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À double voie

Connu pour son humour tranchant sur scène, Thomas Ngijol surprend avec son quatrième film, Indomptables. Adaptation audacieuse d’un documentaire sur un crime en Afrique, il y incarne un commissaire camerounais tiraillé entre enquête policière et défis familiaux. Subtil


On connaît Thomas Ngijol et ses indéniables qualités dans le stand-up à la française. On le découvre ici avec surprise réalisateur d’un quatrième film plus aventureux que les précédents.

Avec Indomptables, il adapte en fiction un documentaire de Mosco Boucault intitulé Un crime à Abidjan, sur le même modèle que le film Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin. Mais pour l’occasion, l’humoriste cinéaste passe de la Côte d’Ivoire au Cameroun et se fait l’observateur acéré de la société locale.

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Il incarne le rôle principal, celui du commissaire Billong, chargé par ses supérieurs de faire la lumière au plus vite sur le meurtre d’un autre policier en service. Le film suit son enquête au jour le jour, tout en montrant sa vie quotidienne au sein de sa famille nombreuse. Entre une femme qui entend exister par elle-même et une progéniture plus ou moins docile, le commissaire a du mal à être bon enfant.

Ce double portrait particulièrement savoureux est une réussite.


Violences de rue : au-delà de la sanction légitime, quelle politique jeunesse ?

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Entre rodéos urbains et pillages triomphants, la victoire du PSG en Ligue des champions aura été célébrée comme un sacre barbare par une jeunesse qui ne rêve plus de République mais de chaos. Face à ce malaise profond, le gouvernement sort l’artillerie lourde… d’un gadget : le SNU (Service National Universel), cette chimère technocratique aussi coûteuse qu’inefficace, censée panser les plaies d’une société fracturée. Pendant que les cités flambent, l’exécutif joue à la réforme molle. Mais combien de temps encore tiendrons-nous sur ce fil ?


Attendue comme un moment de liesse populaire, la victoire du Paris Saint-Germain en Ligue des champions le 31 mai dernier a été lourdement entachée par les nombreuses violences qui ont éclaté partout en France (dégradations, pillages, agressions, etc.). Des violences qui ont conduit à des dizaines de blessés et deux décès… Plus de 560 personnes ont été interpellées. Parmi elles, une grande majorité de jeunes. S’ils ont un caractère hors norme, ces débordements ne sont pas inédits pour autant et illustrent un phénomène hautement inquiétant.

En effet, notre pays est en proie à une réalité sans précédent qui voit une partie de la jeunesse basculer dans une contre-société d’hyperviolence et d’ensauvagement. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, qualifie ainsi de « barbares » les auteurs de ces faits. Une situation d’urgence absolue qui pousse le gouvernement à agir. Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a affiché sa volonté d’adapter la loi et de durcir l’échelle des peines. Certes, il ne fait aucun doute qu’établir des mesures coercitives et de sanction est indispensable. Mais doit-on s’en contenter ?

L’illusion répressive

Gageons qu’elles risquent de se révéler largement inefficaces si elles sont trop clémentes (comme c’est le cas de certaines) mais aussi si elles ne vont pas de pair avec une politique « Jeunesse » globale, solide et cohérente, un « traitement de fond » social et culturel pour l’ensemble de notre société. Or, dans ce domaine, l’exécutif semble faire le choix de concentrer son action sur le service national universel (SNU), dont l’expérience a montré qu’il était un dispositif superficiel, inadapté et non viable. Ce faisant, le chemin pris par le gouvernement est une voie sans issue. Une errance incompréhensible et inacceptable qui pourrait conduire à de lourdes conséquences politiques, économiques et sociales.

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017, le SNU fait l’objet, depuis sa présentation en 2019, d’éternels tergiversations et changements de cap. Dernier en date : l’annonce par le chef de l’État d’une « grande refonte » du dispositif, dans un entretien accordé à la presse régionale en mars dernier. Deux mois plus tard, dans une note publiée le 5 mai 2025, le Haut-commissaire au Plan Clément Beaune a exposé différentes options pour faire évoluer le SNU. Le document présente quatre scénarios possibles : un SNU « vitaminé », un service civil universel, un service militaire volontaire ou un retour au service militaire obligatoire. À cela s’ajoutent « deux scénarios hybrides, articulant un socle commun à tous et un choix laissé à chacun ». Des hypothèses aux coûts particulièrement élevés, de 600 millions à 1,5 milliard d’euros par an. Pour définir les modalités du nouveau projet, Clément Beaune se dit favorable à un « vaste débat politique », au Parlement ou par le biais d’une convention citoyenne, voire d’un référendum. Une annonce qui, bien loin de rassurer, illustre surtout un fait hautement préoccupant : l’exécutif ne sait toujours pas où il va.

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En effet, le Haut-commissaire au Plan présente une multitude de propositions aux contours flous qui complexifient le débat jusqu’à le rendre inintelligible et soulèvent davantage de questions qu’elles n’apportent de réponses. Par ailleurs, la volonté de soumettre au référendum un dispositif qui a plus de six ans est un aveu d’échec et d’incapacité à donner un cap clair à la politique « Jeunesse » de notre pays. Preuve supplémentaire, s’il en fallait, d’un profond manque de vision et d’anticipation de la part de pouvoirs publics incapables de mettre en œuvre leurs propres réformes.

Le SNU, mirage coûteux

Au-delà, cette démarche semble être une énième tentative de l’exécutif de sauver un projet qui n’a jamais réussi à convaincre, et pour cause… Depuis sa création, le SNU souffre de faiblesses structurelles profondes et irrémédiables. Six ans plus tard, au gré des modifications et rétropédalages incessants, l’exécutif se trouve embourbé dans les méandres d’un projet qui n’a plus ni fond ni forme. Une coquille vide à laquelle le gouvernement s’accroche obstinément pour sauver la face.

Une obstination qui a un coût : 128,3 millions d’euros en 2025, soit un septième du budget « Jeunesse et vie associative ». Une somme considérable pour un dispositif qui ne répond aucunement aux objectifs fixés et ne convainc personne, à commencer par les principaux concernés : la participation des jeunes reste très en deçà des attentes du gouvernement (en 2023, seuls 40 135 volontaires ont participé à un séjour de cohésion) et les ambitions en matière de mixité sociale sont loin d’être atteintes (surreprésentation des enfants de familles CSP+ et des enfants de « corps en uniforme », ainsi que des jeunes issus des filières générales et technologiques).

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Plus que jamais, la jeunesse française incarne un véritable enjeu de société et un défi majeur pour l’avenir de notre nation. Face à cela, le SNU apparaît encore et toujours comme un cautère sur une jambe de bois… Le temps passé à essayer de le sauver à tout prix est du temps perdu. Tous ces efforts devraient être dirigés vers un seul et même but : trouver les outils pour garantir une société apaisée. Cela ne pourra se faire sans une réflexion approfondie autour des valeurs de la transmission et du rôle qu’il faut (re)donner aux parents.

Un cap à redéfinir d’urgence

L’heure n’est pourtant plus aux hésitations. Il est temps de bâtir rapidement un plan d’action réaliste et efficace pour redonner un véritable souffle à notre société. Des solutions existent. Pour les faire émerger, il est nécessaire de donner aux acteurs de terrain les moyens d’agir sur leur propre réalité. C’est pourquoi nous avons conçu le Parcours France en commun, un outil d’ouverture aux valeurs et aux richesses de la nation, structurant l’apprentissage de la citoyenneté et de l’appartenance. Il s’appuie sur trois principaux objectifs : garantir un socle commun à l’ensemble de la classe d’âge tout en favorisant la responsabilité et l’autonomie ; agir en profondeur grâce à la mobilisation de l’ensemble des acteurs qui environnent le jeune (famille, école, commune, associations, etc.) ; et faire le choix du temps long, sur plusieurs années, afin de laisser une empreinte réelle dans le parcours de chaque jeune Français. C’est à ces seules conditions que nous parviendrons à voir se développer et s’enraciner un véritable esprit d’engagement, pilier indispensable de l’unité de la nation.

Fictions conservatrices: vous pouvez rallumer la télé!

En faisant d’une certaine façon la promotion de la fidélité aux origines, la série Yellowstone et le film La venue de l’avenir ne sont-ils pas des signes avant-coureurs d’un retour du conservatisme ?


Sur fond de progressisme à bout de souffle, le conservatisme est-il de retour ? Au-delà de l’actualité politique, des signes avant-coureurs de ce changement de conception du monde sont visibles dans certaines œuvres de fiction. La série américaine Yellowstone, du réalisateur Taylor Sheridan, et le film de Cédric Klapisch, La venue de l’avenir, contiennent peut-être les germes d’un autre rapport au passé.

Nous sortons de plusieurs décennies, en Occident, où l’imaginaire progressiste a dominé la vie politique, non seulement à gauche bien sûr, mais aussi au centre et à droite. Bien au-delà de la politique, le progressisme a nourri et structuré les différentes cultures européennes et américaines, disons à partir de la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ses versions radicales, le communisme façon URSS et le gauchisme façon internationale révolutionnaire, ont bien entendu reflué, mais quasiment l’ensemble de l’échiquier politique est resté imprégné par cet imaginaire, à l’exception de quelques mouvements conservateurs isolés et repliés sur eux-mêmes. La France, avec De Gaulle et l’héritage du gaullisme, constituera une exception provisoire à cette domination du progressisme.

Il faudra un jour faire le bilan des heurs et des malheurs, des profits et des pertes, que l’idéologie progressiste a généré. Ce n’est pas l’objet ici. De nombreux indices, de moins en moins ténus, montrent un début de reflux de cet imaginaire organisé autour de la consommation effrénée, du progrès technique, de l’homme nouveau et du transhumanisme, des restrictions pulsionnelles, de la liquidation des traditions, des cultures régionales, du refus de l’histoire comme guide pour l’avenir.

Une nouvelle restauration ?

N’assiste-t-on pas aujourd’hui au retour d’une forme de conservatisme qui se cherche, qui n’est pas encore cristallisé ?  Il ressemblerait à une sorte de restauration, notamment par sa sensibilité à des formes traditionnelles de mœurs, de modes de vie, d’expression politique, de valeurs. Il semble s’exprimer dans un premier temps à travers des versions radicales. Par exemple, au wokisme de l’extrême gauche, comme quintessence du progressisme, semble correspondre autour de Trump, notamment aux États-Unis, une sorte de wokisme d’extrême droite qui fonctionne, de façon assez peu créative, en miroir de ce qu’il dénonce. Mais l’enjeu va bien au-delà des incarnations radicales d’un mouvement qui pourrait redevenir majoritaire.

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Peut-on discerner des signes avant-coureur d’un éventuel retour du conservatisme, à la fois en politique, mais aussi, plus globalement, comme mode de vie et comme univers de valeurs ? En politique, on trouvera, pour la France, les jalons posés par Éric Zemmour, qui s’affiche explicitement conservateur, mais dont le développement est gêné par la présence massive, sur son segment électoral, du Rassemblement national, qui lui, n’a pas encore choisi son camp, le populisme n’étant ni conservateur ni progressiste.

La popularité spectaculaire de Bruno Retailleau est un autre signe avant-coureur d’un intérêt grandissant de l’opinion pour un autre rapport au passé français que celui que propose le progressisme. Aux Etats-Unis, on remarquera l’effondrement massif des Démocrates, du fait de leur identification à un progressisme replié dans les centres intellectuels de la côte Est.

Deux fictions porteuses de signes avant-coureurs

Mais le monde de la politique est-il le premier ou le seul porteur de ces signes avant-coureurs ? Le politique n’est peut-être que la conséquence d’un changement plus global de conception du monde. Aussi il n’est pas inutile de rechercher ces signes là où se construisent les grands récits. Le monde de la fiction, des romans, des films, des séries, a  toujours été largement dominé, d’Hollywood jusqu’à Cannes, par le progressisme. C’est aussi que, commerce oblige, il est fondamentalement suiviste. On voit néanmoins apparaître, ici et là, quelques œuvres que l’on pourrait dire d’avant-garde, dans leur capacité à nous faire réfléchir sur les effets de l’éradication du passé.

Car au fond c’est bien de cela qu’il s’agit, le progressisme et le conservatisme étant tous les deux des mouvements de pensée organisés autour du rapport au passé. Ces œuvres sont représentatives d’un moment charnière, dans l’hypothèse d’un effacement du progressisme, comme fond culturel de nos sociétés.

J’en citerai deux, sans autre rapport entre elles qu’une puissante interrogation sur le rapport au passé : la série Yellowstone, du réalisateur américain Taylor Sheridan, diffusée sur Netflix (plate-forme initialement progressiste, mais qui hume régulièrement l’air du temps pour voir où le vent va souffler) et le film, qui vient de sortir sur les écrans français, La venue de l’avenir, du réalisateur Cédric Klapisch.

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Dans la première, le spectateur attentif fait la découverte d’une culture à part entière (au sens anthropologique), celles des grands ranchs américains, qui tentent, contre les vents et les marées de la modernité, de maintenir un mode de vie, un système de valeurs, une forme d’honneur et de justice. Le ranch Yellowstone, fondé en 1883, survit, à travers une sorte de tunnel temporel, en restant fidèle à ses valeurs d’origine, forgées à partir d’un mélange de la culture européenne des immigrants et du traumatisme de la conquête de l’Ouest (c’est l’objet d’une autre série du même réalisateur : 1883). La série est détestée par les progressistes, qui y voient un exemple honni de la « société patriarcale », mais aussi par les trumpistes, qui la trouvent trop hostile à la finance.

L’intérêt de la série est de mettre en scène le rapport au passé, enroulé autour cette valeur centrale que représente la fidélité à l’origine, qu’entretient cette culture originale, spécifique, hors du temps et de la modernité. Son scénario s’organise autour de la lutte de cette culture contre tous les assauts de la modernité, la vénalité des promoteurs, la civilisation des loisirs, la poussée consumériste, le légalisme formel. La série sert donc de révélateur des travers du progressisme, en même temps qu’elle fait l’apologie des vertus d’une certaine forme de conservatisme.

Un passé nommé désir

Le film de Cédric Klapisch pose la question du rapport au passé sur un autre registre. Il n’en constitue pas moins un indice fort, même si ce n’est peut-être pas l’intention de l’auteur, d’un certain retour du conservatisme. Il met en scène une famille partie à la recherche d’une de ses ancêtres, elle-même, dans le passé, à la recherche de ses parents. L’entrelacement du XIXème siècle et de la période présente n’est pas tout à fait à l’avantage de cette dernière. On y découvre une période, plus libre, plus enthousiaste, plus créative sur un plan artistique, moins hypocrite, sur le plan des mœurs. Là où le progressisme actuel est bien représenté dans la scène où le vêtement porté par une mannequin de mode ne ressortant pas suffisamment devant un tableau classique, l’équipe de tournage propose de modifier au montage plutôt la couleur du tableau.

L’un des personnages, englué initialement dans cette forme vulgaire de la modernité (le shooting d’influenceuses de mode), donne la clé du film lorsqu’il déclare : « j’ai toujours regardé devant, mais maintenant je vais regarder en arrière ». Pour un coup, Cannes, où le film était présenté « hors compétition », n’a rien vu venir. Ce qui n’est pas le cas de la critique du journal Les Inrockuptibles, qui a bien remarqué, en guise de pêché mortel du film, que, « la morale œcuménique du film est qu’on est mieux armé·e pour appréhender l’avenir si on a su apprendre du passé ».

Ces deux exemples empruntés à l’univers de la fiction sont sans doute loin d’être les seuls, même s’ils sont dissimulés derrière les fracas de l’effondrement du progressisme et des radicalités fin de règne qui l’accompagnent. La capacité du conservatisme à proposer un récit mobilisateur tiendra, paradoxalement, à ce qu’il apparaîtra comme une nouveauté, là où le progressisme aura épuisé toutes les ressources du désir d’avenir.

Non, le climat n’est pas « malsain » à CNews !

Ils n’osent plus écrire « islamophobe », mais c’est bien la petite musique qui monte : selon les journaux progressistes, la chaine info conservatrice aurait le tort de trop parler des musulmans.


Mon titre reprend le propos d’un fidèle de la mosquée Al-Hashimi à Saint-Ouen, rapporté dans un article du Monde consacré au « désarroi des musulmans lors de l’Aïd » : « Le climat est malsain, mais surtout à la télé… ». Au regard du contexte, on comprend bien que CNews est particulièrement visé. D’ailleurs un autre fidèle, Rachid, l’explicite : « Sur certaines chaînes, comme CNews, il n’y a aucune limite : nous sommes responsables de tout ».

Injustices

Je n’aurais pas eu envie d’écrire un billet sur ce thème, qui dépasse largement CNews, si dans le texte de ce quotidien n’avaient pas été enregistrées des opinions à la fois nuancées et critiques, en tout cas de nature à faire réfléchir tout citoyen de bonne foi.

Le sentiment diffus qu’éprouvent certains musulmans d’être en permanence ciblés ne peut pas être traité avec indifférence ou, pire, mépris même si on l’estime injuste tant à l’égard de CNews que de Bruno Retailleau, leur autre bête noire. On ne saurait tenir pour rien cette impression qui perçoit la chaine et le ministre, parfois, comme des ennemis de la religion musulmane quand ils ne s’attachent, par des analyses ou en action, qu’à ses dérives.

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Pour la chaîne, il est permis certes de considérer que les sujets concernant l’islam occupent au quotidien une place importante. Mais la télévision ne les invente pas. Elle ne s’en préoccupe que dans la mesure où ils mettent en lumière des problématiques concernant la France, le risque de communautarisme et la sécurité publique. Pour ma part, à chaque fois qu’on les abordait, j’ai toujours veillé – sans jamais être contredit – à les appréhender sur un mode qui ne prenait pas le particulier pour le général et les transgressions graves de quelques-uns pour une dangerosité globale.

Cette volonté de ne pas universaliser ces hostilités est capitale. C’est la seule attitude qui évite que des compatriotes musulmans se sentent injustement stigmatisés alors qu’ils échappent, dans leur quotidien et dans leur rapport au pays, aux dénonciations qui parfois oublient toute nuance et ne mesurent la portée de leur verbe maladroit, imprudent, qui peut enflammer.

Les attaques politiques ou médiatiques contre CNews sont non seulement erronées – il suffit d’écouter les débats pour le constater – mais liberticides car elles ne cessent d’incriminer, en les caricaturant, des échanges où l’outrance trouve sa contradiction et l’islam modéré, ses défenseurs.

Islam et islamisme, les musulmans et des musulmans…

J’entends bien l’argumentation développée par Éric Zemmour qui estime – il est constant sur ce point – que l’islam et l’islamisme sont identiques et que le premier n’est structurellement, politiquement, pas compatible avec la République.

J’espère ne pas me tromper et ne pas tomber dans la facilité de l’extrémisme intellectuel mais il me semble qu’en laissant la religion là où elle doit être – dans la sphère privée et familiale – et en étant impitoyable avec les grignotages subtils ou ostentatoires d’un islam dévoyé et conquérant, on pourra peut-être s’accorder avec mon point de vue. D’ailleurs a-t-on un autre choix que cette synthèse d’acceptation lucide et de répression sans faiblesse ?

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Est-il inconcevable de s’en tenir à des règles claires ? Par exemple l’obligation d’un comportement exemplaire, comme pour les fidèles des autres religions, l’interdiction de ce qui est au sens propre inhumain – se voiler, se cacher le visage – et le refus absolu de pratiques venant corroder notre démocratie pour la constituer en pré-charia.

Je sais qu’une vision pessimiste de l’islam en France peut soutenir que chaque acte musulman public ou dans des univers ouverts au public est inspiré par une idéologie d’emprise sur notre société à redresser à cause des « mécréants » qui la composent mais, à partir du moment où on met en œuvre une intransigeance pénale pour l’intolérable, ne peut-on consentir au moins à une incertitude pour le reste ?

Dans cet article du Monde, frappé par la qualité et la mesure des déclarations, notamment celle de Mme Bamba, mère de quatre enfants, je n’ai pas m’empêcher de ressentir comme un dégoût à l’égard de tous ceux, pas seulement à LFI, qui exploitent « cette chair à élections » que sont les musulmans, notamment dans les banlieues, en feignant de se pencher sur leur sort. Il est clair qu’ayant à choisir, je préfère le camp de ceux qui dénoncent ce que l’islamisme a de périlleux à la fois pour l’image de l’islam et pour notre pays, à celui des démagogues d’extrême gauche s’abandonnant à des hyperboles hypocrites au risque de valider et de favoriser le pire. C’est cet unique climat qui est malsain.

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Fabrice Balanche: nul n’est prophète en son campus

Spécialiste mondialement reconnu de la Syrie, Fabrice Balanche sait parfaitement de quoi les Frères musulmans sont capables et n’hésite pas à le dire. Enragés par sa lucidité et son expertise, les islamo-gauchistes qui règnent à Lyon 2 depuis des années tentent de le faire taire. Pas sûr qu’ils y parviennent.


Causeur. Le 1er avril, alors que vous donniez un cours à l’université Lumière Lyon 2, votre amphithéâtre a été envahi par des militants masqués, islamistes, gauchistes ou les deux, et vous n’avez eu d’autre choix que de quitter les lieux. Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous depuis cette tentative d’intimidation ?

Fabrice Balanche. J’en ai vu d’autres. Ce n’est pas la première fois que j’ai des problèmes à l’université ! Il y a une dizaine d’années, j’ai fait un procès à l’Institut d’études politiques (IEP) de Lyon, qui avait recalé ma candidature à un poste de maître de conférences. Le tribunal a reconnu le manque d’impartialité de la commission d’admission, qui penchait exclusivement à gauche. Le jugement, qui fait d’ailleurs aujourd’hui jurisprudence, m’a donné entièrement raison. Depuis, je passe pour un emmerdeur.

Qu’est-ce qui déplaisait tant au jury de l’IEP de Lyon pour qu’il ne veuille pas de vous comme collègue ?

Mes travaux portent sur les alaouites et sur les communautarismes en Syrie. Autrement dit, mon prisme n’est ni marxiste ni décolonial. Cela ne cadre pas avec le dogme académique dominant. Raison pour laquelle il m’a fallu un certain temps, au début de ma carrière, pour accéder à un emploi stable à la faculté. Mon sujet faisait tiquer. Mais il ne s’agit pas d’un cas isolé. Beaucoup de chercheurs anticonformistes ont du mal à trouver une place digne de ce nom à l’université. À Lyon 2, c’est devenu patent. Depuis quelques années, l’équipe dirigeante ne recrute que des personnels qui lui ressemblent idéologiquement, ce qui lui permet de s’assurer d’autant plus facilement sa reconduction à chaque élection interne. Sociologiquement, l’établissement ressemble à une citadelle d’extrême gauche, où vous avez intérêt à exprimer les mêmes positions politiques radicales que le conseil d’administration si vous voulez maximiser vos chances de décrocher des crédits de recherche.

On dit quand même que la présidente de l’université, Isabelle von Bueltzingsloewen, n’a témoigné aucune complaisance vis-à-vis des étudiants musulmans qui voulaient organiser un iftar (rupture du jeûne) dans un local de l’université…

Dans un premier temps, elle s’est montrée en réalité très accommodante avec ces étudiants, puisqu’elle a commencé par accéder à leur requête en leur demandant juste de rebaptiser l’opération « repas partagé » et de supprimer un visuel Instagram où figuraient une femme voilée ainsi qu’un homme coiffé d’une calotte islamique. Seulement, ils ont refusé ce compromis en l’accusant d’islamophobie. Elle était dès lors dans l’obligation de leur interdire la salle. Le lendemain, des étudiants ont bloqué le campus en signe de protestation. Or, au lieu de leur envoyer la police pour faire un rappel à la loi, la présidente a préféré répondre mollement en proposant la rédaction d’une charte de laïcité !Comme si la loi de 1905 n’était pas déjà une charte de laïcité…

C’est donc en vous prononçant publiquement pour la fermeté républicaine que vous vous êtes retrouvé pris pour cible par ce groupe d’étudiants le 1er avril. Après ces violences, avez-vous reçu des soutiens en interne ?

De la part de mes collègues les plus proches au sein du département de géographie, oui. Mais chez la grande majorité de mes pairs, c’est plutôt l’indifférence et la méfiance qui ont prévalu, jusqu’aux accusations de la présidente, qui a carrément déclaré que ce qui m’arrivait ne l’étonnait pas, étant donné mes propos sur Gaza. Cela reflète malheureusement l’opinion majoritaire à Lyon 2.

Aujourd’hui quelle est la place de l’islamisme sur le campus ?

C’est très difficile à évaluer. Le bâtiment dans lequel j’enseigne est assez excentré, il n’est pas dans le cœur du réacteur. J’ai certes assisté à des prières dans les couloirs, mais toujours de façon individuelle. Ensuite, il y a l’association des Étudiants musulmans de France (EMF), qui est très puissante. La preuve, elle est hébergée à la maison des étudiants de la métropole de Lyon, elle-même sous administration de la coalition de gauche écolo au pouvoir dans le Grand Lyon.

À cet égard, avez-vous constaté un avant et un après 7-Octobre ?

Oui, bien sûr. Depuis un an et demi, la cause palestinienne est abondamment utilisée par les islamistes pour mobiliser et élargir leur base militante. Cela leur permet de sortir du cadre purement musulman pour attirer à eux des gauchistes et même des LGBT. Du 7 octobre 2023 à la mi-décembre 2024, rien qu’à Lyon 2, on a ainsi eu droit à huit conférences propalestiniennes, soit une par mois ouvrable, en collaboration étroite avec le syndicat Solidaires étudiant-e-s. Je me suis rendu compte que certains intervenants, invités en personne par le vice-président Willy Beauvallet[1] étaient conviés aux frais de l’université, notamment la fameuse Maya Wind, une post-doctorante américaine qui concentre ses critiques sur les universités israéliennes.

Vous décrivez un phénomène de grande ampleur à Lyon 2. N’est-ce pas décourageant ? Comment tenez-vous le coup ?

Je fais le minimum syndical. Je donne mes cours, le plus consciencieusement du monde, car pour beaucoup d’étudiants, c’est leur seule chance de promotion sociale, donc je tiens à être correct envers eux. Mais tout ce qui a trait à mon travail de recherche se déroule en dehors de Lyon 2. Je collabore notamment avec la Hoover Institution, un think tank affilié à l’université de Stanford.

Venons-en justement à votre champ de recherche : le Proche-Orient. Dans quelle mesure le 7-Octobre a-t-il modifié le rapport de forces dans la région ?

C’est un processus toujours en cours. Et le gros morceau reste l’Iran, dont l’avenir demeure incertain. Donald Trump, pour l’instant, est en phase de négociation avec Téhéran tandis que Benjamin Nétanyahou est surtout occupé par Gaza – sans doute en partie d’ailleurs pour masquer son incapacité à se faire entendre à Washington sur le dossier iranien. Donc une intervention militaire en Iran n’est pas à l’ordre du jour. Mais Israël n’acceptera jamais que les mollahs aient la bombe atomique, si bien que Nétanyahou voudra à un moment ou à un autre frapper leur pays, non seulement ses sites nucléaires, mais aussi ses installations pétrolières et gazières, afin de susciter un changement de régime. En attendant, tout cela reste en suspens, de sorte que la séquence ouverte le 7-octobre n’est pas encore close.

Au Proche-Orient, Trump tend non seulement la main aux Iraniens, mais affiche aussi de façon éclatante son inclination pour l’Arabie saoudite. Comment interprétez-vous cela ?

Si Trump a fait ce voyage, c’est d’abord pour signer des contrats, qui se chiffrent en centaines de milliards de dollars, au bénéfice de l’économie américaine, et pour montrer que sa politique étrangère ne mise pas uniquement sur une réconciliation avec la Russie. Sur un plan plus local, son objectif était de rétablir un lien privilégié avec les Saoudiens, dont les relations avec Joe Biden étaient mauvaises. Pour ce faire, il leur a offert un cadeau spectaculaire, en leur permettant de remporter une victoire diplomatique au nez et à la barbe des Qataris.

Comment cela ?

En choisissant de rencontrer le nouveau leader syrien Ahmed Al-Charaa à Riyad au lieu de Doha où, pourtant, celui-ci a beaucoup plus d’amis et de soutiens, Trump a voulu signifier que la Syrie se reconstruira certes avec l’argent qatari, mais sous le parrainage diplomatique des Saoudiens. En d’autres termes, dans la plus pure tradition féodale, on a enjoint au Qatar, mais aussi au Koweït et aux Émirats arabes unis, de passer désormais par l’intermédiaire de l’homme fort de Riyad, Mohammed ben Salmane, pour discuter avec Washington.

Ce faisant, Trump a contribué à respectabiliser Al-Charaa, ancien djihadiste dont rien ne garantit qu’il se soit assagi…

Al-Charaa est un type très intelligent, très pragmatique. Il dit à ses interlocuteurs ce qu’ils ont envie d’entendre. Il a même indiqué qu’il voulait rejoindre les accords d’Abraham – ce qui n’est pas crédible évidemment. Il montre patte blanche, car il a besoin d’une levée des sanctions internationales afin de pouvoir récolter les fonds qui lui permettront de consolider son pouvoir, d’unifier les différentes factions islamiques du pays et de restaurer les services publics de manière à reconstruire une base sociale.

Riyad, 14 mai 2025 : Donald Trump reçoit Ahmed Al-Charaa, président intérimaire de la Syrie, aux côtés du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. La rencontre consacre l’Arabie saoudite comme nouveau parrain régional de la reconstruction. Bandar Aljaloud/Saudi Royal Palace via AP/SIPA

Quid des minorités, très nombreuses dans ce pays ?

Al-Charaa vise clairement la création d’une République islamique sunnite en Syrie. Toutefois la plupart des minorités devraient être protégées, comme autant de communautés fossiles faisant partie du patrimoine local, à l’image des ruines de Palmyre. Je pense qu’Al-Charaa prendra soin en particulier de la sécurité des chrétiens, auxquels les Américains sont très attentifs. Je suis en revanche moins rassuré pour les laïcs du pays, de toutes origines confessionnelles, qui vont se retrouver sous un régime incapable d’accepter l’impiété. Mais tout le monde me dit qu’on n’a pas le choix et qu’Al-Charaa est seul capable de cadrer le pays.

Nos amis kurdes ont-ils raison de penser, comme on le dit, que la France les protège ?

Oui, nous avons quelques forces spéciales sur le terrain chargées de veiller sur leur sort.  Même si ce sont surtout les Américains, disposant de 1 000 hommes sur place, qui ont les clés de leur avenir.

Mais rien n’assure que les Américains ne les lâcheront pas…

Assurément. Le fait que Trump ait adoubé Al-Charaa les inquiète énormément. À quoi s’ajoute la dissolution du PKK, annoncée le 12 mai et qui mène Erdogan à demander à présent le désarmement de toutes les milices kurdes. Enfin et surtout, les Américains doivent quitter l’Irak à partir de la fin de l’année. Le jour venu, il leur sera très compliqué de continuer à assurer la logistique de leur base en Syrie.

Les alaouites, dont sont issus les Assad, sont-ils menacés ?

Le nouveau régime cherchera à en éliminer autant que possible. Au moyen d’une « épuration ethnique blanche ». C’est-à-dire en faisant en sorte que beaucoup s’exilent. C’est comme cela qu’il faut comprendre les exactions en cours contre eux. On en massacre quelques milliers pour que les autres aient envie de partir.

Dans ces conditions, Emmanuel Macron a-t-il eu raison d’accueillir Al-Charaa en grande pompe le 7 mai ?

Je ne pense pas qu’il ait eu tort. La diplomatie sert aussi à parler à ses ennemis. Toutefois, on n’était pas obligé de carrément dérouler le tapis rouge ni de permettre au leader syrien de visiter la tour Eiffel ! On aurait pu lui suggérer de reprendre l’avion tout de suite. Cela dit, Macron a quelques raisons valables de lever les sanctions contre la Syrie, qui avaient été prises contre un pouvoir désormais déchu, et de chercher à s’entendre avec le nouveau régime. Il y a notamment en jeu le renouvellement de la concession du groupe marseillais CMA-CGM pour le port de Lattaquié. Et puis des contrats avec des entreprises françaises, pressenties pour la restauration du réseau énergétique syrien. C’est une bonne chose pour notre économie, à condition bien sûr que la facture soit payée par les pays arabes et pas par l’Union européenne…

En 2011, lors du printemps arabe, beaucoup d’observateurs ont découvert, stupéfaits, que quand les dictatures tombent, elles n’accouchent pas forcément de merveilleuses démocraties libérales. Quinze ans après, sommes-nous revenus de nos illusions ?

Oui, nous sommes beaucoup plus réalistes. Notre ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, se borne ainsi à exiger un « gouvernement inclusif » à Damas. Comprenez qu’il s’estimera satisfait s’il y a un ministre alaouite, un ministre druze et un ministre chrétien. On se contente d’un autoritarisme plus ou moins éclairé, et voilà.

Mais derrière cette façade rassurante, le pays peut-il devenir un QG islamiste ?

Ce risque existe évidemment. La Syrie pourrait devenir pour l’islam sunnite, et singulièrement pour les Frères musulmans, ce que l’Iran est depuis 1979 pour l’islam chiite : une base arrière de prosélytisme, voire de terrorisme. Les Jordaniens l’ont très bien compris : ils viennent d’interdire le mouvement des Frères musulmans. Ils ont vu le niveau de menace monter nettement avec ce qui se passe à Damas, mais aussi à Gaza. Comme la plupart des leaders arabes, le roi de Jordanie s’inquiète beaucoup du sort des Palestiniens dans ses discours, mais il ne fait pas grand-chose. Pour les islamistes, cette inaction est une raison de plus de le renverser.

Que conseilleriez-vous à Macron, si vous étiez, comme votre quasi-jumeau Emmanuel Bonne, lui aussi fin connaisseur de la Syrie, le conseiller diplomatique de l’Élysée ?

Je plaiderais pour une Syrie fédérale, afin que les minorités disposent de territoires sanctuaires et de contre-pouvoirs les protégeant de la dérive autoritaire qui ne manquera pas de se produire. Mais je crains que nous soyons complètement inaudibles dans une région où les seuls pays respectés sont ceux qui justifient d’une présence armée. Or nous avons surtout choisi la présence humanitaire. Comme quoi nous ne sommes pas complètement revenus de nos illusions.


[1] Visé par une enquête du parquet de Lyon après avoir rendu hommage au terroriste Hassan Nasrallah, Willy Beauvallet a démissionné le 5 mai de son poste de vice-président de l’université Lumière Lyon 2.

Le déni présidentiel face à l’ensauvagement

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L’ensauvagement ? Quel ensauvagement ? Cinq ans après avoir raillé un prétendu « Kamasutra de l’ensauvagement », Emmanuel Macron persiste. Dans le sud, il a de nouveau balayé d’un revers de main la problématique, la reléguant au rang de formules creuses bonnes pour la presse à scandales. Au sommet de l’État, une âme sèche préside au déclin de la France, selon notre chroniqueur.


Dans le monde parallèle d’Emmanuel Macron, les violences et les meurtres que sèment les loups dans les villes restent des péripéties méprisables. Se joignant aux alarmistes climatiques, il a déclaré samedi à Monaco : « Certains préfèrent, pendant ce temps-là, brainwasher (laver le cerveau) sur l’invasion du pays et les derniers faits divers ». Cette incapacité du chef de l’Etat à ressentir la moindre empathie, y compris pour les proies des barbares qui tuent comme ils respirent, confirme son désintérêt pour les viles questions sécuritaires et pour le désespoir des endeuillés.

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Une âme sèche et futile préside au déclin de la France. Narcisse se contre-fiche de l’enfer que fait subir aux plaintifs sa société ouverte aux quatre vents de l’immigration. Les intifadas qui ont ponctué la victoire du PSG, les agressions antisémites qui se succèdent, les crimes racistes qui apparaissent ici et là ne sont il est vrai pas démontrables par la science, appelée par le président pour justifier ses priorités sur le réchauffement et son dédain pour la plèbe. Derrière les propos révoltants du chef de l’État, c’est un univers glacial, élitiste et aride, qui se révèle agresseur des faibles laissés sans protection. Samedi, le premier président de la Cour de cassation, Christophe Soulard, a, dans la même veine, dénoncé sur Mediapart un « populisme anti-judiciaire », au prétexte que l’opinion s’indigne de ces juges qui n’osent sanctionner sévèrement les voyous des cités mais n’hésitent pas à accabler les policiers qui leur résistent ou les politiques qui dénoncent les prétentions de certains magistrats à imposer leur loi. Ces violences institutionnelles attisent l’exaspération contre un système injuste, inhumain.

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Dès à présent, les parents meurtris par des rapaces venus de la « diversité » ne se taisent plus. Ils se révoltent contre l’abandon de l’Etat. Vendredi, le père de Benoit, 17 ans, mortellement poignardé à plusieurs reprises à Dax, dans la fanzone de la Ligue des champions, a laissé éclater sa colère : « On accueille des réfugiés et après ils tuent nos enfants (…) Il a fallu qu’une racaille de merde vienne lui enlever la vie (…) J’ai la haine (…) On n’est plus en sécurité nulle part ». L’autre jour, c’était la mère d’Elias, 14 ans, tué à Paris par deux jeunes récidivistes, qui interpellait dans une lettre ouverte ceux « qui se sont moqués de nous » : les juges des enfants qui ont laissé les deux adolescents se rencontrer en dépit d’une interdiction judiciaire, leurs parents démissionnaires, le maire du 14ème « qui n’a pas jugé bon de sécuriser les abords du stade », les médias « qui n’ont pas eu l’honnêteté d’écrire les mots machette et hachette, préférant minimiser l’acte en parlant de couteau », « les différents ministres de la Santé, de l’Éducation nationale, de la Justice, de l’Intérieur qui n’ont pas pris la mesure depuis des années de la dérive d’une partie de la jeunesse, de son ensauvagement, de l’impact des réseaux sociaux et de la banalisation de la violence ». « La France a tué mon mari ! », avait accusé Harmonie Comyn, veuve d’un gendarme tué par un voyou en aout 2024. Les familles de Lola, Philippine, Thomas et bien d’autres encore sont les autres victimes d’une caste prétentieuse qui, chef de l’État en tête, ne tient plus que par le déni, l’insulte, la morgue, la méchanceté. Les jours de ce petit monde imbuvable sont comptés.

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Thierry Breton, alias M. Ripolin: «Karsenty m’a tuer»


Vendredi soir 18h30, BFM TV.
Au menu, le clash Trump – Musk.
Présentateur : l’excellent François Gapihan.
Sur le plateau : le très international Ulysse Gosset, Patricia Allémonière… et moi.
À ma grande surprise, au bout de quelques minutes, la chaîne fait intervenir Thierry Breton à distance.
L’ancien commissaire européen part dans une diatribe pour expliquer qu’Elon Musk a eu tort de faire de la politique après avoir été un homme d’affaires.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais : c’est exactement ce qu’a fait Thierry Breton… mais avec des succès contestés ; les actionnaires des entreprises qu’il a gérées ayant perdu beaucoup d’argent, voire tout leur argent.
Voici un extrait de cet échange qui a été vu plusieurs millions de fois sur les différents réseaux sociaux, cliquez là.
Après l’avoir sagement écouté, j’ai donc pris la parole : « Je ne voudrais pas être méchant avec Thierry Breton mais, quand même, vouloir donner des leçons d’économie à Elon Musk qui est aujourd’hui l’homme le plus puissant du monde en termes économiques. Quand on regarde – je suis désolé de vous le dire M. Breton – mais Atos qui est quasiment en faillite, Orange que vous avez mis aussi au tapis… Votre gestion des entreprises ne vous permet pas de donner de leçons à l’homme qui a réussi Tesla et SpaceX… »

A lire aussi, Didier Desrimais: En attendant Bégaudeau…

Ce à quoi Thierry Breton a répondu : « Non mais pardon, je ne sais pas qui est ce Monsieur, je ne le connais pas mais euh… »
Je l’ai alors interrompu : « Non mais moi je vous connais Monsieur, je suis un ancien financier, je vous ai bien connu sur les marchés… ».

Je faisais référence au surnom qui lui était donné sur les marchés financiers : « Monsieur Ripolin » car il était connu pour repeindre les façades des entreprises qu’il dirigeait sans jamais régler aucun des problèmes auxquelles elles étaient confrontées.

S’en est suivi une autojustification de Thierry Breton dans laquelle il a chargé chacun de ses successeurs pour justifier ses échecs.

J’aurais pu être plus sévère avec Thierry Breton et rappeler toutes les entreprises qu’il a dirigées… et plantées : sur BFM TV, j’ai cité Atos et France Telecom (devenue Orange), mais j’aurais pu ajouter Bull, Thomson mais aussi sa piètre performance en tant que ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie sous Chirac entre 2005 et 2007 ou son mandat catastrophique de commissaire européen sous la présidence d’Ursula von der Leyen.

Je me suis amusé à aller voir sa fiche Wikipédia.
Voici ce qu’on y trouve : 

« Gestion des entreprises : Breton a dirigé plusieurs grandes entreprises, notamment Thomson, France Télécom et Atos. Ses détracteurs affirment qu’il a laissé ces entreprises en difficulté après son départ, bien qu’il ait continué à progresser dans sa carrière. »

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Musk versus Trump: testostérone et idéologie

Enfin, j’aurais pu lui demander pour quelle raison a-t-il pris la nationalité sénégalaise en 2015 ?

Dernière minute : on me souffle dans l’oreillette que Thierry Breton enchaîne les séances de média-training dans le but de… se présenter à la présidentielle en 2027.

Peut-être que Thierry Breton devrait lire les commentaires le concernant sur les différents réseaux sociaux ?

Cela lui évitera certainement de nouvelles déconvenues.

https://twitter.com/jon_delorraine/status/1931076342487142471

Géostratégie: pas une science exacte!

Si tu veux la paix… Comment soumettre son adversaire à sa volonté ? Les bonnes leçons d’Edward N. Luttwak.


D’abord, les mots. Le titre original de ce livre dont la première mouture remonte à 1987 est : Stratégie. La logique de la guerre et de la paix. L’étymologie nous apprend trois choses :

  • que le stratège, grec, n’est autre que le chef d’armée,
  • la stratégie, une notion spéciale de l’art militaire,
  • et l’auteur de ce livre, un « stratégiste », celui qui, depuis une acception entérinée en 1831, connaît la stratégie.

Laquelle est ainsi un art qui use et s’exerce au moyen d’instruments meurtriers, à valeur parfois principiellement dissuasive (cas de l’arme atomique), mais aussi de bonnes paroles, de ce que nous nommons la géo-psychologique et de géopolitique, – la diplomatie, tant sur le cours que le long terme, devant s’insérer dans la panoplie des instruments dont use le stratège digne de ce nom. Si, en France, le chef de l’Etat est le chef des armées, l’on en déduira qu’outre grands et moyens officiers, le président de la République et autres membres composants les organes, consultatifs ou décisionnels en la matière, doivent, à la lettre, se percevoir comme des artistes pratiquant un art dont seul notre orgueil pourrait nous croire qu’il peut devenir science. C’est ce qui, pour l’essentiel, ressort de ces 400 pages, et ce qu’avait bien compris Churchill, ainsi que nous le relate Luttwak.


En septembre 1941, le général en chef du British Bomber Command, Charles Portal, présenta au Premier ministre un plan prévoyant la mobilisation de 250 escadrons durant six mois de campagne, soit 4000 bombardiers et dont l’issue « devait être rien de moins que la victoire totale » sur l’Allemagne. Malgré la logique imparable de ce plan qui déployait ses étapes avec, en bout de course, la garantie d’une victoire d’autant plus évidente que ce plan paraissait avoir pensé à tout, malgré, donc, des apparences qui ne paraissaient nullement trompeuses (et le contexte proprement militaire de l’époque qui rendait cette préconisation comme étant la seule rationnellement envisageable), Churchill « choisit pourtant de se fier à son instinct [c’est nous qui soulignons] stratégique et, malgré le pouvoir de conviction de l’argumentation technique exposée par le plan, il présenta [ses] objections au général Portal. » On les résumera ainsi :

  • on ne peut en la matière se fier à la logique arithmétique ;
  • il est impossible d’intégrer dans le raisonnement toutes les variables (dont l’une, considérable, est ce que sera la riposte effective de l’ennemi, laquelle, elle-même, ne dépend pas uniquement de sa seule capacité technique et de sa volonté) ;
  • il n’y a pas de méthode sûre [c’est nous qui soulignons encore] ;
  • pas plus que l’économie, la stratégie n’est une science.

Ici ajouterons-nous que Luttwak est certes un « stratégiste » mais, surtout un polémologue, lequel pratique une science très, trop humaine comme dirait Nietzsche puisqu’elle est humainement incapable de maîtriser toute la chaîne de commandement – c’est-à-dire, au sens technique du terme, l’engrenage implacable des causes de toutes natures qui permettent de s’assurer de l’efficacité d’une action militaire donnée.

A lire aussi, Charles Rojzman: Le crépuscule des nations: Israël, la France et l’effacement des identités

Luttwak explique dans la foulée que « l’impact insignifiant » des opérations aériennes effectuées en 1943 par la 8ème Air Force américaine sur la machine de guerre allemande, conçues avec le même genre de pure logique comptable, arithmétique et matérielle que celle proposée par le BC britannique en 1941, a permis de vérifier in concreto le bien-fondé de la position de Churchill.

La stratégie est en effet l’art de la maîtrise du paradoxe. Mais, le problème c’est que nous ne sommes pas en présence de deux seuls discours parallèles qu’il suffirait de comparer, confronter pour ensuite les associer en une saine et victorieuse synergie. Des doxa, des discours, des logiques et des faits, il y en a des masses, et non seulement il y en a des masses, mais elles-mêmes évoluent en permanence en interagissant les unes sur les autres en un incessant jeux de miroirs. Dans sa réponse à Portal, à l’automne 1941, Winston Churchill expliquait qu’il « paraît probable que la défense au sol allemande et les chasseurs équipés pour le vol de nuit viendront à bout de nos attaques aériennes » et que « toutes les choses étant toujours simultanément en mouvement [principe même du paradoxe dynamique], il est tout à fait possible que la dispersion des ressources militaires atteigne, en 1943, une telle ampleur que leur survie sera dans une large mesure indépendante des installations situées sur le sol allemand. » C’est une grande banalité d’écrire qu’à l’exemple d’un joueur d’échecs ou de go, le stratège, par la définition même de son art, prétend pouvoir prévoir ; mais il ne le prétend que parce que, d’abord et avant toute autre considération, il sait raisonnablement pouvoir repérer d’un seul coup d’œil l’emplacement de ses propres pièces sur l’échiquier et celles de son adversaire ; il voit et, à partir de là, il espère à bon escient entrevoir, présager des multiples possibilités de mouvements, pour, ensuite (ou, plutôt, d’un point de vue neurocognitif : simultanément) voir et sélectionner le déplacement victorieux. Mais, le champ de bataille(s) de deux (ou n)belligérants – et notons au passage que deux pays en paix, ou même seulement indifférents l’un à l’autre, ne sont que deux (futurs) belligérants qui s’[l’] ignorent – est bien plus vaste que la surface de l’échiquier, et le nombre de coups possiblement infini. Si bien que, dans l’absolu, l’ambition et la fonction de l’art de la stratégie, en dernière analyse et en bon (vocabulaire) marxiste, se résumeraient à la compréhension de l’aléatoire quantique.

A lire aussi, Sylvain Quennehen: Des échecs et du go

Aussi notre auteur-stratégiste excelle-t-il à commenter le… passé (tenir Verdun en 1916 pour les Français, s’acharner à ravitailler en vain Paulus à Stalingrad pour les Allemands, maintenir indéfiniment dans le temps l’action de l’UNWRA – jusqu’à créer des abcès de fixation [topique et psychique, c’est nous qui ajoutons] – et des organisations humanitaires en général, ont-ce été là des actions de bonne stratégie, c’est-à-dire en définitive, de bonne politique ?), quitte à pousser le paradoxe un peu loin en nous expliquant que, si les camps à statut de réfugiés à vie avaient existé dès l’aube de l’ère judéo-chrétienne, le continent européen serait aujourd’hui « couvert de camps abritant les dizaines de millions de Gallo-Romains déracinés, de Vandales abandonnés, de Burgonde vaincus et de Wisigoths déplacés (…) ». Cette image est en vérité un sophisme, car l’utilité de ces « camps » (avec la notion juridico-politique de ‘‘réfugiés’’ qui l’accompagne) ne pouvait en ces temps se ressentir, d’une part, parce que la politique de l’empire romain était plutôt assimilationniste, d’autre part, parce que ces peuples barbares, d’origine indoeuropéenne, étaient d’abord nomades (et, que ce n’était qu’à l’issue de leurs périples, poussés par le vent d’est, et parvenus à l’extrémité de la péninsule euroasiatique qu’ils pouvaient se fixer). Ils n’avaient ainsi pas le temps de développer ni le ‘‘loisir’’ d’entretenir le sentiment de la nostalgie de leurs terres d’antan, et, de la sorte, n’étaient guère enclins à revendiquer un quelconque « droit au retour »… Alors, le processus de fusion-absorption de peuple à peuple semblait fonctionner. Ce qui laisserait à envisager qu’il s’agit de la plus efficace des stratégies de… paix.

Il est vrai que nous n’avons pas précisé dans quel sens, en chaque occurrence, devait s’établir ledit processus. Il est vrai aussi que, de ce très remarquable ouvrage, il est possible de (re)tirer non seulement quelques cartouches, mais aussi quelques enseignements… dirons-nous plus prosaïques, tangibles, d’utilité immédiate… que des stratèges civils et militaires de tous camps, humbles d’esprit et de compétences inter (ou multi-) disciplinaires, se feront autant un plaisir qu’un devoir de découvrir.  

Edward N. Luttwak, Le Grand livre de la stratégie, Odile Jacob, 400 pages.

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Montagnac ou le refus de partager

Quand, à Montagnac, on vous répond “Salam aleykoum” au lieu de “Bonjour, monsieur”, ce n’est pas une maladresse — c’est le symptôme criant d’un séparatisme islamique qui, désormais, joue à visage découvert. Analyse.


« Ici, on dit Salam aleykoum, pas Bonjour, monsieur ! » — c’est la réponse qu’a reçue un inspecteur du service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports, lors d’un contrôle à Montagnac (Hérault). À cet épisode navrant et révélateur se sont ajoutés des faits de violence et des insultes anti-Français répétées. Résultat : l’Union sportive de cette commune de 5 000 habitants, située entre Sète et Béziers, a été privée de toute subvention publique.

« On est des bénévoles, des éducateurs, pas des criminels », se défend l’un des membres du club dans Midi Libre1. Mais du côté de la préfecture, le constat est tout autre. « Il y a des clubs de sport où l’on ne pratique pas que le sport, et les familles qui confient leurs enfants à ces associations doivent le savoir », déclare le préfet de l’Hérault dans une enquête du Figaro2.

Le même article relaie aussi l’inquiétude d’un éducateur : « Quand on explique à nos gamines qu’elles ne peuvent pas jouer avec un voile et que, le week-end suivant, dans le département voisin, on affronte une équipe où ça ne pose aucun problème, notre argumentaire devient difficile à tenir. » Un témoignage qui souligne, au-delà du cas de Montagnac, l’urgence de clarifier la législation sur les pratiques religieuses ou le port du voile dans le sport amateur.


Parfois, il suffit d’un terrain de football, d’un match banal dans un village du sud de la France, pour que tout ce que l’on croyait enfoui remonte à la surface. En mai 2025, le club amateur de Montagnac, dans l’Hérault, a été suspendu par la Fédération française de football. Cette décision, suivie de la suppression des subventions publiques, fait suite à une série d’incidents survenus au fil des mois : invectives violentes, insultes communautaires, refus de parler français sur le terrain.

Des faits graves

Les faits ont d’abord été rapportés par les médias locaux — Midi Libre, France Bleu Hérault, Métropolitain Montpellier. Le ton était mesuré, presque embarrassé. Les articles mentionnaient des « tensions croissantes », des « propos déplacés », des « incidents répétés » sans toujours nommer ce qui, en creux, apparaissait clairement : le rejet de la règle commune, et avec elle, celui du pays lui-même. Le souci d’apaisement était palpable, mais la gêne aussi. Les journalistes semblaient marcher sur des œufs, comme s’ils redoutaient d’ouvrir un débat trop chargé pour la tranquillité locale. Pourtant, la gravité transparaissait, ligne après ligne.

Puis les médias nationaux ont repris l’affaire. CNews, dans sa ligne habituelle, y a vu une illustration de la fragmentation communautaire, et a donné la parole à des élus et à des éducateurs sportifs désemparés. Sur les réseaux sociaux, l’affaire a été reprise et commentée largement, souvent avec excès. Certains y ont vu une simple anecdote gonflée par les médias conservateurs. D’autres, un fait révélateur de tensions profondes. Des sites comme Jeanmarcmorandini .com ou Valeurs Actuelles ont relayé les propos tenus sur le terrain — « sales Français », « sales Blancs » — tandis que d’autres, à gauche, ont appelé à « contextualiser », à « comprendre les causes sociales » plutôt que de pointer les faits bruts.

Puisqu’on vous répète que le climat se réchauffe !

Cette dissonance médiatique n’est pas nouvelle, mais elle dit quelque chose : on ne sait plus très bien comment parler de ce genre d’événements. Faut-il les taire, de peur d’alimenter un climat ? Faut-il les nommer, au risque d’être taxé d’arrière-pensées idéologiques ? Une chose est certaine : ce silence embarrassé, ou ce bruit de surface, ne change rien à la réalité perçue sur le terrain. Les éducateurs locaux, les arbitres, les bénévoles, eux, n’ont pas lu ces polémiques dans la presse. Ils ont vu le mépris dans les regards, entendu les insultes, et constaté le refus explicite de s’inscrire dans un cadre commun. Ils ne parlent pas en termes idéologiques. Ils parlent d’une fatigue. D’un abandon.

A lire aussi, Ivan Rioufol: Ardisson, Gaza, la pensée mondaine et ses effets débilitants

Mais au-delà de cette agitation, quelque chose d’essentiel s’est joué. Ce n’est pas une simple incivilité. Ce n’est pas seulement un débordement. C’est un signe. Le signe d’un refus, non pas ponctuel, mais structuré : celui de partager un espace commun. Ce qui est mis en cause ici, ce n’est pas la diversité. C’est la capacité à faire société dans un cadre reconnu, avec des règles partagées.

Car un terrain de football, dans un village, devrait être un lieu de lien. Un lieu où l’on apprend à obéir à une règle, à parler la même langue, à reconnaître l’arbitre, même lorsqu’il se trompe. Un lieu modeste, mais significatif, où l’on accepte de cohabiter dans un même cadre, sans l’imposer aux autres, sans le contourner. À Montagnac, c’est cela qui a été brisé.

Je vis dans ce pays depuis longtemps. J’en connais la complexité. Je ne suis pas naïf. Je sais ce qu’il en coûte de quitter son monde d’origine pour en épouser un autre. Mais je sais aussi que cela reste possible. Je connais des hommes, des femmes, venus d’ailleurs, qui ont fait ce choix. Non pas en reniant ce qu’ils étaient, mais en acceptant de devenir autre chose : des Français. Par les mots, les usages, l’histoire, le respect d’un cadre commun.

Ceux-là n’élèvent pas la voix. Ils ne réclament pas de place : ils la prennent, par leur discrétion, leur travail, leur fidélité. Ils savent que la France n’est pas un service, mais une promesse. Et que cette promesse demande un effort, un engagement, parfois un renoncement. Ils n’ont rien d’héroïque, mais ils tiennent. Et par eux, quelque chose tient encore.

À l’inverse, il y a ceux qui refusent. Non pas parce qu’ils ne peuvent pas. Mais parce qu’ils ne veulent pas. Ceux-là transforment la France en décor. Ils la traversent sans l’habiter. Ils s’en plaignent sans la connaître. Ils la rejettent tout en profitant d’elle. Et ce rejet, aujourd’hui, ne se cache plus. Il s’affirme, parfois brutalement, jusque sur un terrain de foot.

Le sport ciblé par les islamistes

Montagnac n’est pas un cas isolé. Mais il a le mérite de montrer, simplement, sans théorie ni slogan, ce qui est en jeu. Il ne s’agit pas de peur, ni d’hostilité. Il s’agit de transmission. De la langue, des règles, de ce qui permet encore à des personnes différentes de coexister sans s’affronter. Rien de glorieux, rien de grandiose. Mais sans cela, tout se délite.

Je ne crois pas que tout soit perdu. Mais je crois que le lien est fragile. Et que ce lien ne tiendra pas sans une exigence retrouvée. Pas une exigence brutale. Une exigence simple : celle de reconnaître ce pays pour ce qu’il est. Non pas parfait. Mais accueillant, à condition d’être reconnu en retour. Cela ne demande pas de tout aimer. Mais de vouloir y habiter. Réellement. Avec d’autres, dans une langue, une patience, une mémoire.

A lire aussi, Dominique Labarrière: Le sport, terrain de jeu de l’islamisme

La France n’est pas un guichet. Ce n’est pas non plus une abstraction. C’est un lieu concret, une langue, des habitudes, une mémoire. Cela n’impose pas d’oublier d’où l’on vient, ni d’aimer tout ce qu’on y trouve. Mais cela suppose de vouloir y vivre avec les autres, de faire un pas vers eux, de reconnaître les règles du jeu commun. Tant que ce désir existe, tant que ce geste simple se transmet — celui de rester, d’écouter, de parler — alors il reste quelque chose à tenir.

Et il faut bien le dire : sans politesse — au sens le plus ancien, le plus exigeant — il n’est pas de société. S’asseoir à la table commune, ce n’est pas seulement y prendre place, c’est aussi y observer un silence, apprendre les gestes, respecter les usages. Ce n’est pas exiger que l’on change la vaisselle, qu’on bouleverse les plats, qu’on réécrive le menu : c’est, d’abord, remercier. C’est dans cette mesure discrète, dans cette retenue, que réside ce qui fait encore tenir un pays debout.

  1. Montagnac perd son agrément, Yanick Philipponnat, Midi Libre, 23 mai 2025 ↩︎
  2. «Ici, on dit “Salam aleykoum”, pas “Bonjour, monsieur”»: dans l’Hérault, le football amateur en proie au communautarisme islamiste, Guillaume Mollaret, Le Figaro, 6 juin 2025 ↩︎

Ardisson, Gaza, la pensée mondaine et ses effets débilitants

Le conformisme médiatique nazifie la démocratie israélienne, abandonne Boualem Sansal et nie l’entrisme islamiste. Des marches de Cannes aux plateaux du service public, c’est un festival d’«engagements» lâches et bien-pensants


Thierry Ardisson a cru bien dire : « Gaza, c’est Auschwitz, voilà, c’est tout ce qu’il y a à dire. » (10 mai, France 2) L’homme de télévision, baromètre de l’air du temps, réagissait au témoignage d’un médecin humanitaire comparant le sort des enfants gazaouis à ceux des camps de la mort. Sur le plateau de Léa Salamé, l’outrance n’a pas été relevée. La séquence, préenregistrée, n’a pas été coupée. Pour la pensée mondaine, qui tient salon sur la chaîne publique, rien n’est plus banal que de nazifier la démocratie israélienne : la gauche antisioniste le martèle, l’Élysée l’euphémise. Il n’est venu à l’idée de personne de rappeler les liens entre le Hamas et le nazislamisme du grand mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, qui rejoignit Hitler pour créer en 1943 la division SS Handschar, composée de musulmans bosniaques. Conscient par la suite de la bêtise de son cliché, Ardisson a présenté ses excuses à ses « amis juifs ». Il a été le seul.

L’anecdote dit les effets débilitants du conformisme médiatique, ce prêt-à-penser à l’usage des arrivistes et des paresseux. Il a porté la réflexion sous son étiage. Marcel Aymé moqua, dans Le Confort intellectuel (1949), l’attrait du bourgeois progressiste pour les idéologies les plus démentes, les arts abstraits les plus fumeux, les postures hermétiques les plus verbeuses. Ce que le chercheur Bob Henderson nomme aujourd’hui les « croyances de luxe[1] » désigne ce même désir, de la part d’« élites » déculturées, d’exhiber leur supériorité en récitant des dogmes manichéens, signes clinquants d’une reconnaissance sociale. Le wokisme est le dernier avatar totalitaire promu par ce beau monde aux pensées floues qui a perdu le sens des mots et des faits.

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La caste snobinarde n’a d’obsession que de marquer sa distance avec ces ploucs qui pestent contre l’insécurité, l’immigration, l’islam radical. Le choix de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur et nouveau président des LR, d’éventer le 21 mai un rapport sur l’emprise des Frères musulmans, a brisé le silence d’État sur l’invasion islamiste vue comme un fantasme complotiste. Dans les dîners germanopratins, abrités de sas et de digicodes, il est séant de critiquer CNews plutôt que Jean-Luc Mélenchon, de hausser les yeux à l’évocation de Marine Le Pen ou Donald Trump. Plutôt que de défendre un écrivain ciblé par les islamistes, Libération a dénoncé chez Kamel Daoud sa « proximité idéologique avec le bloc réactionnaire ». Boualem Sansal, qui avait parlé à des journalistes conservateurs avant son arrestation en Algérie, n’a pas été cité par Emmanuel Macron, le 13 mai, dans ses plus de trois heures de paroles sur TF1. Le président a parlé de « honte », mais il visait Israël.

En mai, le Festival de Cannes a mis en scène la platitude satisfaite des privilégiés. La présidente du jury, Juliette Binoche, a inauguré le raout la tête à moitié couverte d’un voile Dior, en déplorant le réchauffement climatique. Mathieu Kassovitz a dit : « Il n’y a plus de Français de souche et j’espère qu’on pourra continuer à se mélanger. » Ainsi parle l’intelligence artificielle du show-biz, de la presse vertueuse, des philosophes de coquetels. Cette gauche prétentieuse est vide. Alain Finkielkraut en a fait l’aveu (15 mai, Figaro TV) : « C’était glorieux d’être de gauche ; cela devient presque insultant. […] Je veux bien me dire de droite, cela ne me dérange pas. » Le vent tourne, vous dis-je.


[1] Cité par Samuel Fitoussi dans Pourquoi les intellectuels se trompent, L’Observatoire, 2025.

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À double voie

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Thomas Ngijol dans son rôle du commissaire Billong © Why Not Productions

Connu pour son humour tranchant sur scène, Thomas Ngijol surprend avec son quatrième film, Indomptables. Adaptation audacieuse d’un documentaire sur un crime en Afrique, il y incarne un commissaire camerounais tiraillé entre enquête policière et défis familiaux. Subtil


On connaît Thomas Ngijol et ses indéniables qualités dans le stand-up à la française. On le découvre ici avec surprise réalisateur d’un quatrième film plus aventureux que les précédents.

Avec Indomptables, il adapte en fiction un documentaire de Mosco Boucault intitulé Un crime à Abidjan, sur le même modèle que le film Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin. Mais pour l’occasion, l’humoriste cinéaste passe de la Côte d’Ivoire au Cameroun et se fait l’observateur acéré de la société locale.

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Il incarne le rôle principal, celui du commissaire Billong, chargé par ses supérieurs de faire la lumière au plus vite sur le meurtre d’un autre policier en service. Le film suit son enquête au jour le jour, tout en montrant sa vie quotidienne au sein de sa famille nombreuse. Entre une femme qui entend exister par elle-même et une progéniture plus ou moins docile, le commissaire a du mal à être bon enfant.

Ce double portrait particulièrement savoureux est une réussite.


Violences de rue : au-delà de la sanction légitime, quelle politique jeunesse ?

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Jubilation et tension : les supporters du PSG célèbrent leur victoire historique en Ligue des champions, le 31 mai 2025 à Paris © Stefano Lorusso/ZUMA/SIPA

Entre rodéos urbains et pillages triomphants, la victoire du PSG en Ligue des champions aura été célébrée comme un sacre barbare par une jeunesse qui ne rêve plus de République mais de chaos. Face à ce malaise profond, le gouvernement sort l’artillerie lourde… d’un gadget : le SNU (Service National Universel), cette chimère technocratique aussi coûteuse qu’inefficace, censée panser les plaies d’une société fracturée. Pendant que les cités flambent, l’exécutif joue à la réforme molle. Mais combien de temps encore tiendrons-nous sur ce fil ?


Attendue comme un moment de liesse populaire, la victoire du Paris Saint-Germain en Ligue des champions le 31 mai dernier a été lourdement entachée par les nombreuses violences qui ont éclaté partout en France (dégradations, pillages, agressions, etc.). Des violences qui ont conduit à des dizaines de blessés et deux décès… Plus de 560 personnes ont été interpellées. Parmi elles, une grande majorité de jeunes. S’ils ont un caractère hors norme, ces débordements ne sont pas inédits pour autant et illustrent un phénomène hautement inquiétant.

En effet, notre pays est en proie à une réalité sans précédent qui voit une partie de la jeunesse basculer dans une contre-société d’hyperviolence et d’ensauvagement. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, qualifie ainsi de « barbares » les auteurs de ces faits. Une situation d’urgence absolue qui pousse le gouvernement à agir. Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a affiché sa volonté d’adapter la loi et de durcir l’échelle des peines. Certes, il ne fait aucun doute qu’établir des mesures coercitives et de sanction est indispensable. Mais doit-on s’en contenter ?

L’illusion répressive

Gageons qu’elles risquent de se révéler largement inefficaces si elles sont trop clémentes (comme c’est le cas de certaines) mais aussi si elles ne vont pas de pair avec une politique « Jeunesse » globale, solide et cohérente, un « traitement de fond » social et culturel pour l’ensemble de notre société. Or, dans ce domaine, l’exécutif semble faire le choix de concentrer son action sur le service national universel (SNU), dont l’expérience a montré qu’il était un dispositif superficiel, inadapté et non viable. Ce faisant, le chemin pris par le gouvernement est une voie sans issue. Une errance incompréhensible et inacceptable qui pourrait conduire à de lourdes conséquences politiques, économiques et sociales.

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017, le SNU fait l’objet, depuis sa présentation en 2019, d’éternels tergiversations et changements de cap. Dernier en date : l’annonce par le chef de l’État d’une « grande refonte » du dispositif, dans un entretien accordé à la presse régionale en mars dernier. Deux mois plus tard, dans une note publiée le 5 mai 2025, le Haut-commissaire au Plan Clément Beaune a exposé différentes options pour faire évoluer le SNU. Le document présente quatre scénarios possibles : un SNU « vitaminé », un service civil universel, un service militaire volontaire ou un retour au service militaire obligatoire. À cela s’ajoutent « deux scénarios hybrides, articulant un socle commun à tous et un choix laissé à chacun ». Des hypothèses aux coûts particulièrement élevés, de 600 millions à 1,5 milliard d’euros par an. Pour définir les modalités du nouveau projet, Clément Beaune se dit favorable à un « vaste débat politique », au Parlement ou par le biais d’une convention citoyenne, voire d’un référendum. Une annonce qui, bien loin de rassurer, illustre surtout un fait hautement préoccupant : l’exécutif ne sait toujours pas où il va.

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En effet, le Haut-commissaire au Plan présente une multitude de propositions aux contours flous qui complexifient le débat jusqu’à le rendre inintelligible et soulèvent davantage de questions qu’elles n’apportent de réponses. Par ailleurs, la volonté de soumettre au référendum un dispositif qui a plus de six ans est un aveu d’échec et d’incapacité à donner un cap clair à la politique « Jeunesse » de notre pays. Preuve supplémentaire, s’il en fallait, d’un profond manque de vision et d’anticipation de la part de pouvoirs publics incapables de mettre en œuvre leurs propres réformes.

Le SNU, mirage coûteux

Au-delà, cette démarche semble être une énième tentative de l’exécutif de sauver un projet qui n’a jamais réussi à convaincre, et pour cause… Depuis sa création, le SNU souffre de faiblesses structurelles profondes et irrémédiables. Six ans plus tard, au gré des modifications et rétropédalages incessants, l’exécutif se trouve embourbé dans les méandres d’un projet qui n’a plus ni fond ni forme. Une coquille vide à laquelle le gouvernement s’accroche obstinément pour sauver la face.

Une obstination qui a un coût : 128,3 millions d’euros en 2025, soit un septième du budget « Jeunesse et vie associative ». Une somme considérable pour un dispositif qui ne répond aucunement aux objectifs fixés et ne convainc personne, à commencer par les principaux concernés : la participation des jeunes reste très en deçà des attentes du gouvernement (en 2023, seuls 40 135 volontaires ont participé à un séjour de cohésion) et les ambitions en matière de mixité sociale sont loin d’être atteintes (surreprésentation des enfants de familles CSP+ et des enfants de « corps en uniforme », ainsi que des jeunes issus des filières générales et technologiques).

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Plus que jamais, la jeunesse française incarne un véritable enjeu de société et un défi majeur pour l’avenir de notre nation. Face à cela, le SNU apparaît encore et toujours comme un cautère sur une jambe de bois… Le temps passé à essayer de le sauver à tout prix est du temps perdu. Tous ces efforts devraient être dirigés vers un seul et même but : trouver les outils pour garantir une société apaisée. Cela ne pourra se faire sans une réflexion approfondie autour des valeurs de la transmission et du rôle qu’il faut (re)donner aux parents.

Un cap à redéfinir d’urgence

L’heure n’est pourtant plus aux hésitations. Il est temps de bâtir rapidement un plan d’action réaliste et efficace pour redonner un véritable souffle à notre société. Des solutions existent. Pour les faire émerger, il est nécessaire de donner aux acteurs de terrain les moyens d’agir sur leur propre réalité. C’est pourquoi nous avons conçu le Parcours France en commun, un outil d’ouverture aux valeurs et aux richesses de la nation, structurant l’apprentissage de la citoyenneté et de l’appartenance. Il s’appuie sur trois principaux objectifs : garantir un socle commun à l’ensemble de la classe d’âge tout en favorisant la responsabilité et l’autonomie ; agir en profondeur grâce à la mobilisation de l’ensemble des acteurs qui environnent le jeune (famille, école, commune, associations, etc.) ; et faire le choix du temps long, sur plusieurs années, afin de laisser une empreinte réelle dans le parcours de chaque jeune Français. C’est à ces seules conditions que nous parviendrons à voir se développer et s’enraciner un véritable esprit d’engagement, pilier indispensable de l’unité de la nation.

Fictions conservatrices: vous pouvez rallumer la télé!

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Kevin Costner dans "Yellowstone" / Netflix.

En faisant d’une certaine façon la promotion de la fidélité aux origines, la série Yellowstone et le film La venue de l’avenir ne sont-ils pas des signes avant-coureurs d’un retour du conservatisme ?


Sur fond de progressisme à bout de souffle, le conservatisme est-il de retour ? Au-delà de l’actualité politique, des signes avant-coureurs de ce changement de conception du monde sont visibles dans certaines œuvres de fiction. La série américaine Yellowstone, du réalisateur Taylor Sheridan, et le film de Cédric Klapisch, La venue de l’avenir, contiennent peut-être les germes d’un autre rapport au passé.

Nous sortons de plusieurs décennies, en Occident, où l’imaginaire progressiste a dominé la vie politique, non seulement à gauche bien sûr, mais aussi au centre et à droite. Bien au-delà de la politique, le progressisme a nourri et structuré les différentes cultures européennes et américaines, disons à partir de la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ses versions radicales, le communisme façon URSS et le gauchisme façon internationale révolutionnaire, ont bien entendu reflué, mais quasiment l’ensemble de l’échiquier politique est resté imprégné par cet imaginaire, à l’exception de quelques mouvements conservateurs isolés et repliés sur eux-mêmes. La France, avec De Gaulle et l’héritage du gaullisme, constituera une exception provisoire à cette domination du progressisme.

Il faudra un jour faire le bilan des heurs et des malheurs, des profits et des pertes, que l’idéologie progressiste a généré. Ce n’est pas l’objet ici. De nombreux indices, de moins en moins ténus, montrent un début de reflux de cet imaginaire organisé autour de la consommation effrénée, du progrès technique, de l’homme nouveau et du transhumanisme, des restrictions pulsionnelles, de la liquidation des traditions, des cultures régionales, du refus de l’histoire comme guide pour l’avenir.

Une nouvelle restauration ?

N’assiste-t-on pas aujourd’hui au retour d’une forme de conservatisme qui se cherche, qui n’est pas encore cristallisé ?  Il ressemblerait à une sorte de restauration, notamment par sa sensibilité à des formes traditionnelles de mœurs, de modes de vie, d’expression politique, de valeurs. Il semble s’exprimer dans un premier temps à travers des versions radicales. Par exemple, au wokisme de l’extrême gauche, comme quintessence du progressisme, semble correspondre autour de Trump, notamment aux États-Unis, une sorte de wokisme d’extrême droite qui fonctionne, de façon assez peu créative, en miroir de ce qu’il dénonce. Mais l’enjeu va bien au-delà des incarnations radicales d’un mouvement qui pourrait redevenir majoritaire.

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Peut-on discerner des signes avant-coureur d’un éventuel retour du conservatisme, à la fois en politique, mais aussi, plus globalement, comme mode de vie et comme univers de valeurs ? En politique, on trouvera, pour la France, les jalons posés par Éric Zemmour, qui s’affiche explicitement conservateur, mais dont le développement est gêné par la présence massive, sur son segment électoral, du Rassemblement national, qui lui, n’a pas encore choisi son camp, le populisme n’étant ni conservateur ni progressiste.

La popularité spectaculaire de Bruno Retailleau est un autre signe avant-coureur d’un intérêt grandissant de l’opinion pour un autre rapport au passé français que celui que propose le progressisme. Aux Etats-Unis, on remarquera l’effondrement massif des Démocrates, du fait de leur identification à un progressisme replié dans les centres intellectuels de la côte Est.

Deux fictions porteuses de signes avant-coureurs

Mais le monde de la politique est-il le premier ou le seul porteur de ces signes avant-coureurs ? Le politique n’est peut-être que la conséquence d’un changement plus global de conception du monde. Aussi il n’est pas inutile de rechercher ces signes là où se construisent les grands récits. Le monde de la fiction, des romans, des films, des séries, a  toujours été largement dominé, d’Hollywood jusqu’à Cannes, par le progressisme. C’est aussi que, commerce oblige, il est fondamentalement suiviste. On voit néanmoins apparaître, ici et là, quelques œuvres que l’on pourrait dire d’avant-garde, dans leur capacité à nous faire réfléchir sur les effets de l’éradication du passé.

Car au fond c’est bien de cela qu’il s’agit, le progressisme et le conservatisme étant tous les deux des mouvements de pensée organisés autour du rapport au passé. Ces œuvres sont représentatives d’un moment charnière, dans l’hypothèse d’un effacement du progressisme, comme fond culturel de nos sociétés.

J’en citerai deux, sans autre rapport entre elles qu’une puissante interrogation sur le rapport au passé : la série Yellowstone, du réalisateur américain Taylor Sheridan, diffusée sur Netflix (plate-forme initialement progressiste, mais qui hume régulièrement l’air du temps pour voir où le vent va souffler) et le film, qui vient de sortir sur les écrans français, La venue de l’avenir, du réalisateur Cédric Klapisch.

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Dans la première, le spectateur attentif fait la découverte d’une culture à part entière (au sens anthropologique), celles des grands ranchs américains, qui tentent, contre les vents et les marées de la modernité, de maintenir un mode de vie, un système de valeurs, une forme d’honneur et de justice. Le ranch Yellowstone, fondé en 1883, survit, à travers une sorte de tunnel temporel, en restant fidèle à ses valeurs d’origine, forgées à partir d’un mélange de la culture européenne des immigrants et du traumatisme de la conquête de l’Ouest (c’est l’objet d’une autre série du même réalisateur : 1883). La série est détestée par les progressistes, qui y voient un exemple honni de la « société patriarcale », mais aussi par les trumpistes, qui la trouvent trop hostile à la finance.

L’intérêt de la série est de mettre en scène le rapport au passé, enroulé autour cette valeur centrale que représente la fidélité à l’origine, qu’entretient cette culture originale, spécifique, hors du temps et de la modernité. Son scénario s’organise autour de la lutte de cette culture contre tous les assauts de la modernité, la vénalité des promoteurs, la civilisation des loisirs, la poussée consumériste, le légalisme formel. La série sert donc de révélateur des travers du progressisme, en même temps qu’elle fait l’apologie des vertus d’une certaine forme de conservatisme.

Un passé nommé désir

Le film de Cédric Klapisch pose la question du rapport au passé sur un autre registre. Il n’en constitue pas moins un indice fort, même si ce n’est peut-être pas l’intention de l’auteur, d’un certain retour du conservatisme. Il met en scène une famille partie à la recherche d’une de ses ancêtres, elle-même, dans le passé, à la recherche de ses parents. L’entrelacement du XIXème siècle et de la période présente n’est pas tout à fait à l’avantage de cette dernière. On y découvre une période, plus libre, plus enthousiaste, plus créative sur un plan artistique, moins hypocrite, sur le plan des mœurs. Là où le progressisme actuel est bien représenté dans la scène où le vêtement porté par une mannequin de mode ne ressortant pas suffisamment devant un tableau classique, l’équipe de tournage propose de modifier au montage plutôt la couleur du tableau.

L’un des personnages, englué initialement dans cette forme vulgaire de la modernité (le shooting d’influenceuses de mode), donne la clé du film lorsqu’il déclare : « j’ai toujours regardé devant, mais maintenant je vais regarder en arrière ». Pour un coup, Cannes, où le film était présenté « hors compétition », n’a rien vu venir. Ce qui n’est pas le cas de la critique du journal Les Inrockuptibles, qui a bien remarqué, en guise de pêché mortel du film, que, « la morale œcuménique du film est qu’on est mieux armé·e pour appréhender l’avenir si on a su apprendre du passé ».

Ces deux exemples empruntés à l’univers de la fiction sont sans doute loin d’être les seuls, même s’ils sont dissimulés derrière les fracas de l’effondrement du progressisme et des radicalités fin de règne qui l’accompagnent. La capacité du conservatisme à proposer un récit mobilisateur tiendra, paradoxalement, à ce qu’il apparaîtra comme une nouveauté, là où le progressisme aura épuisé toutes les ressources du désir d’avenir.

Non, le climat n’est pas « malsain » à CNews !

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© SICCOLI PATRICK/SIPA

Ils n’osent plus écrire « islamophobe », mais c’est bien la petite musique qui monte : selon les journaux progressistes, la chaine info conservatrice aurait le tort de trop parler des musulmans.


Mon titre reprend le propos d’un fidèle de la mosquée Al-Hashimi à Saint-Ouen, rapporté dans un article du Monde consacré au « désarroi des musulmans lors de l’Aïd » : « Le climat est malsain, mais surtout à la télé… ». Au regard du contexte, on comprend bien que CNews est particulièrement visé. D’ailleurs un autre fidèle, Rachid, l’explicite : « Sur certaines chaînes, comme CNews, il n’y a aucune limite : nous sommes responsables de tout ».

Injustices

Je n’aurais pas eu envie d’écrire un billet sur ce thème, qui dépasse largement CNews, si dans le texte de ce quotidien n’avaient pas été enregistrées des opinions à la fois nuancées et critiques, en tout cas de nature à faire réfléchir tout citoyen de bonne foi.

Le sentiment diffus qu’éprouvent certains musulmans d’être en permanence ciblés ne peut pas être traité avec indifférence ou, pire, mépris même si on l’estime injuste tant à l’égard de CNews que de Bruno Retailleau, leur autre bête noire. On ne saurait tenir pour rien cette impression qui perçoit la chaine et le ministre, parfois, comme des ennemis de la religion musulmane quand ils ne s’attachent, par des analyses ou en action, qu’à ses dérives.

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Pour la chaîne, il est permis certes de considérer que les sujets concernant l’islam occupent au quotidien une place importante. Mais la télévision ne les invente pas. Elle ne s’en préoccupe que dans la mesure où ils mettent en lumière des problématiques concernant la France, le risque de communautarisme et la sécurité publique. Pour ma part, à chaque fois qu’on les abordait, j’ai toujours veillé – sans jamais être contredit – à les appréhender sur un mode qui ne prenait pas le particulier pour le général et les transgressions graves de quelques-uns pour une dangerosité globale.

Cette volonté de ne pas universaliser ces hostilités est capitale. C’est la seule attitude qui évite que des compatriotes musulmans se sentent injustement stigmatisés alors qu’ils échappent, dans leur quotidien et dans leur rapport au pays, aux dénonciations qui parfois oublient toute nuance et ne mesurent la portée de leur verbe maladroit, imprudent, qui peut enflammer.

Les attaques politiques ou médiatiques contre CNews sont non seulement erronées – il suffit d’écouter les débats pour le constater – mais liberticides car elles ne cessent d’incriminer, en les caricaturant, des échanges où l’outrance trouve sa contradiction et l’islam modéré, ses défenseurs.

Islam et islamisme, les musulmans et des musulmans…

J’entends bien l’argumentation développée par Éric Zemmour qui estime – il est constant sur ce point – que l’islam et l’islamisme sont identiques et que le premier n’est structurellement, politiquement, pas compatible avec la République.

J’espère ne pas me tromper et ne pas tomber dans la facilité de l’extrémisme intellectuel mais il me semble qu’en laissant la religion là où elle doit être – dans la sphère privée et familiale – et en étant impitoyable avec les grignotages subtils ou ostentatoires d’un islam dévoyé et conquérant, on pourra peut-être s’accorder avec mon point de vue. D’ailleurs a-t-on un autre choix que cette synthèse d’acceptation lucide et de répression sans faiblesse ?

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Est-il inconcevable de s’en tenir à des règles claires ? Par exemple l’obligation d’un comportement exemplaire, comme pour les fidèles des autres religions, l’interdiction de ce qui est au sens propre inhumain – se voiler, se cacher le visage – et le refus absolu de pratiques venant corroder notre démocratie pour la constituer en pré-charia.

Je sais qu’une vision pessimiste de l’islam en France peut soutenir que chaque acte musulman public ou dans des univers ouverts au public est inspiré par une idéologie d’emprise sur notre société à redresser à cause des « mécréants » qui la composent mais, à partir du moment où on met en œuvre une intransigeance pénale pour l’intolérable, ne peut-on consentir au moins à une incertitude pour le reste ?

Dans cet article du Monde, frappé par la qualité et la mesure des déclarations, notamment celle de Mme Bamba, mère de quatre enfants, je n’ai pas m’empêcher de ressentir comme un dégoût à l’égard de tous ceux, pas seulement à LFI, qui exploitent « cette chair à élections » que sont les musulmans, notamment dans les banlieues, en feignant de se pencher sur leur sort. Il est clair qu’ayant à choisir, je préfère le camp de ceux qui dénoncent ce que l’islamisme a de périlleux à la fois pour l’image de l’islam et pour notre pays, à celui des démagogues d’extrême gauche s’abandonnant à des hyperboles hypocrites au risque de valider et de favoriser le pire. C’est cet unique climat qui est malsain.

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Fabrice Balanche: nul n’est prophète en son campus

Fabrice Balanche. DR.

Spécialiste mondialement reconnu de la Syrie, Fabrice Balanche sait parfaitement de quoi les Frères musulmans sont capables et n’hésite pas à le dire. Enragés par sa lucidité et son expertise, les islamo-gauchistes qui règnent à Lyon 2 depuis des années tentent de le faire taire. Pas sûr qu’ils y parviennent.


Causeur. Le 1er avril, alors que vous donniez un cours à l’université Lumière Lyon 2, votre amphithéâtre a été envahi par des militants masqués, islamistes, gauchistes ou les deux, et vous n’avez eu d’autre choix que de quitter les lieux. Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous depuis cette tentative d’intimidation ?

Fabrice Balanche. J’en ai vu d’autres. Ce n’est pas la première fois que j’ai des problèmes à l’université ! Il y a une dizaine d’années, j’ai fait un procès à l’Institut d’études politiques (IEP) de Lyon, qui avait recalé ma candidature à un poste de maître de conférences. Le tribunal a reconnu le manque d’impartialité de la commission d’admission, qui penchait exclusivement à gauche. Le jugement, qui fait d’ailleurs aujourd’hui jurisprudence, m’a donné entièrement raison. Depuis, je passe pour un emmerdeur.

Qu’est-ce qui déplaisait tant au jury de l’IEP de Lyon pour qu’il ne veuille pas de vous comme collègue ?

Mes travaux portent sur les alaouites et sur les communautarismes en Syrie. Autrement dit, mon prisme n’est ni marxiste ni décolonial. Cela ne cadre pas avec le dogme académique dominant. Raison pour laquelle il m’a fallu un certain temps, au début de ma carrière, pour accéder à un emploi stable à la faculté. Mon sujet faisait tiquer. Mais il ne s’agit pas d’un cas isolé. Beaucoup de chercheurs anticonformistes ont du mal à trouver une place digne de ce nom à l’université. À Lyon 2, c’est devenu patent. Depuis quelques années, l’équipe dirigeante ne recrute que des personnels qui lui ressemblent idéologiquement, ce qui lui permet de s’assurer d’autant plus facilement sa reconduction à chaque élection interne. Sociologiquement, l’établissement ressemble à une citadelle d’extrême gauche, où vous avez intérêt à exprimer les mêmes positions politiques radicales que le conseil d’administration si vous voulez maximiser vos chances de décrocher des crédits de recherche.

On dit quand même que la présidente de l’université, Isabelle von Bueltzingsloewen, n’a témoigné aucune complaisance vis-à-vis des étudiants musulmans qui voulaient organiser un iftar (rupture du jeûne) dans un local de l’université…

Dans un premier temps, elle s’est montrée en réalité très accommodante avec ces étudiants, puisqu’elle a commencé par accéder à leur requête en leur demandant juste de rebaptiser l’opération « repas partagé » et de supprimer un visuel Instagram où figuraient une femme voilée ainsi qu’un homme coiffé d’une calotte islamique. Seulement, ils ont refusé ce compromis en l’accusant d’islamophobie. Elle était dès lors dans l’obligation de leur interdire la salle. Le lendemain, des étudiants ont bloqué le campus en signe de protestation. Or, au lieu de leur envoyer la police pour faire un rappel à la loi, la présidente a préféré répondre mollement en proposant la rédaction d’une charte de laïcité !Comme si la loi de 1905 n’était pas déjà une charte de laïcité…

C’est donc en vous prononçant publiquement pour la fermeté républicaine que vous vous êtes retrouvé pris pour cible par ce groupe d’étudiants le 1er avril. Après ces violences, avez-vous reçu des soutiens en interne ?

De la part de mes collègues les plus proches au sein du département de géographie, oui. Mais chez la grande majorité de mes pairs, c’est plutôt l’indifférence et la méfiance qui ont prévalu, jusqu’aux accusations de la présidente, qui a carrément déclaré que ce qui m’arrivait ne l’étonnait pas, étant donné mes propos sur Gaza. Cela reflète malheureusement l’opinion majoritaire à Lyon 2.

Aujourd’hui quelle est la place de l’islamisme sur le campus ?

C’est très difficile à évaluer. Le bâtiment dans lequel j’enseigne est assez excentré, il n’est pas dans le cœur du réacteur. J’ai certes assisté à des prières dans les couloirs, mais toujours de façon individuelle. Ensuite, il y a l’association des Étudiants musulmans de France (EMF), qui est très puissante. La preuve, elle est hébergée à la maison des étudiants de la métropole de Lyon, elle-même sous administration de la coalition de gauche écolo au pouvoir dans le Grand Lyon.

À cet égard, avez-vous constaté un avant et un après 7-Octobre ?

Oui, bien sûr. Depuis un an et demi, la cause palestinienne est abondamment utilisée par les islamistes pour mobiliser et élargir leur base militante. Cela leur permet de sortir du cadre purement musulman pour attirer à eux des gauchistes et même des LGBT. Du 7 octobre 2023 à la mi-décembre 2024, rien qu’à Lyon 2, on a ainsi eu droit à huit conférences propalestiniennes, soit une par mois ouvrable, en collaboration étroite avec le syndicat Solidaires étudiant-e-s. Je me suis rendu compte que certains intervenants, invités en personne par le vice-président Willy Beauvallet[1] étaient conviés aux frais de l’université, notamment la fameuse Maya Wind, une post-doctorante américaine qui concentre ses critiques sur les universités israéliennes.

Vous décrivez un phénomène de grande ampleur à Lyon 2. N’est-ce pas décourageant ? Comment tenez-vous le coup ?

Je fais le minimum syndical. Je donne mes cours, le plus consciencieusement du monde, car pour beaucoup d’étudiants, c’est leur seule chance de promotion sociale, donc je tiens à être correct envers eux. Mais tout ce qui a trait à mon travail de recherche se déroule en dehors de Lyon 2. Je collabore notamment avec la Hoover Institution, un think tank affilié à l’université de Stanford.

Venons-en justement à votre champ de recherche : le Proche-Orient. Dans quelle mesure le 7-Octobre a-t-il modifié le rapport de forces dans la région ?

C’est un processus toujours en cours. Et le gros morceau reste l’Iran, dont l’avenir demeure incertain. Donald Trump, pour l’instant, est en phase de négociation avec Téhéran tandis que Benjamin Nétanyahou est surtout occupé par Gaza – sans doute en partie d’ailleurs pour masquer son incapacité à se faire entendre à Washington sur le dossier iranien. Donc une intervention militaire en Iran n’est pas à l’ordre du jour. Mais Israël n’acceptera jamais que les mollahs aient la bombe atomique, si bien que Nétanyahou voudra à un moment ou à un autre frapper leur pays, non seulement ses sites nucléaires, mais aussi ses installations pétrolières et gazières, afin de susciter un changement de régime. En attendant, tout cela reste en suspens, de sorte que la séquence ouverte le 7-octobre n’est pas encore close.

Au Proche-Orient, Trump tend non seulement la main aux Iraniens, mais affiche aussi de façon éclatante son inclination pour l’Arabie saoudite. Comment interprétez-vous cela ?

Si Trump a fait ce voyage, c’est d’abord pour signer des contrats, qui se chiffrent en centaines de milliards de dollars, au bénéfice de l’économie américaine, et pour montrer que sa politique étrangère ne mise pas uniquement sur une réconciliation avec la Russie. Sur un plan plus local, son objectif était de rétablir un lien privilégié avec les Saoudiens, dont les relations avec Joe Biden étaient mauvaises. Pour ce faire, il leur a offert un cadeau spectaculaire, en leur permettant de remporter une victoire diplomatique au nez et à la barbe des Qataris.

Comment cela ?

En choisissant de rencontrer le nouveau leader syrien Ahmed Al-Charaa à Riyad au lieu de Doha où, pourtant, celui-ci a beaucoup plus d’amis et de soutiens, Trump a voulu signifier que la Syrie se reconstruira certes avec l’argent qatari, mais sous le parrainage diplomatique des Saoudiens. En d’autres termes, dans la plus pure tradition féodale, on a enjoint au Qatar, mais aussi au Koweït et aux Émirats arabes unis, de passer désormais par l’intermédiaire de l’homme fort de Riyad, Mohammed ben Salmane, pour discuter avec Washington.

Ce faisant, Trump a contribué à respectabiliser Al-Charaa, ancien djihadiste dont rien ne garantit qu’il se soit assagi…

Al-Charaa est un type très intelligent, très pragmatique. Il dit à ses interlocuteurs ce qu’ils ont envie d’entendre. Il a même indiqué qu’il voulait rejoindre les accords d’Abraham – ce qui n’est pas crédible évidemment. Il montre patte blanche, car il a besoin d’une levée des sanctions internationales afin de pouvoir récolter les fonds qui lui permettront de consolider son pouvoir, d’unifier les différentes factions islamiques du pays et de restaurer les services publics de manière à reconstruire une base sociale.

Riyad, 14 mai 2025 : Donald Trump reçoit Ahmed Al-Charaa, président intérimaire de la Syrie, aux côtés du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. La rencontre consacre l’Arabie saoudite comme nouveau parrain régional de la reconstruction. Bandar Aljaloud/Saudi Royal Palace via AP/SIPA

Quid des minorités, très nombreuses dans ce pays ?

Al-Charaa vise clairement la création d’une République islamique sunnite en Syrie. Toutefois la plupart des minorités devraient être protégées, comme autant de communautés fossiles faisant partie du patrimoine local, à l’image des ruines de Palmyre. Je pense qu’Al-Charaa prendra soin en particulier de la sécurité des chrétiens, auxquels les Américains sont très attentifs. Je suis en revanche moins rassuré pour les laïcs du pays, de toutes origines confessionnelles, qui vont se retrouver sous un régime incapable d’accepter l’impiété. Mais tout le monde me dit qu’on n’a pas le choix et qu’Al-Charaa est seul capable de cadrer le pays.

Nos amis kurdes ont-ils raison de penser, comme on le dit, que la France les protège ?

Oui, nous avons quelques forces spéciales sur le terrain chargées de veiller sur leur sort.  Même si ce sont surtout les Américains, disposant de 1 000 hommes sur place, qui ont les clés de leur avenir.

Mais rien n’assure que les Américains ne les lâcheront pas…

Assurément. Le fait que Trump ait adoubé Al-Charaa les inquiète énormément. À quoi s’ajoute la dissolution du PKK, annoncée le 12 mai et qui mène Erdogan à demander à présent le désarmement de toutes les milices kurdes. Enfin et surtout, les Américains doivent quitter l’Irak à partir de la fin de l’année. Le jour venu, il leur sera très compliqué de continuer à assurer la logistique de leur base en Syrie.

Les alaouites, dont sont issus les Assad, sont-ils menacés ?

Le nouveau régime cherchera à en éliminer autant que possible. Au moyen d’une « épuration ethnique blanche ». C’est-à-dire en faisant en sorte que beaucoup s’exilent. C’est comme cela qu’il faut comprendre les exactions en cours contre eux. On en massacre quelques milliers pour que les autres aient envie de partir.

Dans ces conditions, Emmanuel Macron a-t-il eu raison d’accueillir Al-Charaa en grande pompe le 7 mai ?

Je ne pense pas qu’il ait eu tort. La diplomatie sert aussi à parler à ses ennemis. Toutefois, on n’était pas obligé de carrément dérouler le tapis rouge ni de permettre au leader syrien de visiter la tour Eiffel ! On aurait pu lui suggérer de reprendre l’avion tout de suite. Cela dit, Macron a quelques raisons valables de lever les sanctions contre la Syrie, qui avaient été prises contre un pouvoir désormais déchu, et de chercher à s’entendre avec le nouveau régime. Il y a notamment en jeu le renouvellement de la concession du groupe marseillais CMA-CGM pour le port de Lattaquié. Et puis des contrats avec des entreprises françaises, pressenties pour la restauration du réseau énergétique syrien. C’est une bonne chose pour notre économie, à condition bien sûr que la facture soit payée par les pays arabes et pas par l’Union européenne…

En 2011, lors du printemps arabe, beaucoup d’observateurs ont découvert, stupéfaits, que quand les dictatures tombent, elles n’accouchent pas forcément de merveilleuses démocraties libérales. Quinze ans après, sommes-nous revenus de nos illusions ?

Oui, nous sommes beaucoup plus réalistes. Notre ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, se borne ainsi à exiger un « gouvernement inclusif » à Damas. Comprenez qu’il s’estimera satisfait s’il y a un ministre alaouite, un ministre druze et un ministre chrétien. On se contente d’un autoritarisme plus ou moins éclairé, et voilà.

Mais derrière cette façade rassurante, le pays peut-il devenir un QG islamiste ?

Ce risque existe évidemment. La Syrie pourrait devenir pour l’islam sunnite, et singulièrement pour les Frères musulmans, ce que l’Iran est depuis 1979 pour l’islam chiite : une base arrière de prosélytisme, voire de terrorisme. Les Jordaniens l’ont très bien compris : ils viennent d’interdire le mouvement des Frères musulmans. Ils ont vu le niveau de menace monter nettement avec ce qui se passe à Damas, mais aussi à Gaza. Comme la plupart des leaders arabes, le roi de Jordanie s’inquiète beaucoup du sort des Palestiniens dans ses discours, mais il ne fait pas grand-chose. Pour les islamistes, cette inaction est une raison de plus de le renverser.

Que conseilleriez-vous à Macron, si vous étiez, comme votre quasi-jumeau Emmanuel Bonne, lui aussi fin connaisseur de la Syrie, le conseiller diplomatique de l’Élysée ?

Je plaiderais pour une Syrie fédérale, afin que les minorités disposent de territoires sanctuaires et de contre-pouvoirs les protégeant de la dérive autoritaire qui ne manquera pas de se produire. Mais je crains que nous soyons complètement inaudibles dans une région où les seuls pays respectés sont ceux qui justifient d’une présence armée. Or nous avons surtout choisi la présence humanitaire. Comme quoi nous ne sommes pas complètement revenus de nos illusions.


[1] Visé par une enquête du parquet de Lyon après avoir rendu hommage au terroriste Hassan Nasrallah, Willy Beauvallet a démissionné le 5 mai de son poste de vice-président de l’université Lumière Lyon 2.

Le déni présidentiel face à l’ensauvagement

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"Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre..." Monaco, 8 juin 2025 © Stephane Lemouton/SIPA

L’ensauvagement ? Quel ensauvagement ? Cinq ans après avoir raillé un prétendu « Kamasutra de l’ensauvagement », Emmanuel Macron persiste. Dans le sud, il a de nouveau balayé d’un revers de main la problématique, la reléguant au rang de formules creuses bonnes pour la presse à scandales. Au sommet de l’État, une âme sèche préside au déclin de la France, selon notre chroniqueur.


Dans le monde parallèle d’Emmanuel Macron, les violences et les meurtres que sèment les loups dans les villes restent des péripéties méprisables. Se joignant aux alarmistes climatiques, il a déclaré samedi à Monaco : « Certains préfèrent, pendant ce temps-là, brainwasher (laver le cerveau) sur l’invasion du pays et les derniers faits divers ». Cette incapacité du chef de l’Etat à ressentir la moindre empathie, y compris pour les proies des barbares qui tuent comme ils respirent, confirme son désintérêt pour les viles questions sécuritaires et pour le désespoir des endeuillés.

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Une âme sèche et futile préside au déclin de la France. Narcisse se contre-fiche de l’enfer que fait subir aux plaintifs sa société ouverte aux quatre vents de l’immigration. Les intifadas qui ont ponctué la victoire du PSG, les agressions antisémites qui se succèdent, les crimes racistes qui apparaissent ici et là ne sont il est vrai pas démontrables par la science, appelée par le président pour justifier ses priorités sur le réchauffement et son dédain pour la plèbe. Derrière les propos révoltants du chef de l’État, c’est un univers glacial, élitiste et aride, qui se révèle agresseur des faibles laissés sans protection. Samedi, le premier président de la Cour de cassation, Christophe Soulard, a, dans la même veine, dénoncé sur Mediapart un « populisme anti-judiciaire », au prétexte que l’opinion s’indigne de ces juges qui n’osent sanctionner sévèrement les voyous des cités mais n’hésitent pas à accabler les policiers qui leur résistent ou les politiques qui dénoncent les prétentions de certains magistrats à imposer leur loi. Ces violences institutionnelles attisent l’exaspération contre un système injuste, inhumain.

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Dès à présent, les parents meurtris par des rapaces venus de la « diversité » ne se taisent plus. Ils se révoltent contre l’abandon de l’Etat. Vendredi, le père de Benoit, 17 ans, mortellement poignardé à plusieurs reprises à Dax, dans la fanzone de la Ligue des champions, a laissé éclater sa colère : « On accueille des réfugiés et après ils tuent nos enfants (…) Il a fallu qu’une racaille de merde vienne lui enlever la vie (…) J’ai la haine (…) On n’est plus en sécurité nulle part ». L’autre jour, c’était la mère d’Elias, 14 ans, tué à Paris par deux jeunes récidivistes, qui interpellait dans une lettre ouverte ceux « qui se sont moqués de nous » : les juges des enfants qui ont laissé les deux adolescents se rencontrer en dépit d’une interdiction judiciaire, leurs parents démissionnaires, le maire du 14ème « qui n’a pas jugé bon de sécuriser les abords du stade », les médias « qui n’ont pas eu l’honnêteté d’écrire les mots machette et hachette, préférant minimiser l’acte en parlant de couteau », « les différents ministres de la Santé, de l’Éducation nationale, de la Justice, de l’Intérieur qui n’ont pas pris la mesure depuis des années de la dérive d’une partie de la jeunesse, de son ensauvagement, de l’impact des réseaux sociaux et de la banalisation de la violence ». « La France a tué mon mari ! », avait accusé Harmonie Comyn, veuve d’un gendarme tué par un voyou en aout 2024. Les familles de Lola, Philippine, Thomas et bien d’autres encore sont les autres victimes d’une caste prétentieuse qui, chef de l’État en tête, ne tient plus que par le déni, l’insulte, la morgue, la méchanceté. Les jours de ce petit monde imbuvable sont comptés.

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Thierry Breton, alias M. Ripolin: «Karsenty m’a tuer»

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Capture BFMTV.

Vendredi soir 18h30, BFM TV.
Au menu, le clash Trump – Musk.
Présentateur : l’excellent François Gapihan.
Sur le plateau : le très international Ulysse Gosset, Patricia Allémonière… et moi.
À ma grande surprise, au bout de quelques minutes, la chaîne fait intervenir Thierry Breton à distance.
L’ancien commissaire européen part dans une diatribe pour expliquer qu’Elon Musk a eu tort de faire de la politique après avoir été un homme d’affaires.
Faites ce que je dis, pas ce que je fais : c’est exactement ce qu’a fait Thierry Breton… mais avec des succès contestés ; les actionnaires des entreprises qu’il a gérées ayant perdu beaucoup d’argent, voire tout leur argent.
Voici un extrait de cet échange qui a été vu plusieurs millions de fois sur les différents réseaux sociaux, cliquez là.
Après l’avoir sagement écouté, j’ai donc pris la parole : « Je ne voudrais pas être méchant avec Thierry Breton mais, quand même, vouloir donner des leçons d’économie à Elon Musk qui est aujourd’hui l’homme le plus puissant du monde en termes économiques. Quand on regarde – je suis désolé de vous le dire M. Breton – mais Atos qui est quasiment en faillite, Orange que vous avez mis aussi au tapis… Votre gestion des entreprises ne vous permet pas de donner de leçons à l’homme qui a réussi Tesla et SpaceX… »

A lire aussi, Didier Desrimais: En attendant Bégaudeau…

Ce à quoi Thierry Breton a répondu : « Non mais pardon, je ne sais pas qui est ce Monsieur, je ne le connais pas mais euh… »
Je l’ai alors interrompu : « Non mais moi je vous connais Monsieur, je suis un ancien financier, je vous ai bien connu sur les marchés… ».

Je faisais référence au surnom qui lui était donné sur les marchés financiers : « Monsieur Ripolin » car il était connu pour repeindre les façades des entreprises qu’il dirigeait sans jamais régler aucun des problèmes auxquelles elles étaient confrontées.

S’en est suivi une autojustification de Thierry Breton dans laquelle il a chargé chacun de ses successeurs pour justifier ses échecs.

J’aurais pu être plus sévère avec Thierry Breton et rappeler toutes les entreprises qu’il a dirigées… et plantées : sur BFM TV, j’ai cité Atos et France Telecom (devenue Orange), mais j’aurais pu ajouter Bull, Thomson mais aussi sa piètre performance en tant que ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie sous Chirac entre 2005 et 2007 ou son mandat catastrophique de commissaire européen sous la présidence d’Ursula von der Leyen.

Je me suis amusé à aller voir sa fiche Wikipédia.
Voici ce qu’on y trouve : 

« Gestion des entreprises : Breton a dirigé plusieurs grandes entreprises, notamment Thomson, France Télécom et Atos. Ses détracteurs affirment qu’il a laissé ces entreprises en difficulté après son départ, bien qu’il ait continué à progresser dans sa carrière. »

A lire aussi, Jeremy Stubbs: Musk versus Trump: testostérone et idéologie

Enfin, j’aurais pu lui demander pour quelle raison a-t-il pris la nationalité sénégalaise en 2015 ?

Dernière minute : on me souffle dans l’oreillette que Thierry Breton enchaîne les séances de média-training dans le but de… se présenter à la présidentielle en 2027.

Peut-être que Thierry Breton devrait lire les commentaires le concernant sur les différents réseaux sociaux ?

Cela lui évitera certainement de nouvelles déconvenues.

https://twitter.com/jon_delorraine/status/1931076342487142471

Géostratégie: pas une science exacte!

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Le maréchal de l'Armée de l'Air britannique Charles Portal (1893-1971) se tenant à côté d'une voiture de service à Londres, pendant la Seconde Guerre mondiale. DR.

Si tu veux la paix… Comment soumettre son adversaire à sa volonté ? Les bonnes leçons d’Edward N. Luttwak.


D’abord, les mots. Le titre original de ce livre dont la première mouture remonte à 1987 est : Stratégie. La logique de la guerre et de la paix. L’étymologie nous apprend trois choses :

  • que le stratège, grec, n’est autre que le chef d’armée,
  • la stratégie, une notion spéciale de l’art militaire,
  • et l’auteur de ce livre, un « stratégiste », celui qui, depuis une acception entérinée en 1831, connaît la stratégie.

Laquelle est ainsi un art qui use et s’exerce au moyen d’instruments meurtriers, à valeur parfois principiellement dissuasive (cas de l’arme atomique), mais aussi de bonnes paroles, de ce que nous nommons la géo-psychologique et de géopolitique, – la diplomatie, tant sur le cours que le long terme, devant s’insérer dans la panoplie des instruments dont use le stratège digne de ce nom. Si, en France, le chef de l’Etat est le chef des armées, l’on en déduira qu’outre grands et moyens officiers, le président de la République et autres membres composants les organes, consultatifs ou décisionnels en la matière, doivent, à la lettre, se percevoir comme des artistes pratiquant un art dont seul notre orgueil pourrait nous croire qu’il peut devenir science. C’est ce qui, pour l’essentiel, ressort de ces 400 pages, et ce qu’avait bien compris Churchill, ainsi que nous le relate Luttwak.


En septembre 1941, le général en chef du British Bomber Command, Charles Portal, présenta au Premier ministre un plan prévoyant la mobilisation de 250 escadrons durant six mois de campagne, soit 4000 bombardiers et dont l’issue « devait être rien de moins que la victoire totale » sur l’Allemagne. Malgré la logique imparable de ce plan qui déployait ses étapes avec, en bout de course, la garantie d’une victoire d’autant plus évidente que ce plan paraissait avoir pensé à tout, malgré, donc, des apparences qui ne paraissaient nullement trompeuses (et le contexte proprement militaire de l’époque qui rendait cette préconisation comme étant la seule rationnellement envisageable), Churchill « choisit pourtant de se fier à son instinct [c’est nous qui soulignons] stratégique et, malgré le pouvoir de conviction de l’argumentation technique exposée par le plan, il présenta [ses] objections au général Portal. » On les résumera ainsi :

  • on ne peut en la matière se fier à la logique arithmétique ;
  • il est impossible d’intégrer dans le raisonnement toutes les variables (dont l’une, considérable, est ce que sera la riposte effective de l’ennemi, laquelle, elle-même, ne dépend pas uniquement de sa seule capacité technique et de sa volonté) ;
  • il n’y a pas de méthode sûre [c’est nous qui soulignons encore] ;
  • pas plus que l’économie, la stratégie n’est une science.

Ici ajouterons-nous que Luttwak est certes un « stratégiste » mais, surtout un polémologue, lequel pratique une science très, trop humaine comme dirait Nietzsche puisqu’elle est humainement incapable de maîtriser toute la chaîne de commandement – c’est-à-dire, au sens technique du terme, l’engrenage implacable des causes de toutes natures qui permettent de s’assurer de l’efficacité d’une action militaire donnée.

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Luttwak explique dans la foulée que « l’impact insignifiant » des opérations aériennes effectuées en 1943 par la 8ème Air Force américaine sur la machine de guerre allemande, conçues avec le même genre de pure logique comptable, arithmétique et matérielle que celle proposée par le BC britannique en 1941, a permis de vérifier in concreto le bien-fondé de la position de Churchill.

La stratégie est en effet l’art de la maîtrise du paradoxe. Mais, le problème c’est que nous ne sommes pas en présence de deux seuls discours parallèles qu’il suffirait de comparer, confronter pour ensuite les associer en une saine et victorieuse synergie. Des doxa, des discours, des logiques et des faits, il y en a des masses, et non seulement il y en a des masses, mais elles-mêmes évoluent en permanence en interagissant les unes sur les autres en un incessant jeux de miroirs. Dans sa réponse à Portal, à l’automne 1941, Winston Churchill expliquait qu’il « paraît probable que la défense au sol allemande et les chasseurs équipés pour le vol de nuit viendront à bout de nos attaques aériennes » et que « toutes les choses étant toujours simultanément en mouvement [principe même du paradoxe dynamique], il est tout à fait possible que la dispersion des ressources militaires atteigne, en 1943, une telle ampleur que leur survie sera dans une large mesure indépendante des installations situées sur le sol allemand. » C’est une grande banalité d’écrire qu’à l’exemple d’un joueur d’échecs ou de go, le stratège, par la définition même de son art, prétend pouvoir prévoir ; mais il ne le prétend que parce que, d’abord et avant toute autre considération, il sait raisonnablement pouvoir repérer d’un seul coup d’œil l’emplacement de ses propres pièces sur l’échiquier et celles de son adversaire ; il voit et, à partir de là, il espère à bon escient entrevoir, présager des multiples possibilités de mouvements, pour, ensuite (ou, plutôt, d’un point de vue neurocognitif : simultanément) voir et sélectionner le déplacement victorieux. Mais, le champ de bataille(s) de deux (ou n)belligérants – et notons au passage que deux pays en paix, ou même seulement indifférents l’un à l’autre, ne sont que deux (futurs) belligérants qui s’[l’] ignorent – est bien plus vaste que la surface de l’échiquier, et le nombre de coups possiblement infini. Si bien que, dans l’absolu, l’ambition et la fonction de l’art de la stratégie, en dernière analyse et en bon (vocabulaire) marxiste, se résumeraient à la compréhension de l’aléatoire quantique.

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Aussi notre auteur-stratégiste excelle-t-il à commenter le… passé (tenir Verdun en 1916 pour les Français, s’acharner à ravitailler en vain Paulus à Stalingrad pour les Allemands, maintenir indéfiniment dans le temps l’action de l’UNWRA – jusqu’à créer des abcès de fixation [topique et psychique, c’est nous qui ajoutons] – et des organisations humanitaires en général, ont-ce été là des actions de bonne stratégie, c’est-à-dire en définitive, de bonne politique ?), quitte à pousser le paradoxe un peu loin en nous expliquant que, si les camps à statut de réfugiés à vie avaient existé dès l’aube de l’ère judéo-chrétienne, le continent européen serait aujourd’hui « couvert de camps abritant les dizaines de millions de Gallo-Romains déracinés, de Vandales abandonnés, de Burgonde vaincus et de Wisigoths déplacés (…) ». Cette image est en vérité un sophisme, car l’utilité de ces « camps » (avec la notion juridico-politique de ‘‘réfugiés’’ qui l’accompagne) ne pouvait en ces temps se ressentir, d’une part, parce que la politique de l’empire romain était plutôt assimilationniste, d’autre part, parce que ces peuples barbares, d’origine indoeuropéenne, étaient d’abord nomades (et, que ce n’était qu’à l’issue de leurs périples, poussés par le vent d’est, et parvenus à l’extrémité de la péninsule euroasiatique qu’ils pouvaient se fixer). Ils n’avaient ainsi pas le temps de développer ni le ‘‘loisir’’ d’entretenir le sentiment de la nostalgie de leurs terres d’antan, et, de la sorte, n’étaient guère enclins à revendiquer un quelconque « droit au retour »… Alors, le processus de fusion-absorption de peuple à peuple semblait fonctionner. Ce qui laisserait à envisager qu’il s’agit de la plus efficace des stratégies de… paix.

Il est vrai que nous n’avons pas précisé dans quel sens, en chaque occurrence, devait s’établir ledit processus. Il est vrai aussi que, de ce très remarquable ouvrage, il est possible de (re)tirer non seulement quelques cartouches, mais aussi quelques enseignements… dirons-nous plus prosaïques, tangibles, d’utilité immédiate… que des stratèges civils et militaires de tous camps, humbles d’esprit et de compétences inter (ou multi-) disciplinaires, se feront autant un plaisir qu’un devoir de découvrir.  

Edward N. Luttwak, Le Grand livre de la stratégie, Odile Jacob, 400 pages.

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Montagnac ou le refus de partager

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Image d'illustration Unsplash.

Quand, à Montagnac, on vous répond “Salam aleykoum” au lieu de “Bonjour, monsieur”, ce n’est pas une maladresse — c’est le symptôme criant d’un séparatisme islamique qui, désormais, joue à visage découvert. Analyse.


« Ici, on dit Salam aleykoum, pas Bonjour, monsieur ! » — c’est la réponse qu’a reçue un inspecteur du service départemental à la jeunesse, à l’engagement et aux sports, lors d’un contrôle à Montagnac (Hérault). À cet épisode navrant et révélateur se sont ajoutés des faits de violence et des insultes anti-Français répétées. Résultat : l’Union sportive de cette commune de 5 000 habitants, située entre Sète et Béziers, a été privée de toute subvention publique.

« On est des bénévoles, des éducateurs, pas des criminels », se défend l’un des membres du club dans Midi Libre1. Mais du côté de la préfecture, le constat est tout autre. « Il y a des clubs de sport où l’on ne pratique pas que le sport, et les familles qui confient leurs enfants à ces associations doivent le savoir », déclare le préfet de l’Hérault dans une enquête du Figaro2.

Le même article relaie aussi l’inquiétude d’un éducateur : « Quand on explique à nos gamines qu’elles ne peuvent pas jouer avec un voile et que, le week-end suivant, dans le département voisin, on affronte une équipe où ça ne pose aucun problème, notre argumentaire devient difficile à tenir. » Un témoignage qui souligne, au-delà du cas de Montagnac, l’urgence de clarifier la législation sur les pratiques religieuses ou le port du voile dans le sport amateur.


Parfois, il suffit d’un terrain de football, d’un match banal dans un village du sud de la France, pour que tout ce que l’on croyait enfoui remonte à la surface. En mai 2025, le club amateur de Montagnac, dans l’Hérault, a été suspendu par la Fédération française de football. Cette décision, suivie de la suppression des subventions publiques, fait suite à une série d’incidents survenus au fil des mois : invectives violentes, insultes communautaires, refus de parler français sur le terrain.

Des faits graves

Les faits ont d’abord été rapportés par les médias locaux — Midi Libre, France Bleu Hérault, Métropolitain Montpellier. Le ton était mesuré, presque embarrassé. Les articles mentionnaient des « tensions croissantes », des « propos déplacés », des « incidents répétés » sans toujours nommer ce qui, en creux, apparaissait clairement : le rejet de la règle commune, et avec elle, celui du pays lui-même. Le souci d’apaisement était palpable, mais la gêne aussi. Les journalistes semblaient marcher sur des œufs, comme s’ils redoutaient d’ouvrir un débat trop chargé pour la tranquillité locale. Pourtant, la gravité transparaissait, ligne après ligne.

Puis les médias nationaux ont repris l’affaire. CNews, dans sa ligne habituelle, y a vu une illustration de la fragmentation communautaire, et a donné la parole à des élus et à des éducateurs sportifs désemparés. Sur les réseaux sociaux, l’affaire a été reprise et commentée largement, souvent avec excès. Certains y ont vu une simple anecdote gonflée par les médias conservateurs. D’autres, un fait révélateur de tensions profondes. Des sites comme Jeanmarcmorandini .com ou Valeurs Actuelles ont relayé les propos tenus sur le terrain — « sales Français », « sales Blancs » — tandis que d’autres, à gauche, ont appelé à « contextualiser », à « comprendre les causes sociales » plutôt que de pointer les faits bruts.

Puisqu’on vous répète que le climat se réchauffe !

Cette dissonance médiatique n’est pas nouvelle, mais elle dit quelque chose : on ne sait plus très bien comment parler de ce genre d’événements. Faut-il les taire, de peur d’alimenter un climat ? Faut-il les nommer, au risque d’être taxé d’arrière-pensées idéologiques ? Une chose est certaine : ce silence embarrassé, ou ce bruit de surface, ne change rien à la réalité perçue sur le terrain. Les éducateurs locaux, les arbitres, les bénévoles, eux, n’ont pas lu ces polémiques dans la presse. Ils ont vu le mépris dans les regards, entendu les insultes, et constaté le refus explicite de s’inscrire dans un cadre commun. Ils ne parlent pas en termes idéologiques. Ils parlent d’une fatigue. D’un abandon.

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Mais au-delà de cette agitation, quelque chose d’essentiel s’est joué. Ce n’est pas une simple incivilité. Ce n’est pas seulement un débordement. C’est un signe. Le signe d’un refus, non pas ponctuel, mais structuré : celui de partager un espace commun. Ce qui est mis en cause ici, ce n’est pas la diversité. C’est la capacité à faire société dans un cadre reconnu, avec des règles partagées.

Car un terrain de football, dans un village, devrait être un lieu de lien. Un lieu où l’on apprend à obéir à une règle, à parler la même langue, à reconnaître l’arbitre, même lorsqu’il se trompe. Un lieu modeste, mais significatif, où l’on accepte de cohabiter dans un même cadre, sans l’imposer aux autres, sans le contourner. À Montagnac, c’est cela qui a été brisé.

Je vis dans ce pays depuis longtemps. J’en connais la complexité. Je ne suis pas naïf. Je sais ce qu’il en coûte de quitter son monde d’origine pour en épouser un autre. Mais je sais aussi que cela reste possible. Je connais des hommes, des femmes, venus d’ailleurs, qui ont fait ce choix. Non pas en reniant ce qu’ils étaient, mais en acceptant de devenir autre chose : des Français. Par les mots, les usages, l’histoire, le respect d’un cadre commun.

Ceux-là n’élèvent pas la voix. Ils ne réclament pas de place : ils la prennent, par leur discrétion, leur travail, leur fidélité. Ils savent que la France n’est pas un service, mais une promesse. Et que cette promesse demande un effort, un engagement, parfois un renoncement. Ils n’ont rien d’héroïque, mais ils tiennent. Et par eux, quelque chose tient encore.

À l’inverse, il y a ceux qui refusent. Non pas parce qu’ils ne peuvent pas. Mais parce qu’ils ne veulent pas. Ceux-là transforment la France en décor. Ils la traversent sans l’habiter. Ils s’en plaignent sans la connaître. Ils la rejettent tout en profitant d’elle. Et ce rejet, aujourd’hui, ne se cache plus. Il s’affirme, parfois brutalement, jusque sur un terrain de foot.

Le sport ciblé par les islamistes

Montagnac n’est pas un cas isolé. Mais il a le mérite de montrer, simplement, sans théorie ni slogan, ce qui est en jeu. Il ne s’agit pas de peur, ni d’hostilité. Il s’agit de transmission. De la langue, des règles, de ce qui permet encore à des personnes différentes de coexister sans s’affronter. Rien de glorieux, rien de grandiose. Mais sans cela, tout se délite.

Je ne crois pas que tout soit perdu. Mais je crois que le lien est fragile. Et que ce lien ne tiendra pas sans une exigence retrouvée. Pas une exigence brutale. Une exigence simple : celle de reconnaître ce pays pour ce qu’il est. Non pas parfait. Mais accueillant, à condition d’être reconnu en retour. Cela ne demande pas de tout aimer. Mais de vouloir y habiter. Réellement. Avec d’autres, dans une langue, une patience, une mémoire.

A lire aussi, Dominique Labarrière: Le sport, terrain de jeu de l’islamisme

La France n’est pas un guichet. Ce n’est pas non plus une abstraction. C’est un lieu concret, une langue, des habitudes, une mémoire. Cela n’impose pas d’oublier d’où l’on vient, ni d’aimer tout ce qu’on y trouve. Mais cela suppose de vouloir y vivre avec les autres, de faire un pas vers eux, de reconnaître les règles du jeu commun. Tant que ce désir existe, tant que ce geste simple se transmet — celui de rester, d’écouter, de parler — alors il reste quelque chose à tenir.

Et il faut bien le dire : sans politesse — au sens le plus ancien, le plus exigeant — il n’est pas de société. S’asseoir à la table commune, ce n’est pas seulement y prendre place, c’est aussi y observer un silence, apprendre les gestes, respecter les usages. Ce n’est pas exiger que l’on change la vaisselle, qu’on bouleverse les plats, qu’on réécrive le menu : c’est, d’abord, remercier. C’est dans cette mesure discrète, dans cette retenue, que réside ce qui fait encore tenir un pays debout.

  1. Montagnac perd son agrément, Yanick Philipponnat, Midi Libre, 23 mai 2025 ↩︎
  2. «Ici, on dit “Salam aleykoum”, pas “Bonjour, monsieur”»: dans l’Hérault, le football amateur en proie au communautarisme islamiste, Guillaume Mollaret, Le Figaro, 6 juin 2025 ↩︎

Ardisson, Gaza, la pensée mondaine et ses effets débilitants

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Thierry Ardisson sur France 2 © D.R.

Le conformisme médiatique nazifie la démocratie israélienne, abandonne Boualem Sansal et nie l’entrisme islamiste. Des marches de Cannes aux plateaux du service public, c’est un festival d’«engagements» lâches et bien-pensants


Thierry Ardisson a cru bien dire : « Gaza, c’est Auschwitz, voilà, c’est tout ce qu’il y a à dire. » (10 mai, France 2) L’homme de télévision, baromètre de l’air du temps, réagissait au témoignage d’un médecin humanitaire comparant le sort des enfants gazaouis à ceux des camps de la mort. Sur le plateau de Léa Salamé, l’outrance n’a pas été relevée. La séquence, préenregistrée, n’a pas été coupée. Pour la pensée mondaine, qui tient salon sur la chaîne publique, rien n’est plus banal que de nazifier la démocratie israélienne : la gauche antisioniste le martèle, l’Élysée l’euphémise. Il n’est venu à l’idée de personne de rappeler les liens entre le Hamas et le nazislamisme du grand mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini, qui rejoignit Hitler pour créer en 1943 la division SS Handschar, composée de musulmans bosniaques. Conscient par la suite de la bêtise de son cliché, Ardisson a présenté ses excuses à ses « amis juifs ». Il a été le seul.

L’anecdote dit les effets débilitants du conformisme médiatique, ce prêt-à-penser à l’usage des arrivistes et des paresseux. Il a porté la réflexion sous son étiage. Marcel Aymé moqua, dans Le Confort intellectuel (1949), l’attrait du bourgeois progressiste pour les idéologies les plus démentes, les arts abstraits les plus fumeux, les postures hermétiques les plus verbeuses. Ce que le chercheur Bob Henderson nomme aujourd’hui les « croyances de luxe[1] » désigne ce même désir, de la part d’« élites » déculturées, d’exhiber leur supériorité en récitant des dogmes manichéens, signes clinquants d’une reconnaissance sociale. Le wokisme est le dernier avatar totalitaire promu par ce beau monde aux pensées floues qui a perdu le sens des mots et des faits.

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La caste snobinarde n’a d’obsession que de marquer sa distance avec ces ploucs qui pestent contre l’insécurité, l’immigration, l’islam radical. Le choix de Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur et nouveau président des LR, d’éventer le 21 mai un rapport sur l’emprise des Frères musulmans, a brisé le silence d’État sur l’invasion islamiste vue comme un fantasme complotiste. Dans les dîners germanopratins, abrités de sas et de digicodes, il est séant de critiquer CNews plutôt que Jean-Luc Mélenchon, de hausser les yeux à l’évocation de Marine Le Pen ou Donald Trump. Plutôt que de défendre un écrivain ciblé par les islamistes, Libération a dénoncé chez Kamel Daoud sa « proximité idéologique avec le bloc réactionnaire ». Boualem Sansal, qui avait parlé à des journalistes conservateurs avant son arrestation en Algérie, n’a pas été cité par Emmanuel Macron, le 13 mai, dans ses plus de trois heures de paroles sur TF1. Le président a parlé de « honte », mais il visait Israël.

En mai, le Festival de Cannes a mis en scène la platitude satisfaite des privilégiés. La présidente du jury, Juliette Binoche, a inauguré le raout la tête à moitié couverte d’un voile Dior, en déplorant le réchauffement climatique. Mathieu Kassovitz a dit : « Il n’y a plus de Français de souche et j’espère qu’on pourra continuer à se mélanger. » Ainsi parle l’intelligence artificielle du show-biz, de la presse vertueuse, des philosophes de coquetels. Cette gauche prétentieuse est vide. Alain Finkielkraut en a fait l’aveu (15 mai, Figaro TV) : « C’était glorieux d’être de gauche ; cela devient presque insultant. […] Je veux bien me dire de droite, cela ne me dérange pas. » Le vent tourne, vous dis-je.


[1] Cité par Samuel Fitoussi dans Pourquoi les intellectuels se trompent, L’Observatoire, 2025.

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