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Comment peut-on être éditeur ?

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Où l’on apprend que Philippe Cohen déprime chaque semaine devant la liste des meilleures ventes, que Teresa Cremisi pense que les lecteurs et n’ont jamais été aussi intelligents, que – surprise! – Elisabeth ne partage pas entièrement cet optimisme…et que Montaigne vous protège, même si vous ne le lisez pas.

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Le président aux œufs d’or

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Editrice de Yasmina Reza et d’Anna Bitton, Teresa Cremisi n’est pas donc pas une déçue du sarkozysme. Augustin Scalbert s’intéresse au procès intenté par Cécilia – qui tous comptes faits, effraie moins l’éditrice que le procès en pipolisation intenté par… devinez qui ?

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Térésa, elle en a !

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On ne présente plus le PDG de Flammarion. Enfin si, on la présente quand même et c’est Philippe Cohen qui s’en charge. Teresa Crémisi, trouve que le portrait qu’il fait d’elle ne lui ressemble pas. Cohen-Picasso, même combat ?

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La culture de la médiocrité morale

Historien des religions, professeur à l’université de Tel Aviv, Aviad Kleinberg est un spécialiste internationalement reconnu du christianisme médiéval – et une voix singulière en Israël. Dans Péchés Capitaux (Seuil), il explore avec drôlerie et gravité les bas-fonds de l’âme humaine.

Le péché inaugure l’Histoire. Il est au cœur de la conception biblique du monde. Est-il identique dans le judaïsme et le christianisme ?
Judaïsme et christianisme sont des monstres conceptuels qui n’existent que dans l’esprit des intellectuels et de ceux qui les prennent au sérieux. Il existe plusieurs judaïsmes, tout comme il y a plusieurs christianités. Ceci étant, des différences notables séparent les deux traditions qui forment cette étrange invention occidentale qu’est la culture judéo-chrétienne. Pour le plus optimiste des chrétiens, le péché est le Destructeur, l’Eris qui rivalise avec Eros, la version originale du dieu d’amour, l’Unificateur et le Créateur. Le péché a non seulement affaibli les aptitudes morales de l’être humain, mais il a de surcroît redessiné le cosmos en obligeant Dieu à créer l’enfer et le purgatoire. Le péché a même poussé Dieu à briser le tabou métaphysique essentiel en se faisant chair, au prix d’un mélange scandaleux entre l’humain et le divin. Enlevez le péché et le christianisme perd tout son sens.

Alors que le judaïsme pourrait s’en passer ?
Pour le plus pessimiste des juifs, le péché n’est pas une force cosmique du mal, mais une rupture du contrat. Le judaïsme s’en tient en effet à une conception contractuelle de la relation entre Dieu et ses créatures, à commencer par son peuple élu. Ce contrat (au sens strict « l’alliance » mais, plus largement, « la marche du monde ») lie les deux parties; la justice est au-dessus de Dieu et peut lui être opposée. Le contrat chrétien, s’il a jamais existé, a été mis en pièce par la Chute. La rédemption est au-dessus et au-delà de la justice. La grâce est donnée pour rien – gratia gratis data.

Cette approche différente du péché reflète donc le primat du respect de la Loi pour les juifs, de la foi pour les chrétiens ?
Pour les juifs, seuls les actes constituent des ruptures de contrat. Ils s’intéressent peu à la pureté des motivations. D’un point de vue juif, des normes morales que personne ne peut respecter n’ont aucun sens. A l’inverse, conformément à l’enseignement de Saint Paul, les chrétiens ne se fient pas à « l’œuvre » : « à celui qui ne fait point d’oeuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est imputée à justice ». Ils se voient comme pécheurs par définition, incapables de faire le bien stricto sensu mais, dès lors qu’ils peuvent avoir la Foi, l’Espérance et l’Amour, ils sont attentifs aux processus psychologiques.

Traversons les siècles. « Vivre sans temps morts et jouir sans entraves », proclamaient les étudiants en mai 68. Peut-on jouir sans entraves ? Le désir peut-il exister sans interdits ?
Je ne crois pas. Pour la bonne raison que l’homme est un animal social. En dehors de la Cité, dit Aristote dans La Politique, on ne trouve que des dieux et des bêtes. Nous ne sommes ni l’un ni l’autre. La Cité, la société humaine, n’est pas faite de briques et de ciments mais de lois et règlements, en somme de chaînes. On devient humain en comprenant qu’il faut renoncer à certains plaisirs pour éviter la sanction (principe de réalité); on devient moral lorsqu’on intériorise les règles (en développant un surmoi) et qu’on les considère comme ses propres obligations. En résumé, être humain au sens plein du terme suppose d’accepter des limites. Bien entendu, cela ne signifie pas que nous ne désirons pas ce qui est interdit – au contraire cela nous arrive très souvent. Mais nous nous imposons des limites, nous sublimons et admettons comme un état normal la tension intérieure entre le désirable et le licite. Les étudiants de 1968 ne cherchaient pas à créer une société sans règles dans laquelle le désir aurait pu se donner libre cours. La plupart étaient des fils et filles à leur maman qui ne voulaient qu’une chose: devenir bourgeois le plus vite possible. C’est des entraves de leurs parents qu’ils entendaient se délivrer. Ils voulaient créer leur propre prison sociale. Et bien sûr, ils y sont parvenus. L’émergence de la morale politiquement correcte, qui est aussi moralisatrice et dégoulinante de bonne conscience que la vieille morale, révèle le caractère essentiellement conservateur de la révolution étudiante.

Et si, en 1968, on avait simplement raté le coche ? Une société sans surmoi (dans laquelle il serait « interdit d’interdire ») est-elle inconcevable ?
Je ne pense pas qu’une telle société soit possible – ou désirable. Même Thélème, la communauté utopique de Rabelais, exige que ses membres soient préalablement conditionnés par une éducation adaptée.

Penseriez-vous, comme Maurras, que la religion garantit l’ordre social ?
Il s’agit de savoir si, sans la croyance en un super-policier ou en un Dieu doté de rayons X moraux pour voir à travers les murs et d’un enfer pour régler ses comptes, on peut espérer un comportement moral des gens. C’est une vieille question. Dieu a souvent été le gendarme avec lequel on faisait peur aux petits enfants (« si tu n’es pas sage… »). Des générations de rabbins, hommes d’église et mollahs nous ont raconté que sans Dieu, le chaos moral règnerait. Pour moi, la peur ne peut pas être le fondement de l’éthique. Nous devons nous garder du mal non pas par peur du châtiment, mais parce que c’est le mal et qu’il contrecarre celui que nous voulons être. Ce comportement exige un entraînement moral incessant – l’askesis des Stoïciens. Lequel suppose une société sûre de ses valeurs dans laquelle les enfants sont éduqués à la responsabilité morale – aux devoirs et non aux seuls droits.

Oui, mais les droits priment désormais sur les devoirs. Chacun est encouragé à se comporter comme un créancier par rapport à la collectivité. La morale pourrait-elle être remplacée par une sorte de contrat minimal entre membres d’une société ?
Le triomphe des droits ne traduit pas seulement un affaiblissement de notre fibre morale. Il est conssubstantiel à l’idéologie du Marché. Pour l’utopie libérale, le seul objectif qui vaille est la quête du bonheur, défini par la consommation de biens marchands. Tout ce qui s’oppose à cette activité sacrée (qui, grâce à la « main invisible », bénéficie à l’ensemble de la communauté) doit être éliminé. Laissez faire! Laissez passer! Tant que vous n’interférez pas avec le plaisir d’autrui, faites tout ce qui vous chante. Dans un monde « idéal », les seules différences qui persisteront seront les différences de « goûts » (tu aimes Adidas et moi Nike). D’ores et déjà, nos produits, nos vies, et même nos passions, sont standardisés. Dans ces conditions, un système moral fondé sur l’intériorisation de la contrainte ne peut qu’aboutir à des frondes. Les gens prêts à payer le prix fort pour le respect de leurs valeurs sont des consommateurs politiques avertis et soupçonneux. Ils ont tendance à examiner sous toutes les coutures les produits qui leur sont proposés. Mais notre culture a besoin de consommateurs passifs, politiquement et moralement indifférents. Orwell s’est trompé: 1984 est passé et nous ne voyons rien qui ressemble à son enfer stalinien. En revanche, nous nous rapprochons un peu plus chaque jour du Meilleur des Mondes d’Huxley. Faut-il le déplorer? Difficile à dire. Si on est attaché à la liberté, la réponse est oui.

Nous voilà bien avancés : Dieu est mort, toute figure « surmoïque » est récusée et l’éthique de responsabilité n’est pas très tendance. Dans ces conditions, sur quoi peut-on fonder aujourd’hui une morale ? Qui est le « témoin » de nos péchés ?
J’ai déjà essayé de répondre mais j’admets que c’est là le point faible de tout système moral. L’emprise de nos passions est telle que nous avons du mal à croire que nous pourrions nous passer d’un « super-surveillant général ». Encore une fois, je crois en l’éducation à l’éthique de responsabilité. Cela dit, l’apprentissage de la morale ne peut intervenir que dans une société sûre de ses valeurs et de son droit à les imposer.

Le péché engendre la culpabilité mais aussi la honte. Or, à l’âge des prides, ce n’est pas un affect très apprécié en Occident aujourd’hui. Que pensez-vous de cette « fierté » revendiquée ?
Les anthropologues distinguent les sociétés de la honte – où le pire châtiment des contrevenants est le mépris de leurs pairs – et les sociétés de la culpabilité – où le surmoi joue pour chacun le rôle du coryphée grec de la tragédie. C’est un peu simpliste. Chaque société est une combinaison des deux formules. Même quand elle est profondément intériorisée, la morale résulte d’un effort collectif. Elle suppose une attention à l’opinion des autres –du moins des autres qui comptent. La nouvelle fierté – gay, noire, juive – vise à convaincre les autres qu’on méprise leur mépris, autrement dit à retourner l’hostilité, à la reprendre à son compte (ton injure sera mon nom). Nous sommes là au cœur du conflit entre l’intériorité (ce que nous ressentons) et l’extériorité (ce que disent les gens). Et voilà que, au terme d’un long combat contre la culpabilité, nous avons recréé une culture de la honte. Nous sommes plus attentifs au qu’en dira-t-on (ce n’est vraiment pas chic d’être macho) qu’à la voix intérieure qui pourrait nous entraîner dans un conflit avec la société. Nous renonçons à atteindre l’excellence morale. Notre culture croit à la médiocrité morale.

Si le péché n’est plus défini par la loi divine, existe-t-il une valeur morale universelle et immuable, valable en tout temps et en tout lieu ?
Non. Peut-être pensez-vous que le fait de ne pas faire de tort à son prochain est une valeur universelle mais c’est faux. La plupart des sociétés admettent tant d’exceptions à cette règle qu’un touriste éthique ferait mieux de ne pas se fier à elle. La seule valeur « universelle » est qu’il est interdit de me faire du mal. Malheureusement, elle est incompatible avec votre propre valeur « universelle » – il est interdit de vous faire du mal.

Quel est, pour vous, le péché capital de l’époque ?
Délivrés de la culpabilité, nous ne considérons plus le corps et la matière comme les ennemis de nos âmes. En dépit de notre hédonisme et de notre narcissisme, nous prétendons être aussi moraux, voire plus. Bref, nous voulons la même chose pour moins cher, ce qui révèle le vice que je trouve le plus exaspérant aujourd’hui en Occident – la bonne conscience. Nous sommes très contents de nous. Trop contents.

Propos recueillis par Elisabeth Lévy.

Histoires de saints: Leur rôle dans la formation de l'Occident

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Les élèves doivent-ils noter les profs ?

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Les tatas flingueuses. David Abiker le sait : les femmes sont bavardes. Il n’a donc pas jugé nécessaire de fournir à Elisabeth Lévy de Causeur, Bénédicte Charles de Marianne et de Virginie Roels de bakchich, un invité à cuisiner. « L’invitée, c’est l’actu », a annoncé notre hôte. Emission enregistrée le vendredi 7 mars.

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Les déboires de Cotillard

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Les tatas flingueuses. David Abiker le sait : les femmes sont bavardes. Il n’a donc pas jugé nécessaire de fournir à Elisabeth Lévy de Causeur, Bénédicte Charles de Marianne et de Virginie Roels de bakchich, un invité à cuisiner. « L’invitée, c’est l’actu », a annoncé notre hôte. Emission enregistrée le vendredi 7 mars.

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Parisot et le magot

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Les tatas flingueuses. David Abiker le sait : les femmes sont bavardes. Il n’a donc pas jugé nécessaire de fournir à Elisabeth Lévy de Causeur, Bénédicte Charles de Marianne et de Virginie Roels de bakchich, un invité à cuisiner. « L’invitée, c’est l’actu », a annoncé notre hôte. Emission enregistrée le vendredi 7 mars.

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Parlons Net

C’est un studio où on cause. Chaque semaine sous la houlette de David Abiker, l’homme du web sur France Info, des chroniqueurs de la presse internet décortiquent l’actualité, avec ou sans invité. L’image est foutraque, le son décalé, c’est la « couleur » internet : un petit air expérimental, presque underground.

Philippe Cohen dont le cerveau fécond a inventé cette émission et David Abiker, ont eu la bonne idée d’associer Causeur qui se retrouve en compagnie de Marianne2, rue89, Arrêt sur Images, lefigaro.fr et Bakchich. Regardez.

Les tatas flingueuses. David Abiker le sait : les femmes sont bavardes. Il n’a donc pas jugé nécessaire de nous fournir un invité à cuisiner. « L’invitée, c’est l’actu », a annoncé notre hôte. C’est donc avec Bénédicte Charles de Marianne et de Virginie Roels de Bakchich que nous avons devisé de choses vraiment importantes comme :

Les déboires de Marion Cotillard Fallait-il publier ? Fallait-il taire ? Pouvait-on cacher au monde entier que notre nouvelle star n’a pas la tête politique ?

Parisot et le magot Opération mains propres au Medef. Parisot est-elle crédible en Zorro ?

Les élèves doivent-ils noter les profs ? Evidemment. Et les enfants, leurs parents. On n’a pas fini de rigoler.

Au fait, un affreux doute m’étreint. Ce plateau de filles était-il destiné à célébrer l’internationale Journée de la femme ? Le monstre.

La France maniaco-dépressive

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Contrairement à ce que pense notre confrère Marianne,ce n’est pas Lui, mais nous qui souffrons de troubles mentaux. Car l’enthousiasme soulevé hier par la victoire de Sarkozy était aussi démesuré que l’est aujourd’hui son désaveu généralisé. Le désenchantement actuel suppose un enchantement, performance dont on croyait la politique incapable depuis la fin des idéologies. Si, comme on a coutume de le dire, les Français sont de plus en plus méfiants vis-à-vis de la politique, s’ils la croient de moins en moins capable d’agir sur la réalité et, en conséquence, d’être porteuse d’espoir, pourquoi espèrent-ils encore après chaque élection et pourquoi sombrent-ils si vite dans l’amertume ?

Peut-on sérieusement espérer qu’en six mois et par la seule grâce d’un nouveau pouvoir élyséen, les salaires augmenteront aussi rapidement que les prix chuteront ? Et si quelqu’un arrive à nous le faire avaler, notre crédulité nous absoudra-t-elle de toute culpabilité ? La politique menée par l’actuel gouvernement est peut-être bel et bien erronée mais en attendre des résultats avec autant d’impatience pour, au bout de quelque mois, en stigmatiser l’échec absolu ne peut qu’engendrer et alimenter la frustration et le ressentiment. Une fois de plus, on s’est foutu de nous !

Nous voulons du sens, pas seulement des indices et des courbes – tel est le souhait que semblait exprimer l’électorat français pendant la campagne présidentielle. Eh bien, nous l’avons eue, cette politique. Une personne sensée pouvait-elle croire qu’on peut générer « du sens » sans se heurter aux plus vives résistances, sans soulever de tempête ? Par quel miracle un homme pourrait-il proposer « du sens » et être immédiatement applaudi par tout le monde ? Nous avons appelé de nos vœux un chef politique qui apporte du « sens » et nous n’attendons pas six mois pour le lui renvoyer au visage. « Touche pas à ma laïcité », « politique de civilisation ? un ridicule plagiat ! » Pourtant je crois me souvenir qu’il y une année à peine les citoyens de ce pays – et ceux qui étaient tentés par le Ségolénisme aussi – voulaient justement que leur prochain président « touche » à ces sujets.

La politique, paraît-il, a remplacé en France la religion – elle est désormais l’unique dépositaire des lendemains qui chantent. Raison pour laquelle on continue de faire de la politique religieusement, Marcel Gauchet a dit l’essentiel sur la question. La révolution ou rien, voilà ce que semble vouloir le Français, « gauche » et « droite » confondues.

Chaque camp, chaque clan, rêve d’une intervention spectaculaire, rapide et émouvante qui change tout : le plein emploi, des émissions culturelles en prime time sur chaque chaîne, de même que l’expulsion de tous les immigrés ou la fermeture des centrales nucléaires, le redressement des compte de la Sécu, le respect des personnes âgées. Comment définir ce genre d’événements révolutionnaires, sinon comme des miracles laïques ?

Ce « révolutionnisme » ne peut que créer des attentes irréalistes et des faux espoirs qui conduisent à une inéluctable déception. Ce cycle infernal de l’émotion est une mine inépuisable pour des médias qui prospèrent sur l’affect. Au cycle politico-psychologique euphorie-déception correspond le cycle médiatique admiration-détrestation-victimisation (pour Sarkozy, la troisième phase n’a pas encore commencé). Tout cela n’a pas grand-chose à voir avec la politique, entendue comme l’affrontement de projets, et beaucoup à voir avec l’hystérie. Alors, qui donc est le fou ?

La Graine et le navet

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Autant vous prévenir tout de suite, je n’ai pas vu La graine et le mulet. J’aimerais donc n’avoir rien à en dire. Pas si simple.

Pour moi, un film est un ensemble ; particulièrement quand il est à caractère « social ». On ne peut pas dissocier l’œuvre, ce qu’en dit son auteur et, dans une moindre mesure, la critique. Si je ne suis pas allé voir La graine, c’est avant tout parce que je n’ai pas aimé la façon dont M. Kéchiche a parlé de son film, ni d’ailleurs du précédent (L’esquive, déjà César du meilleur film en 2005). Je sais bien que souvent, les interviews de metteurs en scène relèvent de la figure imposée, et que les artistes souhaitent être jugés sur pièce, un point , c’est tout. Rien de plus simple : il leur suffit de ne pas donner d’interview. C’est ce que font généralement des gens aussi dissemblables que Chris Marker ou les frères Wachowski (Matrix).

Abdellatif Kechiche, lui, accorde beaucoup d’interviews, et pour y redire toujours la même chose . Il ne fait pas du cinéma à message : « Je déteste que ce qui ressemble à du discours s’infiltre dans un film. Je revendique le droit à la banalité. Je trouve qu’on en dit plus en aimant ses personnages qu’en se situant dans la dénonciation. » (Première, décembre 2007) Ni a fortiori du cinéma ethnique : « La Graine et le Mulet relève avant tout de la fiction. Le clan que j’y montre pourrait tout à fait se retrouver chez Bergman ou ailleurs. Il a, au fond, quelque chose de très universel. » (Première, décembre 2007)

Le problème, c’est qu’à chaque entretien, il explique simultanément le contraire : « J’ai sûrement envie d’éduquer le regard du spectateur. Et en particulier son regard sur cette jeunesse. En tout cas sinon de l’éduquer, qui est un grand mot, du moins de le modifier. » (Les Inrocks, avril 2004) Ou encore : « Quand on voit toutes les humiliations par lesquelles passe Slimane en allant dans ces centres administratifs, qui sont des symboles (la banque, la mairie, les services de l’hygiène), c’est qu’il y a un malaise. On le dit d’ailleurs à plusieurs reprises dans le film : Slimane cherche pour son restaurant une place sur le Quai de la République. » (Allociné.fr, septembre 2007) Ou encore encore : »Par réaction à l’image caricaturale véhiculée par les médias de la femme arabe, soumise, silencieuse et voilée, j’essaie de rétablir une réalité. » (Première, décembre 2007) Mais je vous ai gardé le meilleur pour la fin : « La Graine et le Mulet, avec ses quatre couples mixtes, la chaleur et la sensualité de ses rapports affectifs et son regard porté sur l’inégalité des chances, trace aussi un portrait de la France. » (Première, décembre 2007)

J’adore. On croirait une déclaration d’intention des producteurs de Plus belle la vie, le térébrant soap « sociétal » de France 3. Mais revenons à notre mulet… Toutes les interviews d’AK relèvent du double langage systématique. L’auteur se réclame d’un cinéma « non-engagé » pour aussitôt nous asséner les pires poncifs de l’idéologie victimaire. Conclusion : M. Kechiche semble avoir à peu près autant à me dire sur l’immigration que Mme Ferran, César 2007 pour Lady Chatterley, sur la lutte des classes et le désir hétérosexuel – donc son film est dispensable.

Au vu du palmarès des Césars 2008, cette opinion n’est guère partagée. Certes c’est peut-être uniquement le filmage et l’écriture de Kéchiche – qu’on soupçonne prodigieux – que ses pairs ont tenu à honorer pour la deuxième fois. Mais ce n’est pas vraiment ce que suggèrent les commentaires émus des JT du lendemain. Pour tout dire, je pense que c’est bel et bien le manifeste victimaire que la profession a voulu récompenser, comme elle l’avait fait avec La Haine (César du meilleur film 1996) ou Indigènes (César du meilleur scénario original 2007 [1. Je pense aussi que – même si l’on ne parle plus d’immigrés, mais de pauvres – le même engouement de dames patronnesses n’est pas étranger aux triomphes répétés des abominables frères Dardenne à Cannes.].) Et n’allez pas me demander des preuves, j’ai dit « je pense », et pas « je sais ». Cela dit, essayez donc de me prouver le contraire.

En vérité, je n’ai pas vu non plus la remise des Césars, si ce n’est le premier quart d’heure, avant de rendre les armes devant les commentaires du maître de cérémonie Antoine de Caunes, si nuls et mal dits qu’on aurait pu les croire écrits sans nègre et déclamés sans prompteur…

L’an dernier, Valérie Lemercier, d’ordinaire aussi pétillante que de Caunes est plat nous avait gratifiés d’une piètre prestation de maîtresse cérémonieuse. Les Césars seraient-ils ontologiquement médiocres ? Disons juste qu’ils évoquent une docu-fiction qui aurait été écrite par Nicolas Baverez pour illustrer, un peu lourdement, ses sombres thèses déclinistes.

Je suis injuste ? Non, ce sont les Césars qui sont injustes ! N’ont-ils pas systématiquement ignoré, par exemple, l’œuvre de Malik Chibane dont la savoureuse « Trilogie urbaine » (Hexagone, Douce France, Voisins, Voisines) vient de sortir en DVD ? Et pour quelle raison sinon parce que le malotru a cru pouvoir envoyer aux pelotes le victimisme dominant : « Il faut relativiser nos problèmes à l’échelle planétaire – vendre des oignons au Bangladesh, c’est plus grave que d’être enfant d’immigrés en France. » (Les Inrocks, avril 2007)

Il a même aggravé son cas en pointant le mépris de classe qui règne dans sa profession : « Il existe une population, une classe sociale, que, fondamentalement, on n’aime pas, qu’on ne reconnaît pas et avec laquelle on n’a aucun lien, ou très lointain. On ne reconnaît pas l’environnement dans lequel elle évolue et l’approche est de l’ordre de la mendicité, de l’entraide, de la solidarité. C’est un retour au XIXe siècle ! » (Revue Mouvements, premier trimestre 2004)

Faut-il le préciser ? Sans même parler d’une nomination aux Césars jamais un film de Chibane n’a été ne serait-ce que sélectionné pour Cannes, Venise, Berlin, Locarno et autre lieux .

Je pense aussi à l’excellent Travail d’Arabe de Christian Philibert, qui raconte, sur un ton épique mais badin, les mille misères que Momo, micro-délinquant beur, rencontre pour se réinsérer à sa sortie de prison. Là non plus, ni nominations, ni sélection aux Festivals. Rien qu’un communiqué tonitruant du MRAP : « L’affichage de ce cliché raciste sur des affiches de cinéma ne peut que contribuer à légitimer et banaliser l’expression du racisme… » On s’en doute, une telle fatwa ne pouvait qu’être fatale à ce film à petit budget. Aujourd’hui, quatre ans après les faits, Travail d’Arabe figure dans la liste de dix films français anti-racistes recommandés par le MRAP. Mieux vaut trop tard que jamais…

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Où l’on apprend que Philippe Cohen déprime chaque semaine devant la liste des meilleures ventes, que Teresa Cremisi pense que les lecteurs et n’ont jamais été aussi intelligents, que – surprise! – Elisabeth ne partage pas entièrement cet optimisme…et que Montaigne vous protège, même si vous ne le lisez pas.

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Le président aux œufs d’or

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Editrice de Yasmina Reza et d’Anna Bitton, Teresa Cremisi n’est pas donc pas une déçue du sarkozysme. Augustin Scalbert s’intéresse au procès intenté par Cécilia – qui tous comptes faits, effraie moins l’éditrice que le procès en pipolisation intenté par… devinez qui ?

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Térésa, elle en a !

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On ne présente plus le PDG de Flammarion. Enfin si, on la présente quand même et c’est Philippe Cohen qui s’en charge. Teresa Crémisi, trouve que le portrait qu’il fait d’elle ne lui ressemble pas. Cohen-Picasso, même combat ?

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La culture de la médiocrité morale

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Historien des religions, professeur à l’université de Tel Aviv, Aviad Kleinberg est un spécialiste internationalement reconnu du christianisme médiéval – et une voix singulière en Israël. Dans Péchés Capitaux (Seuil), il explore avec drôlerie et gravité les bas-fonds de l’âme humaine.

Le péché inaugure l’Histoire. Il est au cœur de la conception biblique du monde. Est-il identique dans le judaïsme et le christianisme ?
Judaïsme et christianisme sont des monstres conceptuels qui n’existent que dans l’esprit des intellectuels et de ceux qui les prennent au sérieux. Il existe plusieurs judaïsmes, tout comme il y a plusieurs christianités. Ceci étant, des différences notables séparent les deux traditions qui forment cette étrange invention occidentale qu’est la culture judéo-chrétienne. Pour le plus optimiste des chrétiens, le péché est le Destructeur, l’Eris qui rivalise avec Eros, la version originale du dieu d’amour, l’Unificateur et le Créateur. Le péché a non seulement affaibli les aptitudes morales de l’être humain, mais il a de surcroît redessiné le cosmos en obligeant Dieu à créer l’enfer et le purgatoire. Le péché a même poussé Dieu à briser le tabou métaphysique essentiel en se faisant chair, au prix d’un mélange scandaleux entre l’humain et le divin. Enlevez le péché et le christianisme perd tout son sens.

Alors que le judaïsme pourrait s’en passer ?
Pour le plus pessimiste des juifs, le péché n’est pas une force cosmique du mal, mais une rupture du contrat. Le judaïsme s’en tient en effet à une conception contractuelle de la relation entre Dieu et ses créatures, à commencer par son peuple élu. Ce contrat (au sens strict « l’alliance » mais, plus largement, « la marche du monde ») lie les deux parties; la justice est au-dessus de Dieu et peut lui être opposée. Le contrat chrétien, s’il a jamais existé, a été mis en pièce par la Chute. La rédemption est au-dessus et au-delà de la justice. La grâce est donnée pour rien – gratia gratis data.

Cette approche différente du péché reflète donc le primat du respect de la Loi pour les juifs, de la foi pour les chrétiens ?
Pour les juifs, seuls les actes constituent des ruptures de contrat. Ils s’intéressent peu à la pureté des motivations. D’un point de vue juif, des normes morales que personne ne peut respecter n’ont aucun sens. A l’inverse, conformément à l’enseignement de Saint Paul, les chrétiens ne se fient pas à « l’œuvre » : « à celui qui ne fait point d’oeuvre, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi lui est imputée à justice ». Ils se voient comme pécheurs par définition, incapables de faire le bien stricto sensu mais, dès lors qu’ils peuvent avoir la Foi, l’Espérance et l’Amour, ils sont attentifs aux processus psychologiques.

Traversons les siècles. « Vivre sans temps morts et jouir sans entraves », proclamaient les étudiants en mai 68. Peut-on jouir sans entraves ? Le désir peut-il exister sans interdits ?
Je ne crois pas. Pour la bonne raison que l’homme est un animal social. En dehors de la Cité, dit Aristote dans La Politique, on ne trouve que des dieux et des bêtes. Nous ne sommes ni l’un ni l’autre. La Cité, la société humaine, n’est pas faite de briques et de ciments mais de lois et règlements, en somme de chaînes. On devient humain en comprenant qu’il faut renoncer à certains plaisirs pour éviter la sanction (principe de réalité); on devient moral lorsqu’on intériorise les règles (en développant un surmoi) et qu’on les considère comme ses propres obligations. En résumé, être humain au sens plein du terme suppose d’accepter des limites. Bien entendu, cela ne signifie pas que nous ne désirons pas ce qui est interdit – au contraire cela nous arrive très souvent. Mais nous nous imposons des limites, nous sublimons et admettons comme un état normal la tension intérieure entre le désirable et le licite. Les étudiants de 1968 ne cherchaient pas à créer une société sans règles dans laquelle le désir aurait pu se donner libre cours. La plupart étaient des fils et filles à leur maman qui ne voulaient qu’une chose: devenir bourgeois le plus vite possible. C’est des entraves de leurs parents qu’ils entendaient se délivrer. Ils voulaient créer leur propre prison sociale. Et bien sûr, ils y sont parvenus. L’émergence de la morale politiquement correcte, qui est aussi moralisatrice et dégoulinante de bonne conscience que la vieille morale, révèle le caractère essentiellement conservateur de la révolution étudiante.

Et si, en 1968, on avait simplement raté le coche ? Une société sans surmoi (dans laquelle il serait « interdit d’interdire ») est-elle inconcevable ?
Je ne pense pas qu’une telle société soit possible – ou désirable. Même Thélème, la communauté utopique de Rabelais, exige que ses membres soient préalablement conditionnés par une éducation adaptée.

Penseriez-vous, comme Maurras, que la religion garantit l’ordre social ?
Il s’agit de savoir si, sans la croyance en un super-policier ou en un Dieu doté de rayons X moraux pour voir à travers les murs et d’un enfer pour régler ses comptes, on peut espérer un comportement moral des gens. C’est une vieille question. Dieu a souvent été le gendarme avec lequel on faisait peur aux petits enfants (« si tu n’es pas sage… »). Des générations de rabbins, hommes d’église et mollahs nous ont raconté que sans Dieu, le chaos moral règnerait. Pour moi, la peur ne peut pas être le fondement de l’éthique. Nous devons nous garder du mal non pas par peur du châtiment, mais parce que c’est le mal et qu’il contrecarre celui que nous voulons être. Ce comportement exige un entraînement moral incessant – l’askesis des Stoïciens. Lequel suppose une société sûre de ses valeurs dans laquelle les enfants sont éduqués à la responsabilité morale – aux devoirs et non aux seuls droits.

Oui, mais les droits priment désormais sur les devoirs. Chacun est encouragé à se comporter comme un créancier par rapport à la collectivité. La morale pourrait-elle être remplacée par une sorte de contrat minimal entre membres d’une société ?
Le triomphe des droits ne traduit pas seulement un affaiblissement de notre fibre morale. Il est conssubstantiel à l’idéologie du Marché. Pour l’utopie libérale, le seul objectif qui vaille est la quête du bonheur, défini par la consommation de biens marchands. Tout ce qui s’oppose à cette activité sacrée (qui, grâce à la « main invisible », bénéficie à l’ensemble de la communauté) doit être éliminé. Laissez faire! Laissez passer! Tant que vous n’interférez pas avec le plaisir d’autrui, faites tout ce qui vous chante. Dans un monde « idéal », les seules différences qui persisteront seront les différences de « goûts » (tu aimes Adidas et moi Nike). D’ores et déjà, nos produits, nos vies, et même nos passions, sont standardisés. Dans ces conditions, un système moral fondé sur l’intériorisation de la contrainte ne peut qu’aboutir à des frondes. Les gens prêts à payer le prix fort pour le respect de leurs valeurs sont des consommateurs politiques avertis et soupçonneux. Ils ont tendance à examiner sous toutes les coutures les produits qui leur sont proposés. Mais notre culture a besoin de consommateurs passifs, politiquement et moralement indifférents. Orwell s’est trompé: 1984 est passé et nous ne voyons rien qui ressemble à son enfer stalinien. En revanche, nous nous rapprochons un peu plus chaque jour du Meilleur des Mondes d’Huxley. Faut-il le déplorer? Difficile à dire. Si on est attaché à la liberté, la réponse est oui.

Nous voilà bien avancés : Dieu est mort, toute figure « surmoïque » est récusée et l’éthique de responsabilité n’est pas très tendance. Dans ces conditions, sur quoi peut-on fonder aujourd’hui une morale ? Qui est le « témoin » de nos péchés ?
J’ai déjà essayé de répondre mais j’admets que c’est là le point faible de tout système moral. L’emprise de nos passions est telle que nous avons du mal à croire que nous pourrions nous passer d’un « super-surveillant général ». Encore une fois, je crois en l’éducation à l’éthique de responsabilité. Cela dit, l’apprentissage de la morale ne peut intervenir que dans une société sûre de ses valeurs et de son droit à les imposer.

Le péché engendre la culpabilité mais aussi la honte. Or, à l’âge des prides, ce n’est pas un affect très apprécié en Occident aujourd’hui. Que pensez-vous de cette « fierté » revendiquée ?
Les anthropologues distinguent les sociétés de la honte – où le pire châtiment des contrevenants est le mépris de leurs pairs – et les sociétés de la culpabilité – où le surmoi joue pour chacun le rôle du coryphée grec de la tragédie. C’est un peu simpliste. Chaque société est une combinaison des deux formules. Même quand elle est profondément intériorisée, la morale résulte d’un effort collectif. Elle suppose une attention à l’opinion des autres –du moins des autres qui comptent. La nouvelle fierté – gay, noire, juive – vise à convaincre les autres qu’on méprise leur mépris, autrement dit à retourner l’hostilité, à la reprendre à son compte (ton injure sera mon nom). Nous sommes là au cœur du conflit entre l’intériorité (ce que nous ressentons) et l’extériorité (ce que disent les gens). Et voilà que, au terme d’un long combat contre la culpabilité, nous avons recréé une culture de la honte. Nous sommes plus attentifs au qu’en dira-t-on (ce n’est vraiment pas chic d’être macho) qu’à la voix intérieure qui pourrait nous entraîner dans un conflit avec la société. Nous renonçons à atteindre l’excellence morale. Notre culture croit à la médiocrité morale.

Si le péché n’est plus défini par la loi divine, existe-t-il une valeur morale universelle et immuable, valable en tout temps et en tout lieu ?
Non. Peut-être pensez-vous que le fait de ne pas faire de tort à son prochain est une valeur universelle mais c’est faux. La plupart des sociétés admettent tant d’exceptions à cette règle qu’un touriste éthique ferait mieux de ne pas se fier à elle. La seule valeur « universelle » est qu’il est interdit de me faire du mal. Malheureusement, elle est incompatible avec votre propre valeur « universelle » – il est interdit de vous faire du mal.

Quel est, pour vous, le péché capital de l’époque ?
Délivrés de la culpabilité, nous ne considérons plus le corps et la matière comme les ennemis de nos âmes. En dépit de notre hédonisme et de notre narcissisme, nous prétendons être aussi moraux, voire plus. Bref, nous voulons la même chose pour moins cher, ce qui révèle le vice que je trouve le plus exaspérant aujourd’hui en Occident – la bonne conscience. Nous sommes très contents de nous. Trop contents.

Propos recueillis par Elisabeth Lévy.

Histoires de saints: Leur rôle dans la formation de l'Occident

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Les élèves doivent-ils noter les profs ?

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Les tatas flingueuses. David Abiker le sait : les femmes sont bavardes. Il n’a donc pas jugé nécessaire de fournir à Elisabeth Lévy de Causeur, Bénédicte Charles de Marianne et de Virginie Roels de bakchich, un invité à cuisiner. « L’invitée, c’est l’actu », a annoncé notre hôte. Emission enregistrée le vendredi 7 mars.

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Les déboires de Cotillard

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Les tatas flingueuses. David Abiker le sait : les femmes sont bavardes. Il n’a donc pas jugé nécessaire de fournir à Elisabeth Lévy de Causeur, Bénédicte Charles de Marianne et de Virginie Roels de bakchich, un invité à cuisiner. « L’invitée, c’est l’actu », a annoncé notre hôte. Emission enregistrée le vendredi 7 mars.

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Parisot et le magot

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Les tatas flingueuses. David Abiker le sait : les femmes sont bavardes. Il n’a donc pas jugé nécessaire de fournir à Elisabeth Lévy de Causeur, Bénédicte Charles de Marianne et de Virginie Roels de bakchich, un invité à cuisiner. « L’invitée, c’est l’actu », a annoncé notre hôte. Emission enregistrée le vendredi 7 mars.

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Parlons Net

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C’est un studio où on cause. Chaque semaine sous la houlette de David Abiker, l’homme du web sur France Info, des chroniqueurs de la presse internet décortiquent l’actualité, avec ou sans invité. L’image est foutraque, le son décalé, c’est la « couleur » internet : un petit air expérimental, presque underground.

Philippe Cohen dont le cerveau fécond a inventé cette émission et David Abiker, ont eu la bonne idée d’associer Causeur qui se retrouve en compagnie de Marianne2, rue89, Arrêt sur Images, lefigaro.fr et Bakchich. Regardez.

Les tatas flingueuses. David Abiker le sait : les femmes sont bavardes. Il n’a donc pas jugé nécessaire de nous fournir un invité à cuisiner. « L’invitée, c’est l’actu », a annoncé notre hôte. C’est donc avec Bénédicte Charles de Marianne et de Virginie Roels de Bakchich que nous avons devisé de choses vraiment importantes comme :

Les déboires de Marion Cotillard Fallait-il publier ? Fallait-il taire ? Pouvait-on cacher au monde entier que notre nouvelle star n’a pas la tête politique ?

Parisot et le magot Opération mains propres au Medef. Parisot est-elle crédible en Zorro ?

Les élèves doivent-ils noter les profs ? Evidemment. Et les enfants, leurs parents. On n’a pas fini de rigoler.

Au fait, un affreux doute m’étreint. Ce plateau de filles était-il destiné à célébrer l’internationale Journée de la femme ? Le monstre.

La France maniaco-dépressive

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Contrairement à ce que pense notre confrère Marianne,ce n’est pas Lui, mais nous qui souffrons de troubles mentaux. Car l’enthousiasme soulevé hier par la victoire de Sarkozy était aussi démesuré que l’est aujourd’hui son désaveu généralisé. Le désenchantement actuel suppose un enchantement, performance dont on croyait la politique incapable depuis la fin des idéologies. Si, comme on a coutume de le dire, les Français sont de plus en plus méfiants vis-à-vis de la politique, s’ils la croient de moins en moins capable d’agir sur la réalité et, en conséquence, d’être porteuse d’espoir, pourquoi espèrent-ils encore après chaque élection et pourquoi sombrent-ils si vite dans l’amertume ?

Peut-on sérieusement espérer qu’en six mois et par la seule grâce d’un nouveau pouvoir élyséen, les salaires augmenteront aussi rapidement que les prix chuteront ? Et si quelqu’un arrive à nous le faire avaler, notre crédulité nous absoudra-t-elle de toute culpabilité ? La politique menée par l’actuel gouvernement est peut-être bel et bien erronée mais en attendre des résultats avec autant d’impatience pour, au bout de quelque mois, en stigmatiser l’échec absolu ne peut qu’engendrer et alimenter la frustration et le ressentiment. Une fois de plus, on s’est foutu de nous !

Nous voulons du sens, pas seulement des indices et des courbes – tel est le souhait que semblait exprimer l’électorat français pendant la campagne présidentielle. Eh bien, nous l’avons eue, cette politique. Une personne sensée pouvait-elle croire qu’on peut générer « du sens » sans se heurter aux plus vives résistances, sans soulever de tempête ? Par quel miracle un homme pourrait-il proposer « du sens » et être immédiatement applaudi par tout le monde ? Nous avons appelé de nos vœux un chef politique qui apporte du « sens » et nous n’attendons pas six mois pour le lui renvoyer au visage. « Touche pas à ma laïcité », « politique de civilisation ? un ridicule plagiat ! » Pourtant je crois me souvenir qu’il y une année à peine les citoyens de ce pays – et ceux qui étaient tentés par le Ségolénisme aussi – voulaient justement que leur prochain président « touche » à ces sujets.

La politique, paraît-il, a remplacé en France la religion – elle est désormais l’unique dépositaire des lendemains qui chantent. Raison pour laquelle on continue de faire de la politique religieusement, Marcel Gauchet a dit l’essentiel sur la question. La révolution ou rien, voilà ce que semble vouloir le Français, « gauche » et « droite » confondues.

Chaque camp, chaque clan, rêve d’une intervention spectaculaire, rapide et émouvante qui change tout : le plein emploi, des émissions culturelles en prime time sur chaque chaîne, de même que l’expulsion de tous les immigrés ou la fermeture des centrales nucléaires, le redressement des compte de la Sécu, le respect des personnes âgées. Comment définir ce genre d’événements révolutionnaires, sinon comme des miracles laïques ?

Ce « révolutionnisme » ne peut que créer des attentes irréalistes et des faux espoirs qui conduisent à une inéluctable déception. Ce cycle infernal de l’émotion est une mine inépuisable pour des médias qui prospèrent sur l’affect. Au cycle politico-psychologique euphorie-déception correspond le cycle médiatique admiration-détrestation-victimisation (pour Sarkozy, la troisième phase n’a pas encore commencé). Tout cela n’a pas grand-chose à voir avec la politique, entendue comme l’affrontement de projets, et beaucoup à voir avec l’hystérie. Alors, qui donc est le fou ?

La Graine et le navet

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Autant vous prévenir tout de suite, je n’ai pas vu La graine et le mulet. J’aimerais donc n’avoir rien à en dire. Pas si simple.

Pour moi, un film est un ensemble ; particulièrement quand il est à caractère « social ». On ne peut pas dissocier l’œuvre, ce qu’en dit son auteur et, dans une moindre mesure, la critique. Si je ne suis pas allé voir La graine, c’est avant tout parce que je n’ai pas aimé la façon dont M. Kéchiche a parlé de son film, ni d’ailleurs du précédent (L’esquive, déjà César du meilleur film en 2005). Je sais bien que souvent, les interviews de metteurs en scène relèvent de la figure imposée, et que les artistes souhaitent être jugés sur pièce, un point , c’est tout. Rien de plus simple : il leur suffit de ne pas donner d’interview. C’est ce que font généralement des gens aussi dissemblables que Chris Marker ou les frères Wachowski (Matrix).

Abdellatif Kechiche, lui, accorde beaucoup d’interviews, et pour y redire toujours la même chose . Il ne fait pas du cinéma à message : « Je déteste que ce qui ressemble à du discours s’infiltre dans un film. Je revendique le droit à la banalité. Je trouve qu’on en dit plus en aimant ses personnages qu’en se situant dans la dénonciation. » (Première, décembre 2007) Ni a fortiori du cinéma ethnique : « La Graine et le Mulet relève avant tout de la fiction. Le clan que j’y montre pourrait tout à fait se retrouver chez Bergman ou ailleurs. Il a, au fond, quelque chose de très universel. » (Première, décembre 2007)

Le problème, c’est qu’à chaque entretien, il explique simultanément le contraire : « J’ai sûrement envie d’éduquer le regard du spectateur. Et en particulier son regard sur cette jeunesse. En tout cas sinon de l’éduquer, qui est un grand mot, du moins de le modifier. » (Les Inrocks, avril 2004) Ou encore : « Quand on voit toutes les humiliations par lesquelles passe Slimane en allant dans ces centres administratifs, qui sont des symboles (la banque, la mairie, les services de l’hygiène), c’est qu’il y a un malaise. On le dit d’ailleurs à plusieurs reprises dans le film : Slimane cherche pour son restaurant une place sur le Quai de la République. » (Allociné.fr, septembre 2007) Ou encore encore : »Par réaction à l’image caricaturale véhiculée par les médias de la femme arabe, soumise, silencieuse et voilée, j’essaie de rétablir une réalité. » (Première, décembre 2007) Mais je vous ai gardé le meilleur pour la fin : « La Graine et le Mulet, avec ses quatre couples mixtes, la chaleur et la sensualité de ses rapports affectifs et son regard porté sur l’inégalité des chances, trace aussi un portrait de la France. » (Première, décembre 2007)

J’adore. On croirait une déclaration d’intention des producteurs de Plus belle la vie, le térébrant soap « sociétal » de France 3. Mais revenons à notre mulet… Toutes les interviews d’AK relèvent du double langage systématique. L’auteur se réclame d’un cinéma « non-engagé » pour aussitôt nous asséner les pires poncifs de l’idéologie victimaire. Conclusion : M. Kechiche semble avoir à peu près autant à me dire sur l’immigration que Mme Ferran, César 2007 pour Lady Chatterley, sur la lutte des classes et le désir hétérosexuel – donc son film est dispensable.

Au vu du palmarès des Césars 2008, cette opinion n’est guère partagée. Certes c’est peut-être uniquement le filmage et l’écriture de Kéchiche – qu’on soupçonne prodigieux – que ses pairs ont tenu à honorer pour la deuxième fois. Mais ce n’est pas vraiment ce que suggèrent les commentaires émus des JT du lendemain. Pour tout dire, je pense que c’est bel et bien le manifeste victimaire que la profession a voulu récompenser, comme elle l’avait fait avec La Haine (César du meilleur film 1996) ou Indigènes (César du meilleur scénario original 2007 [1. Je pense aussi que – même si l’on ne parle plus d’immigrés, mais de pauvres – le même engouement de dames patronnesses n’est pas étranger aux triomphes répétés des abominables frères Dardenne à Cannes.].) Et n’allez pas me demander des preuves, j’ai dit « je pense », et pas « je sais ». Cela dit, essayez donc de me prouver le contraire.

En vérité, je n’ai pas vu non plus la remise des Césars, si ce n’est le premier quart d’heure, avant de rendre les armes devant les commentaires du maître de cérémonie Antoine de Caunes, si nuls et mal dits qu’on aurait pu les croire écrits sans nègre et déclamés sans prompteur…

L’an dernier, Valérie Lemercier, d’ordinaire aussi pétillante que de Caunes est plat nous avait gratifiés d’une piètre prestation de maîtresse cérémonieuse. Les Césars seraient-ils ontologiquement médiocres ? Disons juste qu’ils évoquent une docu-fiction qui aurait été écrite par Nicolas Baverez pour illustrer, un peu lourdement, ses sombres thèses déclinistes.

Je suis injuste ? Non, ce sont les Césars qui sont injustes ! N’ont-ils pas systématiquement ignoré, par exemple, l’œuvre de Malik Chibane dont la savoureuse « Trilogie urbaine » (Hexagone, Douce France, Voisins, Voisines) vient de sortir en DVD ? Et pour quelle raison sinon parce que le malotru a cru pouvoir envoyer aux pelotes le victimisme dominant : « Il faut relativiser nos problèmes à l’échelle planétaire – vendre des oignons au Bangladesh, c’est plus grave que d’être enfant d’immigrés en France. » (Les Inrocks, avril 2007)

Il a même aggravé son cas en pointant le mépris de classe qui règne dans sa profession : « Il existe une population, une classe sociale, que, fondamentalement, on n’aime pas, qu’on ne reconnaît pas et avec laquelle on n’a aucun lien, ou très lointain. On ne reconnaît pas l’environnement dans lequel elle évolue et l’approche est de l’ordre de la mendicité, de l’entraide, de la solidarité. C’est un retour au XIXe siècle ! » (Revue Mouvements, premier trimestre 2004)

Faut-il le préciser ? Sans même parler d’une nomination aux Césars jamais un film de Chibane n’a été ne serait-ce que sélectionné pour Cannes, Venise, Berlin, Locarno et autre lieux .

Je pense aussi à l’excellent Travail d’Arabe de Christian Philibert, qui raconte, sur un ton épique mais badin, les mille misères que Momo, micro-délinquant beur, rencontre pour se réinsérer à sa sortie de prison. Là non plus, ni nominations, ni sélection aux Festivals. Rien qu’un communiqué tonitruant du MRAP : « L’affichage de ce cliché raciste sur des affiches de cinéma ne peut que contribuer à légitimer et banaliser l’expression du racisme… » On s’en doute, une telle fatwa ne pouvait qu’être fatale à ce film à petit budget. Aujourd’hui, quatre ans après les faits, Travail d’Arabe figure dans la liste de dix films français anti-racistes recommandés par le MRAP. Mieux vaut trop tard que jamais…

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