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PPDA : parce que je le vaux bien

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Vous avez remarqué ? Depuis qu’il a été odieusement remercié pour cause d’impertinence, PPDA a quitté l’air vaguement bougon qu’il avait lorsqu’il débarquait dans notre salon – et dont je parierais qu’il explique au moins la moitié de son succès auprès des ménagères et ménagers (moi, j’adorais). L’ex-présentateur-vedette-du-journal-le-plus-regardé-de-France est un homme libre – bien entendu, nous ne saurions insinuer que jusque-là, il ne l’était pas[1. Quand les langues se délieront et que les archives s’ouvriront, on découvrira qu’il a mené un combat opiniâtre et secret pour protéger la rédaction des visées liberticides du pouvoir.]. Libre dans sa tête à défaut de l’être de son temps – parce que depuis qu’il est au chômage, il ne chôme pas. À TF1, il disposait de trois jours, du jeudi soir au lundi, pour se ressourcer et échapper, ne fût-ce que quelques brefs instants, à son écrasante responsabilité. Question horaires, la vie de pigiste multicarte risque de lui faire drôle. Au moins, après avoir, toutes ces années, fait don de sa personne à la France d’en bas, pourra-t-il enfin laisser s’exprimer sa véritable personnalité. On vous le dit, ça va swinguer.

D’abord, chapeau bas : passer de TF1 à Arte, c’est chiquissime, quand que le contraire serait considéré comme une déchéance dictée par l’avidité. Ce sera haute culture et grandes questions : PPDA « fera » Pivot et peut-être aussi Hulot, Jérôme Clément, le patron de la chaîne, le verrait bien présenter un grand Journal de la Planète. Excellent choix : avec son genre gentleman-baroudeur, il a le look idéal. Cela dit, s’il monte en gamme, il ne change pas vraiment de registre. C’est sur RTL que l’on découvrira le PPDA nouveau. Je ne sais pas qui est le petit malin qui a eu l’idée de le recruter dans l’équipe de « On refait le monde », l’émission animée par Nicolas Poincaré, mais c’est un joli coup. La maison Bertelsmann s’est d’ailleurs payé quelques encarts de pub pour saluer la première de son nouveau « polémiste » mercredi. Oui, aussi étrange que cela puisse paraître, PPDA a des opinions. Son sacerdoce lui interdisait de les laisser paraître. À défaut de plaire à tout le monde, le présentateur durable doit s’efforcer de ne déplaire à personne. Ses idées, il est prié de les garder pour lui. Alors forcément, on finit par oublier qu’il en a.

Au début, on a une drôle d’impression, comme si un inconnu parlait avec la voix d’un proche – ce que PPDA était pour tous les Français. Non pas qu’il dise des choses renversantes, même si ses remarques sur Edvige sont plutôt sensées. Mais il suffit qu’il donne son avis, qu’il émette un jugement et il est un autre homme. Un homme tout court d’ailleurs. Voilà qui a contrario en dit long sur l’exercice demandé au présentateur du JT, sommé d’être à la fois présent et transparent. Comme un produit de luxe.

La conversation porte maintenant sur Jean Sarkozy qui pousse un coup de gueule contre la presse people. « Poivre » prend sa défense avec conviction. Affaire de solidarité. Le harcèlement, les paparazzis, il connaît lui aussi. « Heureusement qu’il y a des lois pour protéger les citoyens contre ces agressions… Parce que vous savez, ce n’est pas drôle. » Comment ne pas compatir à un tel calvaire ? Géraldine Muhlmann ne compatit pas. Elle semble même très agacée. Est-ce parce que Poivre l’a un peu draguée, fort maladroitement d’ailleurs, pendant la discussion précédente ? L’air de ne pas y toucher, elle lui balance un scud. « Je me pose une question, dit-elle, faussement candide. Comment expliquez-vous que des gens très connus, qui sont souvent dans le poste, comme le présentateur du « 20 heures » sur une très grande chaîne, parviennent à conserver la plus grande discrétion sur leur vie privée ? Ne serait-ce pas parce qu’ils ont toujours montré la plus grande fermeté ? » L’allusion à Pujadas est claire.

Evidemment, ça l’énerve PPDA, d’entendre parler de son ex-concurrent qui a eu le culot de lui survivre au « 20 heures ». Du coup, il lâche le morceau. Fini la drague. « Chère Géraldine, dit-il avec l’air de penser qu’elle ne comprend rien, ce n’est pas ça du tout. Si la presse people ne s’intéresse pas à ces gens, c’est parce qu’ils ne sont pas bankable ! » Etre bankable, voilà ce qui compte. En clair, contrairement à PPDA, ces pauvres abrutis qui n’ont jamais été traqués par un paparazzi n’ont aucune valeur marchande. Croyez-vous que c’est pour lui faire plaisir que Match, Gala ou VSD lui ont consacré tant de « unes » ? Bernique. PPDA fait vendre et il en est plutôt satisfait. Win-win game : le magazine engrange et chaque « cover » fait grimper l’action du bankable.

Surtout, ne croyez pas qu’on naît bankable. Non, on le devient à la force du poignet – il faut beaucoup téléphoner. Faire de sa vie une marchandise n’est pas donné à tout le monde. PPDA a assurément atteint les sommets de la bankabilité. Son nom est devenu une marque. C’est pas la Ferrari qui pourrait en dire autant. Les temps changent. Jusque-là, on accusait les journalistes d’être vendus. Désormais, on leur reproche de ne pas être vendables.

Camarade W.

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Un spectre hante les marxistes-léninistes lucides que nous sommes et ce spectre, c’est la fin de l’administration Bush. Georges W. Bush a mené une expérience communiste sans précédent et dans son travail de sape du capitalisme, aurait écrit Marx, « nous reconnaissons notre vieille amie, notre vieille taupe qui sait si bien travailler sous terre pour apparaître brusquement : la Révolution ». Savoir qu’il risque de ne pas finir son œuvre, c’est-à-dire détruire le capitalisme, pour une stupide question de calendrier électoral, voilà qui a de quoi nous inquiéter. Que le ticket vainqueur en novembre soit celui des mencheviks Obama-Bidden ou celui des cléricalo-fascistes Mc Cain-Palin, il est évident qu’ils tenteront tout pour liquider l’œuvre titanesque de Georges W. Bush si nous n’avons pas atteint d’ici là ce point de non-retour où l’économie de marché ne sera plus que le mauvais rêve d’une société endormie.

C’est donc une véritable course contre la montre qui se joue sous nos yeux : l’héroïque Texan, le Potomac de la pensée, le quarterback de la révolution mondiale aura-t-il le temps d’achever sa tâche ?

Le bilan de Georges W. Bush est en effet celui d’un véritable génie du communisme. Voici un homme dont le visage ne devrait pas, pour la postérité, être taillé dans la pierre du mont Rushmore, aux côtés de Washington, Jefferson, Lincoln et Théodore Roosevelt. Au contraire, il faudrait plutôt imaginer son mâle profil inscrit sur le drapeau rouge de l’émancipation, à la suite de ceux de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao.

Son entreprise pour discréditer l’économie de marché est trop concertée, trop pensée pour que l’on puisse un seul instant croire au hasard, à la maladresse ou à la malhonnêteté. C’est avec une maîtrise et une efficacité exemplaires que le quarante-troisième président des Etats-Unis a accéléré le processus de décomposition du capitalisme, suivant à la lettre les recommandations de Marx plutôt que d’Adam Smith et de Lénine plutôt que de Milton Friedmann, contrairement à ce que veulent faire accroire des observateurs superficiels. Rappelons que la prise de pouvoir de Georges Bush, en 2000, suit une technique typiquement bolchévique. Un respect apparent des formes de la démocratie bourgeoise mais, dans la réalité, aucune hésitation à brusquer les faits. Ainsi le décompte des voix en Floride fut-il au premier mandat de W ce que la prise du palais d’Hiver fut à la révolution d’Octobre : le coup de rein décisif.

Ensuite, très vite, il y eut la guerre et pas n’importe quelle guerre mais la guerre impérialiste dont Lénine disait dans L’opportunisme et la faillite de la deuxième Internationale : « L’époque de l’impérialisme capitaliste est celle où le capitalisme a atteint sa maturité, celle où il l’a dépassée, et se trouve à la veille de son écroulement ; il est mûr au point de devoir céder la place au socialisme (…) Considérer qu’une guerre est une guerre de libération nationale, entraîne une tactique ; considérer qu’elle est impérialiste en implique une autre. Le Manifeste indique clairement cette autre tactique. La guerre « amènera une crise économique et politique » qu’il faudra « utiliser » non pour atténuer la crise, non pour défendre la patrie, mais au contraire pour « secouer » les masses, en vue de « hâter le renversement de la domination de la classe capitaliste ». »

Cette crise, nous y sommes enfin, grâce à la politique visionnaire du bushisme. Quelle intelligence dans la création d’un climat économique favorable aux idiots utiles du marché mondialisé et aux savants fous de la financiarisation dont le chef d’œuvre est la subprime immobilière, produit bancaire psychotique et délire monomaniaque sur la valeur d’échange ! Ne s’agissait-il pas de convaincre les emprunteurs que le pavillon en planches d’une Sarah Palin quelconque dans la banlieue d’Anchorage finirait un jour ou l’autre par valoir autant que la résidence en marbre de Julia Roberts à Beverly Hill ? Ainsi a joué à plein ce que Georges W Bush, fin lecteur du Capital, véritable althussérien de la Maison Blanche, a pu appeler avec Marx, « le caractère fétiche de la marchandise ».

Et le voilà, notre petit père des grandes plaines, maintenant que l’effondrement est imminent, qui prépare les réformes de structures indispensables pour passer au socialisme réel : ses bras armés, la Banque Fédérale et le secrétariat d’Etat au Trésor nationalisent à tour de bras les grandes banques, les assureurs, les organismes de crédit. C’est une manière de NEP qui laisse pour seules victimes du talon de fer du marché les patrons de supérette de Wichita, les équipementiers automobiles de Talahasee et les fermières survivalistes du Montana. Le jour venu, tous, ruinés, aigris, revenus de leurs illusions sur la libre entreprise, rejoindront les rangs de la Grande Révolution Communiste Américaine.

Notre seule angoisse, donc, ce sont ces maudites élections de novembre qui pourraient tout remettre en question. A moins que, pour sauver les acquis de ses deux mandats, le camarade Bush décide de passer, avec l’aide des vétérans d’Irak et d’Afghanistan, à la dictature du prolétariat.

Ce que nous souhaitons ici, de tout cœur.

Caricature antisémite à Charlie Hebdo ?

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C’est en tout cas ce qui ressort de l’affiche du documentaire de Daniel Leconte, C’est dur d’être aimé par des cons, consacré à l’affaire des caricatures de Mahomet, en salles cette semaine. Sur cette affiche, Cabu a affublé le défenseur de Charlie Hebdo, Me Richard Malka, d’un nez manifestement crochu, alors que selon des sources généralement bien informées, ledit nez est à peine légèrement busqué. Emus aux larmes, nombre d’ami(e)s de l’avocat envisagent de porter à leur tour l’affaire en justice. Pour l’instant, ils hésitent encore pour savoir s’ils confieront leurs intérêts à Gilles-William Goldnadel ou à Jacques Vergés.

Johannes von Schoenberg

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En 1552, Johannes von Schoenberg, ministérial du Saint Empire romain germanique, commanda son portrait à l’un des plus illustres peintres de l’époque, Diego Vélasquez. Le problème est qu’au moment où le ministérial posait dans l’atelier du peintre, il venait d’édicter une taxe sur les costumes et les coiffures (ce qui explique sa tenue dépenaillée et ses cheveux hirsutes) ainsi qu’une taxe sur les pinceaux (ce qui explique que ce tableau laisse l’impression d’avoir été peint avec les pieds). Cela n’empêcha pas le ministérial von Schoenberg de mener une carrière dont les développements furent durables : il donna son nom à un peu plus de onze mille taxes. Il finit lynché par la foule lors de la réunion de la Diète d’Empire à Ratisbonne en 1567, victime de l’une des rares pratiques qu’il avait omis de taxer.

Diego Vélasquez, Retrato de un loco, 1552. Huile de ricin sans OGM sur toile recyclée, conservée à la cafétéria de l’amicale du personnel du Centre de Cadarache.

Les Hongrois n’ont pas digéré l’affront de Trianon

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Si je vous dis « Trianon », à quoi pensez-vous ? Au parc de Versailles, bien sûr, quelle question ! Prenez maintenant l’avion pour Budapest et allez poser la question au premier Hongrois que vous rencontrerez. Inutile de parler hongrois, prononcez simplement les trois syllabes Tri-a-non. Vous le verrez alors aussitôt se cabrer. On peut le comprendre. C’est en effet au Grand Trianon que fut signé le 4 juin 1920 un traité de paix, en fait un véritable diktat, qui imposait à la Hongrie vaincue des mutilations tout aussi humiliantes qu’injustes : perte des deux tiers de son territoire et de près des deux tiers de sa population (qui passait brusquement de 20 à 7,6 millions d’âmes). Une pilule particulièrement amère que les Hongrois n’ont jamais avalée.

Une fois retombée la fièvre irrédentiste de l’entre-deux-guerres, on avait bien fini, tant bien que mal, dans l’après-guerre communiste, à panser, sinon à cicatriser la plaie. Bien sûr, tous ces pays étaient frères et devaient s’aimer dans la foi marxiste. Car j’ai oublié de préciser où étaient passés les territoires perdus. Pour résumer : la plus grande part chez les Roumains (Transylvanie), les Slovaques (Haute Hongrie, Ruthénie) et les Yougoslaves (Banat et Croatie, cette dernière étant déjà autonome avant le traité). Certes, la rancœur demeurait, mais enfin, le sujet ne faisait plus la « une », ni dans les médias, ni dans les dîners.

Et voici que le démon revient au galop. Un spectre hante l’Europe centrale : celui des minorités nationales. Peut-être avez-vous entendu quelques échos de la joute verbale qui oppose ces jours-ci Slovaques et Hongrois. Les échanges sont violents et pas seulement verbaux, d’ailleurs (les nationalistes slovaques ont passé à tabac une jeune fille qui a eu le malheur de parler hongrois !…) Depuis quelques années, les incidents sont quasi quotidiens, mais ils prennent brusquement aujourd’hui une tournure inquiétante. Il faut reconnaître que les autorités slovaques, fanatiquement nationalistes, se montrent, en l’occurrence, particulièrement agressives, en particulier lorsqu’elles accusent les Hongrois de mettre en danger toute la région par leur politique de remise en cause des frontières. Si le reproche est totalement infondé en ce qui concerne la position de l’actuel gouvernement hongrois, modéré et soucieux de ne rien envenimer, force est de constater que l’état d’esprit de la population hongroise n’est pas tout à fait innocent.

À ce stade, il convient de se demander qui étaient exactement les quelque 12 millions de personnes arrachées à la Hongrie par le traité de Trianon. Trois millions et demi d’entre elles étaient bien des Hongrois. Parmi les autres, on comptait 2,8 millions de Roumains, 2 millions de Slovaques, 1,7 million de Croates, 1 million de Serbes, 1 million d’Allemands. Autrement dit, les populations arrachées à la Hongrie étaient dans une très large proportion, les membres des minorités nationales. Et c’est cette question, indébrouillable depuis un siècle, qui ressurgit aujourd’hui, mais comme inversée. Hier, Roumains, Slovaques et Serbes constituaient des minorités en Hongrie. Aujourd’hui, ce sont les Hongrois qui forment une minorité en Roumanie, Slovaquie, Serbie (et Ukraine). On finit par se demander si cette région peut échapper aux aspirations concurrentes de peuples qui ont le sentiment d’avoir été floués dans la distribution des Etats et où beaucoup rêvent de redessiner les frontières. Hongrois et Slovaques, membres de l’Union européenne depuis plus de quatre ans, viennent d’intégrer l’espace de Schengen où ils seront bientôt suivis par les Roumains. Au lieu de ressasser indéfiniment cette « injustice » et de se complaire dans leur statut de « minorités victimisées », ne serait-il pas temps, pour tous, de penser en termes d’Europe ?

Pour les Hongrois, Trianon est une punition et une punition injuste. Une version balkanique du diktat infligé aux Allemands. Mais on ne retire pas à un Etat l’autorité qu’il avait sur « ses minorités » (dans le cas qui nous occupe, il s’agit de plus de 9 millions de personnes) simplement pour punir le peuple « allogène ». Inutile de dire qu’ils ne prisent guère ce genre de remarque. Il m’est néanmoins difficile de trouver normal que tous les magasins de Budapest proposent aux touristes la carte de l’ancienne Grande Hongrie qui englobe toute la Croatie, la Transylvanie et une grande partie de l’actuelle Slovaquie. Et de voir cette carte accolée à la plaque minéralogique d’une voiture sur quatre est pour le moins inquiétant. Il y a là, au minimum, de quoi vexer les touristes des pays voisins. Et que dire de la « Garde hongroise », cette phalange paramilitaire mise en place par l’extrême droite avec la bénédiction – au sens propre ! – d’ecclésiastiques en vue, qui prétend défendre le pays contre les menaces étrangères (et intérieures, d’ailleurs, représentées par les communautés tzigane et juive…) ? Près d’un siècle après le traité honni, les commandants de cette milice se réunissent régulièrement au mémorial de Trianon (il existe des musées et associations anti-Trianon…) pour jurer de ne jamais oublier l’affront. Et puis, il y a cette requête adressée au Tribunal de La Haye pour réclamer purement et simplement l’annulation du traité. Certains, décidément, aiment chatouiller le diable.

Al Doura : France 2 accepte un « groupe d’experts »

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Surtout, n’allez pas croire qu’il s’agit de la commission d’enquête réclamée par le CRIF. Dans l’affaire Al Doura, France 2 accepte de s’en remettre au jugement d’un « groupe d’experts indépendants et professionnels » – une sorte d’arbitrage en somme. À en croire Arlette Chabot, Patrick de Carolis veut en finir avec la polémique. La patronne de l’info de France 2, qui affichait une assurance à toute épreuve, intervenait au cours d’un curieux dialogue de sourds organisé et orchestré par Antoine Spire pour le MJLF (Mouvement du Judaïsme libéral de France) : Chabot ayant refusé de débattre avec Philippe Karsenty, ils sont intervenus l’un après l’autre. Peut-être ce groupe d’experts est-il l’amorce d’une retraite en bon ordre de la chaîne publique. En attendant, comme d’habitude, Arlette Chabot a opposé une fin de non-recevoir à toutes les questions concrètes soulevées par Karsenty. Elle a affirmé avec emphase que, si le « groupe d’experts » concluait à la mise en scène, tout le personnel du bureau de France 2 à Jérusalem serait viré. C’est ce qu’on appelle avoir le sens des responsabilités.

Martine Aubry n’est pas candidate

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Elle n’est pas candidate au poste de premier secrétaire. Elle ne veut rallier personne à son « panache blanc ». C’est elle-même qui le dit. Pour autant, Martine Aubry continue à vouloir que le Parti socialiste profite de son Congrès de novembre pour renouer avec les « valeurs de gauche ». Une gauche décomplexée vis-à-vis de l’Europe, c’est ce que réclame la fille de Jacques Delors, qui renvoie dos à dos Olivier Besancenot et François Bayrou, qu’elle accuse de ne pas être des forces de proposition, mais d’opposition. On plaide pour le débat d’idées, mais ça balance quand même pas mal à Lille.

Entretien avec Martine Aubry

Entretien réalisé le 17 septembre, à Strasbourg, au Club de la Presse, en partenariat avec la Librairie Kléber.

Alaska, c’est exquis

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La campagne pour la présidence des Etats-Unis a pris un tournant, peut-être décisif, avec la nomination de Sarah Palin comme candidate à la vice-présidence sur le ticket républicain. Chacun aura d’ailleurs remarqué la discrétion des médias français, majoritairement acquis à la cause de Barack Obama, qui boudent maintenant ouvertement une campagne qui n’a plus rien d’une marche triomphale pour le sénateur de l’Illinois.

Le jeu de massacre auquel a été soumise Sarah Palin dès sa nomination – en fait une reprise mot pour mot des attaques lancées contre elle par l’extrême gauche d’outre Atlantique – n’a pas aidé, c’est le moins qu’on puisse dire, à la compréhension du phénomène qu’elle a suscité.

Sa caricature en reine de beauté devenue mère de famille réac et bigote dans un petit bled paumé au milieu de nulle part, dont elle est devenue maire avant de dézinguer les politiciens corrompus de Juneau, capitale de l’Alaska, ne saurait expliquer l’élan nouveau que son arrivée dans le cirque électoral a donné à la campagne républicaine.

Juneau, justement, je m’y trouvais en septembre 2004, alors que la campagne opposant George W. Bush à John Kerry battait son plein. On est là loin des think tanks de Harvard, des sunlights d’Hollywood, des bars branchés du quartier de Georgetown à Washington, tous lieux où les observateurs français dépêchés par leur rédaction viennent, pour l’essentiel, chercher leur pitance rédactionnelle. En fait, je n’étais pas à Juneau pour faire dans cette charmante bourgade un reportage « décalé » sur la précédente présidentielle, mais pour m’éclater en allant pêcher le saumon, le flétan et le crabe royal à bord d’un voilier skippé par un ancien pêcheur de Noirmoutier.

Néanmoins, à l’issue de ce périple d’un mois le long des côtes alaskanes, de quelques bouteilles vidées du crépuscule à l’aube à bord de bateaux partageant avec nous le même mouillage, et de rencontres improbables sur des quais désolés, je revins au pays avec la ferme conviction que George W. Bush allait être réélu les doigts dans le nez en novembre 2004. Je vous laisse imaginer comment ce sentiment fut accueilli à mon retour : quolibets, sourires entendus mettant en doute mes facultés mentales, sans compter les coups de téléphones alarmés de mes amis entre eux se lamentant sur la triste nouvelle de mon virage réac et néo-cons…

Mais arrêtons l’autofiction, dont moi-même je n’ai rien à battre, pour revenir à non moutons, ou plutôt à nos ours, en nous posant la question à un million de dollars : de quoi Sarah Palin est-elle le nom ? De l’Alaska pardi ! Pour de très nombreux citoyens des Etats-Unis, cet Etat arctique immense et peu peuplé est la dernière frontière qui fait rêver le gratte-papier du New-Jersey, la serveuse de McDo du Kansas et même l’intello de New York saisi par le spleen du « Qui suis-je ? Où vais-je ? et dans quel Etat j’erre… » L’Alaska, bien sûr ! Sur un territoire grand comme trois fois la France, agrémenté de paysages somptueux vivent quelque 600 000 habitants dont la diversité ethnique, de mode de vie, de convictions politiques, philosophiques et religieuses cohabitent d’autant mieux qu’il y a suffisamment de place pour ne pas se marcher sur les pieds.

On y trouve aussi bien des lotissements style Desesperate Housewives pour les familles de militaires ou de travailleurs de l’industrie pétrolière à Anchorage, la principale ville, que des cabanes en rondins paumées au détour d’une rivière pour les pêcheurs de saumons et chasseurs de caribous, des villages côtiers indiens repérables à leurs collines pelées : toutes leur forêts domaniales ont été saignées à blanc et transformées en bois d’œuvre pour l’industrie japonaise du bâtiment. Après avoir transformé leur bois en whisky, ils vivent maintenant tristement du welfare et du chèque annuel que l’Etat d’Alaska reverse à chacun de ses citoyens sur les dividendes du pétrole et du gaz exploités dans la région de Purdue, sur la côte arctique. Ce chèque, en 2008, a atteint la somme record de 2 200 € par personne en raison de la flambée de cours du brut.

Pour les urbains, menant un mode de vie similaire à celui du reste des Etats-Unis, ce revenu complémentaire aide à compenser un coût de la vie très élevé, en raison de la nécessité d’importer la totalité des biens de consommation et d’équipement. Pour ceux qui ont choisi de vivre dans la nature, cette somme finance l’essentiel de la survie, vêtements, entretien de la moto-neige et du canot à moteur, outils, armes et munitions pour aller chasser et pêcher. L’abondance du gibier et du poisson assure la nourriture pour les longs hivers. On n’assiste plus, comme au début du siècle, à des légendaires ruées vers l’or et leur cortège de bandits, prostituées et tricheurs au poker. N’empêche, le « quartier réservé » de Juneau a été reconstitué à l’intention des touristes avec des acteurs et actrices plus vrais que nature, dans un Etat où la prostitution et le jeu sont aujourd’hui strictement prohibés.

Pour faire du dollar en Alaska, il faut être très costaud ou très malin. Très costaud comme ces étudiants californiens aux muscles saillants qui viennent gagner en trois mois l’équivalent de deux ans de frais d’université en pêchant le crabe royal dans le détroit de Behring, dans des conditions qui feraient passer l’enfer pour un havre de bien-être. Très malins comme ces bijoutiers indiens (d’Inde) qui attendent à Juneau ou à Ketchikan les immenses navires de croisière bourrés jusqu’à la gueule de touristes du troisième âge qui sautent sur tout ce qui brille. Pour le reste, hors Anchorage l’industrieuse et Fairbanks l’universitaire, la culture se limite aux concours de bûcherons pour les mâles et de T-shirts mouillés pour les femelles. Il y en a qui aiment.

John McCain, ou les crânes d’oeuf qui gèrent sa campagne, ont fait coup double : ils ont introduit du women pride et de l’Alaska dream dans le jeu électoral. Waouh !

Toute révolution est anticulturelle

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Au lendemain des triomphales cérémonies des J.O. de Pékin, France 5 diffusait assez opportunément un documentaire sur la Révolution culturelle chinoise, signé de l’écrivain et réalisateur Xu Xing. Opportunément, dis-je, tant les rencontres avec des rescapés de ce monstrueux psychodrame – filmées voici quelques mois à peine – contrastent violemment avec l’image, impeccablement réaliste socialiste , que nos médias ont bien voulu nous donner l’été passé de la Chine.

L’infortuné Xun Xing n’était qu’un enfant quand ce truc lui est tombé sur la tête. Dès lors, il lui a semblé, selon ses propres termes, « passer dix ans dans le tambour d’une essoreuse devenue folle ». Et trente ans plus tard, on le sent bien, il ne s’en est toujours pas remis. Son père (classé « droitier » depuis 1958, le pauvre !) est soudain « nommé » jardinier d’un bataillon de l’Armée Populaire de Libération en Mongolie Intérieure. Sa mère, médecin à Pékin, est mutée dans la province profonde « pour soigner les paysans et non plus les capitalistes urbains »… Quant à lui, tombé amoureux de la charmante Lin Tao, il ose lui écrire une lettre… Erreur fatale en ces temps de « vertu rouge » ! Paniquée, la jeune fille le dénonce aussitôt aux autorités. Ils ne se reverront que trente-cinq ans plus tard…

Des parents séparés ; un amour interdit ; une jeunesse brisée… De quoi se plaint Xu Xing ? Grâce à son jeune âge, précisément, l’orphelin de la « Révo Cul » a échappé aux foudres des Gardes rouges : il n’a été ni fusillé, ni battu à mort, ni même torturé. Il s’est réveillé vivant de cet interminable cauchemar ; un cauchemar de « ouf malade » qui, dit-il, « hante encore tous les Chinois » et sur lequel, justement pour cette raison, le régime continue d’entretenir le silence le plus absolu. Mais la plus grande folie reste sans doute, dans ce drame, celle de notre intelligentsia occidentale et surtout, il faut bien le dire, hexagonale (cocorico !)

Avant même Mai 68, tout ce que notre pays compte d’ »intellectuels » autoproclamés (ainsi que leurs parents, amis et connaissances) a commencé de se ruer en rangs serrés vers les délires de la maolâtrie. Délires à coup sûr, mais délices aussi : quoi de plus rassurant pour un intello professionnel que de cesser enfin de cogiter pour s’abandonner lascivement au « Phare de la Pensée » ? « Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » – dans les deux sens du terme. Le plus drôle, si l’on ose dire, c’est que ces bancs de gros-cerveaux échoués sur la Plage aux maoïstes ignoraient tout de la réalité du Grand Guignol auquel ils applaudissaient.

Pour donner une idée aux plus jeunes d’entre vous, la maolâtrie de l’époque, c’était un peu la dalaïlamalâtrie d’aujourd’hui. Aussi absurde, mais en beaucoup plus grave : au-delà du million d’ »ennemis du Peuple » assassinés ès qualités, cent fois plus de victimes à la vie cassée net. Tout ça n’a évidemment pas empêché nos élites de l’époque – du Monde à Sollers et de l’Obs à Serge July, vous vous souvenez ! – d’accueillir avec des standings ovations, pendant dix ans et plus, les numéros foireux et sanguinaires du Grand Mao Circus.

A preuve, le sort que ces gens-là réservèrent, dès 1971, au seul livre utile, aujourd’hui encore et une fois pour toutes, à la reconstitution de cet engrenage diabolique. Les Habits Neufs du président Mao fut le premier chef-d’œuvre de l’admirable Simon Leys. Pour ce seul livre d’ailleurs – et bien qu’aucun autre ne me paraisse dispensable – Leys mériterait largement l’Immortalité, et l’habit vert du même métal. Certes il est belge, mais il faut bien que ça serve à quelque chose, l’immigration choisie !

Parce qu’enfin, ce mec est un génie. Ou du moins, si vous n’aimez pas les grands mots, le plus grand écrivain francophone vivant. « Sinologue de formation », comme on dira en temps utile dans sa brève nécro du Monde (s’il existe encore), Simon Leys s’est donc fait connaître avec cette charge violente et subtile contre la Révolution « culturelle » chinoise. Une mauvaise blague aux yeux emboués de notre inintelligentsia parisienne, tout entière prosternée devant le Grand Timonier, et qui l’a donc ostracisé aussi sec.

TNT pour tous

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Le Liban a vécu ces dernières années une recrudescence inquiétante de la violence politique, marquée notamment par les  assassinats à répétition de personnalités  hostiles au Hezbollah et à la domination syrienne. Depuis quelques mois, on constate une nouvelle donne avec l’attentat réussi contre Imad Moughniyeh (chef d’opérations du Hezbollah) à Damas en février et celui ayant coûté la vie au député druze pro-syrien Salah Aridi la semaine dernière. Exécutions auxquelles il faut ajouter la disparition mystérieuse de Haj Amin Sallah (un autre haut responsable de la milice chiite) à Tyr, il y a trois semaines. Les négociations de l’an dernier n’ont pas été donc vaines et la vie politique libanaise semble avoir retrouvé l’équilibre.

PPDA : parce que je le vaux bien

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Vous avez remarqué ? Depuis qu’il a été odieusement remercié pour cause d’impertinence, PPDA a quitté l’air vaguement bougon qu’il avait lorsqu’il débarquait dans notre salon – et dont je parierais qu’il explique au moins la moitié de son succès auprès des ménagères et ménagers (moi, j’adorais). L’ex-présentateur-vedette-du-journal-le-plus-regardé-de-France est un homme libre – bien entendu, nous ne saurions insinuer que jusque-là, il ne l’était pas[1. Quand les langues se délieront et que les archives s’ouvriront, on découvrira qu’il a mené un combat opiniâtre et secret pour protéger la rédaction des visées liberticides du pouvoir.]. Libre dans sa tête à défaut de l’être de son temps – parce que depuis qu’il est au chômage, il ne chôme pas. À TF1, il disposait de trois jours, du jeudi soir au lundi, pour se ressourcer et échapper, ne fût-ce que quelques brefs instants, à son écrasante responsabilité. Question horaires, la vie de pigiste multicarte risque de lui faire drôle. Au moins, après avoir, toutes ces années, fait don de sa personne à la France d’en bas, pourra-t-il enfin laisser s’exprimer sa véritable personnalité. On vous le dit, ça va swinguer.

D’abord, chapeau bas : passer de TF1 à Arte, c’est chiquissime, quand que le contraire serait considéré comme une déchéance dictée par l’avidité. Ce sera haute culture et grandes questions : PPDA « fera » Pivot et peut-être aussi Hulot, Jérôme Clément, le patron de la chaîne, le verrait bien présenter un grand Journal de la Planète. Excellent choix : avec son genre gentleman-baroudeur, il a le look idéal. Cela dit, s’il monte en gamme, il ne change pas vraiment de registre. C’est sur RTL que l’on découvrira le PPDA nouveau. Je ne sais pas qui est le petit malin qui a eu l’idée de le recruter dans l’équipe de « On refait le monde », l’émission animée par Nicolas Poincaré, mais c’est un joli coup. La maison Bertelsmann s’est d’ailleurs payé quelques encarts de pub pour saluer la première de son nouveau « polémiste » mercredi. Oui, aussi étrange que cela puisse paraître, PPDA a des opinions. Son sacerdoce lui interdisait de les laisser paraître. À défaut de plaire à tout le monde, le présentateur durable doit s’efforcer de ne déplaire à personne. Ses idées, il est prié de les garder pour lui. Alors forcément, on finit par oublier qu’il en a.

Au début, on a une drôle d’impression, comme si un inconnu parlait avec la voix d’un proche – ce que PPDA était pour tous les Français. Non pas qu’il dise des choses renversantes, même si ses remarques sur Edvige sont plutôt sensées. Mais il suffit qu’il donne son avis, qu’il émette un jugement et il est un autre homme. Un homme tout court d’ailleurs. Voilà qui a contrario en dit long sur l’exercice demandé au présentateur du JT, sommé d’être à la fois présent et transparent. Comme un produit de luxe.

La conversation porte maintenant sur Jean Sarkozy qui pousse un coup de gueule contre la presse people. « Poivre » prend sa défense avec conviction. Affaire de solidarité. Le harcèlement, les paparazzis, il connaît lui aussi. « Heureusement qu’il y a des lois pour protéger les citoyens contre ces agressions… Parce que vous savez, ce n’est pas drôle. » Comment ne pas compatir à un tel calvaire ? Géraldine Muhlmann ne compatit pas. Elle semble même très agacée. Est-ce parce que Poivre l’a un peu draguée, fort maladroitement d’ailleurs, pendant la discussion précédente ? L’air de ne pas y toucher, elle lui balance un scud. « Je me pose une question, dit-elle, faussement candide. Comment expliquez-vous que des gens très connus, qui sont souvent dans le poste, comme le présentateur du « 20 heures » sur une très grande chaîne, parviennent à conserver la plus grande discrétion sur leur vie privée ? Ne serait-ce pas parce qu’ils ont toujours montré la plus grande fermeté ? » L’allusion à Pujadas est claire.

Evidemment, ça l’énerve PPDA, d’entendre parler de son ex-concurrent qui a eu le culot de lui survivre au « 20 heures ». Du coup, il lâche le morceau. Fini la drague. « Chère Géraldine, dit-il avec l’air de penser qu’elle ne comprend rien, ce n’est pas ça du tout. Si la presse people ne s’intéresse pas à ces gens, c’est parce qu’ils ne sont pas bankable ! » Etre bankable, voilà ce qui compte. En clair, contrairement à PPDA, ces pauvres abrutis qui n’ont jamais été traqués par un paparazzi n’ont aucune valeur marchande. Croyez-vous que c’est pour lui faire plaisir que Match, Gala ou VSD lui ont consacré tant de « unes » ? Bernique. PPDA fait vendre et il en est plutôt satisfait. Win-win game : le magazine engrange et chaque « cover » fait grimper l’action du bankable.

Surtout, ne croyez pas qu’on naît bankable. Non, on le devient à la force du poignet – il faut beaucoup téléphoner. Faire de sa vie une marchandise n’est pas donné à tout le monde. PPDA a assurément atteint les sommets de la bankabilité. Son nom est devenu une marque. C’est pas la Ferrari qui pourrait en dire autant. Les temps changent. Jusque-là, on accusait les journalistes d’être vendus. Désormais, on leur reproche de ne pas être vendables.

Camarade W.

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Un spectre hante les marxistes-léninistes lucides que nous sommes et ce spectre, c’est la fin de l’administration Bush. Georges W. Bush a mené une expérience communiste sans précédent et dans son travail de sape du capitalisme, aurait écrit Marx, « nous reconnaissons notre vieille amie, notre vieille taupe qui sait si bien travailler sous terre pour apparaître brusquement : la Révolution ». Savoir qu’il risque de ne pas finir son œuvre, c’est-à-dire détruire le capitalisme, pour une stupide question de calendrier électoral, voilà qui a de quoi nous inquiéter. Que le ticket vainqueur en novembre soit celui des mencheviks Obama-Bidden ou celui des cléricalo-fascistes Mc Cain-Palin, il est évident qu’ils tenteront tout pour liquider l’œuvre titanesque de Georges W. Bush si nous n’avons pas atteint d’ici là ce point de non-retour où l’économie de marché ne sera plus que le mauvais rêve d’une société endormie.

C’est donc une véritable course contre la montre qui se joue sous nos yeux : l’héroïque Texan, le Potomac de la pensée, le quarterback de la révolution mondiale aura-t-il le temps d’achever sa tâche ?

Le bilan de Georges W. Bush est en effet celui d’un véritable génie du communisme. Voici un homme dont le visage ne devrait pas, pour la postérité, être taillé dans la pierre du mont Rushmore, aux côtés de Washington, Jefferson, Lincoln et Théodore Roosevelt. Au contraire, il faudrait plutôt imaginer son mâle profil inscrit sur le drapeau rouge de l’émancipation, à la suite de ceux de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao.

Son entreprise pour discréditer l’économie de marché est trop concertée, trop pensée pour que l’on puisse un seul instant croire au hasard, à la maladresse ou à la malhonnêteté. C’est avec une maîtrise et une efficacité exemplaires que le quarante-troisième président des Etats-Unis a accéléré le processus de décomposition du capitalisme, suivant à la lettre les recommandations de Marx plutôt que d’Adam Smith et de Lénine plutôt que de Milton Friedmann, contrairement à ce que veulent faire accroire des observateurs superficiels. Rappelons que la prise de pouvoir de Georges Bush, en 2000, suit une technique typiquement bolchévique. Un respect apparent des formes de la démocratie bourgeoise mais, dans la réalité, aucune hésitation à brusquer les faits. Ainsi le décompte des voix en Floride fut-il au premier mandat de W ce que la prise du palais d’Hiver fut à la révolution d’Octobre : le coup de rein décisif.

Ensuite, très vite, il y eut la guerre et pas n’importe quelle guerre mais la guerre impérialiste dont Lénine disait dans L’opportunisme et la faillite de la deuxième Internationale : « L’époque de l’impérialisme capitaliste est celle où le capitalisme a atteint sa maturité, celle où il l’a dépassée, et se trouve à la veille de son écroulement ; il est mûr au point de devoir céder la place au socialisme (…) Considérer qu’une guerre est une guerre de libération nationale, entraîne une tactique ; considérer qu’elle est impérialiste en implique une autre. Le Manifeste indique clairement cette autre tactique. La guerre « amènera une crise économique et politique » qu’il faudra « utiliser » non pour atténuer la crise, non pour défendre la patrie, mais au contraire pour « secouer » les masses, en vue de « hâter le renversement de la domination de la classe capitaliste ». »

Cette crise, nous y sommes enfin, grâce à la politique visionnaire du bushisme. Quelle intelligence dans la création d’un climat économique favorable aux idiots utiles du marché mondialisé et aux savants fous de la financiarisation dont le chef d’œuvre est la subprime immobilière, produit bancaire psychotique et délire monomaniaque sur la valeur d’échange ! Ne s’agissait-il pas de convaincre les emprunteurs que le pavillon en planches d’une Sarah Palin quelconque dans la banlieue d’Anchorage finirait un jour ou l’autre par valoir autant que la résidence en marbre de Julia Roberts à Beverly Hill ? Ainsi a joué à plein ce que Georges W Bush, fin lecteur du Capital, véritable althussérien de la Maison Blanche, a pu appeler avec Marx, « le caractère fétiche de la marchandise ».

Et le voilà, notre petit père des grandes plaines, maintenant que l’effondrement est imminent, qui prépare les réformes de structures indispensables pour passer au socialisme réel : ses bras armés, la Banque Fédérale et le secrétariat d’Etat au Trésor nationalisent à tour de bras les grandes banques, les assureurs, les organismes de crédit. C’est une manière de NEP qui laisse pour seules victimes du talon de fer du marché les patrons de supérette de Wichita, les équipementiers automobiles de Talahasee et les fermières survivalistes du Montana. Le jour venu, tous, ruinés, aigris, revenus de leurs illusions sur la libre entreprise, rejoindront les rangs de la Grande Révolution Communiste Américaine.

Notre seule angoisse, donc, ce sont ces maudites élections de novembre qui pourraient tout remettre en question. A moins que, pour sauver les acquis de ses deux mandats, le camarade Bush décide de passer, avec l’aide des vétérans d’Irak et d’Afghanistan, à la dictature du prolétariat.

Ce que nous souhaitons ici, de tout cœur.

Caricature antisémite à Charlie Hebdo ?

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C’est en tout cas ce qui ressort de l’affiche du documentaire de Daniel Leconte, C’est dur d’être aimé par des cons, consacré à l’affaire des caricatures de Mahomet, en salles cette semaine. Sur cette affiche, Cabu a affublé le défenseur de Charlie Hebdo, Me Richard Malka, d’un nez manifestement crochu, alors que selon des sources généralement bien informées, ledit nez est à peine légèrement busqué. Emus aux larmes, nombre d’ami(e)s de l’avocat envisagent de porter à leur tour l’affaire en justice. Pour l’instant, ils hésitent encore pour savoir s’ils confieront leurs intérêts à Gilles-William Goldnadel ou à Jacques Vergés.

Johannes von Schoenberg

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En 1552, Johannes von Schoenberg, ministérial du Saint Empire romain germanique, commanda son portrait à l’un des plus illustres peintres de l’époque, Diego Vélasquez. Le problème est qu’au moment où le ministérial posait dans l’atelier du peintre, il venait d’édicter une taxe sur les costumes et les coiffures (ce qui explique sa tenue dépenaillée et ses cheveux hirsutes) ainsi qu’une taxe sur les pinceaux (ce qui explique que ce tableau laisse l’impression d’avoir été peint avec les pieds). Cela n’empêcha pas le ministérial von Schoenberg de mener une carrière dont les développements furent durables : il donna son nom à un peu plus de onze mille taxes. Il finit lynché par la foule lors de la réunion de la Diète d’Empire à Ratisbonne en 1567, victime de l’une des rares pratiques qu’il avait omis de taxer.

Diego Vélasquez, Retrato de un loco, 1552. Huile de ricin sans OGM sur toile recyclée, conservée à la cafétéria de l’amicale du personnel du Centre de Cadarache.

Les Hongrois n’ont pas digéré l’affront de Trianon

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Si je vous dis « Trianon », à quoi pensez-vous ? Au parc de Versailles, bien sûr, quelle question ! Prenez maintenant l’avion pour Budapest et allez poser la question au premier Hongrois que vous rencontrerez. Inutile de parler hongrois, prononcez simplement les trois syllabes Tri-a-non. Vous le verrez alors aussitôt se cabrer. On peut le comprendre. C’est en effet au Grand Trianon que fut signé le 4 juin 1920 un traité de paix, en fait un véritable diktat, qui imposait à la Hongrie vaincue des mutilations tout aussi humiliantes qu’injustes : perte des deux tiers de son territoire et de près des deux tiers de sa population (qui passait brusquement de 20 à 7,6 millions d’âmes). Une pilule particulièrement amère que les Hongrois n’ont jamais avalée.

Une fois retombée la fièvre irrédentiste de l’entre-deux-guerres, on avait bien fini, tant bien que mal, dans l’après-guerre communiste, à panser, sinon à cicatriser la plaie. Bien sûr, tous ces pays étaient frères et devaient s’aimer dans la foi marxiste. Car j’ai oublié de préciser où étaient passés les territoires perdus. Pour résumer : la plus grande part chez les Roumains (Transylvanie), les Slovaques (Haute Hongrie, Ruthénie) et les Yougoslaves (Banat et Croatie, cette dernière étant déjà autonome avant le traité). Certes, la rancœur demeurait, mais enfin, le sujet ne faisait plus la « une », ni dans les médias, ni dans les dîners.

Et voici que le démon revient au galop. Un spectre hante l’Europe centrale : celui des minorités nationales. Peut-être avez-vous entendu quelques échos de la joute verbale qui oppose ces jours-ci Slovaques et Hongrois. Les échanges sont violents et pas seulement verbaux, d’ailleurs (les nationalistes slovaques ont passé à tabac une jeune fille qui a eu le malheur de parler hongrois !…) Depuis quelques années, les incidents sont quasi quotidiens, mais ils prennent brusquement aujourd’hui une tournure inquiétante. Il faut reconnaître que les autorités slovaques, fanatiquement nationalistes, se montrent, en l’occurrence, particulièrement agressives, en particulier lorsqu’elles accusent les Hongrois de mettre en danger toute la région par leur politique de remise en cause des frontières. Si le reproche est totalement infondé en ce qui concerne la position de l’actuel gouvernement hongrois, modéré et soucieux de ne rien envenimer, force est de constater que l’état d’esprit de la population hongroise n’est pas tout à fait innocent.

À ce stade, il convient de se demander qui étaient exactement les quelque 12 millions de personnes arrachées à la Hongrie par le traité de Trianon. Trois millions et demi d’entre elles étaient bien des Hongrois. Parmi les autres, on comptait 2,8 millions de Roumains, 2 millions de Slovaques, 1,7 million de Croates, 1 million de Serbes, 1 million d’Allemands. Autrement dit, les populations arrachées à la Hongrie étaient dans une très large proportion, les membres des minorités nationales. Et c’est cette question, indébrouillable depuis un siècle, qui ressurgit aujourd’hui, mais comme inversée. Hier, Roumains, Slovaques et Serbes constituaient des minorités en Hongrie. Aujourd’hui, ce sont les Hongrois qui forment une minorité en Roumanie, Slovaquie, Serbie (et Ukraine). On finit par se demander si cette région peut échapper aux aspirations concurrentes de peuples qui ont le sentiment d’avoir été floués dans la distribution des Etats et où beaucoup rêvent de redessiner les frontières. Hongrois et Slovaques, membres de l’Union européenne depuis plus de quatre ans, viennent d’intégrer l’espace de Schengen où ils seront bientôt suivis par les Roumains. Au lieu de ressasser indéfiniment cette « injustice » et de se complaire dans leur statut de « minorités victimisées », ne serait-il pas temps, pour tous, de penser en termes d’Europe ?

Pour les Hongrois, Trianon est une punition et une punition injuste. Une version balkanique du diktat infligé aux Allemands. Mais on ne retire pas à un Etat l’autorité qu’il avait sur « ses minorités » (dans le cas qui nous occupe, il s’agit de plus de 9 millions de personnes) simplement pour punir le peuple « allogène ». Inutile de dire qu’ils ne prisent guère ce genre de remarque. Il m’est néanmoins difficile de trouver normal que tous les magasins de Budapest proposent aux touristes la carte de l’ancienne Grande Hongrie qui englobe toute la Croatie, la Transylvanie et une grande partie de l’actuelle Slovaquie. Et de voir cette carte accolée à la plaque minéralogique d’une voiture sur quatre est pour le moins inquiétant. Il y a là, au minimum, de quoi vexer les touristes des pays voisins. Et que dire de la « Garde hongroise », cette phalange paramilitaire mise en place par l’extrême droite avec la bénédiction – au sens propre ! – d’ecclésiastiques en vue, qui prétend défendre le pays contre les menaces étrangères (et intérieures, d’ailleurs, représentées par les communautés tzigane et juive…) ? Près d’un siècle après le traité honni, les commandants de cette milice se réunissent régulièrement au mémorial de Trianon (il existe des musées et associations anti-Trianon…) pour jurer de ne jamais oublier l’affront. Et puis, il y a cette requête adressée au Tribunal de La Haye pour réclamer purement et simplement l’annulation du traité. Certains, décidément, aiment chatouiller le diable.

Al Doura : France 2 accepte un « groupe d’experts »

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Surtout, n’allez pas croire qu’il s’agit de la commission d’enquête réclamée par le CRIF. Dans l’affaire Al Doura, France 2 accepte de s’en remettre au jugement d’un « groupe d’experts indépendants et professionnels » – une sorte d’arbitrage en somme. À en croire Arlette Chabot, Patrick de Carolis veut en finir avec la polémique. La patronne de l’info de France 2, qui affichait une assurance à toute épreuve, intervenait au cours d’un curieux dialogue de sourds organisé et orchestré par Antoine Spire pour le MJLF (Mouvement du Judaïsme libéral de France) : Chabot ayant refusé de débattre avec Philippe Karsenty, ils sont intervenus l’un après l’autre. Peut-être ce groupe d’experts est-il l’amorce d’une retraite en bon ordre de la chaîne publique. En attendant, comme d’habitude, Arlette Chabot a opposé une fin de non-recevoir à toutes les questions concrètes soulevées par Karsenty. Elle a affirmé avec emphase que, si le « groupe d’experts » concluait à la mise en scène, tout le personnel du bureau de France 2 à Jérusalem serait viré. C’est ce qu’on appelle avoir le sens des responsabilités.

Martine Aubry n’est pas candidate

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Elle n’est pas candidate au poste de premier secrétaire. Elle ne veut rallier personne à son « panache blanc ». C’est elle-même qui le dit. Pour autant, Martine Aubry continue à vouloir que le Parti socialiste profite de son Congrès de novembre pour renouer avec les « valeurs de gauche ». Une gauche décomplexée vis-à-vis de l’Europe, c’est ce que réclame la fille de Jacques Delors, qui renvoie dos à dos Olivier Besancenot et François Bayrou, qu’elle accuse de ne pas être des forces de proposition, mais d’opposition. On plaide pour le débat d’idées, mais ça balance quand même pas mal à Lille.

Entretien avec Martine Aubry

Entretien réalisé le 17 septembre, à Strasbourg, au Club de la Presse, en partenariat avec la Librairie Kléber.

Alaska, c’est exquis

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La campagne pour la présidence des Etats-Unis a pris un tournant, peut-être décisif, avec la nomination de Sarah Palin comme candidate à la vice-présidence sur le ticket républicain. Chacun aura d’ailleurs remarqué la discrétion des médias français, majoritairement acquis à la cause de Barack Obama, qui boudent maintenant ouvertement une campagne qui n’a plus rien d’une marche triomphale pour le sénateur de l’Illinois.

Le jeu de massacre auquel a été soumise Sarah Palin dès sa nomination – en fait une reprise mot pour mot des attaques lancées contre elle par l’extrême gauche d’outre Atlantique – n’a pas aidé, c’est le moins qu’on puisse dire, à la compréhension du phénomène qu’elle a suscité.

Sa caricature en reine de beauté devenue mère de famille réac et bigote dans un petit bled paumé au milieu de nulle part, dont elle est devenue maire avant de dézinguer les politiciens corrompus de Juneau, capitale de l’Alaska, ne saurait expliquer l’élan nouveau que son arrivée dans le cirque électoral a donné à la campagne républicaine.

Juneau, justement, je m’y trouvais en septembre 2004, alors que la campagne opposant George W. Bush à John Kerry battait son plein. On est là loin des think tanks de Harvard, des sunlights d’Hollywood, des bars branchés du quartier de Georgetown à Washington, tous lieux où les observateurs français dépêchés par leur rédaction viennent, pour l’essentiel, chercher leur pitance rédactionnelle. En fait, je n’étais pas à Juneau pour faire dans cette charmante bourgade un reportage « décalé » sur la précédente présidentielle, mais pour m’éclater en allant pêcher le saumon, le flétan et le crabe royal à bord d’un voilier skippé par un ancien pêcheur de Noirmoutier.

Néanmoins, à l’issue de ce périple d’un mois le long des côtes alaskanes, de quelques bouteilles vidées du crépuscule à l’aube à bord de bateaux partageant avec nous le même mouillage, et de rencontres improbables sur des quais désolés, je revins au pays avec la ferme conviction que George W. Bush allait être réélu les doigts dans le nez en novembre 2004. Je vous laisse imaginer comment ce sentiment fut accueilli à mon retour : quolibets, sourires entendus mettant en doute mes facultés mentales, sans compter les coups de téléphones alarmés de mes amis entre eux se lamentant sur la triste nouvelle de mon virage réac et néo-cons…

Mais arrêtons l’autofiction, dont moi-même je n’ai rien à battre, pour revenir à non moutons, ou plutôt à nos ours, en nous posant la question à un million de dollars : de quoi Sarah Palin est-elle le nom ? De l’Alaska pardi ! Pour de très nombreux citoyens des Etats-Unis, cet Etat arctique immense et peu peuplé est la dernière frontière qui fait rêver le gratte-papier du New-Jersey, la serveuse de McDo du Kansas et même l’intello de New York saisi par le spleen du « Qui suis-je ? Où vais-je ? et dans quel Etat j’erre… » L’Alaska, bien sûr ! Sur un territoire grand comme trois fois la France, agrémenté de paysages somptueux vivent quelque 600 000 habitants dont la diversité ethnique, de mode de vie, de convictions politiques, philosophiques et religieuses cohabitent d’autant mieux qu’il y a suffisamment de place pour ne pas se marcher sur les pieds.

On y trouve aussi bien des lotissements style Desesperate Housewives pour les familles de militaires ou de travailleurs de l’industrie pétrolière à Anchorage, la principale ville, que des cabanes en rondins paumées au détour d’une rivière pour les pêcheurs de saumons et chasseurs de caribous, des villages côtiers indiens repérables à leurs collines pelées : toutes leur forêts domaniales ont été saignées à blanc et transformées en bois d’œuvre pour l’industrie japonaise du bâtiment. Après avoir transformé leur bois en whisky, ils vivent maintenant tristement du welfare et du chèque annuel que l’Etat d’Alaska reverse à chacun de ses citoyens sur les dividendes du pétrole et du gaz exploités dans la région de Purdue, sur la côte arctique. Ce chèque, en 2008, a atteint la somme record de 2 200 € par personne en raison de la flambée de cours du brut.

Pour les urbains, menant un mode de vie similaire à celui du reste des Etats-Unis, ce revenu complémentaire aide à compenser un coût de la vie très élevé, en raison de la nécessité d’importer la totalité des biens de consommation et d’équipement. Pour ceux qui ont choisi de vivre dans la nature, cette somme finance l’essentiel de la survie, vêtements, entretien de la moto-neige et du canot à moteur, outils, armes et munitions pour aller chasser et pêcher. L’abondance du gibier et du poisson assure la nourriture pour les longs hivers. On n’assiste plus, comme au début du siècle, à des légendaires ruées vers l’or et leur cortège de bandits, prostituées et tricheurs au poker. N’empêche, le « quartier réservé » de Juneau a été reconstitué à l’intention des touristes avec des acteurs et actrices plus vrais que nature, dans un Etat où la prostitution et le jeu sont aujourd’hui strictement prohibés.

Pour faire du dollar en Alaska, il faut être très costaud ou très malin. Très costaud comme ces étudiants californiens aux muscles saillants qui viennent gagner en trois mois l’équivalent de deux ans de frais d’université en pêchant le crabe royal dans le détroit de Behring, dans des conditions qui feraient passer l’enfer pour un havre de bien-être. Très malins comme ces bijoutiers indiens (d’Inde) qui attendent à Juneau ou à Ketchikan les immenses navires de croisière bourrés jusqu’à la gueule de touristes du troisième âge qui sautent sur tout ce qui brille. Pour le reste, hors Anchorage l’industrieuse et Fairbanks l’universitaire, la culture se limite aux concours de bûcherons pour les mâles et de T-shirts mouillés pour les femelles. Il y en a qui aiment.

John McCain, ou les crânes d’oeuf qui gèrent sa campagne, ont fait coup double : ils ont introduit du women pride et de l’Alaska dream dans le jeu électoral. Waouh !

Toute révolution est anticulturelle

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Au lendemain des triomphales cérémonies des J.O. de Pékin, France 5 diffusait assez opportunément un documentaire sur la Révolution culturelle chinoise, signé de l’écrivain et réalisateur Xu Xing. Opportunément, dis-je, tant les rencontres avec des rescapés de ce monstrueux psychodrame – filmées voici quelques mois à peine – contrastent violemment avec l’image, impeccablement réaliste socialiste , que nos médias ont bien voulu nous donner l’été passé de la Chine.

L’infortuné Xun Xing n’était qu’un enfant quand ce truc lui est tombé sur la tête. Dès lors, il lui a semblé, selon ses propres termes, « passer dix ans dans le tambour d’une essoreuse devenue folle ». Et trente ans plus tard, on le sent bien, il ne s’en est toujours pas remis. Son père (classé « droitier » depuis 1958, le pauvre !) est soudain « nommé » jardinier d’un bataillon de l’Armée Populaire de Libération en Mongolie Intérieure. Sa mère, médecin à Pékin, est mutée dans la province profonde « pour soigner les paysans et non plus les capitalistes urbains »… Quant à lui, tombé amoureux de la charmante Lin Tao, il ose lui écrire une lettre… Erreur fatale en ces temps de « vertu rouge » ! Paniquée, la jeune fille le dénonce aussitôt aux autorités. Ils ne se reverront que trente-cinq ans plus tard…

Des parents séparés ; un amour interdit ; une jeunesse brisée… De quoi se plaint Xu Xing ? Grâce à son jeune âge, précisément, l’orphelin de la « Révo Cul » a échappé aux foudres des Gardes rouges : il n’a été ni fusillé, ni battu à mort, ni même torturé. Il s’est réveillé vivant de cet interminable cauchemar ; un cauchemar de « ouf malade » qui, dit-il, « hante encore tous les Chinois » et sur lequel, justement pour cette raison, le régime continue d’entretenir le silence le plus absolu. Mais la plus grande folie reste sans doute, dans ce drame, celle de notre intelligentsia occidentale et surtout, il faut bien le dire, hexagonale (cocorico !)

Avant même Mai 68, tout ce que notre pays compte d’ »intellectuels » autoproclamés (ainsi que leurs parents, amis et connaissances) a commencé de se ruer en rangs serrés vers les délires de la maolâtrie. Délires à coup sûr, mais délices aussi : quoi de plus rassurant pour un intello professionnel que de cesser enfin de cogiter pour s’abandonner lascivement au « Phare de la Pensée » ? « Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » – dans les deux sens du terme. Le plus drôle, si l’on ose dire, c’est que ces bancs de gros-cerveaux échoués sur la Plage aux maoïstes ignoraient tout de la réalité du Grand Guignol auquel ils applaudissaient.

Pour donner une idée aux plus jeunes d’entre vous, la maolâtrie de l’époque, c’était un peu la dalaïlamalâtrie d’aujourd’hui. Aussi absurde, mais en beaucoup plus grave : au-delà du million d’ »ennemis du Peuple » assassinés ès qualités, cent fois plus de victimes à la vie cassée net. Tout ça n’a évidemment pas empêché nos élites de l’époque – du Monde à Sollers et de l’Obs à Serge July, vous vous souvenez ! – d’accueillir avec des standings ovations, pendant dix ans et plus, les numéros foireux et sanguinaires du Grand Mao Circus.

A preuve, le sort que ces gens-là réservèrent, dès 1971, au seul livre utile, aujourd’hui encore et une fois pour toutes, à la reconstitution de cet engrenage diabolique. Les Habits Neufs du président Mao fut le premier chef-d’œuvre de l’admirable Simon Leys. Pour ce seul livre d’ailleurs – et bien qu’aucun autre ne me paraisse dispensable – Leys mériterait largement l’Immortalité, et l’habit vert du même métal. Certes il est belge, mais il faut bien que ça serve à quelque chose, l’immigration choisie !

Parce qu’enfin, ce mec est un génie. Ou du moins, si vous n’aimez pas les grands mots, le plus grand écrivain francophone vivant. « Sinologue de formation », comme on dira en temps utile dans sa brève nécro du Monde (s’il existe encore), Simon Leys s’est donc fait connaître avec cette charge violente et subtile contre la Révolution « culturelle » chinoise. Une mauvaise blague aux yeux emboués de notre inintelligentsia parisienne, tout entière prosternée devant le Grand Timonier, et qui l’a donc ostracisé aussi sec.

TNT pour tous

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Le Liban a vécu ces dernières années une recrudescence inquiétante de la violence politique, marquée notamment par les  assassinats à répétition de personnalités  hostiles au Hezbollah et à la domination syrienne. Depuis quelques mois, on constate une nouvelle donne avec l’attentat réussi contre Imad Moughniyeh (chef d’opérations du Hezbollah) à Damas en février et celui ayant coûté la vie au député druze pro-syrien Salah Aridi la semaine dernière. Exécutions auxquelles il faut ajouter la disparition mystérieuse de Haj Amin Sallah (un autre haut responsable de la milice chiite) à Tyr, il y a trois semaines. Les négociations de l’an dernier n’ont pas été donc vaines et la vie politique libanaise semble avoir retrouvé l’équilibre.