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Ô pub, suspends ton vol !

Je ne voudrais pas vous affoler, mais il faut vraiment faire gaffe à ce qu’on dit. Parce qu’en plus de ne pas vexer les juifs, les arabes, les goys, les pédés et tous les autres, victimisés par l’histoire et par la France, il convient aussi de ménager en toute heure et en tout lieu la sensibilité du téléspectateur qui sommeille en chacun de nous. On veut bien communier dans l’horreur et la compassion trois fois par jour – voire plus pour les adeptes de la torture moderne appelée information continue – mais pas faire des heures sups. En dehors des heures de boulot, nous apprécions d’être protégés contre le réel et souhaitons que nous soit épargné le rappel douloureux de notre condition de mortels. Sinon, à quoi ça servirait que les cellules d’aide psychologiques se décarcassent ?

Mardi dernier, jour de la catastrophe du vol 447, Gil Mihaely et moi-même nous attablons à la terrasse de nos copains Sélim et Daddy, le principal quartier général de Causeur. Comme tout le monde, nous échangeons des banalités compassionnelles et convenons qu’on est bien peu de choses. Je raconte à Gil l’histoire, entendue à la radio, de cette jeune fille qui, moyennant 200 €, a laissé sa place dans le vol précédent à un passager pressé. Bref, nous sommes contents d’être en vie, vaguement tristes pour ceux qui ne le sont plus et rétrospectivement effrayés à l’idée que l’un de nos proches aurait pu se trouver dans l’Airbus. Une vraie conversation de café du Commerce, ponctuée par les salutations des habitués.

Soudain, Gil éclate de rire. Vous connaissez Gil, c’est pas le genre cynique, mais la publicité qui recouvre les tables du bistrot aiguise son sens de l’humour noir. Il s’agit d’une campagne anti-tabac qui compare les risques pris par un individu sain et par un fumeur. La version que nous avons sous les yeux nous apprend, je vous le donne en mille, qu’ »un homme a une 1 chance sur 1,5 millions de mourir foudroyé », alors qu’ »un fumeur a 1 chance sur 2 de mourir du tabac ».

foudre

Statistique imparable qui devrait effrayer les fumeurs. Sauf qu’à ce moment-là, les experts qui ne savent rien mais doivent tout dire, ont à peu près convaincu tout le monde que la foudre était responsable de l’accident de l’A 330. « Publicité mensongère, lâche Gil. Enlevez ça tout de suite, c’est honteux. » On rigole un peu et, c’est pas pour me vanter mais, animée d’un vrai réflexe de grand-reporter en veste à poches, je prends la pub en photo (en vrai, c’est pour l’envoyer aux copains). Après quelques commentaires, dont j’admets qu’ils ne sont pas tous de la première finesse, et après avoir répété deux ou trois fois ce que nous avons déjà entendu une dizaine de fois, nous passons à autre chose parce que tout ça est bien triste et que la vie est courte, même quand on ne fume pas.

Le lendemain, passant devant le café avec un autre camarade, l’épisode me revient en mémoire. « Viens, je te montre un truc marrant », dis-je. Pendant quelques secondes, j’ai une sorte de vertige : la publicité foudroyante a disparu. Le napperon de carton est blanc. Aurais-je rêvé ? Sélim et Daddy ont-ils été pris d’un accès de pudibonderie compassionnelle ? Ont-ils eu peur de chagriner leurs clients avec l’évocation de la méchante foudre qui viendra frapper leur avion s’ils ne sont pas sages ? Renseignement pris, ce n’est pas ça du tout. Ces salauds se fichaient bien des ravages psychologiques qu’aurait pu faire leur réclame.

Le fin mot de l’affaire est bien plus rigolo. Figurez-vous, affectionnés lecteurs, que la société qui gère ce petit business de napperons publicitaires avait débarqué le matin même pour faire disparaître la publicité si criminellement évocatrice des malheurs du monde. Mais le plus comique est qu’elle l’a fait sur ordre de la Préfecture. Comme je vous le dis. Quelque part sur l’Île de la Cité, un fonctionnaire a jugé qu’en ces jours de deuil il n’était pas convenable que quelque chose rappelle aux populations éplorées l’existence de la foudre – depuis, la foudre a été innocentée, mais tant pis pour elle. Il faudrait le décorer, ce Bouvard et Pécuchet à lui tout seul, pour avoir inventé le droit de l’homme à rester un enfant. Comment ne pas être pleins de gratitude quand nos gouvernants s’emploient ainsi à nous épargner le rappel des tragédies de la vie en particulier de la dernière d’entre elles ? Le mot « mort » ne tue peut-être pas, mais il fatigue grave.

Seulement, il ne faudrait pas s’arrêter en si bon chemin. Il sera difficile de soustraire à notre vue tous les sujets d’affliction produits par une réalité bien contrariante. Repeindre la vie en rose, c’est un boulot à plein temps – généralement exécuté, d’ailleurs, par les publicitaires. Je suggère cependant de s’attaquer à la racine du mal et de lancer la bataille pour l’assainissement du réel par l’interdiction du roman, cette invention diabolique hantée par le négatif.

Cela dit, je suis peut-être injuste avec le fonctionnaire au grand cœur. Après tout, il ne manque pas d’humour. En effet, s’il a ordonné la disparition de la foudre, il n’a pas jugé nécessaire de réclamer l’élimination du deuxième visuel de la campagne anti-tabac.

requin

Un petit marrant, je vous dis. Je ne sais pas si ça vous fait le même effet, mais moi, ça m’a donné furieusement envie de fumer une clope.

Daniel Cordier, la Résistance à voix basse

Caracalla ! C’est sous ce nom que Roger Vailland, dans son roman Drôle de jeu, masque l’un de ses amis, Daniel Cordier. Né à Bordeaux, en 1920, celui-ci rencontra Jean Moulin, et le cours de sa vie en fut bouleversé. Le premier volume de ses mémoires, Alias Caracalla, vient de paraître. On est à mille lieux des témoignages à mâchoire serrée, des humeurs d’ancien combattant moralisateur. En hôte d’une ancienne politesse, il nous ouvre les portes de sa mémoire et retrouve, pour nous accompagner dans cet « immense édifice », la grâce d’un « adolescent d’autrefois », féru d’idées et de littérature.

Le récit porte sur sa période de « formation », c’est-à-dire le temps précédent sa rencontre avec Jean Moulin, puis sur celle de sa « conversion » auprès de ce guerrier silencieux. Où l’on voit comment un grand jeune homme d’Action française fut attiré par la lumière qu’irradiait Jean Moulin, comment il le servit et, avec lui, de Gaulle et la France. Daniel Cordier avait consacré une véritable somme à l’action de Jean Moulin. Toute sa « manière » était d’un historien, il exposait les faits, analysait les situations, reformait la perspective des lignes fuyantes. Il révélait les affrontements souvent très durs, les conflits d’analyses et de personnalités, et fracassait ainsi le mythe d’une Résistance unie. Et, surtout, il répondait aux accusations d’Henri Fresnay, d’après lesquelles Jean Moulin était le représentant du parti communiste dans la Résistance, l’agent actif de Moscou, le stipendié tout à la fois de Staline et des vieux partis de la IIIe République.

Alias Caracalla n’est pas écrit avec la même encre. C’est de mémoire qu’il s’agit ici, de l’effort que font les âmes claires pour ramener vers elles l’immense filet où sont mêlées les émotions lointaines mais toujours vives.

Le beau-père de Daniel, professeur de philosophie, l’initie au maurrassisme et lui enseigne en même temps les quatre piliers de sa sagesse : dégoût de la République, de la banque protestante, des métèques et des juifs. Ce bagage encombrant fut commun à bien des jeunes gens de l’entre-deux guerres. Il conduisit certains à collaborer, il n’empêcha pas d’autres de résister. Le jeune Cordier se persuade sans état d’âme que Dreyfus est coupable. Il crie « Vive le Roi » dans les manifestations, mais voit sans déplaisir les trois « usurpateurs » à vocation fasciste, Salazar, Franco et Mussolini, s’installer durablement dans le paysage européen. Maurras vilipende l’hédonisme et la célébration du moi, mais Daniel ne s’interdit pas de lire André Gide, dont « l’amoralisme d’esthète » le séduit au delà de tout, et ne le dissuade évidemment pas d’éprouver un trouble presque brutal dans la compagnie des garçons, ni d’envisager des fiançailles avec une charmante jeune fille…

Arrive la guerre. Il la voit comme une épreuve nécessaire, un rite d’initiation qui transforme un jeune adulte en citoyen. Révolté par le discours du maréchal Pétain, le 17 juin 1940, il embarque, le 21 juin, à Bayonne, à bord du Léopold II, vers Londres. En Angleterre, il suit une dure préparation militaire. Jeune nationaliste, il a la tête épique, le patriotisme à fleur de peau et veut connaître le feu. Il rêve d’affrontements dans les paysages de France, de commando infiltré derrière les lignes ennemies, enfin, de bouter le « Boche » hors du royaume. Convoqué par le colonel Passy, le 13 juillet 1941, il apprend qu’on lui confie des missions d’un genre très différent : « La guerre clandestine que nous menons en métropole n’est pas celle pour laquelle vous avez été préparé. Elle se vit seul et sans uniforme. […] la police et la Gestapo vous traqueront jour et nuit. […] votre mission aggrave l’isolement puisque vous serez en exil dans votre pays. » On lui remet une ampoule de cyanure, dans le cas où il serait arrêté… Il a 21 ans.

Le 25 juillet 1942, vers 2 heures du matin, il saute en parachute quelque part dans la campagne de Montluçon. Il n’a pas touché terre, qu’il est déjà pris en charge par un réseau : des filles, des garçons banals, des couples paisibles, des gens ordinaires, tranquillement héroïques. Trente mille personnes au début, trois cent mille à la fin, trente mille morts, cent mille emprisonnés composent le peuple obscur, la minorité vigilante de la France fidèle à tous les serments qui l’ont rendue unique, universelle, et qu’on oublie injustement…

Quelques jours après, il est à Lyon, recueilli par le directeur du service étranger de la Société générale, M. Moret, sa femme et sa fille, à la taille si bien prise que Caracalla en est ému. Contraints d’abandonner leur bel appartement du boulevard Malesherbes, à Paris, ils vivent dans un deux-pièces sans confort, et n’oublient pas, ces grands bourgeois, d’être patriotes et de courir des risques. La France fidèle…

On lui a désigné son patron : Georges Bidault, dont il doit devenir le secrétaire. Mais voici que s’avance Rex, en veste de tweed, pantalon de flanelle, et le visage hâlé, si charmeur. De Rex, il ne connaîtra l’état civil qu’à la Libération : Jean Moulin. Auprès de lui, il accomplira chaque jour les menus faits et gestes qui permettent la circulation des hommes, des ordres et des fonds jusqu’au plus lointain maquis, malgré les innombrables difficultés, malgré l’hostilité de presque tous à de Gaulle.

Rex disposait du pouvoir de l’argent, qu’il distribuait aux trois principaux réseaux : la plus grosse part à Combat, une moindre portion à Libération, et le reste à Franc-Tireur. C’était d’ailleurs son unique sceptre, car son autorité était âprement combattue. L’entreprise d’unification des forces tient du travail herculéen, et le contraint, lui et Cordier, à une routine harassante, où l’on s’en remet souvent à « l’imprudence et à la chance ». Pour mieux comprendre l’extravagante entreprise que représente l’Armée secrète, il suffit d’évoquer la première conversation entre ces deux hommes. Cela se passe dans un restaurant de Lyon, le 13 juillet 1942. Le chef de « l’armée des ombres » n’en impose pas seulement par l’âge (43 ans ; les légionnaires gaullistes avaient entre 18 et, comme Raymond Aron que Cordier a bien connu à Londres, 35 ans), mais aussi par l’aspect : le regard perçant, les lèvres pleines, le beau visage immortalisé par la fameuse photographie de Marcel Bernard (hiver 1940). Avec cela, des attitudes de félin guettant non sa proie mais ses chasseurs : la séduction masculine incarnée ! Face à lui, notre jeune homme est d’Action française, antisémite, il vitupère la « gueuse », fréquentait naguère les banquets où éructaient Philippe Henriot et Darquier de Pellepoix ! Moulin, toujours à voix basse, lui oppose son enfance républicaine, évoque l’affaire d’un certain capitaine condamné à tort pour haute trahison, sa fierté d’avoir assister à sa réhabilitation. Notre maurrassien écoute, et pense à part lui : « C’est curieux, il n’a pas l’air de savoir que Dreyfus est un traître ! » Peut-on imaginer plus différents que ces deux là, en cet été lyonnais torride, dans une France si occupée ? Quel génie malicieux souffla son inspiration au roi des Ombres ? Après le dîner, avant de disparaître dans la nuit, Jean Moulin, pressé, déclare : « Je vous garde avec moi : vous serez mon secrétaire. Bonsoir. »

L’intérêt du livre ne tient pas seulement au magnétisme de Rex. On y trouvera la chronique minutieuse des heures et des jours de la Résistance, la rude besogne quotidienne ; agir en tout avec une méfiance de chat, espérer, se désoler au gré des informations, des humeurs. De Gaulle pourra-t-il maintenir sa « légitimité républicaine », contre Fresnay et d’Astier-de-la-Vigerie (plein d’une morgue déplaisante) ? Au passage, Caracalla balaye les médisances : Jean Moulin naquit républicain par son père, artiste par sa mère, devint gaulliste par conviction, et demeura hétérosexuel par nature. C’est Henri Fresnay qui fit courir la rumeur de l’homosexualité de Jean Moulin, se fondant sur celle, assumée, de Daniel Cordier. Au reste, homo, nul ne lui en eût tenu rigueur. En revanche, il ne lui sera pas pardonné d’avoir été gaulliste…

Daniel Cordier nous livre le « récit secret » de la puissante séduction qu’exerça sur lui un « homme pour l’éternité », auprès duquel il accepta la modestie du courage dissimulé. Voici ce que fut la guerre souterraine : le sentiment de vivre, la routine du courage simple et organisé, et, au final, la suprême élégance d’un seigneur de la République, trahi, martyrisé, son beau visage abominablement déformé sous les coups, les poumons noyés de sang, puis consentant à une longue agonie mutique. Jusqu’à ce funeste 22 juin 1943, où, par l’un de ses « correspondants », sur le quai de la station de métro Saint-Michel, il apprit que Rex avait été arrêté.

Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, lorsqu’il évoque cette tragédie, des larmes viennent brouiller les traits pourtant pacifiés du secrétaire Caracalla.

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En amour, faut jouer serré !

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Alors que nos journaux conjecturent en boucle sur les conséquences des élections européennes et s’interrogent à n’en plus finir sur l’avenir de Martine Aubry ou de François Bayrou, les Américains, eux, se posent de vraies questions intéressantes sur l’actu. Nos confrères de Slate reviennent sur le récent décès de David Carradine et posent la question qui tue : existe-t-il un moyen sur de pratiquer l’AAE (Auto-asphyxie érotique). Hélas, la réponse est non. Aucun praticien patenté ne pense que ce soit une bonne chose que de réduire brutalement la quantité de sang et donc d’oxygène qui arrive dans le cerveau. Néanmoins, si c’est vraiment votre truc Slate suggère une solution de repli : jouez-y plutôt avec un partenaire, expérimenté de préférence, et convenez auparavant d’un signal d’alerte qui signifie « fini de jouer, relâche le nœud ! ». On évitera aussi, précise Slate – avec un sens du détail qui honorerait la presse française –, de ne pas prendre d’alcool ou de drogue durant ce genre d’exercice. Dernier conseil pour les amateurs, même quand toutes les précautions sont prises : ne serrez pas trop fort… Et on est prié de ne pas rigoler trop fort : le FBI estime qu’aux USA, le nombre de décès annuel dûs à l’AAE se chiffre entre 500 et 1 000.

Pas de divine surprise pour le Hezbollah

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Est-ce parce que le scrutin avait lieu un dimanche ? En tout cas, le 7 juin, le Hezbollah n’a pas bénéficié d’une intervention divine : la majorité sortante, anti-syrienne et pro-occidentale (c’est-à-dire anti-Hezbollah et anti-iranienne), a été reconduite. Compte tenu des efforts déployés par le parti chiite ces dernières années pour s’emparer du pouvoir et notamment sa stratégie coûteuse de résistance contre Israël, il ne s’agit pas d’un « non succès » mais carrément d’un échec.

Pour essayer de comprendre le vote libanais, un petit détour par la presse économique du pays du Cèdre n’est pas inutile. On pouvait y lire ces dernières semaines que durant les quatre premiers mois de 2009, un total de 8 671 nouvelles voitures ont été vendues, soit une hausse de 6,21 % par rapport à la même période en 2008. Et le boom ne s’arrête pas aux bagnoles : les données publiées par les autorités portuaires de Beyrouth indiquent que les revenus du port pour les quatre premiers mois de 2009 ont enregistré une hausse de 34 % par rapport à la même période de 2008. Inutile de rappeler que partout ailleurs dans le monde, la tendance est à l’opposé. Grâce à cette activité accrue, le gouvernement libanais a récemment décidé de relancer de l’expansion du port de Tripoli, le deuxième du pays, gelée depuis deux ans. Bref, trois ans après la guerre avec Israël, l’économie du pays semble avoir retrouvé son dynamisme et une majorité des libanais en ont tiré les conséquences politiques : le vote de dimanche est d’abord un vote pour la stabilité et la prospérité.

La stratégie de résistance du Hezbollah a donc atteint ses limites. La lutte armée contre Israël était un formidable moyen de mobilisation et un alibi parfait pour construire et maintenir une milice dont on pouvait aussi se servir sans états d’âme contre « l’ennemi de l’intérieur », comme l’avait fait le Hezbollah l’année dernière. Cette stratégie a aussi permis au mouvement chiite de forger une alliance avec Damas et Téhéran, aussi bien qu’avec l’opposition palestinienne la plus intransigeante. Enfin, Nassrallah, chef du Hezbollah, a pu, en tirant sur cette corde facile à actionner, galvaniser une partie de l’opinion publique musulmane au Moyen-Orient – ainsi que certaines de nos banlieues.

Pour autant, la guerre de l’été 2006, qui semblait alors marquer l’apogée du mouvement chiite et de son leader, apparaît de plus en plus comme une erreur stratégique majeure. La résistance est peut-être une stratégie efficace d’opposition mais elle pose de sérieux problèmes quand on prétend former une majorité de gouvernement.

Le Hezbollah, mouvement libanais authentique, joue un rôle historique important au Liban, car il a opéré l’ajustement du système politique aux réalités démographiques. Il n’est pas inutile de rappeler que les Libanais votent par communauté et que les Chiites ont droit à 27 des 127 sièges au Parlement, bien que leur poids réel dans la société soit deux voire trois fois plus important. En recrutant parmi l’électorat non chiite, il rétablit en quelque sorte un équilibre politique. Désormais, son véritable défi est de réussir sa transformation en acteur majeur de la politique libanaise, capable de garantir l’intérêt général et de rassurer l’ensemble du corps politique.

Nassrallah a démontré sa capacité de paralyser quelques jours durant le port de Haïfa, principal port israélien, ce qui constitue un énorme succès pour une milice issue de la communauté libanaise la plus pauvre. Ce haut fait d’armes a probablement été une source de fierté pour beaucoup de Libanais appartenant à d’autres communautés. Sauf que dimanche dernier, les électeurs libanais ont dit à Nassrallah que le port de Beyrouth les intéressait plus que celui de Haïfa.

Retrouvailles

Si, comme au Palais Bourbon, les nouveaux députés européens sont placés dans l’hémicycle par ordre alphabétique lors de la séance inaugurale, il pourrait se produire des rencontres improbables. Ainsi les heureux élus Dominique Baudis (UMP) et Jean-Paul Besset (Verts) risquent de passer quelques heures tout près l’un de l’autre, avant que la répartition des sièges par groupes politiques se mette en place. Ils pourront se parler du bon vieux temps, celui où le journaliste du Monde Jean-Paul Besset prêtait une oreille complaisante aux accusateurs de l’ancien maire de Toulouse Dominique Baudis et se faisait le relais, dans le journal de référence, des pires rumeurs véhiculées par des truands pervers et des prostituées mythomanes. Il est parfois compliqué de faire du passé table rase, même lorsqu’un rouge se repeint en vert…

Eva pas joli, joli…

Parmi les griefs informulés de François Bayrou contre Dany Cohn-Bendit, celui de lui avoir piqué l’ex-juge Eva Joly n’était pas pour rien dans son agressivité lors de la désormais fameuse émission « À vous de juger » du jeudi 4 juin sur France 2. La blonde norvégienne aux lunettes rouges était courtisée à la fois par le Modem et par les Verts pour figurer sur leur liste lors des élections européennes. Après avoir fait lanterner quelque temps ses soupirants, comme il se doit pour faire monter les enchères, elle choisit le rouquin et repoussa le Béarnais.

On ne spéculera pas sur les raisons de ce choix, dont les ressorts sont enfouis dans la conscience de l’intéressée, mais on pourra constater qu’il s’est révélé payant : sa visibilité dans le dispositif électoral des Verts et son élection en Ile de France en sont les preuves. Elle seule, par exemple, est apparue aux côtés des têtes de listes sur les affiches des Verts dans les huit circonscriptions électorales métropolitaines. Il n’est pas sûr que François Bayrou, qui tient le même rôle sur les affiches du Modem, lui eût galamment cédé la place ou proposé un billet assuré pour Strasbourg…

Dany Cohn-Bendit, maître d’œuvre de la captation et de la mise en scène d’Eva Joly au profit de sa formation politique s’est, tout au long de cette campagne européenne, révélé un maître tacticien. Après avoir rassemblé sous son autorité les « vedettes » médiatiques de l’écologie et du tiers-mondisme, il pousse en avant une personnalité susceptible de drainer les voix de ceux qui ont, à l’égard de la classe politique une méfiance instinctive.

Et rien n’est plus apte à attirer les clients qui braillent « Tous pourris ! » au Café du commerce sans pour autant se précipiter dans les bras du Front national, qu’un bon juge qui met au trou les puissants et les riches. C’est le populisme « soft », celui qui ne traîne pas avec lui des relents nauséabonds du siècle dernier, et vous permet d’être beauf sans cesser d’être bobo. Ce coup-là n’avait déjà pas mal réussi à Philippe de Villiers avec l’inclusion dans sa liste de feu le juge Thierry Jean-Pierre, l’homme de l’affaire Urba dans sa liste lors des européennes de 1994.

L’avantage, avec une personnalité de ce type, c’est qu’on ne va pas lui chercher des poux dans la tête, scruter sa biographie, explorer sa vie privée comme cela se pratique avec les hommes et femmes politiques classiques. Un(e) juge inspire encore de la crainte aux paparazzis et fouineurs médiatiques de tout poil, ne serait-ce parce qu’on lui prête des relations dans une corporation qui peut vous créer quelques désagréments….

Dans le cas particulier d’Eva Joly, on prendra d’autant plus de précautions que la dame est chicaneuse, et qu’elle n’hésite pas à traîner devant les tribunaux ceux qui mettent en cause ses qualités de magistrate anti-corruption. Ainsi, Philippe Cohen et Pierre Péan avaient émis l’hypothèse, dans leur livre La face cachée du Monde que notre juge était une « honorable correspondante » du journal Le Monde, balançant à tout va ce qui se passait dans son bureau au mépris de ce pauvre secret de l’instruction déjà bien malmené. Ces affirmations étaient fondées sur de troublantes coïncidences, relatives aux auditions de « clients » d’Eva Joly au pôle financier du tribunal de Paris et la publication quasi-simultanée dans Le Monde des procès-verbaux de ces auditions. Déboutée en première instance, Eva Joly l’emporta devant la Cour d’appel au motif que Péan et Cohen n’avaient pas effectué « d’enquête sérieuse » pour apporter la preuve de leurs accusations. Me trouvant dans les parages à l’époque des faits, et dans une position me permettant d’avoir quelques éléments d’appréciation de cette affaire, je peux aujourd’hui avancer qu’en la matière, Péan et Cohen étaient très probablement dans le vrai. Mais s’il advenait qu’Eva Joly me fasse l’honneur de me traîner devant la justice de mon pays pour ces propos, ce serait ma parole contre la sienne, car les récipiendaires des photocopies provenant de son cabinet se retrancheront derrière la « protection des sources » pour se taire.

Elle tenta, également, mais cette fois-ci sans succès de faire condamner Claude Chabrol qui avait retracé, dans son film L’ivresse du pouvoir les péripéties de l’affaire Elf, qui propulsa Eva Joly sur le devant de la scène judiciaire et médiatique. Dans cette fiction qui colle au réel comme un timbre sur une lettre, le rôle d’Eva Joly est interprété avec son talent habituel par Isabelle Huppert, et montre une juge en proie à de douloureux problèmes familiaux qui poursuit de sa vindicte implacable un dirigeant d’une grande entreprise sans le moindre souci d’équité que la loi impose au juge d’instruction. Instruire « à charge et à décharge », ce n’est pas la tasse de thé d’Eva Joly, lorsqu’on lui confie le sort de ces riches et puissants auxquels la justice s’intéresse. Il faut qu’ils craquent comme Loïk Le Floch-Prigent, ancien PDG d’Elf, avec qui la détention provisoire est un moyen de pression pour lui faire avouer les délits dont il est accusé. Une méthode que les amis de Dany Cohn-Bendit ne manquent pas de fustiger lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un présumé saboteur de TGV…

Par ailleurs, de l’avis général des « professionnels de la profession », elle a été une magistrate aussi nonchalante que médiatique. Elle n’hésita pas, par exemple, alors que l’affaire Elf dont elle était saisie était en pleine instruction, à déserter son cabinet pour effectuer, pendant six mois le stage prestigieux de l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), réservé à d’éminentes personnalités de la société civile pour les mettre au parfum des questions militaires et stratégiques. Sa dispersion et sa présence forte dans les médias auraient contribué au bousillage de dossiers qui lui étaient confiés, grâce à quelques bourdes procédurales grossières qui auraient permis à quelques gros poissons d’échapper à leur juste châtiment. On murmure que Roland Dumas, qui fut un temps dans son collimateur, et qui sortit au bout du compte blanchi des procédures menées à son encontre, lui envoie des fleurs chaque année pour son anniversaire.

Peu importe, la belle histoire de la pauvre petite Norvégienne, fille d’ouvrier devenue jeune fille au pair à Paris dans les années 1960, épousant le fils de la famille et grimpant les échelons du mérite pour donner un coup de balai salvateur dans les écuries de la République, fait toujours recette dans les chaumières.

Votez pour vous, votez pour tous !

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Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? La meilleure solution pour ne léser aucun candidat et pour ne se fâcher avec personne dans les dîners en ville, c’est bien évidemment de voter pour toutes les listes en présence !

Il faut bien sûr voter UMP si l’on fait partie de la majorité. Or il est indéniable que la majeure partie d’entre nous appartenons, par définition, à une majorité. Mais il faut aussi voter UMP si on sait compter, et qu’on n’a pas envie, par strict respect pour les lois de l’arithmétique, de voir ladite majorité hurler à la victoire totale dimanche soir avec seulement 25 ou 28 % des voix alors qu’elle était à 53% il y a deux ans. Je sais bien que tout est relatif, y compris en matière de majorité, mais de là à faire passer un petit quart pour une grosse moitié…

Il faut voter PS parce que Dominique Reynié a dit vendredi dans Libération que Martine Aubry n’avait pas de vrai projet européen et que Dominique Reynié se trompe toujours sur tout. En Ile-de-France, il faut encore plus qu’ailleurs voter PS parce que Benoit Hamon est mignon, qu’il n’a pas peur d’insulter les journalistes et qu’il supporte depuis deux mois l’envahissante vacuité d’Harlem Désir sans broncher : tout ça mérite quand même une récompense…

Il faut voter Modem pour circonvenir les anarchistes pédophiles allemands, même pas fichus de vousoyer le futur président de la République et d’acquiescer benoîtement quand il enfile contrevérité sur contrevérité. On notera au passage que si l’aplomb dans la mauvaise foi et la croyance inébranlable dans la répétition qui vaut raison signent l’homme d’Etat français, alors François Bayrou est presque aussi apte que Nicolas Sarkozy et même que Jacques Chirac

Il faut voter Europe-Ecologie parce qu’après avoir vu Yann Arthus Bertrand faire partout la promo de Home, son spot publicitaire pour PPR, on se dit que, finalement, Nicolas Hulot n’est pas si crétin que ça… Accessoirement, dans un élan de générosité intereuropéenne, c’est faire œuvre pie que de débarrasser les malheureux Norvégiens de la présence d’Eva Joly sur leur sol national.

Il faut voter Libertas et Philippe de Villiers, pour empêcher la Turquie de nous imposer ses kebabs graisseux, ses plombiers même pas polonais et ses lois contraires à la dignité humaine (Sait-on, par exemple que la Cour suprême de ce pays persiste à interdire le port du hidjab dans l’enceinte des universités !).

Il faut voter NPA pour ne pas désespérer Oberkampf. C’est déjà assez pénible pour un prof de collège lambda d’avoir loupé trois fois de suite le CAPES de Lettres modernes, si en plus on lui enlève la perspective de diriger la France, l’Europe et le Monde…

Il faut voter Front de gauche pour redonner son sel à l’anticommunisme primaire. Quand le PC est à 3%, l’homme de goût se retient de tirer sur une ambulance. Un PC à 7%, on peut recommencer à lui dire ses quatre vérités. Lui rappeler qu’il n’a même plus de communiste ni le bruit, ni l’odeur, que MGB et sa clique de charlots ne se posent pas vraiment là pour incarner le spectre qui hante l’Europe.

Il faut voter Front National parce que si son parti fait un bon score, ni rien ni personne n’empêchera Jean-Marie Le Pen de se représenter à présidentielle de 2012, où une fois de plus il sera le seul à incarner le changement véritable…

Il va de soi que cette liste de listes n’est pas exhaustive et que selon la région où vous vous trouvez, vous pourrez glisser de 11 à 27 bulletins dans la même enveloppe. Voilà, à mon avis, le meilleur moyen de faire prospérer notre démocratie, et qu’on ne vienne surtout pas me dire que ce type de vote est carrément nul.

Yann Arthus-Bertrand, go Home !

Le photographe Yann Arthus-Bertrand est une créature médiatique singulièrement désagréable. Omniprésent dans les médias, YAB est l’authentique prêcheur écologiste qu’il manquait à la France. Un parfait supplétif moustachu du soldat Nicolas Hulot. Devenu multimillionnaire avec le succès mondial de son livre La terre vue du ciel (montrant la beauté supposée de notre planète scrutée depuis une flotte d’hélicoptères polluants), le photographe susurre dans tous les médias sa vieille rengaine apocalyptique. Il promet la fin proche de l’aventure terre, en appelant, avec dans la voix des trémolos imprégnés de religiosité, au respect aveugle de la déesse Gaïa et en faisant vibrer – sur fond d’une méfiance radicale envers la technique – la corde patrimoniale sensible : mais quelle « terre » allons-nous léguer à nos enfants ? Ben voyons ! Les enfants et l’environnement sont en effet en tête des valeurs suprêmes de notre modernité, qui sont mises quotidiennement en danger par ces ignobles industriels pollueurs, et voyous, qui ne pensent qu’à s’enrichir sans penser aux conséquences scélérates de leur enrichissement !

Avec cette vision binaire et manichéenne de l’environnement, appelant fermement à la « décroissance » (concept marketing appelé à un grand avenir comique), YAB rejoint d’autres illustres gourous du genre, dont l’ex-animateur vedette de TF1 Nicolas Hulot, et le politicien américain Al Gore, qui s’est signalé au monde il y a quelques années par un blockbuster documentaire sur le changement climatique intitulé Une vérité qui dérange. Et qui, naturellement, n’a dérangé absolument personne.

Dans cette glorieuse lignée de télévangélistes écolos, YAB se lance à son tour dans le cinéma. Déjà très présent sur les écrans, à travers des documentaires télévisés sur son travail de photographe, ou son émission de France 2 « Vu du ciel », YAB a tourné un long-métrage sur les périls insoutenables qui pèsent sur notre Sainte-planète : Home. Diffusé vendredi 5 juin sur France 2 ce chef d’œuvre bénéficie d’une promotion digne d’une grosse production hollywoodienne : sortant simultanément dans 126 pays, il sera massivement présent sur le territoire français à travers 200 copies. Home sera également diffusé par des centaines de chaînes de télévision, par la plate-forme Youtube, et bénéficiera de projections de prestige dont l’une sur le Champ de Mars à Paris et une autre à Central Park, New York. YAB a aussi reçu le soutien du Prince Charles et organisé une projection privée à l’Elysée pour Carla Bruni et son époux. Bref, le déferlement sauvage de moraline écolo sera impossible à contenir. YAB sera partout. La terre sera à YAB. Le photographe, à la moustache pleine de sagesse, pourra envelopper cette Gaïa qu’il aime tant de toute la sollicitude que son grand cœur plein de compassion est encore capable de déployer – après tant et tant de gesticulations médiatiques.

Pour financer ce film montrant… la terre vue du ciel, notre aventurier de l’indignation décroissante a fait alliance avec deux grandes consciences morales de ce siècle : François-Henri Pinault, patron du groupe industriel PPR, qui vient d’annoncer 1800 licenciements, et Luc Besson, le célèbre producteur de longs-métrages intellectuellement déficients axés sur la banlieue et les automobiles sportives. YAB ne pouvait pas trouver meilleurs partenaires pour soutenir un projet aussi riche de bons sentiments – et aussi authentiquement « moderne » par l’atrocité de sa diffusion globale, brutale, simultanée, panoptique, massive et torrentielle. La bonne conscience – que l’on appelle en ce cas mécénat – a un prix : pour le fils Pinault, l’addition se monte à 10 millions d’euros. YAB, qui a l’argent en horreur, comme tout bon religieux, ne touchera personnellement pas un seul centime sur la recette de ce film, qui sera reversée à sa fondation Good Planet. Ici l’euro ou le dollar relèvent de la monnaie de singe. L’écologie, à ce niveau de préoccupation délirante est devenue une obsession de super-riches. La monnaie qui a cours est la satisfaction morale. Inutile de demander des comptes ou d’entrer dans le détail du green business. Le film est mal foutu ? Peu importe. « Je vais vite parce que dans dix ans, si on ne fait rien, la planète sera foutue », explique YAB dans Le Monde… En vérité, il faudrait se demander si, à force d’user ainsi sur la corde verte, ce n’est pas l’écologie qui sera « foutue » dans une décennie ?

Le précédennt coup d’éclat de YAB était le projet « 6 milliards d’autres », réalisé sous l’égide de sa fondation Good Planet, et largement financé par la banque BNP…. Un documentaire télévisé « fleuve » dans lequel des tas de quidams anonymes venaient vomir à l’image leurs desiderata existentiels, personnels et désordonnés, dans la trame d’une vision humaniste « molle » convaincue que tous les hommes sont égaux en rêves. Ce qui reste à prouver. Le petit rêve intime de YAB – qui est déjà membre de l’Académie des Beaux-Arts – est certainement de rejoindre son ami Al Gore à l’Académie Nobel en tant que Prix Nobel de la paix photographique et de l’amitié écologique entre les nations, ou bien d’intégrer le vaste Panthéon de figures françaises morales et sacrées, où se serrent déjà le Commandant Cousteau, Sœur Emmanuelle, le Dr Haroun Tazieff, l’Abbé Pierre, le Professeur Schwarzenberg, Coluche, etc. Figures hétéroclites de la culpabilisation calibrée et de l’indignation marketée. Toute une génération d’humanitaires intermittents du spectacle…. Peut-être YAB caracolera t-il un jour en tête du classement des personnalités préférées des français, publié par le Journal du Dimanche ? Dans dix ans. Ou avant. Quand il sera usé d’annoncer une fin du monde qui ne vient pas, et ne viendra pas… comme certains autres disparaîtront corps et biens d’avoir trop attendu une insurrection de rêves et de théories.

YAB a 63 ans. Je n’irai pas jusqu’à lui souhaiter d’assister à la « fin du monde » dont il rêve depuis le cockpit de son hélicoptère polluant. Tant pis si ses prophéties prennent l’eau et s’il sombre dans le ridicule rétrospectif de son pessimisme écologique outré. Peut-être pourra-t-il abandonner cette incertaine posture religieuse d’écolovangéliste qui lui va si mal au teint et recommencer à faire ces extraordinaires portraits de paysans au Salon de l’agriculture, qui l’ont rendu célèbre, et que je ne passe pas un mois sans contempler.

YAB, par pitié, pose ton hélicoptère, et reviens sur terre, parmi nous ! Rien n’est plus déprimant que de voir un talent (un génie, soyons honnête…) mal employé.

Obama beach

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6juin

Il faut méconnaître totalement le répertoire de Michel Sardou pour ignorer que si les Américains n’avaient pas débarqué le 6 juin 1944 en Normandie, nous serions tous en Germanie. C’est ce que Barack Obama a, en substance, rappelé ce matin, en débarquant en France, accompagné de vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Un, deux, chantez : « Si les Ricains y z’étaient pas là… » Rompez. Retrouvez les impubliables de Babouse sur son carnet.

La France made in Sarko

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Causeur, abonnez-vous, rabonnez-vous !

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Abonnement

Même les plus distraits l’auront remarqué, Causeur, le mensuel, est un journal « différent ». Pendant ses dix premiers mois d’existence, il a réussi à prouver que cette différence pouvait être autre chose qu’un vœu pieux de lecteur ou un rêve éveillé d’auteur. Pendant dix mois, nous avons réussi à faire vivre un élégant et roboratif best of, adossé à un vrai site, fréquenté chaque mois par plus de 300 000 habitués[1. 306 000 visiteurs uniques au mois d’avril 2009, pour 2 176 000 pages vues, selon Médiamétrie-Netratings.]. Et puis soudain, en mai, Causeur est devenu encore plus différent : un vrai journal qui n’a même pas peur d’exister, sur 32 pages, avec une volée de textes inédits destinés à récompenser la fidélité de nos abonnés. Nous leur devions bien. C’est grâce à eux, donc grâce à vous que tout cela existe. Le mensuel – et aussi le site – vivent et vivront de plus en plus de vos abonnements. Et pour ne pas tourner autour du pot, ils n’existeront plus si cette ressource disparaissait. Pour vous, pour nous, cette différence est vitale. Faisons en sorte qu’elle soit viable. Abonnez-vous, rabonnez-vous !

En exclusivité dans le numéro de juin :

Empaillons-nous, Folleville !, Elisabeth Lévy
Darcos de Macédoine, Raul Cazals
Coupat, billet de sortie, Jérôme Leroy et Bruno Maillé
Il faut sauver l’Opinel !, Luc Rosenzweig
Ecce homo, Cyril Bennasar
Moondog aboie, la caravane passe Jean-François Baum
Aimez-vous Dash ?, Jérôme Leroy
Sans histoire ?, Élisabeth Lévy
Comment peigner une girafe…, François Miclo

Ô pub, suspends ton vol !

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Je ne voudrais pas vous affoler, mais il faut vraiment faire gaffe à ce qu’on dit. Parce qu’en plus de ne pas vexer les juifs, les arabes, les goys, les pédés et tous les autres, victimisés par l’histoire et par la France, il convient aussi de ménager en toute heure et en tout lieu la sensibilité du téléspectateur qui sommeille en chacun de nous. On veut bien communier dans l’horreur et la compassion trois fois par jour – voire plus pour les adeptes de la torture moderne appelée information continue – mais pas faire des heures sups. En dehors des heures de boulot, nous apprécions d’être protégés contre le réel et souhaitons que nous soit épargné le rappel douloureux de notre condition de mortels. Sinon, à quoi ça servirait que les cellules d’aide psychologiques se décarcassent ?

Mardi dernier, jour de la catastrophe du vol 447, Gil Mihaely et moi-même nous attablons à la terrasse de nos copains Sélim et Daddy, le principal quartier général de Causeur. Comme tout le monde, nous échangeons des banalités compassionnelles et convenons qu’on est bien peu de choses. Je raconte à Gil l’histoire, entendue à la radio, de cette jeune fille qui, moyennant 200 €, a laissé sa place dans le vol précédent à un passager pressé. Bref, nous sommes contents d’être en vie, vaguement tristes pour ceux qui ne le sont plus et rétrospectivement effrayés à l’idée que l’un de nos proches aurait pu se trouver dans l’Airbus. Une vraie conversation de café du Commerce, ponctuée par les salutations des habitués.

Soudain, Gil éclate de rire. Vous connaissez Gil, c’est pas le genre cynique, mais la publicité qui recouvre les tables du bistrot aiguise son sens de l’humour noir. Il s’agit d’une campagne anti-tabac qui compare les risques pris par un individu sain et par un fumeur. La version que nous avons sous les yeux nous apprend, je vous le donne en mille, qu’ »un homme a une 1 chance sur 1,5 millions de mourir foudroyé », alors qu’ »un fumeur a 1 chance sur 2 de mourir du tabac ».

foudre

Statistique imparable qui devrait effrayer les fumeurs. Sauf qu’à ce moment-là, les experts qui ne savent rien mais doivent tout dire, ont à peu près convaincu tout le monde que la foudre était responsable de l’accident de l’A 330. « Publicité mensongère, lâche Gil. Enlevez ça tout de suite, c’est honteux. » On rigole un peu et, c’est pas pour me vanter mais, animée d’un vrai réflexe de grand-reporter en veste à poches, je prends la pub en photo (en vrai, c’est pour l’envoyer aux copains). Après quelques commentaires, dont j’admets qu’ils ne sont pas tous de la première finesse, et après avoir répété deux ou trois fois ce que nous avons déjà entendu une dizaine de fois, nous passons à autre chose parce que tout ça est bien triste et que la vie est courte, même quand on ne fume pas.

Le lendemain, passant devant le café avec un autre camarade, l’épisode me revient en mémoire. « Viens, je te montre un truc marrant », dis-je. Pendant quelques secondes, j’ai une sorte de vertige : la publicité foudroyante a disparu. Le napperon de carton est blanc. Aurais-je rêvé ? Sélim et Daddy ont-ils été pris d’un accès de pudibonderie compassionnelle ? Ont-ils eu peur de chagriner leurs clients avec l’évocation de la méchante foudre qui viendra frapper leur avion s’ils ne sont pas sages ? Renseignement pris, ce n’est pas ça du tout. Ces salauds se fichaient bien des ravages psychologiques qu’aurait pu faire leur réclame.

Le fin mot de l’affaire est bien plus rigolo. Figurez-vous, affectionnés lecteurs, que la société qui gère ce petit business de napperons publicitaires avait débarqué le matin même pour faire disparaître la publicité si criminellement évocatrice des malheurs du monde. Mais le plus comique est qu’elle l’a fait sur ordre de la Préfecture. Comme je vous le dis. Quelque part sur l’Île de la Cité, un fonctionnaire a jugé qu’en ces jours de deuil il n’était pas convenable que quelque chose rappelle aux populations éplorées l’existence de la foudre – depuis, la foudre a été innocentée, mais tant pis pour elle. Il faudrait le décorer, ce Bouvard et Pécuchet à lui tout seul, pour avoir inventé le droit de l’homme à rester un enfant. Comment ne pas être pleins de gratitude quand nos gouvernants s’emploient ainsi à nous épargner le rappel des tragédies de la vie en particulier de la dernière d’entre elles ? Le mot « mort » ne tue peut-être pas, mais il fatigue grave.

Seulement, il ne faudrait pas s’arrêter en si bon chemin. Il sera difficile de soustraire à notre vue tous les sujets d’affliction produits par une réalité bien contrariante. Repeindre la vie en rose, c’est un boulot à plein temps – généralement exécuté, d’ailleurs, par les publicitaires. Je suggère cependant de s’attaquer à la racine du mal et de lancer la bataille pour l’assainissement du réel par l’interdiction du roman, cette invention diabolique hantée par le négatif.

Cela dit, je suis peut-être injuste avec le fonctionnaire au grand cœur. Après tout, il ne manque pas d’humour. En effet, s’il a ordonné la disparition de la foudre, il n’a pas jugé nécessaire de réclamer l’élimination du deuxième visuel de la campagne anti-tabac.

requin

Un petit marrant, je vous dis. Je ne sais pas si ça vous fait le même effet, mais moi, ça m’a donné furieusement envie de fumer une clope.

Daniel Cordier, la Résistance à voix basse

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Caracalla ! C’est sous ce nom que Roger Vailland, dans son roman Drôle de jeu, masque l’un de ses amis, Daniel Cordier. Né à Bordeaux, en 1920, celui-ci rencontra Jean Moulin, et le cours de sa vie en fut bouleversé. Le premier volume de ses mémoires, Alias Caracalla, vient de paraître. On est à mille lieux des témoignages à mâchoire serrée, des humeurs d’ancien combattant moralisateur. En hôte d’une ancienne politesse, il nous ouvre les portes de sa mémoire et retrouve, pour nous accompagner dans cet « immense édifice », la grâce d’un « adolescent d’autrefois », féru d’idées et de littérature.

Le récit porte sur sa période de « formation », c’est-à-dire le temps précédent sa rencontre avec Jean Moulin, puis sur celle de sa « conversion » auprès de ce guerrier silencieux. Où l’on voit comment un grand jeune homme d’Action française fut attiré par la lumière qu’irradiait Jean Moulin, comment il le servit et, avec lui, de Gaulle et la France. Daniel Cordier avait consacré une véritable somme à l’action de Jean Moulin. Toute sa « manière » était d’un historien, il exposait les faits, analysait les situations, reformait la perspective des lignes fuyantes. Il révélait les affrontements souvent très durs, les conflits d’analyses et de personnalités, et fracassait ainsi le mythe d’une Résistance unie. Et, surtout, il répondait aux accusations d’Henri Fresnay, d’après lesquelles Jean Moulin était le représentant du parti communiste dans la Résistance, l’agent actif de Moscou, le stipendié tout à la fois de Staline et des vieux partis de la IIIe République.

Alias Caracalla n’est pas écrit avec la même encre. C’est de mémoire qu’il s’agit ici, de l’effort que font les âmes claires pour ramener vers elles l’immense filet où sont mêlées les émotions lointaines mais toujours vives.

Le beau-père de Daniel, professeur de philosophie, l’initie au maurrassisme et lui enseigne en même temps les quatre piliers de sa sagesse : dégoût de la République, de la banque protestante, des métèques et des juifs. Ce bagage encombrant fut commun à bien des jeunes gens de l’entre-deux guerres. Il conduisit certains à collaborer, il n’empêcha pas d’autres de résister. Le jeune Cordier se persuade sans état d’âme que Dreyfus est coupable. Il crie « Vive le Roi » dans les manifestations, mais voit sans déplaisir les trois « usurpateurs » à vocation fasciste, Salazar, Franco et Mussolini, s’installer durablement dans le paysage européen. Maurras vilipende l’hédonisme et la célébration du moi, mais Daniel ne s’interdit pas de lire André Gide, dont « l’amoralisme d’esthète » le séduit au delà de tout, et ne le dissuade évidemment pas d’éprouver un trouble presque brutal dans la compagnie des garçons, ni d’envisager des fiançailles avec une charmante jeune fille…

Arrive la guerre. Il la voit comme une épreuve nécessaire, un rite d’initiation qui transforme un jeune adulte en citoyen. Révolté par le discours du maréchal Pétain, le 17 juin 1940, il embarque, le 21 juin, à Bayonne, à bord du Léopold II, vers Londres. En Angleterre, il suit une dure préparation militaire. Jeune nationaliste, il a la tête épique, le patriotisme à fleur de peau et veut connaître le feu. Il rêve d’affrontements dans les paysages de France, de commando infiltré derrière les lignes ennemies, enfin, de bouter le « Boche » hors du royaume. Convoqué par le colonel Passy, le 13 juillet 1941, il apprend qu’on lui confie des missions d’un genre très différent : « La guerre clandestine que nous menons en métropole n’est pas celle pour laquelle vous avez été préparé. Elle se vit seul et sans uniforme. […] la police et la Gestapo vous traqueront jour et nuit. […] votre mission aggrave l’isolement puisque vous serez en exil dans votre pays. » On lui remet une ampoule de cyanure, dans le cas où il serait arrêté… Il a 21 ans.

Le 25 juillet 1942, vers 2 heures du matin, il saute en parachute quelque part dans la campagne de Montluçon. Il n’a pas touché terre, qu’il est déjà pris en charge par un réseau : des filles, des garçons banals, des couples paisibles, des gens ordinaires, tranquillement héroïques. Trente mille personnes au début, trois cent mille à la fin, trente mille morts, cent mille emprisonnés composent le peuple obscur, la minorité vigilante de la France fidèle à tous les serments qui l’ont rendue unique, universelle, et qu’on oublie injustement…

Quelques jours après, il est à Lyon, recueilli par le directeur du service étranger de la Société générale, M. Moret, sa femme et sa fille, à la taille si bien prise que Caracalla en est ému. Contraints d’abandonner leur bel appartement du boulevard Malesherbes, à Paris, ils vivent dans un deux-pièces sans confort, et n’oublient pas, ces grands bourgeois, d’être patriotes et de courir des risques. La France fidèle…

On lui a désigné son patron : Georges Bidault, dont il doit devenir le secrétaire. Mais voici que s’avance Rex, en veste de tweed, pantalon de flanelle, et le visage hâlé, si charmeur. De Rex, il ne connaîtra l’état civil qu’à la Libération : Jean Moulin. Auprès de lui, il accomplira chaque jour les menus faits et gestes qui permettent la circulation des hommes, des ordres et des fonds jusqu’au plus lointain maquis, malgré les innombrables difficultés, malgré l’hostilité de presque tous à de Gaulle.

Rex disposait du pouvoir de l’argent, qu’il distribuait aux trois principaux réseaux : la plus grosse part à Combat, une moindre portion à Libération, et le reste à Franc-Tireur. C’était d’ailleurs son unique sceptre, car son autorité était âprement combattue. L’entreprise d’unification des forces tient du travail herculéen, et le contraint, lui et Cordier, à une routine harassante, où l’on s’en remet souvent à « l’imprudence et à la chance ». Pour mieux comprendre l’extravagante entreprise que représente l’Armée secrète, il suffit d’évoquer la première conversation entre ces deux hommes. Cela se passe dans un restaurant de Lyon, le 13 juillet 1942. Le chef de « l’armée des ombres » n’en impose pas seulement par l’âge (43 ans ; les légionnaires gaullistes avaient entre 18 et, comme Raymond Aron que Cordier a bien connu à Londres, 35 ans), mais aussi par l’aspect : le regard perçant, les lèvres pleines, le beau visage immortalisé par la fameuse photographie de Marcel Bernard (hiver 1940). Avec cela, des attitudes de félin guettant non sa proie mais ses chasseurs : la séduction masculine incarnée ! Face à lui, notre jeune homme est d’Action française, antisémite, il vitupère la « gueuse », fréquentait naguère les banquets où éructaient Philippe Henriot et Darquier de Pellepoix ! Moulin, toujours à voix basse, lui oppose son enfance républicaine, évoque l’affaire d’un certain capitaine condamné à tort pour haute trahison, sa fierté d’avoir assister à sa réhabilitation. Notre maurrassien écoute, et pense à part lui : « C’est curieux, il n’a pas l’air de savoir que Dreyfus est un traître ! » Peut-on imaginer plus différents que ces deux là, en cet été lyonnais torride, dans une France si occupée ? Quel génie malicieux souffla son inspiration au roi des Ombres ? Après le dîner, avant de disparaître dans la nuit, Jean Moulin, pressé, déclare : « Je vous garde avec moi : vous serez mon secrétaire. Bonsoir. »

L’intérêt du livre ne tient pas seulement au magnétisme de Rex. On y trouvera la chronique minutieuse des heures et des jours de la Résistance, la rude besogne quotidienne ; agir en tout avec une méfiance de chat, espérer, se désoler au gré des informations, des humeurs. De Gaulle pourra-t-il maintenir sa « légitimité républicaine », contre Fresnay et d’Astier-de-la-Vigerie (plein d’une morgue déplaisante) ? Au passage, Caracalla balaye les médisances : Jean Moulin naquit républicain par son père, artiste par sa mère, devint gaulliste par conviction, et demeura hétérosexuel par nature. C’est Henri Fresnay qui fit courir la rumeur de l’homosexualité de Jean Moulin, se fondant sur celle, assumée, de Daniel Cordier. Au reste, homo, nul ne lui en eût tenu rigueur. En revanche, il ne lui sera pas pardonné d’avoir été gaulliste…

Daniel Cordier nous livre le « récit secret » de la puissante séduction qu’exerça sur lui un « homme pour l’éternité », auprès duquel il accepta la modestie du courage dissimulé. Voici ce que fut la guerre souterraine : le sentiment de vivre, la routine du courage simple et organisé, et, au final, la suprême élégance d’un seigneur de la République, trahi, martyrisé, son beau visage abominablement déformé sous les coups, les poumons noyés de sang, puis consentant à une longue agonie mutique. Jusqu’à ce funeste 22 juin 1943, où, par l’un de ses « correspondants », sur le quai de la station de métro Saint-Michel, il apprit que Rex avait été arrêté.

Voilà pourquoi, aujourd’hui encore, lorsqu’il évoque cette tragédie, des larmes viennent brouiller les traits pourtant pacifiés du secrétaire Caracalla.

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En amour, faut jouer serré !

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Alors que nos journaux conjecturent en boucle sur les conséquences des élections européennes et s’interrogent à n’en plus finir sur l’avenir de Martine Aubry ou de François Bayrou, les Américains, eux, se posent de vraies questions intéressantes sur l’actu. Nos confrères de Slate reviennent sur le récent décès de David Carradine et posent la question qui tue : existe-t-il un moyen sur de pratiquer l’AAE (Auto-asphyxie érotique). Hélas, la réponse est non. Aucun praticien patenté ne pense que ce soit une bonne chose que de réduire brutalement la quantité de sang et donc d’oxygène qui arrive dans le cerveau. Néanmoins, si c’est vraiment votre truc Slate suggère une solution de repli : jouez-y plutôt avec un partenaire, expérimenté de préférence, et convenez auparavant d’un signal d’alerte qui signifie « fini de jouer, relâche le nœud ! ». On évitera aussi, précise Slate – avec un sens du détail qui honorerait la presse française –, de ne pas prendre d’alcool ou de drogue durant ce genre d’exercice. Dernier conseil pour les amateurs, même quand toutes les précautions sont prises : ne serrez pas trop fort… Et on est prié de ne pas rigoler trop fort : le FBI estime qu’aux USA, le nombre de décès annuel dûs à l’AAE se chiffre entre 500 et 1 000.

Pas de divine surprise pour le Hezbollah

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Est-ce parce que le scrutin avait lieu un dimanche ? En tout cas, le 7 juin, le Hezbollah n’a pas bénéficié d’une intervention divine : la majorité sortante, anti-syrienne et pro-occidentale (c’est-à-dire anti-Hezbollah et anti-iranienne), a été reconduite. Compte tenu des efforts déployés par le parti chiite ces dernières années pour s’emparer du pouvoir et notamment sa stratégie coûteuse de résistance contre Israël, il ne s’agit pas d’un « non succès » mais carrément d’un échec.

Pour essayer de comprendre le vote libanais, un petit détour par la presse économique du pays du Cèdre n’est pas inutile. On pouvait y lire ces dernières semaines que durant les quatre premiers mois de 2009, un total de 8 671 nouvelles voitures ont été vendues, soit une hausse de 6,21 % par rapport à la même période en 2008. Et le boom ne s’arrête pas aux bagnoles : les données publiées par les autorités portuaires de Beyrouth indiquent que les revenus du port pour les quatre premiers mois de 2009 ont enregistré une hausse de 34 % par rapport à la même période de 2008. Inutile de rappeler que partout ailleurs dans le monde, la tendance est à l’opposé. Grâce à cette activité accrue, le gouvernement libanais a récemment décidé de relancer de l’expansion du port de Tripoli, le deuxième du pays, gelée depuis deux ans. Bref, trois ans après la guerre avec Israël, l’économie du pays semble avoir retrouvé son dynamisme et une majorité des libanais en ont tiré les conséquences politiques : le vote de dimanche est d’abord un vote pour la stabilité et la prospérité.

La stratégie de résistance du Hezbollah a donc atteint ses limites. La lutte armée contre Israël était un formidable moyen de mobilisation et un alibi parfait pour construire et maintenir une milice dont on pouvait aussi se servir sans états d’âme contre « l’ennemi de l’intérieur », comme l’avait fait le Hezbollah l’année dernière. Cette stratégie a aussi permis au mouvement chiite de forger une alliance avec Damas et Téhéran, aussi bien qu’avec l’opposition palestinienne la plus intransigeante. Enfin, Nassrallah, chef du Hezbollah, a pu, en tirant sur cette corde facile à actionner, galvaniser une partie de l’opinion publique musulmane au Moyen-Orient – ainsi que certaines de nos banlieues.

Pour autant, la guerre de l’été 2006, qui semblait alors marquer l’apogée du mouvement chiite et de son leader, apparaît de plus en plus comme une erreur stratégique majeure. La résistance est peut-être une stratégie efficace d’opposition mais elle pose de sérieux problèmes quand on prétend former une majorité de gouvernement.

Le Hezbollah, mouvement libanais authentique, joue un rôle historique important au Liban, car il a opéré l’ajustement du système politique aux réalités démographiques. Il n’est pas inutile de rappeler que les Libanais votent par communauté et que les Chiites ont droit à 27 des 127 sièges au Parlement, bien que leur poids réel dans la société soit deux voire trois fois plus important. En recrutant parmi l’électorat non chiite, il rétablit en quelque sorte un équilibre politique. Désormais, son véritable défi est de réussir sa transformation en acteur majeur de la politique libanaise, capable de garantir l’intérêt général et de rassurer l’ensemble du corps politique.

Nassrallah a démontré sa capacité de paralyser quelques jours durant le port de Haïfa, principal port israélien, ce qui constitue un énorme succès pour une milice issue de la communauté libanaise la plus pauvre. Ce haut fait d’armes a probablement été une source de fierté pour beaucoup de Libanais appartenant à d’autres communautés. Sauf que dimanche dernier, les électeurs libanais ont dit à Nassrallah que le port de Beyrouth les intéressait plus que celui de Haïfa.

Retrouvailles

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Si, comme au Palais Bourbon, les nouveaux députés européens sont placés dans l’hémicycle par ordre alphabétique lors de la séance inaugurale, il pourrait se produire des rencontres improbables. Ainsi les heureux élus Dominique Baudis (UMP) et Jean-Paul Besset (Verts) risquent de passer quelques heures tout près l’un de l’autre, avant que la répartition des sièges par groupes politiques se mette en place. Ils pourront se parler du bon vieux temps, celui où le journaliste du Monde Jean-Paul Besset prêtait une oreille complaisante aux accusateurs de l’ancien maire de Toulouse Dominique Baudis et se faisait le relais, dans le journal de référence, des pires rumeurs véhiculées par des truands pervers et des prostituées mythomanes. Il est parfois compliqué de faire du passé table rase, même lorsqu’un rouge se repeint en vert…

Eva pas joli, joli…

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Parmi les griefs informulés de François Bayrou contre Dany Cohn-Bendit, celui de lui avoir piqué l’ex-juge Eva Joly n’était pas pour rien dans son agressivité lors de la désormais fameuse émission « À vous de juger » du jeudi 4 juin sur France 2. La blonde norvégienne aux lunettes rouges était courtisée à la fois par le Modem et par les Verts pour figurer sur leur liste lors des élections européennes. Après avoir fait lanterner quelque temps ses soupirants, comme il se doit pour faire monter les enchères, elle choisit le rouquin et repoussa le Béarnais.

On ne spéculera pas sur les raisons de ce choix, dont les ressorts sont enfouis dans la conscience de l’intéressée, mais on pourra constater qu’il s’est révélé payant : sa visibilité dans le dispositif électoral des Verts et son élection en Ile de France en sont les preuves. Elle seule, par exemple, est apparue aux côtés des têtes de listes sur les affiches des Verts dans les huit circonscriptions électorales métropolitaines. Il n’est pas sûr que François Bayrou, qui tient le même rôle sur les affiches du Modem, lui eût galamment cédé la place ou proposé un billet assuré pour Strasbourg…

Dany Cohn-Bendit, maître d’œuvre de la captation et de la mise en scène d’Eva Joly au profit de sa formation politique s’est, tout au long de cette campagne européenne, révélé un maître tacticien. Après avoir rassemblé sous son autorité les « vedettes » médiatiques de l’écologie et du tiers-mondisme, il pousse en avant une personnalité susceptible de drainer les voix de ceux qui ont, à l’égard de la classe politique une méfiance instinctive.

Et rien n’est plus apte à attirer les clients qui braillent « Tous pourris ! » au Café du commerce sans pour autant se précipiter dans les bras du Front national, qu’un bon juge qui met au trou les puissants et les riches. C’est le populisme « soft », celui qui ne traîne pas avec lui des relents nauséabonds du siècle dernier, et vous permet d’être beauf sans cesser d’être bobo. Ce coup-là n’avait déjà pas mal réussi à Philippe de Villiers avec l’inclusion dans sa liste de feu le juge Thierry Jean-Pierre, l’homme de l’affaire Urba dans sa liste lors des européennes de 1994.

L’avantage, avec une personnalité de ce type, c’est qu’on ne va pas lui chercher des poux dans la tête, scruter sa biographie, explorer sa vie privée comme cela se pratique avec les hommes et femmes politiques classiques. Un(e) juge inspire encore de la crainte aux paparazzis et fouineurs médiatiques de tout poil, ne serait-ce parce qu’on lui prête des relations dans une corporation qui peut vous créer quelques désagréments….

Dans le cas particulier d’Eva Joly, on prendra d’autant plus de précautions que la dame est chicaneuse, et qu’elle n’hésite pas à traîner devant les tribunaux ceux qui mettent en cause ses qualités de magistrate anti-corruption. Ainsi, Philippe Cohen et Pierre Péan avaient émis l’hypothèse, dans leur livre La face cachée du Monde que notre juge était une « honorable correspondante » du journal Le Monde, balançant à tout va ce qui se passait dans son bureau au mépris de ce pauvre secret de l’instruction déjà bien malmené. Ces affirmations étaient fondées sur de troublantes coïncidences, relatives aux auditions de « clients » d’Eva Joly au pôle financier du tribunal de Paris et la publication quasi-simultanée dans Le Monde des procès-verbaux de ces auditions. Déboutée en première instance, Eva Joly l’emporta devant la Cour d’appel au motif que Péan et Cohen n’avaient pas effectué « d’enquête sérieuse » pour apporter la preuve de leurs accusations. Me trouvant dans les parages à l’époque des faits, et dans une position me permettant d’avoir quelques éléments d’appréciation de cette affaire, je peux aujourd’hui avancer qu’en la matière, Péan et Cohen étaient très probablement dans le vrai. Mais s’il advenait qu’Eva Joly me fasse l’honneur de me traîner devant la justice de mon pays pour ces propos, ce serait ma parole contre la sienne, car les récipiendaires des photocopies provenant de son cabinet se retrancheront derrière la « protection des sources » pour se taire.

Elle tenta, également, mais cette fois-ci sans succès de faire condamner Claude Chabrol qui avait retracé, dans son film L’ivresse du pouvoir les péripéties de l’affaire Elf, qui propulsa Eva Joly sur le devant de la scène judiciaire et médiatique. Dans cette fiction qui colle au réel comme un timbre sur une lettre, le rôle d’Eva Joly est interprété avec son talent habituel par Isabelle Huppert, et montre une juge en proie à de douloureux problèmes familiaux qui poursuit de sa vindicte implacable un dirigeant d’une grande entreprise sans le moindre souci d’équité que la loi impose au juge d’instruction. Instruire « à charge et à décharge », ce n’est pas la tasse de thé d’Eva Joly, lorsqu’on lui confie le sort de ces riches et puissants auxquels la justice s’intéresse. Il faut qu’ils craquent comme Loïk Le Floch-Prigent, ancien PDG d’Elf, avec qui la détention provisoire est un moyen de pression pour lui faire avouer les délits dont il est accusé. Une méthode que les amis de Dany Cohn-Bendit ne manquent pas de fustiger lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un présumé saboteur de TGV…

Par ailleurs, de l’avis général des « professionnels de la profession », elle a été une magistrate aussi nonchalante que médiatique. Elle n’hésita pas, par exemple, alors que l’affaire Elf dont elle était saisie était en pleine instruction, à déserter son cabinet pour effectuer, pendant six mois le stage prestigieux de l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), réservé à d’éminentes personnalités de la société civile pour les mettre au parfum des questions militaires et stratégiques. Sa dispersion et sa présence forte dans les médias auraient contribué au bousillage de dossiers qui lui étaient confiés, grâce à quelques bourdes procédurales grossières qui auraient permis à quelques gros poissons d’échapper à leur juste châtiment. On murmure que Roland Dumas, qui fut un temps dans son collimateur, et qui sortit au bout du compte blanchi des procédures menées à son encontre, lui envoie des fleurs chaque année pour son anniversaire.

Peu importe, la belle histoire de la pauvre petite Norvégienne, fille d’ouvrier devenue jeune fille au pair à Paris dans les années 1960, épousant le fils de la famille et grimpant les échelons du mérite pour donner un coup de balai salvateur dans les écuries de la République, fait toujours recette dans les chaumières.

Votez pour vous, votez pour tous !

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Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? La meilleure solution pour ne léser aucun candidat et pour ne se fâcher avec personne dans les dîners en ville, c’est bien évidemment de voter pour toutes les listes en présence !

Il faut bien sûr voter UMP si l’on fait partie de la majorité. Or il est indéniable que la majeure partie d’entre nous appartenons, par définition, à une majorité. Mais il faut aussi voter UMP si on sait compter, et qu’on n’a pas envie, par strict respect pour les lois de l’arithmétique, de voir ladite majorité hurler à la victoire totale dimanche soir avec seulement 25 ou 28 % des voix alors qu’elle était à 53% il y a deux ans. Je sais bien que tout est relatif, y compris en matière de majorité, mais de là à faire passer un petit quart pour une grosse moitié…

Il faut voter PS parce que Dominique Reynié a dit vendredi dans Libération que Martine Aubry n’avait pas de vrai projet européen et que Dominique Reynié se trompe toujours sur tout. En Ile-de-France, il faut encore plus qu’ailleurs voter PS parce que Benoit Hamon est mignon, qu’il n’a pas peur d’insulter les journalistes et qu’il supporte depuis deux mois l’envahissante vacuité d’Harlem Désir sans broncher : tout ça mérite quand même une récompense…

Il faut voter Modem pour circonvenir les anarchistes pédophiles allemands, même pas fichus de vousoyer le futur président de la République et d’acquiescer benoîtement quand il enfile contrevérité sur contrevérité. On notera au passage que si l’aplomb dans la mauvaise foi et la croyance inébranlable dans la répétition qui vaut raison signent l’homme d’Etat français, alors François Bayrou est presque aussi apte que Nicolas Sarkozy et même que Jacques Chirac

Il faut voter Europe-Ecologie parce qu’après avoir vu Yann Arthus Bertrand faire partout la promo de Home, son spot publicitaire pour PPR, on se dit que, finalement, Nicolas Hulot n’est pas si crétin que ça… Accessoirement, dans un élan de générosité intereuropéenne, c’est faire œuvre pie que de débarrasser les malheureux Norvégiens de la présence d’Eva Joly sur leur sol national.

Il faut voter Libertas et Philippe de Villiers, pour empêcher la Turquie de nous imposer ses kebabs graisseux, ses plombiers même pas polonais et ses lois contraires à la dignité humaine (Sait-on, par exemple que la Cour suprême de ce pays persiste à interdire le port du hidjab dans l’enceinte des universités !).

Il faut voter NPA pour ne pas désespérer Oberkampf. C’est déjà assez pénible pour un prof de collège lambda d’avoir loupé trois fois de suite le CAPES de Lettres modernes, si en plus on lui enlève la perspective de diriger la France, l’Europe et le Monde…

Il faut voter Front de gauche pour redonner son sel à l’anticommunisme primaire. Quand le PC est à 3%, l’homme de goût se retient de tirer sur une ambulance. Un PC à 7%, on peut recommencer à lui dire ses quatre vérités. Lui rappeler qu’il n’a même plus de communiste ni le bruit, ni l’odeur, que MGB et sa clique de charlots ne se posent pas vraiment là pour incarner le spectre qui hante l’Europe.

Il faut voter Front National parce que si son parti fait un bon score, ni rien ni personne n’empêchera Jean-Marie Le Pen de se représenter à présidentielle de 2012, où une fois de plus il sera le seul à incarner le changement véritable…

Il va de soi que cette liste de listes n’est pas exhaustive et que selon la région où vous vous trouvez, vous pourrez glisser de 11 à 27 bulletins dans la même enveloppe. Voilà, à mon avis, le meilleur moyen de faire prospérer notre démocratie, et qu’on ne vienne surtout pas me dire que ce type de vote est carrément nul.

Yann Arthus-Bertrand, go Home !

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Le photographe Yann Arthus-Bertrand est une créature médiatique singulièrement désagréable. Omniprésent dans les médias, YAB est l’authentique prêcheur écologiste qu’il manquait à la France. Un parfait supplétif moustachu du soldat Nicolas Hulot. Devenu multimillionnaire avec le succès mondial de son livre La terre vue du ciel (montrant la beauté supposée de notre planète scrutée depuis une flotte d’hélicoptères polluants), le photographe susurre dans tous les médias sa vieille rengaine apocalyptique. Il promet la fin proche de l’aventure terre, en appelant, avec dans la voix des trémolos imprégnés de religiosité, au respect aveugle de la déesse Gaïa et en faisant vibrer – sur fond d’une méfiance radicale envers la technique – la corde patrimoniale sensible : mais quelle « terre » allons-nous léguer à nos enfants ? Ben voyons ! Les enfants et l’environnement sont en effet en tête des valeurs suprêmes de notre modernité, qui sont mises quotidiennement en danger par ces ignobles industriels pollueurs, et voyous, qui ne pensent qu’à s’enrichir sans penser aux conséquences scélérates de leur enrichissement !

Avec cette vision binaire et manichéenne de l’environnement, appelant fermement à la « décroissance » (concept marketing appelé à un grand avenir comique), YAB rejoint d’autres illustres gourous du genre, dont l’ex-animateur vedette de TF1 Nicolas Hulot, et le politicien américain Al Gore, qui s’est signalé au monde il y a quelques années par un blockbuster documentaire sur le changement climatique intitulé Une vérité qui dérange. Et qui, naturellement, n’a dérangé absolument personne.

Dans cette glorieuse lignée de télévangélistes écolos, YAB se lance à son tour dans le cinéma. Déjà très présent sur les écrans, à travers des documentaires télévisés sur son travail de photographe, ou son émission de France 2 « Vu du ciel », YAB a tourné un long-métrage sur les périls insoutenables qui pèsent sur notre Sainte-planète : Home. Diffusé vendredi 5 juin sur France 2 ce chef d’œuvre bénéficie d’une promotion digne d’une grosse production hollywoodienne : sortant simultanément dans 126 pays, il sera massivement présent sur le territoire français à travers 200 copies. Home sera également diffusé par des centaines de chaînes de télévision, par la plate-forme Youtube, et bénéficiera de projections de prestige dont l’une sur le Champ de Mars à Paris et une autre à Central Park, New York. YAB a aussi reçu le soutien du Prince Charles et organisé une projection privée à l’Elysée pour Carla Bruni et son époux. Bref, le déferlement sauvage de moraline écolo sera impossible à contenir. YAB sera partout. La terre sera à YAB. Le photographe, à la moustache pleine de sagesse, pourra envelopper cette Gaïa qu’il aime tant de toute la sollicitude que son grand cœur plein de compassion est encore capable de déployer – après tant et tant de gesticulations médiatiques.

Pour financer ce film montrant… la terre vue du ciel, notre aventurier de l’indignation décroissante a fait alliance avec deux grandes consciences morales de ce siècle : François-Henri Pinault, patron du groupe industriel PPR, qui vient d’annoncer 1800 licenciements, et Luc Besson, le célèbre producteur de longs-métrages intellectuellement déficients axés sur la banlieue et les automobiles sportives. YAB ne pouvait pas trouver meilleurs partenaires pour soutenir un projet aussi riche de bons sentiments – et aussi authentiquement « moderne » par l’atrocité de sa diffusion globale, brutale, simultanée, panoptique, massive et torrentielle. La bonne conscience – que l’on appelle en ce cas mécénat – a un prix : pour le fils Pinault, l’addition se monte à 10 millions d’euros. YAB, qui a l’argent en horreur, comme tout bon religieux, ne touchera personnellement pas un seul centime sur la recette de ce film, qui sera reversée à sa fondation Good Planet. Ici l’euro ou le dollar relèvent de la monnaie de singe. L’écologie, à ce niveau de préoccupation délirante est devenue une obsession de super-riches. La monnaie qui a cours est la satisfaction morale. Inutile de demander des comptes ou d’entrer dans le détail du green business. Le film est mal foutu ? Peu importe. « Je vais vite parce que dans dix ans, si on ne fait rien, la planète sera foutue », explique YAB dans Le Monde… En vérité, il faudrait se demander si, à force d’user ainsi sur la corde verte, ce n’est pas l’écologie qui sera « foutue » dans une décennie ?

Le précédennt coup d’éclat de YAB était le projet « 6 milliards d’autres », réalisé sous l’égide de sa fondation Good Planet, et largement financé par la banque BNP…. Un documentaire télévisé « fleuve » dans lequel des tas de quidams anonymes venaient vomir à l’image leurs desiderata existentiels, personnels et désordonnés, dans la trame d’une vision humaniste « molle » convaincue que tous les hommes sont égaux en rêves. Ce qui reste à prouver. Le petit rêve intime de YAB – qui est déjà membre de l’Académie des Beaux-Arts – est certainement de rejoindre son ami Al Gore à l’Académie Nobel en tant que Prix Nobel de la paix photographique et de l’amitié écologique entre les nations, ou bien d’intégrer le vaste Panthéon de figures françaises morales et sacrées, où se serrent déjà le Commandant Cousteau, Sœur Emmanuelle, le Dr Haroun Tazieff, l’Abbé Pierre, le Professeur Schwarzenberg, Coluche, etc. Figures hétéroclites de la culpabilisation calibrée et de l’indignation marketée. Toute une génération d’humanitaires intermittents du spectacle…. Peut-être YAB caracolera t-il un jour en tête du classement des personnalités préférées des français, publié par le Journal du Dimanche ? Dans dix ans. Ou avant. Quand il sera usé d’annoncer une fin du monde qui ne vient pas, et ne viendra pas… comme certains autres disparaîtront corps et biens d’avoir trop attendu une insurrection de rêves et de théories.

YAB a 63 ans. Je n’irai pas jusqu’à lui souhaiter d’assister à la « fin du monde » dont il rêve depuis le cockpit de son hélicoptère polluant. Tant pis si ses prophéties prennent l’eau et s’il sombre dans le ridicule rétrospectif de son pessimisme écologique outré. Peut-être pourra-t-il abandonner cette incertaine posture religieuse d’écolovangéliste qui lui va si mal au teint et recommencer à faire ces extraordinaires portraits de paysans au Salon de l’agriculture, qui l’ont rendu célèbre, et que je ne passe pas un mois sans contempler.

YAB, par pitié, pose ton hélicoptère, et reviens sur terre, parmi nous ! Rien n’est plus déprimant que de voir un talent (un génie, soyons honnête…) mal employé.

Obama beach

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6juin

Il faut méconnaître totalement le répertoire de Michel Sardou pour ignorer que si les Américains n’avaient pas débarqué le 6 juin 1944 en Normandie, nous serions tous en Germanie. C’est ce que Barack Obama a, en substance, rappelé ce matin, en débarquant en France, accompagné de vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Un, deux, chantez : « Si les Ricains y z’étaient pas là… » Rompez. Retrouvez les impubliables de Babouse sur son carnet.

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Empaillons-nous, Folleville !, Elisabeth Lévy
Darcos de Macédoine, Raul Cazals
Coupat, billet de sortie, Jérôme Leroy et Bruno Maillé
Il faut sauver l’Opinel !, Luc Rosenzweig
Ecce homo, Cyril Bennasar
Moondog aboie, la caravane passe Jean-François Baum
Aimez-vous Dash ?, Jérôme Leroy
Sans histoire ?, Élisabeth Lévy
Comment peigner une girafe…, François Miclo