Si la presse parisienne a abondamment conspué la « coalition hétéroclite » victorieuse en Irlande, elle s’est montrée beaucoup plus discrète sur l’étonnante alliance passée cette semaine entre le Premier ministre britannique, Gordon Brown et les extrémistes protestants nord-irlandais du Democratic Unionist Party. Sans craindre de diffamer, on peut dire que le DUP et son leader historique, le pasteur Ian Paisley, n’ont pas grand chose à envier au FN et à Le Pen, y compris en matière d’antisémitisme. Pas bégueule, le New Labor leur a fait mille mamours pour faire passer de concert aux Communes une nouvelle loi d’exception anti-terroriste, dont le vote avait été rendu impossible par de nombreuses défections chez les députés de la gauche travailliste…
Quatre garçons dans le vent
Avis aux jeunes chômeurs : un poste d’avenir se dégage en septembre ! Celui de président des « Jeunes Pop » (branche acnéïque de l’UMP[1. Le scoop je le dois, ainsi que les guillemets, à Arnaud Folch, Valeurs Actuelles, 23 mai 2008.]). Dépêchez-vous quand même : il y a déjà quatre candidats. Laissez-moi vous les présenter – par ordre alphabétique, pour n’être pas soupçonné de favoritisme.
Franck Allisio pense (pardon, dit) tout et le contraire : 1) « La droite ne doit pas avoir honte de ses valeurs » ; 2) « Elle a le devoir d’aller vers des idées nouvelles en suivant l’évolution de la société. » En bref, « accompagner le changement », comme Giscard ; et sans savoir précisément où on va, comme d’hab’.
Et puis il y a Mathieu Guillemin, dauphin officiel du précédent « Mister Jeune Pop », brusquement atteint par la limite d’âge dans la fleur du même métal. Mathieu au moins affiche la couleur : n’est-il pas membre actif de Gay Lib, branche armée homo de l’UMP ? Du coup il n’a rien à prouver, et c’est son concurrent, Benjamin Lancar, responsables des « Jeunes Pop » dans les Grandes écoles, qui doit s’y coller.
Le 31 mai dernier donc, pour montrer qu’il n’était pas en reste question « libéralisme sociétal » (au sens delanoïste du terme), l’ami Benjamin a organisé rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie[2. A deux pas du Central, pour les connaisseurs.], entre jeunes umpistes, un débat participatif (au sens royaliste du terme), genre : « Homoparentalité: pour ou con[3. En revanche, rien sur l’after dans le flyer ! C’est aussi ça, la droite…] ? »
Les seuls qui aient accepté, un peu à reculons, de jouer les méchants, c’est les jeunes boutinistes du FRS (?!). Mais il est vrai que ces gens-là n’ont guère à perdre…
Reste David-Xavier Weiss, chouchou des médias et accessoirement chef de cabinet de Roger Karoutchi, qui arrive à dire sans rire : « Je veux être un responsable à l’image de la France, celle des skyblogs et de Radio FG. »
Alors, que choisir : Franck, Mathieu, Benjamin ou David-Xavier ? Qu’importe ? De toute façon, c’est Nicolas Sarkozy qui désignera démocratiquement l’heureux « élu » à la rentrée… A dire vrai ça m’arrange, parce que la nuance m’échappe un peu ; non pas entre les prénoms, mais entre les programmes. Même sur dépliants, je n’arriverais pas à départager ces quatre garçons dans le vent. Il faut dire aussi, à ma décharge, que je suis de moins en moins jeune et que je n’ai jamais été UMP, sans me vanter.
Pourquoi tant de bruit plutôt que rien ?
Heureux pays que la France où tout a une fête, même la philosophie. La sienne, c’est le jour de l’incontournable « bac philo ». Ce jour-là qu’il pleuve, qu’il vente, que la bourse dévisse ou que le pétrole monte, c’est sur la philosophie ou plutôt sur l’épreuve de philosophie du baccalauréat – ce qui, on le verra, n’est pas tout à fait la même chose – que se penche une grande partie des forces vives de l’intelligence médiatique nationale.
Qui dit fête, dit rituel. D’abord l’énoncé des sujets sur lesquels les têtes blondes (et brunes et rousses, etc. ne vexons personne, ou plutôt ne laissons pas la langue française et ses vieilles expressions vexer quiconque) ont dû composer. Une fois les épreuves terminées, des essaims de journalistes attendent les candidats à la sortie des salles d’examen pour leur demander quel sujet ils ont choisi et comment ils s’en sont sorti, i.e. ce qu’ils ont fait et s’ils pensent que c’est ce qu’il fallait faire. Question idiote s’il en est. S’ils avaient pensé qu’il fallait autrement, il y a fort à penser qu’ils eussent fait autrement ! Enfin, des spécialistes sont conviés sur les plateaux de télévision et derrière les microphones des antennes de radiodiffusion pour analyser les sujets, prévenir des pièges et faire croire à tout ce petit monde anxieux et suspendu à leurs lèvres qu’il y avait une copie type qui « avait bon », tout le reste étant faux.
Parfois, l’audace conduit les médias les plus en pointe à inviter un renégat, souvent M. Onfray, qui vient dire tout le mal qu’il pense du baccalauréat, de la philosophie scolaire (qu’il dut fort mal enseigner à en juger par le nombre de bêtises historiques et doctrinales qu’il débite dans ses livres et dans ses cours et par l’image caricaturale qu’il en peint) au grand ravissement des puissances hôtesses de la manifestation. Rituel immuable donc, orné de fioritures très ragoûtantes, telles que l’avis du chanteur présent sur le plateau, celui du présentateur météo, sans oublier, bien sûr, la clausule ironico-distante de l’auteur du petit reportage.
Devons-nous nous réjouir de cette grand-messe, nous autres professeurs de philosophie ? Ne jouissons-nous pas d’un privilège immense au regard de nos collègues des autres disciplines dont on ne connaît jamais les sujets ? Qui se souvient d’avoir jamais entendu l’avis de quiconque sur les sujets d’économie, d’histoire, de mathématique, de physique, d’éducation physique et sportive… ? A peine connaît-on les sujets de français, et encore, il faut un scandale, comme lorsqu’on donna à commenter la chanson de Pierre Perret Lili ?
Pourquoi ne nous réjouissons-nous pas d’un tel privilège ? Pourquoi ne sommes-nous pas heureux le jour de notre fête ? Pourquoi préférerions-nous être très loin ce jour-là ? Sans doute parce que cette fête est trop pincée, trop gênée, sonne trop faux pour qu’on puisse s’en réjouir. Sa vérité est d’ailleurs sans doute dans les questions qu’on adresse à un Onfray dans l’espoir qu’il fera son numéro, ce qu’il ne manque jamais de faire (l’animal est très docile aux commandements des caméras et des microphones) : son mérite à lui est de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas.
En effet, pour tous, cette épreuve est un archaïsme, une bizarrerie dont on ne comprend pas qu’elle n’ait pas déjà été supprimée. C’est cependant une bizarrerie qui fédère : nul n’a oublié ses mauvais souvenirs de l’épreuve de philosophie du baccalauréat et beaucoup ne pardonnent pas la mauvaise note qu’ils obtinrent sans bien comprendre pourquoi. Les questions tordues auxquelles sont soumis les candidats paraissent à ceux-là une torture à laquelle ils sont contents que d’autres soient soumis. Quitte à avoir souffert, autant que d’autres souffrent à leur tour.
Dans tous les reportages, dans tous les commentaires, ce qui s’entend ce n’est pas un questionnement exigeant ni une interrogation profonde, mais un bavardage où ne perce qu’une chose : la haine sourde de la philosophie.
Percent l’incompréhension de la survivance de l’épreuve et de la discipline elle-même (réputée inutile par les élèves, les parents et un grand nombre de collègues), l’incompréhension des questions posées et une certaine animosité contre ce souci de comprendre, d’expliquer et d’interroger qui fait tant défaut aux journalistes, aux professeurs, aux dirigeants politiques, aux syndicalistes, aux dirigeants d’entreprise et à tous les autres, prisonniers qu’ils sont souvent de l’image qu’ils ont de leur fonction et de leur image tout court.
La preuve de cette animosité parfois mêlée d’une certaine fascination, c’est le besoin éprouvé par toute personne à qui vous annoncez votre profession de vous raconter son année de terminale, de vous apprendre sa note en philosophie au baccalauréat quand elle ne vous inflige pas, parfois des années après, le contenu de sa copie. Je ne sache pas que les professeurs de mathématique aient droit à de tels détails, que les avocats aient à subir les confessions des anciens étudiants en droit ni que les écrivains subissent les souvenirs de CP de leurs lecteurs.
Nous autres, professeurs de philosophie, avons souvent l’impression d’être face à des anciens élèves. Le jour du « bac philo », c’est la France entière qui se souvient émue, anxieuse et parfois rageuse, qu’elle dut en passer par des épreuves pour sortir de l’enfance. Ce faisant, redevenue élève, elle bavarde au lieu de penser. Aussi mériterait-elle le coin, comme les enfants pas sages.
Ah, les encurés !
Etes-vous favorable au mariage des prêtres ? Oui, s’ils s’aiment. C’est certainement ce que l’honorable révérend Dudley a pensé en acceptant de célébrer hier, comme nous l’apprend le Sunday Telegraph, le mariage de deux de ses collègues, les révérends Peter Cowell et David Lord : « As David and Jonathan’s souls were knit together, so these men may surely perform and keep the vow and covenant betwixt them made. » Vive émotion chez les conservateurs aussi bien que les libéraux anglicans. Passe encore la gaypride, mais pas les gaypriests !
Sarkozy et les médias : tous contre seul !
La main de Sarkozy dans la culotte de ma sœur. Que ma sœur et les lecteurs me pardonnent cette innocente ironie, mais ces jours-ci c’est un peu la ligne de nos plus estimables journaux (en particulier de ceux pour qui j’ai l’honneur de travailler : pas de chance). Donc, cette semaine, Marianne et Le Point annoncent concomitamment en « une » la mauvaise « nouvelle », si on peut employer ce terme s’agissant d’un « marronnier », ce qui, dans le jargon du métier, désigne un sujet rabâché. « Main basse sur les médias », annonce l’hebdo fondé par Jean-François Kahn à qui il faut au moins reconnaître sur ce sujet une rare constance. « Sarkozy contrôle-t-il les médias », s’interroge Le Point qui affiche plein pot la radieuse Laurence Ferrari, laquelle a fait cette semaine son entrée dans la cour des grands et figurera donc désormais parmi les people bénéficiant à vie des bontés de Photoshop. Comme Claire Chazal, elle a trente-cinq ans pour l’éternité, la veinarde[1. Je dois avouer que moi, je l’aime bien la Lolo ; je l’ai croisée une fois dans une émission d’Ardisson au milieu de quelques tristes sires de la télé et il faut dire qu’elle sortait du lot. Bon, elle sait ce qu’elle veut et ce qu’elle veut n’est pas forcément génial, mais elle en a.]. Le plus rigolo est que ceux qui s’émerveillaient hier de l’impertinence de la dame parce qu’elle avait eu le « courage » de dire à Nicolas Sarkozy qu’il était candidat à la présidence de la République (quel magnifique culot) décrètent aujourd’hui par avance qu’elle sera la voix de son maître, parfois en frôlant le mauvais goût sur un mode plus ou moins subliminal.
Marianne et Le Point ne sont pas seuls sur ce bon coup. Le Monde en remet une louche avec un article intitulé « Sarkozy au cœur des médias ». Et sur i télé, sans s’aviser de l’incohérence logique de son propos, le nouveau patron du Nouvel Observateur s’excuse presque de ne pas avoir consacré sa couverture à cet important sujet. Toutefois, que les lecteurs de l’Obs ne s’énervent pas. Eux aussi ont droit à leur dose de sarkozyne, avec deux articles – également annoncés en « une » – consacrés aux martyrs de la semaine. Car qui dit oppression dit opprimés. Drôles de martyrs, au demeurant : après Alain Genestar, viré de Paris Match pour avoir publié en « une » la photo de l’épouse d’un futur président avec son amant, c’est Patrick Poivre d’Arvor, débarqué du 20 heures de TF1 après trente ans de bons et loyaux services. On ose espérer que ces deux victimes de la répression sarkozyste ne sont pas parties les mains vides – j’aimerais bien, moi, me faire virer de causeur, avec un petit en-cas pour la route (en vrai, non !).
Derrière la disgrâce de ces deux héros de la liberté, se profilerait donc l’ombre de notre omnipotent président. A vrai dire, concernant le premier, l’indignation peut surprendre. Après tout, on a beau être large d’esprit, on est en droit de trouver assez minable la publication d’une photo d’épouse adultère, quand bien même il s’agirait de celle d’un ministre. Genestar livre le récit de son Expulsion (Grasset) dans un petit ouvrage : « Je savais qu’il avait demandé ma tête », écrit-il. Ah ? Comme source, c’est un peu faible, mais admettons. On y apprend aussi qu’il se sent désormais étranger dans ce pays devenu Sarkoland. Bon. Peut-être aurait-il pu s’en rendre compte plus tôt : en réalité, bien avant la présidentielle, la grande période de sarkophilie galopante des journalistes (qui ciraient allègrement les pompes du ministre sans paraître souffrir de sa poigne de fer) a dû plus ou moins coïncider avec le sacerdoce de Genestar à la tête de l’hebdomadaire. Il semble qu’à l’époque, il ne se sentait pas si étranger à cette France qui s’apprêtait à se donner au tyran. Quoi qu’il en soit, Genestar est un ingrat : après quarante ans de métier au service de la political correctness, le voilà qui tombe en martyr – tout en se défendant de l’être. Elle est pas belle, la vie ?
Mais le camp de la résistance héroïque peut s’enorgueillir d’une prise de guerre autrement plus intéressante. Voilà donc notre national PPDA fêté comme Jean Moulin. Bien sûr, il y a la chute de l’audience de TF1, l’agacement qu’il suscitait chez son patron à faire comme si c’était lui, le patron, sans compter le livre dans lequel quelques-uns de ses camarades, courageux et anonymes, taillaient à l’icône un costard pas très chouette. Ne vous y trompez pas : la véritable raison de l’éviction du meilleur d’entre nous est cette petite phrase sur le caractère impétueux et légèrement infantile du menhir de la politique – le président –, pour laquelle il aurait présenté des excuses. En tout cas, au cours de toutes ces années, il ne s’était pas, lui non plus, avisé de l’amitié qui lie Martin (Bouygues) à Nicolas (Sarkozy). Il n’est jamais trop tard pour apprendre. Depuis qu’il est au courant, on ne la lui fait pas, à PPDA. Le testament qu’il laisse aux journalistes de TF1 est empreint de gravité : il ne reste plus qu’à espérer qu’ils sauront lutter pour leur indépendance maintenant qu’il n’est plus là pour faire barrage de son corps. On en pleurerait. A moins qu’on ne préfère en rigoler.
Coutume irlandaise
De tous les peuples européens, les Irlandais sont certainement les plus fidèles à leurs belles traditions millénaires, comme celle-ci, magnifiquement illustrée par le peintre de Belfast, Flavour O’Connor : embarquer gentiment un ami vers le grand large et lui faire prendre un bain, la tête solidement attachée à une ancre.
Flavour O’Connor, Joyeuse barque d’Irlandais au large de Cork. Huile sur toile, 1726, vieillie en fût de chêne à l’Irish Coffee Museum de Tipperary.
Si j’aurais su, j’aurais pas venu !
Pas de bol pour les organisateurs de la Nuit des Ecoles, qui ont squatté vendredi soir 650 établissements scolaires pour protester contre « les mesures Darcos ». Tout d’abord, la police n’est intervenue nulle part pour déloger les occupants, les privant ainsi de leur droit opposable à la jérémiade sur l’ »ordre sarkozyste ». Mais le pire, ce furent les réjouissances d’après-dîner : partout en France, à 20 h 30 pile, les milliers d’écoliers réquisitionnés pour l’opération se sont retrouvés devant TF1 pour assister à la victoire des Bleus. Inutile de préciser que deux heures plus tard, nos jeunes militants-malgré-eux étaient à peu près aussi confiants dans l’avenir qu’un militant FSU lambda.
Auteurs sans droits ?
Yvette Horner et les Daft Punk réunis autour d’une coupe de champagne, c’est le petit miracle opéré par la Sacem qui a eu la bonne idée d’honorer simultanément ses nouveaux « sociétaires définitifs » et ceux qui avaient acquis ce statut envié depuis 50 ans déjà. De fait, les auteurs et compositeurs auront besoin de surmonter leurs différences s’ils veulent pouvoir se faire entendre sur un dossier moins médiatisé que le téléchargement illégal, mais beaucoup plus pathogène: l’ouverture annoncée par Bruxelles du secteur des droits d’auteurs à la sacro-sainte concurrence.
France-Pays Bas : de la lettre au pied
Avant le match contre les Pays-Bas, Raymond Domenech n’a pas jugé utile de lire la lettre de Guy Môquet à ses joueurs. On connaît le résultat.
Avis de non-tempête dans le désert
Nous ne lisons pas tous les jours la presse koweitienne. Difficile donc de faire comme si nous n’avions pas chipé sur le site du Courrier International l’info alarmante qui suit : des princes de la famille royale intrigueraient dans l’ombre (rare là-bas) pour supprimer les micro-libertés que la Constitution octroie à leurs féaux. Il semblerait même que les comploteurs ne soient pas plus attachés que ça à l’idée même de Constitution. Ce qui ne manque pas de m’inquiéter : les mêmes causes produisant les mêmes effets, en cas de disparitions des libertés au Koweit, le Monde Libre déclenchera automatiquement une nouvelle guerre pour les rétablir… Si mon raisonnement pêchait quelque part, n’hésitez pas à me le signaler.
Roses-bruns
Si la presse parisienne a abondamment conspué la « coalition hétéroclite » victorieuse en Irlande, elle s’est montrée beaucoup plus discrète sur l’étonnante alliance passée cette semaine entre le Premier ministre britannique, Gordon Brown et les extrémistes protestants nord-irlandais du Democratic Unionist Party. Sans craindre de diffamer, on peut dire que le DUP et son leader historique, le pasteur Ian Paisley, n’ont pas grand chose à envier au FN et à Le Pen, y compris en matière d’antisémitisme. Pas bégueule, le New Labor leur a fait mille mamours pour faire passer de concert aux Communes une nouvelle loi d’exception anti-terroriste, dont le vote avait été rendu impossible par de nombreuses défections chez les députés de la gauche travailliste…
Quatre garçons dans le vent
Avis aux jeunes chômeurs : un poste d’avenir se dégage en septembre ! Celui de président des « Jeunes Pop » (branche acnéïque de l’UMP[1. Le scoop je le dois, ainsi que les guillemets, à Arnaud Folch, Valeurs Actuelles, 23 mai 2008.]). Dépêchez-vous quand même : il y a déjà quatre candidats. Laissez-moi vous les présenter – par ordre alphabétique, pour n’être pas soupçonné de favoritisme.
Franck Allisio pense (pardon, dit) tout et le contraire : 1) « La droite ne doit pas avoir honte de ses valeurs » ; 2) « Elle a le devoir d’aller vers des idées nouvelles en suivant l’évolution de la société. » En bref, « accompagner le changement », comme Giscard ; et sans savoir précisément où on va, comme d’hab’.
Et puis il y a Mathieu Guillemin, dauphin officiel du précédent « Mister Jeune Pop », brusquement atteint par la limite d’âge dans la fleur du même métal. Mathieu au moins affiche la couleur : n’est-il pas membre actif de Gay Lib, branche armée homo de l’UMP ? Du coup il n’a rien à prouver, et c’est son concurrent, Benjamin Lancar, responsables des « Jeunes Pop » dans les Grandes écoles, qui doit s’y coller.
Le 31 mai dernier donc, pour montrer qu’il n’était pas en reste question « libéralisme sociétal » (au sens delanoïste du terme), l’ami Benjamin a organisé rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie[2. A deux pas du Central, pour les connaisseurs.], entre jeunes umpistes, un débat participatif (au sens royaliste du terme), genre : « Homoparentalité: pour ou con[3. En revanche, rien sur l’after dans le flyer ! C’est aussi ça, la droite…] ? »
Les seuls qui aient accepté, un peu à reculons, de jouer les méchants, c’est les jeunes boutinistes du FRS (?!). Mais il est vrai que ces gens-là n’ont guère à perdre…
Reste David-Xavier Weiss, chouchou des médias et accessoirement chef de cabinet de Roger Karoutchi, qui arrive à dire sans rire : « Je veux être un responsable à l’image de la France, celle des skyblogs et de Radio FG. »
Alors, que choisir : Franck, Mathieu, Benjamin ou David-Xavier ? Qu’importe ? De toute façon, c’est Nicolas Sarkozy qui désignera démocratiquement l’heureux « élu » à la rentrée… A dire vrai ça m’arrange, parce que la nuance m’échappe un peu ; non pas entre les prénoms, mais entre les programmes. Même sur dépliants, je n’arriverais pas à départager ces quatre garçons dans le vent. Il faut dire aussi, à ma décharge, que je suis de moins en moins jeune et que je n’ai jamais été UMP, sans me vanter.
Pourquoi tant de bruit plutôt que rien ?
Heureux pays que la France où tout a une fête, même la philosophie. La sienne, c’est le jour de l’incontournable « bac philo ». Ce jour-là qu’il pleuve, qu’il vente, que la bourse dévisse ou que le pétrole monte, c’est sur la philosophie ou plutôt sur l’épreuve de philosophie du baccalauréat – ce qui, on le verra, n’est pas tout à fait la même chose – que se penche une grande partie des forces vives de l’intelligence médiatique nationale.
Qui dit fête, dit rituel. D’abord l’énoncé des sujets sur lesquels les têtes blondes (et brunes et rousses, etc. ne vexons personne, ou plutôt ne laissons pas la langue française et ses vieilles expressions vexer quiconque) ont dû composer. Une fois les épreuves terminées, des essaims de journalistes attendent les candidats à la sortie des salles d’examen pour leur demander quel sujet ils ont choisi et comment ils s’en sont sorti, i.e. ce qu’ils ont fait et s’ils pensent que c’est ce qu’il fallait faire. Question idiote s’il en est. S’ils avaient pensé qu’il fallait autrement, il y a fort à penser qu’ils eussent fait autrement ! Enfin, des spécialistes sont conviés sur les plateaux de télévision et derrière les microphones des antennes de radiodiffusion pour analyser les sujets, prévenir des pièges et faire croire à tout ce petit monde anxieux et suspendu à leurs lèvres qu’il y avait une copie type qui « avait bon », tout le reste étant faux.
Parfois, l’audace conduit les médias les plus en pointe à inviter un renégat, souvent M. Onfray, qui vient dire tout le mal qu’il pense du baccalauréat, de la philosophie scolaire (qu’il dut fort mal enseigner à en juger par le nombre de bêtises historiques et doctrinales qu’il débite dans ses livres et dans ses cours et par l’image caricaturale qu’il en peint) au grand ravissement des puissances hôtesses de la manifestation. Rituel immuable donc, orné de fioritures très ragoûtantes, telles que l’avis du chanteur présent sur le plateau, celui du présentateur météo, sans oublier, bien sûr, la clausule ironico-distante de l’auteur du petit reportage.
Devons-nous nous réjouir de cette grand-messe, nous autres professeurs de philosophie ? Ne jouissons-nous pas d’un privilège immense au regard de nos collègues des autres disciplines dont on ne connaît jamais les sujets ? Qui se souvient d’avoir jamais entendu l’avis de quiconque sur les sujets d’économie, d’histoire, de mathématique, de physique, d’éducation physique et sportive… ? A peine connaît-on les sujets de français, et encore, il faut un scandale, comme lorsqu’on donna à commenter la chanson de Pierre Perret Lili ?
Pourquoi ne nous réjouissons-nous pas d’un tel privilège ? Pourquoi ne sommes-nous pas heureux le jour de notre fête ? Pourquoi préférerions-nous être très loin ce jour-là ? Sans doute parce que cette fête est trop pincée, trop gênée, sonne trop faux pour qu’on puisse s’en réjouir. Sa vérité est d’ailleurs sans doute dans les questions qu’on adresse à un Onfray dans l’espoir qu’il fera son numéro, ce qu’il ne manque jamais de faire (l’animal est très docile aux commandements des caméras et des microphones) : son mérite à lui est de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas.
En effet, pour tous, cette épreuve est un archaïsme, une bizarrerie dont on ne comprend pas qu’elle n’ait pas déjà été supprimée. C’est cependant une bizarrerie qui fédère : nul n’a oublié ses mauvais souvenirs de l’épreuve de philosophie du baccalauréat et beaucoup ne pardonnent pas la mauvaise note qu’ils obtinrent sans bien comprendre pourquoi. Les questions tordues auxquelles sont soumis les candidats paraissent à ceux-là une torture à laquelle ils sont contents que d’autres soient soumis. Quitte à avoir souffert, autant que d’autres souffrent à leur tour.
Dans tous les reportages, dans tous les commentaires, ce qui s’entend ce n’est pas un questionnement exigeant ni une interrogation profonde, mais un bavardage où ne perce qu’une chose : la haine sourde de la philosophie.
Percent l’incompréhension de la survivance de l’épreuve et de la discipline elle-même (réputée inutile par les élèves, les parents et un grand nombre de collègues), l’incompréhension des questions posées et une certaine animosité contre ce souci de comprendre, d’expliquer et d’interroger qui fait tant défaut aux journalistes, aux professeurs, aux dirigeants politiques, aux syndicalistes, aux dirigeants d’entreprise et à tous les autres, prisonniers qu’ils sont souvent de l’image qu’ils ont de leur fonction et de leur image tout court.
La preuve de cette animosité parfois mêlée d’une certaine fascination, c’est le besoin éprouvé par toute personne à qui vous annoncez votre profession de vous raconter son année de terminale, de vous apprendre sa note en philosophie au baccalauréat quand elle ne vous inflige pas, parfois des années après, le contenu de sa copie. Je ne sache pas que les professeurs de mathématique aient droit à de tels détails, que les avocats aient à subir les confessions des anciens étudiants en droit ni que les écrivains subissent les souvenirs de CP de leurs lecteurs.
Nous autres, professeurs de philosophie, avons souvent l’impression d’être face à des anciens élèves. Le jour du « bac philo », c’est la France entière qui se souvient émue, anxieuse et parfois rageuse, qu’elle dut en passer par des épreuves pour sortir de l’enfance. Ce faisant, redevenue élève, elle bavarde au lieu de penser. Aussi mériterait-elle le coin, comme les enfants pas sages.
Ah, les encurés !
Etes-vous favorable au mariage des prêtres ? Oui, s’ils s’aiment. C’est certainement ce que l’honorable révérend Dudley a pensé en acceptant de célébrer hier, comme nous l’apprend le Sunday Telegraph, le mariage de deux de ses collègues, les révérends Peter Cowell et David Lord : « As David and Jonathan’s souls were knit together, so these men may surely perform and keep the vow and covenant betwixt them made. » Vive émotion chez les conservateurs aussi bien que les libéraux anglicans. Passe encore la gaypride, mais pas les gaypriests !
Sarkozy et les médias : tous contre seul !
La main de Sarkozy dans la culotte de ma sœur. Que ma sœur et les lecteurs me pardonnent cette innocente ironie, mais ces jours-ci c’est un peu la ligne de nos plus estimables journaux (en particulier de ceux pour qui j’ai l’honneur de travailler : pas de chance). Donc, cette semaine, Marianne et Le Point annoncent concomitamment en « une » la mauvaise « nouvelle », si on peut employer ce terme s’agissant d’un « marronnier », ce qui, dans le jargon du métier, désigne un sujet rabâché. « Main basse sur les médias », annonce l’hebdo fondé par Jean-François Kahn à qui il faut au moins reconnaître sur ce sujet une rare constance. « Sarkozy contrôle-t-il les médias », s’interroge Le Point qui affiche plein pot la radieuse Laurence Ferrari, laquelle a fait cette semaine son entrée dans la cour des grands et figurera donc désormais parmi les people bénéficiant à vie des bontés de Photoshop. Comme Claire Chazal, elle a trente-cinq ans pour l’éternité, la veinarde[1. Je dois avouer que moi, je l’aime bien la Lolo ; je l’ai croisée une fois dans une émission d’Ardisson au milieu de quelques tristes sires de la télé et il faut dire qu’elle sortait du lot. Bon, elle sait ce qu’elle veut et ce qu’elle veut n’est pas forcément génial, mais elle en a.]. Le plus rigolo est que ceux qui s’émerveillaient hier de l’impertinence de la dame parce qu’elle avait eu le « courage » de dire à Nicolas Sarkozy qu’il était candidat à la présidence de la République (quel magnifique culot) décrètent aujourd’hui par avance qu’elle sera la voix de son maître, parfois en frôlant le mauvais goût sur un mode plus ou moins subliminal.
Marianne et Le Point ne sont pas seuls sur ce bon coup. Le Monde en remet une louche avec un article intitulé « Sarkozy au cœur des médias ». Et sur i télé, sans s’aviser de l’incohérence logique de son propos, le nouveau patron du Nouvel Observateur s’excuse presque de ne pas avoir consacré sa couverture à cet important sujet. Toutefois, que les lecteurs de l’Obs ne s’énervent pas. Eux aussi ont droit à leur dose de sarkozyne, avec deux articles – également annoncés en « une » – consacrés aux martyrs de la semaine. Car qui dit oppression dit opprimés. Drôles de martyrs, au demeurant : après Alain Genestar, viré de Paris Match pour avoir publié en « une » la photo de l’épouse d’un futur président avec son amant, c’est Patrick Poivre d’Arvor, débarqué du 20 heures de TF1 après trente ans de bons et loyaux services. On ose espérer que ces deux victimes de la répression sarkozyste ne sont pas parties les mains vides – j’aimerais bien, moi, me faire virer de causeur, avec un petit en-cas pour la route (en vrai, non !).
Derrière la disgrâce de ces deux héros de la liberté, se profilerait donc l’ombre de notre omnipotent président. A vrai dire, concernant le premier, l’indignation peut surprendre. Après tout, on a beau être large d’esprit, on est en droit de trouver assez minable la publication d’une photo d’épouse adultère, quand bien même il s’agirait de celle d’un ministre. Genestar livre le récit de son Expulsion (Grasset) dans un petit ouvrage : « Je savais qu’il avait demandé ma tête », écrit-il. Ah ? Comme source, c’est un peu faible, mais admettons. On y apprend aussi qu’il se sent désormais étranger dans ce pays devenu Sarkoland. Bon. Peut-être aurait-il pu s’en rendre compte plus tôt : en réalité, bien avant la présidentielle, la grande période de sarkophilie galopante des journalistes (qui ciraient allègrement les pompes du ministre sans paraître souffrir de sa poigne de fer) a dû plus ou moins coïncider avec le sacerdoce de Genestar à la tête de l’hebdomadaire. Il semble qu’à l’époque, il ne se sentait pas si étranger à cette France qui s’apprêtait à se donner au tyran. Quoi qu’il en soit, Genestar est un ingrat : après quarante ans de métier au service de la political correctness, le voilà qui tombe en martyr – tout en se défendant de l’être. Elle est pas belle, la vie ?
Mais le camp de la résistance héroïque peut s’enorgueillir d’une prise de guerre autrement plus intéressante. Voilà donc notre national PPDA fêté comme Jean Moulin. Bien sûr, il y a la chute de l’audience de TF1, l’agacement qu’il suscitait chez son patron à faire comme si c’était lui, le patron, sans compter le livre dans lequel quelques-uns de ses camarades, courageux et anonymes, taillaient à l’icône un costard pas très chouette. Ne vous y trompez pas : la véritable raison de l’éviction du meilleur d’entre nous est cette petite phrase sur le caractère impétueux et légèrement infantile du menhir de la politique – le président –, pour laquelle il aurait présenté des excuses. En tout cas, au cours de toutes ces années, il ne s’était pas, lui non plus, avisé de l’amitié qui lie Martin (Bouygues) à Nicolas (Sarkozy). Il n’est jamais trop tard pour apprendre. Depuis qu’il est au courant, on ne la lui fait pas, à PPDA. Le testament qu’il laisse aux journalistes de TF1 est empreint de gravité : il ne reste plus qu’à espérer qu’ils sauront lutter pour leur indépendance maintenant qu’il n’est plus là pour faire barrage de son corps. On en pleurerait. A moins qu’on ne préfère en rigoler.
Coutume irlandaise
De tous les peuples européens, les Irlandais sont certainement les plus fidèles à leurs belles traditions millénaires, comme celle-ci, magnifiquement illustrée par le peintre de Belfast, Flavour O’Connor : embarquer gentiment un ami vers le grand large et lui faire prendre un bain, la tête solidement attachée à une ancre.
Flavour O’Connor, Joyeuse barque d’Irlandais au large de Cork. Huile sur toile, 1726, vieillie en fût de chêne à l’Irish Coffee Museum de Tipperary.
Si j’aurais su, j’aurais pas venu !
Pas de bol pour les organisateurs de la Nuit des Ecoles, qui ont squatté vendredi soir 650 établissements scolaires pour protester contre « les mesures Darcos ». Tout d’abord, la police n’est intervenue nulle part pour déloger les occupants, les privant ainsi de leur droit opposable à la jérémiade sur l’ »ordre sarkozyste ». Mais le pire, ce furent les réjouissances d’après-dîner : partout en France, à 20 h 30 pile, les milliers d’écoliers réquisitionnés pour l’opération se sont retrouvés devant TF1 pour assister à la victoire des Bleus. Inutile de préciser que deux heures plus tard, nos jeunes militants-malgré-eux étaient à peu près aussi confiants dans l’avenir qu’un militant FSU lambda.
Auteurs sans droits ?
Yvette Horner et les Daft Punk réunis autour d’une coupe de champagne, c’est le petit miracle opéré par la Sacem qui a eu la bonne idée d’honorer simultanément ses nouveaux « sociétaires définitifs » et ceux qui avaient acquis ce statut envié depuis 50 ans déjà. De fait, les auteurs et compositeurs auront besoin de surmonter leurs différences s’ils veulent pouvoir se faire entendre sur un dossier moins médiatisé que le téléchargement illégal, mais beaucoup plus pathogène: l’ouverture annoncée par Bruxelles du secteur des droits d’auteurs à la sacro-sainte concurrence.
France-Pays Bas : de la lettre au pied
Avant le match contre les Pays-Bas, Raymond Domenech n’a pas jugé utile de lire la lettre de Guy Môquet à ses joueurs. On connaît le résultat.
Avis de non-tempête dans le désert
Nous ne lisons pas tous les jours la presse koweitienne. Difficile donc de faire comme si nous n’avions pas chipé sur le site du Courrier International l’info alarmante qui suit : des princes de la famille royale intrigueraient dans l’ombre (rare là-bas) pour supprimer les micro-libertés que la Constitution octroie à leurs féaux. Il semblerait même que les comploteurs ne soient pas plus attachés que ça à l’idée même de Constitution. Ce qui ne manque pas de m’inquiéter : les mêmes causes produisant les mêmes effets, en cas de disparitions des libertés au Koweit, le Monde Libre déclenchera automatiquement une nouvelle guerre pour les rétablir… Si mon raisonnement pêchait quelque part, n’hésitez pas à me le signaler.