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EADS : le problème n’est pas le délit mais l’initié

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C’est un scandale trop beau pour être honnête. On le sait, les accusations qui font la « une » un jour se révèlent souvent infondées quelques années plus tard. Les médias n’en ont cure : il faut que ça saigne, quitte à oublier le lendemain ce qu’on a écrit la veille.

La prétendue « affaire d’Etat » EADS et les soupçons qui pèsent sur ses principaux actionnaires d’avoir commis un délit d’initiés de grande ampleur finiront peut-être en eau de boudin. Et peut-être pas. Que la note compromettante de l’AMF – opportunément tombée dans l’escarcelle de la maison Dassault- soit ou non confirmée, l’essentiel est ailleurs. Le véritable scandale est qu’Arnaud Lagardère n’a pas les capacités requises pour piloter ou co-piloter le premier groupe de Défense européen, fleuron de l’industrie et de la défense de la France. Et c’est peut-être à ce deuxième scandale qu’entendent remédier celui ou ceux qui ont allumé la mèche du premier. Si cette hypothèse est juste, il faut en conclure que les journalistes, croyant traquer la corruption, sont en train de faire le sale boulot pour des manipulateurs plus malins qu’eux.

Au royaume du capitalisme, le principe dynastique a beau être légal, il n’est pas forcément légitime. Les héritiers appelés à présider aux destinées de l’entreprise familiale et, avec elles, à celles de milliers de salariés, ne sont pas toujours à la hauteur. Après tout, même les rois de France n’étaient pas toujours satisfaits de leur progéniture. Seulement, l’incompétence d’un patron, regrettable quand il s’agit de diriger une usine de chaussures ou des magazines féminins, peut se révéler catastrophique dans le cas d’un pilier de la Défense nationale. La direction d’EADS ne peut se jouer à la roulette de l’hérédité.

Jean-Luc Lagardère était un capitaine d’industrie comme il en existe peu, un visionnaire capable d’anticiper les conséquences économiques et technologiques de l’évolution géostratégique du monde, mais aussi un diplomate que les gouvernants traitaient d’égal à égal – en homme d’Etat qu’il était. Diriger EADS suppose de pouvoir prendre le petit-déjeuner avec le chancelier allemand, déjeuner avec le président russe, parler à l’heure du thé avec l’Elysée et dîner avec le roi d’Arabie saoudite. Sans compter qu’il faut être capable de faire coexister plusieurs langues et cultures d’entreprise, de mener un lobbying efficace auprès de plusieurs parlements, gouvernements et armées.

Dans les années 1990, lorsque Paris et Berlin ont décidé de créer un « Boeing » européen, lui qui par une habile politique de rachats avait réussi à faire de Matra l’un des premiers groupes européens d’aéronautique civil et militaire était bien l’homme de la situation pour diriger, main dans la main avec l’Etat la nouvelle entité. Lagardère avait en effet joué un rôle décisif dans l’intégration de l’industrie d’armement française, puis européenne puisque EADS est née de l’alliance entre Matra-Aérospatiale, l’Allemand Daimler-Chrysler et l’Espagnol CASA.

Sa mort soudaine, en 2003, alors qu’il n’avait guère eu le temps de préparer son fils à assumer la suite, a pris au dépourvu les actionnaires d’EADS, à commencer par les Etats français et allemand. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ni Paris, ni Berlin ne se sont pas montrés très efficace dans la gestion de ce dossier sensible. Est-ce leur impéritie et notamment, leur incapacité à montrer gentiment le chemin de la sortie au jeune Lagardère, alors actionnaire à hauteur de 15 %, qu’ils lui font payer aujourd’hui ?
En mars 2006, Arnaud Lagardère avait vendu 7,5 % du capital d’EADS : on imagine bien qu’une telle opération n’aurait pu avoir lieu sans l’accord sur les acheteurs des gouvernements français et allemand et probablement pas sans leur implication active. Quelques mois plus tard, en juin, l’annonce de retards considérables dans le programme A 380 faisait chuter le cours de l’action. Autrement dit, Arnaud Lagardère a vendu au bon moment. « J’ai le choix de passer pour quelqu’un de malhonnête ou d’incompétent, qui ne sait pas ce qui se passe dans ses usines. J’assume cette deuxième version », déclarait-il au Monde le 16 juin. S’il disait vrai, et il y a quelques raisons de le croire, certains semblent aujourd’hui penser qu’il n’a pas tiré de cette découverte les conclusions qui s’imposaient.

En clair, pour la nouvelle direction d’EADS, qui, répétons-le, ne prend aucune décision stratégique sans l’aval de l’Etat, Arnaud Lagardère fait partie d’un passif qu’il s’agit aujourd’hui de solder. Pour la France et pour l’Europe, il est urgent de le remplacer comme actionnaire et plus urgent encore de le décharger de ses responsabilités opérationnelles au sein du groupe. Aurait-on voulu l’encourager à se consacrer à ses activités éditoriales et sportives qu’on ne s’y serait pas pris autrement qu’en faisant opportunément fuiter la fameuse note (ce qui a au passage l’avantage de ternir la réputation de toute l’ancienne équipe). Si la légitimité d’un grand patron repose sur ces deux piliers que sont la compétence et l’honnêteté, Arnaud Lagardère, privé du premier depuis juin 2006, avait tendance à claudiquer. Depuis quelques jours, on peut supposer que quelqu’un essaie de scier le deuxième. Peut-être saura-t-on, dans les semaines qui viennent, à qui profite le crime.

Tournante à France Culture

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De nouveaux chroniqueurs dans la matinale de France Culture, voilà qui excite ma curiosité. Je l’avoue, je me demande immédiatement quels réseaux ou puissances a voulu câliner David Kessler, le directeur de la station. Et là, je sèche – et m’en veux immédiatement pour ma propension à voir le mal partout.

Sur le site des « Matins », j’apprends en effet que cinq nouvelles recrues se partageront le créneau de 7h25 auparavant occupé par l’économiste Olivier Pastré. Ali Baddou, producteur et animateur de la tranche, accueillera le lundi Corinne Lepage sur l’écologie, le droit et la justice, le mardi Caroline Eliacheff sur la vie des nôtres (?), le mercredi Catherine Clément sur les cultures du monde, le jeudi Géraldine Mulhmann sur la presse et le journalisme, et le vendredi Rachida Brakni sur la culture. Je me garderai de critiquer les choix souverains de la direction – encore qu’il y aurait bien quelques petites méchanteries à dire.

Ma perplexité vient de ce que je ne vois pas vraiment la cohérence entre tous ces thèmes. Soudain, la lumière se fait : tous ces chroniqueurs sont des chroniqueuses. En d’autres termes, 7 h 25, c’est l’heure des nanas. Ce nouveau rendez-vous est une tournante – mais à la différence de celles que l’on pratique dans certaines caves, ce sont les femmes qui tourneront. J’imagine la réunion au cours de laquelle a émergé cette brillante idée et le ravissement des dames présentes.

L’ennui, c’est que le présupposé implicite de ce choix est qu’il y aurait une façon spécifiquement féminine de réfléchir, un regard féminin sur le monde et l’actualité. Après la campagne présidentielle, se trouverait-il encore des gens raisonnables pour servir le poncif éculé des femmes qui font de la politique autrement ? Eh bien, à France Culture, on semble penser que les femmes font de la radio autrement. Point de vue banalement machiste. Peu importe ce qu’elles pensent pourvu qu’on ait leur voix.

Me reviennent alors en mémoire quelques mots échangés avec David Kessler le jour où il m’a remerciée (façon de parler). Refusant le lot de consolations qu’il me laissait espérer, jouer les utilités occasionnelles dans une émission, je lui ai répondu que, pour moi, le minimum acceptable serait une chronique quotidienne. « Il est vrai que nous manquons de voix féminines », a-t-il observé, feignant de prendre ma proposition au sérieux. Je me souviens d’avoir alors trouvé hilarante l’idée que ma voix (peu connue pour sa douceur) pourrait contribuer à féminiser l’antenne. Eh bien, j’avais raison. Parce que moi, je n’y suis pas dans la tournante !

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EADS : le problème n’est pas le délit mais l’initié

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C’est un scandale trop beau pour être honnête. On le sait, les accusations qui font la « une » un jour se révèlent souvent infondées quelques années plus tard. Les médias n’en ont cure : il faut que ça saigne, quitte à oublier le lendemain ce qu’on a écrit la veille.

La prétendue « affaire d’Etat » EADS et les soupçons qui pèsent sur ses principaux actionnaires d’avoir commis un délit d’initiés de grande ampleur finiront peut-être en eau de boudin. Et peut-être pas. Que la note compromettante de l’AMF – opportunément tombée dans l’escarcelle de la maison Dassault- soit ou non confirmée, l’essentiel est ailleurs. Le véritable scandale est qu’Arnaud Lagardère n’a pas les capacités requises pour piloter ou co-piloter le premier groupe de Défense européen, fleuron de l’industrie et de la défense de la France. Et c’est peut-être à ce deuxième scandale qu’entendent remédier celui ou ceux qui ont allumé la mèche du premier. Si cette hypothèse est juste, il faut en conclure que les journalistes, croyant traquer la corruption, sont en train de faire le sale boulot pour des manipulateurs plus malins qu’eux.

Au royaume du capitalisme, le principe dynastique a beau être légal, il n’est pas forcément légitime. Les héritiers appelés à présider aux destinées de l’entreprise familiale et, avec elles, à celles de milliers de salariés, ne sont pas toujours à la hauteur. Après tout, même les rois de France n’étaient pas toujours satisfaits de leur progéniture. Seulement, l’incompétence d’un patron, regrettable quand il s’agit de diriger une usine de chaussures ou des magazines féminins, peut se révéler catastrophique dans le cas d’un pilier de la Défense nationale. La direction d’EADS ne peut se jouer à la roulette de l’hérédité.

Jean-Luc Lagardère était un capitaine d’industrie comme il en existe peu, un visionnaire capable d’anticiper les conséquences économiques et technologiques de l’évolution géostratégique du monde, mais aussi un diplomate que les gouvernants traitaient d’égal à égal – en homme d’Etat qu’il était. Diriger EADS suppose de pouvoir prendre le petit-déjeuner avec le chancelier allemand, déjeuner avec le président russe, parler à l’heure du thé avec l’Elysée et dîner avec le roi d’Arabie saoudite. Sans compter qu’il faut être capable de faire coexister plusieurs langues et cultures d’entreprise, de mener un lobbying efficace auprès de plusieurs parlements, gouvernements et armées.

Dans les années 1990, lorsque Paris et Berlin ont décidé de créer un « Boeing » européen, lui qui par une habile politique de rachats avait réussi à faire de Matra l’un des premiers groupes européens d’aéronautique civil et militaire était bien l’homme de la situation pour diriger, main dans la main avec l’Etat la nouvelle entité. Lagardère avait en effet joué un rôle décisif dans l’intégration de l’industrie d’armement française, puis européenne puisque EADS est née de l’alliance entre Matra-Aérospatiale, l’Allemand Daimler-Chrysler et l’Espagnol CASA.

Sa mort soudaine, en 2003, alors qu’il n’avait guère eu le temps de préparer son fils à assumer la suite, a pris au dépourvu les actionnaires d’EADS, à commencer par les Etats français et allemand. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ni Paris, ni Berlin ne se sont pas montrés très efficace dans la gestion de ce dossier sensible. Est-ce leur impéritie et notamment, leur incapacité à montrer gentiment le chemin de la sortie au jeune Lagardère, alors actionnaire à hauteur de 15 %, qu’ils lui font payer aujourd’hui ?
En mars 2006, Arnaud Lagardère avait vendu 7,5 % du capital d’EADS : on imagine bien qu’une telle opération n’aurait pu avoir lieu sans l’accord sur les acheteurs des gouvernements français et allemand et probablement pas sans leur implication active. Quelques mois plus tard, en juin, l’annonce de retards considérables dans le programme A 380 faisait chuter le cours de l’action. Autrement dit, Arnaud Lagardère a vendu au bon moment. « J’ai le choix de passer pour quelqu’un de malhonnête ou d’incompétent, qui ne sait pas ce qui se passe dans ses usines. J’assume cette deuxième version », déclarait-il au Monde le 16 juin. S’il disait vrai, et il y a quelques raisons de le croire, certains semblent aujourd’hui penser qu’il n’a pas tiré de cette découverte les conclusions qui s’imposaient.

En clair, pour la nouvelle direction d’EADS, qui, répétons-le, ne prend aucune décision stratégique sans l’aval de l’Etat, Arnaud Lagardère fait partie d’un passif qu’il s’agit aujourd’hui de solder. Pour la France et pour l’Europe, il est urgent de le remplacer comme actionnaire et plus urgent encore de le décharger de ses responsabilités opérationnelles au sein du groupe. Aurait-on voulu l’encourager à se consacrer à ses activités éditoriales et sportives qu’on ne s’y serait pas pris autrement qu’en faisant opportunément fuiter la fameuse note (ce qui a au passage l’avantage de ternir la réputation de toute l’ancienne équipe). Si la légitimité d’un grand patron repose sur ces deux piliers que sont la compétence et l’honnêteté, Arnaud Lagardère, privé du premier depuis juin 2006, avait tendance à claudiquer. Depuis quelques jours, on peut supposer que quelqu’un essaie de scier le deuxième. Peut-être saura-t-on, dans les semaines qui viennent, à qui profite le crime.

Tournante à France Culture

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De nouveaux chroniqueurs dans la matinale de France Culture, voilà qui excite ma curiosité. Je l’avoue, je me demande immédiatement quels réseaux ou puissances a voulu câliner David Kessler, le directeur de la station. Et là, je sèche – et m’en veux immédiatement pour ma propension à voir le mal partout.

Sur le site des « Matins », j’apprends en effet que cinq nouvelles recrues se partageront le créneau de 7h25 auparavant occupé par l’économiste Olivier Pastré. Ali Baddou, producteur et animateur de la tranche, accueillera le lundi Corinne Lepage sur l’écologie, le droit et la justice, le mardi Caroline Eliacheff sur la vie des nôtres (?), le mercredi Catherine Clément sur les cultures du monde, le jeudi Géraldine Mulhmann sur la presse et le journalisme, et le vendredi Rachida Brakni sur la culture. Je me garderai de critiquer les choix souverains de la direction – encore qu’il y aurait bien quelques petites méchanteries à dire.

Ma perplexité vient de ce que je ne vois pas vraiment la cohérence entre tous ces thèmes. Soudain, la lumière se fait : tous ces chroniqueurs sont des chroniqueuses. En d’autres termes, 7 h 25, c’est l’heure des nanas. Ce nouveau rendez-vous est une tournante – mais à la différence de celles que l’on pratique dans certaines caves, ce sont les femmes qui tourneront. J’imagine la réunion au cours de laquelle a émergé cette brillante idée et le ravissement des dames présentes.

L’ennui, c’est que le présupposé implicite de ce choix est qu’il y aurait une façon spécifiquement féminine de réfléchir, un regard féminin sur le monde et l’actualité. Après la campagne présidentielle, se trouverait-il encore des gens raisonnables pour servir le poncif éculé des femmes qui font de la politique autrement ? Eh bien, à France Culture, on semble penser que les femmes font de la radio autrement. Point de vue banalement machiste. Peu importe ce qu’elles pensent pourvu qu’on ait leur voix.

Me reviennent alors en mémoire quelques mots échangés avec David Kessler le jour où il m’a remerciée (façon de parler). Refusant le lot de consolations qu’il me laissait espérer, jouer les utilités occasionnelles dans une émission, je lui ai répondu que, pour moi, le minimum acceptable serait une chronique quotidienne. « Il est vrai que nous manquons de voix féminines », a-t-il observé, feignant de prendre ma proposition au sérieux. Je me souviens d’avoir alors trouvé hilarante l’idée que ma voix (peu connue pour sa douceur) pourrait contribuer à féminiser l’antenne. Eh bien, j’avais raison. Parce que moi, je n’y suis pas dans la tournante !

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