contemporaine, trop analytique à ses yeux. Il a multiplié livres et brochures vantant les mérites d’une vie plus saine loin de la surconsommation, en adéquation avec un ordre naturel créé par Dieu. En 1944, il a eu l’occasion de fustiger sur plus de 200 pages Le Faux Naturisme de Jean-Jacques Rousseau, en revalorisant pour sa part une base chrétienne, loin du paganisme allemand.
Alexis Carrel (1873-1944), récipiendaire en 1912 du prix Nobel de médecine, a pour sa part défrayé la chronique pour ses propos pugnaces et eugénistes. En 1935, dans un ouvrage fameux, L’homme, cet inconnu publié chez Plon, il s’émouvait des travers de l’homo oeconomicus (p. 3), de l’avachissement contemporain et – scientifiquement – des ravages d’un dualisme cartésien. Convaincu de la supériorité de l’homme sur la femme (p. 104) et des succès de la « race blanche » (p. 128), il se proposera dans l’urgence d’œuvrer pour la perpétuation d’une élite (p. 363). Au besoin par une forme d’eugénisme en faveur d’une « aristocratie biologique héréditaire » (p. 367) voire une euthanasie par gaz pour les plus criminels (p. 388).
Hostile au nucléaire
La brochure d’une vingtaine de pages La vraie opposition : le Front national éditée au milieu des années 1980 est moins catégorique mais tout aussi soucieuse d’écologie. Le parti frontiste s’y montre tout particulièrement inquiet de l’essor tant de l’arme atomique que de l’énergie nucléaire. « Face au terrible danger nucléaire » (p. 16) qui pourrait se traduire par une « vitrification du territoire national », le FN prône alors une politique publique de construction d’abris. Quant au nucléaire civil, le Front National « ne manifeste aucune gêne à dénoncer les graves dangers et incertitudes liés à l’utilisation comme à l’avenir des centrales nucléaires. Opposé au tout nucléaire, il considère que l’accent doit prioritairement être mis sur les énergies nouvelles pour garantir à la France son indépendance énergétique » (p. 29).
Dans un long entretien accordé à Présent du 18 août 1989, Jean-Marie Le Pen évoque en outre le risque provoqué par « le déversement calorique des centrales nucléaires, en particulier, (qui) a pour conséquence de modifier les constitutifs des fleuves et d’aider au réchauffement ». Il y perçoit aussi plus globalement la probabilité de voir se multiplier les réfugiés climatiques, environnementaux. « C’est la pauvreté, la sécheresse, la désertification qui provoquent les grandes migrations. »
En 1990, l’organisation d’un colloque du FN à Nice sur l’écologie puis la parution d’un numéro d’Identité Revue d’études nationales consacré à « Repenser l’écologie » ne font ainsi qu’amplifier une réflexion latente. Dans son éditorial, Jean-Marie Le Pen s’y propose désormais de « dépolluer les têtes ». Jean-Jacques Rousseau y est d’emblée stigmatisé, pour avoir prétendument oublié les obligations morales et sociales. Pour Jean-Marie Le Pen, il faut défendre une véritable « politique de la vie ».
Dans un discours prononcé le 11 février 2007, le candidat à la présidence Jean-Marie Le Pen réitère longuement sa foi écologiste, en plaidant à nouveau pour le respect de l’ordre naturel tout en fustigeant le productivisme et le matérialisme d’autres courants politiques. Mais la perspective de voir la France devoir se soumettre à des contraintes climatiques internationales le pousse aussi à y adjoindre des réserves proches du climato-scepticisme. Sa crainte du nucléaire s’y est également singulièrement émoussée. Toutefois, d’autres trouvailles technologiques (éoliennes…) pourraient pareillement améliorer l’environnement.
Un localisme technophile…
Avec Marine Le Pen, le FN devenu RN semble perdre sa boussole au gré des ralliements. En 2011, l’écologie enracinée chère à la Nouvelle droite néo-païenne y fait une apparition aussi fracassante qu’éphémère, à l’image de son porte-parole Laurent Ozon, chantre du localisme. Des figures plus nuancées suppléeront à son éviction. Avec le poids croissant de Florian Philippot – venu des rangs du scientisme chevènementiste – les nostalgies ruralistes d’un Jean-Marie Le Pen semblent ensuite passer de mode. Mais c’était compter sans l’apparition d’un essayiste mondain publié dans Le Monde et chez Gallimard, le consultant Hervé Juvin. Féru d’ethnologie et d’écologie enracinée, détracteur d’un capitalisme prédateur, devenu collaborateur de la revue Eléments, c’est cet autre défenseur du « localisme » que Jordan Bardella fera élire député européen en 2019.
Le volet écologique du « projet pour la France de Marine Le Pen » offrira ainsi un mélange déconcertant de considérations philosophiques sur les mérites du « localisme » et les méfaits d’une « croissance » illimitée (p. 17) mâtinées d’un scientisme euphorique (« inventer, innover, transformer ! » (p. 7) qui ne froissera pas son électorat. Hervé Juvin évincé à son tour, le RN changera à nouveau son fusil d’épaule. Ainsi, Jordan Bardella tentera de rassurer le patronat le 18 avril 2024, en se prononçant pour « la croissance, la croissance et la croissance ». Illimitée ?
Dernier ouvrage paru : Figures de l’écologisme, éditions du Cavalier Bleu, 2024
Lors de son dernier interrogatoire devant les juges, la semaine dernière, Madame Le Pen a confirmé qu’elle était candidate à l’élection présidentielle de 2027. A la barre, elle a démonté point par point et de façon convaincante toute idée de “système” de détournement des fonds européens. Elle semble en revanche penser qu’un système s’est mis en branle contre son mouvement, dès que ce dernier a commencé à prendre trop d’importance dans les urnes… Elle risque une peine d’inéligibilité (loi Sapin de 2016) voire de prison, et une amende d’un million d’euros.
Après six semaines de procès, Marine Le Pen était de nouveau appelée à la barre la semaine dernière, mais cette fois-ci sous le chef d’accusation de complicité de détournement de fonds publics en tant qu’ex-présidente du Front national, personne morale mise en cause pour la période de la prévention allant du 16 janvier 2011 au 31 décembre 2016. La magistrate Bénédicte de Perthuis a annoncé que « la question que l’on aura à se poser pour la complicité est : est-ce qu’il y avait un système de gestion centralisée des enveloppes d’assistants parlementaires qui auraient travaillé pour le Front national, et non pas pour les eurodéputés ? Et qui supervisait cette gestion centralisée des enveloppes ? » À la barre, l’ancienne avocate, vêtue d’un tailleur pantalon et juchée sur de hauts talons, dénonce en propos liminaire une instruction faite uniquement à charge, ayant permis que « des dizaines de milliers de messages de dizaines de personnes soient aspirés ». C’est « la pêche au chalut », raille l’élue du Pas-de-Calais. « Depuis un mois et demi, j’ai quand même le sentiment que l’on tourne autour d’une dizaine de mails ou de SMS que l’on considère mal rédigés ou maladroits, mais que cela ne reste qu’une dizaine de mails sur des dizaines de milliers ». On racle les fonds, et on voit ce que l’on a pris dans le filet judiciaire, et l’on ne présente bien sûr que les pièces à charge. Pugnace, la chef des députés RN à l’Assemblée nationale s’attache pendant plusieurs heures à démonter chaque chef d’accusation.
« La centralisation est dans la culture du Front national »
Concernant la mutualisation du travail des assistants parlementaires des eurodéputés, Marine Le Pen justifie cette mutualisation indispensable à l’exercice des mandats alors qu’ils n’étaient que trois lors de la 7è législature (2009/2014) : Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch et elle. Pour la 8è législature (2014/2019), la chef de l’opposition tient à rappeler le contexte particulier de l’élection. « C’est une situation périlleuse d’arriver avec vingt députés novices sur vingt-trois, sans le support technique d’un groupe. Un groupe, cela permet d’avoir une cinquantaine de salariés qui sont chargés intrinsèquement du travail mutualisé… Quand on est non-inscrits (et donc sans groupe), on ne peut pas faire autrement que de mettre en place cette mutualisation du travail. » Concernant les transferts d’assistants sur les différents eurodéputés, cela s’explique par le travail en pool, les campagnes électorales ou encore par la vie politique elle-même, faite d’égos mais aussi parfois d’inimitiés. La vie politique est un sport de combat, fait d’espoirs, d’échecs, de victoires, de trahisons, et aussi de fidélité, raconte Mme Le Pen. L’ancienne avocate démonte cette idée de “système”, à partir du moment où la totalité des contrats ne se retrouvent pas dans l’ordonnance de renvoi. « Peut-il y avoir “système” pour l’un, et pas par pour l’autre ? Ce serait là un drôle de “système”! » Jamais le Parlement européen n’est venu dire à la délégation française frontiste que Charles Van Houtte avait trop de procurations à son nom. « Encore aujourd’hui, nous avons 30 députés (au Parlement européen), qui ont tous donné une procuration à une jeune assistante », déclare Marine Le Pen pour preuve de bonne foi. Quant à « la centralisation, (elle) est dans la culture du Front national. De force, car trouver un prestataire qui accepte de travailler avec le Front national est compliqué », avoue Marine Le Pen. Mais aussi « de gré », car « c’est performant ». «On centralise les candidatures, on centralise la maquette des documents, on centralise le choix des imprimeurs (…), car nous sommes les réassureurs de nos candidats et de nos élus, et parfois ça fait mal (…).Quand les candidats font moins de 5%, le parti prend en charge, et nous sommes les seuls à faire cela. Car nous avons des candidats souvent d’origine modeste qui n’ont pas les moyens de faire face à une perte ».
« Il y a autant de tâches possibles que d’assistants parlementaires »
Concernant la localisation reprochée d’assistants européens au siège du FN, il faut noter qu’aujourd’hui encore des collaborateurs d’eurodéputés ont leurs bureaux au siège du parti. Le Parlement européen demande simplement la rédaction d’une convention de mise à disposition dudit bureau. Il n’y a donc rien de suspect, insiste Marine Le Pen. De fait, rien ne prouve que les assistants aient travaillé directement pour le parti. L’audit des comptes du FN – tous validés par les commissaires aux comptes et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques – montre que la masse salariale du parti n’a pas baissé, mais au contraire n’a cessé d’augmenter lors de la période de la prévention. Concernant les employés eux-mêmes, seuls quatre salariés du FN, dont un à mi-temps, sont devenus assistants parlementaires sur toute la période. L’accusation de « vases communicants » entre des salariés du parti sur des postes d’assistants d’eurodéputés se réduit donc à peau de chagrin. Marine Le Pen assume ensuite que le graphiste du mouvement soit assistant parlementaire. « Il met en forme les images, les visuels, pour faire la promotion de l’ensemble des députés (…) Cela n’a rien d’extraordinaire.» La cheffe de la droite nationale rappelle qu’être assistant parlementaire est un statut qui ne dit rien du contenu du travail. « Il y a autant de tâches possibles que d’assistants parlementaires. Cela va de la secrétaire au rédacteur de discours, du juriste au graphiste, du garde du corps à celui qui tient la permanence. À l’Assemblée nationale, j’ai un assistant parlementaire qui est photographe. Il prend des photographies de l’ensemble des députés pour nourrir les réseaux sociaux » témoigne encore la députée.Le Parlement européen voudrait-il limiter le travail des députés et de ses collaborateurs ?
« Le député fait de la politique, et l’assistant l’assiste dans cette activité politique »
« Le député est-il seulement un législateur, ou aussi un politique ? » Pour appuyer sa démonstration sur l’indissociabilité du travail parlementaire du travail politique, la présidente du groupe RN joint aux débats une lettre du déontologue de l’Assemblée nationale, laquelle confirme que les frais des assistants pour un congrès politique sont bien pris en charge par l’enveloppe parlementaire. « Le député fait de la politique etl’assistant l’assiste dans cette activité politique », martèle Marine Le Pen. S’il n’en était pas de même pour les eurodéputés, l’ancienne avocate estime que « cela poserait un vrai problème de droit, car cela voudrait donc dire que le député européen a moins de droits que le député national (…) Ne peut-on pas avoir une fonction politique, lorsque l’on est assistant parlementaire ?Quel conflit d’intérêt peut-il exister entre un député et son parti, ou un assistant parlementaire et son parti? Ils œuvrent pour les mêmes idées, ils ont fait campagne ensemble. » L’élu, l’assistant, sont des politiques où qu’ils se trouvent, a argumenté la défense pendant tout ce procès. À Bruxelles ou Paris, les assistants parlementaires ont travaillé pour la France, même lorsqu’ils vont « au fin fond de la cambrousse », selon l’expression dédaigneuse employée par la présidente du tribunal.
« Où sont mes instructions?… Il n’y en a pas »
Accusée d’avoir imposé le recrutement de certains assistants parlementaires, la chef de file de l’opposition renvoie le tribunal dans les cordes : « Où sont mes instructions?… Il n’y en a pas. » Au contraire, l’élue du Pas-de-Calais cite un mail où elle répondait à la demande d’embauche de Loup Viallet par l’eurodéputé Dominique Bilde : « C’est qui ?» interrogeait-elle alors. Néanmoins, Marine Le Pen assume son rôle de dirigeante politique qui exerce parfois « un droit de veto », pour éviter le recrutement de « personnes politiquement toxiques » ou « apparaissant nuisibles au mouvement ». La candidate à la présidentielle fixe sa ligne : « Je ne veux pas de gens issus d’un groupuscule, je ne veux pas de gens qui expriment une radicalité, je ne veux pas de gens qui ont tenu des propos absolument contraires à la vision que défend le Rassemblement national. Je ne veux pas d’incompétents, certains sont notoires ». Reproche-t-on aux chefs de cheffer ?
Le tribunal évoque la réunion de juin 2014 durant laquelle Marine Le Pen aurait demandé aux eurodéputés de ne choisir qu’un seul assistant, les autres étant dédiés au mouvement. L’accusation s’appuie entre autres sur le témoignage d’Aymeric Chauprade, mais celui-ci est revenu, dans un communiqué de presse, sur ses premières déclarations qu’il dit avoir faites sous la pression judiciaire et dans un esprit de vengeance. Marine Le Pen dénonce, là encore, une instruction faite uniquement à charge. Ils étaient vingt-trois eurodéputés, et on ne présente que deux témoignages à charge de personnes qui ont été en conflit et ont été exclues de la délégation française. A contrario, pourquoi le tribunal ne retient-il pas les témoignages de Rachida Dati, Brice Hortefeux et d’autres eurodéputés qui confirment la présence des assistants frontistes au Parlement ?
Mais vous êtes fous !
Marine Le Pen s’étonne d’une « instruction déloyale ». Avec le peu d’éléments présentés, qu’on « puisse tirer de cela (sa) culpabilité (…) je trouve cela fou ». La voix grave, enfin, l’élue s’enflamme : « Je risque dix ans de prison, un million d’euros d’amende si ce n’est plus avec cette prévention à géométrie variable. Je suis une dirigeante politique. J’ai donné ma vie à la vie politique. Je demande un acte d’instruction, d’une simplicité absolue, on me le refuse. Et on me confronte à une dizaine de mails sur plus de 10 000.Où sont mes instructions ?» La candidate à l’élection présidentielle de 2027 pointe le risque inouï que fait encourir la pénalisation de ces contrats d’assistants parlementaires qui, au demeurant, ont tous été effectués. Si, conformément à la loi du 11 décembre 2016, l’obligation d’une peine d’inéligibilité devait s’appliquer, cela aurait une conséquence retentissante sur la vie politique française alors que Marine le Pen est aujourd’hui donnée en tête de toutes les enquêtes d’opinions.
Le nouvel Éric Zemmour, avec son ton apaisé vis-à-vis de ses concurrents et ses analyses politiques moins brutales, a tout pour plaire !
Compulsivement attaché à écouter la plupart des émissions politiques, j’apprécie tout particulièrement les invités qualifiés absurdement d’extrême droite, Marion Maréchal, Sarah Knafo ou Éric Zemmour. Parce que, contrairement à tant d’autres, ils ne parlent jamais pour ne rien dire. Ils ne sont jamais ennuyeux parce qu’ils ne sont jamais insincères ni lourdement prévisibles ! Éric Zemmour était convié à s’exprimer le dimanche 10 novembre au Grand Jury1 animé par Olivier Bost. Je ne l’ai trouvé ni tout à fait le même ni tout à fait un autre.
Idées fixes
D’abord le talent et l’intelligence, toujours telles des évidences. Ils ont eu d’autant moins de mal à s’exprimer que le climat général de l’émission était serein et courtois et que des réponses étaient possibles. Les questions le permettaient. En effet, si on est de bonne foi, on peut tout dire d’Eric Zemmour sauf que la bêtise, l’hypocrisie et la pauvreté du langage seraient son fort !
Ensuite, sur plusieurs des thèmes qui étaient abordés, on remarquait une constance dans l’affirmation de ses convictions, une focalisation entêtée sur ses idées fixes – par exemple, sur la culpabilité et la domination exclusives de l’Allemagne en Europe ou, pour les problèmes de sécurité, de narcotrafic et d’ensauvagement, sur la seule responsabilité de la magistrature pour expliquer l’accroissement de la délinquance et de la criminalité – qui pourraient lasser mais les défis qui nous menacent sont trop graves pour susciter cela. Éric Zemmour campe imperturbablement sur quelques positions dont l’une en particulier quand j’avais eu le bonheur de débattre avec lui sur CNews : la justice, pour lui, s’est arrêtée à la harangue d’Oswald Baudot en 1968 et, depuis, n’aurait pas bougé, ce qui est absurde.
Moins brutal
On remarquait toutefois une nouveauté dans le ton d’Éric Zemmour, qui avait de l’incidence sur le fond moins brutalement asséné qu’à l’ordinaire, moins péremptoire et donc sommaire. Le caractère moins abrupt de ses opinions, moins provocateur, parfois glissait vers une ironie résignée, presque un soulagement, comme si, fatigué, il répugnait dorénavant à se battre sur tout et n’importe quoi.
Ces dispositions me sont surtout apparues quand il était questionné sur Marine Le Pen et sur Jordan Bardella. Certes il ne les a pas épargnés, notamment le second auquel il déniait toute indépendance et liberté d’esprit par rapport à la présidente du RN, mais quand on songe à ses attaques virulentes d’avant, ses critiques étaient à fleurets mouchetés. Peut-être comme s’il avait pris acte de sa défaite politique, au regard des critères traditionnels, par rapport au Rassemblement national ? Ou comme – psychanalyse de bazar ? – s’il avait chargé sa compagne Sarah Knafo du lest vigoureux, polémique, extrême, épuisant, brillant, qu’il n’avait plus vraiment envie d’assumer ?
Cet Éric Zemmour partiellement nouveau n’était pas loin, par son argumentation plus apaisée, de persuader mieux qu’hier de la validité de quelques-unes de ses analyses. J’irai jusqu’à soutenir que le formidable débatteur et analyste médiatiques était revenu et qu’il avait repris sa place. Je continue à penser que l’homme politique a apporté beaucoup mais qu’il s’est aussi un peu trompé de voix, de voie. Il ne m’a pas semblé d’une parfaite bonne foi quand, pour contredire Jordan Bardella, il a déclaré qu’il n’avait pas changé du tout et que le partisan était la continuation du débatteur. J’ai perçu comme une restauration de ce dernier, indépassable, irremplaçable, et le constat doucement amer d’un quasi-échec de l’option politique.
Ce ne sont pas les insanités et les calomnies qu’on profère trop souvent sur son compte qui vont me détourner de la défense humaine et de la distance critique face à cet ami. Si je me suis trompé dans mes analyses, puis-je dire, en conclusion, que j’aurais beaucoup aimé avoir raison. Car ce Z ni tout à fait le même ni tout à fait un autre me plaît bien.
Pour rembourser la dette publique, le 11-novembre doit-il cesser d’être férié ? C’est ce que propose le LR Jean-François Copé, et c’est ce qui fait débat…
Ce qui ne fait pas débat, c’est qu’il faut trouver des économies et/ou produire plus de richesses. Et que la France est l’un des pays qui travaille le moins en Europe. Si on veut revenir sur les 35 heures ou retarder l’âge de la retraite, c’est tout de suite l’émeute ; en revanche travailler un jour de plus dans l’année (ou avoir un jour de vacances en moins) ne semble pas idiot, c’est plus indolore.
Deux pistes sont donc à l’étude :
La suppression d’un jour férié, ce qui représenterait une aide directe à la production (pour le même coût salarial, un jour de travail de plus équivaut à environ + 0,3% de production) ;
La transformation en journée de solidarité d’un jour férié, c’est-à-dire une journée travaillée et non payée, c’est-à-dire payée à l’Etat, ce qui revient à un impôt de plus pour les seuls salariés (on ne va évidemment pas faire travailler les chômeurs un jour de plus…).
Dans les deux cas, reste à savoir quel jour sacrifier. Les catholiques ont déjà sacrifié le lundi de Pentecôte (dont peu connaissent la signification). Idée sortie du chapeau de Jean-François Copé, hier : supprimer le 11-novembre. « On n’a pas besoin d’un jour férié pour commémorer le 11-Novembre, ou alors ça voudrait dire qu’on a 65 millions de Français au pied des monuments aux morts, ça se saurait », avance-t-il. Pardon pour le maire de Meaux, mais il s’agit d’un argument un peu inepte. Car dans ce cas, il ne reste plus qu’à supprimer aussi le 25 décembre, puisque peu de gens vont à la messe. D’ailleurs, le Premier ministre Michel Barnier a opposé une fin de non-recevoir à M. Copé.
Philippe Guibert, ancien secrétaire général du Service d’Information du Gouvernement, a lancé hier une idée assez pragmatique : le 15 août. La plupart des gens sont en vacances, et la messe mariale ne semble pas incompatible avec le travail.
Mais pourquoi pas le 11-novembre, alors ? Précisément pour les raisons invoquées pour le supprimer. On nous dit que le 11-novembre, c’est loin, et que le monde a bien changé. Un jour sûrement, pour nos descendants, la Grande Guerre sera ce qu’est pour nous désormais la guerre de trente ans : une guerre abstraite, lointaine… Mais nous vivons encore dans le monde que 14-18 nous a légué. La France ne s’est jamais complètement remise de cette saignée, nous disent les historiens et les démographes. Autre raison invoquée : tous les poilus sont morts. Mais c’est précisément parce qu’il n’y a plus de témoins vivants qu’il faut le commémorer et avec ferveur. Pendant la Première Guerre mondiale, 900 jeunes Français sont morts chaque jour. Novembre 18 est une victoire sans joie. Cette guerre est inscrite dans tous les villages et toutes les familles de France. Or, s’il n’y a plus de survivants pour parler dans les écoles ou à la télévision, ces morts n’ont plus que nous. Les oublier serait les trahir. Et nous trahir.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin
Plus féministe que notre chroniqueur Jean-Paul Brighelli, tu meurs ! Encore faut-il s’accorder désormais sur ce que l’on appelle « féminisme », parce qu’au féminisme universaliste et républicain est venu s’opposer le féminisme revendicatif, anti-mâle et tue-l’amour de la génération #MeToo, qui récuse les hommes dans l’univers patriarcal et prétend instaurer une scission définitive entre les sexes. Grand bien leur fasse.
On se rappelle la formule de Vigny, dans « La Colère de Samson » : « Les deux sexes mourront chacun de son côté ». Après quelques centaines de milliers d’années à s’être échinés à peupler une terre hostile, les hominidés semblent avoir décidés d’en finir avec la reproduction, et tout ce qui y amenait : la galanterie, l’amour et les relations humaines. Telle est la thèse de Frederika Abbate, dans un stimulant petit livre intitulé La Femme est une île, et dont le sous-titre est celui que j’ai choisi pour cette chronique.
Un coupable presque parfait : la construction du bouc émissaire blanc
La Femme est une île… Certains peut-être ici sont assez vieux pour se souvenir de cette pub des années 1970-1980 pour le dernier-né des parfums Guy Laroche, où une femme nue, agenouillée à la limite des vagues sur une plage supposée paradisiaque, câlinait un grand flacon du dernier « jus » (c’est comme ça que l’on dit) du parfumeur. Une image qui ne passerait plus aujourd’hui, étant entendu que les femmes ne se promènent pas toutes nues aux Fidji ni ailleurs, sont poilues comme des gorilles et vêtues de l’éternelle combinaison des chauffeurs-routiers, dernier accessoire de mode chez les émules de Virginie Despentes ou Alice Coffin.
La République exaltait la fraternité. Les chiennes de garde prônent la sororité, de façon à évacuer tout élément mâle. Mais attention : « La cible des néo-féministes ne concerne pas tous les hommes, mais les Occidentaux seulement, les Blancs, et en priorité de plus de cinquante ans (…) Les plus jeunes, avec une instruction publique dégradée et une entreprise de « déconstruction » masculine en bonne et due règle, sont moins dominants que les hommes plus âgés. » Elle est loin l’époque où Albert Cohen (un sale type, Juif de surcroît) expliquait dans Belle du seigneur que les femmes vénèrent les gorilles. Après avoir transformé leurs ultimes rejetons mâles en ouistitis, elles lâchent leurs coups : « L’accent qui est mis sur l’homme blanc marque bien sûr la volonté de séparer les humains en deux camps distincts : les opprimés et les oppresseurs. Et le Blanc se situe à la cime de la liste des oppresseurs. »
Inversion générale
C’est la raison pour laquelle un viol commis par un migrant est plus supportable, au nom de l’inter-sectionnalité des luttes, que celui tenté par un Gaulois. Une tentative de baiser sera donc punie par la justice comme s’il s’agissait d’un crime — voir ce qui vient d’arriver à Nicolas Bedos, qu’Elisabeth Lévy analyse en détail, pour s’en effarer, dans le dernier numéro de Causeur. Pendant ce temps, les racailles basanées sont condamnées à des stages-poney.
Revenons à la publicité Guy Laroche. Au premier degré, l’instrumentalisation érotique du corps féminin est évidente. Mais l’aspect subliminal, parfaitement décrypté par Frederika Abbate, suggère que la bouteille bercée dans les bras de la créature du lagon bleu est un substitut d’enfant — et que la destination finale de la femme est évidemment d’enfanter : des mioches ou des fioles de parfum. Cette essentialisation « naturelle » est aujourd’hui inacceptable, pensez, il y a lurette que Beauvoir a expliqué qu’on ne naît pas femme, on le devient.
(Parenthèse : Abbate note assez perfidement que l’autrice du Deuxième sexe a conservé à son doigt, jusque dans la tombe qu’elle partage avec Sartre à Montparnasse, la bague de fantaisie que lui avait donnée Nelson Algren, son amant américain. Dans une biographie fort documentée (Beauvoir in love, 2012), Irène Frain raconte d’ailleurs, en large, en travers et en profondeur, combien la co-papesse de l’existentialisme adorait se faire démonter par ce robuste écrivain prolétarien, et gésir comme une méduse échouée sur leur lit défoncé d’amour à Chicago).
Dans l’inversion générale des valeurs qui caractérise le féminisme nouveau et toute la société occidentale moderne, on comprend bien que la reproduction — l’extraordinaire pouvoir de la reproduction — soit le dernier souci des féministes, qui viennent de lancer le mouvement 4B (no marriage, no childbirth, no dating men, no sex with men) afin de contrer les résultats présumés catastrophiques de l’élection de Trump. Cela rejoint le primat du lesbianisme, le « trouble dans le genre » selon sainte Judith Butler, ou les menaces transhumanistes qui promettent l’identité sexuelle de votre choix.
Évidemment, cela ne concerne que le monde occidental. Les autres, les anciens dominés du système patriarcal-colonisateur, peuvent bien assigner les femmes à une inexistence de fait — jusqu’à les couvrir de voiles noirs, en Arabie Saoudite, ou leur interdire de parler entre elles, en Afghanistan. Danielle Mitterrand, qui légitimait l’excision, fut la grand-mère des toutes ces cinglées qui occupent les médias et les tribunaux.
Les garçons sont d’ores et déjà déconstruits, et se satisfont d’un corps d’endive cuite. Les compagnons de nos viragos, quand elles en ont encore, restent à la maison, abonnés exclusifs aux tâches ménagères et à la culpabilisation. Les enseignants font des cours sur le transgenrisme, incitant les jeunes indécis à s’interroger sur ce qu’ils sont, de façon à ce qu’ils ne soient plus rien. Il est bon que de temps en temps des femmes intelligentes s’insurgent contre la pensée magique de leurs consœurs, si désireuses d’instaurer cette « société liquide » où vous passerez d’un genre à l’autre — jusqu’à vous dissoudre.