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Le Rouquemoute de Clermont

7

De passage à Clermont-Ferrand en 1856, le peintre américain John Neagle réalisa le portrait de l’anonyme que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de « Redneck » (rouquemoute). Neagle avait bien noté quelque part le nom du modèle, mais sa négligence légendaire explique qu’il perdit le carnet sur lequel il l’avait écrit. Malgré l’absence de papiers, l’Institut de physiognomonie de Brioude (43) a clairement établi que l’homme est d’origine irlandaise. Ou australienne. Ou congolaise. Enfin, ce tableau est considéré, par les amateurs du genre, comme la Joconde auvergnate.

John Neagle, The Rouquemoute from Clermont. Huile sur toile, 1856, conservée au musée Giscard, Vulcania, Auvergne.

Et pendant ce temps à Jérusalem

88

Pendant que le regard de quatre milliards de téléspectateurs fait des allers et retours entre Pékin et Tbilissi, à la manière de celui des fans de Roland-Garros, les affaires proche-orientales continuent.

Deux morts-vivants politiques, Ehud Olmert et Mahmoud Abbas s’efforcent de faire croire, à leur peuple et au monde, qu’ils sont encore en mesure d’influencer le destin et de laisser, dans les livres d’histoire, un peu plus qu’une note de bas de page.

Les dernières péripéties de cette course des canards sans tête sont passées à peu près inaperçues dans nos contrées vacancières et olympiques, mais elles ne sont pas sans intérêt. Le principal négociateur palestinien, Ahmed Qoreia, dit Abou Ala, a menacé d’abandonner l’objectif de « deux Etats pour deux peuples », pour se replier sur la revendication d’un seul Etat binational, si Israël refusait de restituer l’intégralité des territoires occupés depuis 1967, s’opposait à ce que Jérusalem-est soit la capitale du futur Etat palestinien, et d’accepter le principe du droit au retour sur le territoire israélien des réfugiés de 1948 et de leur descendance.

Deux jours plus tard, Ehoud Olmert laisse fuiter dans Haaretz « son » plan de paix : établissement d’un Etat palestinien sur 93 % de la Cisjordanie et à Gaza (Israël conserverait ainsi les blocs d’implantations contigus à Jérusalem et Ariel). Il accorderait en échange, dans le Néguev bordant Gaza, une superficie de territoire israélien équivalente à 5,5 % de la surface de la Cisjordanie, le reste étant compensé par la création d’un lien entre Gaza et la Cisjordanie, sous souveraineté israélienne, mais où les Palestiniens pourraient circuler sans contrôle. La mise en application de ce plan est cependant conditionnée par la reprise de contrôle de la bande de Gaza par l’Autorité palestinienne, et il laisse en suspens la question de Jérusalem. Il oppose, par ailleurs, une fin de non-recevoir aux revendications palestiniennes sur la question des réfugiés.

Autant dire que ce retour à la case « camp David », où l’échec des pourparlers entre Arafat et Barak fut le prélude à la deuxième Intifada, n’est pas de nature à faire avancer d’un centimètre sur le chemin d’une résolution du conflit israélo-arabe.

Mahmoud Abbas tout comme Ehoud Olmert savent parfaitement qu’il sont dans l’incapacité de récupérer la bande de Gaza pour le premier et de faire accepter à une majorité d’Israéliens la division Jérusalem pour le second.

Pire: Mahmoud Abbas sait qu’il risque d’être renversé, voire éliminé physiquement si Tsahal se retire de Cisjordanie, laissant le champ libre à des militants locaux du Hamas ivres de vengeance après les avanies qu’ils ont subies de la part des forces de sécurité fidèles au Fatah.

La solution « deux Etats pour deux peuples », alpha et oméga du consensus international sur la question, est à l’agonie. Le fossé infranchissable qui s’est creusé entre le Fatah et le Hamas la rend impraticable : Israël n’a plus en face de lui un peuple uni derrière une direction incarnant le projet national, mais deux factions poursuivant des objectifs contradictoires, sans compter les clans et tribus plus ou moins autonomes.

Les discussions et pourparlers, officiels ou parallèles, qui se tiennent depuis des mois entre l’Autorité palestinienne et le gouvernement israélien constituent un exercice obligé destiné à satisfaire les Etats-Unis et l’Europe. Israël ne veut pas heurter de front une administration américaine porteuse de la solution « deux Etats pour deux peuples », et l’Autorité palestinienne sait que la manne financière internationale, condition de sa survie, est liée au maintien d’un dialogue avec Israël.

Les Templiers, sujet brûlant

1

La correspondante madrilène du Telegraph nous apprend que l’association espagnole de l’Ordre souverain du Temple du Christ vient de demander au pape Benoît XVI la réhabilitation des Templiers que son prédécesseur, Clément V, avait, en 1312, accusés d’hérésie. L’association exige également le paiement par le Vatican de dommages et intérêts d’un montant de 100 milliards d’euros, pour avoir injustement traité les chevaliers du Temple. Cette action en réparation arrive à point nommé : encore quatre ans et le délai de prescription des sept cents ans était passé.

Travailler ailleurs pour gagner plus

L’ancien ministre du Commerce, Renaud Dutreil, vient d’annoncer son retrait de la vie politique française dans une tribune donnée au Monde : il part à New York présider la filiale américaine de LVMH. Pour se justifier, il avance une triple envie : travailler avec Bernard Arnault, contribuer au rayonnement du luxe français, vivre le rêve américain. Mais outre ce qu’il dit en creux du travail avec Sarkozy et du « rêve français », on s’étonnera de l’omission d’un motif aussi légitime qu’évident : le salaire. Pas très américain, ce genre de pudeur…

Dieu, Einstein et moi

76

Si je n’étais pas croyant – ce qu’à Dieu ne plaise ! – je ne serais sans doute pas pour autant progressiste (y a des limites) ; mais à tout le moins cynique ou un peu je-m’en-foutiste. Je me préfère encore en être faible, fragile ou superstitieux, tout ce que vous voudrez…

Comme chacun sait, depuis la mort de Dieu – annoncée successivement par Nietzsche et le Père Ubu – le christianisme est devenu dans la vulgate en vogue une « religion d’esclaves », taillée sur mesures pour les débiles comme moi, infoutus d’affronter virilement, face à face et mâchoires serrées, le Grand Rien qu’on nous propose désormais comme but de promenade …

Il faut vraiment n’y rien comprendre, ni même connaître, pour proférer à l’encontre de la religion chrétienne de telles crétineries (accessoirement blasphématoires, ce qui n’est pas très cool.) Quand on ne sait pas, on ne dit pas… Moi par exemple, personne ne m’a jamais surpris en train de commenter l’équation E=MC2[1. En revanche j’ai un avis sur MC5.]

Ce qui ne laisse pas de m’épater, c’est le nombre de penseurs et assimilés qui n’ont participé à l’assassinat de Dieu qu’en s’imaginant prendre Sa place, en toute simplicité. Tel est le sens du glissement de la religion (asservissement) à la pensée libre (libre-pensée) : fini le « peuple de Dieu » dont nous parle la Bible ; vive le « peuple de dieux » selon Jean-Jacques Rousseau. Exactement le genre de Lumières qui empêche tout le monde d’y voir clair !

Contrairement à ce qu’on me rabâche sur tous les tons, ma religion à moi que j’ai ne repose nullement sur cette balançoire de la « culpabilité » judéo-chrétienne, dont il faudrait à tout prix sortir pour redécouvrir une introuvable « innocence » païenne ; pas non plus sur la prétendue « facilité » qu’elle donnerait de n’avoir point à penser par soi-même. Elle est fondée exclusivement sur l’amour (j’ai pas dit la partouze).

A en croire le président Jésus, les Dix commandements n’en sont que deux qui n’en font qu’un : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même. » Bonne Nouvelle ? Sans doute, mais qui n’en est pas moins difficile à mettre en pratique. Il faut d’abord s’aimer soi-même, ce dont nombre d’égotistes patentés ne sont même pas capables ; et puis il faut savoir tempérer cette ardeur, pour ne pas écraser ses « prochains » sous le poids de l’amour de soi. Alors seulement on peut tenter l’impossible, le surhumain, le divin : se mettre à la place des autres tout en restant à la sienne…

Mais sans doute prêché-je dans le désert, comme d’autres très grands avant moi. C’est qu’avec les rationalistes on peut pas lutter, comme je dis volontiers !

« Le fou, c’est celui qui a tout perdu sauf la raison ! », disait Chesterton. Eh bien, cette géniale boutade métaphysique est si contraire à l’esprit du siècle[2. Et même des trois précédents.] qu’elle est universellement comprise de traviole. Là où le père du Père Brown nous met en garde contre l’absolutisation de la Raison, voie royale vers l’aliénation mentale, tout le monde comprend l’exact inverse : un de ces banals « éloges de la folie » devenus si tendance depuis Erasme et Michel Foucault…

Mais on ne va pas s’empailler pour si peu ! Au cas où vous feriez un blocage sur Chesterton, je vous propose de rester bons amis en concluant sur un mot de Francesco Arrabal. A un Martien qui l’interrogeait un jour sur sa profession, il a répondu : « Piéton ! » Comme quoi Arrabal n’est pas fou[3. Au sens chestertonien du terme.].

L'homme éternel

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Jurasky Park

4

Une équipe de paléontologues polonais vient de découvrir les restes d’un dinosaure jusqu’alors inconnu, qu’elle a identifié comme un ancêtre de Tyrannosaurus Rex, devenu une sorte de célébrité de l’espèce grâce à sa courte apparition dans le film Jurassic Park de Steven Spielberg. Suite à cette découverte, nous prévoyons un débat public passionné à Varsovie concernant la vraie question à savoir qui, de la Wehrmacht ou de l’Armée rouge, est responsable du fait que la Pologne soit aujourd’hui privée de ces bêtes.

Laisser hâler

Le miel supplantant le marbre ? La morsure du soleil, la caresse de la poudre ? Ni Laclos ni Guitry ne l’auraient prédit. Inimaginable. Depuis deux mille ans, une dame ne pouvait être que fleur de Lune. De nacre. Son teint délicat devait, comme la toile virginale, figurer la moindre rougeur et souligner les fines traces d’un sang bleu. Les modes changeaient, qui ne changeaient rien : on se voilait, on se cloîtrait, et quand on ne se cloîtrait plus, on se poudrait ; la poudre éventée, aux bains, on s’aventurait en Léo et en chapeau. C’est qu’il fallait se garder de Phœbus ! La morbidesse ne devait rien au morbide : les Romantiques n’avaient fait école qu’en littérature – et encore… Mais il était entendu qu’une femme, une vraie, était une œuvre d’art, fragile et préservée. En aucun cas une viande rôtie. Du reste, c’est bien simple, seul le pauvre bronzait. Du bandit sarde au romanichel, il était invariablement noiraud.

Tout a pourtant basculé au XXe siècle. Désormais, pour être en beauté, il faut être hâlé. Pascal Ory, bien connu de tous les étudiants de Sciences-Po et de Navarre, analyse cette révolution dans son dernier essai : L’Invention du Bronzage[1. A dire vrai, voilà un auteur qu’on n’attendait pas exactement sur ce sujet – je veux dire : pas plus que feu René Rémond donnant une Histoire raisonnée du String.]. Que s’est-il donc passé ? La vox populi répond : les congés payés ! Les pauvres, enfin aux bords de mer, reviennent désormais à l’usine tannés pour trimer. Ils lancent une mode que rien n’arrêtera plus.

Eh bien non ! Ce sont les riches qui lanceront le mouvement. Bien avant l’élection de Blum, tout Auteuil se précipite sur l’Huile de Chaldée de Jean Patou (1927) ou sur celle de Coco Chanel (1933). On veut bronzer. Un fauve mondain comme Morand l’a très vite compris, qui, pour multiplier les conquêtes, exhibait son visage de « Mogol buriné » dans les réceptions et les bosquets des hôtels particuliers. Le mat de peau profite certes de la vogue des romans exotiques, du retour des officiers des colonies et de l’arrivée à Paris de richissimes rastaquouères, mais ce n’est pas tout. Il y a eu la Grande Boucherie. La « Der des der » a fait voler en éclats tous les codes de la bourgeoisie : on ne danse plus comme avant, on écoute des jazz band de Noirs, on se coupe à la garçonne et on s’attife drôlement. Il s’agit d’être vivant ! Et sans jamais vraiment prêter l’oreille au cri déjà lointain du baron de Coubertin : « Je rebronzerai une jeunesse veule et confinée ! »

Coup de soleil sur les élites seules car la France, elle, reste alors obstinément pâle. Mais viendront bientôt quatre années sépulcrales. Celles du Maréchal. On redécouvre le grand air de la campagne – il faut bien se mettre à l’abri, se rapprocher du paysan nourricier… – et l’on sort de cette histoire avec l’impression d’être laid. Chétif. Regardez ces Américains, qui nous libèrent. Comme ils sont grands, costauds, frappés au coin de la Victoire et du Soleil : ils ont fait la Tunisie, et l’Italie, ces enfants géants de Coney Island et de Miami ! C’est dit : le Français veut changer de corps. Sa peau, il a eu beau la sauver, il n’en veut plus. Adieu Chamfort : pour que le corps ne se brise, il faudra qu’il se bronze.
Bien vite, le bronzage deviendra un marqueur social. Et cruel. Malheur aux pauvres, rivés à leurs banlieues, qui n’ont pas les moyens de voyager ! La Côte, Biarritz, les yachts : le soleil atteste d’un statut, d’un standing. Jadis les riches étaient gros et les pauvres efflanqués ; les premiers sont aujourd’hui sveltes, les autres obèses. Même révolution copernicienne pour les épidermes : le Rmiste traîne son affligeante pâleur, tandis que publicitaires, animateurs et milliardaires reviennent des Bahamas. Le soleil vaut or.

Et ce qui se contemple dans la rue réjouit dans l’intimité. Car, n’en déplaise à Pascal Ory, il faut dire un mot de la révolution sexuelle. De ce qu’elle a changé dans l’appréciation des corps. Ah ! L’odeur d’une peau après le soleil, fût-elle autrichienne ou nippone… Ce parfum, ce grain, qui irrésistiblement appelle la lippe, qui à la marque du maillot invite à deviner l’intensité d’une pudeur, marque qui réclame qu’on en joue et qu’on la fixe du regard quand… Bref ! Puisqu’il est convenu de ne pas bronzer idiot, lisez donc Ory !

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Belgique : une fleur pour la couronne

Coïncidence qui aura échappé à Trudi Kohl : moribonde, la Belgique célèbre ces jours-ci au jardin botanique de Meise (Flandres) « la plus grande fleur du monde », l’Arum Titan, qui peut atteindre jusqu’à trois mètres. La particularité de cette plante, aussi surnommée « fleur cadavre », est de dégager au moment de sa floraison « une forte odeur de viande pourrie ». Les Wallons guettent déjà avec impatience le passage d’Interflora.

Siné, sans regret

Vous trouvez son humour douteux ? Ses partisans eux-mêmes le reconnaissent volontiers – certains y voient la marque d’un esprit libre, d’autres un travers malheureux dont il ne se défera jamais… C’est ainsi. Il y a également son ton, toujours hargneux, sinon haineux, et cette incapacité à parler des femmes ou des homosexuels sans la moindre délicatesse. Grands dieux !, protestent ses amis, c’est un paillard, un Gaulois un peu anar, que voulez-vous ! Jeune déjà, il adorait provoquer, les militaires comme les curés – ce qui lui valu, un soir de beuverie, d’être appréhendé après s’être laissé aller dans un bénitier… Vous voyez le genre. Ses propos sur les Juifs sont ambigus, parfois odieux ? Mais c’est vous, bande-mous, qui tremblez de trouille devant le terrorisme intellectuel ! Il abuse d’une gouaille digne de Danton, son héros d’adolescence, voilà tout ! Il ne respecte rien, ajoutez-vous, c’est un sale type ? Eh bien, c’est faux : il adore les animaux, la musique – voilà qui renseigne, non ? – chante fort bien et, dans un registre plus sérieux, ne manqua pas de prendre des positions risquées au sujet de l’Algérie, soutenant même un candidat musulman…

Depuis le début de ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Siné, on ne s’est guère étonné des arguments avancés par les amis du dessinateur : pas antisémite parce que de gauche ; de gauche parce que ne respectant rien ni personne. Le portrait offert par ses proches à l’opinion le croquait ainsi en véritable réincarnation du Béru de San Antonio. Il suffirait donc de brailler, d’être un malotru qui ne résiste à aucune transgression pour être de gauche ? Un peu léger, comme titres… Pour preuve, et l’on voudra bien excuser cette petite malice : la liste des « reproches » ci-dessus adressés à Siné visait, en réalité, non pas Siné mais un dénommé Jean-Marie Le Pen[1. Le Pen, Gilles Bresson et Christian Lionet (Seuil, 1994). Les faits et qualificatifs utilisés dans le premier paragraphe de ce texte sont tirés de cette remarquable biographie.]. Au mot près. Une grande figure de gauche, comme on sait… Drôle d’époque : cette description de mufle, qui sied à Le Pen comme à Siné, aura suffit pour beaucoup à attester l’appartenance de ce dernier au camp du Bien – je veux dire : de la gauche. Après tout, Le Pen vient bien de donner son certificat de chrétienne à la petite Dieudonné, alors pourquoi pas celui de « gauchiste » à Siné ?

Ce qui est beaucoup plus curieux, en revanche, c’est que personne ou presque n’ait tiqué à l’évocation du caractère prétendument libertaire de Siné. Et d’une, parce que Siné, dans sa jeunesse, ne fut jamais un libertaire façon Cohn-Bendit, mais un stalinien de la plus féroce espèce – positionné là où, déjà, il était loisible, avec la meilleure conscience du monde, de vitupérer, de condamner sans ambages et d’appeler à la baston. Et de deux, parce qu’être « paillard » est un concept idéologique assez flou : dans l’histoire récente, les pires salauds n’ont pas tous été des « coincés du c… » (Siné, dans le texte). Loin s’en faut ! D’Ernst Röhm (assassiné fardé et entourés de mignons lors de la nuit des Longs Couteaux) à Göering (grand et gros jouisseur), en passant par les frères Strasser (pamphlétaires pornos et partouzeurs notoires), le nazisme a amplement démontré qu’une liberté absolue, en matière de parole et de sexe, n’était en rien garante de progressisme, au sens où on l’entend aujourd’hui au Nouvel Obs[2. Dont le site, assez inexplicablement, est devenu un haut lieu de la défense de Siné.]. Ces voyous, eux aussi, parlaient cru et brocardaient les curés (et les Juifs, naturlisch), vomissaient les bourgeois et leurs convenances – peut-être aimaient-ils d’ailleurs aussi les chats ? Conclusion ? Aucune, précisément.

Dans l’affaire Siné, mieux vaut donc s’en tenir aux faits. Qu’importe, en effet, que Siné canarde sans distinction les toréadors et les tchadors, les rabbins et les tueurs de lapins, bref (presque) tout le monde. Par ses constants appels au meurtre et son incapacité à se défaire de la violence la plus crue dans ses écrits, il ne s’inscrit pas dans la filiation de Voltaire, de Zola ou de Camus, mais bien plutôt dans celle, autrement pathologique, qui débuta avec Marat. Arguer de ses outrances pour le dédouaner ? Siné lui-même en ricane : l’auteur du délicat « Je veux que chaque Juif vive dans la peur, sauf s’il est pro palestinien… » vient de reprendre son stylo-à-bile pour avertir qu’il continuera de nous donner du fil à retordre. Et du « fil barbelé », s’il vous plaît [3. Lettre ouverte de Siné, site du Nouvel Observateur, 4 août 2008.]. La classe.

Pièce rapportée

2

Un vendeur de bonbons espagnol a trouvé dans sa caisse une pièce d’un euro où le portrait du roi Juan Carlos a été savamment remplacé par l’effigie de Homer Simpson. La piste privilégiée par les enquêteurs de Madrid ? Il s’agirait d’un pourboire laissé par Hugo Chavez.

Le Rouquemoute de Clermont

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De passage à Clermont-Ferrand en 1856, le peintre américain John Neagle réalisa le portrait de l’anonyme que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de « Redneck » (rouquemoute). Neagle avait bien noté quelque part le nom du modèle, mais sa négligence légendaire explique qu’il perdit le carnet sur lequel il l’avait écrit. Malgré l’absence de papiers, l’Institut de physiognomonie de Brioude (43) a clairement établi que l’homme est d’origine irlandaise. Ou australienne. Ou congolaise. Enfin, ce tableau est considéré, par les amateurs du genre, comme la Joconde auvergnate.

John Neagle, The Rouquemoute from Clermont. Huile sur toile, 1856, conservée au musée Giscard, Vulcania, Auvergne.

Et pendant ce temps à Jérusalem

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Pendant que le regard de quatre milliards de téléspectateurs fait des allers et retours entre Pékin et Tbilissi, à la manière de celui des fans de Roland-Garros, les affaires proche-orientales continuent.

Deux morts-vivants politiques, Ehud Olmert et Mahmoud Abbas s’efforcent de faire croire, à leur peuple et au monde, qu’ils sont encore en mesure d’influencer le destin et de laisser, dans les livres d’histoire, un peu plus qu’une note de bas de page.

Les dernières péripéties de cette course des canards sans tête sont passées à peu près inaperçues dans nos contrées vacancières et olympiques, mais elles ne sont pas sans intérêt. Le principal négociateur palestinien, Ahmed Qoreia, dit Abou Ala, a menacé d’abandonner l’objectif de « deux Etats pour deux peuples », pour se replier sur la revendication d’un seul Etat binational, si Israël refusait de restituer l’intégralité des territoires occupés depuis 1967, s’opposait à ce que Jérusalem-est soit la capitale du futur Etat palestinien, et d’accepter le principe du droit au retour sur le territoire israélien des réfugiés de 1948 et de leur descendance.

Deux jours plus tard, Ehoud Olmert laisse fuiter dans Haaretz « son » plan de paix : établissement d’un Etat palestinien sur 93 % de la Cisjordanie et à Gaza (Israël conserverait ainsi les blocs d’implantations contigus à Jérusalem et Ariel). Il accorderait en échange, dans le Néguev bordant Gaza, une superficie de territoire israélien équivalente à 5,5 % de la surface de la Cisjordanie, le reste étant compensé par la création d’un lien entre Gaza et la Cisjordanie, sous souveraineté israélienne, mais où les Palestiniens pourraient circuler sans contrôle. La mise en application de ce plan est cependant conditionnée par la reprise de contrôle de la bande de Gaza par l’Autorité palestinienne, et il laisse en suspens la question de Jérusalem. Il oppose, par ailleurs, une fin de non-recevoir aux revendications palestiniennes sur la question des réfugiés.

Autant dire que ce retour à la case « camp David », où l’échec des pourparlers entre Arafat et Barak fut le prélude à la deuxième Intifada, n’est pas de nature à faire avancer d’un centimètre sur le chemin d’une résolution du conflit israélo-arabe.

Mahmoud Abbas tout comme Ehoud Olmert savent parfaitement qu’il sont dans l’incapacité de récupérer la bande de Gaza pour le premier et de faire accepter à une majorité d’Israéliens la division Jérusalem pour le second.

Pire: Mahmoud Abbas sait qu’il risque d’être renversé, voire éliminé physiquement si Tsahal se retire de Cisjordanie, laissant le champ libre à des militants locaux du Hamas ivres de vengeance après les avanies qu’ils ont subies de la part des forces de sécurité fidèles au Fatah.

La solution « deux Etats pour deux peuples », alpha et oméga du consensus international sur la question, est à l’agonie. Le fossé infranchissable qui s’est creusé entre le Fatah et le Hamas la rend impraticable : Israël n’a plus en face de lui un peuple uni derrière une direction incarnant le projet national, mais deux factions poursuivant des objectifs contradictoires, sans compter les clans et tribus plus ou moins autonomes.

Les discussions et pourparlers, officiels ou parallèles, qui se tiennent depuis des mois entre l’Autorité palestinienne et le gouvernement israélien constituent un exercice obligé destiné à satisfaire les Etats-Unis et l’Europe. Israël ne veut pas heurter de front une administration américaine porteuse de la solution « deux Etats pour deux peuples », et l’Autorité palestinienne sait que la manne financière internationale, condition de sa survie, est liée au maintien d’un dialogue avec Israël.

Les Templiers, sujet brûlant

1

La correspondante madrilène du Telegraph nous apprend que l’association espagnole de l’Ordre souverain du Temple du Christ vient de demander au pape Benoît XVI la réhabilitation des Templiers que son prédécesseur, Clément V, avait, en 1312, accusés d’hérésie. L’association exige également le paiement par le Vatican de dommages et intérêts d’un montant de 100 milliards d’euros, pour avoir injustement traité les chevaliers du Temple. Cette action en réparation arrive à point nommé : encore quatre ans et le délai de prescription des sept cents ans était passé.

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L’ancien ministre du Commerce, Renaud Dutreil, vient d’annoncer son retrait de la vie politique française dans une tribune donnée au Monde : il part à New York présider la filiale américaine de LVMH. Pour se justifier, il avance une triple envie : travailler avec Bernard Arnault, contribuer au rayonnement du luxe français, vivre le rêve américain. Mais outre ce qu’il dit en creux du travail avec Sarkozy et du « rêve français », on s’étonnera de l’omission d’un motif aussi légitime qu’évident : le salaire. Pas très américain, ce genre de pudeur…

Dieu, Einstein et moi

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Si je n’étais pas croyant – ce qu’à Dieu ne plaise ! – je ne serais sans doute pas pour autant progressiste (y a des limites) ; mais à tout le moins cynique ou un peu je-m’en-foutiste. Je me préfère encore en être faible, fragile ou superstitieux, tout ce que vous voudrez…

Comme chacun sait, depuis la mort de Dieu – annoncée successivement par Nietzsche et le Père Ubu – le christianisme est devenu dans la vulgate en vogue une « religion d’esclaves », taillée sur mesures pour les débiles comme moi, infoutus d’affronter virilement, face à face et mâchoires serrées, le Grand Rien qu’on nous propose désormais comme but de promenade …

Il faut vraiment n’y rien comprendre, ni même connaître, pour proférer à l’encontre de la religion chrétienne de telles crétineries (accessoirement blasphématoires, ce qui n’est pas très cool.) Quand on ne sait pas, on ne dit pas… Moi par exemple, personne ne m’a jamais surpris en train de commenter l’équation E=MC2[1. En revanche j’ai un avis sur MC5.]

Ce qui ne laisse pas de m’épater, c’est le nombre de penseurs et assimilés qui n’ont participé à l’assassinat de Dieu qu’en s’imaginant prendre Sa place, en toute simplicité. Tel est le sens du glissement de la religion (asservissement) à la pensée libre (libre-pensée) : fini le « peuple de Dieu » dont nous parle la Bible ; vive le « peuple de dieux » selon Jean-Jacques Rousseau. Exactement le genre de Lumières qui empêche tout le monde d’y voir clair !

Contrairement à ce qu’on me rabâche sur tous les tons, ma religion à moi que j’ai ne repose nullement sur cette balançoire de la « culpabilité » judéo-chrétienne, dont il faudrait à tout prix sortir pour redécouvrir une introuvable « innocence » païenne ; pas non plus sur la prétendue « facilité » qu’elle donnerait de n’avoir point à penser par soi-même. Elle est fondée exclusivement sur l’amour (j’ai pas dit la partouze).

A en croire le président Jésus, les Dix commandements n’en sont que deux qui n’en font qu’un : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même. » Bonne Nouvelle ? Sans doute, mais qui n’en est pas moins difficile à mettre en pratique. Il faut d’abord s’aimer soi-même, ce dont nombre d’égotistes patentés ne sont même pas capables ; et puis il faut savoir tempérer cette ardeur, pour ne pas écraser ses « prochains » sous le poids de l’amour de soi. Alors seulement on peut tenter l’impossible, le surhumain, le divin : se mettre à la place des autres tout en restant à la sienne…

Mais sans doute prêché-je dans le désert, comme d’autres très grands avant moi. C’est qu’avec les rationalistes on peut pas lutter, comme je dis volontiers !

« Le fou, c’est celui qui a tout perdu sauf la raison ! », disait Chesterton. Eh bien, cette géniale boutade métaphysique est si contraire à l’esprit du siècle[2. Et même des trois précédents.] qu’elle est universellement comprise de traviole. Là où le père du Père Brown nous met en garde contre l’absolutisation de la Raison, voie royale vers l’aliénation mentale, tout le monde comprend l’exact inverse : un de ces banals « éloges de la folie » devenus si tendance depuis Erasme et Michel Foucault…

Mais on ne va pas s’empailler pour si peu ! Au cas où vous feriez un blocage sur Chesterton, je vous propose de rester bons amis en concluant sur un mot de Francesco Arrabal. A un Martien qui l’interrogeait un jour sur sa profession, il a répondu : « Piéton ! » Comme quoi Arrabal n’est pas fou[3. Au sens chestertonien du terme.].

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Jurasky Park

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Une équipe de paléontologues polonais vient de découvrir les restes d’un dinosaure jusqu’alors inconnu, qu’elle a identifié comme un ancêtre de Tyrannosaurus Rex, devenu une sorte de célébrité de l’espèce grâce à sa courte apparition dans le film Jurassic Park de Steven Spielberg. Suite à cette découverte, nous prévoyons un débat public passionné à Varsovie concernant la vraie question à savoir qui, de la Wehrmacht ou de l’Armée rouge, est responsable du fait que la Pologne soit aujourd’hui privée de ces bêtes.

Laisser hâler

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Le miel supplantant le marbre ? La morsure du soleil, la caresse de la poudre ? Ni Laclos ni Guitry ne l’auraient prédit. Inimaginable. Depuis deux mille ans, une dame ne pouvait être que fleur de Lune. De nacre. Son teint délicat devait, comme la toile virginale, figurer la moindre rougeur et souligner les fines traces d’un sang bleu. Les modes changeaient, qui ne changeaient rien : on se voilait, on se cloîtrait, et quand on ne se cloîtrait plus, on se poudrait ; la poudre éventée, aux bains, on s’aventurait en Léo et en chapeau. C’est qu’il fallait se garder de Phœbus ! La morbidesse ne devait rien au morbide : les Romantiques n’avaient fait école qu’en littérature – et encore… Mais il était entendu qu’une femme, une vraie, était une œuvre d’art, fragile et préservée. En aucun cas une viande rôtie. Du reste, c’est bien simple, seul le pauvre bronzait. Du bandit sarde au romanichel, il était invariablement noiraud.

Tout a pourtant basculé au XXe siècle. Désormais, pour être en beauté, il faut être hâlé. Pascal Ory, bien connu de tous les étudiants de Sciences-Po et de Navarre, analyse cette révolution dans son dernier essai : L’Invention du Bronzage[1. A dire vrai, voilà un auteur qu’on n’attendait pas exactement sur ce sujet – je veux dire : pas plus que feu René Rémond donnant une Histoire raisonnée du String.]. Que s’est-il donc passé ? La vox populi répond : les congés payés ! Les pauvres, enfin aux bords de mer, reviennent désormais à l’usine tannés pour trimer. Ils lancent une mode que rien n’arrêtera plus.

Eh bien non ! Ce sont les riches qui lanceront le mouvement. Bien avant l’élection de Blum, tout Auteuil se précipite sur l’Huile de Chaldée de Jean Patou (1927) ou sur celle de Coco Chanel (1933). On veut bronzer. Un fauve mondain comme Morand l’a très vite compris, qui, pour multiplier les conquêtes, exhibait son visage de « Mogol buriné » dans les réceptions et les bosquets des hôtels particuliers. Le mat de peau profite certes de la vogue des romans exotiques, du retour des officiers des colonies et de l’arrivée à Paris de richissimes rastaquouères, mais ce n’est pas tout. Il y a eu la Grande Boucherie. La « Der des der » a fait voler en éclats tous les codes de la bourgeoisie : on ne danse plus comme avant, on écoute des jazz band de Noirs, on se coupe à la garçonne et on s’attife drôlement. Il s’agit d’être vivant ! Et sans jamais vraiment prêter l’oreille au cri déjà lointain du baron de Coubertin : « Je rebronzerai une jeunesse veule et confinée ! »

Coup de soleil sur les élites seules car la France, elle, reste alors obstinément pâle. Mais viendront bientôt quatre années sépulcrales. Celles du Maréchal. On redécouvre le grand air de la campagne – il faut bien se mettre à l’abri, se rapprocher du paysan nourricier… – et l’on sort de cette histoire avec l’impression d’être laid. Chétif. Regardez ces Américains, qui nous libèrent. Comme ils sont grands, costauds, frappés au coin de la Victoire et du Soleil : ils ont fait la Tunisie, et l’Italie, ces enfants géants de Coney Island et de Miami ! C’est dit : le Français veut changer de corps. Sa peau, il a eu beau la sauver, il n’en veut plus. Adieu Chamfort : pour que le corps ne se brise, il faudra qu’il se bronze.
Bien vite, le bronzage deviendra un marqueur social. Et cruel. Malheur aux pauvres, rivés à leurs banlieues, qui n’ont pas les moyens de voyager ! La Côte, Biarritz, les yachts : le soleil atteste d’un statut, d’un standing. Jadis les riches étaient gros et les pauvres efflanqués ; les premiers sont aujourd’hui sveltes, les autres obèses. Même révolution copernicienne pour les épidermes : le Rmiste traîne son affligeante pâleur, tandis que publicitaires, animateurs et milliardaires reviennent des Bahamas. Le soleil vaut or.

Et ce qui se contemple dans la rue réjouit dans l’intimité. Car, n’en déplaise à Pascal Ory, il faut dire un mot de la révolution sexuelle. De ce qu’elle a changé dans l’appréciation des corps. Ah ! L’odeur d’une peau après le soleil, fût-elle autrichienne ou nippone… Ce parfum, ce grain, qui irrésistiblement appelle la lippe, qui à la marque du maillot invite à deviner l’intensité d’une pudeur, marque qui réclame qu’on en joue et qu’on la fixe du regard quand… Bref ! Puisqu’il est convenu de ne pas bronzer idiot, lisez donc Ory !

L'invention du bronzage: Essai d'une histoire culturelle

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Belgique : une fleur pour la couronne

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Coïncidence qui aura échappé à Trudi Kohl : moribonde, la Belgique célèbre ces jours-ci au jardin botanique de Meise (Flandres) « la plus grande fleur du monde », l’Arum Titan, qui peut atteindre jusqu’à trois mètres. La particularité de cette plante, aussi surnommée « fleur cadavre », est de dégager au moment de sa floraison « une forte odeur de viande pourrie ». Les Wallons guettent déjà avec impatience le passage d’Interflora.

Siné, sans regret

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Vous trouvez son humour douteux ? Ses partisans eux-mêmes le reconnaissent volontiers – certains y voient la marque d’un esprit libre, d’autres un travers malheureux dont il ne se défera jamais… C’est ainsi. Il y a également son ton, toujours hargneux, sinon haineux, et cette incapacité à parler des femmes ou des homosexuels sans la moindre délicatesse. Grands dieux !, protestent ses amis, c’est un paillard, un Gaulois un peu anar, que voulez-vous ! Jeune déjà, il adorait provoquer, les militaires comme les curés – ce qui lui valu, un soir de beuverie, d’être appréhendé après s’être laissé aller dans un bénitier… Vous voyez le genre. Ses propos sur les Juifs sont ambigus, parfois odieux ? Mais c’est vous, bande-mous, qui tremblez de trouille devant le terrorisme intellectuel ! Il abuse d’une gouaille digne de Danton, son héros d’adolescence, voilà tout ! Il ne respecte rien, ajoutez-vous, c’est un sale type ? Eh bien, c’est faux : il adore les animaux, la musique – voilà qui renseigne, non ? – chante fort bien et, dans un registre plus sérieux, ne manqua pas de prendre des positions risquées au sujet de l’Algérie, soutenant même un candidat musulman…

Depuis le début de ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Siné, on ne s’est guère étonné des arguments avancés par les amis du dessinateur : pas antisémite parce que de gauche ; de gauche parce que ne respectant rien ni personne. Le portrait offert par ses proches à l’opinion le croquait ainsi en véritable réincarnation du Béru de San Antonio. Il suffirait donc de brailler, d’être un malotru qui ne résiste à aucune transgression pour être de gauche ? Un peu léger, comme titres… Pour preuve, et l’on voudra bien excuser cette petite malice : la liste des « reproches » ci-dessus adressés à Siné visait, en réalité, non pas Siné mais un dénommé Jean-Marie Le Pen[1. Le Pen, Gilles Bresson et Christian Lionet (Seuil, 1994). Les faits et qualificatifs utilisés dans le premier paragraphe de ce texte sont tirés de cette remarquable biographie.]. Au mot près. Une grande figure de gauche, comme on sait… Drôle d’époque : cette description de mufle, qui sied à Le Pen comme à Siné, aura suffit pour beaucoup à attester l’appartenance de ce dernier au camp du Bien – je veux dire : de la gauche. Après tout, Le Pen vient bien de donner son certificat de chrétienne à la petite Dieudonné, alors pourquoi pas celui de « gauchiste » à Siné ?

Ce qui est beaucoup plus curieux, en revanche, c’est que personne ou presque n’ait tiqué à l’évocation du caractère prétendument libertaire de Siné. Et d’une, parce que Siné, dans sa jeunesse, ne fut jamais un libertaire façon Cohn-Bendit, mais un stalinien de la plus féroce espèce – positionné là où, déjà, il était loisible, avec la meilleure conscience du monde, de vitupérer, de condamner sans ambages et d’appeler à la baston. Et de deux, parce qu’être « paillard » est un concept idéologique assez flou : dans l’histoire récente, les pires salauds n’ont pas tous été des « coincés du c… » (Siné, dans le texte). Loin s’en faut ! D’Ernst Röhm (assassiné fardé et entourés de mignons lors de la nuit des Longs Couteaux) à Göering (grand et gros jouisseur), en passant par les frères Strasser (pamphlétaires pornos et partouzeurs notoires), le nazisme a amplement démontré qu’une liberté absolue, en matière de parole et de sexe, n’était en rien garante de progressisme, au sens où on l’entend aujourd’hui au Nouvel Obs[2. Dont le site, assez inexplicablement, est devenu un haut lieu de la défense de Siné.]. Ces voyous, eux aussi, parlaient cru et brocardaient les curés (et les Juifs, naturlisch), vomissaient les bourgeois et leurs convenances – peut-être aimaient-ils d’ailleurs aussi les chats ? Conclusion ? Aucune, précisément.

Dans l’affaire Siné, mieux vaut donc s’en tenir aux faits. Qu’importe, en effet, que Siné canarde sans distinction les toréadors et les tchadors, les rabbins et les tueurs de lapins, bref (presque) tout le monde. Par ses constants appels au meurtre et son incapacité à se défaire de la violence la plus crue dans ses écrits, il ne s’inscrit pas dans la filiation de Voltaire, de Zola ou de Camus, mais bien plutôt dans celle, autrement pathologique, qui débuta avec Marat. Arguer de ses outrances pour le dédouaner ? Siné lui-même en ricane : l’auteur du délicat « Je veux que chaque Juif vive dans la peur, sauf s’il est pro palestinien… » vient de reprendre son stylo-à-bile pour avertir qu’il continuera de nous donner du fil à retordre. Et du « fil barbelé », s’il vous plaît [3. Lettre ouverte de Siné, site du Nouvel Observateur, 4 août 2008.]. La classe.

Pièce rapportée

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Un vendeur de bonbons espagnol a trouvé dans sa caisse une pièce d’un euro où le portrait du roi Juan Carlos a été savamment remplacé par l’effigie de Homer Simpson. La piste privilégiée par les enquêteurs de Madrid ? Il s’agirait d’un pourboire laissé par Hugo Chavez.