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Georgio Benamoli

5

C’est en 1580 que Girolamo Macchietti réalisa l’une de ses plus remarquables oeuvres : le portrait de Georgio Marco Benamoli, cousin par alliance de Laurent de Medicis. A l’apogée du règne du Magnifique, Georgio se vit confier la rude sinécure de promouvoir les arts et d’en assurer leur essor à Florence. C’est notamment lui qui présenta le philosophe Savonarole au Prince, glissant à l’oreille de ce dernier la phrase que la postérité a retenu de lui : « Tu verras, c’est un type très bien. » Georgio fut vite exilé de Florence. Les historiens perdent ainsi sa trace. Après avoir orné le bureau élyséen de Georges-Marc Benamou, le tableau prit place dans les affaires de ce dernier, alors en partance pour Rome.

Girolamo Macchietti, Ritratto di stronzolissimo Georgio Marco Benamoli. Bois peint, 1580, conservé dans les consignes automatiques de la Gare de Lyon, Paris.

L’ironie perse…

A Téhéran où la population commence à se lasser de l’agitation de son président, Nicolas Sarkozy est aimablement surnommé Sarkozynejad. Certes, il n’a pas échappé aux Iraniens que notre président est légèrement plus amical envers Israël que le leur – du reste, c’est ce qu’ils aiment bien chez Sarko, beaucoup étant effarés par les délires antisémites d’Ahmadinejad. Mais, allez savoir pourquoi, ils trouvent qu’il y a, du point de vue du comportement, une certaine ressemblance entre les deux hommes. C’est rien que des jaloux : parce que notre Sarko, lui il en a une de bombe. Et même deux si on compte sa femme.

Obama, candidat du passé ?

Obama va-t-il casser la Barack ? Obama est-il Noir, métis ou just global ? Obama va-t-il réconcilier le monde avec les Etats-Unis ? Obama est-il le Kennedy noir ? Celui qui est en passe d’emporter l’investiture démocrate, tire incontestablement sa force des questions qu’il inspire. On en oublie cependant une, rendue inaudible par la célébration du « premier Noir à pouvoir entrer à la Maison Blanche ». Les Noirs ne sont plus « la » minorité aux USA. Concurrencés démographiquement par les « Latinos » et les Asiatiques, ils seront bientôt relégués au rang de quatrième composante ethnique. Ce qui signifie qu’à son sujet, la question serait plutôt : Obama est-il la dernière chance des Noirs de porter l’un des leurs au pouvoir ?

Anticapitaliste mais monopoliste

1

Il va de soi que Michel Drucker a eu raison d’inviter Olivier Besancenot à « Vivement Dimanche », et que ce dernier a eu raison d’y aller. Néanmoins, le porte-parole de la LCR aurait pu suggérer une autre date pour l’émission. Le dimanche du week-end de Pentecôte c’est, chaque année le grand jour d’Arlette Laguiller, celui durant lequel elle prononce son discours à la fête de LO, qui, pour une fois, est largement passée à la trappe dans les médias. Au vu des efforts déployés par la Ligue pour imposer son futur « Nouveau Parti Anticapitaliste » comme la seule offre politique crédible à gauche de la gauche, on a du mal à croire à une malheureuse coïncidence. Mais peut-être Olivier Besancenot – qu’on sait peu porté sur la théorie – a-t-il lu de façon un peu trop cursive les écrits de Gramsci sur l’ »hégémonie culturelle » ?

Ce n’est qu’un début

2

Les « médias aux ordres du grand capital et du régime » n’en finissent pas de déblatérer sur l’essoufflement du mouvement lycéen. Bien sûr il s’agit là d’un mensonge absolu. Comme l’expliquent fort bien leurs syndicats s’il n’y a plus de grèves et de manifestations c’est uniquement parce que les lycéens « poursuivent la lutte sous d’autres formes ». La preuve ? Un rassemblement géant de dizaines de milliers de lycéens et de collégiens sera organisé le 20 juin prochain à Paris ! De très importantes mesures de sécurité ont été prises pour empêcher tout débordement. Pourtant, on voit mal quels extrémistes oseraient bloquer les portes du Parc des Princes pour le concert de Tokio Hotel…

Desproges sans rire, rire sans Desproges

A l’occasion du vingtième anniversaire de sa mort, Le Seuil publie Tout Desproges (1450 pages + 1 DVD). Inutile de dire que je ne m’y suis pas replongé. Cette « somme » finit par être assommante. Trop de textes déjà lus ou entendus – y compris, il faut bien le dire, quelques longueurs. Je veux parler bien sûr de ces tunnels obscurs et vides où le chroniqueur Desproges, visiblement payé au feuillet, débite au kilomètre des « loufoqueries » dignes de Pierre Dac, c’est-à-dire indignes de lui. Mais j’arrête : on dirait que ça déteint…

Au risque de choquer celles et ceux qui ne le seraient pas encore, je pense que le meilleur de Desproges, il le doit à son cancer. Face à la mort on fait moins le malin, et on n’en est que plus intelligent. Parce qu’enfin, que l’on croie au Ciel ou qu’on n’y croie pas, l’approche du sommeil éternel, ça réveille !

Si Desproges est drôle, c’est qu’il est tragique au sens grec, c’est-à-dire humain, du terme : confronté à une fatalité qu’il ne peut refuser qu’en l’accélérant, et relativiser qu’en l’acceptant. « Politesse du désespoir », et toute cette sorte de choses…

L’essentiel de l’esprit desprogésien, si je puis me permettre, tient dans le titre d’un de ses opuscules : Vivons heureux en attendant la mort ! Ce qui me séduit bien sûr dans ce mot d’ordre, au-delà du banal désespoir athée, c’est le défi hussard, profond et léger comme j’aime [1. « Superficiel par profondeur », comme disait il y a vingt-cinq siècles un philosophe grec dont j’ai oublié le nom là tout de suite.].

Si Desproges n’avait pas été drôle, il se serait appelé Cioran. Le soi-disant stoïcisme mégalomaniaque de ce maître-à-mourir m’insupporte tant que je l’aurais volontiers chantalsébirisé si la nature n’avait pris les devants.

Par bonheur chez Desproges, le crabe n’a rongé que le corps, pas l’esprit.

Un cancer assumé, c’est un peu comme le « naufrage » de la vieillesse anticipé et balisé : dans l’étroitesse imposée, et par un paradoxe qui n’est qu’apparent, on trouve soudain une liberté nouvelle ! On relativise ce qu’on croyait être nos obsessions ou nos ambitions. On est moins pressé d’ »arriver », dès qu’on a compris où on va en vrai.

En tant qu’humoriste agréé, Desproges connaissait la longueur de sa chaîne ; mais elle a dû lui paraître moins courte dès lors qu’il l’a mesurée non plus seulement en cm, mais en années… Le charme discret de Pierre, c’est celui d’un misanthrope tellement lucide sur lui-même qu’il a fini par ne plus l’être (misanthrope). Je le vois, presque physiquement, comme un E.T. qui s’attacherait progressivement à la race humaine tout en sachant qu’il doit, de toutes façons, téléphoner maison. « Rire contre la mort », après tout c’est pas plus con que « Rire contre le racisme [2. Dès que le rire devient « citoyen » il s’évanouit., allez savoir pourquoi…] ».

Las ! Même au bord de l’Achéron, ce PD [3. Ceci n’est pas une blague antisémite.] n’a pas vraiment franchi le Rubicon. A preuve, son inadmissible et consensuel aphorisme : « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ! » Ce vent intellectuel, il le lâcha un jour courageusement – mais pas devant « n’importe qui » : face à Jean-Marie Le Pen, les yeux dans l’œil [4. Le Tribunal des flagrants délires, 1984.]. Fausse audace, ou vraie faveur buccale à nos « maîtres censeurs » ?

Le pire c’est qu’entre-temps, cette maxime creuse est devenue proverbiale [5. Voir l’édito désert du lugubre « Dossier Rire » de Libé (19 avril 2008), qui s’ouvrait sur ce piètre apophtègme.] : au cours des vingt dernières années, je jurerais l’avoir entendue mille fois… Dans les débats télé, dans les dîners en ville et même dans les conversations avec mes amis !

La lancinante question du « Peut-on rire de tout ? » est désormais expédiée en quinze secondes : « n’importe qui » cite Desproges, tout le monde opine, et le débat est clos.

Désinternement abusif

2

En mai 68, Boris Cyrulnik était interne en psychiatrie. Il se souvient d’avoir pendant les événements accompagné un « schizophrène profond » au Quartier Latin. Lequel n’avait pu s’empêcher de prendre la parole lors d’une AG à la Sorbonne. Ce qui devait arriver arriva : l’interminable bouffée délirante du patient en goguette fut accueillie par un non moins interminable tonnerre d’applaudissements. Ce témoignage et beaucoup d’autres, tout aussi décapants (Jean-Pierre Le Goff, Annette Levy-Willard, Jean Claude Barreau), sont à voir mardi 13 à 23 h sur Canal + dans l’excellent doc « Mémoire de mai » de Philippe Harel. Naturellement, Télérama a détesté.

In vino, patatras

Selon Vinexpo, les USA deviendront en 2008 le premier consommateur de vin non pétillant. La France, elle, devra se contenter de la troisième place, derrière l’Italie. On ne sait si c’est là la conséquence logique de la multiplication des lois « hygiéniques », comme celle qui proscrit le tabac dans les lieux publics. Ou bien le fruit des erreurs stratégiques d’une profession bachique, qui avait le choix entre le modèle français du luxe (adaptation sans état d’âme culturel à la mondialisation, façon LVMH) et celui de la haute couture (i.e., défense autiste de la splendeur parisienne… au plus grand profit de Milan). Mais que les « déclinistes » ne se réjouissent pas trop hâtivement ! Selon le Bureau des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC), la France progresse à vitesse grand V en matière de consommation d’une autre « drogue coutumière », pleine d’avenir. Le cannabis.

Fumer nuit

« Violence d’un crime ! Atrocité d’un meurtre ! c’est l’assassinat qu’on assassine » : voilà près de deux cents ans que la critique unanime s’égosille devant ce tableau de Jacques Louis David représentant la mort de Marat. Les livres d’histoire prêtent aux douces mains de Charlotte Corday d’avoir perpétré cet acte de cruauté envers l’animal politique qu’était Marat.

Or, ni poignardé ni noyé dans son bain, l’ami du peuple serait mort des suites d’un tabagisme trop actif. C’est, du moins, ce qu’ont montré les historiens de l’art auditionnés par la commission parlementaire réunie l’an passé pour interdire de fumer dans les lieux publics.

Remarquez le paquet de Malborough, qui semble devoir bientôt tomber, comme si tout était figé au souffle de Marat qui est en train de le rendre. Fi des théories esthétiques et de la métaphysique de comptoir : Jacques Louis David ne peignait qu’à condition d’être subventionné par de très grandes marques. On remarquera également, négligemment posé sur le sol, un couteau suisse de la marque Rolex : on a beau être l’ami du peuple, on ne se refuse rien.

Jacques Louis David, Fumer nuit. Huile sur toile, 1794, conservée dans les réserves du musée de l’histoire du Cigare à Issy-les-Moulineaux. Ouvert le mardi et le vendredi de 10 h à 16 h. Sauf jours fériés.

Causeur change

Six mois après sa création, plus de 110 articles publiés et 5000 commentaires postés, causeur évolue. Nouvelle maquette, permettant d’intégrer des espaces publicitaires tout en conservant la lisibilité du site, nouvelles rubriques (brèves, estampes, media party), nouvelles fonctionnalités (imprimer un article, accès aux archives, boutique en ligne, etc.) : le site change dans la continuité. Ce développement s’accompagnera également du lancement de la lettre d’information et d’un rythme de publication plus soutenu.

Georgio Benamoli

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C’est en 1580 que Girolamo Macchietti réalisa l’une de ses plus remarquables oeuvres : le portrait de Georgio Marco Benamoli, cousin par alliance de Laurent de Medicis. A l’apogée du règne du Magnifique, Georgio se vit confier la rude sinécure de promouvoir les arts et d’en assurer leur essor à Florence. C’est notamment lui qui présenta le philosophe Savonarole au Prince, glissant à l’oreille de ce dernier la phrase que la postérité a retenu de lui : « Tu verras, c’est un type très bien. » Georgio fut vite exilé de Florence. Les historiens perdent ainsi sa trace. Après avoir orné le bureau élyséen de Georges-Marc Benamou, le tableau prit place dans les affaires de ce dernier, alors en partance pour Rome.

Girolamo Macchietti, Ritratto di stronzolissimo Georgio Marco Benamoli. Bois peint, 1580, conservé dans les consignes automatiques de la Gare de Lyon, Paris.

L’ironie perse…

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A Téhéran où la population commence à se lasser de l’agitation de son président, Nicolas Sarkozy est aimablement surnommé Sarkozynejad. Certes, il n’a pas échappé aux Iraniens que notre président est légèrement plus amical envers Israël que le leur – du reste, c’est ce qu’ils aiment bien chez Sarko, beaucoup étant effarés par les délires antisémites d’Ahmadinejad. Mais, allez savoir pourquoi, ils trouvent qu’il y a, du point de vue du comportement, une certaine ressemblance entre les deux hommes. C’est rien que des jaloux : parce que notre Sarko, lui il en a une de bombe. Et même deux si on compte sa femme.

Obama, candidat du passé ?

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Obama va-t-il casser la Barack ? Obama est-il Noir, métis ou just global ? Obama va-t-il réconcilier le monde avec les Etats-Unis ? Obama est-il le Kennedy noir ? Celui qui est en passe d’emporter l’investiture démocrate, tire incontestablement sa force des questions qu’il inspire. On en oublie cependant une, rendue inaudible par la célébration du « premier Noir à pouvoir entrer à la Maison Blanche ». Les Noirs ne sont plus « la » minorité aux USA. Concurrencés démographiquement par les « Latinos » et les Asiatiques, ils seront bientôt relégués au rang de quatrième composante ethnique. Ce qui signifie qu’à son sujet, la question serait plutôt : Obama est-il la dernière chance des Noirs de porter l’un des leurs au pouvoir ?

Anticapitaliste mais monopoliste

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Il va de soi que Michel Drucker a eu raison d’inviter Olivier Besancenot à « Vivement Dimanche », et que ce dernier a eu raison d’y aller. Néanmoins, le porte-parole de la LCR aurait pu suggérer une autre date pour l’émission. Le dimanche du week-end de Pentecôte c’est, chaque année le grand jour d’Arlette Laguiller, celui durant lequel elle prononce son discours à la fête de LO, qui, pour une fois, est largement passée à la trappe dans les médias. Au vu des efforts déployés par la Ligue pour imposer son futur « Nouveau Parti Anticapitaliste » comme la seule offre politique crédible à gauche de la gauche, on a du mal à croire à une malheureuse coïncidence. Mais peut-être Olivier Besancenot – qu’on sait peu porté sur la théorie – a-t-il lu de façon un peu trop cursive les écrits de Gramsci sur l’ »hégémonie culturelle » ?

Ce n’est qu’un début

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Les « médias aux ordres du grand capital et du régime » n’en finissent pas de déblatérer sur l’essoufflement du mouvement lycéen. Bien sûr il s’agit là d’un mensonge absolu. Comme l’expliquent fort bien leurs syndicats s’il n’y a plus de grèves et de manifestations c’est uniquement parce que les lycéens « poursuivent la lutte sous d’autres formes ». La preuve ? Un rassemblement géant de dizaines de milliers de lycéens et de collégiens sera organisé le 20 juin prochain à Paris ! De très importantes mesures de sécurité ont été prises pour empêcher tout débordement. Pourtant, on voit mal quels extrémistes oseraient bloquer les portes du Parc des Princes pour le concert de Tokio Hotel…

Desproges sans rire, rire sans Desproges

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A l’occasion du vingtième anniversaire de sa mort, Le Seuil publie Tout Desproges (1450 pages + 1 DVD). Inutile de dire que je ne m’y suis pas replongé. Cette « somme » finit par être assommante. Trop de textes déjà lus ou entendus – y compris, il faut bien le dire, quelques longueurs. Je veux parler bien sûr de ces tunnels obscurs et vides où le chroniqueur Desproges, visiblement payé au feuillet, débite au kilomètre des « loufoqueries » dignes de Pierre Dac, c’est-à-dire indignes de lui. Mais j’arrête : on dirait que ça déteint…

Au risque de choquer celles et ceux qui ne le seraient pas encore, je pense que le meilleur de Desproges, il le doit à son cancer. Face à la mort on fait moins le malin, et on n’en est que plus intelligent. Parce qu’enfin, que l’on croie au Ciel ou qu’on n’y croie pas, l’approche du sommeil éternel, ça réveille !

Si Desproges est drôle, c’est qu’il est tragique au sens grec, c’est-à-dire humain, du terme : confronté à une fatalité qu’il ne peut refuser qu’en l’accélérant, et relativiser qu’en l’acceptant. « Politesse du désespoir », et toute cette sorte de choses…

L’essentiel de l’esprit desprogésien, si je puis me permettre, tient dans le titre d’un de ses opuscules : Vivons heureux en attendant la mort ! Ce qui me séduit bien sûr dans ce mot d’ordre, au-delà du banal désespoir athée, c’est le défi hussard, profond et léger comme j’aime [1. « Superficiel par profondeur », comme disait il y a vingt-cinq siècles un philosophe grec dont j’ai oublié le nom là tout de suite.].

Si Desproges n’avait pas été drôle, il se serait appelé Cioran. Le soi-disant stoïcisme mégalomaniaque de ce maître-à-mourir m’insupporte tant que je l’aurais volontiers chantalsébirisé si la nature n’avait pris les devants.

Par bonheur chez Desproges, le crabe n’a rongé que le corps, pas l’esprit.

Un cancer assumé, c’est un peu comme le « naufrage » de la vieillesse anticipé et balisé : dans l’étroitesse imposée, et par un paradoxe qui n’est qu’apparent, on trouve soudain une liberté nouvelle ! On relativise ce qu’on croyait être nos obsessions ou nos ambitions. On est moins pressé d’ »arriver », dès qu’on a compris où on va en vrai.

En tant qu’humoriste agréé, Desproges connaissait la longueur de sa chaîne ; mais elle a dû lui paraître moins courte dès lors qu’il l’a mesurée non plus seulement en cm, mais en années… Le charme discret de Pierre, c’est celui d’un misanthrope tellement lucide sur lui-même qu’il a fini par ne plus l’être (misanthrope). Je le vois, presque physiquement, comme un E.T. qui s’attacherait progressivement à la race humaine tout en sachant qu’il doit, de toutes façons, téléphoner maison. « Rire contre la mort », après tout c’est pas plus con que « Rire contre le racisme [2. Dès que le rire devient « citoyen » il s’évanouit., allez savoir pourquoi…] ».

Las ! Même au bord de l’Achéron, ce PD [3. Ceci n’est pas une blague antisémite.] n’a pas vraiment franchi le Rubicon. A preuve, son inadmissible et consensuel aphorisme : « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ! » Ce vent intellectuel, il le lâcha un jour courageusement – mais pas devant « n’importe qui » : face à Jean-Marie Le Pen, les yeux dans l’œil [4. Le Tribunal des flagrants délires, 1984.]. Fausse audace, ou vraie faveur buccale à nos « maîtres censeurs » ?

Le pire c’est qu’entre-temps, cette maxime creuse est devenue proverbiale [5. Voir l’édito désert du lugubre « Dossier Rire » de Libé (19 avril 2008), qui s’ouvrait sur ce piètre apophtègme.] : au cours des vingt dernières années, je jurerais l’avoir entendue mille fois… Dans les débats télé, dans les dîners en ville et même dans les conversations avec mes amis !

La lancinante question du « Peut-on rire de tout ? » est désormais expédiée en quinze secondes : « n’importe qui » cite Desproges, tout le monde opine, et le débat est clos.

Désinternement abusif

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En mai 68, Boris Cyrulnik était interne en psychiatrie. Il se souvient d’avoir pendant les événements accompagné un « schizophrène profond » au Quartier Latin. Lequel n’avait pu s’empêcher de prendre la parole lors d’une AG à la Sorbonne. Ce qui devait arriver arriva : l’interminable bouffée délirante du patient en goguette fut accueillie par un non moins interminable tonnerre d’applaudissements. Ce témoignage et beaucoup d’autres, tout aussi décapants (Jean-Pierre Le Goff, Annette Levy-Willard, Jean Claude Barreau), sont à voir mardi 13 à 23 h sur Canal + dans l’excellent doc « Mémoire de mai » de Philippe Harel. Naturellement, Télérama a détesté.

In vino, patatras

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Selon Vinexpo, les USA deviendront en 2008 le premier consommateur de vin non pétillant. La France, elle, devra se contenter de la troisième place, derrière l’Italie. On ne sait si c’est là la conséquence logique de la multiplication des lois « hygiéniques », comme celle qui proscrit le tabac dans les lieux publics. Ou bien le fruit des erreurs stratégiques d’une profession bachique, qui avait le choix entre le modèle français du luxe (adaptation sans état d’âme culturel à la mondialisation, façon LVMH) et celui de la haute couture (i.e., défense autiste de la splendeur parisienne… au plus grand profit de Milan). Mais que les « déclinistes » ne se réjouissent pas trop hâtivement ! Selon le Bureau des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC), la France progresse à vitesse grand V en matière de consommation d’une autre « drogue coutumière », pleine d’avenir. Le cannabis.

Fumer nuit

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« Violence d’un crime ! Atrocité d’un meurtre ! c’est l’assassinat qu’on assassine » : voilà près de deux cents ans que la critique unanime s’égosille devant ce tableau de Jacques Louis David représentant la mort de Marat. Les livres d’histoire prêtent aux douces mains de Charlotte Corday d’avoir perpétré cet acte de cruauté envers l’animal politique qu’était Marat.

Or, ni poignardé ni noyé dans son bain, l’ami du peuple serait mort des suites d’un tabagisme trop actif. C’est, du moins, ce qu’ont montré les historiens de l’art auditionnés par la commission parlementaire réunie l’an passé pour interdire de fumer dans les lieux publics.

Remarquez le paquet de Malborough, qui semble devoir bientôt tomber, comme si tout était figé au souffle de Marat qui est en train de le rendre. Fi des théories esthétiques et de la métaphysique de comptoir : Jacques Louis David ne peignait qu’à condition d’être subventionné par de très grandes marques. On remarquera également, négligemment posé sur le sol, un couteau suisse de la marque Rolex : on a beau être l’ami du peuple, on ne se refuse rien.

Jacques Louis David, Fumer nuit. Huile sur toile, 1794, conservée dans les réserves du musée de l’histoire du Cigare à Issy-les-Moulineaux. Ouvert le mardi et le vendredi de 10 h à 16 h. Sauf jours fériés.

Causeur change

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Six mois après sa création, plus de 110 articles publiés et 5000 commentaires postés, causeur évolue. Nouvelle maquette, permettant d’intégrer des espaces publicitaires tout en conservant la lisibilité du site, nouvelles rubriques (brèves, estampes, media party), nouvelles fonctionnalités (imprimer un article, accès aux archives, boutique en ligne, etc.) : le site change dans la continuité. Ce développement s’accompagnera également du lancement de la lettre d’information et d’un rythme de publication plus soutenu.