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De la dictature de l’amour des enfants

Le scoop du siècle est tombé lundi sur les téléscripteurs du monde entier. Nicolas Sarkozy veut-il faire entrer le Pétomane au Panthéon ? Non. Eric Raoult a émis l’idée de nationaliser Gallimard et Flammarion ? Non. La commune d’Alfortville, dans le Val de Marne, vient de décrocher l’effrayant label « Ville amie des enfants ». La mairie de gauche, emmenée par le député-maire Rouquet (PS), s’est longuement – et bruyamment – félicitée de cette réussite dans la presse. Le Parisien nous apprend ainsi qu’il existe un « club très fermé » des villes « amies des enfants » : moins de 200 communes sur 36,000 en sont. Mais c’est quoi être une ville « amie des enfants » ? Mme. Santiago, élue à la petite enfance, se vautre dans la langue de bois la plus délicieuse sans – naturellement – répondre à la question : « C’est une façon de bénéficier des richesses des uns et des autres pour engager de nouveaux projets ». De nouveaux projets certainement « innovants » et nous projetant dans une « dynamique collective de progrès ». Bon, on s’en doute, ce label de l’UNICEF est là pour amuser la galerie. Il dégouline de moraline moderniste, ce macaron « Ville amie des enfants »… il implique certainement l’existence de villes ennemies des enfants, voir des gens parfaitement humains qui n’aimeraient pas – mais alors là pas du tout – les enfants… On pressent que Neuilly-sur-Seine ou Nice ne l’auront jamais ce label, qui est réservé à une élite d’édiles d’élite concentrant leurs efforts politiques sur une population qui n’a même pas le droit de vote. Pour tout vous dire, moi je n’y crois pas ! A la crèche les zenfants !

Eloge d’Herman Van Rompuy

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van-rompuy

Je n’ai pas l’honneur d’avoir été présenté à lady Catherine Ashton, désignée pour diriger la diplomatie européenne (on aura noté la prudence linguistique de la presse française qui ne se risque pas encore à féminiser le titre de Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère… ) et je me permettrai donc pas de porter de jugement hâtif sur madame la baronne.

Ayant quelque peu fréquenté la vie politique belge à la fin du siècle dernier, je fais partie des rares privilégiés à connaître le visage, le parcours et les petites manies du nouveau président du Conseil européen. N’ayant jamais été un fan des Flamands bigots et rageusement nationalistes, je n’en suis que plus à l’aise pour trouver outranciers, voire à la limite du racisme anti-belge, les commentaires qui ont accompagné sa nomination. Gris, sans relief, quasi inconnu des grands de ce monde, discret au delà du raisonnable, plus petit dénominateur commun, choisi pour ne faire de l’ombre à personne, voilà les amabilités que lui ont values sa promotion.

On le montre déjà en intendant obséquieux opinant du chef à la moindre injonction de Nicolas, Angela ou Gordon.
Les plus bruyants dans cette character assassination sont les commentateurs eurobéats du genre Bernard Guetta (mais il n’est pas le seul) qui n’ont pas encore enregistré dans leur petite tête d’éditorialiste que leur rêve fédéral européen s’est envolé pour toujours, ce que même un Michel Rocard a fini par comprendre. Ils font donc porter à ce pauvre Van Rompuy, et accessoirement à Catherine Ashton le poids de leur frustration.

Revenons donc à ce brave Herman. Pour qui connaît un peu les Flamands, ces bons vivants susceptibles, excellents convives et grandes gueules, plus madrés que subtils, accueillants à tous, sauf à leurs compatriotes francophones et farouchement nationalistes, il tranche nettement dans le tableau. Certes, il est catho, et même catho grave, revenu à la foi après l’avoir perdu dans sa jeunesse. C’est un homme politique wallon, Gérard Deprez qui a trouvé la meilleure formule pour décrire la personnalité de Van Rompuy, « un bon vivant camouflé dans un cierge ». C’est un féru de philosophie thomiste et un amateur de poésie orientale – il parsème son blog de haïku de son cru que seule ma méconnaissance crasse du néerlandais m’empêche d’apprécier à leur juste valeur.

Bon et alors ? Un pilier de sacristie doublé d’un esthète délicat, c’est un peu court pour prétendre incarner notre belle Union européenne sur la planète, d’être le « numéro de téléphone » vainement cherché jadis dans l’annuaire par cette fripouille d’Henry Kissinger, rétorqueront les offusqués du vendredi matin.

Ce n’est pas parce la Belgique est un petit pays qu’il est plus facile d’y faire de la politique, bien au contraire. En proie à des forces centrifuges qui menacent chaque jour davantage son unité, voire son existence comme Etat-nation, le royaume de Belgique a engendré une génération d’hommes et de femmes politiques ayant la capacité de gérer une machine institutionnelle incroyablement complexe. Ils sont capables de naviguer de compromis en compromis, pour retarder une échéance pourtant inéluctable, celle qui verra un jour la Flandre choisir d’assumer seule son destin.

Dans cette catégorie de politiciens, Herman van Rompuy est loin d’être le moins doué, même s’il ne joue pas le jeu de la pipolisation et de la médiatisation dans lequel excellent certains de ses collègues, Flamands comme francophones. Depuis son arrivée à la tête du gouvernement fédéral, en décembre 2008, les tensions communautaires se sont plutôt apaisées, alors que son prédécesseur Yves Leterme, également membre du parti chrétien-social flamand les avaient, lui, portées à incandescence. Son remplacement pose d’ailleurs un sérieux problème, car on craint que personne ne soit capable d’empêcher Yves Leterme, toujours aussi populaire en Flandre, de redevenir Premier ministre…

Les institutions européennes issues du Traité de Lisbonne, les plus baroques que l’on ait pu imaginer dans l’histoire de la coopération entre les nations, semblent avoir aujourd’hui plus besoin d’un bon artisan de la fabrication des compromis que d’un leader flamboyant prêt à renverser la table.. et à se retrouver à poil.

Et il n’est pas sûr, de surcroît, que ce Van Rompuy n’étonne pas son monde, amenant ceux qui le moquent aujourd’hui à faire amende honorable, ce qui serait nouveau.

Nuit gravement à la nuit

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Harcelée de toutes parts par les professionnels de la nuit, qui voient se multiplier les interdictions, contrôles divers, voire fermetures administratives d’établissements, la Ville de Paris a décidé de réagir en force. Monsieur le Maire-le-plus–branché-du-monde n’appréciant sans doute pas de passer pour un rabat-joie ou pire, un antifestif, il a donc concocté une usine à gaz destinée à réconcilier la municipalité avec les patrons de boite. Le bidule participatif en question a été joliment intitulé « Paris Nightlife », un anglicisme subtil qui fait a peu près aussi classieux dans le registre clubbing que « Macumba Wonder Lounge, Free drinks gratuits jusqu’à 22h30 heures pour les girls non accompagnées, ambiance hot garantie ». Le pire c’est Paris-Nightlife a été présenté à la presse mercredi dernier à 11 heures du matin. Or à cette heure-là, un travailleur de la nuit, ça dort, et faut quand même être assez doué pour ne pas s’en douter. Visiblement la concertation est déjà bien engagée…

Afghanistan : Obama se hâte lentement

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Flickr / U.S. Army
Flickr / U.S. Army

Malgré les pressions et les pertes record de l’armée américaine, Barack Obama ne se précipite pas pour élaborer une nouvelle stratégie en Afghanistan. Comme tout le monde, il sait que le succès des Talibans repose sur deux éléments : une base arrière sûre au Pakistan, notamment dans la province de Waziristân, et la désespérante défaillance du « non-Etat » afghan. D’un côté un vide de gouvernance, de l’autre de quoi le remplir et entre les deux une frontière qui n’existe que sur les cartes d’état-major. Et si le diagnostic est le début de la solution, le remède semble pour le moment échapper à la Maison blanche et au Pentagone.
Il y un peu plus d’un an, le candidat Obama paraissait sûr de son coup. Il savait ce qu’il fallait faire. Face au sénateur McCain, il affirmait que l’Afghanistan était le principal défi des Etats-Unis et s’était engagé, s’il était élu, à renforcer le contingent US. Aujourd’hui, il n’a toujours pas donné l’ordre d’envoyer les 40 000 soldats supplémentaires réclamés par le général McCristal, le commandant en chef des troupes américaines en Afghanistan.

Le problème d’Obama est qu’il a compris l’essentiel : il n’y a pas de solution militaire. Faute d’une vision stratégique régionale, le succès d’une « inondation » de l’Afghanistan par des GI’s ne peut être qu’éphémère. Or, les dernières « élections » présidentielles afghanes ont révélé le bilan désespérant du fameux « state-building » et les récentes révélations concernant le frère cadet du président Karzai – impliqué dans un trafic de drogue et payé par la CIA – ne font que renforcer le sentiment que cet arbre-là ne donnera que des fruits amers.

Sur le front du Pakistan, la situation est tout aussi inquiétante – et même plus compte tenu de la taille et de la puissance, notamment nucléaire, de ce pays. Sans l’engagement de l’armée pakistanaise dans une guerre systématique visant à prendre le contrôle effectif des zones tribales – notamment mais pas seulement le Waziristân – et une politique déterminée de la part du gouvernement d’Islamabad de contenir les militants islamistes et traiter les problèmes qui les font prospérer, les efforts et les sacrifices de l’Otan en Afghanistan resteront vains. Aucune stratégie ne peut être élaborée sans l’accord des Pakistanais, car une pression d’un côté de la (théorique) frontière produit des effets immédiats de l’autre côté. Si les Américains décidaient finalement d’envoyer plus de troupes dans le cadre du « surge », les insurgés traverseront simplement la frontière pour trouver refuge au Pakistan – comme l’avait probablement fait Oussama ben Laden –, ce qui déplacera le problème et rendra la prise de contrôle du sud Waziristan encore plus difficile et couteuse pour l’armée pakistanaise.

Obama applique au dossier son approche globale, suivant les recommandations de Stephen P. Cohen, du Brookings Institute, à qui la Maison Blanche vient de commander un rapport, histoire de montrer que le président ne reste pas les bras croisés.
« Le Pakistan d’abord » : ainsi pourrait-on résumer la « doctrine Obama ». Or, pour stabiliser le Pakistan, il faut s’attaquer à ses relations avec l’Inde, autrement dit s’occuper de la question du Cachemire. L’envoyé spécial de Washington en Afghanistan-Pakistan, le diplomate chevronné Richard Holbrooke, s’est donc attelé à ce dossier.
Parallèlement, Obama a profité de sa dernière visite en Chine pour demander à ses hôtes d’utiliser leur influence sur Islamabad. Il n’est pas certain que les Indiens apprécient une intervention chinoise dans leur arrière-cour, mais le président américain semble, là encore, suivre Cohen qui recommande d’impliquer des pays tiers pour parvenir à une stabilisation régionale. En attendant la mise en place de ce vaste et subtil dispositif diplomatique, la dimension militaire de l’équation est réduite à des actions de pompiers dont le rôle principal est de limiter les dégâts, le temps de réunir les conditions d’une lutte efficace et définitive contre l’incendie. L’ennui, c’est que pendant qu’Obama prépare l’avenir à long terme, la situation sur le terrain pourrit et la donne risque de changer. Comme au Moyen Orient.

Les mois passent et l’Amérique donne l’image d’une Administration rongée par le doute et d’un président qui hésite de franchir le pas. Et si Washington doute, que peut-on attendre des Afghans ? Même si l’option d’un « lâchage » américain n’est sans doute pas la plus probable, chaque Afghan lucide est obligé d’envisager son propre « scénario de sortie », autrement dit de réfléchir au moyen de ne pas être égorgé si les Américains décidaient de partir « à la saigonnaise ». Pour le régime de Kaboul, cet état d’esprit est désastreux.  Mais ce n’est pas tout. À Islamabad, Karachi et Lahore aussi la possibilité d’un retrait américain unilatéral ne peut plus être écartée. Dans ces circonstances, les services pakistanais n’ont pas besoin de nouveaux arguments pour justifier un double jeu vis-à-vis des Talibans afghans. Or l’objectif suprême des Etats-Unis est justement de convaincre les Pakistanais de lâcher cette carte et de s’engager franchement à étouffer tous les foyers du militantisme.

Festina lente, hâte-toi lentement, disait l’empereur Auguste. L’état actuel de l’Empire américain ne permet pas ce luxe au président Obama. S’il n’agit pas rapidement il sera bientôt trop tard. Pour l’Afghanistan, pour l’Amérique. Et pour le monde entier.

Le Colonel est cinglé

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<em>Le Monde de Glen Baxter</em> vient de paraître aux éditions Hoebeke.
Le Monde de Glen Baxter vient de paraître aux éditions Hoebeke.

Depuis tantôt trente ans, Glen Baxter publie des recueils de dessins légendés. Jusque là, rien de plus banal – mais jusque là seulement parce que, chez cet énergumène, tout est savamment décalé. Dans son art, à coup sûr, Baxter est fou au sens où Chesterton écrivait : « Le fou est celui qui a tout perdu sauf la raison. » Mais à ce compte-là, et puisque je donne dans la cuistrerie ces temps-ci, Boileau ne disait-il pas déjà qu’« un désordre savant est un effet de l’art » ?

Le savant désordre baxtérien est partout. Dans son dessin bien sûr, trop poli pour être honnête : le trait en est naïf et les couleurs léchées, si bien qu’à première vue il semble tout droit sorti d’une BD pour enfants des années vingt. Mais déjà, certains détails mettent la puce à l’œil. Pourquoi diable Oncle Edward découpe-t-il la dinde de Noël à la tronçonneuse ? Et d’ailleurs, comment se fait-il que les personnages principaux de Baxter soient toujours des oncles, des cowboys, des explorateurs ou des scouts ?

Attention, j’ai pas dit qu’il était gay ! Il semble plutôt que ce grand garçon n’ait jamais grandi, comme Peter Pan et son inventeur James M. Barrie[1. Sans parler de Michaël Jackson – qui avait quand même baptisé sa propriété Neverland.]. Quoi qu’il en soit, inutile de chercher des réponses dans ses légendes : elles ne font qu’épaissir le doute sur un dessin déjà « déconstruit ». Visiblement Le Monde de Glen Baxter » (titre de son dernier recueil, publié comme toujours chez Hoëbeke) lui est très personnel.

Eh bien, ça ne m’empêche pas de m’y sentir chez moi – comme certains amis au royaume de Patagonie, ou d’autres, moins boute-en-train, à l’université populaire de Caen. En demandant à rencontrer le personnage, je m’attendais donc à devoir jongler entre ses divers degrés d’humour sans rater trop de marches… Ce que j’ignorais en revanche, c’est que Mr Baxter ne souhaite s’exprimer qu’en anglais. Je l’ai compris, mais un peu tard, quand je suis entré dans le grand salon de l’hôtel d’Aubusson. Cinq heures du soir, un coin de canapé cosy, sur la table une théière et dans ses yeux une île.

Où qu’il aille, me suis-je dit, ce type-là transporte avec lui sa petite Angleterre ; il n’en sortira pas. À moi donc de traverser la Manche qui nous sépare – moi qui ne sais pas nager en anglais.
Quand je pense que ce gougnafier lit Roussel et Perec dans le texte ! Mais bon, c’est moi qui ai demandé à le voir…

– D’où vous vient ce titre de « colonel » ? Vous avez vraiment fait l’armée ?
– Inutile ! Je suis né colonel, et en grand uniforme ! Mes parents étaient les premiers surpris, d’ailleurs.
– Euh et depuis, aucune promotion ? Vous n’avez jamais voulu devenir général ?
– Trop prétentieux… Colonel, c’est parfait pour moi.
– Le décalage systématique entre dessins et légendes peut provoquer chez le lecteur non averti un malaise, voire une certaine angoisse…
Anguish est un autre mot pour English[2. Jeu de mots sur « angoisse » et « anglais » (qui perd beaucoup à la traduction).].
– Vos cowboys sont de grands amateurs d’art moderne, mais en revanche ils détestent le tofu ; vous partagez leurs goûts ?
– Je préfère le figuratif à l’abstrait ; quant au tofu, je crois les avoir convaincus : c’est l’aliment parfait, qui peut remplacer tous les autres.
– Et votre fascination pour Google ?
– Vous n’avez qu’à googler « google » sur Google, et vous comprendrez…
– Est-il vrai que, depuis votre enfance bègue, vous rêvez de pratiquer le yodl ?
– Oui, c’est une technique vocale très étrange pratiquée à la fois par les Suisses, les Pygmées, les cowboys et les fermiers japonais.
– Il y aurait donc un lien entre le tofu des cowboys et le yodling japonais ?
– Sans doute…
– Depuis trente ans, vous faites des dessins légendés. Vous n’avez jamais été tenté de séparer les deux ? Dessiner d’un côté, écrire de l’autre ?
– Si, une fois j’ai essayé de faire disparaître les dessins : ça a donné un poème… Hélas, il m’a été confisqué par la douane américaine.
– (…)
– Vous ne saviez pas ? Il est interdit d’importer de la poésie aux Etats-Unis !
– Il paraît que vous ne répondez jamais aux questions personnelles ?
– D’abord, comment savez-vous que vous parlez à Glen Baxter ?
– C’est votre attachée de presse qui me…
– Glen Baxter porte une moustache, pas moi !
– Ok, dans quel pays étranger Glen Baxter est-il le plus connu ?
– La France, la Belgique, la Hollande, les Etats-Unis, le Japon… Il paraît que c’est plus difficile en Iran.
– Vous dites pratiquer le « sabotage » du monde réel. Qu’est ce que vous lui reprochez ?
– Il est absurde, non ? A propos, il vous reste combien de questions ?
– Euh comme vous voulez, cinq minutes ça va ?
– Sept[3. L’entretien durera encore 35 minutes.].
– Quelques questions sur vos goûts, ça va ?
– Parfait.
– Qu’est-ce que vous admirez chez Raymond Roussel ?
– J’aime beaucoup Impressions d’Afrique, mais mon préféré c’est Locus Solus : Roussel décrit des choses incroyables, et puis il en donne des explications encore plus incroyables. (Sans même que je m’en rende compte, Baxter vient de décrire son propre travail. Réveille-toi Basile, c’est l’heure du thé !)
– Vous allez au cinéma ?
– Quand j’étais enfant, les films étaient projetés en continu. On entrait n’importe quand, et on voyait le film par le milieu ; c’était beaucoup mieux. Quel ennui, d’aller au cinéma et de voir un film par le début !
– Vous écoutez de la musique ?
– Je suis très intéressé par le ukulélé ; je le pratique moi-même, mal hélas. Mais j’ai une grande admiration pour le Ukulele Orchestra of Great Britain. Ils jouent tous les répertoires, de Beethoven aux Sex Pistols. J’ai même rencontré dans un bar à Amsterdam un couple qui a créé un duo ukulélé-scie : très intéressant !
– Une référence en philosophie ?
– Wittgenstein, bien sûr ! Tout est simple et direct chez lui : 1.1, 1.2, 1.3. C’est construit presque comme des haïkus. D’ailleurs, parfois mes cowboys discutent de son œuvre, et ils en viennent à parler allemand. (Baxter se met à citer « dans le texte », sans que je sache trop si c’est Wittgenstein ou les cowboys).

Que répondre à ça – et dans quelle langue ? De toute façon, j’ai déjà largement dépassé le temps qui m’était imparti et L’Express arrive sous les traits de Marianne – à moins que ce ne soit l’inverse.
Encore impressionné d’avoir rencontré ce maître du « Walk on the wild side », déjà anxieux à l’idée de vous le raconter, je prends congé maladroitement. Merci mille fois, une dédicace s’il vous plaît, et encore pardon Colonel :

– My english is terrible !
– Your anguish is perfect !

Voilà, les jeunes. J’ai vu une île à la jumelle, et je vous donne sa position, pour les navigateurs qui viendraient à croiser dans la région.

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France 2 fait lanterner le CRIF

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Cela fait maintenant plus d’un an que Patrick de Carolis, PDG de France Télévisions, a accepté la demande de Richard Prasquier, président du CRIF, de former un groupe d’experts pour faire toute la lumière possible sur l’affaire Enderlin-Al Dura. Réunies sous l’égide de Patrick Gaubert, président de la LICRA, les deux parties s’accordent pour faire venir Jamal Al Dura à Paris, pour qu’il soit soumis à des examens médico-légaux. Ceux-ci devraient confirmer, ou infirmer la version de France 2, selon laquelle il a été grièvement blessé par des tirs israéliens à Gaza le 30 septembre 2000. Aujourd’hui, Richard Prasquier s’impatiente et le fait savoir à Patrick de Carolis. Ce dernier argue du fait que, bloqué à Gaza, Jamal Al Dura, ne peut aller faire renouveler son passeport périmé à Ramallah. Les autorités israéliennes ont fait savoir à Richard Prasquier qu’à ce jour aucune demande de laissez-passer n’a été formulée ni par France 2, ni par Jamal Al Dura. Elles ajoutent qu’elles ne mettraient aucun obstacle à ses déplacements si une telle demande leur parvenait. Alors Patrick, qu’est-ce qu’on attend ?

Atchoum pachtoun

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Enfin une bonne nouvelle en provenance d’Afghanistan : l’essentiel de l’épidémie H1N1 serait passée et les établissements scolaires qui étaient fermés depuis plusieurs semaines vont pouvoir rouvrir. Le ministre de l’éducation nationale recommande cependant de continuer à porter un masque dans les transports. On peut penser que les femmes en burqua en sont dispensées pour éviter l’asphyxie pure et simple. Il ne faut pas oublier tout de même que la Grippe A a fait onze morts dans le pays, soit à peu près le score moyen d’un taliban quand il ouvre le feu dans une cour de récréation s’il a bien pris soin de se moucher afin de ne pas éternuer pendant une rafale, ce qui est toujours dommageable pour la précision du tir.

Ils étaient où, les drapeaux français ?

drapeau-algerien

Finalement, ce débat sur l’identité nationale, dont on attend toujours qu’il commence vraiment, ne tombait pas si mal. Les matches de barrage pour la qualification à la Coupe du Monde, laquelle bien entendu hante les nuits de tous les Français, se sont chargés de nous le rappeler. On glissera rapidement sur la métaphysique question de la main de Thierry Henry, pauvre organe de hasard qui a maintenant reçu la lourde charge de masquer, à lui seul, toute la réalité, pour en arriver à deux phénomènes étranges qui, si la bonne foi n’avait pas déserté l’arène du débat, ne devraient pas manquer d’en interroger les participants, en premier lieu les plumes qui se relaient depuis un mois dans toute la presse pour affirmer qu’il n’y a pas d’identité nationale, qu’il n’y en a jamais eu, n’y en aura jamais, que ces termes ne veulent rien dire et que si par inadvertance il leur arrivait qu’ils aient un sens, il ne pourrait être que sombre comme les heures de notre histoire, collaborationniste, extrême-droitier, barréso-maurrassien, menteur comme la terre, bref raciste.

Ces deux phénomènes sont apparus concomitamment quoiqu’ils soient d’apparence contradictoire. Le premier n’est pas neuf, puisque nous le revivons au bas mot tous les quatre ans mais son occurrence ne manquait pas de sel : le rassemblement de tous les Français derrière les Bleus pour conjurer le ciel de leur accorder le fameux ticket pour l’Afrique du Sud. Au moment même où un chœur de vierges effarouchées réaffirmait ce que nul n’aurait jamais dû oublier, qu’il n’y a pas d’identité française, ce réflexe ininterrogé qui consiste à se ranger spontanément comme un seul homme derrière une équipe griffée France ne laissait de piquer la curiosité de l’observateur de Sirius. Quoi donc ? Ces esprits forts à qui on ne la fait pas avec le coup moisi de la nation n’échappaient pas, pour aucun d’entre eux, au chauvinisme ranci qui fait les joies du sport, et particulièrement des sponsors et autres annonceurs de ces événements populaires ? Comment ? Parce qu’on leur a dit qu’ils étaient français, ils soutiendraient tous l’équipe de France ? Décidément, la réaction avait de beaux jours devant elle. C’était presque faire le jeu du Front National que de soutenir l’équipe de Raymond Domenech.

C’est là qu’intervint providentiellement le second phénomène. Le hasard voulait qu’au soir de ce 18 novembre 2009, il n’y eut pas que la France qui disputât un match de barrage, mais aussi l’Algérie dont le départ était mal entamé. Peu importait à nos fiers supporters, pouvait-on supputer, que l’Algérie ou l’Egypte l’emportât. Tant que nous, on y était. Mais non. C’était encore douter de la clairvoyance de ce peuple libre. Car le match franco-irlandais n’était pas même achevé que la liesse, selon le mot désormais consacré, s’emparait des rues de toutes les villes de France dignes de ce nom. Paris n’était plus qu’un brasier d’enthousiasme, un creuset du bonheur. Partout des voitures klaxonnant d’enthousiasme, des grappes de jeunes gens hissés sur la portière et même sur le toit, des bolides sillonnant les boulevards pour partager leur sentiment de délicieuse victoire. Partout, dans les mains, à l’arrière des voitures, enroulé sur la tête, flottant au vent, des drapeaux. Un drapeau, en fait. Qui n’était pas bleu blanc rouge.

La communion de la foule se faisait sous les couleurs algériennes. Quiconque a traversé les rues de Paris à cet instant-là s’en souviendra toute sa vie : la ville repeinte en rouge blanc vert où l’immense gonfanon bleu blanc rouge qui bat sous l’arc de triomphe était cerné de partisans de l’équipe d’Algérie dont la fierté s’habillait des teintes ultra-méditerranéennes.

Ce second phénomène possède donc l’avantage immense de nous apprendre que contrairement à ce que pouvait laisser prévoir le premier, les habitants de l’Hexagone ne sont pas tous prêts à obtempérer à l’ordre de mobilisation nationale proféré en choeur par la Coupe du Monde de football et le Ministre de l’Intégration. Monsieur Besson a du souci à se faire.

Mais il en a plus à se faire encore si l’on considère l’autre enseignement de ce phénomène : c’est que si la population de ce pays refuse d’arborer le drapeau français, elle ne rechigne pas à brandir l’Algérien. Qu’il y a donc une bonne partie de ce pays à rééduquer, si elle croit pouvoir mettre sa dignité dans des colifichets d’un autre âge témoignant d’une insupportable fermeture d’esprit à l’autre. A moins que l’on argue du fait que l’identité nationale (qui n’existe pas, rappelons-le) ne puisse être invoquée que dans le cas où l’on vivrait dans un autre pays que le sien, ce que ne manqueront pas de plaider les contempteurs de la proposition Besson. On ne doute pas d’ailleurs que les Français expatriés en Algérie aient manifesté avec des cocardes toute la nuit pour fêter la victoire de Thierry Henry. On dit même que les anciens du FLN en ont été ravis, à qui cela rappelait leur jeunesse.

Enfin, si l’on sort de ces gamineries pour passer dans le symbolique, on s’étonne que personne dans ce pays, parmi le pouvoir, les hommes politiques, les intellectuels, les psychanalystes, les sociologues, ne prenne la mesure de l’injure faite, sinon au peuple français, au moins au bon sens l’autre soir. Il ne s’agissait pas du match que l’Algérie vaita gagné ; il s’agissait du match que la France avait gagné. Et nulle part, dans les rues, de supporters des Bleus en délire, nulle part les insignes rituels de la France qui resurgit à l’improviste les jours de rencontre sportive. France ! qu’as-tu fait de tes drapeaux ? France ! Où sont tes supporters prêts à mettre le feu pour fêter ta victoire ? France ! Où est passé ton amour de Platoche et de Zizou ? France ! qu’as-tu fait des promesses de 1998 ?

Nos gouvernants n’ont sans doute pas à l’esprit qu’un peuple contemporain qui ne s’exprime même plus les soirs de victoire footballistique est soit mort, soit en train de conspirer sa révolte.

La seconde réponse est la plus probable.

Eloge de la fessée

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Dans la série Les écrans de fumée de l’UMP pour faire diversion sur les chiffres catastrophiques du chômage et sur la violence des rapports de production toujours plus grande, la pédiatre Antier, députée de droite, fait la gentille sociétale en déposant une loi pour interdire la fessée. L’ami François est déjà intervenu sur cette douloureuse question mais comme la pédiatre Antier ne fait pas les choses à moitié, il faut organiser la résistance. Non seulement, ils nous affament mais en plus ils veulent normaliser la sexualité. En effet, toutes ces charmantes perversions entre adultes consentants, que deviendront-elles si ces derniers ont eu une enfance aussi aseptisée qu’une salle d’attente? Alors un conseil : lisez, ou relisez le délicieux livre de Jacques Serguine, Eloge de la fessée (Folio). Vous verrez tout ce que les générations futures risquent de perdre à cause de la pédiatre Antier. Et en attendant, chers Causeurs, fessez-vous les uns les autres. Amen.

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Les trains ratés de Ségolène

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Il ne suffit pas de détester Ségolène Royal. Encore faut-il savoir pourquoi. Le vrai pourquoi, s’entend. Pas l’épidermique, ni le politique. Pour tout dire, nous pensons que les gens qui apprécient son style ou partagent ses opinions ont encore plus de raisons que quiconque d’être furieux contre elle. C’est quand même eux qu’elle a grugés le plus raide.

Le divorce à l’italienne avec Vincent Peillon, savamment mis en scène et pré-vendu aux médias à la manière du mariage de Tony Parker et Eva Longoria, est en effet le énième épisode d’un soap en apparence assez traditionnel dans son écriture (la petite nana sortie de nulle part qui à la fin triomphe des gros méchants, genre Erin Brokovitch), mais en réalité son scénario est résolument moderne. On est plus près de Twin Peaks que de Plus belle la vie : on n’y comprendra rien si on oublie que tout ce qui se passe d’important n’est pas montré à l’écran. Non pas parce qu’il y a dissimulation – ce qui en politique est un non-événement – mais parce que ce qui est crucial, c’est ce qui n’est pas advenu.

Ce qui n’est pas advenu, c’est essentiellement une chose : le divorce de Ségolène d’avec un parti qui n’a jamais vraiment voulu d’elle. A deux cents occasions, elle a dit et redit que le parti était usé, sclérosé, fossilisé. On peut partager ce constat, ou pas. Mais, en partant du postulat que Ségolène croit à ce qu’elle dit, on est bien obligé de se demander ce qu’elle fiche encore là-dedans. Ce constat de mort clinique de la gauche social-démocrate dans sa forme-parti du moment n’a en soi rien de neuf, d’autres l’ont fait avant elle. Parier sur la mort du parti a toujours fait partie de la vie d’un parti, et plus spécialement de ce parti. C’est d’ailleurs ainsi qu’est né le PCF à Tours en 1920 après la Révolution d’Octobre. C’est ainsi que les socialistes qui refusaient la guerre d’Algérie ont fondé le PSU. Quant au plus illustre des socialistes français du XXe siècle, c’est essentiellement à l’extérieur du PS qu’il a fait sa vie politique : François Mitterrand n’a rejoint la grande famille socialiste qu’à l’occasion du Congrès d’Epinay, pour en devenir illico le chef. Avant d’arriver à ses fins, le maire de Château-Chinon avait navigué dans une myriade de micro-partis ou de clubs centre-gauche fauchés, mais qui présentaient tous le même avantage: c’était lui le chef, charbonnier est maître chez soi !

Oui, pour sauver la social-démocratie dénoncée par icelle comme grabataire, l’électrochoquer, la transcender, la ressusciter, Ségolène aurait dû sortir du PS, préliminaire obligé à toute velléité de reconquista. Elle a eu de multiples occasions pour le faire, et par le haut. Elle pouvait quitter le parti après la présidentielle, où l’appareil a tout fait pour lui savonner la planche –l’histoire entière de ce complot florentin reste à écrire, mais bon, on a des yeux pour voir. Elle aurait pu claquer la porte après les journées des dupes à Reims. Elle pouvait aussi tirer sa révérence après les palinodies de commission de récolement. Elle aurait même pu, à la limite, s’appuyer sur la bérézina des européennes pour tenter une OPA plus ou moins amicale sur le nouvel électorat vert qui, massivement, correspond au noyau dur de celui qui fut le sien à la présidentielle. Mais bon, elle ne l’a pas fait. Et comme elle ne nous a pas confessé pourquoi, et que Françoise Degois n’est plus sur France Inter pour nous l’expliquer, il ne nous reste plus donc qu’à conjecturer

Si on penche pour une vision analytique, on dira que Ségolène n’a pas franchi le Rubicon (à l’envers, de fait) parce qu’il lui est insupportable de conceptualiser que le parti institutionnel voire intermédiaire, le parti des conseillers généraux madrés et des jeunes chargés de mission à lunettes Mikli la rejette, ne l’aime pas.

Le cynique, lui y verra une histoire de cagnotte (une campagne, comme dirait une amie commune, ça se paye pas avec des saucisses). Une histoire de fédés qu’on peut peut-être garder ou gagner (il faut un appareil même si on le déteste, seul moyen de mettre les braves militants en rangs d’oignons pour aller faire le boulot). Il faudrait pas non plus négliger la noria de désirdaveniristes trépignants à placer qui aux cantonales, qui aux régionales, voire dans un cabinet de maire quelconque pour les moins doués. Quitter Solferino, ça commence forcément un peu comme un saut dans le vide. Pas sûr que même les plus vaillants y soient prêts. Pas sûr, par exemple qu’une Najat Belkacem ou une Delphine Batho restent ségolénistes très longtemps si ses perspectives immédiates d’ascension politique se transmutent en aller-simple pour une traversée du désert, exercice dont on ne sort grandi que quand on n’y laisse pas sa peau. À preuve Aurélie Filippetti, qui fut longtemps plus ségoléniste que Ségo avant de l’abandonner en rase campagne (des européennes), ce qui ne veut pas dire, qu’elle ne reviendra pas un jour, of course.

Enfin, on pourra opter pour une approche au ras des pâquerettes. Si Ségolène n’a pas été capable de quitter le parti pour mieux le reconquérir, c’est tout bêtement qu’elle n’en avait pas le cran, dirons pour rester poli quand on parle d’une dame.

N’est pas Mitterrand qui veut. Si ma tante en avait, on l’appellerait Tonton.

De la dictature de l’amour des enfants

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Le scoop du siècle est tombé lundi sur les téléscripteurs du monde entier. Nicolas Sarkozy veut-il faire entrer le Pétomane au Panthéon ? Non. Eric Raoult a émis l’idée de nationaliser Gallimard et Flammarion ? Non. La commune d’Alfortville, dans le Val de Marne, vient de décrocher l’effrayant label « Ville amie des enfants ». La mairie de gauche, emmenée par le député-maire Rouquet (PS), s’est longuement – et bruyamment – félicitée de cette réussite dans la presse. Le Parisien nous apprend ainsi qu’il existe un « club très fermé » des villes « amies des enfants » : moins de 200 communes sur 36,000 en sont. Mais c’est quoi être une ville « amie des enfants » ? Mme. Santiago, élue à la petite enfance, se vautre dans la langue de bois la plus délicieuse sans – naturellement – répondre à la question : « C’est une façon de bénéficier des richesses des uns et des autres pour engager de nouveaux projets ». De nouveaux projets certainement « innovants » et nous projetant dans une « dynamique collective de progrès ». Bon, on s’en doute, ce label de l’UNICEF est là pour amuser la galerie. Il dégouline de moraline moderniste, ce macaron « Ville amie des enfants »… il implique certainement l’existence de villes ennemies des enfants, voir des gens parfaitement humains qui n’aimeraient pas – mais alors là pas du tout – les enfants… On pressent que Neuilly-sur-Seine ou Nice ne l’auront jamais ce label, qui est réservé à une élite d’édiles d’élite concentrant leurs efforts politiques sur une population qui n’a même pas le droit de vote. Pour tout vous dire, moi je n’y crois pas ! A la crèche les zenfants !

Eloge d’Herman Van Rompuy

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van-rompuy

Je n’ai pas l’honneur d’avoir été présenté à lady Catherine Ashton, désignée pour diriger la diplomatie européenne (on aura noté la prudence linguistique de la presse française qui ne se risque pas encore à féminiser le titre de Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère… ) et je me permettrai donc pas de porter de jugement hâtif sur madame la baronne.

Ayant quelque peu fréquenté la vie politique belge à la fin du siècle dernier, je fais partie des rares privilégiés à connaître le visage, le parcours et les petites manies du nouveau président du Conseil européen. N’ayant jamais été un fan des Flamands bigots et rageusement nationalistes, je n’en suis que plus à l’aise pour trouver outranciers, voire à la limite du racisme anti-belge, les commentaires qui ont accompagné sa nomination. Gris, sans relief, quasi inconnu des grands de ce monde, discret au delà du raisonnable, plus petit dénominateur commun, choisi pour ne faire de l’ombre à personne, voilà les amabilités que lui ont values sa promotion.

On le montre déjà en intendant obséquieux opinant du chef à la moindre injonction de Nicolas, Angela ou Gordon.
Les plus bruyants dans cette character assassination sont les commentateurs eurobéats du genre Bernard Guetta (mais il n’est pas le seul) qui n’ont pas encore enregistré dans leur petite tête d’éditorialiste que leur rêve fédéral européen s’est envolé pour toujours, ce que même un Michel Rocard a fini par comprendre. Ils font donc porter à ce pauvre Van Rompuy, et accessoirement à Catherine Ashton le poids de leur frustration.

Revenons donc à ce brave Herman. Pour qui connaît un peu les Flamands, ces bons vivants susceptibles, excellents convives et grandes gueules, plus madrés que subtils, accueillants à tous, sauf à leurs compatriotes francophones et farouchement nationalistes, il tranche nettement dans le tableau. Certes, il est catho, et même catho grave, revenu à la foi après l’avoir perdu dans sa jeunesse. C’est un homme politique wallon, Gérard Deprez qui a trouvé la meilleure formule pour décrire la personnalité de Van Rompuy, « un bon vivant camouflé dans un cierge ». C’est un féru de philosophie thomiste et un amateur de poésie orientale – il parsème son blog de haïku de son cru que seule ma méconnaissance crasse du néerlandais m’empêche d’apprécier à leur juste valeur.

Bon et alors ? Un pilier de sacristie doublé d’un esthète délicat, c’est un peu court pour prétendre incarner notre belle Union européenne sur la planète, d’être le « numéro de téléphone » vainement cherché jadis dans l’annuaire par cette fripouille d’Henry Kissinger, rétorqueront les offusqués du vendredi matin.

Ce n’est pas parce la Belgique est un petit pays qu’il est plus facile d’y faire de la politique, bien au contraire. En proie à des forces centrifuges qui menacent chaque jour davantage son unité, voire son existence comme Etat-nation, le royaume de Belgique a engendré une génération d’hommes et de femmes politiques ayant la capacité de gérer une machine institutionnelle incroyablement complexe. Ils sont capables de naviguer de compromis en compromis, pour retarder une échéance pourtant inéluctable, celle qui verra un jour la Flandre choisir d’assumer seule son destin.

Dans cette catégorie de politiciens, Herman van Rompuy est loin d’être le moins doué, même s’il ne joue pas le jeu de la pipolisation et de la médiatisation dans lequel excellent certains de ses collègues, Flamands comme francophones. Depuis son arrivée à la tête du gouvernement fédéral, en décembre 2008, les tensions communautaires se sont plutôt apaisées, alors que son prédécesseur Yves Leterme, également membre du parti chrétien-social flamand les avaient, lui, portées à incandescence. Son remplacement pose d’ailleurs un sérieux problème, car on craint que personne ne soit capable d’empêcher Yves Leterme, toujours aussi populaire en Flandre, de redevenir Premier ministre…

Les institutions européennes issues du Traité de Lisbonne, les plus baroques que l’on ait pu imaginer dans l’histoire de la coopération entre les nations, semblent avoir aujourd’hui plus besoin d’un bon artisan de la fabrication des compromis que d’un leader flamboyant prêt à renverser la table.. et à se retrouver à poil.

Et il n’est pas sûr, de surcroît, que ce Van Rompuy n’étonne pas son monde, amenant ceux qui le moquent aujourd’hui à faire amende honorable, ce qui serait nouveau.

Nuit gravement à la nuit

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Harcelée de toutes parts par les professionnels de la nuit, qui voient se multiplier les interdictions, contrôles divers, voire fermetures administratives d’établissements, la Ville de Paris a décidé de réagir en force. Monsieur le Maire-le-plus–branché-du-monde n’appréciant sans doute pas de passer pour un rabat-joie ou pire, un antifestif, il a donc concocté une usine à gaz destinée à réconcilier la municipalité avec les patrons de boite. Le bidule participatif en question a été joliment intitulé « Paris Nightlife », un anglicisme subtil qui fait a peu près aussi classieux dans le registre clubbing que « Macumba Wonder Lounge, Free drinks gratuits jusqu’à 22h30 heures pour les girls non accompagnées, ambiance hot garantie ». Le pire c’est Paris-Nightlife a été présenté à la presse mercredi dernier à 11 heures du matin. Or à cette heure-là, un travailleur de la nuit, ça dort, et faut quand même être assez doué pour ne pas s’en douter. Visiblement la concertation est déjà bien engagée…

Afghanistan : Obama se hâte lentement

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Flickr / U.S. Army
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Malgré les pressions et les pertes record de l’armée américaine, Barack Obama ne se précipite pas pour élaborer une nouvelle stratégie en Afghanistan. Comme tout le monde, il sait que le succès des Talibans repose sur deux éléments : une base arrière sûre au Pakistan, notamment dans la province de Waziristân, et la désespérante défaillance du « non-Etat » afghan. D’un côté un vide de gouvernance, de l’autre de quoi le remplir et entre les deux une frontière qui n’existe que sur les cartes d’état-major. Et si le diagnostic est le début de la solution, le remède semble pour le moment échapper à la Maison blanche et au Pentagone.
Il y un peu plus d’un an, le candidat Obama paraissait sûr de son coup. Il savait ce qu’il fallait faire. Face au sénateur McCain, il affirmait que l’Afghanistan était le principal défi des Etats-Unis et s’était engagé, s’il était élu, à renforcer le contingent US. Aujourd’hui, il n’a toujours pas donné l’ordre d’envoyer les 40 000 soldats supplémentaires réclamés par le général McCristal, le commandant en chef des troupes américaines en Afghanistan.

Le problème d’Obama est qu’il a compris l’essentiel : il n’y a pas de solution militaire. Faute d’une vision stratégique régionale, le succès d’une « inondation » de l’Afghanistan par des GI’s ne peut être qu’éphémère. Or, les dernières « élections » présidentielles afghanes ont révélé le bilan désespérant du fameux « state-building » et les récentes révélations concernant le frère cadet du président Karzai – impliqué dans un trafic de drogue et payé par la CIA – ne font que renforcer le sentiment que cet arbre-là ne donnera que des fruits amers.

Sur le front du Pakistan, la situation est tout aussi inquiétante – et même plus compte tenu de la taille et de la puissance, notamment nucléaire, de ce pays. Sans l’engagement de l’armée pakistanaise dans une guerre systématique visant à prendre le contrôle effectif des zones tribales – notamment mais pas seulement le Waziristân – et une politique déterminée de la part du gouvernement d’Islamabad de contenir les militants islamistes et traiter les problèmes qui les font prospérer, les efforts et les sacrifices de l’Otan en Afghanistan resteront vains. Aucune stratégie ne peut être élaborée sans l’accord des Pakistanais, car une pression d’un côté de la (théorique) frontière produit des effets immédiats de l’autre côté. Si les Américains décidaient finalement d’envoyer plus de troupes dans le cadre du « surge », les insurgés traverseront simplement la frontière pour trouver refuge au Pakistan – comme l’avait probablement fait Oussama ben Laden –, ce qui déplacera le problème et rendra la prise de contrôle du sud Waziristan encore plus difficile et couteuse pour l’armée pakistanaise.

Obama applique au dossier son approche globale, suivant les recommandations de Stephen P. Cohen, du Brookings Institute, à qui la Maison Blanche vient de commander un rapport, histoire de montrer que le président ne reste pas les bras croisés.
« Le Pakistan d’abord » : ainsi pourrait-on résumer la « doctrine Obama ». Or, pour stabiliser le Pakistan, il faut s’attaquer à ses relations avec l’Inde, autrement dit s’occuper de la question du Cachemire. L’envoyé spécial de Washington en Afghanistan-Pakistan, le diplomate chevronné Richard Holbrooke, s’est donc attelé à ce dossier.
Parallèlement, Obama a profité de sa dernière visite en Chine pour demander à ses hôtes d’utiliser leur influence sur Islamabad. Il n’est pas certain que les Indiens apprécient une intervention chinoise dans leur arrière-cour, mais le président américain semble, là encore, suivre Cohen qui recommande d’impliquer des pays tiers pour parvenir à une stabilisation régionale. En attendant la mise en place de ce vaste et subtil dispositif diplomatique, la dimension militaire de l’équation est réduite à des actions de pompiers dont le rôle principal est de limiter les dégâts, le temps de réunir les conditions d’une lutte efficace et définitive contre l’incendie. L’ennui, c’est que pendant qu’Obama prépare l’avenir à long terme, la situation sur le terrain pourrit et la donne risque de changer. Comme au Moyen Orient.

Les mois passent et l’Amérique donne l’image d’une Administration rongée par le doute et d’un président qui hésite de franchir le pas. Et si Washington doute, que peut-on attendre des Afghans ? Même si l’option d’un « lâchage » américain n’est sans doute pas la plus probable, chaque Afghan lucide est obligé d’envisager son propre « scénario de sortie », autrement dit de réfléchir au moyen de ne pas être égorgé si les Américains décidaient de partir « à la saigonnaise ». Pour le régime de Kaboul, cet état d’esprit est désastreux.  Mais ce n’est pas tout. À Islamabad, Karachi et Lahore aussi la possibilité d’un retrait américain unilatéral ne peut plus être écartée. Dans ces circonstances, les services pakistanais n’ont pas besoin de nouveaux arguments pour justifier un double jeu vis-à-vis des Talibans afghans. Or l’objectif suprême des Etats-Unis est justement de convaincre les Pakistanais de lâcher cette carte et de s’engager franchement à étouffer tous les foyers du militantisme.

Festina lente, hâte-toi lentement, disait l’empereur Auguste. L’état actuel de l’Empire américain ne permet pas ce luxe au président Obama. S’il n’agit pas rapidement il sera bientôt trop tard. Pour l’Afghanistan, pour l’Amérique. Et pour le monde entier.

Le Colonel est cinglé

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Le Monde de Glen Baxter vient de paraître aux éditions Hoebeke.
<em>Le Monde de Glen Baxter</em> vient de paraître aux éditions Hoebeke.
Le Monde de Glen Baxter vient de paraître aux éditions Hoebeke.

Depuis tantôt trente ans, Glen Baxter publie des recueils de dessins légendés. Jusque là, rien de plus banal – mais jusque là seulement parce que, chez cet énergumène, tout est savamment décalé. Dans son art, à coup sûr, Baxter est fou au sens où Chesterton écrivait : « Le fou est celui qui a tout perdu sauf la raison. » Mais à ce compte-là, et puisque je donne dans la cuistrerie ces temps-ci, Boileau ne disait-il pas déjà qu’« un désordre savant est un effet de l’art » ?

Le savant désordre baxtérien est partout. Dans son dessin bien sûr, trop poli pour être honnête : le trait en est naïf et les couleurs léchées, si bien qu’à première vue il semble tout droit sorti d’une BD pour enfants des années vingt. Mais déjà, certains détails mettent la puce à l’œil. Pourquoi diable Oncle Edward découpe-t-il la dinde de Noël à la tronçonneuse ? Et d’ailleurs, comment se fait-il que les personnages principaux de Baxter soient toujours des oncles, des cowboys, des explorateurs ou des scouts ?

Attention, j’ai pas dit qu’il était gay ! Il semble plutôt que ce grand garçon n’ait jamais grandi, comme Peter Pan et son inventeur James M. Barrie[1. Sans parler de Michaël Jackson – qui avait quand même baptisé sa propriété Neverland.]. Quoi qu’il en soit, inutile de chercher des réponses dans ses légendes : elles ne font qu’épaissir le doute sur un dessin déjà « déconstruit ». Visiblement Le Monde de Glen Baxter » (titre de son dernier recueil, publié comme toujours chez Hoëbeke) lui est très personnel.

Eh bien, ça ne m’empêche pas de m’y sentir chez moi – comme certains amis au royaume de Patagonie, ou d’autres, moins boute-en-train, à l’université populaire de Caen. En demandant à rencontrer le personnage, je m’attendais donc à devoir jongler entre ses divers degrés d’humour sans rater trop de marches… Ce que j’ignorais en revanche, c’est que Mr Baxter ne souhaite s’exprimer qu’en anglais. Je l’ai compris, mais un peu tard, quand je suis entré dans le grand salon de l’hôtel d’Aubusson. Cinq heures du soir, un coin de canapé cosy, sur la table une théière et dans ses yeux une île.

Où qu’il aille, me suis-je dit, ce type-là transporte avec lui sa petite Angleterre ; il n’en sortira pas. À moi donc de traverser la Manche qui nous sépare – moi qui ne sais pas nager en anglais.
Quand je pense que ce gougnafier lit Roussel et Perec dans le texte ! Mais bon, c’est moi qui ai demandé à le voir…

– D’où vous vient ce titre de « colonel » ? Vous avez vraiment fait l’armée ?
– Inutile ! Je suis né colonel, et en grand uniforme ! Mes parents étaient les premiers surpris, d’ailleurs.
– Euh et depuis, aucune promotion ? Vous n’avez jamais voulu devenir général ?
– Trop prétentieux… Colonel, c’est parfait pour moi.
– Le décalage systématique entre dessins et légendes peut provoquer chez le lecteur non averti un malaise, voire une certaine angoisse…
Anguish est un autre mot pour English[2. Jeu de mots sur « angoisse » et « anglais » (qui perd beaucoup à la traduction).].
– Vos cowboys sont de grands amateurs d’art moderne, mais en revanche ils détestent le tofu ; vous partagez leurs goûts ?
– Je préfère le figuratif à l’abstrait ; quant au tofu, je crois les avoir convaincus : c’est l’aliment parfait, qui peut remplacer tous les autres.
– Et votre fascination pour Google ?
– Vous n’avez qu’à googler « google » sur Google, et vous comprendrez…
– Est-il vrai que, depuis votre enfance bègue, vous rêvez de pratiquer le yodl ?
– Oui, c’est une technique vocale très étrange pratiquée à la fois par les Suisses, les Pygmées, les cowboys et les fermiers japonais.
– Il y aurait donc un lien entre le tofu des cowboys et le yodling japonais ?
– Sans doute…
– Depuis trente ans, vous faites des dessins légendés. Vous n’avez jamais été tenté de séparer les deux ? Dessiner d’un côté, écrire de l’autre ?
– Si, une fois j’ai essayé de faire disparaître les dessins : ça a donné un poème… Hélas, il m’a été confisqué par la douane américaine.
– (…)
– Vous ne saviez pas ? Il est interdit d’importer de la poésie aux Etats-Unis !
– Il paraît que vous ne répondez jamais aux questions personnelles ?
– D’abord, comment savez-vous que vous parlez à Glen Baxter ?
– C’est votre attachée de presse qui me…
– Glen Baxter porte une moustache, pas moi !
– Ok, dans quel pays étranger Glen Baxter est-il le plus connu ?
– La France, la Belgique, la Hollande, les Etats-Unis, le Japon… Il paraît que c’est plus difficile en Iran.
– Vous dites pratiquer le « sabotage » du monde réel. Qu’est ce que vous lui reprochez ?
– Il est absurde, non ? A propos, il vous reste combien de questions ?
– Euh comme vous voulez, cinq minutes ça va ?
– Sept[3. L’entretien durera encore 35 minutes.].
– Quelques questions sur vos goûts, ça va ?
– Parfait.
– Qu’est-ce que vous admirez chez Raymond Roussel ?
– J’aime beaucoup Impressions d’Afrique, mais mon préféré c’est Locus Solus : Roussel décrit des choses incroyables, et puis il en donne des explications encore plus incroyables. (Sans même que je m’en rende compte, Baxter vient de décrire son propre travail. Réveille-toi Basile, c’est l’heure du thé !)
– Vous allez au cinéma ?
– Quand j’étais enfant, les films étaient projetés en continu. On entrait n’importe quand, et on voyait le film par le milieu ; c’était beaucoup mieux. Quel ennui, d’aller au cinéma et de voir un film par le début !
– Vous écoutez de la musique ?
– Je suis très intéressé par le ukulélé ; je le pratique moi-même, mal hélas. Mais j’ai une grande admiration pour le Ukulele Orchestra of Great Britain. Ils jouent tous les répertoires, de Beethoven aux Sex Pistols. J’ai même rencontré dans un bar à Amsterdam un couple qui a créé un duo ukulélé-scie : très intéressant !
– Une référence en philosophie ?
– Wittgenstein, bien sûr ! Tout est simple et direct chez lui : 1.1, 1.2, 1.3. C’est construit presque comme des haïkus. D’ailleurs, parfois mes cowboys discutent de son œuvre, et ils en viennent à parler allemand. (Baxter se met à citer « dans le texte », sans que je sache trop si c’est Wittgenstein ou les cowboys).

Que répondre à ça – et dans quelle langue ? De toute façon, j’ai déjà largement dépassé le temps qui m’était imparti et L’Express arrive sous les traits de Marianne – à moins que ce ne soit l’inverse.
Encore impressionné d’avoir rencontré ce maître du « Walk on the wild side », déjà anxieux à l’idée de vous le raconter, je prends congé maladroitement. Merci mille fois, une dédicace s’il vous plaît, et encore pardon Colonel :

– My english is terrible !
– Your anguish is perfect !

Voilà, les jeunes. J’ai vu une île à la jumelle, et je vous donne sa position, pour les navigateurs qui viendraient à croiser dans la région.

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France 2 fait lanterner le CRIF

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Cela fait maintenant plus d’un an que Patrick de Carolis, PDG de France Télévisions, a accepté la demande de Richard Prasquier, président du CRIF, de former un groupe d’experts pour faire toute la lumière possible sur l’affaire Enderlin-Al Dura. Réunies sous l’égide de Patrick Gaubert, président de la LICRA, les deux parties s’accordent pour faire venir Jamal Al Dura à Paris, pour qu’il soit soumis à des examens médico-légaux. Ceux-ci devraient confirmer, ou infirmer la version de France 2, selon laquelle il a été grièvement blessé par des tirs israéliens à Gaza le 30 septembre 2000. Aujourd’hui, Richard Prasquier s’impatiente et le fait savoir à Patrick de Carolis. Ce dernier argue du fait que, bloqué à Gaza, Jamal Al Dura, ne peut aller faire renouveler son passeport périmé à Ramallah. Les autorités israéliennes ont fait savoir à Richard Prasquier qu’à ce jour aucune demande de laissez-passer n’a été formulée ni par France 2, ni par Jamal Al Dura. Elles ajoutent qu’elles ne mettraient aucun obstacle à ses déplacements si une telle demande leur parvenait. Alors Patrick, qu’est-ce qu’on attend ?

Atchoum pachtoun

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Enfin une bonne nouvelle en provenance d’Afghanistan : l’essentiel de l’épidémie H1N1 serait passée et les établissements scolaires qui étaient fermés depuis plusieurs semaines vont pouvoir rouvrir. Le ministre de l’éducation nationale recommande cependant de continuer à porter un masque dans les transports. On peut penser que les femmes en burqua en sont dispensées pour éviter l’asphyxie pure et simple. Il ne faut pas oublier tout de même que la Grippe A a fait onze morts dans le pays, soit à peu près le score moyen d’un taliban quand il ouvre le feu dans une cour de récréation s’il a bien pris soin de se moucher afin de ne pas éternuer pendant une rafale, ce qui est toujours dommageable pour la précision du tir.

Ils étaient où, les drapeaux français ?

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Finalement, ce débat sur l’identité nationale, dont on attend toujours qu’il commence vraiment, ne tombait pas si mal. Les matches de barrage pour la qualification à la Coupe du Monde, laquelle bien entendu hante les nuits de tous les Français, se sont chargés de nous le rappeler. On glissera rapidement sur la métaphysique question de la main de Thierry Henry, pauvre organe de hasard qui a maintenant reçu la lourde charge de masquer, à lui seul, toute la réalité, pour en arriver à deux phénomènes étranges qui, si la bonne foi n’avait pas déserté l’arène du débat, ne devraient pas manquer d’en interroger les participants, en premier lieu les plumes qui se relaient depuis un mois dans toute la presse pour affirmer qu’il n’y a pas d’identité nationale, qu’il n’y en a jamais eu, n’y en aura jamais, que ces termes ne veulent rien dire et que si par inadvertance il leur arrivait qu’ils aient un sens, il ne pourrait être que sombre comme les heures de notre histoire, collaborationniste, extrême-droitier, barréso-maurrassien, menteur comme la terre, bref raciste.

Ces deux phénomènes sont apparus concomitamment quoiqu’ils soient d’apparence contradictoire. Le premier n’est pas neuf, puisque nous le revivons au bas mot tous les quatre ans mais son occurrence ne manquait pas de sel : le rassemblement de tous les Français derrière les Bleus pour conjurer le ciel de leur accorder le fameux ticket pour l’Afrique du Sud. Au moment même où un chœur de vierges effarouchées réaffirmait ce que nul n’aurait jamais dû oublier, qu’il n’y a pas d’identité française, ce réflexe ininterrogé qui consiste à se ranger spontanément comme un seul homme derrière une équipe griffée France ne laissait de piquer la curiosité de l’observateur de Sirius. Quoi donc ? Ces esprits forts à qui on ne la fait pas avec le coup moisi de la nation n’échappaient pas, pour aucun d’entre eux, au chauvinisme ranci qui fait les joies du sport, et particulièrement des sponsors et autres annonceurs de ces événements populaires ? Comment ? Parce qu’on leur a dit qu’ils étaient français, ils soutiendraient tous l’équipe de France ? Décidément, la réaction avait de beaux jours devant elle. C’était presque faire le jeu du Front National que de soutenir l’équipe de Raymond Domenech.

C’est là qu’intervint providentiellement le second phénomène. Le hasard voulait qu’au soir de ce 18 novembre 2009, il n’y eut pas que la France qui disputât un match de barrage, mais aussi l’Algérie dont le départ était mal entamé. Peu importait à nos fiers supporters, pouvait-on supputer, que l’Algérie ou l’Egypte l’emportât. Tant que nous, on y était. Mais non. C’était encore douter de la clairvoyance de ce peuple libre. Car le match franco-irlandais n’était pas même achevé que la liesse, selon le mot désormais consacré, s’emparait des rues de toutes les villes de France dignes de ce nom. Paris n’était plus qu’un brasier d’enthousiasme, un creuset du bonheur. Partout des voitures klaxonnant d’enthousiasme, des grappes de jeunes gens hissés sur la portière et même sur le toit, des bolides sillonnant les boulevards pour partager leur sentiment de délicieuse victoire. Partout, dans les mains, à l’arrière des voitures, enroulé sur la tête, flottant au vent, des drapeaux. Un drapeau, en fait. Qui n’était pas bleu blanc rouge.

La communion de la foule se faisait sous les couleurs algériennes. Quiconque a traversé les rues de Paris à cet instant-là s’en souviendra toute sa vie : la ville repeinte en rouge blanc vert où l’immense gonfanon bleu blanc rouge qui bat sous l’arc de triomphe était cerné de partisans de l’équipe d’Algérie dont la fierté s’habillait des teintes ultra-méditerranéennes.

Ce second phénomène possède donc l’avantage immense de nous apprendre que contrairement à ce que pouvait laisser prévoir le premier, les habitants de l’Hexagone ne sont pas tous prêts à obtempérer à l’ordre de mobilisation nationale proféré en choeur par la Coupe du Monde de football et le Ministre de l’Intégration. Monsieur Besson a du souci à se faire.

Mais il en a plus à se faire encore si l’on considère l’autre enseignement de ce phénomène : c’est que si la population de ce pays refuse d’arborer le drapeau français, elle ne rechigne pas à brandir l’Algérien. Qu’il y a donc une bonne partie de ce pays à rééduquer, si elle croit pouvoir mettre sa dignité dans des colifichets d’un autre âge témoignant d’une insupportable fermeture d’esprit à l’autre. A moins que l’on argue du fait que l’identité nationale (qui n’existe pas, rappelons-le) ne puisse être invoquée que dans le cas où l’on vivrait dans un autre pays que le sien, ce que ne manqueront pas de plaider les contempteurs de la proposition Besson. On ne doute pas d’ailleurs que les Français expatriés en Algérie aient manifesté avec des cocardes toute la nuit pour fêter la victoire de Thierry Henry. On dit même que les anciens du FLN en ont été ravis, à qui cela rappelait leur jeunesse.

Enfin, si l’on sort de ces gamineries pour passer dans le symbolique, on s’étonne que personne dans ce pays, parmi le pouvoir, les hommes politiques, les intellectuels, les psychanalystes, les sociologues, ne prenne la mesure de l’injure faite, sinon au peuple français, au moins au bon sens l’autre soir. Il ne s’agissait pas du match que l’Algérie vaita gagné ; il s’agissait du match que la France avait gagné. Et nulle part, dans les rues, de supporters des Bleus en délire, nulle part les insignes rituels de la France qui resurgit à l’improviste les jours de rencontre sportive. France ! qu’as-tu fait de tes drapeaux ? France ! Où sont tes supporters prêts à mettre le feu pour fêter ta victoire ? France ! Où est passé ton amour de Platoche et de Zizou ? France ! qu’as-tu fait des promesses de 1998 ?

Nos gouvernants n’ont sans doute pas à l’esprit qu’un peuple contemporain qui ne s’exprime même plus les soirs de victoire footballistique est soit mort, soit en train de conspirer sa révolte.

La seconde réponse est la plus probable.

Eloge de la fessée

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Dans la série Les écrans de fumée de l’UMP pour faire diversion sur les chiffres catastrophiques du chômage et sur la violence des rapports de production toujours plus grande, la pédiatre Antier, députée de droite, fait la gentille sociétale en déposant une loi pour interdire la fessée. L’ami François est déjà intervenu sur cette douloureuse question mais comme la pédiatre Antier ne fait pas les choses à moitié, il faut organiser la résistance. Non seulement, ils nous affament mais en plus ils veulent normaliser la sexualité. En effet, toutes ces charmantes perversions entre adultes consentants, que deviendront-elles si ces derniers ont eu une enfance aussi aseptisée qu’une salle d’attente? Alors un conseil : lisez, ou relisez le délicieux livre de Jacques Serguine, Eloge de la fessée (Folio). Vous verrez tout ce que les générations futures risquent de perdre à cause de la pédiatre Antier. Et en attendant, chers Causeurs, fessez-vous les uns les autres. Amen.

Eloge de la fessée

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Les trains ratés de Ségolène

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Il ne suffit pas de détester Ségolène Royal. Encore faut-il savoir pourquoi. Le vrai pourquoi, s’entend. Pas l’épidermique, ni le politique. Pour tout dire, nous pensons que les gens qui apprécient son style ou partagent ses opinions ont encore plus de raisons que quiconque d’être furieux contre elle. C’est quand même eux qu’elle a grugés le plus raide.

Le divorce à l’italienne avec Vincent Peillon, savamment mis en scène et pré-vendu aux médias à la manière du mariage de Tony Parker et Eva Longoria, est en effet le énième épisode d’un soap en apparence assez traditionnel dans son écriture (la petite nana sortie de nulle part qui à la fin triomphe des gros méchants, genre Erin Brokovitch), mais en réalité son scénario est résolument moderne. On est plus près de Twin Peaks que de Plus belle la vie : on n’y comprendra rien si on oublie que tout ce qui se passe d’important n’est pas montré à l’écran. Non pas parce qu’il y a dissimulation – ce qui en politique est un non-événement – mais parce que ce qui est crucial, c’est ce qui n’est pas advenu.

Ce qui n’est pas advenu, c’est essentiellement une chose : le divorce de Ségolène d’avec un parti qui n’a jamais vraiment voulu d’elle. A deux cents occasions, elle a dit et redit que le parti était usé, sclérosé, fossilisé. On peut partager ce constat, ou pas. Mais, en partant du postulat que Ségolène croit à ce qu’elle dit, on est bien obligé de se demander ce qu’elle fiche encore là-dedans. Ce constat de mort clinique de la gauche social-démocrate dans sa forme-parti du moment n’a en soi rien de neuf, d’autres l’ont fait avant elle. Parier sur la mort du parti a toujours fait partie de la vie d’un parti, et plus spécialement de ce parti. C’est d’ailleurs ainsi qu’est né le PCF à Tours en 1920 après la Révolution d’Octobre. C’est ainsi que les socialistes qui refusaient la guerre d’Algérie ont fondé le PSU. Quant au plus illustre des socialistes français du XXe siècle, c’est essentiellement à l’extérieur du PS qu’il a fait sa vie politique : François Mitterrand n’a rejoint la grande famille socialiste qu’à l’occasion du Congrès d’Epinay, pour en devenir illico le chef. Avant d’arriver à ses fins, le maire de Château-Chinon avait navigué dans une myriade de micro-partis ou de clubs centre-gauche fauchés, mais qui présentaient tous le même avantage: c’était lui le chef, charbonnier est maître chez soi !

Oui, pour sauver la social-démocratie dénoncée par icelle comme grabataire, l’électrochoquer, la transcender, la ressusciter, Ségolène aurait dû sortir du PS, préliminaire obligé à toute velléité de reconquista. Elle a eu de multiples occasions pour le faire, et par le haut. Elle pouvait quitter le parti après la présidentielle, où l’appareil a tout fait pour lui savonner la planche –l’histoire entière de ce complot florentin reste à écrire, mais bon, on a des yeux pour voir. Elle aurait pu claquer la porte après les journées des dupes à Reims. Elle pouvait aussi tirer sa révérence après les palinodies de commission de récolement. Elle aurait même pu, à la limite, s’appuyer sur la bérézina des européennes pour tenter une OPA plus ou moins amicale sur le nouvel électorat vert qui, massivement, correspond au noyau dur de celui qui fut le sien à la présidentielle. Mais bon, elle ne l’a pas fait. Et comme elle ne nous a pas confessé pourquoi, et que Françoise Degois n’est plus sur France Inter pour nous l’expliquer, il ne nous reste plus donc qu’à conjecturer

Si on penche pour une vision analytique, on dira que Ségolène n’a pas franchi le Rubicon (à l’envers, de fait) parce qu’il lui est insupportable de conceptualiser que le parti institutionnel voire intermédiaire, le parti des conseillers généraux madrés et des jeunes chargés de mission à lunettes Mikli la rejette, ne l’aime pas.

Le cynique, lui y verra une histoire de cagnotte (une campagne, comme dirait une amie commune, ça se paye pas avec des saucisses). Une histoire de fédés qu’on peut peut-être garder ou gagner (il faut un appareil même si on le déteste, seul moyen de mettre les braves militants en rangs d’oignons pour aller faire le boulot). Il faudrait pas non plus négliger la noria de désirdaveniristes trépignants à placer qui aux cantonales, qui aux régionales, voire dans un cabinet de maire quelconque pour les moins doués. Quitter Solferino, ça commence forcément un peu comme un saut dans le vide. Pas sûr que même les plus vaillants y soient prêts. Pas sûr, par exemple qu’une Najat Belkacem ou une Delphine Batho restent ségolénistes très longtemps si ses perspectives immédiates d’ascension politique se transmutent en aller-simple pour une traversée du désert, exercice dont on ne sort grandi que quand on n’y laisse pas sa peau. À preuve Aurélie Filippetti, qui fut longtemps plus ségoléniste que Ségo avant de l’abandonner en rase campagne (des européennes), ce qui ne veut pas dire, qu’elle ne reviendra pas un jour, of course.

Enfin, on pourra opter pour une approche au ras des pâquerettes. Si Ségolène n’a pas été capable de quitter le parti pour mieux le reconquérir, c’est tout bêtement qu’elle n’en avait pas le cran, dirons pour rester poli quand on parle d’une dame.

N’est pas Mitterrand qui veut. Si ma tante en avait, on l’appellerait Tonton.