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Des juifs indéfendables

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Le comble de l’antisémitisme serait de croire qu’il n’y a pas chez les juifs une proportion raisonnable de brutes écervelées et de jeunes crétins. Ou encore de considérer que les auteurs de violences commises au nom d’une improbable « défense juive » sont excusables parce qu’ils sont pauvres, incultes ou traumatisés par les souvenirs d’une guerre qu’ils n’ont pas vécue.

À Causeur, l’antisémitisme, on n’est pas trop pour. En conséquence nous pensons que quand des juifs sont coupables de délits ou de crimes, ils ont le droit, comme n’importe quels Français, d’être coffrés par la police de leur pays et jugés par la justice de leur pays. Peu me chaut qu’ils invoquent Israël, la Torah, la pensée du président Mao ou leur enfance malheureuse.

On peut donc se féliciter que les auteurs présumés du saccage d’une librairie parisienne vouée à la défense de la cause palestinienne aient été interpelés et placés en garde à vue mercredi. Les idées, ça se combat avec des idées. Autrement dit, quand on n’est pas d’accord, on cause, mieux que l’adversaire, plus fort et plus malin que lui. On lui explose la tête intellectuellement. Mais on n’attaque pas une librairie. Pas chez nous les Français. Pas chez nous les juifs.

Je n’ai jamais mis les pieds dans la librairie « Résistances » sise à Paris XVIIème et je ne pense pas pallier ce manque dans un avenir proche. Ses responsables Olivia Zemor et Nicolas Shahshahani animent ou animèrent le CAPJIPO, dont une partie du sigle signifie « Pour une paix juste au Proche Orient », ce qui pour eux, passe plus ou moins clairement par la disparition d’Israël comme Etat juif – un Etat juif, c’est déjà fasciste, non ? Ces deux braves pacifistes qui furent également fort actifs dans la liste Euro-Palestine en 2004 ont une tendance marquée à « comprendre » (attention, je n’ai pas dit justifier), les « résistants » du Hezbollah et autres organisations également très pacifiques. Le genre à condamner les attentats-suicides, mais.

Pour être honnête, il faut préciser qu’ils semblent s’être arrêtés à la porte du dieudonnisme. Je n’irais ni passer des vacances avec eux ni chercher dans leur librairie de quoi lire pendant les miennes. Mais je suis prête à me battre pour qu’ils puissent continuer à vendre leur propagande anti-israélienne en toute quiétude.

Or, vendredi dernier, apprend-on par les agences de presse, « cinq hommes cagoulés et en jogging sombre sont entrés dans la librairie armés de bâtons et de bouteilles d’huile. Ils ont cassé la caisse et les ordinateurs, jeté les livres par terre et vidé leurs bouteilles d’huile sur le sol ». En prime, ils ont, sinon brutalisé au moins bousculé et effrayé les personnes qui se trouvaient là. Les agresseurs se sont réclamés de la « Ligue de défense juive » – qui nie sur son site « toute participation aux dégradations de la Librairie Résistances ». La police tranchera. Mais si la survie du peuple juif dépend d’aussi sombres abrutis, l’avenir n’est pas tout rose.

Alors, ça me fait tout drôle mais voilà : je suis d’accord avec Pascal Boniface. Dans une tribune publiée sur son blog, il exprime son « indignation à la fois par rapport à l’attaque qu’ils ont subie, et l’absence de réactions qu’elle a suscitée ». Eh bien moi aussi, je suis indignée par l’attaque et indignée par l’absence de réactions. Pour tout dire, j’aurais apprécié un communiqué du CRIF ou de la LICRA. Et puisque c’est mon jour, je ne suis pas loin d’être d’accord avec le MRAP qui demande l’interdiction de la LDJ. S’il y a de quoi, dans la loi, interdire cette association, il faut que force reste à la loi.

Et puis s’attaquer à des livres devrait être une circonstance aggravante, en particulier quand on appartient à un peuple du Livre.

Arthur Russell, icône de rien

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Arthur Russell
Arthur Russell.

William Socolov repose son verre. Le boss du label Sleeping Bag est, cette nuit de 1979, un homme heureux. Il est 2 heures et tout le Loft est en transe ; le mythique night-club de New York se déchaîne sur la démo qu’il vient de passer au disc-jockey : Go Bang, d’Arthur Russell. Il faut en féliciter l’auteur. Où est-il passé ? Le producteur se fraie un passage parmi les clubbers, se fait claquer une bise par Lola Love, la choriste de James Brown : « So funky, Will, so funky », et peine à mettre la main sur Arthur Russell, dont le public vient de tomber raide dingue sans même le connaître.

Arthur est prostré dans un coin. Elle a une drôle de dégaine, la nouvelle star du disco : à 26 ans, son visage conserve des stigmates prononcés d’acné juvénile et ses chemisettes à carreaux lui donnent des allures de fermier de la Corn Belt. Pour le glitter et le glamour, on repassera.

[access capability= »lire_inedits »]« Arthur ! Tu as vu : les gens adorent !
– La démo est à chier. »

Russell tourne les talons. C’est, chez lui, une seconde nature. Quand vient le succès, ne pas trop y croire, signer ses disques sous pseudo (il en aura beaucoup) et passer très vite à autre chose – on n’est jamais trop prudent.

Le lendemain, Russell assure une performance au Kitchen, une scène avant-gardiste située dans Chelsea. Ce n’est pas une scène, ni un conservatoire, ni une école, mais une boîte de Pétri de la musique expérimentale : ça bouillonne. On y croise des jeunes gens doués comme Lauren Anderson et Brian Eno. Généralement, Arthur y chante, s’accompagnant au violoncelle et bidouillant avec une boîte à effets. C’est toujours étrange de retourner au Kitchen : il en a été directeur musical quelques mois. Il a été beaucoup de choses pendant quelques mois.

Arthur aura à peine le temps de quitter le Kitchen pour passer au home studio qu’il a aménagé dans l’appartement de l’East Village, où il vit avec son compagnon, Tom. Il y passe des heures, accumule les enregistrements et emprunte le ferry vers Staten Island pour réécouter ses morceaux sur son walkman.

La nuit le verra partout où New York vit en underground. Il fréquente les « places to be » et s’y produit : la Danceteria pour la new wave et la pop, la Gallery et le Paradise Garage pour le disco, le Roxy pour le hip-hop, le Lower Manhattan Ocean Club pour la folk. Des opportunités, il en a, bien sûr. Mais, immanquablement, ça coince. On lui propose d’écrire la partition d’une adaptation de Médée, il s’embrouille avec le metteur en scène. Quand il rencontre David Byrne, qui lui propose de rejoindre les Talking Heads, un petit groupe qu’il est en train de monter, ça ne colle pas.

Il n’est pas facile de travailler avec Arthur. Perfectionniste, il revient plusieurs fois sur l’ouvrage, réécrit, révise, réenregistre. La plupart du temps, il laisse ses chansons inachevées. Sa voix diaphane, ses compositions à la croisée de la pop, la new-wave, la folk et le disco, sont à la fois accessibles et déconcertantes. En 1986, son album World of Echo connaît un succès d’estime. Il tombe malade et entreprend un nouvel album, Corn, qu’il n’achèvera pas. Là, ce n’est pas sa faute, mais celle de la mort – bonne excuse. Arthur Russell décède en 1992, laissant plusieurs centaines de bandes d’enregistrement, avec parfois plusieurs dizaines de versions d’une même chanson.

Depuis quelques années, la critique redécouvre Arthur Russell et le transforme en icône pop et gay. À tout prendre, Russell aurait certainement préféré être tenu pour une icône transgenre. Non pas qu’il enfilait en douce les robes de maman, mais, dans ces années 1980 où la loi des genres commençait à segmenter la musique pour mieux la commercialiser, il refusait les étiquettes et les styles imposés par les producteurs et les disquaires. Un doux anarchiste expérimental, qui avait substitué au classique « Ni dieu ni maître » un « Ni pop, ni rock, ni folk, ni disco ». De la musique avant toute chose, et de l’exploration. Peut-être Arthur Russell n’est-il jamais parvenu à une version définitive de quoi que ce soit, mais ses ébauches surpassent bien des œuvres achevées.

Calling Out of Context

Price: 29,61 €

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Audika Records réédite certains albums et publie des inédits d’Arthur Russell. Calling Out Of Context (AU-1001-2) et World Of Echo (AU-1002-2). Le réalisateur Matt Wolf lui a consacré un documentaire, Wild Combination, a portrait of Arthur Russell, disponible en DVD distribué par Plexifilm.
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La fin des temps continue

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Clébard

À Paris aussi, les signes de la fin des temps se multiplient.

Ce matin, encore : attablé à la terrasse d’un bistrot, j’assiste, impuissant, à une scène d’apocalypse. Deux hommes accomplissant de conserve l’étrange rituel biopolitique connu sous le nom de « footing » passent dans la rue. Il s’agit, à l’évidence, d’un « couple gay », et non de deux hommes qui s’aiment. L’un des deux est possédé par un corps gigantesque et bodybuildé. Son regard plein d’effroi atteste qu’il ne s’agit nullement du sien. Ses petits yeux semblent être la seule partie réelle de son corps, comme si tout le reste de son corps véritable était enseveli, dissimulé, broyé à l’intérieur de ce performant tas de viande. Au bout du bras du géant sans corps, je vois soudain une main. Cette main tient une laisse.

[access capability= »lire_inedits »]Au bout de cette laisse (allez-y voir vous-même, si vous ne me croyez pas), se trouve un minuscule chien haletant, courant à un rythme effréné. Le géant s’arrête. Le chien défèque sur la chaussée. Et, presque instantanément, notre citoyen en phase terminale tire de sa poche un sac en plastique, à l’intérieur duquel il enveloppe diligemment la merde du petit clébard. Puis, conservant le sac et la crotte à la main, il reprend sa course de néant avec ses deux compères.

Une semaine plus tôt, j’ai découvert dans les poubelles de mon immeuble le manuscrit de L’Esprit du nihilisme, une ontologique de l’Histoire, de Mehdi Belhaj Kacem, dans le grand réceptacle jaune fluo sale destiné aux papiers et cartons.

Julien Coupat écrit dans Le Monde.

Nul ne filme le corps de Julien Coupat. (« Il en manque un ! », hurlent les Spectateurs terrifiés.)

Le premier homme ayant subi une « greffe du visage » est mort, probablement sans avoir eu le temps de lire une seule ligne de Lévinas.

La DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) poursuit la guerre contre l’Ennemi intérieur, mais désormais « uniquement au sein de ses propres services ».

L’actuel Premier ministre de l’espace France, dont le nom m’échappe, se glorifie d’être un geek.

La fin des temps, chacun le sait, est advenue en 1914. Puis le monde a fini encore trois fois. Depuis, nous simulons la vie. La peinture rose de nos sourires s’écaille chaque jour davantage. Pour l’essentiel, nos corps sont inanimés.

Je terminerai par quelques prévisions encourageantes concernant les futurs gestionnaires de l’espace France :
2012 : Ségolène Royal
2017 : Nicolas Sarkozy
2022 : Ségolène Royal
2027 : Jean Sarkozy

Parfois, aussi, nous sommes soulevés par d’immenses joies.[/access]

De l’affliction à la fiction

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Motel
Bruce Bégout théorise sur le Motel à l'américaine.

Lorsque tant de philosophes estiment que la philosophie est un est moyen de passer à la télévision, Bruce Bégout persiste à croire qu’il s’agit d’un eudémonisme. Évidemment, ce n’est pas avec des mots comme ça que vous allez être invité au « 20 heures » et vous indigner avec une belle chemise ouverte ou une coupe au bol, mais c’est sans doute avec des mots comme ça que vous aurez des lecteurs et, chose devenue rare par nos temps spectaculaires, des lecteurs qui trouveront en vous de quoi mieux comprendre le monde immédiat qui les entoure et donc, être heureux. Eudémonisme, ça ne veut pas dire autre chose, ce n’est ni obscène ni trotskyste.

[access capability= »lire_inedits »]Ce qui intéresse Bruce Bégout, la petite quarantaine, c’est notre vie quotidienne, un peu comme le Henri Lefèvre, dans les années 1950, dont les travaux inspirèrent si visiblement Guy Debord. La vie quotidienne, par rapport à l’époque de Lefèvre, sécrète des aliénations d’un type nouveau, notamment dans notre rapport à un espace urbanisé, suburbanisé et rurbanisé où nous devenons des hommes sans liens, des passants tantôt émerveillés comme des enfants, tantôt seuls comme des personnages de romans noirs en cavale, en apesanteur sociale de nomade monade.

Pour illustrer ces deux aspects, Bruce Bégout a déjà écrit deux petits chefs-d’œuvre : Zéropolis, minutieuse promenade à Las Vegas, stade ultime de l’urbanisme hyperfestif, et Lieu commun où il théorise sur le motel à l’américaine, phénomène qui gagne d’ailleurs la France où toutes les périphéries sont désormais quadrillées par des hôtels low-cost faits pour l’adultère ou le repos du technico-commercial.

Le style de Bégout, dans ces deux livres, devrait réconcilier le lecteur avec la philosophie : elle redevient cette chose précise et évidente qui donne soudain un sens plein à l’existence quand, par une nuit d’insomnie, on zappe entre les deux cents chaînes du câble dans une chambre de motel, quelque part dans la banlieue de Gary, sur la route de Memphis ou encore, mondialisation oblige, sur l’autoroute Lille-Amsterdam ou coincé entre un Conforama et un Cuir Center de la zone commerciale de Saint-Amand Montrond.

Comme tous les philosophes qui écrivent bien, Bruce Bégout raconte des histoires en produisant du concept.

Alors, parfois, il se lance et tente l’expérience de la pure fiction, pas seulement pour illustrer sa philosophie mais pour la prolonger en élégants travaux pratiques. On avait déjà lu L’Eblouissement des bords de route qui se présentait comme un recueil de nouvelles sur les usagers des motels. On sait qu’à observer de trop près la réalité, elle devient presque fantastique, comme la mouche sous le microscope. C’est ce qu’a merveilleusement compris Bégout dans son tout dernier livre paru, Sphex, où le passage de la philosophie à la fiction pourrait se théoriser comme le choix volontaire d’une mauvaise distance pour observer un sujet d’étude et lui donner ainsi un aspect drôle, morbide où terrifiant. Dans Sphex, un médecin légiste veut faire plaisir à sa petite-fille et la laisse jouer avec les cadavres de l’Institut médico-légal, un milliardaire met toute son énergie à effacer Marx des mémoires, un motard passe des années à photographier sous tous les angles le trajet pourtant banal qui l’emmène de son domicile à son travail pour tenter, sans trop d’espoir, de se réapproprier un décor devenu étranger à force de répétition, et pourtant dont on ne saura jamais capter tous les détails architecturaux, toutes les variations lumineuses.

Tous ces personnages que caractérisent la névrose, la solitude, une certaine perte des repères spatiaux ou moraux sont, bien entendu, de manière implicite, à la recherche d’une possibilité de reconstruire le monde.

Et c’est là que Bruce Bégout est vraiment de la famille, si nous pouvons nous exprimer ainsi, parce que l’un de ses livres récents, La Décence ordinaire est consacré à la common decency de George Orwell, qui n’était pas devenu le banal anticommuniste que l’on a bien voulu dire après La Ferme des animaux et 1984. Non, Orwell désirait construire un socialisme d’un genre nouveau, pré ou post-marxiste comme on voudra, s’appuyant sur cet ensemble de valeurs communes aux classes populaires, de solidarités naturelles, d’attention dans le rapport à l’autre, de souci de soi dans la tenue et le discours. Bruce Bégout cite ainsi Orwell comme meilleur remède possible à nos vies mutilées : « Nous sommes simplement parvenus à un point où il serait possible d’opérer une réelle amélioration de la vie humaine, mais nous n’y arriverons pas sans reconnaître la nécessité des valeurs morales de l’homme ordinaire. Mon principal motif d’espoir pour l’avenir tient au fait que les gens ordinaires sont toujours restés fidèles à leur code moral. » Et Bruce Bégout, dans la recherche de ces valeurs, nous encourage à nous comporter comme Orwell, c’est-à-dire en « anxieux sereins ».

En attendant, si vous avez cette impression, par les temps qui courent, de tourner en rond dans la nuit et de vous brûler à son feu, si certains gestes de votre vie quotidienne vous donnent soudain le vertige, alors oui, les contes cruels de Sphex sont pour vous, petites pilules d’amertume où l’on reconnaît, dans la composition, un peu de Borges, de Mirbeau, de Villiers de l’Isle Adam.

Autant dire, du très haut de gamme.

La Découverte du quotidien, Zeropolis, Lieu commun et La Décence ordinaire sont publiés aux éditions Allia. L’Eblouissement des bords de route chez Verticales et Sphex, à L’Arbre Vengeur.
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Pour vivre heureux, restez à l’ombre

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Vacances
Trudi Kohl vous prodigue ses meilleurs conseils pour passer de bonnes vacances.

Oubliés Home, Yann Arthus-Bertrand, Daniel Cohn-Bendit et Nicolas Hulot : le péquin moyen a déjà installé sa caravane à Palavas-les-Flots et, rigolard, se réjouit du réchauffement climatique. « Il fait chaud, ils l’ont dit à la télé. Et quand il fait chaud, ça donne soif. Suzanne, rapporte des glaçons ! »

Mais Suzanne ne rapporte rien. Elle n’est pas là. Elle est à la plage et entend bénéficier, toute la sainte journée, des bienfaits du soleil : érythèmes bénins, mélanomes malins, carcinomes chagrins. Certes, elle a entendu, il y a quelques semaines à la télévision ou à la radio – c’était un lundi midi, sur Europe 1, juste avant Élisabeth Lévy –, que l’Académie française de médecine déconseillait l’exposition prolongée aux ultraviolets. Sept mille cancers cutanés sont diagnostiqués chaque année en France, trois fois plus qu’il y a vingt ans. Mais elle avait cru que cela ne concernait que les solariums, sans chercher plus loin. Et Suzanne se fait bronzer les bourrelets au soleil de la Côte en toute impunité. Soyons juste : il n’est pas dit que les chouchous qu’elle avale les uns après les autres – quand il fait chaud, faut manger gras – ne la tueront pas avant le cancer cutané qu’elle est en train de se bricoler en douce. Cela s’appelle l’insouciance française, et contre une AOC ni la raison ni l’entendement ne peuvent rien.

[access capability= »lire_inedits »]Nous autres, en Allemagne, ne sommes ni français ni insouciants. Nous pensons aux générations futures, avec tout le poids de la deutsche Vergangenheit. Willy, mon mari, m’a annoncé : « Cette année, on ne part pas en vacances. Pas question de prendre l’avion ou la voiture pour aggraver notre empreinte carbone. Quoi ? Si je ne t’ai pas vu respirer à l’instant !… On prendra le train. On descendra à Fribourg et, de là, nous irons en bus à Bad Krozingen. Cure thermale à volonté ! »

La perspective m’enchante. Quand je suis en vacances, j’adore aller à la plage. Je m’installe généralement à côté de Suzanne. Elle a toujours quelque chose à me raconter : les gosses, le temps qu’il fait, la voisine, la belle-mère, Sarkozy, Carla, les mecs. On a passé l’âge de même espérer flirter avec eux. On le sait. Mais on les regarde passer, prenant plaisir à cancaner sur leur dégaine en général et leur maillot de bain en particulier, regrettant parfois qu’ils ne nous adressent aucun regard. Ça leur ferait du mal, juste un clin d’œil ? Alors, on reprend, au goulot d’une mignonnette, une gorgée de whisky et l’on continue, avec encore plus de verve et d’entrain, à leur décerner notre plus hautain mépris.

Seulement, comme son nom l’indique, Bad Krozingen, ce n’est pas vraiment Palavas-les-Flots. D’abord, il n’y a pas Suzanne, mais de vieilles rombières qui font la moue quand vous leur proposez une rasade de whisky à même la bouteille, croyant certainement que c’est du GHB, la drogue du violeur dont elles ont entendu parler en visionnant un épisode un peu olé-olé de Derrick, ou que la gorgée qu’elles vont prendre hissera leurs gamma GT à un niveau record. « Mon diététicien m’a interdit le porto », confient-elles comme si elles avaient subi la veille la grande opération. Et puis, la plage, à Bad Krozingen, tu peux longtemps la chercher. Les moindres souvenirs que je rassemble l’indiquent : il pleut en permanence là-bas. Je crois que c’est la seule station thermale au monde où l’eau ne t’est pas projetée sur le corps par un jeune infirmier beau comme un dieu, mais tombe sur ta tête sitôt que tu t’aventures dehors. La France a la Bretagne, nous avons Bad Krozingen. Pas de jaloux : micro-climat pour tous.

Voilà qui me ferait regretter de m’être mariée, il y a un peu plus de trente ans, avec Willy. À l’époque, j’étais jeune et fringante, j’aurais pu faire ma vie avec un homme comme Bernard Madoff. Il a tout réussi. L’exemple est peut-être mal choisi, mais il n’empêche qu’avec lui, je ne risquerais ni l’insolation ni la douche d’eau : il en a pris pour cent cinquante ans à l’ombre. Une broutille ! Il est à peine âgé de 71 ans et, avec le jeu compliqué et aléatoire des remises de peine, il se pourrait bien qu’il sorte dans cent trente ans. Il arborera alors ses tout juste 200 ans. Mais deux siècles, c’est quoi dans la vie d’un homme ?

Deux siècles ne sont rien, comparés à sept jours passés à Bad Krozingen. Ce séjour m’effraie. Non seulement j’y serai privée de tout (il faut se lever de bonne heure là-bas pour trouver un bistrot), mais je ne pourrai même pas m’y livrer au sport favori de tout Allemand en farniente : éviter les Allemands. C’est déplorable : à Bad Krozingen, ils sont partout. Il y en a tant qu’on se croirait sur la Costa del Sol. Encore qu’à Malaga ou à Torremolinos, tu peux esquiver en ânonnant un « Yo no hablo alemán… » Mais va essayer de baragouiner espagnol à Bad Krozingen : tu deviendrais l’attraction number one, tous les petits vieux se réuniraient autour de toi en essayant de te convaincre de danser le flamenco. Comme à Torremolinos.

Je me demande si je ne vais pas laisser Willy passer seul ses vacances. Je m’installerai chez mes amis de Causeur : Élisabeth, Gil, Marc, Basile, François, Luc ou Jérôme. Ou chez vous, peut-être. Invitez-moi, je vous en prie ! Je suis propre sur moi, je raconte des blagues, je boirai votre whisky et je vous dépayserai en ne vous parlant qu’allemand. Comme à Bad Krozingen. Ou à Torremolinos.[/access]

En pleine face

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Méduse
Méduse, Le Caravage, 1597. Galerie des Offices, Florence.

La philosophie se méfie des apparences et des vêtements trop longs. Regardons Descartes, à sa fenêtre, s’interrogeant sur les manteaux et les chapeaux qu’il voit passer dans la rue : au nom de quoi serait-ce autre chose que des « spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ». J’ai croisé l’autre soir une femme portant burqa. Une première. J’ai essayé de chercher son regard, mais le voile qui lui couvrait les yeux était si sombre que j’ai à peine distingué deux petits globes noirs inanimés. De quoi devenir cartésien pour de bon et se demander quel animal étrange peut bien se caparaçonner ainsi.

[access capability= »lire_inedits »]D’abord un être malappris, qui méprise la politesse au point de ne pas conformer ses usages au sens commun : aujourd’hui je me « burqaïse », demain je m’excise, car je fais ce qui me plaît. Singulières figures de la postmodernité : au nom de libertés individuelles érigées en valeur absolue, elles remettent au goût du jour les coutumes les plus arriérées, celles que les femmes de la génération d’Assia Djebar ont passé leur jeunesse à combattre et à éradiquer.

Mais se voiler la face, ce n’est pas simplement se protéger du regard d’autrui, c’est refuser à l’autre l’expérience première à toute humanité : celle du visage. Dans Éthique et infini, Emmanuel Levinas a établi, le premier, une phénoménologie du face-à-face : le visage, dit-il, n’est pas le simple assemblage d’un nez, d’une bouche et de deux yeux ; il est un tout, qui s’offre à moi sans condition et sans concept et qui, dans son dénuement et sa pauvreté même (il n’y a pas plus nu que la peau du visage), fait immédiatement sens : « Toi, c’est toi. »

Le visage est « phénoménal » par excellence. Ce n’est pas un concept ni une idée abstraite : essayez, pour voir, de donner un uppercut à un concept de visage. Il est singulier, toujours. Il est ce qu’il est, irréductible à sa phénoménalité.

La première expérience que l’homme fait, c’est celle du visage qui lui dit – et précisément sans rien lui dire : « Ego sum qui sum. » C’est exactement la réponse du Dieu de l’Exode à Moïse. On peut se ranger à l’avis de saint Bonaventure, qui voit ici une identification entre Dieu et l’être : « Je suis celui qui est. » On peut également adopter une autre lecture : « Je suis qui je suis. » Tout visage nous dit l’altérité radicale. Le visage, nous apprend Lévinas, est une « nudité qui crie son étrangeté au monde, sa solitude, la mort, dissimulée dans son être ».

Ce faisant, si l’autre est irréductible, alors je peux moi-même prendre conscience de ma propre subjectivité et dire « je ». C’est que l’homme n’existe que dans la relation à l’autre. Ce que la burqa nie, ce n’est pas le statut de celle qui la porte, mais la propre subjectivité de celui qui se trouve en face d’elle, désormais sans aucun appui, désarmé et désemparé.

Ce qu’adressent les femmes en burqa à notre civilisation n’est rien d’autre qu’une baffe dans la gueule. Répondons-leur, à celles qui assemblent tissu et libertés individuelles pour se bricoler du fondamentalisme bon marché, par une caresse doucement républicaine et pénale. Et occupons-nous des vrais problèmes, moins marginaux. Les mariages forcés, par exemple, où la mariée vous tire une de ces têtes…[/access]

La première défaite du camp sociétaliste

Burqa
Casquette, hijab ou burqa : les sociétalistes du PS vont-ils choisir ?

Depuis le lancement de l’initiative Gerin, on sent bien que le Camp du Bien tortille un peu du bas des reins. Que le gotha de la gauche officielle cherche comment dire, sans trop le dire, que ce combat est malvenu. Le seul fait que ces gens peinent à trouver leurs mots est déjà, en soi, une victoire. Il y a dans ce pays un je-ne-sais-quoi de frétillant dans l’air qui rend plus difficile, sur ce coup-là, le reniement coutumier des fondamentaux de gauche tels que nous les avaient enseignés nos papas et nos mamans, parfois neuneus, souvent utiles. Entre autres, le refus des fanatismes religieux et d’un de leurs corollaires les plus constants : la volonté d’abaisser publiquement les femmes. De la décroissance à la délinquance, on a connu les starlettes du PS, du PC ou du NPA plus hardies à retourner notre doxa comme une crêpe Suzette.

[access capability= »lire_inedits »]Cette difficulté qu’éprouve la gauche légale à entonner tout de go la même chanson que les barbus – ce qu’elle a su faire sans états d’âme majeurs au moment de Gaza –, doit être tout d’abord portée au crédit politique d’André Gerin. Sa manœuvre est un mélange réjouissant de pragmatisme léniniste et de bons sens français.

De Vladimir Ilitch, il a retenu le dédain pour le maximalisme verbeux et la recherche obstinée, façon Giap, du maillon le plus faible dans le dispositif adverse, d’où le ciblage de la burqa plutôt que du tchador et, a fortiori, du voile ou de l’islamisme en général.

Du bon sens, il en fallait pour faire vivre l’idée qu’une petite avancée vaut mieux qu’une héroïque déculottée. Pas de splendide projet de loi mort-né, pas de pétition grandiloquente en appelant aux mânes de Voltaire et d’Hugo. Rien que des parlementaires – et des deux camps, en plus ! − qui disent qu’ils veulent juste en savoir plus et demandent une banale commission d’enquête.

Rien qu’une petite commission d’enquête. Pas de « On veut dénoncer ! », habituel prélude tartarinesque à un « On va voir ce qu’on ne va pas voir… », mais un minuscule « On veut savoir, s’il vous plaît… » Pas de quoi réveiller les morts, donc. Eh bien si. Et même quelques vivants, parmi lesquels le président de la République, obligé de marquer le coup à Versailles. Il y a critiqué la burqa dans des termes fort peu oulémo-compatibles, tout en préservant l’essentiel en se gardant bien de formuler l’ombre d’une proposition concrète : bref, il a choisi l’option exactement inverse à celle de Gerin. Et c’est normal : sur cette affaire, le président est, autant que tous les autres présidentiables, dans le camp adverse, tous craignant bien trop fort d’être stigmatisés comme islamophobes quand 2012 aura sonné.

Comme nous l’avons déjà écrit, il n’y aura donc pas de sitôt une loi anti-burqa. Ni même peut-être de débat parlementaire ou de véritable commission d’enquête. Mais on s’en fout ! L’essentiel est ailleurs, est énorme, et est déjà acté : il y a eu un débat public et populaire sur la question, que personne ne peut plus endiguer d’autorité en arguant qu’on n’a pas le droit de parler comme ça, ni même de parler de ça. Le Camp du Bien l’a pris là où ça fait mal, et ça nous fait du bien. Un débat sur les questions « sociétales » où la parole se libère, ou le réel s’échappe de nos cénacles de mal-pensants et se promène à poil dans la rue, c’était, depuis des lustres, du jamais vu. Et Le Monde peut bien balancer ses fatwas, il ne fait plus peur qu’à lui-même et nous fait rigoler au passage avec son édito du 27 juin : « Au nom de quel argument ou de quel principe interdire à des femmes majeures une tenue vestimentaire, quelle qu’elle soit, dans l’espace public, sauf à confondre le législateur français avec une assemblée d’oulémas ? (…) Sauf à imaginer une détestable ou ridicule police des mœurs, comment appliquer une telle interdiction, si le choix en était fait ? Beaucoup plaident avec énergie pour un islam moderne et tolérant. Ils ont raison. Il faut convaincre plutôt que légiférer. »

Le vrai cri de détresse du Monde et de quelques autres consiste à nous accuser de vouloir faire la police, parce que, cette fois-là, on ne les a pas laissé faire la police. Comme l’écrivait il y a six mois Elisabeth la prophétesse, ça craque dans le Camp du Bien, champagne ! D’ailleurs, tant qu’à faire, nous préférons la police des mœurs à celle de la pensée. Des mœurs policées, c’est-à-dire civilisées, vous trouvez ça ringard ?

Ce débat − certains diront ce déballage − en appelle d’autres. Vous en voulez, des sujets qui fâchent ? Y’a qu’à se baisser. Par exemple, si au lieu de se planquer derrière de louables questions de bioéthique, on causait vraiment de la question de l’homoparentalité et de l’adoption par des couples de même sexe ? Pareil, allez hop, la drogue, le shit, l’herbe quoi ! Et puis aussi les embryons congelés contre leur gré, les petits vieux qu’on veut forcer à mourir dans la dignité. Sans oublier la régularisation des sans-papiers. Depuis toujours, on se planque derrière le droit, supposé irréfragable, des migrants à s’installer où ils veulent et où ils peuvent. Si on commençait simplement à parler du vrai sujet, c’est-à-dire du regroupement familial, si on demandait simplement des chiffres fiables, si l’on s’interrogeait, sereinement, quant aux conséquences sur l’école, les quartiers et tutti quanti ?

On n’est pas méchants, on veut juste savoir…. Faut pas nous lancer, parce que des idées façon Gerin, on va en trouver. À nous d’être non seulement obstinés, mais aussi modestes et malins.[/access]

Cours du soir à l’Élysée

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Littérature

Vous n’êtes pas au courant de la dernière nouvelle du mois ? Bien sûr que si. Tout le monde en parle et il faut avoir un pied-à-terre aux Kerguelen pour ignorer l’affaire : Carla fait l’éducation de Chouchou. Entendez par là que la première dame de France s’est mis martel en tête d’ouvrir l’esprit de son président de mari à ces futilités que l’on appelle beaux-arts, musique ou littérature.

Et ça marche ! Nicolas Sarkozy est sortable dans les dîners en ville. L’autre jour, à l’Elysée, il avait réuni ses conseillers les plus proches pour bosser sur le speech qu’il devait prononcer à Versailles. À peine Henri Guaino était-il sorti du bureau pour gratter de la copie que le président s’enthousiasmait en live pour Certains l’aiment chaud.

[access capability= »lire_inedits »]Méfions-nous des femmes ! Deux millénaires ou presque d’histoire politique française nous enseignent que leur influence surpasse toujours celle d’un Parlement. Qu’on songe à sainte Clotilde qui manœuvra si adroitement que Clovis inclina son chef devant l’évêque Remi pour se faire chrétien. Et je ne parle même pas de Marie ni de Catherine de Médicis, ni de Berthe aux grands pieds qui gouverna Pépin le Bref sans que ce dernier fût fétichiste.

Donc, Carla Bruni fait aujourd’hui œuvre de salubrité publique en hissant son mari à un niveau culturel décent et en lui faisant rattraper le retard que la conquête obstinée du pouvoir lui aura fait prendre. En 2007, Nicolas Sarkozy était un excellent candidat ; en 2012, il fera un excellent président.

Certes, il y a du boulot. Le soir, Carla lui lit de la littérature. Et rien que de la bonne. Nicolas s’extasie. Il prend des notes et ce sont elles que nous nous sommes procurés en exclusivité :

« Ils ont des Rolex, mais ils n’ont pas de poignet. » (Charles Péguy)

« Casse-toi toi-même. » (Socrate)

« Dessine moi un Fillon. » (Antoine de Saint-Exupéry)

« La propriété, c’est du bol. » (Joseph Proudhon)

« Qu’est-ce que l’homme dans la nature? Un néant à l’égard de Johnny, un tout à l’égard de Guéant…. » (Blaise Pascal)

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et Guaino arrive pour l’écrire aisément. » (Nicolas Boileau)

« Le socialisme, c’est les défaites plus les RTT. » (Lénine)

« L’œil était dans la tombe et regardait Villepin. » (Victor Hugo)

« La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva facilement. » (Louis Aragon)

« Le loup est un loup pour l’homme. » (Plaute)

« Chassez Sabine Paturel, et faites revenir Max Gallo. » (Virgile)

« Soyez réalistes, demandez le programme. » (Ernesto Che Guevara)

 » Wo Es war, soll Ich werden. Si Angela Merkel est là, je dois venir lui faire la bise. » (Sigmund Freud)

« Littérature : occupation des oisifs. » (Gustave Flaubert)
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Very Cluses Friends

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Défilé du 14 juillet
Le 14 juillet, Luc Rosenzweig ne se défilera pas. Direction Cluses !

Il est grand temps de choisir le spot le plus tendance pour fêter le 14-Juillet. Bien sûr, le nec plus ultra est une place dans la tribune présidentielle de la place de la Concorde, au plus près de Nico et de Carla pour voir et complimenter l’armée française. À moins d’être le sosie de l’un des chefs d’État invités cette année, et de l’avoir fait boire plus que de raison, la veille, au bar du Crillon pour qu’il ne se réveille pas à temps, c’est mission impossible.

[access capability= »lire_inedits »]La garden-party de l’Elysée ? Quelle horreur ! Même le petit personnel à moins de 1 500 euros par mois est convié à se goinfrer autour d’un buffet plus que moyen.

On peut, à la rigueur, se faire voir dans la cour de l’archevêché, à Aix-en-Provence, où sera donnée, ce soir-là, une représentation de l’immense Orphée aux enfers de Jacques Offenbach, avec la Camerata de Salzbourg : le prix des places, entre 150 et 200 euros, est de nature à effectuer une sélection relativement satisfaisante de vos voisins de fauteuil.

Mais pour écarter définitivement le danger de passer pour le dernier des ploucs et se retrouver entre exclusive people, c’est vers ma Haute-Savoie qu’il faut se diriger. Plus précisément vers la petite ville de Cluses, que l’on trouvera facilement à l’aide de Google Earth (attention, ne pas confondre avec La Cluse, ou La Clusaz, sinon retour à la case plouc !). Le comité des fêtes de cette sympathique cité a organisé un concert appelé à devenir culte : le 14 juillet 2009, à 20 h 30, au Parvis des Esserts, se produiront Frank Alamo (waouh !), Pascal Danel (je meurs !) et Patrick Topaloff (‘tain !). Biche, ô ma biche…, Kilimandjaro…, J’ai bien mangé, j’ai bien bu….

Capito ? Alors motus, on ne le dit qu’aux amis, et encore ![/access]

Desperates pédégères

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Nous avons un problème, annonce Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales : les femmes sont largement sous-représentées dans les instances dirigeantes des grandes entreprises. Ainsi en 2009, les conseils d’administration du CAC 40 comptaient seulement 10,5 % de femmes. Si on élargit l’échantillon pour inclure non pas seulement les 40, mais les 500 premières sociétés françaises, la part des femmes tombe à 8 %. Pire encore, 60 % de ces entreprises sont carrément des usines à testostérone, dirigées par un conseil d’administration exclusivement masculin.

Dans un rapport sur l’égalité professionnelle remis hier au gouvernement, l’inspectrice ne se contente pas de dénoncer, elle propose un remède : appliquer en France le système norvégien. Des femmes nous voulons et des femmes nous aurons, dussions-nous employer la manière forte (je me demande même si la perspective de pouvoir sanctionner, réprimer, dénoncer ne stimule pas autant les ardeurs paritaristes que le légitime souci d’égalité).

Pour briser le « plafond de verre » qui empêche les femmes d’accéder aux responsabilités dites entrepreneuriales, le gouvernement norvégien a imposé en 2004 des quotas de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises publiques, puis deux ans plus tard, a étendu aux sociétés cotées cette discrimination positive en faveur des issues du chromosome XX.

Le problème est que si le système norvégien semble parfaitement moral, il est redoutablement mal adapté à la France. Certes, il est plus facile de compter les femmes que les « divers ». Reste qu’ici le seul critère légitime est la situation sociale et non pas la couleur de la peau, le pays d’origine, la religion ou le sexe. Le seul remède possible est donc celui qui a été testé avec tant de succès par l’éducation nationale, la justice et la santé : pour féminiser une profession, il suffit de proposer des emplois du temps compatibles avec une vie de famille et surtout d’en détourner ces messieurs grâce à des salaires nettement moins élevés que les autres emplois « bac + 6 » du marché.

Il faut dire que cette solution présente un autre avantage. Puisque tout le monde est d’accord sur la nécessité de limiter les rémunérations des patrons, divisons-les par 10, ou même par 100 pour les plus élevées. Un petit effort dans ce sens et je parie ma paye contre celle de Laurence Parisot que, dans moins d’une décennie, les conseils d’administration du CAC 40 ressembleront à s’y méprendre aux salles de profs.

Des juifs indéfendables

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Le comble de l’antisémitisme serait de croire qu’il n’y a pas chez les juifs une proportion raisonnable de brutes écervelées et de jeunes crétins. Ou encore de considérer que les auteurs de violences commises au nom d’une improbable « défense juive » sont excusables parce qu’ils sont pauvres, incultes ou traumatisés par les souvenirs d’une guerre qu’ils n’ont pas vécue.

À Causeur, l’antisémitisme, on n’est pas trop pour. En conséquence nous pensons que quand des juifs sont coupables de délits ou de crimes, ils ont le droit, comme n’importe quels Français, d’être coffrés par la police de leur pays et jugés par la justice de leur pays. Peu me chaut qu’ils invoquent Israël, la Torah, la pensée du président Mao ou leur enfance malheureuse.

On peut donc se féliciter que les auteurs présumés du saccage d’une librairie parisienne vouée à la défense de la cause palestinienne aient été interpelés et placés en garde à vue mercredi. Les idées, ça se combat avec des idées. Autrement dit, quand on n’est pas d’accord, on cause, mieux que l’adversaire, plus fort et plus malin que lui. On lui explose la tête intellectuellement. Mais on n’attaque pas une librairie. Pas chez nous les Français. Pas chez nous les juifs.

Je n’ai jamais mis les pieds dans la librairie « Résistances » sise à Paris XVIIème et je ne pense pas pallier ce manque dans un avenir proche. Ses responsables Olivia Zemor et Nicolas Shahshahani animent ou animèrent le CAPJIPO, dont une partie du sigle signifie « Pour une paix juste au Proche Orient », ce qui pour eux, passe plus ou moins clairement par la disparition d’Israël comme Etat juif – un Etat juif, c’est déjà fasciste, non ? Ces deux braves pacifistes qui furent également fort actifs dans la liste Euro-Palestine en 2004 ont une tendance marquée à « comprendre » (attention, je n’ai pas dit justifier), les « résistants » du Hezbollah et autres organisations également très pacifiques. Le genre à condamner les attentats-suicides, mais.

Pour être honnête, il faut préciser qu’ils semblent s’être arrêtés à la porte du dieudonnisme. Je n’irais ni passer des vacances avec eux ni chercher dans leur librairie de quoi lire pendant les miennes. Mais je suis prête à me battre pour qu’ils puissent continuer à vendre leur propagande anti-israélienne en toute quiétude.

Or, vendredi dernier, apprend-on par les agences de presse, « cinq hommes cagoulés et en jogging sombre sont entrés dans la librairie armés de bâtons et de bouteilles d’huile. Ils ont cassé la caisse et les ordinateurs, jeté les livres par terre et vidé leurs bouteilles d’huile sur le sol ». En prime, ils ont, sinon brutalisé au moins bousculé et effrayé les personnes qui se trouvaient là. Les agresseurs se sont réclamés de la « Ligue de défense juive » – qui nie sur son site « toute participation aux dégradations de la Librairie Résistances ». La police tranchera. Mais si la survie du peuple juif dépend d’aussi sombres abrutis, l’avenir n’est pas tout rose.

Alors, ça me fait tout drôle mais voilà : je suis d’accord avec Pascal Boniface. Dans une tribune publiée sur son blog, il exprime son « indignation à la fois par rapport à l’attaque qu’ils ont subie, et l’absence de réactions qu’elle a suscitée ». Eh bien moi aussi, je suis indignée par l’attaque et indignée par l’absence de réactions. Pour tout dire, j’aurais apprécié un communiqué du CRIF ou de la LICRA. Et puisque c’est mon jour, je ne suis pas loin d’être d’accord avec le MRAP qui demande l’interdiction de la LDJ. S’il y a de quoi, dans la loi, interdire cette association, il faut que force reste à la loi.

Et puis s’attaquer à des livres devrait être une circonstance aggravante, en particulier quand on appartient à un peuple du Livre.

Arthur Russell, icône de rien

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Arthur Russell
Arthur Russell.
Arthur Russell
Arthur Russell.

William Socolov repose son verre. Le boss du label Sleeping Bag est, cette nuit de 1979, un homme heureux. Il est 2 heures et tout le Loft est en transe ; le mythique night-club de New York se déchaîne sur la démo qu’il vient de passer au disc-jockey : Go Bang, d’Arthur Russell. Il faut en féliciter l’auteur. Où est-il passé ? Le producteur se fraie un passage parmi les clubbers, se fait claquer une bise par Lola Love, la choriste de James Brown : « So funky, Will, so funky », et peine à mettre la main sur Arthur Russell, dont le public vient de tomber raide dingue sans même le connaître.

Arthur est prostré dans un coin. Elle a une drôle de dégaine, la nouvelle star du disco : à 26 ans, son visage conserve des stigmates prononcés d’acné juvénile et ses chemisettes à carreaux lui donnent des allures de fermier de la Corn Belt. Pour le glitter et le glamour, on repassera.

[access capability= »lire_inedits »]« Arthur ! Tu as vu : les gens adorent !
– La démo est à chier. »

Russell tourne les talons. C’est, chez lui, une seconde nature. Quand vient le succès, ne pas trop y croire, signer ses disques sous pseudo (il en aura beaucoup) et passer très vite à autre chose – on n’est jamais trop prudent.

Le lendemain, Russell assure une performance au Kitchen, une scène avant-gardiste située dans Chelsea. Ce n’est pas une scène, ni un conservatoire, ni une école, mais une boîte de Pétri de la musique expérimentale : ça bouillonne. On y croise des jeunes gens doués comme Lauren Anderson et Brian Eno. Généralement, Arthur y chante, s’accompagnant au violoncelle et bidouillant avec une boîte à effets. C’est toujours étrange de retourner au Kitchen : il en a été directeur musical quelques mois. Il a été beaucoup de choses pendant quelques mois.

Arthur aura à peine le temps de quitter le Kitchen pour passer au home studio qu’il a aménagé dans l’appartement de l’East Village, où il vit avec son compagnon, Tom. Il y passe des heures, accumule les enregistrements et emprunte le ferry vers Staten Island pour réécouter ses morceaux sur son walkman.

La nuit le verra partout où New York vit en underground. Il fréquente les « places to be » et s’y produit : la Danceteria pour la new wave et la pop, la Gallery et le Paradise Garage pour le disco, le Roxy pour le hip-hop, le Lower Manhattan Ocean Club pour la folk. Des opportunités, il en a, bien sûr. Mais, immanquablement, ça coince. On lui propose d’écrire la partition d’une adaptation de Médée, il s’embrouille avec le metteur en scène. Quand il rencontre David Byrne, qui lui propose de rejoindre les Talking Heads, un petit groupe qu’il est en train de monter, ça ne colle pas.

Il n’est pas facile de travailler avec Arthur. Perfectionniste, il revient plusieurs fois sur l’ouvrage, réécrit, révise, réenregistre. La plupart du temps, il laisse ses chansons inachevées. Sa voix diaphane, ses compositions à la croisée de la pop, la new-wave, la folk et le disco, sont à la fois accessibles et déconcertantes. En 1986, son album World of Echo connaît un succès d’estime. Il tombe malade et entreprend un nouvel album, Corn, qu’il n’achèvera pas. Là, ce n’est pas sa faute, mais celle de la mort – bonne excuse. Arthur Russell décède en 1992, laissant plusieurs centaines de bandes d’enregistrement, avec parfois plusieurs dizaines de versions d’une même chanson.

Depuis quelques années, la critique redécouvre Arthur Russell et le transforme en icône pop et gay. À tout prendre, Russell aurait certainement préféré être tenu pour une icône transgenre. Non pas qu’il enfilait en douce les robes de maman, mais, dans ces années 1980 où la loi des genres commençait à segmenter la musique pour mieux la commercialiser, il refusait les étiquettes et les styles imposés par les producteurs et les disquaires. Un doux anarchiste expérimental, qui avait substitué au classique « Ni dieu ni maître » un « Ni pop, ni rock, ni folk, ni disco ». De la musique avant toute chose, et de l’exploration. Peut-être Arthur Russell n’est-il jamais parvenu à une version définitive de quoi que ce soit, mais ses ébauches surpassent bien des œuvres achevées.

Calling Out of Context

Price: 29,61 €

3 used & new available from

Audika Records réédite certains albums et publie des inédits d’Arthur Russell. Calling Out Of Context (AU-1001-2) et World Of Echo (AU-1002-2). Le réalisateur Matt Wolf lui a consacré un documentaire, Wild Combination, a portrait of Arthur Russell, disponible en DVD distribué par Plexifilm.
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La fin des temps continue

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Chien

Clébard

À Paris aussi, les signes de la fin des temps se multiplient.

Ce matin, encore : attablé à la terrasse d’un bistrot, j’assiste, impuissant, à une scène d’apocalypse. Deux hommes accomplissant de conserve l’étrange rituel biopolitique connu sous le nom de « footing » passent dans la rue. Il s’agit, à l’évidence, d’un « couple gay », et non de deux hommes qui s’aiment. L’un des deux est possédé par un corps gigantesque et bodybuildé. Son regard plein d’effroi atteste qu’il ne s’agit nullement du sien. Ses petits yeux semblent être la seule partie réelle de son corps, comme si tout le reste de son corps véritable était enseveli, dissimulé, broyé à l’intérieur de ce performant tas de viande. Au bout du bras du géant sans corps, je vois soudain une main. Cette main tient une laisse.

[access capability= »lire_inedits »]Au bout de cette laisse (allez-y voir vous-même, si vous ne me croyez pas), se trouve un minuscule chien haletant, courant à un rythme effréné. Le géant s’arrête. Le chien défèque sur la chaussée. Et, presque instantanément, notre citoyen en phase terminale tire de sa poche un sac en plastique, à l’intérieur duquel il enveloppe diligemment la merde du petit clébard. Puis, conservant le sac et la crotte à la main, il reprend sa course de néant avec ses deux compères.

Une semaine plus tôt, j’ai découvert dans les poubelles de mon immeuble le manuscrit de L’Esprit du nihilisme, une ontologique de l’Histoire, de Mehdi Belhaj Kacem, dans le grand réceptacle jaune fluo sale destiné aux papiers et cartons.

Julien Coupat écrit dans Le Monde.

Nul ne filme le corps de Julien Coupat. (« Il en manque un ! », hurlent les Spectateurs terrifiés.)

Le premier homme ayant subi une « greffe du visage » est mort, probablement sans avoir eu le temps de lire une seule ligne de Lévinas.

La DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) poursuit la guerre contre l’Ennemi intérieur, mais désormais « uniquement au sein de ses propres services ».

L’actuel Premier ministre de l’espace France, dont le nom m’échappe, se glorifie d’être un geek.

La fin des temps, chacun le sait, est advenue en 1914. Puis le monde a fini encore trois fois. Depuis, nous simulons la vie. La peinture rose de nos sourires s’écaille chaque jour davantage. Pour l’essentiel, nos corps sont inanimés.

Je terminerai par quelques prévisions encourageantes concernant les futurs gestionnaires de l’espace France :
2012 : Ségolène Royal
2017 : Nicolas Sarkozy
2022 : Ségolène Royal
2027 : Jean Sarkozy

Parfois, aussi, nous sommes soulevés par d’immenses joies.[/access]

De l’affliction à la fiction

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Motel
Bruce Bégout théorise sur le Motel à l'américaine.
Motel
Bruce Bégout théorise sur le Motel à l'américaine.

Lorsque tant de philosophes estiment que la philosophie est un est moyen de passer à la télévision, Bruce Bégout persiste à croire qu’il s’agit d’un eudémonisme. Évidemment, ce n’est pas avec des mots comme ça que vous allez être invité au « 20 heures » et vous indigner avec une belle chemise ouverte ou une coupe au bol, mais c’est sans doute avec des mots comme ça que vous aurez des lecteurs et, chose devenue rare par nos temps spectaculaires, des lecteurs qui trouveront en vous de quoi mieux comprendre le monde immédiat qui les entoure et donc, être heureux. Eudémonisme, ça ne veut pas dire autre chose, ce n’est ni obscène ni trotskyste.

[access capability= »lire_inedits »]Ce qui intéresse Bruce Bégout, la petite quarantaine, c’est notre vie quotidienne, un peu comme le Henri Lefèvre, dans les années 1950, dont les travaux inspirèrent si visiblement Guy Debord. La vie quotidienne, par rapport à l’époque de Lefèvre, sécrète des aliénations d’un type nouveau, notamment dans notre rapport à un espace urbanisé, suburbanisé et rurbanisé où nous devenons des hommes sans liens, des passants tantôt émerveillés comme des enfants, tantôt seuls comme des personnages de romans noirs en cavale, en apesanteur sociale de nomade monade.

Pour illustrer ces deux aspects, Bruce Bégout a déjà écrit deux petits chefs-d’œuvre : Zéropolis, minutieuse promenade à Las Vegas, stade ultime de l’urbanisme hyperfestif, et Lieu commun où il théorise sur le motel à l’américaine, phénomène qui gagne d’ailleurs la France où toutes les périphéries sont désormais quadrillées par des hôtels low-cost faits pour l’adultère ou le repos du technico-commercial.

Le style de Bégout, dans ces deux livres, devrait réconcilier le lecteur avec la philosophie : elle redevient cette chose précise et évidente qui donne soudain un sens plein à l’existence quand, par une nuit d’insomnie, on zappe entre les deux cents chaînes du câble dans une chambre de motel, quelque part dans la banlieue de Gary, sur la route de Memphis ou encore, mondialisation oblige, sur l’autoroute Lille-Amsterdam ou coincé entre un Conforama et un Cuir Center de la zone commerciale de Saint-Amand Montrond.

Comme tous les philosophes qui écrivent bien, Bruce Bégout raconte des histoires en produisant du concept.

Alors, parfois, il se lance et tente l’expérience de la pure fiction, pas seulement pour illustrer sa philosophie mais pour la prolonger en élégants travaux pratiques. On avait déjà lu L’Eblouissement des bords de route qui se présentait comme un recueil de nouvelles sur les usagers des motels. On sait qu’à observer de trop près la réalité, elle devient presque fantastique, comme la mouche sous le microscope. C’est ce qu’a merveilleusement compris Bégout dans son tout dernier livre paru, Sphex, où le passage de la philosophie à la fiction pourrait se théoriser comme le choix volontaire d’une mauvaise distance pour observer un sujet d’étude et lui donner ainsi un aspect drôle, morbide où terrifiant. Dans Sphex, un médecin légiste veut faire plaisir à sa petite-fille et la laisse jouer avec les cadavres de l’Institut médico-légal, un milliardaire met toute son énergie à effacer Marx des mémoires, un motard passe des années à photographier sous tous les angles le trajet pourtant banal qui l’emmène de son domicile à son travail pour tenter, sans trop d’espoir, de se réapproprier un décor devenu étranger à force de répétition, et pourtant dont on ne saura jamais capter tous les détails architecturaux, toutes les variations lumineuses.

Tous ces personnages que caractérisent la névrose, la solitude, une certaine perte des repères spatiaux ou moraux sont, bien entendu, de manière implicite, à la recherche d’une possibilité de reconstruire le monde.

Et c’est là que Bruce Bégout est vraiment de la famille, si nous pouvons nous exprimer ainsi, parce que l’un de ses livres récents, La Décence ordinaire est consacré à la common decency de George Orwell, qui n’était pas devenu le banal anticommuniste que l’on a bien voulu dire après La Ferme des animaux et 1984. Non, Orwell désirait construire un socialisme d’un genre nouveau, pré ou post-marxiste comme on voudra, s’appuyant sur cet ensemble de valeurs communes aux classes populaires, de solidarités naturelles, d’attention dans le rapport à l’autre, de souci de soi dans la tenue et le discours. Bruce Bégout cite ainsi Orwell comme meilleur remède possible à nos vies mutilées : « Nous sommes simplement parvenus à un point où il serait possible d’opérer une réelle amélioration de la vie humaine, mais nous n’y arriverons pas sans reconnaître la nécessité des valeurs morales de l’homme ordinaire. Mon principal motif d’espoir pour l’avenir tient au fait que les gens ordinaires sont toujours restés fidèles à leur code moral. » Et Bruce Bégout, dans la recherche de ces valeurs, nous encourage à nous comporter comme Orwell, c’est-à-dire en « anxieux sereins ».

En attendant, si vous avez cette impression, par les temps qui courent, de tourner en rond dans la nuit et de vous brûler à son feu, si certains gestes de votre vie quotidienne vous donnent soudain le vertige, alors oui, les contes cruels de Sphex sont pour vous, petites pilules d’amertume où l’on reconnaît, dans la composition, un peu de Borges, de Mirbeau, de Villiers de l’Isle Adam.

Autant dire, du très haut de gamme.

La Découverte du quotidien, Zeropolis, Lieu commun et La Décence ordinaire sont publiés aux éditions Allia. L’Eblouissement des bords de route chez Verticales et Sphex, à L’Arbre Vengeur.
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Pour vivre heureux, restez à l’ombre

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Vacances
Trudi Kohl vous prodigue ses meilleurs conseils pour passer de bonnes vacances.
Vacances
Trudi Kohl vous prodigue ses meilleurs conseils pour passer de bonnes vacances.

Oubliés Home, Yann Arthus-Bertrand, Daniel Cohn-Bendit et Nicolas Hulot : le péquin moyen a déjà installé sa caravane à Palavas-les-Flots et, rigolard, se réjouit du réchauffement climatique. « Il fait chaud, ils l’ont dit à la télé. Et quand il fait chaud, ça donne soif. Suzanne, rapporte des glaçons ! »

Mais Suzanne ne rapporte rien. Elle n’est pas là. Elle est à la plage et entend bénéficier, toute la sainte journée, des bienfaits du soleil : érythèmes bénins, mélanomes malins, carcinomes chagrins. Certes, elle a entendu, il y a quelques semaines à la télévision ou à la radio – c’était un lundi midi, sur Europe 1, juste avant Élisabeth Lévy –, que l’Académie française de médecine déconseillait l’exposition prolongée aux ultraviolets. Sept mille cancers cutanés sont diagnostiqués chaque année en France, trois fois plus qu’il y a vingt ans. Mais elle avait cru que cela ne concernait que les solariums, sans chercher plus loin. Et Suzanne se fait bronzer les bourrelets au soleil de la Côte en toute impunité. Soyons juste : il n’est pas dit que les chouchous qu’elle avale les uns après les autres – quand il fait chaud, faut manger gras – ne la tueront pas avant le cancer cutané qu’elle est en train de se bricoler en douce. Cela s’appelle l’insouciance française, et contre une AOC ni la raison ni l’entendement ne peuvent rien.

[access capability= »lire_inedits »]Nous autres, en Allemagne, ne sommes ni français ni insouciants. Nous pensons aux générations futures, avec tout le poids de la deutsche Vergangenheit. Willy, mon mari, m’a annoncé : « Cette année, on ne part pas en vacances. Pas question de prendre l’avion ou la voiture pour aggraver notre empreinte carbone. Quoi ? Si je ne t’ai pas vu respirer à l’instant !… On prendra le train. On descendra à Fribourg et, de là, nous irons en bus à Bad Krozingen. Cure thermale à volonté ! »

La perspective m’enchante. Quand je suis en vacances, j’adore aller à la plage. Je m’installe généralement à côté de Suzanne. Elle a toujours quelque chose à me raconter : les gosses, le temps qu’il fait, la voisine, la belle-mère, Sarkozy, Carla, les mecs. On a passé l’âge de même espérer flirter avec eux. On le sait. Mais on les regarde passer, prenant plaisir à cancaner sur leur dégaine en général et leur maillot de bain en particulier, regrettant parfois qu’ils ne nous adressent aucun regard. Ça leur ferait du mal, juste un clin d’œil ? Alors, on reprend, au goulot d’une mignonnette, une gorgée de whisky et l’on continue, avec encore plus de verve et d’entrain, à leur décerner notre plus hautain mépris.

Seulement, comme son nom l’indique, Bad Krozingen, ce n’est pas vraiment Palavas-les-Flots. D’abord, il n’y a pas Suzanne, mais de vieilles rombières qui font la moue quand vous leur proposez une rasade de whisky à même la bouteille, croyant certainement que c’est du GHB, la drogue du violeur dont elles ont entendu parler en visionnant un épisode un peu olé-olé de Derrick, ou que la gorgée qu’elles vont prendre hissera leurs gamma GT à un niveau record. « Mon diététicien m’a interdit le porto », confient-elles comme si elles avaient subi la veille la grande opération. Et puis, la plage, à Bad Krozingen, tu peux longtemps la chercher. Les moindres souvenirs que je rassemble l’indiquent : il pleut en permanence là-bas. Je crois que c’est la seule station thermale au monde où l’eau ne t’est pas projetée sur le corps par un jeune infirmier beau comme un dieu, mais tombe sur ta tête sitôt que tu t’aventures dehors. La France a la Bretagne, nous avons Bad Krozingen. Pas de jaloux : micro-climat pour tous.

Voilà qui me ferait regretter de m’être mariée, il y a un peu plus de trente ans, avec Willy. À l’époque, j’étais jeune et fringante, j’aurais pu faire ma vie avec un homme comme Bernard Madoff. Il a tout réussi. L’exemple est peut-être mal choisi, mais il n’empêche qu’avec lui, je ne risquerais ni l’insolation ni la douche d’eau : il en a pris pour cent cinquante ans à l’ombre. Une broutille ! Il est à peine âgé de 71 ans et, avec le jeu compliqué et aléatoire des remises de peine, il se pourrait bien qu’il sorte dans cent trente ans. Il arborera alors ses tout juste 200 ans. Mais deux siècles, c’est quoi dans la vie d’un homme ?

Deux siècles ne sont rien, comparés à sept jours passés à Bad Krozingen. Ce séjour m’effraie. Non seulement j’y serai privée de tout (il faut se lever de bonne heure là-bas pour trouver un bistrot), mais je ne pourrai même pas m’y livrer au sport favori de tout Allemand en farniente : éviter les Allemands. C’est déplorable : à Bad Krozingen, ils sont partout. Il y en a tant qu’on se croirait sur la Costa del Sol. Encore qu’à Malaga ou à Torremolinos, tu peux esquiver en ânonnant un « Yo no hablo alemán… » Mais va essayer de baragouiner espagnol à Bad Krozingen : tu deviendrais l’attraction number one, tous les petits vieux se réuniraient autour de toi en essayant de te convaincre de danser le flamenco. Comme à Torremolinos.

Je me demande si je ne vais pas laisser Willy passer seul ses vacances. Je m’installerai chez mes amis de Causeur : Élisabeth, Gil, Marc, Basile, François, Luc ou Jérôme. Ou chez vous, peut-être. Invitez-moi, je vous en prie ! Je suis propre sur moi, je raconte des blagues, je boirai votre whisky et je vous dépayserai en ne vous parlant qu’allemand. Comme à Bad Krozingen. Ou à Torremolinos.[/access]

En pleine face

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Méduse
Méduse, Le Caravage, 1597. Galerie des Offices, Florence.
Méduse
Méduse, Le Caravage, 1597. Galerie des Offices, Florence.

La philosophie se méfie des apparences et des vêtements trop longs. Regardons Descartes, à sa fenêtre, s’interrogeant sur les manteaux et les chapeaux qu’il voit passer dans la rue : au nom de quoi serait-ce autre chose que des « spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ». J’ai croisé l’autre soir une femme portant burqa. Une première. J’ai essayé de chercher son regard, mais le voile qui lui couvrait les yeux était si sombre que j’ai à peine distingué deux petits globes noirs inanimés. De quoi devenir cartésien pour de bon et se demander quel animal étrange peut bien se caparaçonner ainsi.

[access capability= »lire_inedits »]D’abord un être malappris, qui méprise la politesse au point de ne pas conformer ses usages au sens commun : aujourd’hui je me « burqaïse », demain je m’excise, car je fais ce qui me plaît. Singulières figures de la postmodernité : au nom de libertés individuelles érigées en valeur absolue, elles remettent au goût du jour les coutumes les plus arriérées, celles que les femmes de la génération d’Assia Djebar ont passé leur jeunesse à combattre et à éradiquer.

Mais se voiler la face, ce n’est pas simplement se protéger du regard d’autrui, c’est refuser à l’autre l’expérience première à toute humanité : celle du visage. Dans Éthique et infini, Emmanuel Levinas a établi, le premier, une phénoménologie du face-à-face : le visage, dit-il, n’est pas le simple assemblage d’un nez, d’une bouche et de deux yeux ; il est un tout, qui s’offre à moi sans condition et sans concept et qui, dans son dénuement et sa pauvreté même (il n’y a pas plus nu que la peau du visage), fait immédiatement sens : « Toi, c’est toi. »

Le visage est « phénoménal » par excellence. Ce n’est pas un concept ni une idée abstraite : essayez, pour voir, de donner un uppercut à un concept de visage. Il est singulier, toujours. Il est ce qu’il est, irréductible à sa phénoménalité.

La première expérience que l’homme fait, c’est celle du visage qui lui dit – et précisément sans rien lui dire : « Ego sum qui sum. » C’est exactement la réponse du Dieu de l’Exode à Moïse. On peut se ranger à l’avis de saint Bonaventure, qui voit ici une identification entre Dieu et l’être : « Je suis celui qui est. » On peut également adopter une autre lecture : « Je suis qui je suis. » Tout visage nous dit l’altérité radicale. Le visage, nous apprend Lévinas, est une « nudité qui crie son étrangeté au monde, sa solitude, la mort, dissimulée dans son être ».

Ce faisant, si l’autre est irréductible, alors je peux moi-même prendre conscience de ma propre subjectivité et dire « je ». C’est que l’homme n’existe que dans la relation à l’autre. Ce que la burqa nie, ce n’est pas le statut de celle qui la porte, mais la propre subjectivité de celui qui se trouve en face d’elle, désormais sans aucun appui, désarmé et désemparé.

Ce qu’adressent les femmes en burqa à notre civilisation n’est rien d’autre qu’une baffe dans la gueule. Répondons-leur, à celles qui assemblent tissu et libertés individuelles pour se bricoler du fondamentalisme bon marché, par une caresse doucement républicaine et pénale. Et occupons-nous des vrais problèmes, moins marginaux. Les mariages forcés, par exemple, où la mariée vous tire une de ces têtes…[/access]

La première défaite du camp sociétaliste

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Burqa
Casquette, hijab ou burqa : les sociétalistes du PS vont-ils choisir ?
Burqa
Casquette, hijab ou burqa : les sociétalistes du PS vont-ils choisir ?

Depuis le lancement de l’initiative Gerin, on sent bien que le Camp du Bien tortille un peu du bas des reins. Que le gotha de la gauche officielle cherche comment dire, sans trop le dire, que ce combat est malvenu. Le seul fait que ces gens peinent à trouver leurs mots est déjà, en soi, une victoire. Il y a dans ce pays un je-ne-sais-quoi de frétillant dans l’air qui rend plus difficile, sur ce coup-là, le reniement coutumier des fondamentaux de gauche tels que nous les avaient enseignés nos papas et nos mamans, parfois neuneus, souvent utiles. Entre autres, le refus des fanatismes religieux et d’un de leurs corollaires les plus constants : la volonté d’abaisser publiquement les femmes. De la décroissance à la délinquance, on a connu les starlettes du PS, du PC ou du NPA plus hardies à retourner notre doxa comme une crêpe Suzette.

[access capability= »lire_inedits »]Cette difficulté qu’éprouve la gauche légale à entonner tout de go la même chanson que les barbus – ce qu’elle a su faire sans états d’âme majeurs au moment de Gaza –, doit être tout d’abord portée au crédit politique d’André Gerin. Sa manœuvre est un mélange réjouissant de pragmatisme léniniste et de bons sens français.

De Vladimir Ilitch, il a retenu le dédain pour le maximalisme verbeux et la recherche obstinée, façon Giap, du maillon le plus faible dans le dispositif adverse, d’où le ciblage de la burqa plutôt que du tchador et, a fortiori, du voile ou de l’islamisme en général.

Du bon sens, il en fallait pour faire vivre l’idée qu’une petite avancée vaut mieux qu’une héroïque déculottée. Pas de splendide projet de loi mort-né, pas de pétition grandiloquente en appelant aux mânes de Voltaire et d’Hugo. Rien que des parlementaires – et des deux camps, en plus ! − qui disent qu’ils veulent juste en savoir plus et demandent une banale commission d’enquête.

Rien qu’une petite commission d’enquête. Pas de « On veut dénoncer ! », habituel prélude tartarinesque à un « On va voir ce qu’on ne va pas voir… », mais un minuscule « On veut savoir, s’il vous plaît… » Pas de quoi réveiller les morts, donc. Eh bien si. Et même quelques vivants, parmi lesquels le président de la République, obligé de marquer le coup à Versailles. Il y a critiqué la burqa dans des termes fort peu oulémo-compatibles, tout en préservant l’essentiel en se gardant bien de formuler l’ombre d’une proposition concrète : bref, il a choisi l’option exactement inverse à celle de Gerin. Et c’est normal : sur cette affaire, le président est, autant que tous les autres présidentiables, dans le camp adverse, tous craignant bien trop fort d’être stigmatisés comme islamophobes quand 2012 aura sonné.

Comme nous l’avons déjà écrit, il n’y aura donc pas de sitôt une loi anti-burqa. Ni même peut-être de débat parlementaire ou de véritable commission d’enquête. Mais on s’en fout ! L’essentiel est ailleurs, est énorme, et est déjà acté : il y a eu un débat public et populaire sur la question, que personne ne peut plus endiguer d’autorité en arguant qu’on n’a pas le droit de parler comme ça, ni même de parler de ça. Le Camp du Bien l’a pris là où ça fait mal, et ça nous fait du bien. Un débat sur les questions « sociétales » où la parole se libère, ou le réel s’échappe de nos cénacles de mal-pensants et se promène à poil dans la rue, c’était, depuis des lustres, du jamais vu. Et Le Monde peut bien balancer ses fatwas, il ne fait plus peur qu’à lui-même et nous fait rigoler au passage avec son édito du 27 juin : « Au nom de quel argument ou de quel principe interdire à des femmes majeures une tenue vestimentaire, quelle qu’elle soit, dans l’espace public, sauf à confondre le législateur français avec une assemblée d’oulémas ? (…) Sauf à imaginer une détestable ou ridicule police des mœurs, comment appliquer une telle interdiction, si le choix en était fait ? Beaucoup plaident avec énergie pour un islam moderne et tolérant. Ils ont raison. Il faut convaincre plutôt que légiférer. »

Le vrai cri de détresse du Monde et de quelques autres consiste à nous accuser de vouloir faire la police, parce que, cette fois-là, on ne les a pas laissé faire la police. Comme l’écrivait il y a six mois Elisabeth la prophétesse, ça craque dans le Camp du Bien, champagne ! D’ailleurs, tant qu’à faire, nous préférons la police des mœurs à celle de la pensée. Des mœurs policées, c’est-à-dire civilisées, vous trouvez ça ringard ?

Ce débat − certains diront ce déballage − en appelle d’autres. Vous en voulez, des sujets qui fâchent ? Y’a qu’à se baisser. Par exemple, si au lieu de se planquer derrière de louables questions de bioéthique, on causait vraiment de la question de l’homoparentalité et de l’adoption par des couples de même sexe ? Pareil, allez hop, la drogue, le shit, l’herbe quoi ! Et puis aussi les embryons congelés contre leur gré, les petits vieux qu’on veut forcer à mourir dans la dignité. Sans oublier la régularisation des sans-papiers. Depuis toujours, on se planque derrière le droit, supposé irréfragable, des migrants à s’installer où ils veulent et où ils peuvent. Si on commençait simplement à parler du vrai sujet, c’est-à-dire du regroupement familial, si on demandait simplement des chiffres fiables, si l’on s’interrogeait, sereinement, quant aux conséquences sur l’école, les quartiers et tutti quanti ?

On n’est pas méchants, on veut juste savoir…. Faut pas nous lancer, parce que des idées façon Gerin, on va en trouver. À nous d’être non seulement obstinés, mais aussi modestes et malins.[/access]

Cours du soir à l’Élysée

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Littérature

Littérature

Vous n’êtes pas au courant de la dernière nouvelle du mois ? Bien sûr que si. Tout le monde en parle et il faut avoir un pied-à-terre aux Kerguelen pour ignorer l’affaire : Carla fait l’éducation de Chouchou. Entendez par là que la première dame de France s’est mis martel en tête d’ouvrir l’esprit de son président de mari à ces futilités que l’on appelle beaux-arts, musique ou littérature.

Et ça marche ! Nicolas Sarkozy est sortable dans les dîners en ville. L’autre jour, à l’Elysée, il avait réuni ses conseillers les plus proches pour bosser sur le speech qu’il devait prononcer à Versailles. À peine Henri Guaino était-il sorti du bureau pour gratter de la copie que le président s’enthousiasmait en live pour Certains l’aiment chaud.

[access capability= »lire_inedits »]Méfions-nous des femmes ! Deux millénaires ou presque d’histoire politique française nous enseignent que leur influence surpasse toujours celle d’un Parlement. Qu’on songe à sainte Clotilde qui manœuvra si adroitement que Clovis inclina son chef devant l’évêque Remi pour se faire chrétien. Et je ne parle même pas de Marie ni de Catherine de Médicis, ni de Berthe aux grands pieds qui gouverna Pépin le Bref sans que ce dernier fût fétichiste.

Donc, Carla Bruni fait aujourd’hui œuvre de salubrité publique en hissant son mari à un niveau culturel décent et en lui faisant rattraper le retard que la conquête obstinée du pouvoir lui aura fait prendre. En 2007, Nicolas Sarkozy était un excellent candidat ; en 2012, il fera un excellent président.

Certes, il y a du boulot. Le soir, Carla lui lit de la littérature. Et rien que de la bonne. Nicolas s’extasie. Il prend des notes et ce sont elles que nous nous sommes procurés en exclusivité :

« Ils ont des Rolex, mais ils n’ont pas de poignet. » (Charles Péguy)

« Casse-toi toi-même. » (Socrate)

« Dessine moi un Fillon. » (Antoine de Saint-Exupéry)

« La propriété, c’est du bol. » (Joseph Proudhon)

« Qu’est-ce que l’homme dans la nature? Un néant à l’égard de Johnny, un tout à l’égard de Guéant…. » (Blaise Pascal)

« Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et Guaino arrive pour l’écrire aisément. » (Nicolas Boileau)

« Le socialisme, c’est les défaites plus les RTT. » (Lénine)

« L’œil était dans la tombe et regardait Villepin. » (Victor Hugo)

« La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva facilement. » (Louis Aragon)

« Le loup est un loup pour l’homme. » (Plaute)

« Chassez Sabine Paturel, et faites revenir Max Gallo. » (Virgile)

« Soyez réalistes, demandez le programme. » (Ernesto Che Guevara)

 » Wo Es war, soll Ich werden. Si Angela Merkel est là, je dois venir lui faire la bise. » (Sigmund Freud)

« Littérature : occupation des oisifs. » (Gustave Flaubert)
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Very Cluses Friends

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Défilé du 14 juillet
Le 14 juillet, Luc Rosenzweig ne se défilera pas. Direction Cluses !
Défilé du 14 juillet
Le 14 juillet, Luc Rosenzweig ne se défilera pas. Direction Cluses !

Il est grand temps de choisir le spot le plus tendance pour fêter le 14-Juillet. Bien sûr, le nec plus ultra est une place dans la tribune présidentielle de la place de la Concorde, au plus près de Nico et de Carla pour voir et complimenter l’armée française. À moins d’être le sosie de l’un des chefs d’État invités cette année, et de l’avoir fait boire plus que de raison, la veille, au bar du Crillon pour qu’il ne se réveille pas à temps, c’est mission impossible.

[access capability= »lire_inedits »]La garden-party de l’Elysée ? Quelle horreur ! Même le petit personnel à moins de 1 500 euros par mois est convié à se goinfrer autour d’un buffet plus que moyen.

On peut, à la rigueur, se faire voir dans la cour de l’archevêché, à Aix-en-Provence, où sera donnée, ce soir-là, une représentation de l’immense Orphée aux enfers de Jacques Offenbach, avec la Camerata de Salzbourg : le prix des places, entre 150 et 200 euros, est de nature à effectuer une sélection relativement satisfaisante de vos voisins de fauteuil.

Mais pour écarter définitivement le danger de passer pour le dernier des ploucs et se retrouver entre exclusive people, c’est vers ma Haute-Savoie qu’il faut se diriger. Plus précisément vers la petite ville de Cluses, que l’on trouvera facilement à l’aide de Google Earth (attention, ne pas confondre avec La Cluse, ou La Clusaz, sinon retour à la case plouc !). Le comité des fêtes de cette sympathique cité a organisé un concert appelé à devenir culte : le 14 juillet 2009, à 20 h 30, au Parvis des Esserts, se produiront Frank Alamo (waouh !), Pascal Danel (je meurs !) et Patrick Topaloff (‘tain !). Biche, ô ma biche…, Kilimandjaro…, J’ai bien mangé, j’ai bien bu….

Capito ? Alors motus, on ne le dit qu’aux amis, et encore ![/access]

Desperates pédégères

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Nous avons un problème, annonce Brigitte Grésy, inspectrice générale des affaires sociales : les femmes sont largement sous-représentées dans les instances dirigeantes des grandes entreprises. Ainsi en 2009, les conseils d’administration du CAC 40 comptaient seulement 10,5 % de femmes. Si on élargit l’échantillon pour inclure non pas seulement les 40, mais les 500 premières sociétés françaises, la part des femmes tombe à 8 %. Pire encore, 60 % de ces entreprises sont carrément des usines à testostérone, dirigées par un conseil d’administration exclusivement masculin.

Dans un rapport sur l’égalité professionnelle remis hier au gouvernement, l’inspectrice ne se contente pas de dénoncer, elle propose un remède : appliquer en France le système norvégien. Des femmes nous voulons et des femmes nous aurons, dussions-nous employer la manière forte (je me demande même si la perspective de pouvoir sanctionner, réprimer, dénoncer ne stimule pas autant les ardeurs paritaristes que le légitime souci d’égalité).

Pour briser le « plafond de verre » qui empêche les femmes d’accéder aux responsabilités dites entrepreneuriales, le gouvernement norvégien a imposé en 2004 des quotas de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises publiques, puis deux ans plus tard, a étendu aux sociétés cotées cette discrimination positive en faveur des issues du chromosome XX.

Le problème est que si le système norvégien semble parfaitement moral, il est redoutablement mal adapté à la France. Certes, il est plus facile de compter les femmes que les « divers ». Reste qu’ici le seul critère légitime est la situation sociale et non pas la couleur de la peau, le pays d’origine, la religion ou le sexe. Le seul remède possible est donc celui qui a été testé avec tant de succès par l’éducation nationale, la justice et la santé : pour féminiser une profession, il suffit de proposer des emplois du temps compatibles avec une vie de famille et surtout d’en détourner ces messieurs grâce à des salaires nettement moins élevés que les autres emplois « bac + 6 » du marché.

Il faut dire que cette solution présente un autre avantage. Puisque tout le monde est d’accord sur la nécessité de limiter les rémunérations des patrons, divisons-les par 10, ou même par 100 pour les plus élevées. Un petit effort dans ce sens et je parie ma paye contre celle de Laurence Parisot que, dans moins d’une décennie, les conseils d’administration du CAC 40 ressembleront à s’y méprendre aux salles de profs.