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Glaçante Dominique Reymond

Dominique Reymond est saisissante dans le rôle d’une meurtrière incapable d’expliquer son crime. « L’Amante anglaise », de Marguerite Duras, au théâtre de l’Odéon.


Une mise en scène d’une rigueur toute janséniste ; une direction d’acteurs aussi fouillée qu’elle est épurée ; des interprètes remarquables s’interdisant tout effet convenu, pour toucher à la perfection… User après cela de superlatifs pour louer cette production de L’Amante anglaise de Marguerite Duras apparaîtrait parfaitement déplacé. Et pourtant ! Cette réalisation d’Emilie Charriot servie par des acteurs comme Nicolas Bouchaud, l’Interrogateur, Laurent Poitrenaux, le mari, Dominique Reymond, la meurtrière, justifierait bien des exclamations, sinon des dithyrambes. 

« Je l’ai sorti de son cercueil »

On sait que pour écrire L’Amante anglaise, Duras s’était inspirée d’un sombre drame survenu dans l’immédiat après-guerre,  rue de la Paix, à Savigny-sur-Orge, en Ile-de-France. Une femme, Amélie Rabilloud, dont le seul nom révèle tout un monde, avait subitement  assassiné son époux, un ancien adjudant, après des années de vie étriquée et de violences, l’avait dépecé et, nuit après nuit, s’était débarrassée des tronçons du cadavre en les lançant notamment du haut d’un viaduc voisin sur des trains de marchandises qui circulaient en contrebas. Ce qui permit au cadavre de se voir éparpillé avec beaucoup de fantaisie aux quatre coins de la France.

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Dans la pièce de Duras, c’est sa cousine germaine, grosse fille bonne vivante qui assumait les fonctions ménagères de la demeure du couple, que Claire Lannes, la meurtrière, a tuée et découpée en morceaux, alors que son mari, Pierre Lannes, ne soupçonnera rien de ce crime avant que la police ne vienne arrêter son épouse.

« Mais pourquoi tue-t-elle sa cousine, sourde et muette, dans votre histoire ? », demandera-t-on à Marguerite Duras lors d’un entretien publié en décembre 1968.

« Parce que je voulais savoir qui était le mari et avoir son témoignage sur sa femme. Je l’ai sorti de son cercueil pour qu’il soit entendu de tous, une fois dans sa vie. Il était aussi sourd et muet que la victime : c’est la petite bourgeoisie française, morte vive dès qu’elle est en âge de « penser », tuée par l’héritage ancestral du formalisme ».

Un meurtre inexplicable

La pièce se réduit à deux interrogatoires successifs. Celui du mari tout d’abord qui tente d’expliquer la psychologie de sa femme, le désastre de sa vie conjugale dont il ne mesure pas la portée, et son propre aveuglement.  Celui de la coupable ensuite,  mené lui aussi par l’Interrogateur qui n’est jamais que le double de l’écrivaine. Duras avait parfois rempli cette même tâche d’enquêteur lorsqu’elle rendait compte pour des journaux de crimes particulièrement horribles…  avant de se couvrir de ridicule et d’indignité au moment de l’Affaire Gregory en désignant comme coupable la mère de l’enfant noyé.      

Cherchant à comprendre ce qui a pu conduire au meurtre  inexplicable de la malheureuse cousine, quand celle qui a tué ne parvient pas elle-même à se l’expliquer, Duras tente de cerner la psyché de cette dernière en lui prêtant des propos d’une intensité inouïe comme d’une parfaite banalité, en s’abîmant dans des questions qui souvent demeurent sans réponses convaincantes. Et dévoile avec une accablante véracité le cheminement mental de gens terriblement ordinaires.

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Dans le rôle de l’Interrogateur, Nicolas Bouchaud est sur scène du début à la fin de la pièce, alors que Laurent Poitrenaux et Dominique Reymond, questionnées tour à tour durant une heure chacun ne se la partagent donc que la moitié du temps.

Mais c’est lui peut-être qui endosse le rôle le moins difficile, car, aussi inquisiteur qu’il soit, il demeure toujours dans une certaine neutralité prudente, assumée sans ciller de bout en bout.

Dans le rôle du mari, Laurent Poitrenaux est étonnant d’authenticité. Il n’est pas un seul instant un acteur jouant un personnage tant il est juste dans le registre de  médiocrité très ordinaire d’un Pierre Lannes.

Sidérante, presqu’effrayante

Ce ne sera pas faire injure à deux excellents interprètes que de voir en Dominique Reymond la figure la plus exceptionnelle de cette distribution. Succédant dans ce rôle de Claire Lannes à Madeleine Renaud et à Suzanne Flon, la comédienne n’apparaît pas comme habitant son personnage. Elle est plutôt envahie, phagocytée par lui. Elle s’efface si absolument derrière la figure de cette meurtrière sans doute à demi-folle qu’elle en devient sidérante, presqu’effrayante. Avec une aisance qui déconcerte et un vraisemblable plaisir à exister enfin, mais aussi une forme d’habileté dans l’esquive, Claire Lannes répond sans état d’âme apparent aux questions qu’on lui pose. Elle offre même une candeur, une simplicité dans le crime qui vous plongent dans la plus grande perplexité. Ses regards fuyants, ses sourires malicieux sont de ceux qu’on peut surprendre chez les imbéciles, mais qui font qu’on doute brusquement de leur imbécillité. Elle dont le mari dévoile qu’elle n’a jamais ouvert un livre, elle qui écrit « la mante en glaise » pour évoquer la menthe anglaise s’épanouissant dans ce jardin qui est son seul refuge, a cependant de surprenantes lueurs d’intelligence et de lucidité.  Est-ce le fait que Dominique Reymond, parallèlement à sa vie d’actrice, s’adonne avec un art pénétrant et d’un trait plein de caractère à la peinture de portraits ?  La mobilité maîtrisée de son visage, la justesse de ses expressions les plus torves, ou tout au contraire un masque subitement figé, traduisent un travail d’observation époustouflant.  Au fur et à mesure, on se persuade que Claire Lannes est assurément folle, mais de cette folie impalpable, insoupçonnable, qui peut néanmoins conduire à des actes insensés. On comprend aussi qu’elle a un jour si brutalement souffert que son âme de primaire s’est subitement desséchée et qu’elle est également une victime.  Tout cela, Dominique Reymond ne fait que le suggérer par petites touches  éloquentes, venimeuses ou glaçantes, qui sont du très grand art. Elle est simplement prodigieuse.


L’Amante anglaise, de Marguerite Duras. Jusqu’au 13 avril 2025.

Théâtre de l’Odéon, Ateliers Berthier ; 01 44 85 40 40

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Instruire et éduquer pour désendoctriner

Interviewé par Elisabeth Lévy dans le dernier numéro de Causeur1, Michaël Prazan, spécialiste des mouvements radicaux, note avec pertinence que l’islamisme progresse partout où l’éducation régresse. L’idée a séduit apparemment notre chroniqueur, à qui rien de ce qu’est l’École n’est étranger.


Dans un livre très récent, La Vérité sur le Hamas et ses idiots utiles, Michaël Prazan analyse la sidérante perversion qui a permis l’infiltration des partis de gauche et des bastions de la République par les Frères musulmans et leurs séides. Il a par ailleurs raconté cela fort bien dans une interview-fleuve éclairante.

La crise de l’instruction rend service au radicalisme musulman

Le pédagogisme, cet enseignement de l’ignorance, a dégagé des temps de cerveau pour le fanatisme. Partout où l’on n’instruit plus, les croyances les plus absurdes prennent le relais du savoir. C’est ainsi que pour 25 % des élèves, la Terre est plate et que les femmes ne toucheront pas plus d’un tiers de l’héritage paternel — et à condition qu’elles obéissent à leurs maris et se voilent afin d’exciter la juste concupiscence des hommes…

Que des enseignants, qui pour leur majorité votent à gauche, voire à l’extrême-gauche, consentent à mettre la pédale douce sur les savoirs les mieux constitués en consacrant beaucoup de temps à demander leur avis à des enfants ou des adolescents dont les convictions se sont formées dans le cercle familial, la « communauté » et les ghettos où ils habitent est une faute, et peut-être un crime. Une faute contre l’esprit — et en l’espèce, un crime contre la nation. Que des inspecteurs sanctifient cette pédagogie de la misère, qui témoigne d’une misère de la pédagogie, est une déviation majeure que seule une rapide radiation des cadres peut enrayer. Au bourrage de crâne des écoles coraniques doit répondre une instruction basée sur la science et la culture.

La culture ne peut pas être woke

Quelle culture ? se demanderont les imbéciles. Rappelons à ces gens « de gauche » ce que disait Marx : tant que le prolétariat n’a pas pris le pouvoir, il n’y a pas d’autre culture que la culture bourgeoise.

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Bourgeoise, et blanche — je n’y suis pour rien, c’est la couleur de peau dominante du monde occidental. Et « dégenrée », pour parler la langue des minorités les plus revendicatrices, qui crient fort pour ne pas s’entendre, ne pas penser. La culture n’a pas de sexe, contrairement à ce qu’affirment ceux (et non pas « celles et ceux », complaisance stupide aux modes régressives) qui répètent sans la comprendre la formule célèbre de Beauvoir, « on ne naît pas femme, on le devient » : le mélange de considérations sociologiques et physiologiques est d’une inconséquence absurde. On ne lutte pas contre l’invisibilisation des femmes — qui est un fait, parce que les rapports entre les sexes sont depuis l’origine des rapports de guerre, et que les féministes en ce moment mènent l’assaut — en proclamant la dictature du « e féminisant ». Ni en corrigeant « Droits de l’homme » (du latin homo, l’être humain sans distinction de sexe) en « droits humains » — sans parler de l’aberration « droits de la femme et de la citoyenne » qui mena Olympe de Gouges sur l’échafaud.

La culture est faite de références littéraires, artistiques, langagières. C’est en dominant le vocabulaire des pouvoirs en place que l’on se fraie un chemin pour remplacer avec de vrais talents les élites auto-proclamées qui se perpétuent au gré d’un système scolaire à leur solde.

Lire, écrire, compter

Ce que les enseignants « de gauche » ne comprennent pas, c’est qu’en obéissant aux diktats de Philippe Meirieu et de ses épigones, ils font objectivement le lit du non-renouvellement des élites. Peut-être parce qu’ils croient ainsi protéger leur progéniture — qui ne sera jamais reconnue comme méritoire, sinon pour des emplois subalternes où, comme leurs parents, elle servira les intérêts de ceux qui les auront mis en place. À chaque enseignant « de gauche », demandez systématiquement où ont été inscrits leurs enfants. Et où vont majoritairement leurs élèves.

Les enfants des croyants incultes, eux, vont à l’école du fanatisme.

Ne pas en conclure que les chefs des Frères musulmans, eux, appartiennent à cette sous-catégorie dont l’inculture est le gardien de leur foi. Ce sont des gens très intelligents, parfaitement informés, qui ont fort bien assimilé les codes de notre société, et portent le fer là où les incertitudes idéologiques, voire la trahison des « élites », leur permet de le faire.

À lire aussi : Quand l’imposture « antiraciste » attise la haine de la France

Lorsque des élus de la République — Elisabeth Borne en tête — se prononcent pour la non-interdiction des tenues islamistes dans le sport, ils participent à cet assaut insidieux (mais de plus en plus visibles) contre les institutions les plus fragilisées de la République. L’École a été depuis longtemps analysée par les Fréristes comme le maillon le plus faible du système républicain — alors qu’à l’origine, elle en était le fer de lance. Que des soi-disant « pédagogues » se soient prêtés à l’introduction dans la Cité du cheval de Troie islamiste en dit long sur leurs repères, leurs convictions profondes et leur complicité de fait. Qu’ils votent LFI ou plus généralement à gauche prouve assez que nous vivons dans un monde orwellien, où « gauche » signifie désormais « extrême-droite », tout comme l’antisionisme est le faux museau de l’antisémitisme le plus décomplexé.

Seule l’instruction obligatoire, selon les principes de la IIIe République, mettant l’accent sur le lire / écrire / compter, sur l’Histoire réelle et non fantasmée, sur des sciences dures et non mahométanes, peut contrarier la mainmise du fanatisme sur notre École — et, à terme, sur la République tout entière.


Michaël Prazan, La Vérité sur le Hamas et ses idiots utiles, L’Observatoire, 2025, 200 p.

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  1. https://www.causeur.fr/michael-prazan-la-verite-sur-le-hamas-et-ses-idiots-utiles-305721 ↩︎

Chahinez Daoud brûlée vive: le procès de son bourreau

En  2021, Chahinez Daoud, 31 ans, est brûlée vive par son mari, Mounir B., après des années de violences conjugales. Malgré ses plaintes et les condamnations antérieures de son agresseur, la police et la justice n’ont pas empêché ce drame, révélant des défaillances institutionnelles majeures. Mais le procès de Mounir B. interroge aussi l’influence de certaines mentalités culturelles favorisant la possession et le contrôle des femmes, un sujet sensible et toujours éludé par crainte d’accusations de racisme.


Le 4 mai 2021, Chahinez Daoud, jeune femme de 31 ans, mère de trois enfants, meurt brûlée vive sur le trottoir d’une rue de Mérignac (Gironde), assassinée de sang froid par son mari, Mounir B. Celui-ci lui a préalablement tiré une balle dans chaque cuisse.

En fait, ce paroxysme dans l’horreur n’est que l’aboutissement d’un long martyre au quotidien.

Chahinez est originaire de Ain Tala, en Algérie, cité proche d’Alger. À dix-sept ans elle est mariée une première fois. Deux enfants naîtront de cette union. Elle a vingt ans lorsque le divorce est prononcé. Elle est alors employée dans une crèche municipale. En 2015, elle rencontre Mounir B, maçon de son état. Originaire du même endroit, il vit en France depuis 1999. Ils se marient en Algérie quelques mois plus tard, puis viennent s’installer en France, à Mérignac où Chahinez donne le jour à son troisième enfant, un garçon.

C’est alors que commence pour elle le long cauchemar d’un quotidien invivable. Son mariage est une prison. Son mari exerce sur elle un contrôle permanent, l’assignant à résidence en dehors de quelques brèves prestations à la cantine de l’école ou dans les services hospitaliers. Elle gagne alors un maigre argent dont, d’ailleurs, elle ne voit pas la couleur, Mounir s’appropriant ses gains, ainsi que le montant des prestations sociales. Toutefois, un jour, se lâchant, elle s’offre un jean slim. Fureur de Mounir qui l’accuse de « s’habiller comme une pute » et tente de l’étrangler. Elle en sort le larynx écrasé à 75%. Le mari prend – pour ce qui pourrait sembler être tout de même une tentative de meurtre – dix-huit mois de prison dont neuf avec sursis. Derrière les barreaux, il continue de harceler la malheureuse, au téléphone, d’exercer sur elle un contrôle permanent. Néanmoins, et malgré ces faits, il bénéficie d’une remise en liberté anticipée,   assortie toutefois de la fameuse et si souvent illusoire obligation de soins et d’une interdiction d’entrer en contact avec sa femme, interdiction que, bien entendu, il ne respectera pas.

Le cauchemar reprend donc de plus belle. Séquestration dans une camionnette, tentative de strangulation avec un foulard. Chahinez porte de nouveau plainte. Cruel manque de chance, le policier qui la reçoit a été lui-même condamné pour violences conjugales. On ne peut donc en attendre un zèle particulièrement exemplaire pour traiter ce genre de méfaits. Et bien sûr, le harcèlement continue. Entre autres violences, Mounir aurait menacé la mère de son fils de la « renvoyer au bled dans un cercueil ».

D’après les parents de la jeune femme, la citation à comparaître pour la procédure de divorce qu’il reçoit aurait précipité le passage à l’acte. On connaît la suite, le drame, dans toute son horreur. Chahinez qui meurt brûlée vive sur un trottoir…

Et, depuis ce lundi, voici venu le temps du procès du bourreau. Procès derrière lequel s’en profile un autre dont on peut se demander dans quelle mesure il n’a pas pour utilité, dans une certaine mesure, de faire diversion. Le procès de l’État avec en accusée vedette la police.

Il est indéniable que des manquements, un défaut de réactivité, une absence réelle de prise en considération des alertes répétées sont à porter au passif des structures juridico-policières qui ont eu à connaître du calvaire vécu par la victime. D’ailleurs, devant l’horreur du drame, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, a demandé à ce que des réformes sérieuses, importantes, soient mises en place. Donc, redisons-le, la responsabilité des administrations compétentes n’est pas douteuse.

Cela admis, il restera à se poser la question de savoir si, face à la monstruosité de tout « féminicide », certaines approches culturelles de la femme et de son statut ne favorisent pas plus que d’autres le syndrome de son appropriation par le conjoint, le compagnon, cette perversion mentale qu’on retrouve dans la très grande majorité de ces crimes odieux. Dans son esprit, dans sa mentalité, ce n’est pas une femme que Mounir exécute, envoie au bûcher, c’est sa femme, son bien, sa propriété.

Les experts psychiatres diagnostiquent chez lui « une paranoïa centrée sur ses compagnes ». Dès lors, même questionnement : y a-t-il certaines approches culturelles, certains usages et mœurs qui, plus que d’autres, pourraient favoriser l’émergence d’une telle paranoïa ? L’enfermement du corps de la femme dans une prison de voile afin de la soustraire au regard de l’homme, ce mâle supposé être perpétuellement en rut et prêt à bondir sur toute personne du sexe qui lui laisserait voir cinq centimètres carrés de ce corps, ne recèlerait-il pas en germe ce travers paranoïaque débusqué par les experts ?

Peut-être le procès du bourreau pourrait-il, sans faire en aucune manière l’impasse sur les responsabilités d’État, permettre une réflexion sur ces questions ? Si possible, sans qu’on se mette à hurler au racisme à peine aura-t-on esquissé le sujet…

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On n’est pas antisémite quand on n’aime pas Netanyahou!

Intégrera-t-on dans la loi française l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme ?


On n’est pas antisémite quand on n’aime pas Netanyahou. En tout cas, pas forcément. Flotte dans l’air1 parlementaire l’idée que pour combattre l’antisémitisme, il conviendrait de l’assimiler à l’antisionisme et qu’une loi devrait être votée qui ne distinguerait plus les deux mais les envelopperait dans la même transgression pénale. Il me semble que ce serait une grave erreur.

Bas les masques !

Parce que pour certains, l’antisionisme est le masque d’un antisémitisme qui se sert de ce prétexte politique pour s’exprimer, il faudrait constituer cette perversion comme une généralité et interdire le débat, les critiques sur la politique israélienne et Benjamin Netanyahou ? Au sujet duquel, d’ailleurs, je n’ai jamais entendu dire de bien.

Tout au plus qu’il n’avait pas un autre choix depuis la barbarie du 7 octobre 2023, ce qui peut évidemment être discuté ; au moins dans la durée de la défense considérée comme légitime contre le Hamas, à Gaza. Ces derniers jours il passe « en force contre l’appareil d’État et dans la bande de Gaza » analyse Le Monde.

J’ai conscience de définir l’antisionisme sur un mode commun, banal – le plus courant – en considérant qu’il s’agit de la contestation de la politique israélienne et de celle de ses dirigeants alors qu’au sens propre le sionisme défend le droit à l’existence de l’Etat d’Israël quand l’antisionisme le lui dénie.

En demeurant dans l’acception ordinaire, cette aggravation pénale réduirait un espace de liberté d’autant plus à sauvegarder qu’il se rapporte à un problème géopolitique infiniment sensible. Et même quasiment ingérable, malgré l’accord majoritaire sur une solution à deux États.

La question géopolitique la plus sensible ?

Il serait désastreux, selon une démarche malheureusement usuelle, de ne pas trouver contre le poison de l’antisémitisme d’autre riposte que d’interdire une opinion, contestable ou non, en tout cas admissible, sur les faiblesses d’Israël, seule démocratie dans cette région du monde.

D’une certaine manière, il convient à la fois de banaliser ce pays et de protéger partout les juifs contre les agressions verbales et physiques qui se multiplient à leur encontre, sans la moindre honte – comme à Orléans récemment.

Parce qu’on ne parvient pas, malgré les efforts menés, à réduire les actes antisémites, on s’imagine pouvoir aboutir à un résultat plus satisfaisant en alourdissant l’antisémitisme d’une charge sans commune mesure avec lui.

D’autant plus que, contrairement à ce qu’on prétend, il est facile, dès lors que l’on est honnête, de distinguer le bon grain d’une critique politique de l’ivraie de l’antisémitisme. Il suffit de se référer à des éléments extrinsèques qui seront de nature, sans la moindre équivoque, à révéler l’état d’esprit de celui qui s’exprime sur ce sujet.

Quand on affirme que l’antisémitisme est « résiduel » en France comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon, on a le droit de questionner la pureté de ses diatribes politiques sur Israël, accordées de surcroît avec les ambiguïtés sur la définition du Hamas le 7 octobre 2023.

D’autres en revanche ne laissent pas le moindre doute sur la pureté de leurs intentions quand ils émettent des réserves sur Benjamin Netanyahou et sur la stratégie d’Israël. Il serait dramatique, pour la liberté d’expression et l’utilité des débats géopolitiques, d’être inspiré par la fausse bonne conscience de stigmatiser tout de ce qui peut concerner les Juifs, Israël, le Hamas, Gaza et autres sujets dangereux. On ne vaincra jamais les effets délétères de la liberté en réduisant encore davantage la part de celle-ci. Pour ne rien concéder à l’antisémitisme, ignominie morale, il faut sauver le droit à l’antisionisme, contradiction politique.


  1. « Pour que l’antisionisme ne serve plus de prétexte à l’antisémitisme, c’est à la République de protéger les juifs en intégrant dans sa loi l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme. » Tribune collective publiée dans Le Monde le 21 mars 2025 NDLR ↩︎

La vindicte des tricoteuses 2.0 au cœur du procès Depardieu

Le célèbre acteur Gérard Depardieu est jugé depuis hier à Paris pour des agressions sexuelles présumées commises sur deux femmes en 2021. Lors de l’audience, son avocat, Jérémie Assous, a plaidé la nullité de la procédure, soulignant que l’enquête avait été menée exclusivement à charge. L’acteur doit s’exprimer aujourd’hui. « Amélie et Sarah, on vous croit ! » Devant le Palais de Justice et dans les médias, les militantes MeToo, nombreuses et déterminées, dénoncent le caractère systémique des violences sexuelles dans le cinéma français. Pourtant, observe Elisabeth Lévy, ces mêmes militantes semblent bien moins promptes à commenter l’affaire tragique du « féminicide » de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-mari.


J’ai assisté hier au procès de Gérard Depardieu pour agression sexuelle. Je me demande pourquoi. L’acteur n’a jamais été condamné par la justice, mais puisque des dizaines de femmes déclarent dans la presse qu’il est violeur-prédateur, il est déjà condamné à la mort sociale par les médias et les associations. MeToo ne renverse pas la charge de la preuve: avec MeToo, il n’y a plus besoin de preuve. La souffrance des plaignantes suffit. Dire que certaines pourraient mentir ou affabuler, c’est déjà défendre les agresseurs et violeurs.

Un Palais de Justice très couru

Gérard Depardieu est soupçonné d’agressions ou d’atteintes sexuelles supposément commises pendant le tournage des Volets Verts en 2021.

Au Palais de Justice de Paris, c’était l’ambiance des grands jours. Une ambiance assez médiévale, avec des hordes de gens sur le parvis qui attendaient le passage du proscrit… Il y avait plus de monde que pour le procès de Charlie Hebdo.

A lire aussi: Fanny Ardant: «Je n’ai jamais voulu être une victime»

Dans la salle, deux camps se regardent en chiens de faïence. Côté partie civile, on trouve la confrérie des victimes avec le gotha du journalisme MeToo, et notamment Marine Turchi de Mediapart en majesté, citée plusieurs fois par la défense de Depardieu comme le vrai conseil des plaignantes. Anouk Grimbert a été expulsée pour ses réactions intempestives. Il y avait aussi Charlotte Arnoux, qui a porté plainte pour viol (mais, il n’y a pas encore de renvoi). De l’autre côté, les acteurs Vincent Perez et Karine Silla sont venus soutenir la star. Et évidemment Fanny Ardant, impériale, qui a confirmé qu’elle témoignera à la barre ce mardi. Gérard Depardieu semble en forme. Amaigri (il a perdu 26 kg selon son avocat), le visage reposé, il n’a pas fait de pitrerie. Mais, il refuse de se battre la coulpe et de demander pardon. Le comédien profère vraisemblablement des grossièretés à jets continus, mais il nie toute agression.  

Il est plaisant de voir enfin un prévenu qui se défend

Le tribunal en décidera, certes. En attendant, qu’un prévenu se défende, c’est nouveau. Jusque-là, dans les affaires MeToo, nous avions toujours observé des hommes qui s’excusaient d’exister et, même s’ils assuraient n’avoir ni violé ni agressé ni contraint personne, ils se comportaient en coupables. Les plaignantes étaient sanctifiées, nul n’osait les contredire et encore moins les critiquer.

Dans ce procès, l’avocat Jérémie Assous a vraisemblablement une autre stratégie. Imposant son tempo, il a plaidé deux heures à l’appui d’une demande préalable de nullité de la procédure, à la fureur des parties civiles Amélie K. et Sarah (un curieux anonymat). Le président a laissé faire, sans doute parce qu’il a de bons arguments. En l’écoutant, on se dit que l’enquête, dirigée par le Parquet sans juge d’instruction, a été menée exclusivement à charge. D’après Me Assous, Gérard Depardieu aurait été placé en garde à vue sur la simple base d’une accusation. Il demande aussi qu’une vingtaine de participants au tournage du film qui n’ont pas encore été entendus soient auditionnés. Cela semble légitime. Le procès se poursuit aujourd’hui, et Gérard Depardieu va enfin prendre la parole. Mais, en attendant, il faut bien dire que les militantes qui font le pied de grue devant les salles d’audience pour huer Depardieu, Polanski ou Nicolas Bedos font froid dans le dos. Elles m’évoquent les tricoteuses qui allaient aux exécutions pendant la Révolution… Excitées par une célébrité à terre, elles sont pourtant beaucoup moins actives pour défendre la mémoire de Chahinez brûlée vive par le mari qu’elle avait quitté.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin

Le Petit Pape n’en loupe pas une!

« Pie 3,14 », minuscule ecclésiastique, roi des catholiques, personnage créé par le facétieux Boucq, revient pour ses deuxièmes aventures. Cette fois, il doit carrément sauver la terre. Hilarant !


On ne s’en lasse / passe pas ! Pie 3,14, pape haut comme trois pommes, nous comble à nouveau, grâce à ses fendantes pérégrinations. Scénariste et dessinateur, Boucq propose un deuxième (pas un second, car prions pour qu’il y en arrive un troisième) tome, mystérieusement intitulé Le Petit Pape Pie 3,14 arrondit les angles. Il est craquant, le chef suprême des catholiques avec ses vieux airs de Tintin et de Jean-Paul Sartre. De plus, il détient un caractère attachant : toujours prêt à aider les autres (il est vrai que c’est sa mission première), généreux, altruiste, enjoué, positif ; le souci c’est, qu’en voulant bien faire, il n’en loupe pas une ; il accumule les bourdes. Son entourage s’en émeut, et, parfois, se décourage dans le plus grand respect, of course ; fonction oblige !

A lire aussi, du même auteur: Alphonse défonce le chômage

Grossesses cubiques

Parmi ce dernier, Monseigneur Gontrand qui le suit partout et prend soin de lui. C’est une manière de Milou au look de bouledogue US ; un look à la Michel Constantin, immense, oreilles paraboliques, tout en muscles. Faut-il préciser que le duo fait mouche ? Les cardinaux, gras, et rubiconds, les contemplent, tantôt impassibles, tantôt amusés. Cette fois, Pie 3,14 doit sauver le monde, enfin, la terre, notre Terre qui est en train de devenir cubique. Ce n’est pas tout : le carré envahit tout ; les racines des pissenlits sont des racines carrées ; à la pouponnière du Vatican, ça ne va pas fort non plus : les dames enceintes développent, non pas des ventres ronds, mais des grossesses cubiques.

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Il faut réagir vite ; sa sainteté doit arrondir les angles de la terre. Un satellite à l’œil très maçonnique, est utilisé pour surveiller le globe. Les cardinaux ramènent de leur expédition, des racines carrées de pissenlits ; il faut faire appel aux sœurs tricoteuses de la Rédemption pour tenter de s’en débarrasser. Ce ne sera pas une mince affaire.

Cet album est fendard ; quand il est terminé, Boucq nous rend chèvre. À quand le troisième tome ?


Le Petit Pape Pie 3,14 arrondit les angles ; Boucq ; Fluide glacial ; 56 p.

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La une du « Figaro Magazine » et les islamo-énamourés du Belgiquistan


Dans sa dernière livraison, le Figaro Magazine a consacré sa une et un dossier circonstancié au « Belgiquistan ». Comprenez : à l’islamisme qui s’immisce au cœur d’une société belge où le « multiculturalisme heureux », si longtemps vanté par la classe politique, de l’extrême gauche à la droite gouvernementale, a laissé place à un multiconflictualisme marqué par la mainmise de l’islamisme. Pour se convaincre de l’ampleur du phénomène, il ne faut guère s’éloigner du centre-ville pour être confronté à la mérule islamiste qui ronge tous les pans de la capitale belge et européenne.

« Rien de nouveau sous le soleil », me glissait, tel l’Ecclésiaste, un ami après la lecture de l’article. Plus personne n’ignore, en effet, qu’il existe à Bruxelles et ailleurs dans le plat pays une monoéconomie parallèle, certifiée halal et à destination exclusive des islamistes, où les salons de coiffure non mixtes jouxtent des enseignes proposant des livres d’éducation à l’usage des jeunes filles. Il faut ne jamais avoir été en Belgique pour nier les pressions que subissent les professeurs, les policiers ou les opposants politiques. Tout cela n’aurait guère été possible sans l’aval des responsables au pouvoir et de leurs partis, tout heureux de draguer les communautés afin d’en espérer le vote. Sans doute ne leur avait-on pas appris le danger de jouer avec des allumettes. Un parti dont le leader a déclaré que le 7-Octobre était une « petite réponse d’une partie du Hamas” commence déjà lentement à les remplacer sur l’échiquier politique.

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En revanche, la réaction hostile au dossier du Figaro Mag de l’ensemble de la presse traditionnelle en Belgique francophone – les legacy media comme les nomme Elon Musk – est édifiante : en continuant à mettre sous le boisseau la terrible réalité, les journalistes sont soit complices et inféodés, soit aveuglés au nom d’un antiracisme qui leur sert de ligne éditoriale commune. Dans un réflexe pavlovien, ils ont unanimement tiré sur les messagers interrogés par l’hebdomadaire français, soit le responsable d’un nouveau journal de centre-droit, une militante laïque active de longue date ou encore un ancien sénateur régulièrement invité dans les médias français à défaut de l’être encore sur les plateaux en Belgique.

Croyant bon apporter quelque nuance au constat de la gangrène islamiste, RTL Info estime ainsi que « la propagation d’une forme radicale de l’islam, notamment le wahhabisme, dans certaines mosquées et centres islamiques (…) reste minoritaire et ne représente pas l’ensemble de la communauté musulmane. » Pour Frédéric Chardon, journaliste politique à La Libre Belgique, « on ne peut pas dire que l’islam ou l’islamisme imposerait une certaine conception de la société en Belgique. » La preuve selon lui ? « La charia n’est pas appliquée » dans le pays. Doit-on rappeler à ces journalistes que 22 % des « Bruxellois » ont déclaré leur aversion pour les Juifs ? Doit-on leur expliquer qu’un nombre croissant de Belges s’empêchent ou sont empêchés de manger au travail pendant le ramadan ? 

Samedi dernier, Bruxelles célébrait les victimes de l’attentat qui l’a endeuillée il y a neuf ans. Un jour noir, dont je me souviens, comme si c’était hier, entre tristesse, colère et devoir de ne jamais relever la garde face à l’islamisme et à ses soutiens. Cette année, quelques couronnes et quelques tweets de circonstance ont rapidement laissé place à l’indifférence des responsables politiques. Le même jour, ceux-ci étaient heureux de célébrer l’iftar (rupture du jêune) dans une… église de… Molenbeek, dans le cadre de la candidature de la ville au titre de capitale… européenne de la culture en 2030.

Le lendemain, dans les mêmes rues de la capitale, une manifestation « contre le racisme » réunissait la fine fleur de la haine. Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, a compilé les actes antisémites, aux abords notamment du Musée Juif où un attentat a eu lieu en 2014. Mais de cela, les journalistes, à l’abri sous les drapeaux palestiniens, n’ont pas parlé, préférant voir dans la marche une grande parade faite d’amour et de tolérance. C’est ainsi que l’islamisme continue de progresser. En cela, rien de nouveau sous la pluie bruxelloise. 

Quand l’imposture « antiraciste » attise la haine de la France

Samedi dernier dans les rues, beaucoup de manifestants brandissaient fièrement le drapeau de la Palestine, mais on peinait à voir un seul drapeau français… Il n’aurait surtout pas fallu être confondu avec un militant d’«extrême droite»… Et par ailleurs, étant donné les alliances malheureuses lors des dernières législatives, la macronie est-elle si éloignée de ces gauchistes sectaires, se demande Ivan Rioufol?


Choses vues, samedi à Paris, dans la manifestation « contre l’extrême droite » (20 000 personnes) : les « antiracistes » brandissent une multitude de drapeaux palestiniens et algériens. Sur une banderole est écrit : « Non aux médias de la haine ». Dans le collimateur, les rares journalistes qui alertent sur l’antisémitisme coranique, le racisme anti-Blanc, la violence des cités palestinophiles, les provocations du régime algérien. L’antisionisme qui nazifie les Israéliens et la censure qui interdit le débat sont revendiqués comme des vertus au prétexte de protéger les musulmans de « l’islamophobie ».

Grand remplacement et grand effacement

Au même moment, le rabbin d’Orléans se faisait physiquement agresser par un jeune musulman. La France « créolisée » de Jean-Luc Mélenchon a montré son visage : celui de la soumission à l’islam révolutionnaire et judéophobe ; celui d’un peuple amnésique ayant bradé son drapeau au profit d’étendards étrangers et querelleurs ; celui de « la haine de la France » (Manuel Valls, ce lundi au micro d’Europe 1). Dimanche, dans le JDD, Gérald Darmanin expliquait malgré tout : « Je crains plus le grand effacement de la République que notre grand remplacement ». Or le ministre de la Justice fait comprendre qu’il n’a pas pris la mesure des risques que fait courir pour la paix civile le choix de l’extrême gauche (PS y compris) de promouvoir, en appui d’une immigration colonisatrice qui refuse l’intégration, la « nouvelle France » revancharde. D’autant que ce combat contre « l’extrême droite » est aussi celui de M. Darmanin et de la macronie, à commencer par le chef de l’État. C’est ce prétexte qui avait permis de renouveler dernièrement le « front républicain » avec LFI.

A relire, Céline Pina: Marche contre le fascisme: quand la gauche manifeste avec ses pires contradictions

Avenir de cauchemar

L’imposture antiraciste, promue par SOS Racisme depuis 40 ans, s’est en tout cas confirmée : les fascistes et les racistes sont bien les antifascistes et les antiracistes. Cette France de la dhimmitude, asservie à l’islam anti-juif, sexiste et conquérant, sera l’avenir cauchemardesque de la nation si rien n’est fait pour s’y opposer. Certes, il est loisible de se rassurer sur l’envergure de la France remplacée, vu l’échec de cette mobilisation nationale (90 000 personnes au total). Mais le camp du Bien, dont se réclame le gouvernement, reste sous influence de cette gauche perdue qui a abandonné le peuple enraciné au profit de peuples déracinés. Comme le note Christophe Guilluy dans son dernier essai1, le pouvoir et le patronat s’accommodent de cette société ouverte et exploitable dans sa main d’œuvre. Ses émeutes sont, pour les métropoles mondialisées (Métropolia), moins redoutées que celles des périphéries (Périphéria). La répression des gilets jaunes a été bien plus brutale que celles des intifadas des cités. 

Le droit à la continuité historique

La macronie est semblable à la gauche sectaire quand elle diabolise en fascistes potentiels les citoyens soucieux de maintenir leur continuité historique, ou quand elle dénonce les « propos haineux » pour surveiller les réseaux sociaux. En réalité la dénonciation d’une « extrême droite » fantasmée sert à promouvoir les fossoyeurs de la nation. Ils sont aussi au cœur de l’État. Ce dessein place la droite française en rempart attendu. 

Qu’attend-elle pour se révolter, en un même élan populaire, contre ceux qui regardent la France s’effacer, disparaître sous les pelletées de boue de l’extrême gauche et de l’extrême centre ?

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  1. Métropolia et Périphéria, Un voyage extraordinaire, Flammarion ↩︎

Erdogan: de persécuté à persécuteur

En Turquie, l’incarcération controversée du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, accusé de corruption mais soutenu par des milliers de manifestants dénonçant une atteinte à la démocratie, aggrave la tension politique face au président Erdogan. Comme un air de déjà vu, observe Gil Mihaely.


En Turquie, l’histoire semble parfois bégayer. En 1998, Recep Tayyip Erdoğan, alors maire d’Istanbul et surtout jeune et prometteur leader de la mouvance islamiste turque, était condamné à la prison pour avoir récité un poème jugé contraire à la laïcité. Un coup politique qui avait lancé son ascension vers le pouvoir en 2003.

Vingt-cinq ans plus tard, les rôles sont inversés. Le jeune et prometteur maire d’Istanbul est Ekrem İmamoğlu, figure montante de l’opposition, porteur d’un discours modéré et libéral. M. İmamoğlu incarne l’espoir d’une alternance dans un pays aux mains de l’AKP, un parti dont le logiciel politique s’inspire des Frères musulmans. Mais à mesure que sa popularité s’affirme et que celle de l’AKP décline, la machine politico-judiciaire, désormais entre les mains de ceux qui furent les victimes de 1998, se met en branle pour tenter de neutraliser celui qui se réclame des forces hégémoniques d’avant Erdoğan. Son arrestation il y a quelques jours s’inscrit dans un cycle bien connu en Turquie : un pouvoir qui instrumentalise les institutions pour se préserver, quitte à en compromettre les fondements démocratiques.

Accusations de corruption, et pire encore…

La trajectoire d’İmamoğlu avait déjà été freinée une première fois en décembre 2022, lorsqu’il fut condamné à deux ans et sept mois de prison, assortis – ce qui est l’essentiel pour le pouvoir en place – d’une interdiction d’exercer des fonctions électives, pour avoir prétendument insulté les membres du Haut Conseil électoral. Il aurait déclaré en public que « ceux qui ont annulé les élections sont des idiots ». Déjà, beaucoup, tant en Turquie qu’à l’étranger, y voyaient un usage sélectif du droit à des fins partisanes visant à écarter un rival potentiel d’Erdoğan en vue de la présidentielle.

Mais cette fois, il ne s’agit plus de déclarations, mais d’accusations de corruption, de blanchiment d’argent et de liens présumés avec le PKK, organisation classée comme terroriste par Ankara. İmamoğlu risque donc une très lourde condamnation pour des crimes graves. L’accusation de liens avec le PKK – la plus grave – est particulièrement savoureuse, car pendant que les différents services préparaient le dossier contre lui, les relations entre la Turquie et les Kurdes étaient en train de se métamorphoser.

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Depuis quatre décennies, le conflit opposant l’État turc au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a coûté des dizaines de milliers de vies et durablement fracturé la société turque. Le dialogue, tenté à plusieurs reprises, a toujours échoué, étouffé par la méfiance, les intérêts politiques à court terme et les logiques de domination réciproque. C’est dans ce contexte lourd, marqué par l’histoire, que Recep Tayyip Erdoğan a surpris l’opinion publique en rouvrant, en 2024, la porte à un règlement pacifique. Ce qui, pendant longtemps, aurait relevé de l’impensable : une ouverture vers le PKK, avec pour horizon la fin des hostilités armées.

Le tournant s’amorce en octobre 2024, lorsque Devlet Bahçeli, leader du MHP, parti ultranationaliste et allié clé d’Erdoğan, propose de libérer conditionnellement Abdullah Öcalan, le chef du PKK emprisonné depuis 2000, à condition qu’il appelle à la dissolution de l’organisation. L’initiative, aussi inattendue qu’ambiguë, est rapidement relayée – et validée – par Erdoğan lui-même. En qualifiant cette proposition de « fenêtre d’opportunité historique », le président turc amorce un changement de cap spectaculaire. Jusque-là, il s’était présenté comme le pourfendeur intransigeant du « terrorisme kurde », n’hésitant pas à criminaliser jusqu’aux formes politiques d’expression kurde. Mais désormais, dans un contexte régional tendu et avec une volonté affichée de pacification intérieure, le pouvoir semble prêt à reconsidérer ses lignes rouges.

PKK, un tournant historique

Le leader kurde, longtemps tenu au silence, se dit prêt à « contribuer à un nouveau paradigme » et évoque, pour la première fois depuis des années, la possibilité d’un appel officiel à la fin de la lutte armée. Le 27 février 2025, son message est rendu public : il appelle le PKK à déposer les armes et à se dissoudre. Le geste est historique. Et il ne tarde pas à produire ses effets : dès le 1er mars, le PKK annonce un cessez-le-feu unilatéral.

Face à ces avancées, Erdoğan se positionne comme l’architecte de la paix, saluant l’entrée de la Turquie dans une « nouvelle ère sans terrorisme ». Cette manœuvre s’inscrit aussi dans un contexte de recomposition électorale : après les élections municipales de 2024, qui ont renforcé l’opposition, Erdoğan cherche à gagner à nouveau le cœur des Kurdes, électorat crucial dans toute présidentielle future. Il faut savoir que les Kurdes, ennemis irréductibles des kémalistes laïcs et nationalistes, étaient presque ipso facto les alliés naturels des islamistes, pour qui le dénominateur religieux permettait de créer un front commun contre la mouvance dominante en Turquie des années 1920 jusqu’à la fin du XXe siècle. Ensuite, une fois au pouvoir, Erdoğan avait fusionné islamisme et nationalisme turc – purgé de son athéisme et de son laïcisme – pour forger, notamment sur le dos des Kurdes redevenus ennemis, la synthèse AKP. Pourquoi donc, en ce moment précis, poursuivre un responsable politique pour avoir suivi la même voie ? Effectivement, la réponse est ailleurs.

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L’affaire survient dans un contexte politique tendu, à l’approche d’échéances électorales majeures, et vise manifestement à affaiblir l’opposition en décapitant l’une de ses figures les plus populaires en vue de l’élection présidentielle de 2028. Selon la Constitution turque en vigueur, il n’est pas possible d’exercer plus de deux mandats présidentiels, et donc, en l’état actuel du droit, Erdoğan ne pourrait pas se représenter. Sauf s’il parvient à réunir la majorité qualifiée nécessaire. Ce qui est impossible sans le soutien des partis kurdes, car justement le AKP est en perte de vitesse électorale. Tout devient donc clair : on courtise les Kurdes et on élimine l’adversaire le plus dangereux, afin d’accéder à un troisième mandat et, pourquoi pas, à une présidence à vie et au titre d’Atatürk.

Qui a le droit ?

Mais la manœuvre d’Erdoğan se heurte à une résistance non négligeable. Dans les grandes villes turques comme Istanbul, Ankara – dont le maire d’opposition semble lui aussi visé par le pouvoir – et Izmir, des manifestations massives éclatent pour dénoncer ce que beaucoup qualifient d’atteinte grave à l’État de droit. Plus d’un millier de personnes sont arrêtées en Turquie, parmi lesquelles des journalistes, des avocats, des opposants, dans une répression qui rappelle l’après-coup d’État manqué de l’été 2016.

L’opposition institutionnelle se met, elle aussi, en ordre de bataille, et le Parti républicain du peuple (CHP, fondé par Kemal Atatürk) annonce qu’il maintient İmamoğlu comme candidat officiel pour la présidentielle de 2028. À l’image d’un Erdoğan autrefois victime du système, İmamoğlu incarne désormais l’idée d’une démocratie muselée mais non vaincue. Son arrestation, censée le discréditer, pourrait au contraire renforcer son image dans une société turque où la mémoire politique collective reste marquée par la figure du leader persécuté devenu victorieux. Et ce qui est curieux, c’est que l’homme ayant subi ce même traitement en 1998 est aujourd’hui aux commandes. À l’époque, la condamnation d’Erdoğan avait ouvert la voie à un bouleversement politique majeur, mettant fin à huit décennies d’hégémonie kémaliste. En 2025, la condamnation d’un héritier du kémalisme, dont le nom signifie « le fils de l’imam », pourrait sonner le glas d’Erdoğan, l’homme qui se maintenait au pouvoir en surfant sur une synthèse islamo-nationaliste.

« Black dog », de Guan Hu : demain, les chiens ?

Notre chroniqueur est un mauvais Français — en matière de cinéma, au moins. Il ne s’extasie pas devant Anatomie d’une Chute, ne porte pas Omar Sy aux nues, et méprise Le Comte de Monte-Cristo. Mais parlez-lui d’un film chinois ou coréen, et il s’extasie volontiers. Ne serait-il pas un peu snob ?


La ville — un gros village à l’échelle chinoise — est sur le déclin, ses immeubles sont vides, son zoo à l’abandon, et le seul gros entrepreneur est un boucher spécialisé dans la viande de serpent. Le paysage à l’entour est désolé — nous sommes sur la frange du désert de Gobi, au nord-ouest, loin de Pékin, Shanghaï et autres vitrines du décollage économique chinois.

©TheSeventhArtPictures

Paysage accablant, sublimement filmé en teintes gris-bleues, où le vent traîne des tumbleweeds, ces boules de broussailles qui roulaient dans les westerns de notre enfance – et de fait, il s’agit bien d’un eastern.

Lang, un homme taciturne (Eddie Peng, habitué des rôles de serial lover, utilisé ici à contre-emploi, n’a pas eu dix lignes de texte à apprendre), ancien cascadeur à moto, incarcéré dix ans pour meurtre, revient chez lui. Mais la ville est envahie de meutes de chiens errants qu’elle cherche à capturer pour s’en débarrasser et faire venir d’hypothétiques investisseurs. On craint en particulier un grand lévrier noir, famélique et soupçonné de porter la rage — mais la rage et la mort suintent des murs, que les tremblements de terre fissurent chaque jour davantage.

Cet homme sans attaches — son père est un alcoolique qui s’est donné pour tâche de nourrir les dernières bêtes du zoo, dont un tigre mélancolique — se prend d’amitié pour cette bête efflanquée qui ressemble exactement à l’Anubis égyptien, dieu des morts. Il récupère sa moto, répare le radio-cassettes obsolète qui diffuse en boucle « Hey you », chanson cafardeuse du Pink Floyd que l’on entendra aussi dans le générique final, erre dans ce paysage de dunes noires, pendant que le pays entier est sommé de s’enthousiasmer pour les Jeux olympiques qui vont commencer. Fichue année 2008, fichu destin.

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C’est d’une beauté sidérante, d’un intérêt constant. Le cafard a cette couleur froide, la mort se déplace à cette allure, les chiens délaissés par les hommes et les hommes abandonnés des dieux ont cet aspect squelettique, désespéré.

Le film est dédié, à la fin, « à ceux qui n’hésitent pas à reprendre la route ». Belle idée — et Lang reprend sa moto pour fuir dans le désert bleuté avec le chiot issu des amours du Black dog, pendant qu’une armée de chiens lui rend hommage. Magnifique. 

Guan Hu est ordinairement un réalisateur de films à grand spectacle — dont aucun n’est sorti en Occident : j’avais parlé en son temps de La Bataille des 800, film de guerre patriotique comme nous ne savons plus les faire. Il a utilisé ici un budget minimaliste (et non, ce n’est pas par manque de moyens que le cinéma est nul, c’est par manque de talent) et monté un film sidérant de beauté maladive, comme les fleurs de Baudelaire. N’importe quel plan est supérieur à la totalité d’un long métrage de Justine Triet, qui ne dépasse jamais le niveau d’un téléfilm du dimanche soir. Courez-y.

Et pendant que je suis dans le cinéma asiatique, allez voir Mickey 17, de Bong Joon Ho (oui, le réalisateur de Parasite). Ne croyez pas les petits jaloux qui vous susurrent que ce chef d’œuvre ne vaut pas un blockbuster américain. J’en ai dit ici tout le bien que j’en pense.

110 minutes.


Demain les chiens

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Glaçante Dominique Reymond

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Laurent Poitrenaux, Dominique Reymond et Nicolas Bouchaud, "L'Amante anglaise" © Patrick Fouque

Dominique Reymond est saisissante dans le rôle d’une meurtrière incapable d’expliquer son crime. « L’Amante anglaise », de Marguerite Duras, au théâtre de l’Odéon.


Une mise en scène d’une rigueur toute janséniste ; une direction d’acteurs aussi fouillée qu’elle est épurée ; des interprètes remarquables s’interdisant tout effet convenu, pour toucher à la perfection… User après cela de superlatifs pour louer cette production de L’Amante anglaise de Marguerite Duras apparaîtrait parfaitement déplacé. Et pourtant ! Cette réalisation d’Emilie Charriot servie par des acteurs comme Nicolas Bouchaud, l’Interrogateur, Laurent Poitrenaux, le mari, Dominique Reymond, la meurtrière, justifierait bien des exclamations, sinon des dithyrambes. 

« Je l’ai sorti de son cercueil »

On sait que pour écrire L’Amante anglaise, Duras s’était inspirée d’un sombre drame survenu dans l’immédiat après-guerre,  rue de la Paix, à Savigny-sur-Orge, en Ile-de-France. Une femme, Amélie Rabilloud, dont le seul nom révèle tout un monde, avait subitement  assassiné son époux, un ancien adjudant, après des années de vie étriquée et de violences, l’avait dépecé et, nuit après nuit, s’était débarrassée des tronçons du cadavre en les lançant notamment du haut d’un viaduc voisin sur des trains de marchandises qui circulaient en contrebas. Ce qui permit au cadavre de se voir éparpillé avec beaucoup de fantaisie aux quatre coins de la France.

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Dans la pièce de Duras, c’est sa cousine germaine, grosse fille bonne vivante qui assumait les fonctions ménagères de la demeure du couple, que Claire Lannes, la meurtrière, a tuée et découpée en morceaux, alors que son mari, Pierre Lannes, ne soupçonnera rien de ce crime avant que la police ne vienne arrêter son épouse.

« Mais pourquoi tue-t-elle sa cousine, sourde et muette, dans votre histoire ? », demandera-t-on à Marguerite Duras lors d’un entretien publié en décembre 1968.

« Parce que je voulais savoir qui était le mari et avoir son témoignage sur sa femme. Je l’ai sorti de son cercueil pour qu’il soit entendu de tous, une fois dans sa vie. Il était aussi sourd et muet que la victime : c’est la petite bourgeoisie française, morte vive dès qu’elle est en âge de « penser », tuée par l’héritage ancestral du formalisme ».

Un meurtre inexplicable

La pièce se réduit à deux interrogatoires successifs. Celui du mari tout d’abord qui tente d’expliquer la psychologie de sa femme, le désastre de sa vie conjugale dont il ne mesure pas la portée, et son propre aveuglement.  Celui de la coupable ensuite,  mené lui aussi par l’Interrogateur qui n’est jamais que le double de l’écrivaine. Duras avait parfois rempli cette même tâche d’enquêteur lorsqu’elle rendait compte pour des journaux de crimes particulièrement horribles…  avant de se couvrir de ridicule et d’indignité au moment de l’Affaire Gregory en désignant comme coupable la mère de l’enfant noyé.      

Cherchant à comprendre ce qui a pu conduire au meurtre  inexplicable de la malheureuse cousine, quand celle qui a tué ne parvient pas elle-même à se l’expliquer, Duras tente de cerner la psyché de cette dernière en lui prêtant des propos d’une intensité inouïe comme d’une parfaite banalité, en s’abîmant dans des questions qui souvent demeurent sans réponses convaincantes. Et dévoile avec une accablante véracité le cheminement mental de gens terriblement ordinaires.

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Dans le rôle de l’Interrogateur, Nicolas Bouchaud est sur scène du début à la fin de la pièce, alors que Laurent Poitrenaux et Dominique Reymond, questionnées tour à tour durant une heure chacun ne se la partagent donc que la moitié du temps.

Mais c’est lui peut-être qui endosse le rôle le moins difficile, car, aussi inquisiteur qu’il soit, il demeure toujours dans une certaine neutralité prudente, assumée sans ciller de bout en bout.

Dans le rôle du mari, Laurent Poitrenaux est étonnant d’authenticité. Il n’est pas un seul instant un acteur jouant un personnage tant il est juste dans le registre de  médiocrité très ordinaire d’un Pierre Lannes.

Sidérante, presqu’effrayante

Ce ne sera pas faire injure à deux excellents interprètes que de voir en Dominique Reymond la figure la plus exceptionnelle de cette distribution. Succédant dans ce rôle de Claire Lannes à Madeleine Renaud et à Suzanne Flon, la comédienne n’apparaît pas comme habitant son personnage. Elle est plutôt envahie, phagocytée par lui. Elle s’efface si absolument derrière la figure de cette meurtrière sans doute à demi-folle qu’elle en devient sidérante, presqu’effrayante. Avec une aisance qui déconcerte et un vraisemblable plaisir à exister enfin, mais aussi une forme d’habileté dans l’esquive, Claire Lannes répond sans état d’âme apparent aux questions qu’on lui pose. Elle offre même une candeur, une simplicité dans le crime qui vous plongent dans la plus grande perplexité. Ses regards fuyants, ses sourires malicieux sont de ceux qu’on peut surprendre chez les imbéciles, mais qui font qu’on doute brusquement de leur imbécillité. Elle dont le mari dévoile qu’elle n’a jamais ouvert un livre, elle qui écrit « la mante en glaise » pour évoquer la menthe anglaise s’épanouissant dans ce jardin qui est son seul refuge, a cependant de surprenantes lueurs d’intelligence et de lucidité.  Est-ce le fait que Dominique Reymond, parallèlement à sa vie d’actrice, s’adonne avec un art pénétrant et d’un trait plein de caractère à la peinture de portraits ?  La mobilité maîtrisée de son visage, la justesse de ses expressions les plus torves, ou tout au contraire un masque subitement figé, traduisent un travail d’observation époustouflant.  Au fur et à mesure, on se persuade que Claire Lannes est assurément folle, mais de cette folie impalpable, insoupçonnable, qui peut néanmoins conduire à des actes insensés. On comprend aussi qu’elle a un jour si brutalement souffert que son âme de primaire s’est subitement desséchée et qu’elle est également une victime.  Tout cela, Dominique Reymond ne fait que le suggérer par petites touches  éloquentes, venimeuses ou glaçantes, qui sont du très grand art. Elle est simplement prodigieuse.


L’Amante anglaise, de Marguerite Duras. Jusqu’au 13 avril 2025.

Théâtre de l’Odéon, Ateliers Berthier ; 01 44 85 40 40

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Instruire et éduquer pour désendoctriner

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Michaël Prazan © Hannah Assouline

Interviewé par Elisabeth Lévy dans le dernier numéro de Causeur1, Michaël Prazan, spécialiste des mouvements radicaux, note avec pertinence que l’islamisme progresse partout où l’éducation régresse. L’idée a séduit apparemment notre chroniqueur, à qui rien de ce qu’est l’École n’est étranger.


Dans un livre très récent, La Vérité sur le Hamas et ses idiots utiles, Michaël Prazan analyse la sidérante perversion qui a permis l’infiltration des partis de gauche et des bastions de la République par les Frères musulmans et leurs séides. Il a par ailleurs raconté cela fort bien dans une interview-fleuve éclairante.

La crise de l’instruction rend service au radicalisme musulman

Le pédagogisme, cet enseignement de l’ignorance, a dégagé des temps de cerveau pour le fanatisme. Partout où l’on n’instruit plus, les croyances les plus absurdes prennent le relais du savoir. C’est ainsi que pour 25 % des élèves, la Terre est plate et que les femmes ne toucheront pas plus d’un tiers de l’héritage paternel — et à condition qu’elles obéissent à leurs maris et se voilent afin d’exciter la juste concupiscence des hommes…

Que des enseignants, qui pour leur majorité votent à gauche, voire à l’extrême-gauche, consentent à mettre la pédale douce sur les savoirs les mieux constitués en consacrant beaucoup de temps à demander leur avis à des enfants ou des adolescents dont les convictions se sont formées dans le cercle familial, la « communauté » et les ghettos où ils habitent est une faute, et peut-être un crime. Une faute contre l’esprit — et en l’espèce, un crime contre la nation. Que des inspecteurs sanctifient cette pédagogie de la misère, qui témoigne d’une misère de la pédagogie, est une déviation majeure que seule une rapide radiation des cadres peut enrayer. Au bourrage de crâne des écoles coraniques doit répondre une instruction basée sur la science et la culture.

La culture ne peut pas être woke

Quelle culture ? se demanderont les imbéciles. Rappelons à ces gens « de gauche » ce que disait Marx : tant que le prolétariat n’a pas pris le pouvoir, il n’y a pas d’autre culture que la culture bourgeoise.

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Bourgeoise, et blanche — je n’y suis pour rien, c’est la couleur de peau dominante du monde occidental. Et « dégenrée », pour parler la langue des minorités les plus revendicatrices, qui crient fort pour ne pas s’entendre, ne pas penser. La culture n’a pas de sexe, contrairement à ce qu’affirment ceux (et non pas « celles et ceux », complaisance stupide aux modes régressives) qui répètent sans la comprendre la formule célèbre de Beauvoir, « on ne naît pas femme, on le devient » : le mélange de considérations sociologiques et physiologiques est d’une inconséquence absurde. On ne lutte pas contre l’invisibilisation des femmes — qui est un fait, parce que les rapports entre les sexes sont depuis l’origine des rapports de guerre, et que les féministes en ce moment mènent l’assaut — en proclamant la dictature du « e féminisant ». Ni en corrigeant « Droits de l’homme » (du latin homo, l’être humain sans distinction de sexe) en « droits humains » — sans parler de l’aberration « droits de la femme et de la citoyenne » qui mena Olympe de Gouges sur l’échafaud.

La culture est faite de références littéraires, artistiques, langagières. C’est en dominant le vocabulaire des pouvoirs en place que l’on se fraie un chemin pour remplacer avec de vrais talents les élites auto-proclamées qui se perpétuent au gré d’un système scolaire à leur solde.

Lire, écrire, compter

Ce que les enseignants « de gauche » ne comprennent pas, c’est qu’en obéissant aux diktats de Philippe Meirieu et de ses épigones, ils font objectivement le lit du non-renouvellement des élites. Peut-être parce qu’ils croient ainsi protéger leur progéniture — qui ne sera jamais reconnue comme méritoire, sinon pour des emplois subalternes où, comme leurs parents, elle servira les intérêts de ceux qui les auront mis en place. À chaque enseignant « de gauche », demandez systématiquement où ont été inscrits leurs enfants. Et où vont majoritairement leurs élèves.

Les enfants des croyants incultes, eux, vont à l’école du fanatisme.

Ne pas en conclure que les chefs des Frères musulmans, eux, appartiennent à cette sous-catégorie dont l’inculture est le gardien de leur foi. Ce sont des gens très intelligents, parfaitement informés, qui ont fort bien assimilé les codes de notre société, et portent le fer là où les incertitudes idéologiques, voire la trahison des « élites », leur permet de le faire.

À lire aussi : Quand l’imposture « antiraciste » attise la haine de la France

Lorsque des élus de la République — Elisabeth Borne en tête — se prononcent pour la non-interdiction des tenues islamistes dans le sport, ils participent à cet assaut insidieux (mais de plus en plus visibles) contre les institutions les plus fragilisées de la République. L’École a été depuis longtemps analysée par les Fréristes comme le maillon le plus faible du système républicain — alors qu’à l’origine, elle en était le fer de lance. Que des soi-disant « pédagogues » se soient prêtés à l’introduction dans la Cité du cheval de Troie islamiste en dit long sur leurs repères, leurs convictions profondes et leur complicité de fait. Qu’ils votent LFI ou plus généralement à gauche prouve assez que nous vivons dans un monde orwellien, où « gauche » signifie désormais « extrême-droite », tout comme l’antisionisme est le faux museau de l’antisémitisme le plus décomplexé.

Seule l’instruction obligatoire, selon les principes de la IIIe République, mettant l’accent sur le lire / écrire / compter, sur l’Histoire réelle et non fantasmée, sur des sciences dures et non mahométanes, peut contrarier la mainmise du fanatisme sur notre École — et, à terme, sur la République tout entière.


Michaël Prazan, La Vérité sur le Hamas et ses idiots utiles, L’Observatoire, 2025, 200 p.

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  1. https://www.causeur.fr/michael-prazan-la-verite-sur-le-hamas-et-ses-idiots-utiles-305721 ↩︎

Chahinez Daoud brûlée vive: le procès de son bourreau

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Kamel et Djohar Daoud, les parents de la victime Chahinez, dans la salle d'audience avec la présidente de la Fédération nationale des victimes de féminicides, Sylvaine Grevin, lors du premier jour du procès de Mounir B., accusé du meurtre de son ex-épouse. Au tribunal judiciaire de Bordeaux, le 24 mars 2025 © UGO AMEZ/SIPA

En  2021, Chahinez Daoud, 31 ans, est brûlée vive par son mari, Mounir B., après des années de violences conjugales. Malgré ses plaintes et les condamnations antérieures de son agresseur, la police et la justice n’ont pas empêché ce drame, révélant des défaillances institutionnelles majeures. Mais le procès de Mounir B. interroge aussi l’influence de certaines mentalités culturelles favorisant la possession et le contrôle des femmes, un sujet sensible et toujours éludé par crainte d’accusations de racisme.


Le 4 mai 2021, Chahinez Daoud, jeune femme de 31 ans, mère de trois enfants, meurt brûlée vive sur le trottoir d’une rue de Mérignac (Gironde), assassinée de sang froid par son mari, Mounir B. Celui-ci lui a préalablement tiré une balle dans chaque cuisse.

En fait, ce paroxysme dans l’horreur n’est que l’aboutissement d’un long martyre au quotidien.

Chahinez est originaire de Ain Tala, en Algérie, cité proche d’Alger. À dix-sept ans elle est mariée une première fois. Deux enfants naîtront de cette union. Elle a vingt ans lorsque le divorce est prononcé. Elle est alors employée dans une crèche municipale. En 2015, elle rencontre Mounir B, maçon de son état. Originaire du même endroit, il vit en France depuis 1999. Ils se marient en Algérie quelques mois plus tard, puis viennent s’installer en France, à Mérignac où Chahinez donne le jour à son troisième enfant, un garçon.

C’est alors que commence pour elle le long cauchemar d’un quotidien invivable. Son mariage est une prison. Son mari exerce sur elle un contrôle permanent, l’assignant à résidence en dehors de quelques brèves prestations à la cantine de l’école ou dans les services hospitaliers. Elle gagne alors un maigre argent dont, d’ailleurs, elle ne voit pas la couleur, Mounir s’appropriant ses gains, ainsi que le montant des prestations sociales. Toutefois, un jour, se lâchant, elle s’offre un jean slim. Fureur de Mounir qui l’accuse de « s’habiller comme une pute » et tente de l’étrangler. Elle en sort le larynx écrasé à 75%. Le mari prend – pour ce qui pourrait sembler être tout de même une tentative de meurtre – dix-huit mois de prison dont neuf avec sursis. Derrière les barreaux, il continue de harceler la malheureuse, au téléphone, d’exercer sur elle un contrôle permanent. Néanmoins, et malgré ces faits, il bénéficie d’une remise en liberté anticipée,   assortie toutefois de la fameuse et si souvent illusoire obligation de soins et d’une interdiction d’entrer en contact avec sa femme, interdiction que, bien entendu, il ne respectera pas.

Le cauchemar reprend donc de plus belle. Séquestration dans une camionnette, tentative de strangulation avec un foulard. Chahinez porte de nouveau plainte. Cruel manque de chance, le policier qui la reçoit a été lui-même condamné pour violences conjugales. On ne peut donc en attendre un zèle particulièrement exemplaire pour traiter ce genre de méfaits. Et bien sûr, le harcèlement continue. Entre autres violences, Mounir aurait menacé la mère de son fils de la « renvoyer au bled dans un cercueil ».

D’après les parents de la jeune femme, la citation à comparaître pour la procédure de divorce qu’il reçoit aurait précipité le passage à l’acte. On connaît la suite, le drame, dans toute son horreur. Chahinez qui meurt brûlée vive sur un trottoir…

Et, depuis ce lundi, voici venu le temps du procès du bourreau. Procès derrière lequel s’en profile un autre dont on peut se demander dans quelle mesure il n’a pas pour utilité, dans une certaine mesure, de faire diversion. Le procès de l’État avec en accusée vedette la police.

Il est indéniable que des manquements, un défaut de réactivité, une absence réelle de prise en considération des alertes répétées sont à porter au passif des structures juridico-policières qui ont eu à connaître du calvaire vécu par la victime. D’ailleurs, devant l’horreur du drame, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, a demandé à ce que des réformes sérieuses, importantes, soient mises en place. Donc, redisons-le, la responsabilité des administrations compétentes n’est pas douteuse.

Cela admis, il restera à se poser la question de savoir si, face à la monstruosité de tout « féminicide », certaines approches culturelles de la femme et de son statut ne favorisent pas plus que d’autres le syndrome de son appropriation par le conjoint, le compagnon, cette perversion mentale qu’on retrouve dans la très grande majorité de ces crimes odieux. Dans son esprit, dans sa mentalité, ce n’est pas une femme que Mounir exécute, envoie au bûcher, c’est sa femme, son bien, sa propriété.

Les experts psychiatres diagnostiquent chez lui « une paranoïa centrée sur ses compagnes ». Dès lors, même questionnement : y a-t-il certaines approches culturelles, certains usages et mœurs qui, plus que d’autres, pourraient favoriser l’émergence d’une telle paranoïa ? L’enfermement du corps de la femme dans une prison de voile afin de la soustraire au regard de l’homme, ce mâle supposé être perpétuellement en rut et prêt à bondir sur toute personne du sexe qui lui laisserait voir cinq centimètres carrés de ce corps, ne recèlerait-il pas en germe ce travers paranoïaque débusqué par les experts ?

Peut-être le procès du bourreau pourrait-il, sans faire en aucune manière l’impasse sur les responsabilités d’État, permettre une réflexion sur ces questions ? Si possible, sans qu’on se mette à hurler au racisme à peine aura-t-on esquissé le sujet…

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On n’est pas antisémite quand on n’aime pas Netanyahou!

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Des manifestants protestent contre le limogeage du chef du Shin Bet, Ronen Bar, et la tentative de destitution de la procureure générale, Gali Baharav Miara, par Benjamin Netanyahu. Jérusalem, Israël, 23 mars 2025 © Nir Alon/ZUMA/SIPA

Intégrera-t-on dans la loi française l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme ?


On n’est pas antisémite quand on n’aime pas Netanyahou. En tout cas, pas forcément. Flotte dans l’air1 parlementaire l’idée que pour combattre l’antisémitisme, il conviendrait de l’assimiler à l’antisionisme et qu’une loi devrait être votée qui ne distinguerait plus les deux mais les envelopperait dans la même transgression pénale. Il me semble que ce serait une grave erreur.

Bas les masques !

Parce que pour certains, l’antisionisme est le masque d’un antisémitisme qui se sert de ce prétexte politique pour s’exprimer, il faudrait constituer cette perversion comme une généralité et interdire le débat, les critiques sur la politique israélienne et Benjamin Netanyahou ? Au sujet duquel, d’ailleurs, je n’ai jamais entendu dire de bien.

Tout au plus qu’il n’avait pas un autre choix depuis la barbarie du 7 octobre 2023, ce qui peut évidemment être discuté ; au moins dans la durée de la défense considérée comme légitime contre le Hamas, à Gaza. Ces derniers jours il passe « en force contre l’appareil d’État et dans la bande de Gaza » analyse Le Monde.

J’ai conscience de définir l’antisionisme sur un mode commun, banal – le plus courant – en considérant qu’il s’agit de la contestation de la politique israélienne et de celle de ses dirigeants alors qu’au sens propre le sionisme défend le droit à l’existence de l’Etat d’Israël quand l’antisionisme le lui dénie.

En demeurant dans l’acception ordinaire, cette aggravation pénale réduirait un espace de liberté d’autant plus à sauvegarder qu’il se rapporte à un problème géopolitique infiniment sensible. Et même quasiment ingérable, malgré l’accord majoritaire sur une solution à deux États.

La question géopolitique la plus sensible ?

Il serait désastreux, selon une démarche malheureusement usuelle, de ne pas trouver contre le poison de l’antisémitisme d’autre riposte que d’interdire une opinion, contestable ou non, en tout cas admissible, sur les faiblesses d’Israël, seule démocratie dans cette région du monde.

D’une certaine manière, il convient à la fois de banaliser ce pays et de protéger partout les juifs contre les agressions verbales et physiques qui se multiplient à leur encontre, sans la moindre honte – comme à Orléans récemment.

Parce qu’on ne parvient pas, malgré les efforts menés, à réduire les actes antisémites, on s’imagine pouvoir aboutir à un résultat plus satisfaisant en alourdissant l’antisémitisme d’une charge sans commune mesure avec lui.

D’autant plus que, contrairement à ce qu’on prétend, il est facile, dès lors que l’on est honnête, de distinguer le bon grain d’une critique politique de l’ivraie de l’antisémitisme. Il suffit de se référer à des éléments extrinsèques qui seront de nature, sans la moindre équivoque, à révéler l’état d’esprit de celui qui s’exprime sur ce sujet.

Quand on affirme que l’antisémitisme est « résiduel » en France comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon, on a le droit de questionner la pureté de ses diatribes politiques sur Israël, accordées de surcroît avec les ambiguïtés sur la définition du Hamas le 7 octobre 2023.

D’autres en revanche ne laissent pas le moindre doute sur la pureté de leurs intentions quand ils émettent des réserves sur Benjamin Netanyahou et sur la stratégie d’Israël. Il serait dramatique, pour la liberté d’expression et l’utilité des débats géopolitiques, d’être inspiré par la fausse bonne conscience de stigmatiser tout de ce qui peut concerner les Juifs, Israël, le Hamas, Gaza et autres sujets dangereux. On ne vaincra jamais les effets délétères de la liberté en réduisant encore davantage la part de celle-ci. Pour ne rien concéder à l’antisémitisme, ignominie morale, il faut sauver le droit à l’antisionisme, contradiction politique.


  1. « Pour que l’antisionisme ne serve plus de prétexte à l’antisémitisme, c’est à la République de protéger les juifs en intégrant dans sa loi l’antisionisme comme nouvelle forme d’antisémitisme. » Tribune collective publiée dans Le Monde le 21 mars 2025 NDLR ↩︎

La vindicte des tricoteuses 2.0 au cœur du procès Depardieu

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Gerard Depardieu et son avocat Jérémie Assous arrivent au tribunal à Paris, 24 mars 2025 © CYRIL PECQUENARD/SIPA

Le célèbre acteur Gérard Depardieu est jugé depuis hier à Paris pour des agressions sexuelles présumées commises sur deux femmes en 2021. Lors de l’audience, son avocat, Jérémie Assous, a plaidé la nullité de la procédure, soulignant que l’enquête avait été menée exclusivement à charge. L’acteur doit s’exprimer aujourd’hui. « Amélie et Sarah, on vous croit ! » Devant le Palais de Justice et dans les médias, les militantes MeToo, nombreuses et déterminées, dénoncent le caractère systémique des violences sexuelles dans le cinéma français. Pourtant, observe Elisabeth Lévy, ces mêmes militantes semblent bien moins promptes à commenter l’affaire tragique du « féminicide » de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-mari.


J’ai assisté hier au procès de Gérard Depardieu pour agression sexuelle. Je me demande pourquoi. L’acteur n’a jamais été condamné par la justice, mais puisque des dizaines de femmes déclarent dans la presse qu’il est violeur-prédateur, il est déjà condamné à la mort sociale par les médias et les associations. MeToo ne renverse pas la charge de la preuve: avec MeToo, il n’y a plus besoin de preuve. La souffrance des plaignantes suffit. Dire que certaines pourraient mentir ou affabuler, c’est déjà défendre les agresseurs et violeurs.

Un Palais de Justice très couru

Gérard Depardieu est soupçonné d’agressions ou d’atteintes sexuelles supposément commises pendant le tournage des Volets Verts en 2021.

Au Palais de Justice de Paris, c’était l’ambiance des grands jours. Une ambiance assez médiévale, avec des hordes de gens sur le parvis qui attendaient le passage du proscrit… Il y avait plus de monde que pour le procès de Charlie Hebdo.

A lire aussi: Fanny Ardant: «Je n’ai jamais voulu être une victime»

Dans la salle, deux camps se regardent en chiens de faïence. Côté partie civile, on trouve la confrérie des victimes avec le gotha du journalisme MeToo, et notamment Marine Turchi de Mediapart en majesté, citée plusieurs fois par la défense de Depardieu comme le vrai conseil des plaignantes. Anouk Grimbert a été expulsée pour ses réactions intempestives. Il y avait aussi Charlotte Arnoux, qui a porté plainte pour viol (mais, il n’y a pas encore de renvoi). De l’autre côté, les acteurs Vincent Perez et Karine Silla sont venus soutenir la star. Et évidemment Fanny Ardant, impériale, qui a confirmé qu’elle témoignera à la barre ce mardi. Gérard Depardieu semble en forme. Amaigri (il a perdu 26 kg selon son avocat), le visage reposé, il n’a pas fait de pitrerie. Mais, il refuse de se battre la coulpe et de demander pardon. Le comédien profère vraisemblablement des grossièretés à jets continus, mais il nie toute agression.  

Il est plaisant de voir enfin un prévenu qui se défend

Le tribunal en décidera, certes. En attendant, qu’un prévenu se défende, c’est nouveau. Jusque-là, dans les affaires MeToo, nous avions toujours observé des hommes qui s’excusaient d’exister et, même s’ils assuraient n’avoir ni violé ni agressé ni contraint personne, ils se comportaient en coupables. Les plaignantes étaient sanctifiées, nul n’osait les contredire et encore moins les critiquer.

Dans ce procès, l’avocat Jérémie Assous a vraisemblablement une autre stratégie. Imposant son tempo, il a plaidé deux heures à l’appui d’une demande préalable de nullité de la procédure, à la fureur des parties civiles Amélie K. et Sarah (un curieux anonymat). Le président a laissé faire, sans doute parce qu’il a de bons arguments. En l’écoutant, on se dit que l’enquête, dirigée par le Parquet sans juge d’instruction, a été menée exclusivement à charge. D’après Me Assous, Gérard Depardieu aurait été placé en garde à vue sur la simple base d’une accusation. Il demande aussi qu’une vingtaine de participants au tournage du film qui n’ont pas encore été entendus soient auditionnés. Cela semble légitime. Le procès se poursuit aujourd’hui, et Gérard Depardieu va enfin prendre la parole. Mais, en attendant, il faut bien dire que les militantes qui font le pied de grue devant les salles d’audience pour huer Depardieu, Polanski ou Nicolas Bedos font froid dans le dos. Elles m’évoquent les tricoteuses qui allaient aux exécutions pendant la Révolution… Excitées par une célébrité à terre, elles sont pourtant beaucoup moins actives pour défendre la mémoire de Chahinez brûlée vive par le mari qu’elle avait quitté.


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio

Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin

Le Petit Pape n’en loupe pas une!

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© Dessin de Boucq / Fluide Glacial

« Pie 3,14 », minuscule ecclésiastique, roi des catholiques, personnage créé par le facétieux Boucq, revient pour ses deuxièmes aventures. Cette fois, il doit carrément sauver la terre. Hilarant !


On ne s’en lasse / passe pas ! Pie 3,14, pape haut comme trois pommes, nous comble à nouveau, grâce à ses fendantes pérégrinations. Scénariste et dessinateur, Boucq propose un deuxième (pas un second, car prions pour qu’il y en arrive un troisième) tome, mystérieusement intitulé Le Petit Pape Pie 3,14 arrondit les angles. Il est craquant, le chef suprême des catholiques avec ses vieux airs de Tintin et de Jean-Paul Sartre. De plus, il détient un caractère attachant : toujours prêt à aider les autres (il est vrai que c’est sa mission première), généreux, altruiste, enjoué, positif ; le souci c’est, qu’en voulant bien faire, il n’en loupe pas une ; il accumule les bourdes. Son entourage s’en émeut, et, parfois, se décourage dans le plus grand respect, of course ; fonction oblige !

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Grossesses cubiques

Parmi ce dernier, Monseigneur Gontrand qui le suit partout et prend soin de lui. C’est une manière de Milou au look de bouledogue US ; un look à la Michel Constantin, immense, oreilles paraboliques, tout en muscles. Faut-il préciser que le duo fait mouche ? Les cardinaux, gras, et rubiconds, les contemplent, tantôt impassibles, tantôt amusés. Cette fois, Pie 3,14 doit sauver le monde, enfin, la terre, notre Terre qui est en train de devenir cubique. Ce n’est pas tout : le carré envahit tout ; les racines des pissenlits sont des racines carrées ; à la pouponnière du Vatican, ça ne va pas fort non plus : les dames enceintes développent, non pas des ventres ronds, mais des grossesses cubiques.

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Il faut réagir vite ; sa sainteté doit arrondir les angles de la terre. Un satellite à l’œil très maçonnique, est utilisé pour surveiller le globe. Les cardinaux ramènent de leur expédition, des racines carrées de pissenlits ; il faut faire appel aux sœurs tricoteuses de la Rédemption pour tenter de s’en débarrasser. Ce ne sera pas une mince affaire.

Cet album est fendard ; quand il est terminé, Boucq nous rend chèvre. À quand le troisième tome ?


Le Petit Pape Pie 3,14 arrondit les angles ; Boucq ; Fluide glacial ; 56 p.

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La une du « Figaro Magazine » et les islamo-énamourés du Belgiquistan

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Molenbeek, Belgique, mars 2015 © SIPANY/SIPA

Dans sa dernière livraison, le Figaro Magazine a consacré sa une et un dossier circonstancié au « Belgiquistan ». Comprenez : à l’islamisme qui s’immisce au cœur d’une société belge où le « multiculturalisme heureux », si longtemps vanté par la classe politique, de l’extrême gauche à la droite gouvernementale, a laissé place à un multiconflictualisme marqué par la mainmise de l’islamisme. Pour se convaincre de l’ampleur du phénomène, il ne faut guère s’éloigner du centre-ville pour être confronté à la mérule islamiste qui ronge tous les pans de la capitale belge et européenne.

« Rien de nouveau sous le soleil », me glissait, tel l’Ecclésiaste, un ami après la lecture de l’article. Plus personne n’ignore, en effet, qu’il existe à Bruxelles et ailleurs dans le plat pays une monoéconomie parallèle, certifiée halal et à destination exclusive des islamistes, où les salons de coiffure non mixtes jouxtent des enseignes proposant des livres d’éducation à l’usage des jeunes filles. Il faut ne jamais avoir été en Belgique pour nier les pressions que subissent les professeurs, les policiers ou les opposants politiques. Tout cela n’aurait guère été possible sans l’aval des responsables au pouvoir et de leurs partis, tout heureux de draguer les communautés afin d’en espérer le vote. Sans doute ne leur avait-on pas appris le danger de jouer avec des allumettes. Un parti dont le leader a déclaré que le 7-Octobre était une « petite réponse d’une partie du Hamas” commence déjà lentement à les remplacer sur l’échiquier politique.

A lire aussi: Le métro bruxellois, symbole du déclin de la capitale belge

En revanche, la réaction hostile au dossier du Figaro Mag de l’ensemble de la presse traditionnelle en Belgique francophone – les legacy media comme les nomme Elon Musk – est édifiante : en continuant à mettre sous le boisseau la terrible réalité, les journalistes sont soit complices et inféodés, soit aveuglés au nom d’un antiracisme qui leur sert de ligne éditoriale commune. Dans un réflexe pavlovien, ils ont unanimement tiré sur les messagers interrogés par l’hebdomadaire français, soit le responsable d’un nouveau journal de centre-droit, une militante laïque active de longue date ou encore un ancien sénateur régulièrement invité dans les médias français à défaut de l’être encore sur les plateaux en Belgique.

Croyant bon apporter quelque nuance au constat de la gangrène islamiste, RTL Info estime ainsi que « la propagation d’une forme radicale de l’islam, notamment le wahhabisme, dans certaines mosquées et centres islamiques (…) reste minoritaire et ne représente pas l’ensemble de la communauté musulmane. » Pour Frédéric Chardon, journaliste politique à La Libre Belgique, « on ne peut pas dire que l’islam ou l’islamisme imposerait une certaine conception de la société en Belgique. » La preuve selon lui ? « La charia n’est pas appliquée » dans le pays. Doit-on rappeler à ces journalistes que 22 % des « Bruxellois » ont déclaré leur aversion pour les Juifs ? Doit-on leur expliquer qu’un nombre croissant de Belges s’empêchent ou sont empêchés de manger au travail pendant le ramadan ? 

Samedi dernier, Bruxelles célébrait les victimes de l’attentat qui l’a endeuillée il y a neuf ans. Un jour noir, dont je me souviens, comme si c’était hier, entre tristesse, colère et devoir de ne jamais relever la garde face à l’islamisme et à ses soutiens. Cette année, quelques couronnes et quelques tweets de circonstance ont rapidement laissé place à l’indifférence des responsables politiques. Le même jour, ceux-ci étaient heureux de célébrer l’iftar (rupture du jêune) dans une… église de… Molenbeek, dans le cadre de la candidature de la ville au titre de capitale… européenne de la culture en 2030.

Le lendemain, dans les mêmes rues de la capitale, une manifestation « contre le racisme » réunissait la fine fleur de la haine. Joël Rubinfeld, président de la Ligue belge contre l’antisémitisme, a compilé les actes antisémites, aux abords notamment du Musée Juif où un attentat a eu lieu en 2014. Mais de cela, les journalistes, à l’abri sous les drapeaux palestiniens, n’ont pas parlé, préférant voir dans la marche une grande parade faite d’amour et de tolérance. C’est ainsi que l’islamisme continue de progresser. En cela, rien de nouveau sous la pluie bruxelloise. 

Quand l’imposture « antiraciste » attise la haine de la France

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Manifestants pro-Palestine lors de la manifestation contre l'extrême droite, Paris, 22 mars 2025 © ISA HARSIN/SIPA

Samedi dernier dans les rues, beaucoup de manifestants brandissaient fièrement le drapeau de la Palestine, mais on peinait à voir un seul drapeau français… Il n’aurait surtout pas fallu être confondu avec un militant d’«extrême droite»… Et par ailleurs, étant donné les alliances malheureuses lors des dernières législatives, la macronie est-elle si éloignée de ces gauchistes sectaires, se demande Ivan Rioufol?


Choses vues, samedi à Paris, dans la manifestation « contre l’extrême droite » (20 000 personnes) : les « antiracistes » brandissent une multitude de drapeaux palestiniens et algériens. Sur une banderole est écrit : « Non aux médias de la haine ». Dans le collimateur, les rares journalistes qui alertent sur l’antisémitisme coranique, le racisme anti-Blanc, la violence des cités palestinophiles, les provocations du régime algérien. L’antisionisme qui nazifie les Israéliens et la censure qui interdit le débat sont revendiqués comme des vertus au prétexte de protéger les musulmans de « l’islamophobie ».

Grand remplacement et grand effacement

Au même moment, le rabbin d’Orléans se faisait physiquement agresser par un jeune musulman. La France « créolisée » de Jean-Luc Mélenchon a montré son visage : celui de la soumission à l’islam révolutionnaire et judéophobe ; celui d’un peuple amnésique ayant bradé son drapeau au profit d’étendards étrangers et querelleurs ; celui de « la haine de la France » (Manuel Valls, ce lundi au micro d’Europe 1). Dimanche, dans le JDD, Gérald Darmanin expliquait malgré tout : « Je crains plus le grand effacement de la République que notre grand remplacement ». Or le ministre de la Justice fait comprendre qu’il n’a pas pris la mesure des risques que fait courir pour la paix civile le choix de l’extrême gauche (PS y compris) de promouvoir, en appui d’une immigration colonisatrice qui refuse l’intégration, la « nouvelle France » revancharde. D’autant que ce combat contre « l’extrême droite » est aussi celui de M. Darmanin et de la macronie, à commencer par le chef de l’État. C’est ce prétexte qui avait permis de renouveler dernièrement le « front républicain » avec LFI.

A relire, Céline Pina: Marche contre le fascisme: quand la gauche manifeste avec ses pires contradictions

Avenir de cauchemar

L’imposture antiraciste, promue par SOS Racisme depuis 40 ans, s’est en tout cas confirmée : les fascistes et les racistes sont bien les antifascistes et les antiracistes. Cette France de la dhimmitude, asservie à l’islam anti-juif, sexiste et conquérant, sera l’avenir cauchemardesque de la nation si rien n’est fait pour s’y opposer. Certes, il est loisible de se rassurer sur l’envergure de la France remplacée, vu l’échec de cette mobilisation nationale (90 000 personnes au total). Mais le camp du Bien, dont se réclame le gouvernement, reste sous influence de cette gauche perdue qui a abandonné le peuple enraciné au profit de peuples déracinés. Comme le note Christophe Guilluy dans son dernier essai1, le pouvoir et le patronat s’accommodent de cette société ouverte et exploitable dans sa main d’œuvre. Ses émeutes sont, pour les métropoles mondialisées (Métropolia), moins redoutées que celles des périphéries (Périphéria). La répression des gilets jaunes a été bien plus brutale que celles des intifadas des cités. 

Le droit à la continuité historique

La macronie est semblable à la gauche sectaire quand elle diabolise en fascistes potentiels les citoyens soucieux de maintenir leur continuité historique, ou quand elle dénonce les « propos haineux » pour surveiller les réseaux sociaux. En réalité la dénonciation d’une « extrême droite » fantasmée sert à promouvoir les fossoyeurs de la nation. Ils sont aussi au cœur de l’État. Ce dessein place la droite française en rempart attendu. 

Qu’attend-elle pour se révolter, en un même élan populaire, contre ceux qui regardent la France s’effacer, disparaître sous les pelletées de boue de l’extrême gauche et de l’extrême centre ?

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  1. Métropolia et Périphéria, Un voyage extraordinaire, Flammarion ↩︎

Erdogan: de persécuté à persécuteur

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Des Turcs participent à une manifestation de soutien au maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, détenu à Istanbul. Le 19 mars, le bureau du procureur en chef de la ville a annoncé la détention de M. Imamoglu dans une affaire impliquant des accusations de corruption, de pot-de-vin, de malversations et d'assistance à des activités terroristes, quelques jours avant qu'il ne soit désigné candidat principal du CHP, principal parti d'opposition, pour l'élection présidentielle de 2028... © Mikhail Voskresenskiy/SPU/SIPA

En Turquie, l’incarcération controversée du maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, accusé de corruption mais soutenu par des milliers de manifestants dénonçant une atteinte à la démocratie, aggrave la tension politique face au président Erdogan. Comme un air de déjà vu, observe Gil Mihaely.


En Turquie, l’histoire semble parfois bégayer. En 1998, Recep Tayyip Erdoğan, alors maire d’Istanbul et surtout jeune et prometteur leader de la mouvance islamiste turque, était condamné à la prison pour avoir récité un poème jugé contraire à la laïcité. Un coup politique qui avait lancé son ascension vers le pouvoir en 2003.

Vingt-cinq ans plus tard, les rôles sont inversés. Le jeune et prometteur maire d’Istanbul est Ekrem İmamoğlu, figure montante de l’opposition, porteur d’un discours modéré et libéral. M. İmamoğlu incarne l’espoir d’une alternance dans un pays aux mains de l’AKP, un parti dont le logiciel politique s’inspire des Frères musulmans. Mais à mesure que sa popularité s’affirme et que celle de l’AKP décline, la machine politico-judiciaire, désormais entre les mains de ceux qui furent les victimes de 1998, se met en branle pour tenter de neutraliser celui qui se réclame des forces hégémoniques d’avant Erdoğan. Son arrestation il y a quelques jours s’inscrit dans un cycle bien connu en Turquie : un pouvoir qui instrumentalise les institutions pour se préserver, quitte à en compromettre les fondements démocratiques.

Accusations de corruption, et pire encore…

La trajectoire d’İmamoğlu avait déjà été freinée une première fois en décembre 2022, lorsqu’il fut condamné à deux ans et sept mois de prison, assortis – ce qui est l’essentiel pour le pouvoir en place – d’une interdiction d’exercer des fonctions électives, pour avoir prétendument insulté les membres du Haut Conseil électoral. Il aurait déclaré en public que « ceux qui ont annulé les élections sont des idiots ». Déjà, beaucoup, tant en Turquie qu’à l’étranger, y voyaient un usage sélectif du droit à des fins partisanes visant à écarter un rival potentiel d’Erdoğan en vue de la présidentielle.

Mais cette fois, il ne s’agit plus de déclarations, mais d’accusations de corruption, de blanchiment d’argent et de liens présumés avec le PKK, organisation classée comme terroriste par Ankara. İmamoğlu risque donc une très lourde condamnation pour des crimes graves. L’accusation de liens avec le PKK – la plus grave – est particulièrement savoureuse, car pendant que les différents services préparaient le dossier contre lui, les relations entre la Turquie et les Kurdes étaient en train de se métamorphoser.

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Depuis quatre décennies, le conflit opposant l’État turc au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a coûté des dizaines de milliers de vies et durablement fracturé la société turque. Le dialogue, tenté à plusieurs reprises, a toujours échoué, étouffé par la méfiance, les intérêts politiques à court terme et les logiques de domination réciproque. C’est dans ce contexte lourd, marqué par l’histoire, que Recep Tayyip Erdoğan a surpris l’opinion publique en rouvrant, en 2024, la porte à un règlement pacifique. Ce qui, pendant longtemps, aurait relevé de l’impensable : une ouverture vers le PKK, avec pour horizon la fin des hostilités armées.

Le tournant s’amorce en octobre 2024, lorsque Devlet Bahçeli, leader du MHP, parti ultranationaliste et allié clé d’Erdoğan, propose de libérer conditionnellement Abdullah Öcalan, le chef du PKK emprisonné depuis 2000, à condition qu’il appelle à la dissolution de l’organisation. L’initiative, aussi inattendue qu’ambiguë, est rapidement relayée – et validée – par Erdoğan lui-même. En qualifiant cette proposition de « fenêtre d’opportunité historique », le président turc amorce un changement de cap spectaculaire. Jusque-là, il s’était présenté comme le pourfendeur intransigeant du « terrorisme kurde », n’hésitant pas à criminaliser jusqu’aux formes politiques d’expression kurde. Mais désormais, dans un contexte régional tendu et avec une volonté affichée de pacification intérieure, le pouvoir semble prêt à reconsidérer ses lignes rouges.

PKK, un tournant historique

Le leader kurde, longtemps tenu au silence, se dit prêt à « contribuer à un nouveau paradigme » et évoque, pour la première fois depuis des années, la possibilité d’un appel officiel à la fin de la lutte armée. Le 27 février 2025, son message est rendu public : il appelle le PKK à déposer les armes et à se dissoudre. Le geste est historique. Et il ne tarde pas à produire ses effets : dès le 1er mars, le PKK annonce un cessez-le-feu unilatéral.

Face à ces avancées, Erdoğan se positionne comme l’architecte de la paix, saluant l’entrée de la Turquie dans une « nouvelle ère sans terrorisme ». Cette manœuvre s’inscrit aussi dans un contexte de recomposition électorale : après les élections municipales de 2024, qui ont renforcé l’opposition, Erdoğan cherche à gagner à nouveau le cœur des Kurdes, électorat crucial dans toute présidentielle future. Il faut savoir que les Kurdes, ennemis irréductibles des kémalistes laïcs et nationalistes, étaient presque ipso facto les alliés naturels des islamistes, pour qui le dénominateur religieux permettait de créer un front commun contre la mouvance dominante en Turquie des années 1920 jusqu’à la fin du XXe siècle. Ensuite, une fois au pouvoir, Erdoğan avait fusionné islamisme et nationalisme turc – purgé de son athéisme et de son laïcisme – pour forger, notamment sur le dos des Kurdes redevenus ennemis, la synthèse AKP. Pourquoi donc, en ce moment précis, poursuivre un responsable politique pour avoir suivi la même voie ? Effectivement, la réponse est ailleurs.

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L’affaire survient dans un contexte politique tendu, à l’approche d’échéances électorales majeures, et vise manifestement à affaiblir l’opposition en décapitant l’une de ses figures les plus populaires en vue de l’élection présidentielle de 2028. Selon la Constitution turque en vigueur, il n’est pas possible d’exercer plus de deux mandats présidentiels, et donc, en l’état actuel du droit, Erdoğan ne pourrait pas se représenter. Sauf s’il parvient à réunir la majorité qualifiée nécessaire. Ce qui est impossible sans le soutien des partis kurdes, car justement le AKP est en perte de vitesse électorale. Tout devient donc clair : on courtise les Kurdes et on élimine l’adversaire le plus dangereux, afin d’accéder à un troisième mandat et, pourquoi pas, à une présidence à vie et au titre d’Atatürk.

Qui a le droit ?

Mais la manœuvre d’Erdoğan se heurte à une résistance non négligeable. Dans les grandes villes turques comme Istanbul, Ankara – dont le maire d’opposition semble lui aussi visé par le pouvoir – et Izmir, des manifestations massives éclatent pour dénoncer ce que beaucoup qualifient d’atteinte grave à l’État de droit. Plus d’un millier de personnes sont arrêtées en Turquie, parmi lesquelles des journalistes, des avocats, des opposants, dans une répression qui rappelle l’après-coup d’État manqué de l’été 2016.

L’opposition institutionnelle se met, elle aussi, en ordre de bataille, et le Parti républicain du peuple (CHP, fondé par Kemal Atatürk) annonce qu’il maintient İmamoğlu comme candidat officiel pour la présidentielle de 2028. À l’image d’un Erdoğan autrefois victime du système, İmamoğlu incarne désormais l’idée d’une démocratie muselée mais non vaincue. Son arrestation, censée le discréditer, pourrait au contraire renforcer son image dans une société turque où la mémoire politique collective reste marquée par la figure du leader persécuté devenu victorieux. Et ce qui est curieux, c’est que l’homme ayant subi ce même traitement en 1998 est aujourd’hui aux commandes. À l’époque, la condamnation d’Erdoğan avait ouvert la voie à un bouleversement politique majeur, mettant fin à huit décennies d’hégémonie kémaliste. En 2025, la condamnation d’un héritier du kémalisme, dont le nom signifie « le fils de l’imam », pourrait sonner le glas d’Erdoğan, l’homme qui se maintenait au pouvoir en surfant sur une synthèse islamo-nationaliste.

« Black dog », de Guan Hu : demain, les chiens ?

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Notre chroniqueur est un mauvais Français — en matière de cinéma, au moins. Il ne s’extasie pas devant Anatomie d’une Chute, ne porte pas Omar Sy aux nues, et méprise Le Comte de Monte-Cristo. Mais parlez-lui d’un film chinois ou coréen, et il s’extasie volontiers. Ne serait-il pas un peu snob ?


La ville — un gros village à l’échelle chinoise — est sur le déclin, ses immeubles sont vides, son zoo à l’abandon, et le seul gros entrepreneur est un boucher spécialisé dans la viande de serpent. Le paysage à l’entour est désolé — nous sommes sur la frange du désert de Gobi, au nord-ouest, loin de Pékin, Shanghaï et autres vitrines du décollage économique chinois.

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Paysage accablant, sublimement filmé en teintes gris-bleues, où le vent traîne des tumbleweeds, ces boules de broussailles qui roulaient dans les westerns de notre enfance – et de fait, il s’agit bien d’un eastern.

Lang, un homme taciturne (Eddie Peng, habitué des rôles de serial lover, utilisé ici à contre-emploi, n’a pas eu dix lignes de texte à apprendre), ancien cascadeur à moto, incarcéré dix ans pour meurtre, revient chez lui. Mais la ville est envahie de meutes de chiens errants qu’elle cherche à capturer pour s’en débarrasser et faire venir d’hypothétiques investisseurs. On craint en particulier un grand lévrier noir, famélique et soupçonné de porter la rage — mais la rage et la mort suintent des murs, que les tremblements de terre fissurent chaque jour davantage.

Cet homme sans attaches — son père est un alcoolique qui s’est donné pour tâche de nourrir les dernières bêtes du zoo, dont un tigre mélancolique — se prend d’amitié pour cette bête efflanquée qui ressemble exactement à l’Anubis égyptien, dieu des morts. Il récupère sa moto, répare le radio-cassettes obsolète qui diffuse en boucle « Hey you », chanson cafardeuse du Pink Floyd que l’on entendra aussi dans le générique final, erre dans ce paysage de dunes noires, pendant que le pays entier est sommé de s’enthousiasmer pour les Jeux olympiques qui vont commencer. Fichue année 2008, fichu destin.

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C’est d’une beauté sidérante, d’un intérêt constant. Le cafard a cette couleur froide, la mort se déplace à cette allure, les chiens délaissés par les hommes et les hommes abandonnés des dieux ont cet aspect squelettique, désespéré.

Le film est dédié, à la fin, « à ceux qui n’hésitent pas à reprendre la route ». Belle idée — et Lang reprend sa moto pour fuir dans le désert bleuté avec le chiot issu des amours du Black dog, pendant qu’une armée de chiens lui rend hommage. Magnifique. 

Guan Hu est ordinairement un réalisateur de films à grand spectacle — dont aucun n’est sorti en Occident : j’avais parlé en son temps de La Bataille des 800, film de guerre patriotique comme nous ne savons plus les faire. Il a utilisé ici un budget minimaliste (et non, ce n’est pas par manque de moyens que le cinéma est nul, c’est par manque de talent) et monté un film sidérant de beauté maladive, comme les fleurs de Baudelaire. N’importe quel plan est supérieur à la totalité d’un long métrage de Justine Triet, qui ne dépasse jamais le niveau d’un téléfilm du dimanche soir. Courez-y.

Et pendant que je suis dans le cinéma asiatique, allez voir Mickey 17, de Bong Joon Ho (oui, le réalisateur de Parasite). Ne croyez pas les petits jaloux qui vous susurrent que ce chef d’œuvre ne vaut pas un blockbuster américain. J’en ai dit ici tout le bien que j’en pense.

110 minutes.


Demain les chiens

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