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Pierre-Édouard Stérin, la start-up nation, c’est lui!

Convaincu que l’État serait mieux géré si le gouvernement était composé de chefs d’entreprise, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin promeut ses idées conservatrices libérales à travers l’ambitieuse plateforme Périclès. Un projet évidemment caricaturé par les médias de gauche.


Il est le nouvel épouvantail de la presse progressiste. Non content d’aller à la messe tous les dimanches, de voter à droite sans complexe et de figurer dans le top 100 des milliardaires français – triple caractéristique qui frôle le péché mortel à en croire les récents articles parus à son sujet dans Le Monde, L’Humanité et Le Nouvel Obs –, Pierre-Édouard Stérin a aggravé son cas en janvier dernier quand il a fait savoir qu’un petit morceau de sa fortune, acquise grâce à sa start-up Smartbox, serait désormais consacré à une « société d’intelligence politique » baptisée Périclès, dont la mission est de distribuer 20 millions d’euros par an à des ONG libérales-conservatrices comme l’Institut de recherches économiques et fiscales ou l’Observatoire du décolonialisme. Parmi les solutions promues par le quinquagénaire, également considéré comme l’un des principaux « Business Angels » européens : donner les commandes de la France à des dirigeants dotés d’une solide expérience en entreprise, à la manière de l’Amérique de Donald Trump et d’Elon Musk. Une perspective peut-être pas si impensable au pays de l’ex-directeur de tannerie Antoine Pinay, de l’ancien négociant en spiritueux Jean Monnet et du ci-devant banquier Georges Pompidou.


Causeur. Il y a quelques jours, vous avez fait sensation sur le réseau social LinkedIn en publiant une liste de onze grands patrons du privé qui pourraient, selon vous, former un gouvernement idéal. Par exemple, le portefeuille de la Santé pourrait être attribué à Stéphane Bancel, le PDG de Moderna, et celui de la Réduction de la dépense publique à Carlos Tavares, l’ancien numéro un de Peugeot-Citroën. Est-ce juste un jeu de l’esprit ou une proposition sérieuse ?

Pierre-Édouard Stérin. C’est sérieux. Mettre à la tête des ministères des experts reconnus du monde de l’entreprise, qui ont obtenu de vrais succès dans leur domaine me semble une idée de bon sens. C’est une question d’offre. Gouverner, cela veut dire avoir une vision et des objectifs, puis recruter et manager une équipe afin de les réaliser, et enfin savoir faire des choix quand des décisions importantes doivent être prises. C’est le boulot quotidien des entrepreneurs.

Dans votre publication sur LinkedIn, vous oubliez de définir le profil du président idéal. Voudriez-vous que, comme aux États-Unis, un homme d’affaires accède à l’Élysée ? Soutiendriez-vous le plus puissant d’entre eux, Bernard Arnault, comme l’écrit Le Monde ?

Je ne le connais pas personnellement, mais sa réussite plaide incontestablement en sa faveur. Cela dit, une personne comme Xavier Niel, davantage orientée vers la tech et la création d’entreprise, me paraît présenter aussi un profil intéressant, même si je ne suis pas certain d’être d’accord avec lui sur tous les sujets clefs. D’autres personnalités me semblent également pertinentes, comme Patrick Pouyanné, le PDG de Total, ou Vincent Bolloré.

On est tenté de vous comparer avec ce dernier, qui est lui aussi un catholique de droite assumé. Quelles sont vos relations avec lui ?

Très bonnes. Il est une source d’inspiration, comme George Soros peut l’être également, mais dans le camp d’en face !

N’est-ce pas contradictoire d’être milliardaire quand on a la foi chrétienne ?

Aucunement. Je vous renvoie à la parabole des Talents dans les Évangiles.

N’y a-t-il pas tout de même quelque paradoxe à prôner des valeurs ancestrales pour la société et, en même temps, investir, comme vous le faites, dans des technologies, notamment numériques, qui bouleversent radicalement nos modes de vie ?

Catholicisme et développement ne sont évidemment pas incompatibles.

Revenons à votre idée de gouvernement d’entrepreneurs. Les Français y sont-ils disposés ? Ne préféreront-ils pas toujours les hommes politiques venus du service public et pétris de convictions étatistes ?

Certes le socialisme est omniprésent en France, mais nombre de nos concitoyens ont encore une énorme énergie à déployer. Tout n’est pas perdu, le redressement est possible. Ce sera compliqué, j’en conviens. Mais je suis un éternel optimiste. Si la France a été détruite en quelques dizaines d’années, nous pouvons tout à fait en faire à nouveau une formidable puissance en quelques dizaines d’années !

En vous mêlant de politique avec la fortune immense qui est la vôtre, ne risquez-vous pas de fausser le jeu démocratique ?

Non, pas du tout. Que des patrons se mêlent de politique, comme vous dîtes, cela n’a rien de nouveau. Regardez en Amérique, les milieux d’affaires soutiennent les candidats aux élections présidentielles. Le plus souvent d’ailleurs, ils aident davantage le candidat démocrate que le candidat républicain… Cela empêche-t-il les États-Unis d’être une grande démocratie ? Chez nous en Europe, c’est la même chose. Un financier comme George Soros, mais aussi d’autres membres de l’élite économique, de façon plus discrète, ne m’ont pas attendu pour exercer une certaine influence sur la politique.

En France, depuis quelques semaines, plusieurs grands capitaines d’industrie critiquent le gouvernement et les hausses de taxe sur les entreprises. Qu’avez-vous pensé de cette montée au créneau ?

Il était temps ! Les patrons français sont, en un sens, responsables de la situation actuelle du pays, car ils ont trop longtemps voulu éviter de s’impliquer dans ces sujets.

Le Medef a quand même pris des positions politiques par le passé. Par exemple en appelant à voter pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, et en se déclarant favorable à la mondialisation et à l’immigration…

C’est vrai, une grande partie du patronat, des bourgeois et de la gauche sont responsables de l’ouverture des frontières. Il s’agissait pour eux de favoriser une économie où l’on produit toujours moins cher et où l’on consomme toujours plus et à moindre prix. Je m’inscris en totale opposition avec ce courant.

Quel regard portez-vous sur le couple exécutif actuellement au pouvoir en France ?

Je suis plus que sceptique envers Emmanuel Macron et François Bayrou, compte tenu des résultats qu’ils ont pu avoir l’un comme l’autre ces dernières années aux postes qu’ils ont occupés. On n’envoie pas à Matignon quelqu’un qui ne sait pas diriger une ville. On ne réélit pas un président qui a déjà eu sa chance et qui a fait si peu pour son pays. Nommons plutôt des gens qui ont déjà démontré des capacités de restructuration et de développement dans une entreprise ! Ils ont bien plus d’expérience que tous les politiques réunis.

Vous pilotez vos activités depuis Bruxelles. Comprenez-vous les critiques de ceux qui vous reprochent un manque de patriotisme du fait de cette expatriation ?

Je préférerais vivre en France, croyez-moi. Si je vis en Belgique, c’est pour économiser des impôts, que je reverse ensuite au centuple dans des projets caritatifs et métapolitiques.

Kétamine et eau de Vichy

Claude Malhuret a vivement critiqué l’administration Trump dans un discours remarqué, au Sénat, mercredi dernier. Depuis, la vidéo de l’intervention connait son petit succès dans le monde entier et M. le Sénateur est invité dans la matinale de France inter…


« À l’avenir, chacun aura droit à quinze minutes de célébrité mondiale », écrivait Andy Warhol dans le catalogue d’une de ses expositions à Stockholm, en 1968.

On peut dire que M. Claude Malhuret, sénateur français de l’Allier, vient d’illustrer presque à la perfection cette prédiction. La célébrité qu’il s’est récemment acquise n’est peut-être pas tout à fait d’ampleur mondiale, mais elle dépasse de beaucoup les limites de la Limagne, son territoire d’élection, et même celles de l’hexagone.

Quelques minutes d’une diatribe anti-Trump – genre très prisé et plutôt médiatiquement payant ces temps-ci – y aura suffi. Huit minutes à la tribune du Sénat, huit minutes qui sortirent cette noble assistance parlementaire de la somnolence d’après agapes dont se gausse trop souvent – et, faut-il le dire – quelque peu injustement le citoyen moyen. Car ce n’est pas parce que le Sénat gesticule et vocifère moins fort que la Chambre des députés qu’il serait davantage sujet aux effets de la torpeur digestive.

Pour Monsieur le Sénateur Malhuret, Donald Trump n’est autre qu’un « Empereur incendiaire ». Ce sont ses propres mots. La formule, cinglante, forte, a de quoi en effet réveiller l’auditoire. Et le choix des termes susciter la réflexion. Pour autant qu’on puisse le savoir, M. Trump a été démocratiquement élu – et plutôt bien élu – par le peuple américain. Empereur n’est donc pas la qualification qui conviendrait le mieux. Sauf à considérer, bien évidemment – et c’est en cela que le choix du terme est révélateur – que lorsque le peuple vote mal – je veux dire lorsqu’il ne va pas dans le sens du système – on ne doit plus voir dans le résultat des urnes la moindre forme d’expression démocratique mais une sorte de coup d’Etat, d’insurrection qui ne dirait pas son nom. Et donc empereur – tyran, autocrate, au choix…- conviendrait tout à fait pour venir se substituer, par exemple, à la notion de président élu.

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Et puis, M. le Sénateur Malhuret, en homme qui sait à la perfection son métier de hâbleur parlementaire, s’en prend à Elon Musk, passage obligé de toute charge quelque peu réfléchie et prétendument cohérente contre la nouvelle administration américaine. Taper sur Trump sans taper sur Musk ce serait se contenter d’un menu de cantine avec fromage mais sans dessert. Enfin, quelque chose d’aussi épouvantable, vous voyez…

Un bouffon sous kétamine, voilà ce qu’est Musk dans les propos de tribune du sénateur de l’Allier, terroir dont, il est vrai, l’ersatz de psychotrope de référence, l’eau de Vichy source Célestins, est d’une tout autre nature.

On peut détester Trump. On peut haïr Musk. Bien sûr, même si à la tribune de la Chambre haute on serait en droit d’espérer plus d’argumentation que de fiel. On peut se montrer extrêmement déconcerté, agacé, horripilé par les comportements, les propos du milliardaire Musk, mais réduire celui-ci à la caricature de « bouffon sous kétamine » relève d’une malveillance intellectuelle totalement sidérante. Je ne doute pas que M. Malhuret ait accompli au long de sa vie, de ses carrières successives, de très grandes choses, mais je ne sache pas qu’il ait conçu et mené à bien des inventions, des réalisations, des expérimentations puissantes, révolutionnaires, en avance sur leur temps, créé des entreprises à la pointe de la pointe comme l’a fait et le fait encore Elon Musk. Balayer cela d’un revers de main pour la volupté finalement assez vulgaire de « faire le buzz » du haut de la tribune du Sénat ne grandit ni l’orateur, ni l’institution où il s’exprime. Pour ce genre de facilités, il y a les fins de banquet et les arrière-salles de bistrot.

Encore une fois, il est permis de conchier à satiété les Trump, les Musk. Et cela le restera, permis, tant qu’on ne pourra empêcher les roquets d’aboyer et surtout de se prendre pour des lions.

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L’ivresse du chef de guerre

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Selon notre chroniqueur, le président français hystérise la guerre en se trompant d’ennemi. La menace russe qu’Emmanuel Macron entend à tout prix combattre est pourtant moins importante que celle de l’islamisme, estime-t-il.


À vouloir interdire les « propos haineux » et les « fake news » sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron se devrait d’être exemplaire dans sa pondération. Pourtant, contrarié, il perd toute retenue. Cette faille psychologique peut rendre fou Narcisse blessé. Or ce déséquilibre est dangereux pour le monde lorsque Macron, regard fixe et reins cambrés, défie Vladimir Poutine dans une surenchère trahissant une susceptibilité puérile. Henri Guaino y a vu ce lundi sur Europe 1 et CNews « l’ivresse du chef de guerre ». Alors qu’une paix se dessine entre l’Ukraine et la Russie sous l’égide des États-Unis, le président s’est invité mercredi dernier sur les télévisions pour justifier la poursuite du feu : « La Russie du président Poutine viole les frontières pour assassiner des opposants, manipule des élections en Roumanie, en Moldavie, organise des attaques numériques contre nos hôpitaux, tente de manipuler nos opinions avec des mensonges diffusés sur les réseaux sociaux ». Il avait lancé de semblables amalgames entre faits et soupçons, le 31 décembre 2018, contre les gilets jaunes. Macron les avait accusés mensongèrement de s’en prendre « aux élus, aux forces de l’ordre, aux journalistes, aux juifs, aux étrangers, aux homosexuels ». Le 4 janvier 2022, répliquant aux contestataires de sa « guerre » contre le Covid, le pyromane avait récidivé dans sa quête incendiaire : « Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder ». À chaque fois, Macron tente de se mettre au centre d’une situation tendue pour l’envenimer. À chaque fois, il abime la libre expression en imposant un discours anxiogène approuvé par la presse suiveuse. Sa rage contre Poutine, soutenue par les va-t-en-guerre rejouant « les années trente », va produire les mêmes errements. L’odeur et le goût du sang en plus.

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Ce n’est pas la Russie qui est « une menace pour la France et pour l’Europe ». Macron est, par sa glaciale indifférence aux milliers de vies déjà arrachées, le vrai danger. Il dit : « La patrie a besoin de vous ! ». Or il est absurde de laisser penser que Poutine pourrait menacer la France dans son existence. En trois ans d’une guerre fratricide, le Russe, confronté à la résistance héroïque de l’Ukraine, n’a pu atteindre Kiev. Le seul mérite de Macron est d’admettre l’urgence d’une revalorisation des budgets de la Défense. Mais, en juillet 2017, il avait humilié publiquement Pierre de Villiers, chef d’Etat-major, coupable d’avoir alerté sur la baisse des crédits…

Le chef de l’État se comporte en irresponsable lorsqu’il entrave un processus de paix au prétexte d’exhiber sa résistance à un autocrate. Le Premier ministre, François Bayrou, en a rajouté vendredi en s’en prenant aussi à Donald Trump, qui rendrait « le monde plus dangereux ». Ces postures de matamores sont d’une navrante légèreté. Elles sèment la peur pour espérer ressouder les opinions autour du pouvoir affaibli et d’une Europe postnationale qui, en 2014, se flattait d’être représentée par Conchita Wurst, transsexuel barbu.

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L’hystérisation fait diversion sur l’ennemi déjà introduit en France. François Fillon le rappelle dans Valeurs Actuelles : « La Russie est une menace infiniment moindre que celle de l’islam radical ». Macron se couche devant cette idéologie totalitaire. Il refuse le bras de fer avec l’Algérie qui a pris Boualem Sansal en otage. Il craint la diaspora algérienne et la rue arabe. Macron se cabre face à Poutine, pour faire oublier qu’il laisse en paix l’islam conquérant, judéophobe, misogyne. Il laisse les Chrétiens d’Orient se faire massacrer en Syrie.  Il est le capitulard-en-chef.

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La République mourra-t-elle du ridicule ?

La situation de la France ressemble à ce qui se passe au pied de la Tour Eiffel : une autorité moquée et impuissante, laissant prospérer des désordres qu’elle pourrait pourtant contrôler. Entre une République qui se ridiculise par ses décisions absurdes et un pouvoir qui préfère détourner le regard face aux problèmes, le pays semble sombrer dans la farce et l’inefficacité. Mais derrière ce comique tragique, la défiance grandit, et un État qui perd le respect de ses citoyens peut finir par basculer dans l’instabilité, rappelle Aurélien Marq dans sa chronique.


Quand le roi passe son temps à parader en exigeant qu’on admire ses vêtements somptueux alors qu’en réalité il est nu, il ne se décrédibilise pas seulement lui-même, il saborde la légitimité de la monarchie. De la même manière, on aura beau dire que le ridicule ne tue pas, on en vient à se demander si la République ne va pas finir par mourir à force de se ridiculiser.

Doux commerce

Le 22 février, aux pieds de la Tour Eiffel, des vendeurs à la sauvette ont mis en fuite les policiers en leur jetant des tours Eiffel miniatures. Même les scénaristes de Taxi n’auraient pas osé. D’après l’article – très complet – du Parisien (le 28 février), ce petit monde déclare « on parle que wolof » et quelqu’un qui « essaie d’obtenir des papiers » a déjà été arrêté deux fois. « Ils me disent de dégager » mais il revient, évidemment. « De retour en force à Paris après la trêve des Jeux olympiques, les vendeurs à la sauvette sont peut-être même plus nombreux qu’avant. » Eh oui, ce ne serait pas arrivé pendant les Jeux Olympiques : preuve que quand on veut, on peut, et que quand la République laisse faire, c’est par choix.

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En Isère, des dealers ont distribué des prospectus dans les boîtes aux lettres pour vanter leurs produits : cocaïne, cannabis, puff, protoxyde d’azote… « Des produits de confiance, à la hauteur de vos attentes » – c’est ce qui est marqué sur ces flyers publicitaires, et ce n’est pas un remake modernisé de la célèbre scène des nudistes du Gendarme de Saint-Tropez. La différence essentielle étant que les nudistes n’ont jamais tué personne, alors que les narco-trafiquants ne s’en privent pas. On rit, mais on rit jaune.

Relations franco-algériennes : une farce grinçante

Après l’attentat de Mulhouse, on pouvait s’attendre à un peu de fermeté vis-à-vis de l’Algérie. Emmanuel Macron ne l’a pas entendu de cette oreille, et les non-expulsions se suivent et se ressemblent : « Les autorités algériennes n’ont pas accepté son retour et l’ont renvoyé vers Paris. De retour en fin d’après-midi, l’homme, condamné à de multiples reprises par la justice française… » « Deux ressortissants algériens, connus de la justice française, ont été expulsés vers leur pays d’origine ce jeudi matin 6 mars, avant d’être refusés par l’Algérie et renvoyés en France. » Sonia Mabrouk l’a parfaitement résumé, se faisant la voix du bon sens et de la France : « On peut se montrer comme Churchill face à Poutine et comme Chamberlain face à Tebboune ? » François Bayrou lui a répondu au nom de la République, ou plutôt ne lui a pas répondu, accumulant langue de bois, circonlocutions, et soumission éhontée devant la diaspora algérienne. « Que de précautions, Monsieur le Premier Ministre, après tant d’humiliations de la France ! » releva Sonia Mabrouk, décidément excellente. Pourvu que Poutine n’ait pas la terrifiante idée de peindre des drapeaux algériens sur ses chars, tout notre arsenal militaire deviendrait impuissant à les empêcher de franchir nos frontières et de parader dans nos rues. Lola est morte, Lino Sousa Loureiro est mort, et François Bayrou « ne partage pas ce genre de formule un peu désobligeante. » La République n’est plus qu’une farce grinçante.

Heureusement, le ministère de la Culture contribue à sa façon à l’effort de défense : sa campagne de « réinvention » des enseignes des marchands de presse « accompagnant les transformations du métier » arrive à point nommé pour nous démontrer qu’on peut sans problème supprimer une bonne partie de son budget – quel magnifique sens du timing et de là-propos !

Constantinople en 1452

Et à propos d’à-propos, l’administration pénitentiaire n’est pas en reste. 125 millions d’euros pour offrir 25.000 tablettes aux détenus, c’est la fin de l’abondance et l’économie de guerre, mais l’économie de guerre républicaine ! À 5.000 euros la tablette, comme l’a dit Jean-Sébastien Ferjou d’Atlantico, si ce n’est pas de la corruption, c’est de l’incompétence de niveau stratosphérique. Rions de bon cœur, c’est nous qui payons avec nos impôts. Mais puisque nous avons 3.228.400.000.000 € de dettes, nous ne sommes plus à ça près, alors autant s’amuser ! Tiens, c’est exactement ce qu’a fait France Télévisions : on apprend que 1.000 de ses salariés bénéficient, chaque mois, jusqu’à 4.000 € de frais professionnels (eh oui, bien sûr, c’est nous qui payons avec nos impôts). C’est Byzance, c’est Versailles ! Versailles en 1788, Byzance/Constantinople en 1452.

https://twitter.com/jsferjou/status/1898024360876580917

Même la réouverture de Notre-Dame, dont la restauration est l’un des rares succès des dernières années, s’est faite parodique, l’archevêque aux couleurs de Lidl brandissant une crosse que le plus négligeant des cosplayers aurait honte d’utiliser pour incarner un magicien. Il faut dire que depuis le plug anal géant de la place Vendôme et les pneus dorés de l’Opéra Garnier, tout le monde sait que l’art véritable s’est réfugié dans la pop’culture – mais c’est un autre sujet.

Qui peut encore prendre ce régime au sérieux ? Tout ça est ridicule, et De Gaulle doit se retourner dans sa tombe. Le roi est nu, il le sait, nous le savons, il sait que nous le savons, et il craint le jour où cela ne nous fera plus rire du tout. C’est dangereux. Un roi qui a peur de son peuple rêve de tyrannie.

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Deux féminismes irréconciliables

La veille du 8 mars, la marche féministe radicale organisée à Paris a suscité une polémique en raison de la participation de collectifs pro-palestiniens, tels que Samidoun et Urgence Palestine, qui ont scandé des slogans pouvant être perçus comme antisémites, notamment «De la mer au Jourdain, la Palestine aux Palestiniens». Initialement interdite par le préfet de police pour risque de troubles à l’ordre public, la manifestation a finalement été autorisée par la justice, rassemblant environ 3 500 personnes. Par ailleurs, depuis quelques années, un féminisme revanchard qui adore les bannissements et les dénonciations s’oppose au féminisme universaliste, explique Elisabeth Lévy.


Féministe toi même ! Ce 8 mars a été l’occasion de règlements de comptes entre féministes. D’habitude, c’est plutôt un festival de pleurnicheries sur le sort terrible des Françaises… Mais, depuis deux ans, ces pleurnicheries sont un peu éclipsées par la compromission d’une partie des féministes avec l’antisémitisme.

De curieuses résistantes

Vendredi soir, une marche nocturne féministe radicale était ainsi organisée à Paris par des crypto-djihadistes proches du FLP, très relayée par Insoumis. D’abord interdite par la Préfecture, la manifestation a finalement été autorisée par la Justice. Le mot d’ordre ? Intifada, libération de la Palestine de la mer au Jourdain !

Samedi, c’était la grande manif de la gauche, décrite comme un grand mouvement de «Résistance féministe» par Libération. Malheureusement, ce magnifique mouvement s’est débrouillé pour expulser « Nous vivrons » (qui défend les victimes du 7-Octobre) ou Némesis, collectif extrême-droitisé parce qu’il dénonce les agressions sous OQTF. L’association d’Alice Cordier ne peut apparemment pas se dire féministe et de droite, mais on peut tout à fait se dire féministe et insulter les victimes du 7-Octobre, violées et suppliciées parce que juives. Précisons toutefois que Marine Tondelier et Sandrine Rousseau sont beaucoup plus claires sur le 7-Octobre que leurs camarades insoumises Danièle Obono ou Ersilia Soudais.

http://twitter.com/CordierAlice2/status/1898783654408565059

Nouvelle génération

Ce féminisme post-Metoo défend les footballeuses voilées, mais il est très timide pour les Iraniennes, les Afghanes et les Françaises subissant la loi du quartier. Selon lui, le danger pour les femmes n’est pas l’islam radical mais l’instrumentalisation de l’extrême-droite et de l’Internationale réactionnaire. Ce féminisme dénonce le patriarcat là où il a disparu, et ne le voit pas là où il sévit. Sa principale boutique s’appelle « Nous toutes ». Pas moi !

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Mais, il y a aussi d’autres voix, comme celles des signataires d’un texte dans la Tribune Dimanche. La tribune, initiée notamment par Agnès Jaoui, Caroline Fourest et Delphine Horvilleur, est intitulée Un autre féminisme est possible[1] – et elles n’y vont pas de main morte.  Selon elles, le féminisme est  instrumentalisé de façon caricaturale et sectaire. « Au nom de l’indigénisme et d’une prétendue intersectionnalité, ou par pur esprit partisan, un féminisme totalitaire tend à parler au nom de toutes ». Elles en appellent donc à un « féminisme universaliste » qui dénoncerait tous les oppresseurs et agresseurs, même quand ils sont « racisés » et qui respecterait la présomption d’innocence. Sans la nommer, les signataires attaquent évidemment la députée Sandrine Rousseau, qui n’en démord pas : même innocenté par la Justice, Julien Bayou demeure selon elle coupable.

Comme il y a deux gauches irréconciliables, il y a donc aujourd’hui deux féminismes irréconciliables.

D’un côté, le féminisme universaliste, celui des signataires de cette tribune et d’Elisabeth Badinter. Certes, elles sont peut-être toujours un peu trop soucieuses de montrer qu’elles sont de gauche, elles refusent de condamner MeToo et ne sont selon moi pas assez attachées à la différence des sexes. Mais, elles ne jouent pas les éternelles victimes. Malgré ces divergences, leur féminisme est le mien et aussi celui de millions de femmes et d’hommes nés dans le monde de l’égalité.

De l’autre côté, un néo-féminisme victimaire, pleurnicheur et revanchard, imprégné d’islamo-wokisme, ne veut pas la justice mais la revanche. Si des groupuscules militants subventionnés sont très bruyants et influents dans la jeunesse, les médias ou nos universités, ce féminisme est en réalité minoritaire. Mais, il parvient quand même à faire de l’entrisme institutionnel. J’en veux pour preuve cette vidéo ahurissante du Service d’information du Gouvernement pour célébrer le 8 mars. On y voit trois hommes équipés d’un simulateur de règles qui leur fait mal quand ils répondent mal à des questions sur les femmes. C’est un curieux message féministe qui assimile les règles à une malédiction. Au-delà de mes impôts, si c’est ça l’égalité, rendez-moi le patriarcat !


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio. Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin


[1] https://www.latribune.fr/la-tribune-dimanche/opinions/opinion-un-autre-feminisme-est-possible-par-agnes-jaoui-caroline-fourest-et-delphine-horvilleur-1020143.html

Haddock a dit

Pierre Bénard décortique les expressions du capitaine Haddock, de ses insultes les plus connues à ses invectives les plus soutenues.


Après le Milou, humain, trop humain, de Renaud Nattiez, voici Haddock, humain, tout simplement. Il fallait bien ces deux-là auprès d’un Tintin trop parfait. C’est un livre à siroter comme un whisky que les éditions Mille Sabords viennent de sortir, Haddock a dit, sous la plume du tintinophile averti, amoureux du barbu au grand cœur, qu’est Pierre Bénard. Le Capitaine le valait bien. Haut en couleurs, colérique et anxieux, complexe et vivant, Haddock, c’est un des grands héros de la littérature. En trente chapitres aux titres expressifs, l’auteur fait une étude du personnage d’Hergé « en le captant dans ses répliques, en le prenant au mot ».

Un grand enfant

Haddock, grande gueule, c’est d’abord une voix. De la terre à la lune, de la mer à Moulinsart, enfermé dans une capsule ou crapahutant dans un désert, tel il apparaît, le Capitaine, avec sa barbe, sa pipe et sa casquette (qu’il n’a pas toujours eues) : colérique, avec ses tempêtes et ses bonaces, ses insultes, sa verve, son grand cœur. Mais aussi amoureux du silence, de la liberté, poète à ses heures, « un grand enfant » dit de lui Bianca (Castafiore). Avec le séraphique Tintin, son « fiston, son moussaillon, son galopin », « entré dans sa vie, comme Vendredi dans la vie de Robinson », à qui le Capitaine doit sa rédemption en le faisant passer de l’ivrognerie à l’alcoolisme mondain de Moulinsart, Haddock forme, un couple pour l’éternité. « Ce bon, cet excellent Haddock » dit de lui Pierre Bénard.

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Ce personnage vivant, complexe et attachant n’a pas toujours été Haddock (allez voir au début, c’est diablement intéressant). Ivrogne invétéré, doté d’une ascendance familiale qui remonte au XVIIe, il a une vieille maman et hérite d’un château. Il naît à la postérité grâce à Tintin, et échappera, in extremis, à son prénom d’Archibald. C’est que, comme le titre un chapitre, les arcanes de son histoire sont « très simples et très compliquées. » Ne peut-on pas déceler chez lui une tendance à la bipolarité dans Objectif Lune ?

Haddock, une richesse verbale

Oralité et littérature ont des liens étroits depuis toujours. Pierre Bénard donne à ce personnage foncièrement bon la dimension littéraire qu’il mérite. Pas seulement parce qu’il a des souvenirs de Lamartine. La richesse verbale de Haddock est insondable. Tout comme l’est sa filiation littéraire. « En écoutant Haddock, dit l’auteur, à la fin, c’est fou le nombre de silhouettes qui s’élevaient dans ma mémoire… Ajax, frère Jean des Entommeures, mais aussi Picrochole, Matamore, Caliban, Falstaff, Arnolphe et Alceste de Molière, le Flambeau de Rostand. » Un chapitre intitulé « Mes étriers, mille sabords ! » raconte, à la manière de Montaigne, en quatre images animées, l’aventure équestre, épique, arrivée au capitaine. Un délice.

(c) Mille sabords

Les épisodes sont incarnés, on peut les dater, les actualiser, les transposer, les rendre atemporels, les vulgariser, les censurer. Paris Flash existe. L’histoire de Haddock commence quand il est commandant en même temps que la Grande Histoire prend un tour dramatique. Le monde, ses centres névralgiques, est évoqué sans filtre : le Congo, la Mitteleuropa, avec la Syldavie, le Tibet, l’Empire du Milieu – le seul nom de Tchang suffit. Et puis la lune et la conquête de l’espace. On sait les accusations en colonialisme, en racisme, en machisme, en anticommunisme primaire (forcément primaire) que subissent les tintinophiles. On connaît les tribulations éditoriales de Tintin au Congo. Hergé est génial de conservatisme élégant et bourgeois, d’intelligence, d’humour !

Le génie de l’invective

Pierre Bénard, et son illustrateur, Xavier Broxolle, est l’auteur de plusieurs autres livres sur Tintin dont Bianca Castiafore, celle qui rit de se voir si belle avec laquelle le Capitaine a des liens si forts de détestation et d’attirance. N’est-ce pas par un miroir que commença la psychothérapie de Haddock par Tintin qui lui fit ainsi mesurer sa déchéance, du genre : tu t’es vu quand tu bois ? Alors, Haddock sur le divan d’un psychothérapeute ? La barbe et le miroir sont des classiques du genre psychanalytique.

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Connaisseur accompli de notre langue maltraitée, Pierre Bénard est aussi un poète qui a l’art des paysages envoûtants. Allez, une insulte, pour terminer ! Non pas cloportes et négriers ! Ni mitrailleur à bavette ! Mais de la pure gratuité poétique ! À une dame d’âge se croyant insultée par lui, ce bon Haddock a cette délicieuse réponse : « Mais je ne vous insulte pas, espèce de catachrèse ! » Et l’auteur d’écrire : « Une catachrèse comme chacun sait est une figure de rhétorique, et peu importe, au fond, laquelle ». C’est ce qu’on appelle le génie de l’invective.

Haddock a dit, c’est un bain de jouvence et d’intelligence pour les zygomars et les anacoluthes que nous sommes tous, espérons-le.

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Haddock a dit

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Peer Gynt, une formidable aventure

L’œuvre d’Ibsen mise en musique par Grieg est magistralement interprétée au théâtre du Châtelet. Sous la houlette d’Olivier Py, des comédiens-chanteurs-danseurs hors du commun se livrent à une prestation merveilleuse.


Une épopée menée à un rythme d’enfer dans une mise en scène époustouflante : c’est Peer Gynt, qui est à l’affiche du Théâtre du Châtelet. Montée dans des décors et des costumes (Pierre-André Weitz) d’une sévérité toute protestante pour les séquences norvégiennes, mais d’une fantaisie débridée dès que l’on glisse dans le monde des trolls ou vers d’exotiques lointains; chorégraphiée avec une vitalité réjouissante, colorée d’un humour malicieux (Ivo Bauchiero), cette réalisation enthousiasmante d’Olivier Py ranime avec bonheur la musique de scène composée en 1874 par Edward Grieg pour accompagner le texte d’Henrik Ibsen, laquelle musique est parfaitement exécutée par l’Orchestre de chambre de Paris sous la direction d’Anu Tali.

De superbes acteurs-danseurs-chanteurs

Avant même d’évoquer le spectacle, ce sont ses interprètes qu’il faut absolument honorer. Tous manifestent des qualités remarquables. Ils ne sont que quatorze pour figurer quelque 70 personnages. Et cette multiplication de rôles successifs pour chacun d’entre eux relèverait à elle seule d’une singulière performance. Mais c’est surtout leur engagement, l’énergie folle qu’ils dépensent, le talent qu’ils déploient qui sont ébouriffants. Ils se lancent dans la bataille, jouent, chantent, dansent, cabriolent dans un flux d’énergie inextinguible. À chacun il faudrait accoler des qualificatifs louangeurs tant ils confèrent à leurs personnages une présence, un humour, une ardeur qui font des multiples tableaux de l’épopée des moments qui sont de purs régals.

Ici, trois filles en chemise blanches (Clémentine Bourgoin, Justine Lebas, Lucie Peramaure), si jolies, si mutines, si astucieuses, si candidement dépravées, figurent dans l’une des scènes les plus réjouissantes du spectacle. Là, le tonitruant roi des trolls de Damian Bigourdan se retrouve incarnant également le maléfique Grand Courbe. Lequel apparaît encore sous la silhouette terrifiante de Pierre-Antoine Brunet. Là encore la blondeur préraphaélite de la Solveig de Raquel Camarinha illumine la scène. Pour ne rien dire des étonnantes interventions de Marc Labonnette ou de Sévag Tachdjian, d’Emilien Diard, Pierre Lebon ou Hugo Thery. Toute la troupe enfin est lancée dans l’inquiétante bacchanale des trolls, enfiévrée, dévastatrice, joyeusement démoniaque, où costumes et chorégraphie participent au délire.

La mort d’Aase

Parmi eux, la fascinante comédienne qu’est ici Céline Chéenne incarnant Aase, la mère de Peer Gynt. Tempétueuse, vociférante, désespérée, mais aussi tendre et maternelle, elle est à elle seule, avec son fin visage si spirituel, si éloquent, une figure d’anthologie.

De la mort d’Aase, portée à son lit par son fils qui va évoquer pour elle ces contes qu’elle lui narrait jadis et qui lui ont ravagé la cervelle, le metteur en scène a fait un moment bouleversant sans être larmoyant. Il a eu l’idée d’envoyer un instant Peer tout au fond de la scène, là où siège l’orchestre, afin de réclamer aux musiciens d’adoucir cette mort sur cette page de Grieg qui est parmi les plus belles qu’il ait jamais composées. Et ce détail infime confère à ce tableau un je ne sais quoi d’indicible.

C’est là d’ailleurs que la beauté et la nécessité de la musique de Grieg se vérifient pleinement, que la volonté de faire renaître avec le drame la partition pour laquelle elle a été composée trouve sa parfaite justification.

Un athlète : Bertrand de Roffignac 

Quant à celui qui tient le rôle écrasant, cyclopéen, de Peer Gynt, il faudrait à son sujet accumuler tant de superlatifs qu’on glisserait vite dans l’hagiographie. Pour faire sobre, on dira seulement de Bertrand de Roffignac qu’il est ici prodigieux. De ce fanfaron bon à rien qui se rêve empereur, mais qui est menteur, voleur, séducteur sans scrupules, de ce trafiquant d’esclaves aussi tortueux que crédule, il donne une interprétation sidérante, phénoménale. À telle enseigne que dès les premières scènes où il se met aussitôt en danger, on se demande comment ce comédien qui a été l’élève de la danseuse Caroline Marcadé, avec son nom de héros de roman picaresque et malgré sa jeunesse, pourra porter son personnage durant quatre heures d’affilée. Ne serait-ce que physiquement, alors qu’il se dépasse sans cesse, qu’il brûle d’une énergie invraisemblable, tout en brossant son Peer Gynt avec des nuances infinies de couleurs.

À l’issue de la représentation où il ne quitte pratiquement jamais la scène et où il court, galope, saute, bondit, cabriole, chante, hurle, gémit, pleure, rêve, badine, ment comme un arracheur de dents, éructe, sue, crache à profusion ses poumons, se dépensant au-delà de l’exprimable, on devrait logiquement emmener sur une civière un Bertrand de Roffignac épuisé, exsangue, à demi-mort. Mais il parvient encore, ce diable d’homme, lors des saluts, à esquisser une ou deux facéties, animé sans doute par l’ivresse d’avoir pu affronter victorieusement un défi proprement inhumain. À l’image de cet ancêtre parti jadis en croisade pour délivrer Jérusalem.

Peer (B. de Roffignac) et Solveig (R. Camarinha) – Peer Gynt – Théâtre du Châtelet © Thomas Amouroux

Scènes épiques

Innombrables, éclatantes de vie dès les premiers instants, défilant à un rythme effréné, presque aussi chorégraphiques que théâtrales, les scènes des cinq actes de Peer Gynt offrent des effets contrastés qui ne participent pas qu’un peu à l’irrépressible élan qui porte la mise en scène. Et les textes crus, les énormités proférées, dans l’adaptation souvent paillarde, mais jamais vulgaire, qu’en donne le metteur en scène, pimentent le spectacle.

Dans cette suite de scènes surprenantes, seule détonne celle du prophète, là où Peer Gynt, pour mieux épater des Arabes crédules et séduire l’une d’entre eux, avant d’être misérablement détroussé, se fait passer pour un envoyé d’Allah. Si le texte d’Ibsen n’est guère palpitant, tout coloré qu’il soit par le metteur en scène lui-même d’expressions bien peu halal, ce dernier donne ici dans un genre comique troupier qui donnerait à penser qu’on se retrouve brusquement devant une mauvaise scène de mauvais théâtre de boulevard. En regard de l’excellence de l’ensemble de la production, on pourrait n’y voir qu’une faiblesse bien pardonnable. Mais au sein d’un spectacle aussi extraordinaire, elle apparaît cependant impardonnable.

Un spectacle exceptionnel

Si l’on peut ne pas être convaincu par la dimension métaphysique de Peer Gynt, si le texte est parfois inutilement bavard sans avoir nécessairement la portée philosophique qu’on lui prête, et si l’on peut ne pas partager l’enthousiasme du metteur en scène pour la pièce, il n’en reste pas moins qu’il en fait un spectacle exceptionnel. Chose que permettent évidemment la fantaisie, les rêves fous de cet anti-héros lamentable, sa vie d’aventurier et l’extravagance des scènes qui en découlent. L’audace d’Ibsen, construisant au XIXe siècle un drame autour d’un personnage immature, doté d’un formidable égoïsme, une canaille en fait qui n’est préoccupée que d’elle-même, cela pouvait apparaître révolutionnaire dans la société luthérienne du royaume de Suède et Norvège. Ça ne l’est plus guère aujourd’hui où ce sont précisément les vrais héros qui ont déserté les théâtres.   

Ce n’est donc pas Ibsen qu’on a ici envie de saluer. Mais bien le talent du metteur en scène, de ses collaborateurs et de ses interprètes. Et tout autant la musique de Grieg restaurée dans sa fonction première et qui ajoute à l’ensemble une dimension poétique et dramatique qu’il était essentiel de raviver.   

De telles réussites sont si rares ! Il est donc inconcevable qu’un tel spectacle, déployant tant de qualités, ne demeure à l’affiche du Théâtre du Châtelet que durant 10 jours. Il devrait pouvoir être vu par un public innombrable. Et bien évidemment avec les mêmes protagonistes. On ne peut donc que souhaiter, pour ne pas dire davantage, qu’il se retrouve sur la même scène lors d’une prochaine saison.


Peer Gynt, au Théâtre du Châtelet jusqu’au 16 mars 2025.

0140 28 28 40 ou chatelet.com

Le Canado-Irlando-Royaumunien Mark Carney consacré messie du Canada

Alors que le Canada est en pleine guerre commerciale avec les États-Unis de Donald Trump, le banquier Mark Carney a été élu à la tête du Parti libéral canadien le 9 mars. Il est favori pour devenir Premier ministre du pays, mais l’opposition conservatrice lui soupçonne de potentiels conflits d’intérêts financiers…


La fin du monde va provoquer une chute à la Bourse, c’est certain. En cas d’Apocalypse, achetez de l’or.
Romain Gary.

Ils tressèrent une couronne d’épines qu’ils posèrent sur sa tête, et ils lui mirent un roseau dans la main droite; puis, s’agenouillant devant lui, ils se moquaient de lui en disant: «Salut, roi des Juifs!».
Matthieu 27:29.


Le dimanche 9 mars 2025, le prochain Premier ministre canadien a convaincu 85% des membres du parti libéral du Canada qu’il est le leader le mieux placé pour succéder à Justin « Blackface » Trudeau et pour défendre les intérêts du 51e Etat… rectification, du Canada face à un président Donald Trump annexionniste. Se trouve brutalement éclipsée celle qui était en principe la dauphine de Justin, la menue mais énergique Chrystia Freeland (du concentré de tomates), haïe par sa Majesté Orange.

« Mektoub », comme a dû le dire la groupie justinesque Amira Elghawaby.

Crédibilité économique

Le PLC a décidé de faire abstraction de son manque de charisme et de son expérience politique inexistante. (Il avait été racolé jadis par le Premier ministre conservateur Stephen Harper pour le poste de ministre des Finances, mais cela n’en fait pas un « politicien professionnel », comme son populiste homologue conservateur). Son discours de victoire fut charitablement saupoudré de quelques phrases dans un français approximatif, mais une bonne connaissance de la langue de Julien Green serait d’une utilité limitée face au fondateur de la Trump University.

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Sa crédibilité économique l’a emporté; avoir été directeur des banques du Canada et d’Angleterre ne compte pas pour du beurre (produit laitier visé par l’administration Trump). Cela dit, on peut d’ores et déjà s’interroger sur sa volonté d’imposer des contre- droits de douane « dollar pour dollar » aux produits américains : l’impact serait négligeable pour les États-Unis, mais ils appauvriraient considérablement les consommateurs canadiens. Mais passons.

Le chef du parti conservateur du Canada, Pierre Poilièvre, évoque de possibles conflits d’intérêt chez son adversaire millionnaire. En effet, la Loi sur les conflits d’intérêts impose aux titulaires de charge publique l’obligation de déclaration publique de leurs biens. Or, à ce jour, le (pseudo)outsider, issu du monde du bizenaisse (comme Donald Trump), mais éminence grise de Justin n’occupe, ni n’a jamais occupé une telle charge; il passe donc à travers les gouttes. Il lui est donc proposé de dissiper l’opacité de sa situation financière (quels sont ses biens et ses comptes bancaires dans quels pays? En Irlande? A Jersey?), en faisant cette déclaration volontairement et immédiatement, mais le matois ex-gouverneur (pas au sens trumpesque du terme) esquive et se borne à promettre d’agir au moment prescrit par la stricte lettre de la loi. Seule (autre) ombre au tableau, le délai légal de 120 jours sera caduc si des élections sont rapidement convoquées, comme cela est prévisible.

Sur le plan du patriotisme économique, signalons son rôle au sein des conseils d’administration de multinationales géantes : la société (californienne) STRIPE et la société (irlando-californienne) PIMCO. Est particulièrement intéressante la question du transfert du siège social de Brookfield Asset Management de Toronto à… New York. Son ex-pédégé Carney explique vertueusement qu’il n’avait rien eu à voir avec cette décision, prise « officiellement » (« formally » en v.o.) le 27 janvier 2025, alors qu’il avait démissionné depuis belle lurette, à savoir le… 15 janvier 2025. Dont acte.

Sauf que… le 30 octobre 2024, avait été annoncée cette décision prise à l’unanimité par le conseil d’administration, laquelle fut confirmée par les actionnaires fin janvier suivant, et sauf que… ceux-ci avaient été mis devant le fait accompli comme en font foi les documents de Brookfield communiqués aux actionnaires avant le vote, les informant qu’elle avait transmis son siège social à New York et mentionnant l’immeuble « Brookfield Place » à Manhattan.

(Incidemment, Brookfield n’a pas souhaité s’exprimer sur d’éventuelles pertes d’emplois au Canada suite à cette délocalisation).

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Mais il serait malséant de reprocher au candidat Carney une perte de mémoire sur des événements si anciens.

Il en demeure toujours actionnaire, mais que l’on se rassure : il confiera, comme la loi le prévoit, la gestion de ses biens (où qu’ils soient dans le monde) à une fiducie (canadienne?) « sans droit de regard », dont l’indépendance est évidemment au-dessus de tout soupçon… Par ailleurs, surtout en cette période de turbulences, nul ne saurait imaginer un Premier ministre prenant des décisions en fonction de son propre patrimoine (dispersé partout dans le monde) et contraires à l’intérêt supérieur de la nation canadienne… rectification, des agents économiques habitant le territoire canadien? Honni soit qui mal y pense.

The Economist envisage l’adhésion du Canada à l’UE

Pour autant, ce citoyen irlandais est peut-être l’homme de la situation dont le Canada a besoin pour concrétiser la récente proposition du magazine The Economist : l’adhésion à l’Union européenne.

Le fils à papa Justin, ex-professeur d’art dramatique avait promis des « voies ensoleillées » lorsqu’il revêtit les atours et le maquillage de Premier ministre. La pièce de théâtre a duré 10 ans. La vedette peut maintenant remonter sur son snowboard et glisser majestueusement vers le soleil couchant. Salut l’artiste! Rideau! Et hasta la vista, baby!

Jugé coupable. Ou pas

Reda Abakrim est en prison au Maroc. Mais, ce client de notre ancien garde des Sceaux devenu comédien n’y est pas du tout pour ce qu’on lui reprochait en France…


Dans la guerre qu’il a déclarée à la drogue, Gérald Darmanin en appelle à une coopération internationale sincère et efficace, nombre de narcotrafiquants trouvant refuge dans les pays arabes. Le garde des Sceaux est bien placé pour savoir que ce n’est pas gagné d’avance. En juin 2020, la justice française condamne ainsi un certain Reda Abakrim, baron de la drogue surnommé Turbo (référence aux go fast qu’il organisait) à vingt et un ans de prison pour avoir ordonné l’assassinat à Poissy d’un concurrent, Brahim Hajaji. Mais il est condamné par contumace, car il s’était réfugié au Maroc.

Un mandat d’arrêt international est lancé. Le 22 décembre 2020, la police marocaine arrête enfin Reda. Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, applaudit : « Je me félicite de l’arrestation à Casablanca d’un trafiquant international de stupéfiants. […] Bel exemple de la très bonne coopération entre la France et le Maroc. » Mais le Maroc refuse d’extrader Reda, au motif que s’il est né en France, il possède aussi, via ses parents, la nationalité marocaine et le royaume n’extrade pas ses ressortissants.

Reda est donc rejugé, au Maroc, en avril 2023, et il est… acquitté ! Pour expliquer ce verdict stupéfiant, Me Mohamed Aghnaj, avocat de la famille de la victime Hajaji, a, sur Le Desk, site marocain d’infos, déploré le manque de collaboration de la… France : « Depuis tout ce temps la justice française disposait des éléments inculpant Reda Abakrim. […] Ce dossier bien ficelé n’a pas été transmis à la justice marocaine. »

Ironie du sort ou confusion des genres, à ce moment, le ministre de la Justice française était Éric Dupond-Moretti, qui avant d’obtenir un maroquin place Vendôme, était l’avocat de… Reda Abakrim, qu’il représenta et défendit lors du procès où le Franco-Marocain écopa de vingt et un ans par contumace !

Reda acquitté, la famille Hajaji a fait appel, mais un appel dans le désert, car si aujourd’hui Reda est en prison et défraye la chronique, c’est qu’il est soupçonné d’avoir en février 2024 fait assassiner Faras, le mari de Rym Fikri, une chanteuse très populaire au Maroc.

Intelligence artificielle: quand la question énergétique rebat les cartes


Le gouvernement a annoncé 109 milliards d’investissements pour l’intelligence artificielle censés symboliser la place de la France dans la course technologique mondiale. Discret sur l’origine des fonds nécessaires à la construction de data centers dans l’hexagone, le ruissellement des autosatisfecit gouvernementaux atteint jusqu’à Xavier Bertrand, fier d’annoncer l’ouverture de huit de ces centres dans les Hauts de France.

Une technologie énergivore

Les esprits chagrins demeureront dubitatifs quant à la stratégie française sur les sources d’énergie que nécessiteront ces centres ou encore sur l’éventuelle contribution de ces entreprises étrangères au financement des infrastructures énergétiques françaises qu’elles utiliseront à plein régime. Avec une consommation mondiale d’électricité en constante augmentation du fait de la croissance exponentielle des données générées par les utilisateurs et les entreprises, la dépendance énergétique des data centers mérite bel et bien une stratégie en amont.

Terriblement gourmande en énergie, l’accélération technologique de l’Intelligence artificielle et du numérique devrait interpeller le gouvernement alors que nous nous tournons toujours plus vers les énergies intermittentes. Or, la course vers l’innovation et le contrôle des données mondiales ne peut se passer d’un accès abondant en énergie décarbonée à bas prix. A l’heure où les Etats-Unis réduisent leurs chaînes d’approvisionnement en déclarant s’attaquer à l’exploitation des richesses du golfe du Mexique, la Commission européenne impose aux Européens une réduction de 90% des émissions de carbone d’ici 2040.

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Poursuivant son fantasme en faveur des énergies intermittentes qui fait courir un risque majeur à la stabilité du réseau électrique et fragilise le parc nucléaire, Bruxelles fixe des objectifs inatteignables et létaux mettant à mal l’autonomie stratégique de nos pays. Que le Royaume-Uni, élève modèle de la stratégie d’énergies intermittentes, ait évité de justesse le blackout le 8 janvier 2024 par l’importation d’électricité danoise, elle-même issue du mix énergétique suédois, ne modifie en rien ses certitudes… Comprenne qui pourra.

Folle dérive du renouvelable

Face à ces incohérences et à la propagande d’ONG subventionnées, faux nez de vrais intérêts financiers, le programme souverainiste que propose Marine Le Pen est chaque jour plus évident.

C’est pourquoi l’hydro-électricité, énergie propre et pilotable, doit être défendue. Ce pôle d’excellence français est toujours menacé de privatisation. Un constat qui résume parfaitement les décennies de lâcheté des gouvernements successifs qui ont permis à la commission européenne de paralyser toute prise de décision et d’investissements dans la filière. Mais alors que la Chine, première puissance industrielle du monde, envisage la construction du « barrage du Tibet », dont la puissance atteindra la moitié de l’électricité annuelle produite dans notre pays, n’est-il pas pour le moins surprenant de délaisser notre propre savoir-faire hydroélectrique ?

La légèreté avec laquelle l’oligarchie française a sacrifié ses infrastructures hydrauliques et nucléaires pour s’encalminer dans les énergies intermittentes serait considérée comme un crime contre la nation par nombre de gouvernements. Souvent cité à tort par l’extrême-gauche anti-nucléaire, le rapport du GIEC indique dans tous ses scénarios pour lutter contre le réchauffement climatique qu’une hausse du nucléaire est nécessaire. Une unanimité scientifique qui prouve une fois de plus l’erreur stratégique d’Emmanuel Macron dans la mise à mort de la centrale de Fessenheim au bénéfice de l’éolien. Que cette filière intermittente donne lieu à un massacre paysager et un coût exorbitant pour les comptes publics, n’a pas été de nature à le freiner.

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Deux ans plus tôt, le même Emmanuel Macron déclarait que « lorsqu’on parle des actions de la nation pour répondre aux défis du changement climatique, force est de constater que nous avons fait trop peu ». Aujourd’hui, il est temps d’agir, en effet, mais en prenant résolument le chemin inverse.

Stoppons la folle dérive des énergies renouvelables et intermittentes pour disposer à nouveau d’une production nationale d’électricité décarbonée, fiable et bon marché reposant sur les deux socles stratégiques que sont le nucléaire et l’hydroélectricité. Un socle complété, si nécessaire, par toute forme d’énergie renouvelable pilotable, telle que la géothermie, garantissant la stabilité du réseau électrique, le meilleur prix dans l’intérêt du pouvoir d’achat des Français, de la compétitivité des entreprises et, plus largement, de notre souveraineté énergétique.


Les Horaces sont un cercle de hauts fonctionnaires, hommes politiques, universitaires, entrepreneurs et intellectuels apportant leur expertise à Marine Le Pen, fondé et présidé par André Rougé, député français au Parlement européen.

Pierre-Édouard Stérin, la start-up nation, c’est lui!

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Pierre-Édouard Stérin Anthony © DEHEZ/REA/Otium Capital

Convaincu que l’État serait mieux géré si le gouvernement était composé de chefs d’entreprise, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin promeut ses idées conservatrices libérales à travers l’ambitieuse plateforme Périclès. Un projet évidemment caricaturé par les médias de gauche.


Il est le nouvel épouvantail de la presse progressiste. Non content d’aller à la messe tous les dimanches, de voter à droite sans complexe et de figurer dans le top 100 des milliardaires français – triple caractéristique qui frôle le péché mortel à en croire les récents articles parus à son sujet dans Le Monde, L’Humanité et Le Nouvel Obs –, Pierre-Édouard Stérin a aggravé son cas en janvier dernier quand il a fait savoir qu’un petit morceau de sa fortune, acquise grâce à sa start-up Smartbox, serait désormais consacré à une « société d’intelligence politique » baptisée Périclès, dont la mission est de distribuer 20 millions d’euros par an à des ONG libérales-conservatrices comme l’Institut de recherches économiques et fiscales ou l’Observatoire du décolonialisme. Parmi les solutions promues par le quinquagénaire, également considéré comme l’un des principaux « Business Angels » européens : donner les commandes de la France à des dirigeants dotés d’une solide expérience en entreprise, à la manière de l’Amérique de Donald Trump et d’Elon Musk. Une perspective peut-être pas si impensable au pays de l’ex-directeur de tannerie Antoine Pinay, de l’ancien négociant en spiritueux Jean Monnet et du ci-devant banquier Georges Pompidou.


Causeur. Il y a quelques jours, vous avez fait sensation sur le réseau social LinkedIn en publiant une liste de onze grands patrons du privé qui pourraient, selon vous, former un gouvernement idéal. Par exemple, le portefeuille de la Santé pourrait être attribué à Stéphane Bancel, le PDG de Moderna, et celui de la Réduction de la dépense publique à Carlos Tavares, l’ancien numéro un de Peugeot-Citroën. Est-ce juste un jeu de l’esprit ou une proposition sérieuse ?

Pierre-Édouard Stérin. C’est sérieux. Mettre à la tête des ministères des experts reconnus du monde de l’entreprise, qui ont obtenu de vrais succès dans leur domaine me semble une idée de bon sens. C’est une question d’offre. Gouverner, cela veut dire avoir une vision et des objectifs, puis recruter et manager une équipe afin de les réaliser, et enfin savoir faire des choix quand des décisions importantes doivent être prises. C’est le boulot quotidien des entrepreneurs.

Dans votre publication sur LinkedIn, vous oubliez de définir le profil du président idéal. Voudriez-vous que, comme aux États-Unis, un homme d’affaires accède à l’Élysée ? Soutiendriez-vous le plus puissant d’entre eux, Bernard Arnault, comme l’écrit Le Monde ?

Je ne le connais pas personnellement, mais sa réussite plaide incontestablement en sa faveur. Cela dit, une personne comme Xavier Niel, davantage orientée vers la tech et la création d’entreprise, me paraît présenter aussi un profil intéressant, même si je ne suis pas certain d’être d’accord avec lui sur tous les sujets clefs. D’autres personnalités me semblent également pertinentes, comme Patrick Pouyanné, le PDG de Total, ou Vincent Bolloré.

On est tenté de vous comparer avec ce dernier, qui est lui aussi un catholique de droite assumé. Quelles sont vos relations avec lui ?

Très bonnes. Il est une source d’inspiration, comme George Soros peut l’être également, mais dans le camp d’en face !

N’est-ce pas contradictoire d’être milliardaire quand on a la foi chrétienne ?

Aucunement. Je vous renvoie à la parabole des Talents dans les Évangiles.

N’y a-t-il pas tout de même quelque paradoxe à prôner des valeurs ancestrales pour la société et, en même temps, investir, comme vous le faites, dans des technologies, notamment numériques, qui bouleversent radicalement nos modes de vie ?

Catholicisme et développement ne sont évidemment pas incompatibles.

Revenons à votre idée de gouvernement d’entrepreneurs. Les Français y sont-ils disposés ? Ne préféreront-ils pas toujours les hommes politiques venus du service public et pétris de convictions étatistes ?

Certes le socialisme est omniprésent en France, mais nombre de nos concitoyens ont encore une énorme énergie à déployer. Tout n’est pas perdu, le redressement est possible. Ce sera compliqué, j’en conviens. Mais je suis un éternel optimiste. Si la France a été détruite en quelques dizaines d’années, nous pouvons tout à fait en faire à nouveau une formidable puissance en quelques dizaines d’années !

En vous mêlant de politique avec la fortune immense qui est la vôtre, ne risquez-vous pas de fausser le jeu démocratique ?

Non, pas du tout. Que des patrons se mêlent de politique, comme vous dîtes, cela n’a rien de nouveau. Regardez en Amérique, les milieux d’affaires soutiennent les candidats aux élections présidentielles. Le plus souvent d’ailleurs, ils aident davantage le candidat démocrate que le candidat républicain… Cela empêche-t-il les États-Unis d’être une grande démocratie ? Chez nous en Europe, c’est la même chose. Un financier comme George Soros, mais aussi d’autres membres de l’élite économique, de façon plus discrète, ne m’ont pas attendu pour exercer une certaine influence sur la politique.

En France, depuis quelques semaines, plusieurs grands capitaines d’industrie critiquent le gouvernement et les hausses de taxe sur les entreprises. Qu’avez-vous pensé de cette montée au créneau ?

Il était temps ! Les patrons français sont, en un sens, responsables de la situation actuelle du pays, car ils ont trop longtemps voulu éviter de s’impliquer dans ces sujets.

Le Medef a quand même pris des positions politiques par le passé. Par exemple en appelant à voter pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, et en se déclarant favorable à la mondialisation et à l’immigration…

C’est vrai, une grande partie du patronat, des bourgeois et de la gauche sont responsables de l’ouverture des frontières. Il s’agissait pour eux de favoriser une économie où l’on produit toujours moins cher et où l’on consomme toujours plus et à moindre prix. Je m’inscris en totale opposition avec ce courant.

Quel regard portez-vous sur le couple exécutif actuellement au pouvoir en France ?

Je suis plus que sceptique envers Emmanuel Macron et François Bayrou, compte tenu des résultats qu’ils ont pu avoir l’un comme l’autre ces dernières années aux postes qu’ils ont occupés. On n’envoie pas à Matignon quelqu’un qui ne sait pas diriger une ville. On ne réélit pas un président qui a déjà eu sa chance et qui a fait si peu pour son pays. Nommons plutôt des gens qui ont déjà démontré des capacités de restructuration et de développement dans une entreprise ! Ils ont bien plus d’expérience que tous les politiques réunis.

Vous pilotez vos activités depuis Bruxelles. Comprenez-vous les critiques de ceux qui vous reprochent un manque de patriotisme du fait de cette expatriation ?

Je préférerais vivre en France, croyez-moi. Si je vis en Belgique, c’est pour économiser des impôts, que je reverse ensuite au centuple dans des projets caritatifs et métapolitiques.

Kétamine et eau de Vichy

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Le sénateur Claude Malhuret, image d'archives © Jacques Witt/SIPA

Claude Malhuret a vivement critiqué l’administration Trump dans un discours remarqué, au Sénat, mercredi dernier. Depuis, la vidéo de l’intervention connait son petit succès dans le monde entier et M. le Sénateur est invité dans la matinale de France inter…


« À l’avenir, chacun aura droit à quinze minutes de célébrité mondiale », écrivait Andy Warhol dans le catalogue d’une de ses expositions à Stockholm, en 1968.

On peut dire que M. Claude Malhuret, sénateur français de l’Allier, vient d’illustrer presque à la perfection cette prédiction. La célébrité qu’il s’est récemment acquise n’est peut-être pas tout à fait d’ampleur mondiale, mais elle dépasse de beaucoup les limites de la Limagne, son territoire d’élection, et même celles de l’hexagone.

Quelques minutes d’une diatribe anti-Trump – genre très prisé et plutôt médiatiquement payant ces temps-ci – y aura suffi. Huit minutes à la tribune du Sénat, huit minutes qui sortirent cette noble assistance parlementaire de la somnolence d’après agapes dont se gausse trop souvent – et, faut-il le dire – quelque peu injustement le citoyen moyen. Car ce n’est pas parce que le Sénat gesticule et vocifère moins fort que la Chambre des députés qu’il serait davantage sujet aux effets de la torpeur digestive.

Pour Monsieur le Sénateur Malhuret, Donald Trump n’est autre qu’un « Empereur incendiaire ». Ce sont ses propres mots. La formule, cinglante, forte, a de quoi en effet réveiller l’auditoire. Et le choix des termes susciter la réflexion. Pour autant qu’on puisse le savoir, M. Trump a été démocratiquement élu – et plutôt bien élu – par le peuple américain. Empereur n’est donc pas la qualification qui conviendrait le mieux. Sauf à considérer, bien évidemment – et c’est en cela que le choix du terme est révélateur – que lorsque le peuple vote mal – je veux dire lorsqu’il ne va pas dans le sens du système – on ne doit plus voir dans le résultat des urnes la moindre forme d’expression démocratique mais une sorte de coup d’Etat, d’insurrection qui ne dirait pas son nom. Et donc empereur – tyran, autocrate, au choix…- conviendrait tout à fait pour venir se substituer, par exemple, à la notion de président élu.

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Et puis, M. le Sénateur Malhuret, en homme qui sait à la perfection son métier de hâbleur parlementaire, s’en prend à Elon Musk, passage obligé de toute charge quelque peu réfléchie et prétendument cohérente contre la nouvelle administration américaine. Taper sur Trump sans taper sur Musk ce serait se contenter d’un menu de cantine avec fromage mais sans dessert. Enfin, quelque chose d’aussi épouvantable, vous voyez…

Un bouffon sous kétamine, voilà ce qu’est Musk dans les propos de tribune du sénateur de l’Allier, terroir dont, il est vrai, l’ersatz de psychotrope de référence, l’eau de Vichy source Célestins, est d’une tout autre nature.

On peut détester Trump. On peut haïr Musk. Bien sûr, même si à la tribune de la Chambre haute on serait en droit d’espérer plus d’argumentation que de fiel. On peut se montrer extrêmement déconcerté, agacé, horripilé par les comportements, les propos du milliardaire Musk, mais réduire celui-ci à la caricature de « bouffon sous kétamine » relève d’une malveillance intellectuelle totalement sidérante. Je ne doute pas que M. Malhuret ait accompli au long de sa vie, de ses carrières successives, de très grandes choses, mais je ne sache pas qu’il ait conçu et mené à bien des inventions, des réalisations, des expérimentations puissantes, révolutionnaires, en avance sur leur temps, créé des entreprises à la pointe de la pointe comme l’a fait et le fait encore Elon Musk. Balayer cela d’un revers de main pour la volupté finalement assez vulgaire de « faire le buzz » du haut de la tribune du Sénat ne grandit ni l’orateur, ni l’institution où il s’exprime. Pour ce genre de facilités, il y a les fins de banquet et les arrière-salles de bistrot.

Encore une fois, il est permis de conchier à satiété les Trump, les Musk. Et cela le restera, permis, tant qu’on ne pourra empêcher les roquets d’aboyer et surtout de se prendre pour des lions.

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L’ivresse du chef de guerre

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Le journaliste Ivan Rioufol © Hannah Assouline

Selon notre chroniqueur, le président français hystérise la guerre en se trompant d’ennemi. La menace russe qu’Emmanuel Macron entend à tout prix combattre est pourtant moins importante que celle de l’islamisme, estime-t-il.


À vouloir interdire les « propos haineux » et les « fake news » sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron se devrait d’être exemplaire dans sa pondération. Pourtant, contrarié, il perd toute retenue. Cette faille psychologique peut rendre fou Narcisse blessé. Or ce déséquilibre est dangereux pour le monde lorsque Macron, regard fixe et reins cambrés, défie Vladimir Poutine dans une surenchère trahissant une susceptibilité puérile. Henri Guaino y a vu ce lundi sur Europe 1 et CNews « l’ivresse du chef de guerre ». Alors qu’une paix se dessine entre l’Ukraine et la Russie sous l’égide des États-Unis, le président s’est invité mercredi dernier sur les télévisions pour justifier la poursuite du feu : « La Russie du président Poutine viole les frontières pour assassiner des opposants, manipule des élections en Roumanie, en Moldavie, organise des attaques numériques contre nos hôpitaux, tente de manipuler nos opinions avec des mensonges diffusés sur les réseaux sociaux ». Il avait lancé de semblables amalgames entre faits et soupçons, le 31 décembre 2018, contre les gilets jaunes. Macron les avait accusés mensongèrement de s’en prendre « aux élus, aux forces de l’ordre, aux journalistes, aux juifs, aux étrangers, aux homosexuels ». Le 4 janvier 2022, répliquant aux contestataires de sa « guerre » contre le Covid, le pyromane avait récidivé dans sa quête incendiaire : « Les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder ». À chaque fois, Macron tente de se mettre au centre d’une situation tendue pour l’envenimer. À chaque fois, il abime la libre expression en imposant un discours anxiogène approuvé par la presse suiveuse. Sa rage contre Poutine, soutenue par les va-t-en-guerre rejouant « les années trente », va produire les mêmes errements. L’odeur et le goût du sang en plus.

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Ce n’est pas la Russie qui est « une menace pour la France et pour l’Europe ». Macron est, par sa glaciale indifférence aux milliers de vies déjà arrachées, le vrai danger. Il dit : « La patrie a besoin de vous ! ». Or il est absurde de laisser penser que Poutine pourrait menacer la France dans son existence. En trois ans d’une guerre fratricide, le Russe, confronté à la résistance héroïque de l’Ukraine, n’a pu atteindre Kiev. Le seul mérite de Macron est d’admettre l’urgence d’une revalorisation des budgets de la Défense. Mais, en juillet 2017, il avait humilié publiquement Pierre de Villiers, chef d’Etat-major, coupable d’avoir alerté sur la baisse des crédits…

Le chef de l’État se comporte en irresponsable lorsqu’il entrave un processus de paix au prétexte d’exhiber sa résistance à un autocrate. Le Premier ministre, François Bayrou, en a rajouté vendredi en s’en prenant aussi à Donald Trump, qui rendrait « le monde plus dangereux ». Ces postures de matamores sont d’une navrante légèreté. Elles sèment la peur pour espérer ressouder les opinions autour du pouvoir affaibli et d’une Europe postnationale qui, en 2014, se flattait d’être représentée par Conchita Wurst, transsexuel barbu.

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L’hystérisation fait diversion sur l’ennemi déjà introduit en France. François Fillon le rappelle dans Valeurs Actuelles : « La Russie est une menace infiniment moindre que celle de l’islam radical ». Macron se couche devant cette idéologie totalitaire. Il refuse le bras de fer avec l’Algérie qui a pris Boualem Sansal en otage. Il craint la diaspora algérienne et la rue arabe. Macron se cabre face à Poutine, pour faire oublier qu’il laisse en paix l’islam conquérant, judéophobe, misogyne. Il laisse les Chrétiens d’Orient se faire massacrer en Syrie.  Il est le capitulard-en-chef.

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La République mourra-t-elle du ridicule ?

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Un vendeur à la sauvette dans les rues de Paris, 2024 © ADIL BENAYACHE/SIPA

La situation de la France ressemble à ce qui se passe au pied de la Tour Eiffel : une autorité moquée et impuissante, laissant prospérer des désordres qu’elle pourrait pourtant contrôler. Entre une République qui se ridiculise par ses décisions absurdes et un pouvoir qui préfère détourner le regard face aux problèmes, le pays semble sombrer dans la farce et l’inefficacité. Mais derrière ce comique tragique, la défiance grandit, et un État qui perd le respect de ses citoyens peut finir par basculer dans l’instabilité, rappelle Aurélien Marq dans sa chronique.


Quand le roi passe son temps à parader en exigeant qu’on admire ses vêtements somptueux alors qu’en réalité il est nu, il ne se décrédibilise pas seulement lui-même, il saborde la légitimité de la monarchie. De la même manière, on aura beau dire que le ridicule ne tue pas, on en vient à se demander si la République ne va pas finir par mourir à force de se ridiculiser.

Doux commerce

Le 22 février, aux pieds de la Tour Eiffel, des vendeurs à la sauvette ont mis en fuite les policiers en leur jetant des tours Eiffel miniatures. Même les scénaristes de Taxi n’auraient pas osé. D’après l’article – très complet – du Parisien (le 28 février), ce petit monde déclare « on parle que wolof » et quelqu’un qui « essaie d’obtenir des papiers » a déjà été arrêté deux fois. « Ils me disent de dégager » mais il revient, évidemment. « De retour en force à Paris après la trêve des Jeux olympiques, les vendeurs à la sauvette sont peut-être même plus nombreux qu’avant. » Eh oui, ce ne serait pas arrivé pendant les Jeux Olympiques : preuve que quand on veut, on peut, et que quand la République laisse faire, c’est par choix.

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En Isère, des dealers ont distribué des prospectus dans les boîtes aux lettres pour vanter leurs produits : cocaïne, cannabis, puff, protoxyde d’azote… « Des produits de confiance, à la hauteur de vos attentes » – c’est ce qui est marqué sur ces flyers publicitaires, et ce n’est pas un remake modernisé de la célèbre scène des nudistes du Gendarme de Saint-Tropez. La différence essentielle étant que les nudistes n’ont jamais tué personne, alors que les narco-trafiquants ne s’en privent pas. On rit, mais on rit jaune.

Relations franco-algériennes : une farce grinçante

Après l’attentat de Mulhouse, on pouvait s’attendre à un peu de fermeté vis-à-vis de l’Algérie. Emmanuel Macron ne l’a pas entendu de cette oreille, et les non-expulsions se suivent et se ressemblent : « Les autorités algériennes n’ont pas accepté son retour et l’ont renvoyé vers Paris. De retour en fin d’après-midi, l’homme, condamné à de multiples reprises par la justice française… » « Deux ressortissants algériens, connus de la justice française, ont été expulsés vers leur pays d’origine ce jeudi matin 6 mars, avant d’être refusés par l’Algérie et renvoyés en France. » Sonia Mabrouk l’a parfaitement résumé, se faisant la voix du bon sens et de la France : « On peut se montrer comme Churchill face à Poutine et comme Chamberlain face à Tebboune ? » François Bayrou lui a répondu au nom de la République, ou plutôt ne lui a pas répondu, accumulant langue de bois, circonlocutions, et soumission éhontée devant la diaspora algérienne. « Que de précautions, Monsieur le Premier Ministre, après tant d’humiliations de la France ! » releva Sonia Mabrouk, décidément excellente. Pourvu que Poutine n’ait pas la terrifiante idée de peindre des drapeaux algériens sur ses chars, tout notre arsenal militaire deviendrait impuissant à les empêcher de franchir nos frontières et de parader dans nos rues. Lola est morte, Lino Sousa Loureiro est mort, et François Bayrou « ne partage pas ce genre de formule un peu désobligeante. » La République n’est plus qu’une farce grinçante.

Heureusement, le ministère de la Culture contribue à sa façon à l’effort de défense : sa campagne de « réinvention » des enseignes des marchands de presse « accompagnant les transformations du métier » arrive à point nommé pour nous démontrer qu’on peut sans problème supprimer une bonne partie de son budget – quel magnifique sens du timing et de là-propos !

Constantinople en 1452

Et à propos d’à-propos, l’administration pénitentiaire n’est pas en reste. 125 millions d’euros pour offrir 25.000 tablettes aux détenus, c’est la fin de l’abondance et l’économie de guerre, mais l’économie de guerre républicaine ! À 5.000 euros la tablette, comme l’a dit Jean-Sébastien Ferjou d’Atlantico, si ce n’est pas de la corruption, c’est de l’incompétence de niveau stratosphérique. Rions de bon cœur, c’est nous qui payons avec nos impôts. Mais puisque nous avons 3.228.400.000.000 € de dettes, nous ne sommes plus à ça près, alors autant s’amuser ! Tiens, c’est exactement ce qu’a fait France Télévisions : on apprend que 1.000 de ses salariés bénéficient, chaque mois, jusqu’à 4.000 € de frais professionnels (eh oui, bien sûr, c’est nous qui payons avec nos impôts). C’est Byzance, c’est Versailles ! Versailles en 1788, Byzance/Constantinople en 1452.

https://twitter.com/jsferjou/status/1898024360876580917

Même la réouverture de Notre-Dame, dont la restauration est l’un des rares succès des dernières années, s’est faite parodique, l’archevêque aux couleurs de Lidl brandissant une crosse que le plus négligeant des cosplayers aurait honte d’utiliser pour incarner un magicien. Il faut dire que depuis le plug anal géant de la place Vendôme et les pneus dorés de l’Opéra Garnier, tout le monde sait que l’art véritable s’est réfugié dans la pop’culture – mais c’est un autre sujet.

Qui peut encore prendre ce régime au sérieux ? Tout ça est ridicule, et De Gaulle doit se retourner dans sa tombe. Le roi est nu, il le sait, nous le savons, il sait que nous le savons, et il craint le jour où cela ne nous fera plus rire du tout. C’est dangereux. Un roi qui a peur de son peuple rêve de tyrannie.

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Deux féminismes irréconciliables

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Strasbourg, 8 mars 2025 © ANTONIN UTZ/SIPA

La veille du 8 mars, la marche féministe radicale organisée à Paris a suscité une polémique en raison de la participation de collectifs pro-palestiniens, tels que Samidoun et Urgence Palestine, qui ont scandé des slogans pouvant être perçus comme antisémites, notamment «De la mer au Jourdain, la Palestine aux Palestiniens». Initialement interdite par le préfet de police pour risque de troubles à l’ordre public, la manifestation a finalement été autorisée par la justice, rassemblant environ 3 500 personnes. Par ailleurs, depuis quelques années, un féminisme revanchard qui adore les bannissements et les dénonciations s’oppose au féminisme universaliste, explique Elisabeth Lévy.


Féministe toi même ! Ce 8 mars a été l’occasion de règlements de comptes entre féministes. D’habitude, c’est plutôt un festival de pleurnicheries sur le sort terrible des Françaises… Mais, depuis deux ans, ces pleurnicheries sont un peu éclipsées par la compromission d’une partie des féministes avec l’antisémitisme.

De curieuses résistantes

Vendredi soir, une marche nocturne féministe radicale était ainsi organisée à Paris par des crypto-djihadistes proches du FLP, très relayée par Insoumis. D’abord interdite par la Préfecture, la manifestation a finalement été autorisée par la Justice. Le mot d’ordre ? Intifada, libération de la Palestine de la mer au Jourdain !

Samedi, c’était la grande manif de la gauche, décrite comme un grand mouvement de «Résistance féministe» par Libération. Malheureusement, ce magnifique mouvement s’est débrouillé pour expulser « Nous vivrons » (qui défend les victimes du 7-Octobre) ou Némesis, collectif extrême-droitisé parce qu’il dénonce les agressions sous OQTF. L’association d’Alice Cordier ne peut apparemment pas se dire féministe et de droite, mais on peut tout à fait se dire féministe et insulter les victimes du 7-Octobre, violées et suppliciées parce que juives. Précisons toutefois que Marine Tondelier et Sandrine Rousseau sont beaucoup plus claires sur le 7-Octobre que leurs camarades insoumises Danièle Obono ou Ersilia Soudais.

http://twitter.com/CordierAlice2/status/1898783654408565059

Nouvelle génération

Ce féminisme post-Metoo défend les footballeuses voilées, mais il est très timide pour les Iraniennes, les Afghanes et les Françaises subissant la loi du quartier. Selon lui, le danger pour les femmes n’est pas l’islam radical mais l’instrumentalisation de l’extrême-droite et de l’Internationale réactionnaire. Ce féminisme dénonce le patriarcat là où il a disparu, et ne le voit pas là où il sévit. Sa principale boutique s’appelle « Nous toutes ». Pas moi !

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Mais, il y a aussi d’autres voix, comme celles des signataires d’un texte dans la Tribune Dimanche. La tribune, initiée notamment par Agnès Jaoui, Caroline Fourest et Delphine Horvilleur, est intitulée Un autre féminisme est possible[1] – et elles n’y vont pas de main morte.  Selon elles, le féminisme est  instrumentalisé de façon caricaturale et sectaire. « Au nom de l’indigénisme et d’une prétendue intersectionnalité, ou par pur esprit partisan, un féminisme totalitaire tend à parler au nom de toutes ». Elles en appellent donc à un « féminisme universaliste » qui dénoncerait tous les oppresseurs et agresseurs, même quand ils sont « racisés » et qui respecterait la présomption d’innocence. Sans la nommer, les signataires attaquent évidemment la députée Sandrine Rousseau, qui n’en démord pas : même innocenté par la Justice, Julien Bayou demeure selon elle coupable.

Comme il y a deux gauches irréconciliables, il y a donc aujourd’hui deux féminismes irréconciliables.

D’un côté, le féminisme universaliste, celui des signataires de cette tribune et d’Elisabeth Badinter. Certes, elles sont peut-être toujours un peu trop soucieuses de montrer qu’elles sont de gauche, elles refusent de condamner MeToo et ne sont selon moi pas assez attachées à la différence des sexes. Mais, elles ne jouent pas les éternelles victimes. Malgré ces divergences, leur féminisme est le mien et aussi celui de millions de femmes et d’hommes nés dans le monde de l’égalité.

De l’autre côté, un néo-féminisme victimaire, pleurnicheur et revanchard, imprégné d’islamo-wokisme, ne veut pas la justice mais la revanche. Si des groupuscules militants subventionnés sont très bruyants et influents dans la jeunesse, les médias ou nos universités, ce féminisme est en réalité minoritaire. Mais, il parvient quand même à faire de l’entrisme institutionnel. J’en veux pour preuve cette vidéo ahurissante du Service d’information du Gouvernement pour célébrer le 8 mars. On y voit trois hommes équipés d’un simulateur de règles qui leur fait mal quand ils répondent mal à des questions sur les femmes. C’est un curieux message féministe qui assimile les règles à une malédiction. Au-delà de mes impôts, si c’est ça l’égalité, rendez-moi le patriarcat !


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio. Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin


[1] https://www.latribune.fr/la-tribune-dimanche/opinions/opinion-un-autre-feminisme-est-possible-par-agnes-jaoui-caroline-fourest-et-delphine-horvilleur-1020143.html

Haddock a dit

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Dessin de Stanislas © 2025, Éditions 1000 Sabords

Pierre Bénard décortique les expressions du capitaine Haddock, de ses insultes les plus connues à ses invectives les plus soutenues.


Après le Milou, humain, trop humain, de Renaud Nattiez, voici Haddock, humain, tout simplement. Il fallait bien ces deux-là auprès d’un Tintin trop parfait. C’est un livre à siroter comme un whisky que les éditions Mille Sabords viennent de sortir, Haddock a dit, sous la plume du tintinophile averti, amoureux du barbu au grand cœur, qu’est Pierre Bénard. Le Capitaine le valait bien. Haut en couleurs, colérique et anxieux, complexe et vivant, Haddock, c’est un des grands héros de la littérature. En trente chapitres aux titres expressifs, l’auteur fait une étude du personnage d’Hergé « en le captant dans ses répliques, en le prenant au mot ».

Un grand enfant

Haddock, grande gueule, c’est d’abord une voix. De la terre à la lune, de la mer à Moulinsart, enfermé dans une capsule ou crapahutant dans un désert, tel il apparaît, le Capitaine, avec sa barbe, sa pipe et sa casquette (qu’il n’a pas toujours eues) : colérique, avec ses tempêtes et ses bonaces, ses insultes, sa verve, son grand cœur. Mais aussi amoureux du silence, de la liberté, poète à ses heures, « un grand enfant » dit de lui Bianca (Castafiore). Avec le séraphique Tintin, son « fiston, son moussaillon, son galopin », « entré dans sa vie, comme Vendredi dans la vie de Robinson », à qui le Capitaine doit sa rédemption en le faisant passer de l’ivrognerie à l’alcoolisme mondain de Moulinsart, Haddock forme, un couple pour l’éternité. « Ce bon, cet excellent Haddock » dit de lui Pierre Bénard.

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Ce personnage vivant, complexe et attachant n’a pas toujours été Haddock (allez voir au début, c’est diablement intéressant). Ivrogne invétéré, doté d’une ascendance familiale qui remonte au XVIIe, il a une vieille maman et hérite d’un château. Il naît à la postérité grâce à Tintin, et échappera, in extremis, à son prénom d’Archibald. C’est que, comme le titre un chapitre, les arcanes de son histoire sont « très simples et très compliquées. » Ne peut-on pas déceler chez lui une tendance à la bipolarité dans Objectif Lune ?

Haddock, une richesse verbale

Oralité et littérature ont des liens étroits depuis toujours. Pierre Bénard donne à ce personnage foncièrement bon la dimension littéraire qu’il mérite. Pas seulement parce qu’il a des souvenirs de Lamartine. La richesse verbale de Haddock est insondable. Tout comme l’est sa filiation littéraire. « En écoutant Haddock, dit l’auteur, à la fin, c’est fou le nombre de silhouettes qui s’élevaient dans ma mémoire… Ajax, frère Jean des Entommeures, mais aussi Picrochole, Matamore, Caliban, Falstaff, Arnolphe et Alceste de Molière, le Flambeau de Rostand. » Un chapitre intitulé « Mes étriers, mille sabords ! » raconte, à la manière de Montaigne, en quatre images animées, l’aventure équestre, épique, arrivée au capitaine. Un délice.

(c) Mille sabords

Les épisodes sont incarnés, on peut les dater, les actualiser, les transposer, les rendre atemporels, les vulgariser, les censurer. Paris Flash existe. L’histoire de Haddock commence quand il est commandant en même temps que la Grande Histoire prend un tour dramatique. Le monde, ses centres névralgiques, est évoqué sans filtre : le Congo, la Mitteleuropa, avec la Syldavie, le Tibet, l’Empire du Milieu – le seul nom de Tchang suffit. Et puis la lune et la conquête de l’espace. On sait les accusations en colonialisme, en racisme, en machisme, en anticommunisme primaire (forcément primaire) que subissent les tintinophiles. On connaît les tribulations éditoriales de Tintin au Congo. Hergé est génial de conservatisme élégant et bourgeois, d’intelligence, d’humour !

Le génie de l’invective

Pierre Bénard, et son illustrateur, Xavier Broxolle, est l’auteur de plusieurs autres livres sur Tintin dont Bianca Castiafore, celle qui rit de se voir si belle avec laquelle le Capitaine a des liens si forts de détestation et d’attirance. N’est-ce pas par un miroir que commença la psychothérapie de Haddock par Tintin qui lui fit ainsi mesurer sa déchéance, du genre : tu t’es vu quand tu bois ? Alors, Haddock sur le divan d’un psychothérapeute ? La barbe et le miroir sont des classiques du genre psychanalytique.

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Connaisseur accompli de notre langue maltraitée, Pierre Bénard est aussi un poète qui a l’art des paysages envoûtants. Allez, une insulte, pour terminer ! Non pas cloportes et négriers ! Ni mitrailleur à bavette ! Mais de la pure gratuité poétique ! À une dame d’âge se croyant insultée par lui, ce bon Haddock a cette délicieuse réponse : « Mais je ne vous insulte pas, espèce de catachrèse ! » Et l’auteur d’écrire : « Une catachrèse comme chacun sait est une figure de rhétorique, et peu importe, au fond, laquelle ». C’est ce qu’on appelle le génie de l’invective.

Haddock a dit, c’est un bain de jouvence et d’intelligence pour les zygomars et les anacoluthes que nous sommes tous, espérons-le.

160 pages

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Peer Gynt, une formidable aventure

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Peer (B. de Roffignac) et les Trolls - Peer Gynt - Théâtre du Châtelet © Thomas Amouroux

L’œuvre d’Ibsen mise en musique par Grieg est magistralement interprétée au théâtre du Châtelet. Sous la houlette d’Olivier Py, des comédiens-chanteurs-danseurs hors du commun se livrent à une prestation merveilleuse.


Une épopée menée à un rythme d’enfer dans une mise en scène époustouflante : c’est Peer Gynt, qui est à l’affiche du Théâtre du Châtelet. Montée dans des décors et des costumes (Pierre-André Weitz) d’une sévérité toute protestante pour les séquences norvégiennes, mais d’une fantaisie débridée dès que l’on glisse dans le monde des trolls ou vers d’exotiques lointains; chorégraphiée avec une vitalité réjouissante, colorée d’un humour malicieux (Ivo Bauchiero), cette réalisation enthousiasmante d’Olivier Py ranime avec bonheur la musique de scène composée en 1874 par Edward Grieg pour accompagner le texte d’Henrik Ibsen, laquelle musique est parfaitement exécutée par l’Orchestre de chambre de Paris sous la direction d’Anu Tali.

De superbes acteurs-danseurs-chanteurs

Avant même d’évoquer le spectacle, ce sont ses interprètes qu’il faut absolument honorer. Tous manifestent des qualités remarquables. Ils ne sont que quatorze pour figurer quelque 70 personnages. Et cette multiplication de rôles successifs pour chacun d’entre eux relèverait à elle seule d’une singulière performance. Mais c’est surtout leur engagement, l’énergie folle qu’ils dépensent, le talent qu’ils déploient qui sont ébouriffants. Ils se lancent dans la bataille, jouent, chantent, dansent, cabriolent dans un flux d’énergie inextinguible. À chacun il faudrait accoler des qualificatifs louangeurs tant ils confèrent à leurs personnages une présence, un humour, une ardeur qui font des multiples tableaux de l’épopée des moments qui sont de purs régals.

Ici, trois filles en chemise blanches (Clémentine Bourgoin, Justine Lebas, Lucie Peramaure), si jolies, si mutines, si astucieuses, si candidement dépravées, figurent dans l’une des scènes les plus réjouissantes du spectacle. Là, le tonitruant roi des trolls de Damian Bigourdan se retrouve incarnant également le maléfique Grand Courbe. Lequel apparaît encore sous la silhouette terrifiante de Pierre-Antoine Brunet. Là encore la blondeur préraphaélite de la Solveig de Raquel Camarinha illumine la scène. Pour ne rien dire des étonnantes interventions de Marc Labonnette ou de Sévag Tachdjian, d’Emilien Diard, Pierre Lebon ou Hugo Thery. Toute la troupe enfin est lancée dans l’inquiétante bacchanale des trolls, enfiévrée, dévastatrice, joyeusement démoniaque, où costumes et chorégraphie participent au délire.

La mort d’Aase

Parmi eux, la fascinante comédienne qu’est ici Céline Chéenne incarnant Aase, la mère de Peer Gynt. Tempétueuse, vociférante, désespérée, mais aussi tendre et maternelle, elle est à elle seule, avec son fin visage si spirituel, si éloquent, une figure d’anthologie.

De la mort d’Aase, portée à son lit par son fils qui va évoquer pour elle ces contes qu’elle lui narrait jadis et qui lui ont ravagé la cervelle, le metteur en scène a fait un moment bouleversant sans être larmoyant. Il a eu l’idée d’envoyer un instant Peer tout au fond de la scène, là où siège l’orchestre, afin de réclamer aux musiciens d’adoucir cette mort sur cette page de Grieg qui est parmi les plus belles qu’il ait jamais composées. Et ce détail infime confère à ce tableau un je ne sais quoi d’indicible.

C’est là d’ailleurs que la beauté et la nécessité de la musique de Grieg se vérifient pleinement, que la volonté de faire renaître avec le drame la partition pour laquelle elle a été composée trouve sa parfaite justification.

Un athlète : Bertrand de Roffignac 

Quant à celui qui tient le rôle écrasant, cyclopéen, de Peer Gynt, il faudrait à son sujet accumuler tant de superlatifs qu’on glisserait vite dans l’hagiographie. Pour faire sobre, on dira seulement de Bertrand de Roffignac qu’il est ici prodigieux. De ce fanfaron bon à rien qui se rêve empereur, mais qui est menteur, voleur, séducteur sans scrupules, de ce trafiquant d’esclaves aussi tortueux que crédule, il donne une interprétation sidérante, phénoménale. À telle enseigne que dès les premières scènes où il se met aussitôt en danger, on se demande comment ce comédien qui a été l’élève de la danseuse Caroline Marcadé, avec son nom de héros de roman picaresque et malgré sa jeunesse, pourra porter son personnage durant quatre heures d’affilée. Ne serait-ce que physiquement, alors qu’il se dépasse sans cesse, qu’il brûle d’une énergie invraisemblable, tout en brossant son Peer Gynt avec des nuances infinies de couleurs.

À l’issue de la représentation où il ne quitte pratiquement jamais la scène et où il court, galope, saute, bondit, cabriole, chante, hurle, gémit, pleure, rêve, badine, ment comme un arracheur de dents, éructe, sue, crache à profusion ses poumons, se dépensant au-delà de l’exprimable, on devrait logiquement emmener sur une civière un Bertrand de Roffignac épuisé, exsangue, à demi-mort. Mais il parvient encore, ce diable d’homme, lors des saluts, à esquisser une ou deux facéties, animé sans doute par l’ivresse d’avoir pu affronter victorieusement un défi proprement inhumain. À l’image de cet ancêtre parti jadis en croisade pour délivrer Jérusalem.

Peer (B. de Roffignac) et Solveig (R. Camarinha) – Peer Gynt – Théâtre du Châtelet © Thomas Amouroux

Scènes épiques

Innombrables, éclatantes de vie dès les premiers instants, défilant à un rythme effréné, presque aussi chorégraphiques que théâtrales, les scènes des cinq actes de Peer Gynt offrent des effets contrastés qui ne participent pas qu’un peu à l’irrépressible élan qui porte la mise en scène. Et les textes crus, les énormités proférées, dans l’adaptation souvent paillarde, mais jamais vulgaire, qu’en donne le metteur en scène, pimentent le spectacle.

Dans cette suite de scènes surprenantes, seule détonne celle du prophète, là où Peer Gynt, pour mieux épater des Arabes crédules et séduire l’une d’entre eux, avant d’être misérablement détroussé, se fait passer pour un envoyé d’Allah. Si le texte d’Ibsen n’est guère palpitant, tout coloré qu’il soit par le metteur en scène lui-même d’expressions bien peu halal, ce dernier donne ici dans un genre comique troupier qui donnerait à penser qu’on se retrouve brusquement devant une mauvaise scène de mauvais théâtre de boulevard. En regard de l’excellence de l’ensemble de la production, on pourrait n’y voir qu’une faiblesse bien pardonnable. Mais au sein d’un spectacle aussi extraordinaire, elle apparaît cependant impardonnable.

Un spectacle exceptionnel

Si l’on peut ne pas être convaincu par la dimension métaphysique de Peer Gynt, si le texte est parfois inutilement bavard sans avoir nécessairement la portée philosophique qu’on lui prête, et si l’on peut ne pas partager l’enthousiasme du metteur en scène pour la pièce, il n’en reste pas moins qu’il en fait un spectacle exceptionnel. Chose que permettent évidemment la fantaisie, les rêves fous de cet anti-héros lamentable, sa vie d’aventurier et l’extravagance des scènes qui en découlent. L’audace d’Ibsen, construisant au XIXe siècle un drame autour d’un personnage immature, doté d’un formidable égoïsme, une canaille en fait qui n’est préoccupée que d’elle-même, cela pouvait apparaître révolutionnaire dans la société luthérienne du royaume de Suède et Norvège. Ça ne l’est plus guère aujourd’hui où ce sont précisément les vrais héros qui ont déserté les théâtres.   

Ce n’est donc pas Ibsen qu’on a ici envie de saluer. Mais bien le talent du metteur en scène, de ses collaborateurs et de ses interprètes. Et tout autant la musique de Grieg restaurée dans sa fonction première et qui ajoute à l’ensemble une dimension poétique et dramatique qu’il était essentiel de raviver.   

De telles réussites sont si rares ! Il est donc inconcevable qu’un tel spectacle, déployant tant de qualités, ne demeure à l’affiche du Théâtre du Châtelet que durant 10 jours. Il devrait pouvoir être vu par un public innombrable. Et bien évidemment avec les mêmes protagonistes. On ne peut donc que souhaiter, pour ne pas dire davantage, qu’il se retrouve sur la même scène lors d’une prochaine saison.


Peer Gynt, au Théâtre du Châtelet jusqu’au 16 mars 2025.

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Le Canado-Irlando-Royaumunien Mark Carney consacré messie du Canada

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Mark Carney et sa femme Diana, Ottawa, 9 mars 2025 © Adrian Wyld/AP/SIPA

Alors que le Canada est en pleine guerre commerciale avec les États-Unis de Donald Trump, le banquier Mark Carney a été élu à la tête du Parti libéral canadien le 9 mars. Il est favori pour devenir Premier ministre du pays, mais l’opposition conservatrice lui soupçonne de potentiels conflits d’intérêts financiers…


La fin du monde va provoquer une chute à la Bourse, c’est certain. En cas d’Apocalypse, achetez de l’or.
Romain Gary.

Ils tressèrent une couronne d’épines qu’ils posèrent sur sa tête, et ils lui mirent un roseau dans la main droite; puis, s’agenouillant devant lui, ils se moquaient de lui en disant: «Salut, roi des Juifs!».
Matthieu 27:29.


Le dimanche 9 mars 2025, le prochain Premier ministre canadien a convaincu 85% des membres du parti libéral du Canada qu’il est le leader le mieux placé pour succéder à Justin « Blackface » Trudeau et pour défendre les intérêts du 51e Etat… rectification, du Canada face à un président Donald Trump annexionniste. Se trouve brutalement éclipsée celle qui était en principe la dauphine de Justin, la menue mais énergique Chrystia Freeland (du concentré de tomates), haïe par sa Majesté Orange.

« Mektoub », comme a dû le dire la groupie justinesque Amira Elghawaby.

Crédibilité économique

Le PLC a décidé de faire abstraction de son manque de charisme et de son expérience politique inexistante. (Il avait été racolé jadis par le Premier ministre conservateur Stephen Harper pour le poste de ministre des Finances, mais cela n’en fait pas un « politicien professionnel », comme son populiste homologue conservateur). Son discours de victoire fut charitablement saupoudré de quelques phrases dans un français approximatif, mais une bonne connaissance de la langue de Julien Green serait d’une utilité limitée face au fondateur de la Trump University.

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Sa crédibilité économique l’a emporté; avoir été directeur des banques du Canada et d’Angleterre ne compte pas pour du beurre (produit laitier visé par l’administration Trump). Cela dit, on peut d’ores et déjà s’interroger sur sa volonté d’imposer des contre- droits de douane « dollar pour dollar » aux produits américains : l’impact serait négligeable pour les États-Unis, mais ils appauvriraient considérablement les consommateurs canadiens. Mais passons.

Le chef du parti conservateur du Canada, Pierre Poilièvre, évoque de possibles conflits d’intérêt chez son adversaire millionnaire. En effet, la Loi sur les conflits d’intérêts impose aux titulaires de charge publique l’obligation de déclaration publique de leurs biens. Or, à ce jour, le (pseudo)outsider, issu du monde du bizenaisse (comme Donald Trump), mais éminence grise de Justin n’occupe, ni n’a jamais occupé une telle charge; il passe donc à travers les gouttes. Il lui est donc proposé de dissiper l’opacité de sa situation financière (quels sont ses biens et ses comptes bancaires dans quels pays? En Irlande? A Jersey?), en faisant cette déclaration volontairement et immédiatement, mais le matois ex-gouverneur (pas au sens trumpesque du terme) esquive et se borne à promettre d’agir au moment prescrit par la stricte lettre de la loi. Seule (autre) ombre au tableau, le délai légal de 120 jours sera caduc si des élections sont rapidement convoquées, comme cela est prévisible.

Sur le plan du patriotisme économique, signalons son rôle au sein des conseils d’administration de multinationales géantes : la société (californienne) STRIPE et la société (irlando-californienne) PIMCO. Est particulièrement intéressante la question du transfert du siège social de Brookfield Asset Management de Toronto à… New York. Son ex-pédégé Carney explique vertueusement qu’il n’avait rien eu à voir avec cette décision, prise « officiellement » (« formally » en v.o.) le 27 janvier 2025, alors qu’il avait démissionné depuis belle lurette, à savoir le… 15 janvier 2025. Dont acte.

Sauf que… le 30 octobre 2024, avait été annoncée cette décision prise à l’unanimité par le conseil d’administration, laquelle fut confirmée par les actionnaires fin janvier suivant, et sauf que… ceux-ci avaient été mis devant le fait accompli comme en font foi les documents de Brookfield communiqués aux actionnaires avant le vote, les informant qu’elle avait transmis son siège social à New York et mentionnant l’immeuble « Brookfield Place » à Manhattan.

(Incidemment, Brookfield n’a pas souhaité s’exprimer sur d’éventuelles pertes d’emplois au Canada suite à cette délocalisation).

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Mais il serait malséant de reprocher au candidat Carney une perte de mémoire sur des événements si anciens.

Il en demeure toujours actionnaire, mais que l’on se rassure : il confiera, comme la loi le prévoit, la gestion de ses biens (où qu’ils soient dans le monde) à une fiducie (canadienne?) « sans droit de regard », dont l’indépendance est évidemment au-dessus de tout soupçon… Par ailleurs, surtout en cette période de turbulences, nul ne saurait imaginer un Premier ministre prenant des décisions en fonction de son propre patrimoine (dispersé partout dans le monde) et contraires à l’intérêt supérieur de la nation canadienne… rectification, des agents économiques habitant le territoire canadien? Honni soit qui mal y pense.

The Economist envisage l’adhésion du Canada à l’UE

Pour autant, ce citoyen irlandais est peut-être l’homme de la situation dont le Canada a besoin pour concrétiser la récente proposition du magazine The Economist : l’adhésion à l’Union européenne.

Le fils à papa Justin, ex-professeur d’art dramatique avait promis des « voies ensoleillées » lorsqu’il revêtit les atours et le maquillage de Premier ministre. La pièce de théâtre a duré 10 ans. La vedette peut maintenant remonter sur son snowboard et glisser majestueusement vers le soleil couchant. Salut l’artiste! Rideau! Et hasta la vista, baby!

Jugé coupable. Ou pas

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© D.R.

Reda Abakrim est en prison au Maroc. Mais, ce client de notre ancien garde des Sceaux devenu comédien n’y est pas du tout pour ce qu’on lui reprochait en France…


Dans la guerre qu’il a déclarée à la drogue, Gérald Darmanin en appelle à une coopération internationale sincère et efficace, nombre de narcotrafiquants trouvant refuge dans les pays arabes. Le garde des Sceaux est bien placé pour savoir que ce n’est pas gagné d’avance. En juin 2020, la justice française condamne ainsi un certain Reda Abakrim, baron de la drogue surnommé Turbo (référence aux go fast qu’il organisait) à vingt et un ans de prison pour avoir ordonné l’assassinat à Poissy d’un concurrent, Brahim Hajaji. Mais il est condamné par contumace, car il s’était réfugié au Maroc.

Un mandat d’arrêt international est lancé. Le 22 décembre 2020, la police marocaine arrête enfin Reda. Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, applaudit : « Je me félicite de l’arrestation à Casablanca d’un trafiquant international de stupéfiants. […] Bel exemple de la très bonne coopération entre la France et le Maroc. » Mais le Maroc refuse d’extrader Reda, au motif que s’il est né en France, il possède aussi, via ses parents, la nationalité marocaine et le royaume n’extrade pas ses ressortissants.

Reda est donc rejugé, au Maroc, en avril 2023, et il est… acquitté ! Pour expliquer ce verdict stupéfiant, Me Mohamed Aghnaj, avocat de la famille de la victime Hajaji, a, sur Le Desk, site marocain d’infos, déploré le manque de collaboration de la… France : « Depuis tout ce temps la justice française disposait des éléments inculpant Reda Abakrim. […] Ce dossier bien ficelé n’a pas été transmis à la justice marocaine. »

Ironie du sort ou confusion des genres, à ce moment, le ministre de la Justice française était Éric Dupond-Moretti, qui avant d’obtenir un maroquin place Vendôme, était l’avocat de… Reda Abakrim, qu’il représenta et défendit lors du procès où le Franco-Marocain écopa de vingt et un ans par contumace !

Reda acquitté, la famille Hajaji a fait appel, mais un appel dans le désert, car si aujourd’hui Reda est en prison et défraye la chronique, c’est qu’il est soupçonné d’avoir en février 2024 fait assassiner Faras, le mari de Rym Fikri, une chanteuse très populaire au Maroc.

Intelligence artificielle: quand la question énergétique rebat les cartes

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Marine Le Pen, Andréa Kotarac et Hervé Juvin du Rassemblement national rencontrent des militants opposés à l'éolien à Noirmoutier, 10 mai 2021 © Alain ROBERT/SIPA

Le gouvernement a annoncé 109 milliards d’investissements pour l’intelligence artificielle censés symboliser la place de la France dans la course technologique mondiale. Discret sur l’origine des fonds nécessaires à la construction de data centers dans l’hexagone, le ruissellement des autosatisfecit gouvernementaux atteint jusqu’à Xavier Bertrand, fier d’annoncer l’ouverture de huit de ces centres dans les Hauts de France.

Une technologie énergivore

Les esprits chagrins demeureront dubitatifs quant à la stratégie française sur les sources d’énergie que nécessiteront ces centres ou encore sur l’éventuelle contribution de ces entreprises étrangères au financement des infrastructures énergétiques françaises qu’elles utiliseront à plein régime. Avec une consommation mondiale d’électricité en constante augmentation du fait de la croissance exponentielle des données générées par les utilisateurs et les entreprises, la dépendance énergétique des data centers mérite bel et bien une stratégie en amont.

Terriblement gourmande en énergie, l’accélération technologique de l’Intelligence artificielle et du numérique devrait interpeller le gouvernement alors que nous nous tournons toujours plus vers les énergies intermittentes. Or, la course vers l’innovation et le contrôle des données mondiales ne peut se passer d’un accès abondant en énergie décarbonée à bas prix. A l’heure où les Etats-Unis réduisent leurs chaînes d’approvisionnement en déclarant s’attaquer à l’exploitation des richesses du golfe du Mexique, la Commission européenne impose aux Européens une réduction de 90% des émissions de carbone d’ici 2040.

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Poursuivant son fantasme en faveur des énergies intermittentes qui fait courir un risque majeur à la stabilité du réseau électrique et fragilise le parc nucléaire, Bruxelles fixe des objectifs inatteignables et létaux mettant à mal l’autonomie stratégique de nos pays. Que le Royaume-Uni, élève modèle de la stratégie d’énergies intermittentes, ait évité de justesse le blackout le 8 janvier 2024 par l’importation d’électricité danoise, elle-même issue du mix énergétique suédois, ne modifie en rien ses certitudes… Comprenne qui pourra.

Folle dérive du renouvelable

Face à ces incohérences et à la propagande d’ONG subventionnées, faux nez de vrais intérêts financiers, le programme souverainiste que propose Marine Le Pen est chaque jour plus évident.

C’est pourquoi l’hydro-électricité, énergie propre et pilotable, doit être défendue. Ce pôle d’excellence français est toujours menacé de privatisation. Un constat qui résume parfaitement les décennies de lâcheté des gouvernements successifs qui ont permis à la commission européenne de paralyser toute prise de décision et d’investissements dans la filière. Mais alors que la Chine, première puissance industrielle du monde, envisage la construction du « barrage du Tibet », dont la puissance atteindra la moitié de l’électricité annuelle produite dans notre pays, n’est-il pas pour le moins surprenant de délaisser notre propre savoir-faire hydroélectrique ?

La légèreté avec laquelle l’oligarchie française a sacrifié ses infrastructures hydrauliques et nucléaires pour s’encalminer dans les énergies intermittentes serait considérée comme un crime contre la nation par nombre de gouvernements. Souvent cité à tort par l’extrême-gauche anti-nucléaire, le rapport du GIEC indique dans tous ses scénarios pour lutter contre le réchauffement climatique qu’une hausse du nucléaire est nécessaire. Une unanimité scientifique qui prouve une fois de plus l’erreur stratégique d’Emmanuel Macron dans la mise à mort de la centrale de Fessenheim au bénéfice de l’éolien. Que cette filière intermittente donne lieu à un massacre paysager et un coût exorbitant pour les comptes publics, n’a pas été de nature à le freiner.

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Deux ans plus tôt, le même Emmanuel Macron déclarait que « lorsqu’on parle des actions de la nation pour répondre aux défis du changement climatique, force est de constater que nous avons fait trop peu ». Aujourd’hui, il est temps d’agir, en effet, mais en prenant résolument le chemin inverse.

Stoppons la folle dérive des énergies renouvelables et intermittentes pour disposer à nouveau d’une production nationale d’électricité décarbonée, fiable et bon marché reposant sur les deux socles stratégiques que sont le nucléaire et l’hydroélectricité. Un socle complété, si nécessaire, par toute forme d’énergie renouvelable pilotable, telle que la géothermie, garantissant la stabilité du réseau électrique, le meilleur prix dans l’intérêt du pouvoir d’achat des Français, de la compétitivité des entreprises et, plus largement, de notre souveraineté énergétique.


Les Horaces sont un cercle de hauts fonctionnaires, hommes politiques, universitaires, entrepreneurs et intellectuels apportant leur expertise à Marine Le Pen, fondé et présidé par André Rougé, député français au Parlement européen.